Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. De toute évidence, qu’une personne se soit déjà soustraite à une mesure d’éloignement prouve l’existence d’un risque réel de fuite, ce qui justifie pleinement son placement en rétention. Avis défavorable.

Mme Josiane Costes. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Remplacer les mots :

maintenir sur le territoire français

par les mots :

soustraire à la détermination de l’État responsable de sa demande d’asile

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Cet amendement, du même ordre que le précédent, vise à mieux distinguer les mesures relatives à l’éloignement des étrangers que l’on appelle parfois les migrants économiques des spécificités relatives aux demandeurs d’asile.

Cette proposition s’inscrit dans une réflexion plus générale sur l’organisation des dispositions du CESEDA. À long terme, il nous semblerait en effet utile de s’appliquer à mieux distinguer dans ce code ces deux catégories d’étrangers, afin que les agents mettent eux-mêmes en pratique cette distinction sur le terrain.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement vise à modifier la définition de l’un des critères du risque non négligeable de fuite : la dissimulation aux fins de se maintenir sur le territoire français serait remplacée par la dissimulation aux fins de se soustraire à la détermination de l’État responsable de la demande d’asile.

Je préfère naturellement la rédaction prévue par la commission des lois, qui permet d’agir surtout contre des personnes ayant recours à plusieurs procédures dilatoires afin d’éviter leur transfert et leur éloignement.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons.

Mme Josiane Costes. Madame la présidente, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié est retiré.

L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après le mot :

étranger

insérer les mots :

, dont il est établi qu’il n’est pas victime d’un réseau de traite des êtres humains,

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. De notre point de vue, la lutte contre les réseaux de traite d’êtres humains constitue un objectif d’ordre public au moins équivalent à la lutte contre le vagabondage d’étrangers sur notre sol.

Pourtant, cette réalité des migrations contemporaines est largement sous-estimée dans le traitement actuel des demandes d’asile et de l’immigration illégale, comme nous l’avons récemment souligné dans le débat sur les mineurs non accompagnés.

Le règlement Dublin III est d’ailleurs muet sur ce point, à l’exception de son article 6, consacré aux garanties en faveur des mineurs.

L’article L. 744-6 du CESEDA, consacré à l’évaluation de la vulnérabilité par les agents de l’OFPRA, que j’ai cité précédemment, fait expressément référence à la traite des êtres humains.

Cet amendement a pour objectif de contraindre l’administration, dans ses démarches en présence de demandeurs d’asile, à mieux prendre en compte cette réalité, dès le premier stade de la procédure.

En effet, l’existence de réseaux de passeurs contribue incontestablement à accroître la mobilité des demandeurs d’asile dans l’Union européenne, les premiers distillant des informations erronées susceptibles de causer préjudice aux seconds. Ces réseaux encouragent également les demandeurs d’asile comme les migrants économiques à franchir les frontières illégalement plutôt qu’à recourir aux dispositifs légaux existants, tels que les visas humanitaires.

La lutte contre la traite des êtres humains par des réseaux de passeurs devrait donc devenir une priorité en France et dans l’Union européenne !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je suis quelque peu embarrassé : à vrai dire, je préférerais que Mme Costes retire son amendement. Si l’objectif de notre collègue est juste et louable, ce qu’elle propose, la loi le prévoit déjà ; ses intentions sont donc satisfaites.

En effet, l’article 1er de la proposition de loi impose déjà de prendre en compte la vulnérabilité des migrants sous statut Dublin avant toute décision de placement en rétention et pendant leur maintien en rétention – il s’agit respectivement des alinéas 4 et 21.

De plus, le texte prévoit déjà expressément que l’absence de document d’identité ou de voyage en cours de validité ne pourra constituer, à elle seule, un risque de fuite ni justifier un placement en rétention.

De façon plus générale, je rappelle que l’article L. 316-1 du CESEDA permet d’octroyer aux personnes portant plainte pour des faits de traite un titre de séjour automatiquement renouvelé pendant toute la durée de la procédure pénale ; il s’agit d’une avancée des derniers textes sur l’asile – plus précisément, je crois, de celui de 2015 –, que nous avions soutenue au Sénat.

