Sommaire
Présidence de Mme Valérie Létard
Secrétaires :
MM. Éric Bocquet, Michel Raison.
2. Candidature à une délégation sénatoriale
3. Développement durable des territoires littoraux. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Michel Vaspart, auteur de la proposition de loi
M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur pour avis
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 11 rectifié ter de M. Max Brisson. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 2
Adoption de l’article.
Amendement n° 40 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 12 rectifié bis de M. Max Brisson. – Adoption.
Amendement n° 34 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 29 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 7
Amendement n° 35 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 41 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 32 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Jean-Luc Fichet. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Amendement n° 16 rectifié de M. Jean-Luc Fichet. – Retrait.
Amendement n° 26 rectifié de Mme Nelly Tocqueville. – Rejet.
Amendement n° 27 rectifié de Mme Nelly Tocqueville. – Adoption.
Amendement n° 3 de M. Maurice Antiste. – Devenu sans objet.
Amendement n° 28 rectifié de Mme Nelly Tocqueville. – Rejet.
Amendement n° 5 de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Amendement n° 38 rectifié de M. Joël Labbé. – Retrait.
Amendement n° 31 de M. Jacques Le Nay. – Retrait.
Amendement n° 19 rectifié bis de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Retrait.
Amendement n° 43 de M. Max Brisson. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 9
Amendement n° 36 rectifié bis de M. Guillaume Chevrollier. – Retrait.
Amendement n° 17 rectifié ter de Mme Agnès Canayer. – Retrait.
Amendement n° 37 de M. Alain Marc. – Retrait.
Amendement n° 42 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 18
Amendement n° 23 rectifié de M. Jean Bizet. – Retrait.
Vote sur l’ensemble
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
compte rendu intégral
Présidence de Mme Valérie Létard
vice-présidente
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 25 janvier 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Développement durable des territoires littoraux
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, présentée par M. Michel Vaspart et plusieurs de ses collègues (proposition n° 717 [2016-2017], texte de la commission n° 244, rapport n° 243, avis n° 254).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Vaspart, auteur de la proposition de loi.
M. Michel Vaspart, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vous cacherai pas ma satisfaction d’être devant vous aujourd’hui pour présenter la proposition de loi que j’ai déposée, avec les présidents Bas et Retailleau, sur le développement durable des territoires littoraux, un texte qui me tient particulièrement à cœur et qui constitue même – je pèse mes mots – le sujet majeur de mon engagement de sénateur depuis mon élection, en 2014.
Ce texte a été largement cosigné par une cinquantaine de mes collègues et a sensibilisé, sur toutes les travées de cet hémicycle, des parlementaires du littoral qui ont pu être confrontés à des difficultés d’application de la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « loi Littoral », du 3 janvier 1986. Il s’agit d’élus des départements littoraux, mais aussi de départements ayant des communes riveraines de lacs de plus de 1 000 hectares auxquelles la loi Littoral s’applique.
Mon département des Côtes d’Armor et d’autres territoires partout en France ont connu des affaires médiatisées ayant trait à l’application de la loi Littoral, et des collègues maires ont été condamnés à verser des sommes importantes. L’insécurité juridique est grande.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le législateur, avec l’appui du Gouvernement, doit clarifier et préciser les incertitudes et les excès de la jurisprudence.
Je précise tout de suite, et avec force, que je suis particulièrement attaché à la loi Littoral, à son respect, à son esprit. Ce qui semble évident va sans doute mieux en le disant, tant sur ce sujet sensible la caricature est facile et le malentendu possiblement durable.
Je suis attaché à la loi Littoral, comme le sont tous les élus locaux, très attentifs au débat qui se tient aujourd’hui en séance publique, qui se sont mobilisés au fil des années et des contentieux, et se sont structurés au sein de l’Association des maires de France, de l’Association nationale des élus du littoral, l’ANEL, que préside notre collègue Jean-François Rapin, ou encore au sein de l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, lesquelles soutiennent ce texte. Je ne manque pas de citer aussi les associations de particuliers créées par des propriétaires de biens immobiliers en zone littorale, comme les PLUmés, infatigables promoteurs d’une clarification législative des lois Littoral et ALUR.
Il est peu de dire que tous sont extrêmement attentifs à l’examen et au devenir du texte que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, la première initiative de niveau législatif ayant trait à la loi Littoral, après l’excellent rapport d’information de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet, paru en janvier 2014 et intitulé Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, rapporteur pour avis. Excellent rapport, en effet !
M. Michel Vaspart. Quelques mots de la genèse de cette proposition de loi : à la fin de 2016 est parvenue au Sénat une proposition de loi déposée par des députés socialistes portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique et discutée à l’Assemblée au cours des semaines précédentes.
Cette proposition de loi visait essentiellement à donner des outils aux élus locaux pour le redéploiement des activités lié au recul du trait de côte du fait de l’érosion, et elle était d’ailleurs rapportée à l’Assemblée nationale par la députée de Gironde Pascale Got, qui avait dans sa circonscription la commune de Soulac-sur-Mer ainsi que l’immeuble Le Signal, particulièrement touchés par l’érosion.
Rapporteur du texte transmis au Sénat, j’avais souhaité conserver, bien sûr, le dispositif visant à lutter contre l’érosion du trait de côte, avec toutefois quelques réserves, notamment sur le fonds mis en place, et apporter quelques aménagements supplémentaires pour régler les problèmes liés aux fluctuations jurisprudentielles autour de la loi Littoral.
La commission de l’aménagement du territoire a voté ces aménagements et le texte ainsi amendé était largement adopté en séance en janvier 2017.
L’Assemblée nationale a ensuite examiné le texte en seconde lecture un mois plus tard, avant que la séquence électorale n’intervienne et ne précipite l’agenda parlementaire. Le texte ne connut pas de seconde lecture au Sénat.
À l’été 2017, j’ai repris dans un nouveau texte les grandes lignes de la proposition de loi telle qu’elle résultait des travaux du Sénat, gardant le dispositif relatif au trait de côte, supprimant le dispositif, sensible et polémique, qui permettait d’aménager des zones d’activités en discontinuité de l’urbanisation existante.
Avec l’appui majeur des présidents Retailleau et Bas, j’ai ainsi déposé la proposition de loi soumise à notre examen aujourd’hui, permettant ainsi au nouveau gouvernement et à la nouvelle majorité de prendre le temps de l’étude et de la réflexion.
Avec le rapporteur Didier Mandelli, élu de Vendée dont l’implication est totale, nous avons mené de très nombreuses auditions, à Paris, dans le Finistère, en Vendée, qui confortent et consolident le texte, et ont aussi conduit à quelques aménagements de précision.
De façon centrale, le texte réécrit prévoit l’urbanisation des « dents creuses » dans les hameaux et villages, l’accès à la mer pour les professionnels et la possibilité de construire des abris de jardins et annexes, avec des clauses interdisant le changement d’affectation.
J’espère que cette discussion témoignera de la nécessité que ce texte soit adopté dans un esprit ouvert et pragmatique, en toute bonne foi et en évitant toutes les caricatures, qui ne seraient pas à la hauteur du débat attendu par nos collègues élus et de l’engagement du Président de la République lors du Congrès des maires, que je veux ici citer : « Qu’y a-t-il de commun entre un centre-bourg, une métropole, une commune qui relève de la loi Montagne ou celle qui relève tout entière de la loi Littoral de manière parfois totalement inadaptée ? Des rigidités pensées pour parfois toute une catégorie alors que ça ne correspond pas à la réalité locale ! Des spécificités qui parfois créent d’autres contraintes, cela aussi, nous devons le changer. »
S’agissant des dents creuses des hameaux, villages ou quartiers – l’appellation varie selon les régions –, l’urbanisation doit être possible dès lors qu’il y a un petit ensemble de maisons d’habitation – cinq à huit maisons serait sûrement le bon seuil.
De même, la définition d’une dent creuse doit être trouvée. Dans notre esprit, une parcelle insérée dans un ensemble construit est une dent creuse. Cela va dans le sens de l’économie du foncier et d’une meilleure préservation des terres agricoles.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Michel Vaspart. Si nous nous en tenons au texte, ce dispositif ne peut être mis en place qu’en dehors des espaces proches du rivage, ce qui permet de protéger la bande proche du littoral, mais exclut certaines presqu’îles et petites îles.
L’accès des professionnels à la mer peut permettre le développement d’activités telles que les cultures marines, la conchyliculture et les aménagements publics liés à la mer dans les espaces proches du rivage.
Enfin, le texte prévoit la possibilité, comme ce fut le cas avec la loi Montagne votée en 2016, de construire des abris de jardins et des annexes de dimensions limitées sans possibilité de changement d’affectation.
Le législateur a le devoir de s’emparer de ce sujet, même s’il est difficile. C’est indispensable si nous voulons éviter que, du fait de l’insécurité juridique, de nombreuses communes soient condamnées à verser de fortes indemnités pour avoir délivré des autorisations, ou opposé des refus, de certificat d’urbanisme ou de permis de construire, et si nous ne souhaitons pas refermer de façon excessive les possibilités d’évolution de nos communes littorales.
Madame la secrétaire d’État, l’attente est grande et je sais que, lors de la campagne électorale, les députés du littoral ont été saisis de ce problème particulièrement prégnant et à ce jour non réglé.
Vous nous avez dit, à Didier Mandelli et à moi-même, lors de notre entretien de la semaine dernière, que vous étiez « un pur produit En Marche » (Sourires.). J’ai donc a priori confiance, puisque la volonté exprimée par votre mouvement est d’apporter des solutions concrètes aux difficultés et aux blocages, de respecter les engagements pris – je pense, bien sûr, à celui du Président de la République sur le sujet lors du Congrès des maires.
Enfin, je ne doute pas que vous et votre mouvement, qui êtes attentifs à préférer l’intérêt général à toute position partisane, aurez à cœur, après la première lecture au Sénat, de faire en sorte que ce texte puisse poursuivre son cheminement législatif dans le respect de nos institutions démocratiques et de leur pluralité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Charles Revet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, déposée le 13 septembre 2017 par Michel Vaspart, dont je salue l’opiniâtreté,…
M. Charles Revet. Il a raison !
M. Didier Mandelli, rapporteur. … Bruno Retailleau, Philippe Bas et nombre de nos collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste.
Ce texte vise à relancer le processus d’examen des dispositions de la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, que le Sénat avait adoptée le 11 janvier 2017 en première lecture. Toutefois, l’examen de ce texte avait été interrompu par la suspension des travaux parlementaires préalable aux élections.
La présente proposition de loi reprend donc fidèlement le précédent texte tel qu’adopté par le Sénat en première lecture. À cet égard, je tiens à saluer l’excellent travail mené à l’époque par nos collègues Michel Vaspart, rapporteur de notre commission, et Philippe Bas, président et rapporteur pour avis de la commission des lois, qui s’est à nouveau saisie pour avis.
Le principal objectif du texte est de mieux prendre en compte le phénomène du recul du trait de côte dans les politiques d’aménagement.
Je rappelle que le trait de côte représente environ 5 800 kilomètres pour la France métropolitaine et près de 10 000 kilomètres pour les outre-mer, et l’on estime qu’un quart de la côte – environ 22 % – connaît un phénomène d’érosion marquée, auquel s’ajoute l’élévation du niveau de la mer, accélérée par le changement climatique.
La gravité de certaines situations, dont est emblématique l’immeuble Le Signal, à Soulac-sur-Mer, en Gironde, appelle une réponse rapide de la part des pouvoirs publics, pour les résoudre dans des conditions équitables, mais aussi pour éviter qu’elles ne se reproduisent à l’avenir.
Il nous faut donc développer un aménagement du territoire véritablement prospectif pour concilier l’incertitude et la précarité qui résultent du recul du trait de côte, avec le maintien d’activités dans les espaces concernés.
Pour cela, le texte prévoit la mise en place d’une série d’instruments nouveaux. Il crée ainsi des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, des zones d’activité résiliente et temporaire, ou ZART, un nouveau bail réel immobilier littoral, ou BRILi, et la possibilité de mobiliser le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, également appelé « fonds Barnier », pour financer certaines opérations d’aménagement.
Comme ce point a été évoqué lors de nos auditions, je précise qu’une meilleure prise en compte du recul du trait de côte dans l’aménagement du littoral n’implique aucunement de renoncer à lutter par ailleurs contre ce phénomène, par des ouvrages de défense contre la mer qui soient à la hauteur des enjeux.
Ce n’est pas l’objet du texte, mais c’est un sujet qui en est indissociable, madame la secrétaire d’État, et pour lequel nous souhaitons une présence et un soutien forts de l’État, car il s’agit d’une mission véritablement régalienne de protection des populations et des biens.
Permettez-moi, par ailleurs, de déplorer à nouveau le plafonnement des recettes du fonds Barnier à 137 millions d’euros par la loi de finances pour 2018, qui contraint durablement ses capacités d’intervention. Dans sa grande sagesse, le Sénat avait supprimé ce plafond, qui a été finalement rétabli en dernière lecture par l’Assemblée nationale.
M. Jean Bizet. Dommage !
M. Didier Mandelli, rapporteur. Le texte que nous examinons reprend également un ajout du Sénat dans la précédente proposition de loi permettant de déroger au principe d’urbanisation en continuité de l’urbanisation existante dans les communes littorales, pour certaines opérations.
L’article 9 vise ainsi la densification des hameaux, la relocalisation de constructions dans le cadre d’une ZART, les constructions ou installations liées aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines, et l’établissement d’annexes de taille limitée.
Lors de l’examen de la précédente proposition de loi, cet article avait soulevé des réactions disproportionnées par rapport à la réalité du texte. En effet, les opérations visées sont strictement encadrées.