Enfin, les articles 225-4-1 à 225-4-9 du code pénal prévoient des peines allant jusqu’à vingt ans d’emprisonnement et 3 millions d’euros d’amende en cas de traite des êtres humains.

Je pense donc vraiment, ma chère collègue, que vos intentions sont satisfaites. En retirant votre amendement, vous me dispenseriez d’avoir à émettre un avis défavorable…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Je précise à Mme Costes que le Gouvernement lutte avec beaucoup de fermeté contre les réseaux de passeurs : nous avons démantelé l’année dernière trois cents réseaux, dont cinquante avec connexions internationales, et arrêté leurs membres.

Lors de la présentation du projet de loi sur l’asile et l’immigration, je vous montrerai l’ensemble des procédés de fraude utilisés par les passeurs, et vous verrez que leur imagination est infinie – et parfois extrêmement cruelle.

Je sollicite le retrait de l’amendement ; j’y serai défavorable s’il est maintenu.

Mme la présidente. Madame Costes, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?

Mme Josiane Costes. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

L’amendement n° 12 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. De mon point de vue, le critère f) est complètement hypocrite, puisqu’il permet le placement en rétention de demandeurs d’asile sans solution de logement, donc auxquels aucun logement n’a été proposé, contrairement à ce que prévoit le critère suivant, le critère g).

Cet amendement vise à souligner l’absurdité d’une disposition qui aurait pour effet d’encourager la création de nouvelles places en centres de rétention administrative plutôt que des places d’hébergement normales.

Je considère au contraire que l’augmentation des capacités des centres d’hébergement doit rester la priorité, ne serait-ce que pour pouvoir localiser au mieux les personnes ayant formulé une demande d’asile, ce qui n’est d’ailleurs pas contraire à la volonté du Gouvernement de recourir à des assignations à résidence en vue d’un transfert. Ce serait respectueux de l’honneur des Français !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement a pour objet de supprimer un critère de placement en rétention adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement. (M. le ministre dÉtat opine.)

Ce critère est important : il vise le cas des étrangers qui n’engagent pas une procédure de demande d’asile et ne sont donc pas éligibles au programme d’hébergement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, mais se maintiennent sur le territoire national alors même qu’ils ont déposé une demande d’asile dans un autre État.

Soyons clairs : les préfectures doivent pouvoir placer ces personnes en rétention si elles ne justifient pas d’un lieu de résidence effective ou permanente.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Madame Costes, je vous signale que, sous l’influence extrêmement positive de mon collègue Jacques Mézard, le nombre de places en hébergement d’urgence est passé en un an de 128 000 à 143 000, soit une augmentation de 15 000 places. Depuis 2012, ce nombre a été multiplié par deux. Vous voyez donc que le Gouvernement, sous la houlette de mon collègue, fait des efforts absolument extraordinaires. (Mme Éliane Assassi sexclame.)

L’alinéa 12, quant à lui, est tout à fait nécessaire. Je suis donc défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je rappelle à notre rapporteur qu’il ne s’agit pas d’énumérer des critères de mise en rétention potentielle, mais de définir le risque de fuite, ce qui est très différent.

Ne pas avoir d’hébergement indique-t-il un risque de fuite ? Évidemment, non : cela n’a rien à voir !

Peut-être est-il en effet plus difficile de savoir où la personne habite si elle n’a pas d’hébergement, mais cela ne constitue pas en soi un risque de fuite. Tout de même, il faut raison garder !

Le règlement Dublin ne vous demande pas de déterminer les conditions auxquelles on peut placer en rétention une personne relevant de ce règlement ; il vous demande, le cas échéant, de définir les risques de fuite. Or, je le répète, le fait de ne pas avoir d’hébergement ne constitue pas un risque de fuite objectif. Cela n’a rien à voir !

Bien entendu, si l’on comprend les choses, on ne peut que voter l’amendement de notre collègue.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je crois que le précédent orateur n’a pas une vision complète de la réalité. (Mme Éliane Assassi sexclame.)

Le système dans le cadre duquel une personne est prise en charge à son entrée sur le territoire français commence par un hébergement. En sorte que les personnes dont nous parlons sont des personnes qui, après être entrées dans un hébergement offert sous l’égide de l’État par un organisme conventionné, se sont soustraites à cet hébergement pour passer dans une situation où elles ne sont plus détectables. Telle est la réalité.

Cette situation est donc bien représentative d’un risque de fuite objectif.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Évidemment !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 25 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Rédiger ainsi cet alinéa :

« g) Si l’étranger, dont il est établi qu’il n’est pas la victime d’un réseau de traite des êtres humains a refusé le lieu d’hébergement proposé en application de l’article L. 744-7 et ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente, ou si l’étranger qui a accepté le lieu d’hébergement proposé a abandonné ce dernier sans motif légitime ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Comme l’amendement n° 9 rectifié, celui-ci vise à mieux prendre en compte la menace qui pèse sur certains demandeurs d’asile du fait de leur exposition à des réseaux de criminalité et à tenir compte de ce facteur en cas de disparition soudaine de certains d’entre eux : il peut s’agir pour eux d’échapper à l’exploitation de tels réseaux plutôt qu’à la décision de transfert vers l’État responsable de leur demande d’asile.

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer les mots :

sans qu’il ne justifie d’un motif légitime

par les mots :

sans motif légitime

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 25 rectifié, pour les raisons que j’ai déjà expliquées au sujet de l’amendement n° 9 rectifié.

En revanche, elle est favorable à l’amendement n° 13 rectifié, dont l’adoption permettra de mieux prendre en compte les motifs légitimes justifiant qu’un demandeur d’asile ait quitté son logement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié pour les raisons précédemment exposées, avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 13 rectifié.

Mme Josiane Costes. Je retire l’amendement n° 25 rectifié, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° 13 rectifié.

M. Jean-Yves Leconte. Nous voterons bien entendu cet amendement, mais je voudrais aussi réagir à l’évocation de ma supposée non-compréhension de la réalité. De mon côté, j’ai eu l’impression, en entendant l’exposé de M. Richard, qu’il avait une vision assez idyllique de la demande d’asile en France…

M. Alain Richard. C’est ce qui se passe en France aujourd’hui ! Je le vois dans ma propre commune !

M. Jean-Yves Leconte. Combien de temps avant d’obtenir un rendez-vous en préfecture ? Est-ce conforme au règlement européen ?

M. Alain Richard. L’hébergement se poursuit pendant ce temps-là !

M. Jean-Yves Leconte. Tous les demandeurs d’asile obtiennent-ils un hébergement dans la réalité ?

Mme la présidente. Mon cher collègue, il serait appréciable que votre explication de vote porte sur l’amendement en discussion…

M. Jean-Yves Leconte. Sans doute, madame la présidente, mais je tenais à souligner la réalité d’aujourd’hui. Ma vision n’est probablement pas complète, mais je ne puis pas accepter de me le faire reprocher par Alain Richard, dont la vision idyllique est, malheureusement, très éloignée de la réalité !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Requier et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

sans qu’il ne justifie d’un motif légitime

par les mots :

sans motif légitime

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Il s’agit, ici aussi, d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Suivant le même raisonnement que pour les amendements nos 8 rectifié et 10 rectifié, nous proposons ici de mieux distinguer les procédures applicables aux étrangers de droit commun de celles qui sont applicables aux demandeurs d’asile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’adoption de cet amendement supprimerait un critère de placement en rétention d’un migrant sous statut Dublin. Il concerne plus particulièrement les migrants qui se seraient soustraits aux contraintes d’une obligation de quitter le territoire national ou d’une assignation à résidence.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Le fait pour un étranger de ne pas respecter les obligations de son assignation à résidence est évidemment caractéristique d’une volonté de fuite. Autrement, il resterait là où il est assigné à résidence…

Avis défavorable.