Tout d’abord, elles ne peuvent pas cibler les espaces proches du rivage. Par ailleurs, elles doivent faire l’objet d’une autorisation de l’autorité compétente de l’État, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, et elles ne peuvent être autorisées si elles portent atteinte à l’environnement ou aux paysages. Enfin, elles n’ouvrent pas de droit ultérieur à une extension de l’urbanisation.
Ces nombreux garde-fous sont des forces de rappel considérables, qui permettront de prévenir les dérives.
Tous les parlementaires ici présents partagent le souhait de voir préservé le patrimoine exceptionnel de nos territoires littoraux. Il nous semble néanmoins indispensable de faire évoluer l’état du droit, car les difficultés dans les territoires littoraux sont réelles, nombreuses, et durent depuis trop longtemps. Je rappelle que plus de 1 200 communes sont soumises au régime de la loi Littoral, sur l’ensemble de leur territoire, y compris les zones rétro-littorales éloignées du rivage.
Notre commission avait adopté en 2014 un rapport très complet sur l’application de la loi Littoral, présenté par nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet. Ce travail a établi un constat clair, équilibré et transpartisan sur les difficultés rencontrées dans les territoires littoraux, qui a directement nourri le texte que nous examinons aujourd’hui.
Constatant que le texte reprenait celui adopté par le Sénat il y a tout juste un an, notre commission a adopté des ajustements et des précisions en vue de conforter les orientations retenues. Sur plusieurs articles, nous avons mené ce travail en étroite collaboration avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, poursuivant ainsi le travail mené lors du précédent texte, et je m’en félicite.
Ainsi, la commission a supprimé l’article 6 prévoyant la transmission par l’État aux collectivités territoriales d’un document unique relatif aux risques naturels existant sur leur territoire, considérant que cette disposition pouvait être source de complexité et de rigidité, dès lors que le « porter à connaissance » s’effectue aujourd’hui en continu.
Jugeant que la rédaction proposée à l’article 9 offre un équilibre entre les impératifs de protection et d’aménagement du littoral, la commission n’a pas jugé opportun d’infléchir significativement son contenu. Elle n’a procédé qu’à un ajustement relatif aux cultures marines, avec un accès direct à la mer, comme le souhaitaient les professionnels.
Elle a par ailleurs réécrit l’article 12 relatif à l’intégration des risques naturels dans l’évaluation environnementale des projets, en privilégiant un enrichissement de l’étude d’impact.
La commission a également souhaité sécuriser plusieurs outils mis à disposition des collectivités : les opérations d’aménagement dans les ZART prévues à l’article 15, le contrat de bail réel immobilier littoral, le BRILi, institué à l’article 16, et la mobilisation du fonds Barnier pour financer l’adaptation au recul du trait de côte, prévue à l’article 18, pour une durée limitée.
Pour conclure, permettez-moi d’être redondant, mais la pédagogie est aussi l’art de la répétition, et de citer, à l’instar de Michel Vaspart, le Président de la République : « Qu’y a-t-il de commun entre un centre-bourg, une métropole, une commune qui relève de la loi Montagne ou celle qui relève tout entière de la loi Littoral de manière parfois totalement inadaptée ? Des rigidités pensées pour parfois toute une catégorie alors que ça ne correspond pas à la réalité locale !
« […] Plutôt que d’avoir des débats théoriques pour savoir comment on traite tout le pays de la même façon, ayons une approche pragmatique, différenciée. Permettons de faire. Laissons les maires innover. »
À mon tour, je fais miens ces mots prononcés par le Président de la République le 23 novembre dernier, lors du Congrès des maires. La proposition de loi que nous examinons contribue directement à cette adaptation pragmatique des normes et de l’existant, en vue de mieux tenir compte des spécificités locales et de l’histoire vécue depuis 1986 par toutes les collectivités locales.
Sur ces sujets, l’inaction n’est plus une option. Les enjeux liés au recul du trait de côte sont trop urgents et les problématiques relatives à l’urbanisation sont trop anciennes pour remettre sans cesse à plus tard la recherche de solutions.
Notre objectif est de retrouver l’esprit de la loi Littoral, par une application pleine et entière du principe de développement durable de tous ces territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier Michel Vaspart pour sa persévérance.
Nous travaillons depuis de nombreuses années sur ces sujets. Il était indispensable de remettre à l’ordre du jour à la fois le dispositif ambitieux dont nous avions hérité, issu d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale, et des mesures ponctuelles, limitées, parfaitement circonscrites, permettant, sans porter atteinte aux principes de la loi Littoral, de faciliter des constructions en dehors du rivage, sans vue sur la mer et sur autorisation du préfet, uniquement dans des hameaux, qu’il ne s’agit pas d’étendre, mais à l’intérieur desquels il y a déjà des constructions et, entre ces constructions, des terrains à bâtir.
Je vous demanderai, madame la secrétaire d’État, de ne pas nous décevoir. Nous ne sommes pas moins que vous attachés à la loi Littoral. Au contraire, nous en mesurons tout l’apport pour défendre une richesse essentielle qui, dans un département comme le mien, la Manche, a été parfaitement préservée. Les bétonneurs ne sont pas chez nous et ils ont, heureusement, été arrêtés par la loi Littoral, laquelle a joué un rôle historique indispensable et que nous souhaitons naturellement préserver, tout autant que le souhaitent les représentants de la nouvelle majorité parlementaire ou les membres du Gouvernement.
En fait, nous comptons sur vous pour comprendre que les meilleures législations ont une vie et que, sur certains aspects, elles peuvent vieillir. Au-delà des intentions du législateur – je rappelle que cette loi a aujourd’hui plus de trente ans –, des jurisprudences ont cherché à combler, non pas des dents creuses (Sourires.), mais des vides juridiques. La loi Littoral, elle-même, est très générale. Des juridictions, même en l’absence d’inconvénients pour la protection du littoral, ont interdit de construire sur des terrains appartenant à des propriétaires privés, lesquels sont souvent des personnes qui attendent l’approche de la retraite pour faire construire, dans leur village natal, la maison dans laquelle ils rêvent depuis vingt ou trente ans de se retirer en toute simplicité, et ce sans vouloir créer aucun préjudice à l’environnement.
Il s’agit spécifiquement de ces cas tout à fait particuliers, pour lesquels nous souhaitons apporter une solution parfaitement pragmatique, et en mettant en place des garanties fondamentales.
Premièrement, aucune construction n’est possible sur le rivage à moins de 100 mètres de la mer.
Deuxièmement, aucune construction n’est envisageable avec vue sur la mer.
Troisièmement, le plan local d’urbanisme doit prévoir la possibilité de construire.
Quatrièmement, le projet de construction ne peut avoir lieu que dans des hameaux déjà construits – un terrain vierge entre deux terrains construits –, sans étendre le périmètre desdits hameaux.
Cinquièmement, enfin, c’est non pas le maire qui détient le pouvoir en la matière, mais le préfet.
Pour parler familièrement, il s’agit de prévoir « bretelles et ceinture », et même deux paires de bretelles et deux ceintures ! (Sourires.) Car, en réalité, ces conditions sont extrêmement exigeantes, et l’on ne voit pas comment elles pourraient être transgressées au point de menacer le moins du monde la protection du littoral.
Voilà pourquoi, madame la secrétaire d’État, j’attends avec confiance d’entendre le propos que vous tiendrez à la tribune. J’espère qu’il préfigurera l’accord du Gouvernement sur ces dispositions essentielles et sur l’ensemble du dispositif que Michel Vaspart a remis à l’ordre du jour avec cette proposition de loi à laquelle nous avons été très fiers, avec Bruno Retailleau, de nous associer en qualité de cosignataires. (Applaudissements au banc des commissions ainsi que sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je prends la parole aujourd’hui devant vous en étant bien consciente de l’importance des enjeux du débat qui nous réunit. Mais je vous ai entendus, et je sais que nous partageons cette conscience des enjeux.
Votre proposition de loi s’inscrit de fait dans une longue histoire d’initiatives parlementaires portant sur cette question essentielle.
Le plan Climat, lancé en juillet 2017 par le ministre d’État Nicolas Hulot, appelle à une plus grande adaptation aux changements climatiques de nos territoires, en particulier ceux qui sont situés en bord de mer. Il est plus que jamais impératif de repenser l’élaboration de nos politiques publiques et d’anticiper les effets du changement climatique pour imaginer, penser le littoral de demain et se projeter dans l’avenir.
Les enjeux sont multiples : occupation et aménagement résilients des territoires littoraux, développement socioéconomique, préservation de leurs richesses naturelles, transition énergétique… Dans cet espace se cristallisent nombre de questions actuelles et futures.
L’interface entre la mer et la terre est mobile, et le restera toujours : nous ne pouvons ignorer cette réalité. Nous devons donc être conscients de l’évolution de notre trait de côte, être capables d’anticiper son futur, tout en préservant l’attractivité des territoires littoraux. Voilà pour les enjeux de la question et du débat qui nous occupe aujourd’hui.
Le littoral français, long de 20 000 kilomètres de côtes, est soumis à de fortes pressions, qui vont croissant : entre 1936 et 1968, s’y sont installés 25 % de la population française. En 2005, se concentraient sur le littoral 12 % de la population française. Entre 2000 et 2006, l’artificialisation des sols y était encore près de trois fois plus élevée que la moyenne nationale. Il faut avoir ces chiffres en tête comme éléments de contexte pour notre discussion.
Environ un quart de notre littoral recule plus ou moins intensément sous l’effet de l’érosion. Près de 30 kilomètres carrés de notre territoire ont ainsi disparu en cinquante ans, et cela risque de s’accélérer. Ce phénomène naturel est très particulier puisqu’il ne s’agit pas d’un « risque », à l’instar des inondations, par exemple, malheureusement d’actualité aujourd’hui, qui peuvent survenir à plusieurs reprises sur le même territoire et surtout de manière imprévisible.
Le recul du trait de côte est un phénomène inéluctable, encore accentué par les effets du changement climatique. Il est néanmoins prévisible, quantifiable, cartographiable.
Ces trois caractéristiques en font une question particulière. C’est la raison pour laquelle, dans ce contexte, le Gouvernement salue votre initiative.
S’agissant de ces phénomènes d’érosion et de gestion du trait de côte, deux questions principales nous semblent en effet devoir être rapidement traitées.
Se pose d’abord la question des principes de prise en compte du recul côtier dans la gestion de nos territoires. On sait que l’organisation du repli des activités concernées est absolument primordiale – je l’ai évoquée avec certains d’entre vous ces derniers jours. Cela signifie que la relocalisation de certaines activités, de certains quartiers, voire, à plus long terme, de villes entières, à l’intérieur des terres pourrait devenir une réalité de plus en plus fréquente. C’est le cas, par exemple, de Lacanau, qui a mis cet enjeu au cœur de la réflexion sur l’aménagement de son territoire et a lancé un appel, qui nous intéresse particulièrement, à développer de nouveaux outils.
Ensuite, il faut aborder la question, déjà d’actualité, du financement des opérations de relocalisation ou d’indemnisation des biens concernés par le recul côtier.
Tels sont les deux aspects qui nous paraissent essentiels et qui structurent notre approche.
Votre texte, messieurs les sénateurs, pose donc la question des modalités de prise en compte du recul côtier. La spécificité du phénomène d’érosion appelle des solutions nouvelles qui privilégient l’anticipation et l’adaptation. Ce phénomène intéresse tout d’abord, et en premier chef, les territoires et leur aménagement dans toutes leurs spécificités.
À cette fin, il faut améliorer les outils des collectivités compétentes en matière d’aménagement du territoire et faire évoluer le cadre juridique existant pour permettre aux territoires concernés de bien prendre en compte la temporalité de ce phénomène dans leurs documents d’urbanisme. Pour que notre société puisse s’adapter, elle doit aussi davantage s’attacher à préserver des écosystèmes qui soient en bon état, riches en biodiversité. C’est un enjeu que nous oublions trop souvent et qui est pourtant absolument essentiel : il faut garder en mémoire et à l’esprit le fait qu’une dune ou une mangrove préservée constitue un des remparts les plus efficaces et les moins coûteux contre la subversion marine.
C’est pourquoi il nous faudra aussi collectivement développer des solutions fondées sur la nature, qu’on appelle « écosystémiques », pour restaurer certains écosystèmes littoraux dégradés, ce qui pourrait avoir des conséquences non seulement, bien évidemment, sur les populations humaines, mais aussi, plus largement, sur la nature et la biodiversité.
Les orientations que je viens d’énumérer vont à l’encontre de la logique de gestion des risques qui prévaut dans la proposition de loi. L’approche des plans de prévention nous semble mal adaptée au regard de la spécificité du phénomène évoqué. Il est vrai que la réalisation de plans intégrant l’érosion du trait de côte a pu parfois apporter une première réponse dans certains territoires.
En revanche, cela a conduit à interdire toute construction dans la zone impactée par l’érosion à un horizon de cent ans. Or, s’il est pertinent d’interdire des constructions dans des zones soumises à des risques pouvant se produire à tout moment, il paraît disproportionné de « geler » des territoires qui seront atteints par l’érosion à un horizon parfois éloigné, mais toujours prévisible. C’est la caractéristique de l’évolution du trait de côte.
Au-delà, il apparaît également nécessaire, à nos yeux, de bien informer la population, notamment les acquéreurs de biens exposés à l’érosion, et de responsabiliser les constructeurs de bâtiments nouveaux. Cette information contribuera à la prise en compte du phénomène d’érosion par les marchés immobiliers, aujourd’hui déconnectés de cette réalité. Nous avons tous certains exemples présents à l’esprit que je ne détaillerai pas ici.
C’est là, j’en suis bien consciente, un changement de pied majeur, mais nécessaire dans l’approche du phénomène d’érosion.
Messieurs les sénateurs, votre texte pose ensuite la question des financements de l’indemnisation des biens concernés par le recul côtier.
Cette question mérite d’être abordée selon deux angles distincts.
D’abord, les territoires font « remonter » un besoin de financement pour conduire des projets d’anticipation et de recomposition urbaine. Le ministre d’État et moi-même entendons cette demande ; il est certain que des solutions doivent être trouvées, et nous allons y travailler. L’État doit être en mesure d’accompagner certaines expérimentations,…
M. Jean Bizet. Il y a urgence !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. … mais, en tout état de cause, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs ne peut pas être mobilisé pour ces opérations. Le fonds Barnier est lié à la prévention des risques, il n’a pas vocation à financer des opérations d’aménagement, comme ce serait le cas sur la question du recul du trait de côte. (Marques de désapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bizet. Dommage !
M. Charles Revet. Ce n’est pas un risque ?
M. Jean-Luc Fichet. Ce ne sont pas des opérations d’aménagement, c’est de la réparation !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Ensuite,… (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
Messieurs les sénateurs, laissez-moi continuer ! Nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure.
M. Philippe Bas, rapporteur pour avis. On vous laisse une dernière chance, mais il va falloir infléchir votre discours…
M. Jean Bizet. Nous sommes émus !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Ensuite, il y a la question de l’indemnisation des biens atteints par l’érosion tant que les projets d’adaptation précédemment évoqués ne seront pas mis en œuvre.
Cette question d’actualité fait débat. C’est notamment le cas de l’immeuble Le Signal en Gironde – vous le connaissez tous –, qui a d’ailleurs fortement influencé le contenu et l’orientation de la proposition de loi déposée dans le cadre de la précédente législature par Mmes Got et Berthelot.
Votre proposition de loi, qui mobilise la solidarité nationale pour une indemnisation à 100 % ne s’inscrit pas dans la logique que souhaite développer le Gouvernement. Aucun des dispositifs actuels ne permet d’ailleurs de répondre pleinement aux enjeux de l’érosion côtière.
Le Gouvernement travaille en conséquence à des propositions sur ce point afin de mettre en place rapidement un dispositif équitable et durable. Nous souhaitons entreprendre cette démarche avec vous, en débattre et y travailler de concert. Le dispositif déployé devra permettre de distinguer les occupations historiques des aménagements à venir, en posant pour ceux-ci un évident principe de responsabilité.
Au-delà, plusieurs articles de votre proposition de loi ont vocation à faire évoluer certains des principes de la loi Littoral, que les intervenants précédents ont citée à plusieurs reprises. Vous savez combien le gouvernement auquel j’appartiens est attaché à cette loi. Celle-ci date, certes, de 1986, mais elle a posé le principe de la préservation de nos côtes, qui font la richesse de nos territoires et l’identité de la France, face à une pression démographique et urbanistique qui continue de croître. J’ai cité des chiffres éloquents au début de mon intervention.
Cette loi a largement contribué à ce que le littoral français conserve une beauté et un attrait touristique de premier ordre, que nous envient la plupart de nos voisins, auxquels vous êtes attachés et dont vous êtes de grands défenseurs.
M. Jean-Pierre Grand. Elle n’empêche pas la mer d’avancer !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Plus de trente ans après son adoption, la loi Littoral demeure un pilier de la protection des espaces naturels littoraux et de la lutte contre l’artificialisation du territoire qu’il faut conforter.
M. Jérôme Bignon. C’est vrai !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous considérons que les débats relatifs à la question des principes de l’érosion côtière n’ont pas vocation, à ce stade, à porter sur l’évolution de certains des principes posés par la loi Littoral. Je ne peux donc, à ce stade, souscrire – ce ne sera pas une surprise ! – à l’article 9 de la proposition de loi ni malheureusement, comme vous le constaterez plus tard, à certains amendements proposés sur le sujet.
Cela dit, et je sais que nous en aurons l’occasion, nous pourrons travailler ensemble à l’avenir pour élaborer une proposition ou un projet de loi qui pourra aboutir.
S’agissant des enjeux cruciaux de gestion de notre trait de côte, je crois nécessaire de promouvoir un dispositif plus intégré, comme le préconise notre stratégie nationale conciliant plusieurs politiques publiques et faisant appel à une pluralité d’acteurs.
Nous avons la chance, mais aussi l’immense responsabilité – j’insiste sur ce mot – d’organiser une mutation vers une civilisation du développement durable de nos territoires littoraux. Bien que votre proposition de loi porte sur des questions cruciales et comprenne des dispositions tout à fait intéressantes, le Gouvernement reste réservé sur la philosophie, l’esprit, qui la sous-tend, notamment en ce qu’elle s’appuie sur les outils de la prévention des risques. Nous pensons que cet angle d’approche doit être infléchi.
M. Charles Revet. Faites une autre proposition !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous réfléchissons actuellement à une approche plus globale et transversale mobilisant les politiques d’aménagement du territoire et de protection des espaces naturels littoraux. Il est nécessaire, et nous en serons ravis, que nous nous penchions sur la question ensemble.
Dans le même temps, nous travaillons à l’émergence rapide – car je suis bien consciente que, pour beaucoup d’entre vous, ce sujet provoque une impatience à laquelle il faut répondre – de solutions financières adaptées, notamment en ce qui concerne la question de l’indemnisation des biens menacés directement ou indirectement par l’érosion du trait de côte.
M. Bruno Retailleau. La solution existe : le fonds Barnier !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Pour ces différentes raisons, le Gouvernement ne soutiendra malheureusement pas cette proposition de loi dans ses termes actuels. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Pierre Grand. Dogmatisme !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. Quelle déception !
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon intervention par une évidence, car les évidences doivent être sans cesse répétées : la France est un pays littoral.
Les 27 juin et 1er juillet 1846, s’exprimant à la tribune de la chambre des pairs, Victor Hugo constatait la « dégradation de nos dunes et de nos falaises » et les « phénomènes qui menacent de ruiner une partie de nos ports et de déformer la configuration des côtes de France ».
Ces propos sont toujours d’actualité et la question du trait de côte ainsi que le maintien et le développement d’activités sur le littoral sont au cœur du texte que nous examinons ce jour.
Vous le savez, le trait de côte, selon le service hydrographique et océanographique de la marine, couvre 5 853 kilomètres en métropole, 608 kilomètres en Guyane, 405 kilomètres en Guadeloupe, ou encore près de 4 500 kilomètres en Polynésie française. Il est défini comme « la ligne portée sur la carte séparant la terre et la mer. Sur la carte marine, c’est le plus souvent la laisse de haute mer [c’est-à-dire] la ligne mince et ondulée formée de sable fin, de débris de coquilles, de petits morceaux d’algues, etc. laissée par les vagues, qui marque la limite supérieure atteinte par leur mouvement sur la plage. »
Le trait de côte connaît des mouvements d’ampleur, plus importants dans la période récente, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État.
Le Bureau de recherches géologiques et minières prévoit en effet une accélération de l’érosion et les chiffres sont clairs, voire alarmants. Les données que nous possédons sont plus inquiétantes que toutes les prédictions établies jusque-là. En 2025, le trait de côte devrait avoir reculé de 20 mètres sur la côte sableuse et de 9 mètres sur la côte rocheuse. En 2050, c’est pire et sans surprise : le recul serait de 50 mètres sur la côte sableuse et de 25 mètres sur la côte rocheuse.
Au-delà du patrimoine que représente le littoral français, et du risque que fait peser sur celui-ci le recul du trait de côte, c’est surtout sur la grande diversité des situations qu’il convient d’insister. Le recul du trait de côte n’est pas uniforme, il n’a pas les mêmes incidences en baie de Somme, sur les falaises crayeuses de Normandie, les dunes d’Aquitaine ou dans les mangroves des territoires ultramarins.
Seul un cadre juridique spécifique et suffisamment souple pourra être adapté à un problème qui, s’il ne se pose pas partout avec la même intensité ou les mêmes conséquences, est cependant généralisé, atteint des zones d’habitation ou d’activités, notamment saisonnières, de manière désormais parfaitement identifiée par les travaux scientifiques.
Ce débat n’est pas nouveau et le Parlement s’en est emparé en 2017 avec une proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, débat qui avait été interrompu par la suspension des travaux parlementaires.
Pour rafraîchir les mémoires, voilà ce que déclarait d’ailleurs la députée Pascale Got à l’occasion de la seconde lecture de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, en 2017, avant l’interruption du processus législatif : « Chers collègues, je vous demande d’arrêter le kidnapping de cette proposition de loi sur le recul du trait de côte. Je m’adresse à tous ceux qui se sont égarés, à tous ceux qui voudraient prendre, ce soir, le chemin de la déraison emprunté par certains sénateurs pour détricoter la loi Littoral : vous vous trompez de texte. » (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’objet de ce courroux était le détricotage de la loi Littoral proposé par les sénateurs et que l’on retrouve une nouvelle fois dans cette proposition de loi, notamment dans son article 9.
Nous entendons et admettons parfaitement que ce texte n’a pas pour seul objet de résoudre des situations ponctuelles, comme celle de l’immeuble Le Signal, à Soulac-sur-Mer, sur laquelle porte l’article 3, même s’il convient d’élaborer d’urgence une solution applicable sans délai.
Néanmoins, nous pensons que cette situation, toute particulière en raison de la nature de la construction sur une dune elle-même mouvante, ne nécessite pas d’être inscrite dans la loi et qu’il faut plutôt rechercher des solutions au cas par cas.
Oui, nous partageons toutes et tous ici le sentiment qu’il est nécessaire de lever certains blocages dus à la loi Littoral, mais pas à n’importe quel prix et pas dans n’importe quel cadre.
S’il convient de trouver des moyens d’urbaniser nos côtes en ayant recours au sens commun, il ne faut pas pour autant ouvrir la boîte de Pandore d’une dérogation générale, comme ce qui est proposé ici avec l’article 9.
Oui, nous partageons l’idée selon laquelle il est nécessaire de travailler sur des dérogations particulières et spécifiques, mais dans le cadre d’une instance de consensus dédiée et non pas en légiférant ex abrupto.
L’article 9 n’aura d’autre finalité que de créer des contentieux, et chacun sait bien que les mauvais procès qui durent ne sont en rien un apport positif.
La finalité du texte, pour ces auteurs, est de « mieux prendre en compte les effets du changement climatique en termes d’érosion et d’élévation du niveau de la mer, afin de concilier le risque de recul du trait de côte avec le maintien et le développement d’activités dans les territoires littoraux ».
Nous pouvons entendre cet argument et nous dire que certains volets de la proposition de loi méritent un examen attentif et bienveillant, mais, ayons aussi à l’esprit, mes chers collègues, que les mots ont un sens et que parler de risque est une preuve de légèreté qui mérite d’être battue en brèche.
Nous savons aujourd’hui que le risque est avéré et que nous devons parler de certitudes, même si certains de nos collègues considèrent que, si submersion marine il doit y avoir, ce n’est pas pour demain et qu’il sera temps, le moment venu, de regarder les choses et de prendre les mesures qui conviennent.
Nous ne pouvons pas nous contenter de cette vision et nous avons l’impérieux devoir d’imaginer, d’anticiper et de tenter d’éviter le pire. C’est bien le sens de l’action politique que de regarder la situation en face et non pas à l’aune de telle ou telle situation particulière.
Certains me rétorqueront qu’en tant qu’élu de la métropole lilloise, je ne suis pas le plus habilité pour évoquer les questions relatives au littoral. Je viens d’une région, les Hauts-de-France, riche d’un littoral long de 190 kilomètres, soumis à de multiples défis, qu’il s’agisse des risques ponctuels comme les submersions marines ou de transformations plus structurelles résultant du recul du trait de côte.
La philosophie générale de ce texte et ses attendus me conduisent à dire que cette proposition de loi est, au fond, une fausse bonne idée. Vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, le sujet mérite une réflexion collective associant la représentation nationale dans son ensemble et le Gouvernement, et non pas cette seule initiative.
Pour ces raisons, le groupe La République En Marche ne votera pas cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif de cette proposition de loi – garantir de nouveaux instruments à l’État et aux élus locaux pour faire face au recul du trait de côte lié à l’érosion et à la montée des eaux – est juste et légitime.
Il s’agit d’une problématique importante au regard des anticipations réalisées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, qui démontrent l’ampleur du phénomène à venir.
Sur le principe, nous y sommes donc favorables.
Nous notons tout de même la lourdeur des dispositifs prévus. Tous ces zonages et baux sont autant de complexités nouvelles pour les services de l’État et les collectivités. Nous sommes loin de la simplification des normes, objectif souvent affiché dans cette maison.
Nous nous posons également des questions sur l’opérationnalité des mesures proposées. Les dispositifs de zone d’activité résiliente et temporaire, ZART, et de bail réel immobilier littoral, BRILi, pourront fonctionner si les collectivités s’en emparent et préemptent les terrains concernés.
Cela suppose des moyens d’expertise et des moyens financiers. Nous connaissons tous la situation actuelle des collectivités qui voient leurs dotations diminuer, loi de finances après loi de finances. Il est intéressant de donner des outils, mais encore faut-il avoir les moyens de s’en servir.
Sur le fond, ce dispositif nous interroge : l’objectif n’est pas d’empêcher la construction ou le maintien de constructions, mais bien de créer les conditions de leur aménagement. Nous proposerons donc des garde-fous pour que ces nouvelles zones ne se situent pas dans les espaces les plus touchés par le risque de submersion, soit les anciennes zones rouges.
Nous avons également des interrogations sur les nouvelles responsabilités confiées au fonds Barnier, dont les ressources diminuent progressivement.