Mme Josiane Costes. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié est retiré.

L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Costes, M. A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini et Mmes Jouve et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Après le mot :

explicitement

insérer les mots :

et spontanément

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Il s’agit d’un amendement de précision.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous sollicitions le retrait de cet amendement ; s’il est maintenu, nous y serons défavorables.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit la possibilité pour la préfecture de placer en rétention un étranger sous statut Dublin ayant explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer au règlement Dublin III. Les auteurs de l’amendement proposent d’ajouter l’adverbe « spontanément ». (M. Roger Karoutchi rit.) Convenez que c’est un peu imprécis…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Étonnamment « spontanément » : avis défavorable !

Mme Josiane Costes. Spontanément, je retire cet amendement ! (Sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié est retiré.

L’amendement n° 20 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° bis BA La première phrase de l’avant-dernier alinéa dudit article L. 551-1 est ainsi rédigée : « Dans les cas énumérés au présent III, la durée du placement en rétention est la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l’organisation du départ, et ne peut être supérieure à vingt-quatre heures, sauf cas prévus au 3°. » ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Comme nous le savons, la situation des mineurs étrangers sur notre sol est très préoccupante, y compris au sein de familles demandant l’asile.

Dans son rapport d’activité de 2016 – celui de 2017 n’ayant pas encore été publié –, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ou CGLPL, insistait sur l’augmentation de la population mineure en rétention : « Entre 2014 et 2015, le nombre des mineurs placés en rétention administrative avec leurs parents était passé de 45 à 105, ce qui représente une augmentation supérieure à 133 %. »

La situation est encore plus inquiétante dans les locaux de rétention administrative, les LRA. Comme le souligne l’article 3 de ce texte, les centres de rétention administrative sont des lieux où l’on croise des individus aux parcours très variés : demandeurs d’asile, mais également étrangers expulsés à des fins d’ordre public.

La police aux frontières, qui encadre les centres de rétention administrative, n’est pas spécifiquement formée à l’accueil de si jeunes publics et de familles.

Voici ce qu’écrit à ce sujet le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son récent rapport consacré au personnel des lieux de privation de liberté : « Dans les centres de rétention administrative, l’administration comme les organisations professionnelles soulignent un décalage important entre les missions de police liées aux fonctions judiciaires ou de sécurité publique, principalement mises en avant au cours de la formation initiale, et les missions en centre de rétention administrative. De ce point de vue, le fait d’avoir à priver de liberté des personnes qui ne sont pas délinquantes, parfois même des enfants, est un poids psychologique que plusieurs interlocuteurs du CGLPL ont souligné. À cette difficulté de principe s’ajoute celle qui consiste à placer en environnement clos des fonctionnaires qui ont parfois choisi le métier de policier pour la liberté de mouvement qu’il confère. La fonction de surveillance elle-même peut alors être regardée comme aliénant la liberté de celui qui l’exerce. »

Le règlement Dublin III fait lui-même expressément référence à la convention internationale des droits de l’enfant et au respect de la vie familiale des demandeurs d’asile, aux paragraphes 13 et suivants.

C’est pourquoi nous souhaitons que le placement en rétention des mineurs soit limité à un délai très court, explicitement prévu par la loi. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement et y sera défavorable s’il est maintenu.

Le sujet est important, mais l’amendement, je le rappelle, a pour objet de fixer à vingt-quatre heures la durée maximale de placement en rétention des étrangers accompagnés de mineurs et des mineurs qui les accompagnent.

Or la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a fait de la rétention des personnes accompagnées de mineurs une mesure exceptionnelle, limitée à certains cas, notamment à celui des familles qui se sont soustraites systématiquement aux mesures d’éloignement.

En outre, plusieurs garanties ont été expressément inscrites dans les textes, pour que l’intérêt supérieur de l’enfant soit toujours, et concrètement, pris en considération. En particulier, la durée du placement en rétention doit être la plus brève possible, sous le contrôle du juge.