Cette année, la taxe affectée à ce fonds est plafonnée à hauteur de 137 millions d’euros, ce qui permet de reverser 90 millions d’euros au budget général. Ce montant est très inférieur aux dépenses constatées ces dernières années, équivalentes à 178 millions d’euros.
Cette inquiétude est renforcée par la situation du budget consacré aux risques hydrauliques et naturels, en constante régression, et le manque d’aboutissement des plans de prévention des risques naturels prévisibles. Il est indispensable que l’État prenne ses responsabilités face aux risques de submersion liés à l’érosion des côtes et à la montée des eaux.
Enfin, nous regrettons que la boîte de Pandore de la loi Littoral soit une nouvelle fois ouverte. Certes, cette loi a trente ans, mais nous portons une conviction : la lutte contre le mitage en zone littorale reste une impérieuse nécessité. La protection des côtes et la préservation des terres agricoles ne peuvent être remises en cause.
Le principe de l’urbanisation continue est intéressant, même si sa définition trop imprécise questionne.
Avant de complexifier en ajoutant des exceptions aux exceptions, il aurait été plus juste de mener un travail de définition sur les notions qui conditionnent la possibilité de construction dans ces zones et qui sont l’objet d’une jurisprudence fournie.
Aujourd’hui, le seul élément réglementaire existant est une instruction gouvernementale de 2015. Il est primordial que soient mieux précisées les notions d’agglomération, de village, de hameau. Il est nécessaire que cette notion de hameau – « secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs » – soit plus clairement définie, pour permettre, sous certaines conditions, leur densification notamment dans les dents creuses.
La jurisprudence concernant la loi Montagne est plus claire sur ce sujet. Dans mon secteur, un groupement est constitué à partir de quatre maisons distantes de moins de 50 mètres.
Une définition claire et précise permettrait de sécuriser les procédures et le choix des élus. Elle est également souhaitable pour éviter que le préfet ne se trouve dans une situation discrétionnaire au moment d’autoriser ou non des projets d’urbanisation au regard de critères aujourd’hui flous et évolutifs, définis exclusivement par la jurisprudence.
Il existe aujourd’hui une contradiction : il est plus facile de créer de nouveaux foyers d’urbanisation via les « hameaux nouveaux » plutôt que de densifier le bâti existant au sein des hameaux. C’est un problème qu’il est impératif de résoudre, mais certainement pas en permettant tout et n’importe quoi.
En effet, l’article 9 pose une dérogation extrêmement large en rendant possible une densification des hameaux qui respecterait « les proportions en hauteur et en volume du bâti existant ». Il n’est aucunement fait référence au caractère regroupé et structuré des habitations. La voie est donc ouverte à une urbanisation extensive.
Cette dérogation ne se limite pas au comblement des dents creuses, c’est-à-dire la construction d’une parcelle située entre deux parcelles construites, mais risque bien d’ouvrir un véritable droit au mitage.
Je n’évoquerai pas les autres dérogations auxquelles nous sommes évidemment défavorables, notamment concernant l’implantation de constructions ou d’installations agricoles, exceptions qui existent déjà aujourd’hui, mais strictement limitées aux installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées.
Permettre de construire en discontinuité urbaine pour la relocalisation des constructions et ouvrages de la ZART est également dangereux, tout comme la construction d’annexes non mitoyennes.
Nous proposerons donc une réécriture de cet article en supprimant la notion de « hameau nouveau » et en autorisant la construction extrêmement limitée et encadrée dans les dents creuses des hameaux. Nous renvoyons à un décret la définition des notions qui conditionnent l’urbanisation.
Au final, il ne faut pas se tromper d’objectif. Il s’agit bien d’accompagner les territoires devant les phénomènes naturels liés au réchauffement climatique qui modifient les conditions de vie autour du littoral, et non de faciliter l’urbanisation le long du littoral.
En l’état, nous ne pouvons voter ce texte. Conscients de l’importance de certaines mesures pour les territoires littoraux, nous serons attentifs au débat et à la prise en compte de nos remarques, notamment concernant l’article 9.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Annick Billon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, c’est après une année complète que nous reprenons les discussions sur ce sujet particulièrement important pour les territoires littoraux.
Je tiens avant tout à remercier mes collègues Michel Vaspart, Bruno Retailleau et Philippe Bas, à l’origine de l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée. J’espère que la procédure aboutira, car ce texte est attendu des élus du littoral confrontés à des problématiques nouvelles d’urbanisme dans les territoires.
Je tiens également à remercier le rapporteur, mon collègue Didier Mandelli, et l’ensemble des membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour leur travail.
Ce texte poursuit un triple objectif, comme cela vient d’être rappelé : préserver le littoral d’un urbanisme inconséquent, apporter une réponse circonscrite à la constructibilité dans les hameaux et sécuriser les documents d’urbanisme délivrés par les élus.
Si les attentes des élus sont fortes, les craintes ou plutôt les réticences le sont tout autant. Elles se sont d’ailleurs manifestées dès l’adoption du texte par le Sénat en février 2017 ; une pétition intitulée « Ne touchez pas à la loi Littoral » avait même récolté 300 000 signatures.
Pour certains, en effet, le littoral doit être sanctuarisé et la loi Littoral ne doit pas être modifiée. Pour d’autres, la protection du littoral est certes une véritable priorité, mais qui ne doit pas pour autant empêcher de faire évoluer un régime juridique afin de l’adapter aux enjeux actuels. C’est le cas des membres du groupe Union Centriste et des auteurs de cette proposition de loi.
Quels sont les enjeux de ce texte ?
Nous sommes au cœur de l’hiver, en janvier, et déjà deux tempêtes majeures ont traversé notre pays en provoquant des dégâts parfois très importants. Le recul du trait de côte est l’une des conséquences de ces tempêtes, particulièrement visible sur les côtes sablonneuses.
Il faut donc envisager non seulement de protéger les populations les plus directement concernées, c’est-à-dire celles dont les habitations menacent de s’effondrer, mais aussi anticiper en relocalisant les habitations et les activités économiques plus en amont. Cela implique de créer des outils ou d’adapter ceux qui existent afin de permettre aux pouvoirs publics – les élus locaux et les préfets – d’anticiper.
Cette adaptation des outils d’urbanisme doit préserver l’équilibre trouvé par la loi Littoral afin de protéger nos côtes d’une « bétonisation » excessive.
Il s’agit bien de trouver des dispositions équilibrées, entre la protection des populations et de l’environnement et la possibilité de maintenir des activités économiques sur le littoral.
Parmi ces outils figurent les zones d’activité résiliente et temporaire, c’est-à-dire le maintien de constructions dans des zones qui pourraient être menacées par un recul du trait de côte, mais qui ne le sont pas dans l’immédiat. Cet outil apporte une souplesse supplémentaire bienvenue pour les professionnels dont l’activité impose un accès à la mer : conchyliculteurs, activités nautiques. Le Sénat avait veillé l’an dernier à bien l’intégrer dans le corpus de règles existant, et à permettre aux élus locaux d’en avoir l’initiative. Ces outils seront très utiles en Vendée, par exemple, où les activités nécessitant une proximité de la mer sont nombreuses.
Associée aux ZART, la création du bail réel immobilier littoral permettra aux collectivités de développer, si elles le souhaitent, les espaces soumis à un risque potentiel de recul du trait de côte. Les relations entre le bailleur et le preneur sont adaptées à ce risque, notamment s’agissant de la répartition des frais de démolition si le risque se réalise. Le dispositif, qui figurait dans la proposition initiale, est sécurisé du point de vue juridique.
L’article 9 de la proposition de loi a fait l’objet de nombreuses discussions en commission, les positions s’étant d’ailleurs durcies par rapport à l’an dernier. Les dérogations apportées au principe d’extension en continuité de l’urbanisation dans les parties rétro-littorales des communes, introduites par la majorité sénatoriale, avaient été diversement accueillies. Elles ont donc été retirées de la version que nous examinons aujourd’hui. Je salue tout de même l’amendement du rapporteur qui vise à permettre aux installations et constructions liées aux cultures marines d’être autorisées dans les espaces proches du rivage.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean Bizet. Essentiel !
Mme Annick Billon. Enfin, parmi les dispositions contestées, demeurent les possibilités de relocalisation d’activités subissant le recul du trait de côte et les mesures de comblement des dents creuses des hameaux. Nul doute que ces dispositions feront l’objet de débats animés dans cet hémicycle, car certains y verront une atteinte à l’esprit de la loi Littoral. Nous avons même entendu qu’il s’agissait d’une boîte de Pandore…
Pour ma part, je crois que les garde-fous que prévoit ce texte – respect des proportions en hauteur et en volume du bâti existant – sont de nature à dissiper les craintes de voir le littoral se densifier outre mesure.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis particulièrement attachée à la loi Littoral. En vigueur depuis 1986, elle a protégé nos côtes d’une urbanisation irraisonnée, et nous permet aujourd’hui de nous prévaloir d’un patrimoine naturel exceptionnel.
Il n’est nullement question de remettre en cause les protections mises en œuvre par cette loi dont les élus du littoral sont si fiers et auxquelles ils sont si attachés. Pour autant, ne nous interdisons pas d’en revoir certaines dispositions pour les adapter à des enjeux qui n’étaient pas – ou mal – connus dans les années quatre-vingt.
Le recul du trait de côte est une réalité, dont les effets vont s’accentuer. C’est aujourd’hui qu’il faut agir. N’ayons pas une vision dogmatique, mais soyons pragmatiques. Il faut permettre aux activités économiques de ces territoires littoraux et à nos communes de vivre, car elles font également partie de ce patrimoine qu’il faut protéger.
J’invite ceux qui imaginent que la submersion marine n’est pas pour demain à venir en Vendée : ils verront que, depuis quelques hivers, le phénomène est récurrent et d’actualité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Nelly Tocqueville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte important, qui reprend en quasi-totalité les dispositions de la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, déposée à l’origine, voilà un an, par la députée Pascale Got et les membres du groupe socialiste de l’Assemblée nationale. En effet, si cette proposition de loi avait été adoptée en première lecture au Sénat le 11 janvier 2017, puis en seconde lecture à l’Assemblée nationale, le 31 janvier suivant, elle n’a jamais terminé sa navette parlementaire.
La proposition de loi socialiste initiale partait d’un constat double : d’une part, l’élévation du niveau des eaux et les risques qui y sont liés – la submersion marine ou les inondations – et, d’autre part, une activité humaine de plus en plus importante sur le littoral, avec une pression sur la construction de logements trois fois plus forte que la moyenne nationale.
Il s’agit d’un texte essentiel, qui mérite toute notre attention, puisque l’érosion côtière affecte 25 % de notre territoire métropolitain. La France compte près de 19 200 kilomètres de littoral ; c’est un réel atout naturel et économique, mais cela nous oblige aussi à prendre nos responsabilités. La longueur du trait de côte, quant à lui, représente environ 8 600 kilomètres.
La proposition de loi de 2017 visait à répondre, dans le cadre de la prévention du risque, « au besoin de préservation des espaces et de sécurisation des populations, tout en organisant les conditions du maintien du dynamisme et du développement durable de nos côtes ».
Alors que s’est conclue à Paris, voilà un peu plus de deux ans, la plus grande conférence mondiale sur le climat, la réalité des conséquences de la déréglementation climatique s’impose aujourd’hui régulièrement à nous. Cela entraîne inéluctablement une érosion côtière vérifiable et le recul, de fait, du trait de côte.
Par ailleurs, une activité humaine de plus en plus développée sur ces territoires fragilisés accentue les effets de ces événements déjà prégnants ; je le disais, la pression exercée par la construction de logements est trois fois plus élevée sur le littoral qu’à l’échelon national, en moyenne. L’INSEE estime ainsi que la population présente dans ces zones connaîtra une hausse de plus de 4 millions de personnes d’ici à 2040, ce qui doit nous interpeller et nous alerter.
Les conséquences de ces phénomènes sont nombreuses, particulièrement du point de vue humain et économique. Ainsi, dans le département dont je suis élue, la Seine-Maritime, une falaise s’est encore effondrée, le 23 octobre dernier, à Hautot-sur-Mer, sur trente mètres. Plus récemment, en décembre dernier, plusieurs milliers de mètres cubes de roches se sont écroulés au Tréport. À chaque fois, ces éboulements représentent une menace pour les personnes et les biens, mais ils affectent également les activités touristiques.
C’est la raison pour laquelle le phénomène d’érosion côtière ne peut plus donner lieu à des réactions laxistes, au prétexte que son effet est continu dans le temps et moins visible qu’une inondation. Les risques y afférents, qu’ils concernent les territoires, les biens ou les populations, sont réels et inquiétants, je viens de le souligner. Nous en avons désormais pleinement conscience, et il est de notre devoir d’anticiper les conséquences de cette évolution.
C’est l’intérêt de cet outil législatif, qui remédie aux actions et aux décisions prises dans l’urgence, à la suite d’un aléa, et qui apporte une solution juridique, en particulier, aux élus confrontés aux questions de relocalisation. Plusieurs dispositions ont déjà été mises en œuvre, au cours des dernières années, dans ce domaine, et les deux propositions de loi s’inscrivent dans la continuité de ces actions.
Néanmoins, celle que nous examinons aujourd’hui comporte malheureusement plusieurs mesures faisant l’objet de divergences significatives, qui appellent tout particulièrement notre attention ; ce sont celles qui visent à assouplir la loi Littoral et qui ne figuraient pas dans le texte socialiste initial. Ces mesures sont à nos yeux profondément regrettables, notamment en ce qui concerne le sujet des dents creuses.
Ce texte tend à assouplir cette loi, en introduisant plusieurs dérogations au principe d’extension en continuité de l’urbanisation dans les parties rétro-littorales des communes littorales. En particulier, son article 9 reprend en grande partie la rédaction que la droite sénatoriale a défendue en 2017, et ce malgré le compromis trouvé, je le rappelle, avec les députés de l’ancienne majorité, sur le principe de l’extension, sous certaines conditions, aux hameaux existants, sur l’autorisation accordée aux exploitants agricoles, forestiers et de cultures marines de s’implanter en discontinuité dans des agglomérations et des villages, après l’avis de la commission départementale de la nature des sites et des paysages, la CDNPS, et sur la possibilité d’identifier des espaces situés dans des ZART et destinés à l’accueil d’activités et de biens devant être relocalisés.
En outre, la proposition de loi, qui – faut-il le rappeler ? – concerne non seulement la France continentale, mais aussi l’outre-mer, nous paraît ne pas prendre en compte les attentes et les spécificités de ces territoires, en supprimant, en particulier, les zones de mobilité du trait de côte, les ZMTC.
Ce texte comporte donc des mesures qui remettent en cause des dispositifs essentiels de la loi Littoral ; or nous savons tous non seulement qu’elle est indispensable à la préservation des milieux naturels, mais encore qu’elle constitue la seule possibilité de prévenir les risques et de protéger les biens et les personnes.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, animé du souci de protection, de solidarité et de responsabilité à l’égard tant des territoires que de la population, mais aussi des générations futures, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra donc sur ce texte qui reprend, dans sa majeure partie, les éléments constitutifs de la proposition de loi de 2017, mais qui, malheureusement, pour les raisons précitées, présente en l’état trop de risques pour être adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, adapter le droit des territoires littoraux à l’urgence climatique est une action impérieuse et nécessaire. La proposition de loi de notre collègue Michel Vaspart reprend la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, cela a déjà été dit, déposée par nos anciennes collègues députées Pascale Got et Chantal Berthelot, élues respectivement de la Gironde et de la Guyane.
En réalité, son origine est plus ancienne – il est intéressant de bien comprendre d’où viennent ces textes : leur véritable origine se trouve dans le Grenelle de la mer ; cela vaut la peine d’y jeter un œil. Le Grenelle de la mer a adopté, lors d’un comité opérationnel, l’idée que la France devait se doter d’une stratégie nationale, réunissant les collectivités et l’État, et d’une méthodologie de gestion du trait de côte, de recul stratégique et de défense contre la mer.
À la suite des travaux de ce comité opérationnel ad hoc, un groupe de travail, animé par le député de la Manche – déjà ce département ! –, Alain Cousin, fut mis en place en 2010 ; ainsi, le Grenelle a eu lieu en 2008, puis, en 2010, se sont réunis le comité opérationnel et le groupe de travail d’Alain Cousin, qui a rendu son rapport le 2 novembre 2011.
Le Gouvernement issu des élections législatives de 2012 a fait un appel à projets, dans le cadre de la stratégie nationale de la gestion intégrée du trait de côte. On est obligé de rappeler tout cela, parce qu’on a l’impression de faire le condensé d’une histoire – celle du recul du trait de côte – qui a déjà pratiquement dix ans ; d’où la véritable urgence à agir.
Il y a ensuite eu cinq expérimentations, que je connais bien, car l’une d’elles a eu lieu sur le territoire dont je suis élu, dans la ville d’Ault, en ex-Picardie, dans les Hauts-de-France actuels. Les autres ont eu lieu à Lacanau, La Teste-de-Buch, et Labenne, dans le cadre du GIP littoral aquitain, à Vias, dans le Languedoc, à Hyères, et à Petit-Bourg en Guadeloupe. Ces cinq expérimentations seront menées de front, pendant plusieurs années ; il en est issu des documents extrêmement intéressants, que vous pourrez sûrement, les uns et les autres, vous procurer.
Par conséquent, nous disposons d’un important corps de doctrine et d’expérimentations. J’ai eu le privilège d’assister largement à ces travaux, parce que j’avais reçu, en tant que vice-président de l’Association nationale des élus du littoral, l’ANEL, délégation du président pour y assister. En effet, mon collègue et ami Jean-François Rapin étant pris de temps en temps par ailleurs, il avait bien voulu me demander de le représenter, ce que je faisais volontiers.
C’est donc dans le cadre de ces travaux importants de préparation qu’est née la proposition de loi de Mmes Got et Berthelot, avec un sérieux coup de main, il faut le dire, du ministère, pour la construction des outils d’urbanisme. Ceux-ci étaient, certes, conçus par les auteurs du texte, mais ils étaient mis en forme juridique de manière très concertée avec les administrations compétentes. Les députées avaient piloté toutes ces expérimentations, et ces travaux constituent, à mon avis, une base utile à la réflexion que vous appeliez de vos vœux, madame la secrétaire d’État, puisque cela a conduit à ce texte.
Il est vrai que ce texte, si l’on s’attarde sur la question des outils stricto sensu et du financement, n’est peut-être pas abouti, ne correspond peut-être plus aux propositions que vous faites ; mais il n’en reste pas moins que ces outils ont le mérite d’exister. Ils ont été mis sur la table, on les a discutés, et l’on était bien content d’avoir quelque chose…
Il est vrai que le financement était réglé dans des conditions ne plaisant pas à tout le monde, mais il y avait un effort, même si cela ne s’est probablement pas fait de façon traditionnelle pour une grande loi d’aménagement du territoire de ce type.
On pourrait sans doute discuter à l’infini de la question de savoir jusqu’où une proposition de loi peut aller ; c’est un vrai sujet, qui pose question : les capacités techniques dont disposent les parlementaires sont-elles suffisantes pour régler des problèmes d’urbanisme d’une extrême complexité ? La capacité technique qui se trouve entre leurs mains suffit-elle pour régler des problèmes financiers qui supposent des arbitrages extrêmement complexes ?
Néanmoins, il ne faut pas, me semble-t-il, jeter le bébé avec l’eau du bain, car ces propositions ont été faites avec beaucoup de courage et de détermination, dans un consensus assez large, en dehors du clivage droite-gauche. On peut donc sans doute critiquer les outils, dire qu’ils sont insuffisants, mais ils ont été posés sur la table.
En outre, avec les travaux qui ont eu lieu à la suite du Grenelle de la mer, dont j’ai parlé, et avec le droit positif portant sur le recul du trait de côte, on doit pouvoir construire quelque chose. Si le Gouvernement n’est pas satisfait et que sa majorité le suit à l’Assemblée nationale, il faudra en prendre acte, mais il ne faudra pas tarder à agir, parce que cela fait un moment que les élus du littoral, dont je suis, attendent. Nous avons souvent été envahis par la mer, notamment en baie de Somme où l’on a payé un lourd tribut – on rappelait tout à l’heure qu’un bout de falaise est tombé au Tréport, cela n’est pas loin de la Somme, et c’est arrivé à Mers-les-Bains il n’y a pas longtemps. Il s’agit donc de sujets très prégnants sur lesquels on ne peut plus traîner.
Je n’ai pas beaucoup d’autres choses à dire. Mon groupe et moi-même étions prêts à voter pour ces outils, mais j’y réfléchirai au fur et à mesure du débat et j’ajusterai peut-être ma position en fonction de ce que dira Mme la secrétaire d’État.
Je veux dire un mot sur la loi Littoral, puisqu’il me reste une seconde de temps de parole (Sourires.) ; cela me suffira pour dire que je suis contre l’article 9 du texte. J’ai présidé pendant longtemps le Conservatoire du littoral et j’habite un département dont 93 % du littoral a été préservé de l’urbanisation grâce à la loi Littoral et à ce conservatoire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jérôme Bignon. Je mesure donc l’intérêt de cette loi et je n’approuve pas ce qui est proposé, même si je pense qu’il y a des progrès à faire sur ce texte.
Mme la présidente. S’il vous plaît, monsieur Bignon !
M. Jérôme Bignon. Je pense notamment que l’on pourrait imaginer, comme on l’a fait pour l’éolien en mer, une juridiction commune qui prenne en charge tous les problèmes de la loi Littoral.
Veuillez m’excuser d’avoir dépassé le temps de parole qui m’était imparti, madame la présidente.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la montée des eaux liée au dérèglement climatique est un enjeu majeur, et nous ne pouvons que remercier le groupe Les Républicains de l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de la Haute Assemblée, tant cette augmentation inéluctable du niveau des océans affectera durablement l’urbanisation et l’activité économique de nos côtes.
Il n’est pas inintéressant de rappeler que le premier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, publié en 1990, ne prévoyait pas de montée des eaux. La logique du GIEC consistait, à l’époque, à dire que le climat se réchauffait, d’où une plus grande évaporation et donc plus de précipitations, mais que cela se traduirait par de la glace, qui serait stockée au Groenland et en Antarctique, sans montée des eaux. Telles étaient les conclusions du premier rapport du GIEC.
Ensuite, à chaque nouveau rapport, le GIEC a augmenté ses prévisions de montée des eaux, pour arriver, dans le cinquième rapport, à une fourchette de 29 à 82 centimètres de montée des eaux, selon les scénarios. Toutefois, beaucoup de scientifiques considèrent déjà ces chiffres comme très sous-estimés. Certaines études, cosignées par des lauréats du prix Nobel, envisagent même une montée des eaux de 5 mètres, à horizon d’un siècle, en raison de la fonte du Groenland – des incendies ont eu lieu dans cette île cet été, cela n’était jamais arrivé – et du début de fonte de la calotte de l’Antarctique.
Ce rapide rappel de l’histoire des prévisions en la matière doit donc nous amener à beaucoup de prudence dans nos décisions, car nous ne pouvons pas ignorer que le consensus scientifique du rapport du GIEC, relu, comme toujours, par les États, est généralement démenti par les faits : le dérèglement climatique est toujours allé plus vite que ce qu’annonçaient les rapports. Je suis donc un peu surpris, madame la secrétaire d’État, de votre assurance sur la prévisibilité du recul du trait de côte : à dix ans, oui ; à trente ans, c’est déjà beaucoup moins sûr ; à cent ans, nous n’en savons rien aujourd’hui…
Il faut donc se préparer à laisser à l’océan des territoires qu’il grignotera inéluctablement, à lui abandonner des constructions parfois anciennes, et à se doter d’outils courageux d’urbanisme, qui ne se contentent pas de donner l’impression que l’on peut retarder les échéances.
C’est l’un des principaux problèmes de ce texte ; on a tout de même un peu le sentiment que les mesures techniques développées, notamment les fameuses ZART – on y reviendra au cours du débat –, retardent une gestion assumée de cette montée des eaux, au profit de certains bricolages peu durables.
Pour être clair, je dirai qu’il faut apporter des réponses à des difficultés, notamment, effectivement, l’indemnisation de ceux qui vont perdre leur patrimoine bâti. En ce sens, l’amendement de Jean Bizet, dont nous discuterons tout à l’heure, qui pose la question essentielle, me semble-t-il, de la péréquation et de la solidarité nationale, est un élément important et intéressant de ce débat ; nous pouvons nous en saisir utilement.
Néanmoins, la ZART, que l’on pourrait peut-être redéfinir comme l’acronyme de la zone d’aménagement rapidement trempée (Sourires.), est un dispositif dangereux, qui peut nous amener à des situations ingérables selon la vitesse de la montée des eaux.
Il ne s’agit pas non plus de ne rien faire ; nous sommes d’accord sur le fait que certaines activités doivent suivre le recul du trait de côte – l’ostréiculture, la restauration touristique, la plaisance. Il faut effectivement des dispositifs adaptés pour ces activités que nous connaissons et que nous pouvons lister, mais ce n’est pas ce que permet de faire la ZART, qui est beaucoup plus large et qui constitue, d’une certaine manière, un contournement de la loi Littoral, au nom du dérèglement climatique – lequel a bon dos dans cette affaire…
La ZART risque de conduire à un imbroglio général et je pense même que les rapporteurs de la proposition de loi initiale – Jérôme Bignon en rappelait l’histoire – en étaient un peu conscients, puisqu’ils ont ajouté un bricolage supplémentaire qui, à mon avis, restera dans les cours d’histoire du droit administratif, le bail réel immobilier littoral, le BRILi. Regardez bien la logique du BRILi : elle consiste à dire que, après quarante, cinquante ou soixante ans, celui qui a construit reprendra gentiment sa pioche pour démolir ce qu’il avait fait… Nous le savons tous, c’est l’État qui se retrouvera avec une charge supplémentaire.
Il y a donc de vrais problèmes dans ce texte, qui est inadapté. J’ai bien noté la manière dont l’État le perçoit, mais cela nous donne tout de même un temps de débat, qui pourra inspirer la future loi, laquelle ne doit pas trop tarder, cela a été dit.
Il y a, avec ce texte, un problème de méthode. Il existe des problèmes liés à la loi Littoral, nul n’en doute – je suis moi-même un élu du littoral, un élu breton.
M. Christophe Priou. Des Pays de la Loire !
M. Ronan Dantec. Il nous faut trouver des solutions dérogatoires répondant aux difficultés réelles. Les solutions dérogatoires ne doivent pas être un assouplissement de la loi, c’est l’erreur fondamentale de la démarche des auteurs de cette proposition de loi. Ils proposent un assouplissement là où il faudrait trouver les conditions de création d’un consensus pour instaurer des dérogations. Tant que l’on tentera de toucher, au moyen de bricolages, à la loi Littoral pour régler des cas particuliers, on arrivera toujours à la même situation : on aura des prises de position, plutôt politiques, où chacun pourra se tourner vers les élus locaux en disant qu’il a tenté quelque chose, mais on n’aura pas réellement avancé.