Fixer dans la loi un délai paraît donc peu opportun à ce stade.

La rétention des mineurs accompagnant leur famille est un sujet humainement complexe et qui dépasse le champ du présent texte. Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler, et de mener des expertises plus approfondies, à l’occasion du texte qui sera soumis au Parlement au printemps prochain.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Il est défavorable.

La proposition de loi prévoit explicitement que « l’étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention au titre du 1° bis du I de l’article L. 561-2 que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l’État responsable ». Il faut évidemment que l’on puisse identifier qui est responsable.

Par ailleurs, madame la sénatrice, je vous remercie de vous préoccuper de la santé et du bien-être des policiers, qui deviendraient un peu neurasthéniques à force de rester en centre de rétention administrative… Nous allons créer de nombreuses places dans la police aux frontières, de manière à ce que tout le monde puisse assumer ces tâches, nécessaires pour l’État.

Mme la présidente. Madame Costes, l’amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?

Mme Josiane Costes. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Vendredi dernier, j’ai visité deux centres de rétention : celui de Vincennes, un centre important, et celui du Mesnil-Amelot. Permettez-moi de vous livrer mon témoignage pour que chacun se rende compte de quoi l’on parle – vous, monsieur le ministre d’État, le savez probablement. On parle ici d’enfants, mais la proposition de loi porte sur les « dublinés ».

Allant voir les retenus, je tombe tout d’abord sur une personne dont le médecin avait constaté depuis quinze jours qu’elle n’avait rien à faire là, compte tenu de son état psychique. J’ai pu constater que tous les autres retenus avaient peur d’elle et qu’elle était un danger pour tout le monde. Pourtant, depuis quinze jours, elle restait là. En effet, la décision appartient maintenant au médecin de l’OFII, qui ne voit pas les retenus, à la différence du médecin du centre.

Je tombe ensuite sur deux personnes en France depuis respectivement quinze et dix-sept ans, arrivées à l’âge de 2 ans et 5 ans. L’une a deux enfants, l’autre trois. Elles avaient mal renouvelé leurs papiers, mais travaillaient ou avaient travaillé. Ce n’est pas la population que vous imaginez : ce sont des personnes qui ont grandi et fait famille en France. Les voilà en centre de rétention.

Une autre avait été attrapée la veille de son opération pour une hernie, une semaine avant ma visite. Cela pouvait dégénérer, puisque, si elle devait être opérée, c’est que son état était grave…

Bref, une promiscuité incroyable, des gens qui se demandent ce qu’ils font là… Probablement certains avaient-ils commis des actes de délinquance – je ne suis pas tombé sur eux, mais, pas d’angélisme de ma part, je sais très bien que cela peut exister.

Mes chers collègues, c’est dans ces centres que l’on peut rester quarante-cinq jours et bientôt, avec la prochaine loi, jusqu’à quatre-vingt-dix jours !

À ce propos, monsieur le ministre d’État, je veux vous interpeller. Avant même l’adoption de cette proposition de loi, j’ai été informé que certains demandeurs d’asile « dublinés » placés dans ce centre de rétention à dix-huit heures se retrouvaient dans un avion à neuf heures le lendemain matin. Profitant de la nuit et du fait que personne ne pouvait s’en rendre compte, on contourne donc la loi.

J’ai interpellé à ce sujet le chef du centre de rétention, homme charmant et très dévoué à la République. Il m’a été confirmé que cette pratique avait cours, dans les deux centres, d’ailleurs. J’ai donc constaté une illégalité et je souhaite vous interroger sur ce point, monsieur le ministre d’État.

En relisant les débats sur cette loi, je comprends mieux les raisons pour lesquelles on veut allonger la durée de rétention à quatre-vingt-dix jours. En effet, si l’on place aussi les « dublinés » dans les centres, ces derniers vont être engorgés et les conditions sanitaires, les conditions de travail des personnels, le budget de ces centres…