Par conséquent, remettons-nous tous autour de la table pour construire ce consensus à partir des cas précis que l’on connaît. Que l’aéroport de Brest-Guipavas soit bridé par la loi Littoral, en soi, est une aberration, et je peux vous citer d’autres cas…
M. Jean Bizet. Ne touchez pas aux aéroports ! (Sourires.)
M. Ronan Dantec. Je suis très attentif aux aéroports bretons, surtout à ceux qui existent…
À partir de là, si nous construisons un consensus, nous pouvons y arriver.
Pour conclure, je veux reprendre une formule du président Larcher – il ne s’agissait pas de la loi Littoral, mais c’est le même esprit. Gérard Larcher dit qu’il ne faut toucher à la Constitution que d’une main tremblante ; je crois qu’il en va de même avec la loi Littoral. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, fort de ses diversités, le patrimoine littoral et maritime de la France constitue un atout formidable, cela a été souligné à de nombreuses reprises cet après-midi. La Côte d’Albâtre, avec les célèbres falaises d’Étretat ou encore celles de Varengeville-sur-Mer surmontées du cimetière marin, compte ainsi des pépites inestimables.
Malheureusement, les atteintes à ce patrimoine naturel, qu’elles soient directement liées à l’activité de l’homme, avec l’urbanisation, ou qu’elles le soient indirectement, avec le réchauffement climatique, imposent la mise en œuvre de règles de protection. En Seine-Maritime, près d’un million de mètres cubes de falaise, soit entre dix et quinze centimètres de côte, s’effondrent chaque année.
La préservation du littoral est donc un impératif, mais sa protection ne doit pas se faire au détriment de sa valorisation. La sanctuarisation systématique des espaces littoraux et des espaces et milieux remarquables ne contribue pas forcément à leur préservation.
La proposition de loi, très attendue, de notre collègue Michel Vaspart reprend une précédente proposition de loi, devenue caduque, tout en réintroduisant dans la protection du littoral une dose de souplesse, qui rend le principe de développement durable applicable au littoral.
Cet objectif de développement durable impose d’abord d’adapter la protection aux projets de chaque territoire littoral, de manière pragmatique. Les maires sont soumis à la double contrainte du respect des règles d’urbanisme fixées par la loi et de la nécessaire valorisation économique de leur commune. Les projets économiques, notamment en milieu rural, s’appuient essentiellement sur le maintien de l’activité agricole et sur le développement d’une activité touristique complémentaire. Conformément au principe du développement durable, ces projets ne s’opposent pas à la protection de l’environnement, dès lors qu’ils sont maîtrisés.
L’article 9 de la proposition de loi, qui facilite la mise en œuvre de projets agricoles essentiels pour la préservation des espaces naturels, répond à cet objectif. Ainsi, l’élevage participe à la préservation des côtes, en limitant, grâce aux pâturages, le ruissellement.
Par ailleurs, la protection des espaces naturels de nos côtes doit pouvoir être conciliée avec la valorisation du patrimoine architectural sur les sites littoraux remarquables, a fortiori quand ces espaces naturels littoraux font l’objet d’une « Opération grand site ». Tel est le sens de mon amendement, dont l’objet est de permettre, sous certaines conditions, le changement de destination des bâtis situés sur les espaces et milieux remarquables.
En outre, la protection de notre littoral impose de prendre des mesures de prévention qui coûtent cher, notamment aux collectivités territoriales. La première des préventions concerne la lutte contre le ruissellement et la défense contre la mer. L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions concernant la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, ou GEMAPI, dont l’application a été assouplie, pose immédiatement la question de son financement.
M. Jean Bizet. Exactement !
Mme Agnès Canayer. Le Sénat est intervenu pour que puissent être financés par la taxe levée par les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, les ouvrages pour la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement.
Pour la défense contre la mer, le flou persistant sur l’interprétation de la notion d’ouvrage concerné, notamment sur les épis, repousse les investissements liés à leur maintenance et accroît le risque de recul du trait de côte.
Enfin, l’ampleur des actions de lutte contre le retrait du trait de côte impose de donner aux collectivités, notamment aux communes, des moyens financiers à la hauteur des coûts de ces travaux.
Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », créé en 1995, est aujourd’hui fortement altéré. Non seulement son champ d’action a été largement étendu sans véritable cohérence, mais surtout ses financements ont été plafonnés pour participer au redressement des comptes de la Nation. L’abondement du fonds, qui est essentiel pour financer les actions de prévention contre les atteintes de la nature sur nos côtes, doit être garanti et son accès doit être ouvert aux mesures de prévention prises par les collectivités qui agissent contre l’érosion des côtes.
Pour toutes ces raisons, je soutiendrai les amendements de mon collègue normand Jean Bizet, qui visent à déplafonner le fonds Barnier et à en ouvrir l’accès, et je voterai pour le texte de mon collègue breton, le sénateur Michel Vaspart, qui concilie avec justesse protection et valorisation du littoral. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà plus d’un an, j’avais défendu devant la Haute Assemblée la prise en compte des risques littoraux dans l’aménagement de nos territoires côtiers. Maire pendant quinze ans d’une commune du Pas-de-Calais très concernée par le sujet de l’érosion, président de l’Association nationale des élus du littoral depuis 2012, je m’étais réjoui de voir aboutir un travail de plusieurs années entre les élus et l’État.
En effet, à chaque nouvelle tempête, tous les élus du littoral constatent les effets du changement climatique. Les événements climatiques ayant affecté notre pays – des ouragans Irma, José et Maria ayant touché les Antilles, à la rentrée 2017, aux diverses tempêtes qui ont balayé la métropole à la fin de l’année dernière, en passant, plus récemment, par le cyclone Berguitta à La Réunion – ont à nouveau démontré l’urgence à agir en matière de prévention des risques littoraux.
Je salue d’ailleurs la mise en place à l’Assemblée nationale d’une mission d’information sur la gestion des événements climatiques majeurs dans les zones littorales, présidée par Maïna Sage, députée de la Polynésie française.
Par essence, le littoral est instable et toujours en évolution. Nous en avons, au quotidien, des illustrations concrètes, sur nos rivages, liées à l’attaque des vagues et à l’érosion éolienne. À ces phénomènes s’ajoutent les effets des ouvrages de défense contre la mer, qui, construits pour protéger les côtes, ont parfois entraîné le dégraissement ou l’engraissement des plages.
Depuis la tragédie de la tempête Xynthia, un travail considérable a été accompli par les services de l’État et par les élus. Un appel à projets, évoqué par Jérôme Bignon, pour la relocalisation des biens et des activités avait été lancé en 2014 par l’État, et cinq territoires littoraux y ont participé. Nous avons besoin d’un suivi de cet appel à projets, qui n’envisageait que des solutions à droit constant, alors qu’il semble nécessaire de trouver des solutions juridiques pour régler les situations d’urgence, ce qui n’exclut pas de réfléchir à de nouvelles formes d’urbanisme pour l’avenir.
Tel était l’objet de la proposition de loi initiale : adapter le droit à un trait de côte perpétuellement en mouvement et aux événements météorologiques violents, toujours plus fréquents. L’interruption de la session parlementaire a suspendu l’examen de ce texte. Est-on pour autant reparti de zéro ? Je ne le crois pas.
Les événements climatiques de 2017 ont donné raison aux parlementaires qui avaient bien vu l’urgence d’un tel texte. J’ai en tête les images impressionnantes de l’ouragan Irma et, plus modestement, celles qui furent prises au début de ce mois sur la plage de la commune de Merlimont, dont j’ai été le maire, qui perd chaque année des tonnes de sable à cause du vent et des houles de plus en plus fortes.
Des enseignements peuvent être tirés des débats approfondis qui ont eu lieu, l’an dernier, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ces discussions ont montré que des consensus pouvaient émerger autour de ce texte : la définition du recul du trait de côte, la reconnaissance juridique de la stratégie nationale et des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, la création de zones d’activité résiliente et temporaire, associées au bail réel immobilier littoral. Toutes ces innovations législatives ont été reconnues comme correspondant à un réel besoin des élus du littoral. Je soutiendrai donc ces dispositions, qui apportent des outils supplémentaires aux élus littoraux.
Les discussions de l’an dernier nous ont aussi rappelé le fort attachement des Français à la loi Littoral, garante de la protection de nos côtes. J’ai toujours défendu cette loi et, au moment de fêter ses trente-deux ans d’existence, je la défendrai encore et je veillerai à l’application équilibrée de ses deux volets, préservation et développement du littoral.
Toute modification de la loi Littoral doit être impérativement justifiée et encadrée, et les élus du littoral y sont extrêmement attentifs. Il ne s’agit pas « d’ouvrir la boîte de Pandore » en autorisant un « détricotage » de cette loi ; personne ne le souhaite. Ces dérogations à l’obligation d’urbanisation en continuité répondent à un besoin. Elles seront définies par les élus, les services de l’État et la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dans le cadre de stratégies de territoire, et se feront hors des espaces proches du rivage, à l’exception, bien entendu, cher Michel Vaspart, des cultures marines, qui nécessitent la proximité de l’eau.
En ce qui concerne les dispositions relatives à l’indemnisation des biens endommagés, nous évoquerons bien sûr, durant ces discussions, le fonds Barnier, qui reste plafonné et dont il faudrait peut-être, madame la secrétaire d’État, réexaminer les cibles.
Mes chers collègues, c’est en disposant d’une information complète et dans un esprit de coconstruction intelligente entre les services de l’État et les élus que nous devrons faire évoluer l’aménagement de notre littoral.
Pour terminer, madame la secrétaire d’État, je veux réagir à votre propos liminaire. L’érosion côtière d’aujourd’hui, c’est la submersion de demain. Ne pas y voir un risque est une erreur stratégique. C’est ne pas s’attacher à ce qui nous manque en France, à savoir la culture du risque. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Françoise Cartron. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « continuer à vivre sur le bord de mer, à préserver les paysages, à développer le tourisme, les commerces, les activités implique aussi de vivre différemment et de s’adapter au phénomène de recul du trait de côte ». C’est cet impératif que rappelait Pascale Got, députée de la Gironde, dans sa proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique.
Le texte que nous étudions cet après-midi – cela a été rappelé, mais je veux malgré tout insister sur ce point – reprend en quasi-totalité les dispositions défendues par ma collègue girondine il y a tout juste un an. Je salue son travail et son engagement constant, ainsi que celui des membres du comité national de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, des élus de terrain et des associations environnementales. Malheureusement, la navette parlementaire avait été interrompue ici même. Une occasion manquée, donc, pour des dispositions qui proposaient, en plus de ceux existant déjà, des outils nouveaux à destination des communes, afin de mieux protéger les écosystèmes, d’aider à la gestion des zones soumises à l’érosion côtière, de sécuriser et d’harmoniser les documents d’urbanisme proposés par les élus et, enfin, d’apporter une solution à l’indemnisation des copropriétaires du Signal.
Le volet préventif, prospectif, d’anticipation du texte est bien évidemment primordial, mais je souhaite, dans cette discussion générale, insister sur la nécessité, aussi, de réparer ce qui n’a pas été anticipé. Permettez-moi, à cet égard, d’évoquer l’exemple de l’ensemble immobilier Le Signal, en Gironde.
Situé sur la falaise dunaire, construit il y a près de cinquante ans, dans le cadre des projets d’aménagement de la côte aquitaine, à l’origine à 200 mètres du front de mer, il a bénéficié d’un permis de construire accordé par l’État. Il est aujourd’hui face à un danger imminent d’effondrement. C’est ainsi que, dès 2011, les 75 propriétaires ont reçu un ordre d’évacuation définitive avec interdiction d’habiter ou de pénétrer dans les lieux, et ce sans indemnités, car ils seraient prétendument non éligibles au fonds Barnier. Cette affaire a donné lieu, depuis lors, à une bataille juridique, bataille non aboutie à ce jour, puisque, sur décision du Conseil d’État, le dossier vient d’être porté devant le Conseil constitutionnel, qui va devoir se prononcer.
Depuis la tempête de 2010, la situation de cette résidence fait périodiquement l’objet de nombreuses chroniques dans les médias, photos à l’appui. Ce qui n’est pas périodique, hélas ! c’est la situation intenable des propriétaires, pour la plupart de modestes retraités, expropriés, privés de leurs biens, contraints de se reloger à leurs frais.
L’article 3 du présent texte crée un montage spécifique pour la mise en œuvre d’un régime d’indemnisation transitoire. Celui-ci s’appliquerait pour les interdictions définitives d’habitation ou d’occupation des lieux résultant d’un risque de recul du trait de côte, lorsque des permis de construire auront été délivrés par les services de l’État.
Le problème spécifique de l’indemnisation des copropriétaires du Signal, à Soulac-sur-Mer, trouverait alors une réponse, sans pour autant qu’un « effet d’aubaine » soit suscité. Ce ne serait que réparation. C’est pourquoi l’article 3 de la proposition de loi doit impérativement être voté. Ne décevons pas les propriétaires concernés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Marie-Thérèse Bruguière et Colette Giudicelli applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bizet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi de notre collègue Michel Vaspart. Je tiens à saluer cette initiative, qui permet d’aborder à nouveau les préoccupations des élus de nos communes littorales.
Ce texte a notamment pour ambition de faciliter le recul stratégique des activités et le développement équilibré des territoires littoraux. Il s’inspire d’une partie des propositions du rapport sur l’application de la loi Littoral que j’avais rédigé, en 2013, avec notre collègue Odette Herviaux. Je me félicite d’y trouver des dispositions autorisant la densification des hameaux par comblement des « dents creuses », qui permettent la relocalisation des biens menacés par l’érosion littorale et les dérogations relatives aux activités agricoles et forestières ou aux cultures marines.
Je rappelle tout de même, à l’attention de celles et ceux qui s’inquiéteraient que l’on puisse ainsi porter atteinte à la loi Littoral, que de nombreux garde-fous sont prévus : ces dérogations ne sont possibles qu’en dehors des espaces proches du rivage, dans des zones identifiées par un SCOT et délimitées par un PLU, et sont soumises à accord de l’administration, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites – autant de clés de sécurité.
Au-delà de ces questions d’urbanisme, les territoires littoraux sont de plus en plus violemment confrontés aux effets du changement climatique, avec d’importants dégâts sur nos côtes, ce qui préoccupe les élus quant à la sécurité des personnes et la préservation des biens. Les réponses à apporter sont complexes, entre renforcement des ouvrages de défense contre la mer et reculs stratégiques. Chaque situation est particulière. En même temps, les aménagements réalisés par une commune peuvent avoir des conséquences sur le littoral des communes voisines. La stratégie de gestion intégrée du trait de côte est donc indispensable. À cet égard, je me félicite de la place que ce texte laisse aux initiatives locales.
Mais, au-delà des outils juridiques, les élus sont bien souvent désemparés devant l’ampleur des travaux à réaliser. Nous devons donc les aider à supporter la charge financière que ceux-ci représentent. Je défendrai dans la suite de la discussion un amendement en ce sens. Il serait tout à l’honneur de la Haute Assemblée de voter un tel dispositif, que de nombreux élus locaux appellent de leurs vœux.
Si le Gouvernement a souhaité, hier, transférer aux intercommunalités la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, la GEMAPI, en prônant l’initiative et la concertation locales, ce transfert ne peut se concevoir aujourd’hui sans un minimum d’accompagnement financier.
À écouter votre intervention liminaire, j’ai cru comprendre, madame la secrétaire d’État, que vous y étiez attentive, mais que vous n’étiez pas encore tout à fait prête. Étonnez-nous ! (Sourires.) Je vous le demande, pour la simple et bonne raison qu’une non-réponse aujourd’hui ne facilitera pas les choses demain matin.
Chacun doit bien comprendre que la loi Littoral a été conçue, à l’origine, comme un texte d’équilibre entre développement économique et environnement. Les fonctionnaires de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, que j’ai eu l’occasion de fréquenter, sont de grande qualité, mais les élus locaux ne le sont pas moins. Et ce n’est pas lui faire affront que de dire que la DHUP n’a, pendant près de vingt ans, rien fait pour mettre en application les dispositions de la loi Littoral, si ce n’est, en 1989, un décret et une circulaire, qui ont plutôt complexifié la mise en œuvre de la loi.
Même si, depuis, d’autres textes ont été produits, souvent au compte-gouttes, nous ne pouvons que constater une énorme carence de l’administration et, à l’inverse, une accumulation de décisions de justice, la jurisprudence s’étant substituée à la volonté du législateur.
Depuis quelques années, le Sénat a eu à cœur de faire preuve de pragmatisme et d’ouverture par rapport à la loi Littoral. Cette proposition de loi en est une nouvelle fois l’expression.
Je devine – ou peut-être est-ce une crainte… – que les différents amendements que j’ai déposés connaîtront un sort funeste. Peut-être n’ont-ils pas leur place dans ce texte. Peut-être l’ont-ils davantage en loi de finances. Toutefois, j’y insiste, nous ne ferons pas, vous ne ferez pas, madame la secrétaire d’État, l’économie d’une prise en charge financière des différents travaux qui seront nécessaires. Je ne saurais imaginer que votre ligne de conduite soit de laisser la nature faire les choses, sans pouvoir réagir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux
Chapitre IER
Élaborer des politiques d’anticipation du changement climatique sur le littoral
Article 1er
La section 7 du chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’environnement est ainsi modifiée :
1° Au début, il est ajouté un article L. 321-13 A ainsi rédigé :
« Art. L. 321-13 A. – La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte est définie dans un document qui constitue le cadre de référence pour la protection du milieu et la gestion intégrée et concertée des activités au regard de l’évolution du trait de côte à l’échelle d’une cellule hydro-sédimentaire et du risque qui en résulte. Elle est mise en œuvre dans le respect des principes de gestion intégrée et concertée des activités liées à la mer et au littoral prévue aux articles L. 219-1 à L. 219-6-1 ainsi qu’en cohérence avec la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation définie à l’article L. 566-4.
« La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte est élaborée par l’État en concertation avec les collectivités territoriales, le Conseil national de la mer et des littoraux, la communauté scientifique, les acteurs socio-économiques et les associations de protection de l’environnement concernés. Avant son adoption par décret, le projet de stratégie nationale, accompagné d’une synthèse de son contenu, est mis à la disposition du public selon la procédure prévue à l’article L. 120-1.
« La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte est révisée dans les formes prévues pour son élaboration tous les six ans. » ;
2° Sont ajoutés des articles L. 321-15 et L. 321-16 ainsi rédigés :
« Art. L. 321-15. – Des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte peuvent être élaborées par les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents en matière de défense contre les inondations et contre la mer en application du 5° du I de l’article L. 211-7, afin de mettre en œuvre les principes de la gestion du trait de côte définis à l’article L. 321-13 A. Elles sont compatibles avec les objectifs définis conformément à l’article L. 321-14 lorsqu’ils existent.
« Les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte peuvent proposer la création ou la modification de zones d’activité résiliente et temporaire définies au 1° bis du II de l’article L. 562-1.
« Lorsqu’il existe une stratégie locale de gestion des risques d’inondation prévue à l’article L. 566-8, la stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte s’articule avec elle pour former des actions et opérations cohérentes. Le cas échéant, elles font l’objet d’un document unique.
« Art. L. 321-16. – Toute stratégie de gestion intégrée du trait de côte prend en compte la contribution des écosystèmes côtiers à la gestion du trait de côte. Elle fixe des objectifs relatifs à la connaissance et à la protection des espaces naturels afin de permettre à ces écosystèmes de se régénérer et de s’adapter à de nouvelles conditions environnementales, et aux processus de transports sédimentaires naturels d’accompagner ou de limiter le recul du trait de côte. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 321-14 est complété par les mots : « en cohérence avec les orientations de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte définie à l’article L. 321-13 A du présent code ».
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, sur l’article.
M. Christophe Priou. N’ayant pu prendre part à la discussion générale, c’est à ce moment que j’interviens pour faire un point d’histoire, même si, comme le disait Churchill, les hommes retiennent peu les leçons de l’Histoire.
Madame la secrétaire d’État, je veux souligner l’importance qui s’attache, pour les collectivités, le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement, à travailler ensemble.
On parle beaucoup, pour la loi Littoral, de « béton ». Je parlerai également de « bitume », puisque je viens d’un département qui, outre Xynthia, a connu Erika.
Quels ont été les enseignements d’Erika ? Sans les élus locaux, il n’y aurait pas eu d’« après-Erika ». En effet, à l’époque, le gouvernement de Lionel Jospin, M. Gayssot étant ministre des transports et Mme Voynet ministre de l’environnement, avait décidé de signer un protocole d’accord et d’abandonner les poursuites juridiques contre les auteurs de cette catastrophe. Ce sont les élus locaux des communes touchées – je pense à la commune de Mesquer – et des associations qui ont porté le fer juridique et obtenu, en 2012, un jugement qui a fait jurisprudence, avec la condamnation, pour la première fois, du pollueur-payeur. Cela a été suivi, au Sénat, d’un texte, défendu par Bruno Retailleau, sur la reconnaissance du préjudice écologique. Ce texte a été voté à l’unanimité, repris par le gouvernement de l’époque et transcrit dans le code civil et le code pénal.
Madame la secrétaire d’État, l’histoire montre que chaque maillon de la chaîne a son importance.
Nous regrettons votre conclusion, mais nous gardons l’espoir que le présent texte soit, comme la proposition de loi relative au transfert de la compétence en matière d’eau et d’assainissement, que le Gouvernement avait repoussée, repris quasiment in extenso par l’Assemblée nationale. La méthode était certes un peu jésuite, mais je crois savoir que le Président de la République a reçu une éducation jésuite… (Sourires.) Je souhaite à cette proposition de loi un sort au moins aussi heureux.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Les outre-mer, dont je suis l’un des représentants dans cet hémicycle, sont particulièrement concernés par la question des territoires littoraux et des facteurs de leur développement. En effet, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion comptent, à elles seules, 92 communes littorales.
Plus grande île volcanique de l’archipel des Petites Antilles, la Martinique, qui compte environ 380 000 habitants, est la quatrième région française la plus densément peuplée, avec 344 habitants par kilomètre carré. Elle couvre 1 080 kilomètres carrés et est soumise à de nombreux risques naturels : séismes, tsunamis, éruptions volcaniques, cyclones tropicaux, érosion côtière et glissements de terrain. La Martinique est ainsi, avec la Guadeloupe, le territoire français le plus exposé au risque sismique.
Ayant été maire de la commune du François pendant de nombreuses années, je mesure parfaitement les enjeux et les difficultés propres à la thématique du développement durable des collectivités territoriales. En effet, si le recul du trait de côte est un phénomène auquel citoyens et pouvoirs publics se confrontent et se confronteront de plus en plus en raison du changement climatique, les conséquences humaines, matérielles, économiques et environnementales se font déjà sentir. Pourtant, il est difficile de se projeter et de se rendre compte de l’ampleur du phénomène à venir. Il faut néanmoins garder à l’esprit que les communes du littoral constituent des lieux de contact et d’échanges très importants, qui abritent, par ailleurs, des milieux parmi les plus riches et les plus productifs de la planète.
Cette situation contribue fortement à l’attractivité de ces communes et de certains territoires pourtant exigus, comme la Martinique, ce qui crée des emplois et favorise l’économie, par le biais du secteur touristique. C’est pourquoi il est nécessaire de trouver le juste équilibre entre urbanisme contrôlé et protection du littoral, tout en gardant en mémoire que certains territoires comme la Martinique manquent cruellement de foncier. Dans cet esprit, j’ai déposé quelques amendements que j’estime aller dans le bon sens, collant à la réalité de mon territoire et ayant pour objet d’œuvrer à sa préservation et sa protection.
M. Claude Bérit-Débat. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié ter, présenté par M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Priou, Mmes Eustache-Brinio, Malet, Dindar et Imbert, MM. Bonhomme, Gilles, Paccaud, Courtial, de Nicolaÿ et Grosdidier, Mme Chain-Larché, MM. Lefèvre, Ginesta, Frassa, B. Fournier, Mouiller et Bizet, Mme Lamure, M. D. Laurent et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elles comportent des dispositions relatives à l’information du public sur le risque de recul du trait de côte.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement a pour objet de sensibiliser les populations concernées par le risque de recul du trait de côte, afin de leur permettre de devenir elles-mêmes actrices des programmes de prévention des risques. La diffusion d’une culture du risque a également pour but de protéger les élus locaux, qui sont souvent confrontés à l’incompréhension de leurs concitoyens lorsque des mesures d’envergure doivent être prises.
En tant qu’élu de la côte basque, plus particulièrement de Biarritz, j’ai pu observer l’incompréhension des administrés confrontés à des procédures d’expropriation. Par manque de connaissance des risques, ces décisions sont mal comprises par les populations. Les élus locaux doivent parfois engager un véritable bras de fer, alors qu’ils agissent par devoir de prévention et par souci de sécurité de leurs concitoyens. Les exemples de ce type sont malheureusement nombreux.
Ces expériences vécues par les élus locaux appellent notre attention et notre action. C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise à ce que les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, élaborées par les collectivités ou leurs groupements, aient également pour mission de sensibiliser et de responsabiliser les citoyens à la fragilité de leur environnement et aux risques inhérents à celui-ci, en comportant des dispositions relatives à l’information du public sur le risque de recul du trait de côte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement tend à ce que les stratégies locales de gestion intégrée comportent des dispositions relatives à l’information du public sur le risque de recul du trait de côte.
Je partage la volonté de ses auteurs de renforcer l’information et la sensibilisation des citoyens sur les risques liés à l’érosion côtière et à la submersion marine. Il paraît effectivement pertinent que ces actions soient réalisées à l’échelle des stratégies locales de gestion du trait de côte, c’est-à-dire le plus en amont possible.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Cet amendement vise à intégrer dans les stratégies locales de gestion du trait de côte des éléments sur la culture locale du risque.
Je partage le souhait de développer cette culture et cette mémoire du risque dans les territoires exposés au recul du trait de côte, mais, en l’état actuel de l’article 1er, deux faiblesses sont à relever.
Premièrement, les stratégies locales sont facultatives.
Deuxièmement, leur contenu mériterait d’être revu plus largement, afin notamment de prévoir qu’elles puissent proposer la réalisation d’actions ou d’opérations d’aménagement.
Dans ce contexte, je suis défavorable à cet amendement, qui ne permet de répondre qu’à une seule partie des enjeux liés à la gestion du trait de côte.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.
M. Christian Manable. Le développement durable des territoires littoraux et la lutte contre les phénomènes naturels de submersion marine passent incontestablement par un développement de l’éducation à la culture des risques. Or, à ma connaissance, il n’y a aujourd’hui, en France, qu’un organisme actif en la matière. Il s’agit de l’IFFO-RME, association nationale qui intervient à la fois auprès des élus locaux, à la demande des préfets, et en milieu scolaire, pour sensibiliser les populations à ces risques majeurs. Cette action me paraît tout à fait nécessaire.
Lorsque j’étais président du conseil général de la Somme, département maritime qui compte 70 kilomètres de côtes, soit autant que le littoral belge, j’avais toujours peur, lors des violentes tempêtes, avec des coefficients de marée importants, que les services départementaux ne me réveillent la nuit pour m’annoncer que Cayeux-sur-Mer, station balnéaire de la côte picarde, située au sud de la baie de Somme, était devenue « Cayeux-sous-Mer ». En effet, il y a aussi, sur le littoral picard, des bas-champs, autrement dit des polders, ces terres qui, au cours de l’histoire, ont été gagnées par les hommes sur la mer.
Dire qu’aujourd’hui, avec le réchauffement climatique et le rehaussement du niveau marin, les risques de submersion sont réels sur la côte picarde n’a rien d’une élucubration du savant Cosinus. J’ai d’ailleurs du mal à comprendre que le président de l’un des plus puissants pays du monde puisse confondre météo et climat : la météo vaut pour un moment donné, quand le climat retrace une évolution dans le temps. On peut le constater. Cela est d’ailleurs déjà arrivé en 1991.
Cependant, il faut faire comprendre aux populations que le retour de la mer là où l’on a autrefois gagné des terres n’est pas forcément un inconvénient et peut présenter des atouts, car il peut permettre de développer de nouvelles activités économiques : développement de ports de plaisance, ostréiculture ou encore chasse, avec la possibilité de construire des huttes flottantes.
Enfin, je veux rappeler que j’ai été, en 2015, corapporteur, pour le Sénat, d’un rapport intitulé Xynthia, cinq ans après. Je m’étais porté volontaire, parce que j’avais constaté une similitude des problématiques sur les littoraux picard et vendéen. Je peux vous assurer que ceux d’entre nous qui se sont rendus sur place et ont entendu les responsables des associations de victimes ont été véritablement traumatisés.
Il faut donc prendre le problème à bras-le-corps. Cela commence par une éducation aux risques majeurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.
M. Christophe Priou. Pour rebondir sur ce que vient de dire mon collègue, il est vrai que l’on a parfois l’impression que, plus encore que le trait de côte, c’est l’État qui recule. En effet, et ce n’est d’ailleurs pas la faute du gouvernement actuel, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale se sont vu transférer de nombreuses compétences, notamment la GEMAPI ou les plans de prévention des risques littoraux, et de plus en plus de responsabilités. Ils ont la responsabilité du droit des sols et des risques, notamment sur le plan pénal, sans parler – nous aurons l’occasion de l’évoquer – des coûts financiers engendrés par les actions de protection.
Ces dernières années, on a constaté une dérive. Le Sénat et l’Assemblée nationale, réunis en Congrès, ont transcrit dans la Constitution le principe de précaution. Force est de constater que celui-ci s’est mué en risque zéro, notamment de la part de l’État. Il faut éviter, aujourd’hui, le dialogue de sourds entre les élus locaux que nous représentons et les représentants de l’État qu’ils rencontrent, sur les actions à entreprendre et la nécessité de s’en tenir aux textes.
D’ailleurs, il est paradoxal que l’État « abandonne » la gestion du droit des sols, alors qu’il gère le domaine public maritime. Je vous renvoie à l’application du « décret plage », qui fait couler beaucoup d’encre au niveau national, concernant notamment la plage de La Baule, et à la zone des 12 miles marins. En revanche, l’État élabore, en ce moment, en concertation avec les départements et les régions, des documents stratégiques de façade, qui nous donneront l’urbanisme maritime et marin qui n’a pas vu le jour jusqu’à maintenant.
Plus que jamais, il est important que l’État garde les pieds sur terre !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Chapitre II
Identifier le risque de recul du trait de côte
Article 2
Le titre VI du livre V du code de l’environnement est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VII
« Évaluation et gestion du risque de recul du trait de côte
« Section 1
« Définitions
« Art. L. 567-1. – Au titre du présent chapitre, le recul du trait de côte consiste en un déplacement, vers l’intérieur des terres, de la limite du domaine maritime en raison soit d’une érosion côtière par perte de matériaux rocheux ou sédimentaires, soit de l’élévation permanente du niveau de la mer.
« Ce recul du trait de côte peut s’étendre au-delà des limites du rivage de la mer tel qu’il est défini à l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques. »
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, sur l’article.
M. Christophe Priou. Il a souvent été rappelé, à juste titre, que la mise en place de la politique de gestion du trait de côte est un exercice difficile pour notre pays, deuxième au monde en linéaires de côtes.
Comme mon collègue l’a rappelé, la mission commune d’information qui, à la suite du drame de Xynthia, s’est notamment rendue aux Pays-Bas a bien vu que certains pays ont une culture du risque. Les Pays-Bas, traumatisés par le drame qui a fait plusieurs milliers de morts dans les années cinquante, ont intégré cette culture. Nous devons faire de même, notamment en réalisant des ouvrages importants ou en abandonnant certains équipements qui ont été construits sur nos côtes. Reste que protéger 3 400 kilomètres de côtes ne représente pas le même enjeu qu’en défendre 450, comme doivent le faire les Pays-Bas…
La protection des personnes est prioritaire, mais n’oublions pas les biens. Qui décidera demain de laisser faire la nature ? Qui décidera de la construction ou du renforcement d’ouvrages dont certains protègent des activités économiques ? Par exemple, dans la région dans laquelle je suis élu, le bassin des marais salants de Guérande, qui est emblématique au niveau national, voire international, a été submergé au moment de Xynthia. Toutefois, il est protégé par 20 kilomètres de digues. Or, pour réhabiliter, voire pour redimensionner celles-ci, il faut des dizaines de millions d’euros ! De tels exemples sont légion dans toutes les régions côtières de France.
Reste toutefois – nous l’aborderons de manière très furtive concernant le fonds Barnier – un important problème de financement pour les collectivités, puisque ce ne sont pas les départements, les régions, les communautés d’agglomération ou les communes qui pourront faire face à ces choix douloureux et à ces coûts financiers.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Je veux en fait interroger Mme la secrétaire d’État.
On parle de recul stratégique, de protection, de défense contre la mer. Cependant, une vision uniforme de toutes nos façades maritimes, de la Méditerranée jusqu’au nord de la France, en passant par l’Atlantique, est absolument ridicule. Le recul stratégique est possible à certains endroits, mais pas partout. Je suis prêt à vous le démontrer sur le terrain.
La tempête Xynthia a frappé mon département. Je l’ai vécue douloureusement, comme tant d’autres habitants – je ne parle même pas des familles des victimes. La capacité à construire des digues ne doit donc pas être abandonnée.
Ma question est très simple.
Chaque gouvernement y allant de son choc de simplification, le Gouvernement a annoncé sa volonté de simplifier la législation concernant notamment l’éolien. Or, lorsque les plans de défense contre la mer ont été définis, M. Martin, qui était ministre de l’écologie, a accepté le principe d’un train de mesures de simplification réglementaires, car les maires – désormais les communautés de communes pour ce qui concerne la compétence GEMAPI – n’en peuvent plus de cette complexité normative, alors qu’il s’agit de protéger non pas des biens, mais des vies humaines. Il devait y avoir un second train de mesures, législatives cette fois. Mme Royal s’y était engagée, mais elle n’a pas respecté cet engagement.
Ma question est la suivante : alors que vous vous apprêtez à privilégier la voie législative pour simplifier l’implantation d’éoliennes en France, seriez-vous prête, madame la secrétaire d’État, à faire en sorte que l’on puisse simplifier, par cette même voie législative, les procédures qui entravent l’action des élus, pour protéger des vies humaines ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par M. Dantec, Mme Costes et M. Gold, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le niveau prévisible de montée des eaux pris en compte dans les dispositifs d’adaptation des littoraux est déterminé par le Plan national d’adaptation au changement climatique.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est très simple.
Il est évident que la question du niveau prévisible de montée des eaux est un élément central de notre discussion.
Il faut se demander où le débat sur cette question doit avoir lieu. Je veux bien évidemment parler d’un débat scientifique, entre acteurs, sur le modèle exact d’ailleurs du GIEC. Il faut trouver un lieu qui permettra d’accaparer cette question et de créer le consensus.
Ce lieu, nous l’avons : je pense au Plan national d’adaptation au changement climatique, préparé par l’ONERC, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, dont l’ancien sénateur Paul Vergès a longtemps été le président. Le PNACC est vraiment le lieu où l’on peut débattre – généralement tous les six ou sept ans – des dernières données scientifiques, prendre connaissance des cotes de court terme et des perspectives de long terme – ces dernières étant évidemment moins précises – et où se retrouve l’ensemble des acteurs concernés.
Je préside la commission spécialisée sur l’adaptation au changement climatique du Conseil national de la transition écologique. Or le CNTE, qui compte les collectivités territoriales, les entreprises, les organisations de protection de l’environnement et les syndicats parmi ses membres, a adopté à l’unanimité les bases de ce « PNACC 2 ». Nous sommes donc capables de trouver des consensus sur les stratégies d’adaptation au changement climatique. Nous disposons du véhicule idoine, et je pense que cet amendement complète utilement les deux articles précédents sur lesquels nous nous accordions déjà tous.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Au même titre que les dispositions du code de l’environnement relatives aux traits de côte prévoient qu’une cartographie de l’érosion côtière soit réalisée, il paraît utile que le niveau prévisible de montée des eaux dans les prochaines années soit évalué et rendu public dans le cadre du Plan national que vous avez évoqué, monsieur Dantec, et qui est en cours de révision.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Le Plan national d’adaptation au changement climatique, dont la nouvelle version vient de faire l’objet d’une discussion en décembre dernier, est un document très important pour créer une dynamique intégrant l’ensemble des acteurs.
Aux yeux du Gouvernement, la prise en compte de l’élévation du niveau de la mer dans les politiques liées au littoral est absolument essentielle et entre d’ores et déjà dans le cadre des PPR littoraux. Consigne a été donnée aux services en ce sens via une circulaire, et bientôt via un arrêté.
Il est préférable de conserver la fixation de ce niveau dans un document que l’on peut réviser rapidement et à tout moment, chaque fois que l’évolution des connaissances le nécessitera, plutôt qu’au sein du Plan national d’adaptation au changement climatique, dont la révision suit une procédure complexe et longue. Bien évidemment, cela n’empêche pas de discuter du sujet dans le cadre de la gouvernance du Plan national d’adaptation au changement climatique.
Monsieur Retailleau, la question des éoliennes en mer et de la simplification des procédures législatives est essentielle. Pour autant, il ne me semble pas opportun d’en discuter dans le cadre de cette proposition de loi, dont ce n’est pas l’objet. Certes, il s’agit aussi de bord de mer, mais pas davantage. N’ouvrons pas ce débat maintenant, même si le Gouvernement, qui a déjà pris des mesures dans ce sens, reconnaît qu’il s’agit d’une question importante.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. La montée prévisible des eaux, ce n’est pas un effondrement. Le Groenland ne va pas fondre en quatre ans et les eaux ne vont pas monter d’un mètre quand les prévisions nous annoncent une hausse de dix centimètres. Ce n’est pas possible dans le cadre d’une montée liée au dérèglement climatique.
L’État peut modifier la stratégie de trait de côte adoptée par certains territoires et qui pose déjà des problèmes spécifiques sans passer par le PNACC. Il importe simplement de porter un débat sur la prévisibilité au sein du Plan national, réunissant tous les acteurs.
Je suis tout de même très surpris que vous nous expliquiez que les données prévisibles de montée des eaux peuvent changer de plusieurs centimètres, du jour au lendemain. Ce n’est pas vrai !
Au contraire, le PNACC nous permettra de discuter des nouvelles données scientifiques à peu près au moment où le GIEC publiera son rapport. Il s’agit donc d’un outil parfaitement adapté à l’évolution des connaissances. Nous avons besoin d’un lieu d’accaparement et de discussion collective et nous avons la chance d’avoir le PNACC à disposition, autant en profiter !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Monsieur Dantec, il s’agit bien évidemment d’une question essentielle. Nous ne le nions pas. Et parce que nous avons besoin de pouvoir faire preuve de flexibilité sur une question aussi essentielle, nous ne pensons pas qu’un document aussi long et complexe que le PNACC soit le lieu opportun pour l’encadrer. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Article 3
Le fonds mentionné à l’article L. 561-3 du code de l’environnement finance les indemnités allouées aux propriétaires d’un bien immeuble ayant fait l’objet d’une interdiction définitive d’habiter ou d’occuper les lieux prise en raison du risque de recul du trait de côte pour des faits intervenus avant le 1er janvier 2017, à l’exception des immeubles dont le permis de construire a été délivré par le maire au nom de la commune, en application d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme.
Ces indemnités sont évaluées sans prendre en compte ce risque et leur montant maximum est fixé à 75 % de la valeur estimée de chaque bien.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, sur l’article.
Mme Françoise Cartron. Je n’ai pas bien compris quelle était la position du Gouvernement sur cet article, qui vise à trouver une solution pour dédommager les propriétaires de l’immeuble Le Signal.
La responsabilité de l’État est en effet pleinement engagée : le permis de construire a été délivré par l’État et c’est l’État qui a ordonné l’évacuation sans procéder à des travaux de confortement, ce qui a entraîné la perte de leur bien pour ces propriétaires.
Je crois qu’il est temps de faire un geste et d’indemniser les propriétaires de cet immeuble, engagés dans des procédures judiciaires depuis cinq ans.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
I. – L’article L. 562-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au I, après le mot : « terrain », sont insérés les mots : « , y compris côtiers » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis D’évaluer le risque de recul du trait de côte et de délimiter, sur proposition d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales concerné, des zones d’activité résiliente et temporaire.
« Dans ces zones, les plans fixent la durée maximale pendant laquelle des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations peuvent être réalisés, utilisés, exploités ou déplacés, sous réserve que cela soit compatible avec l’exposition à d’autres risques naturels. Ils peuvent prévoir, en outre, des mesures d’interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; »
b) Aux 3° et 4°, les mots : « au 1° et » sont remplacés par les mots : « du 1° » ;
II. – Au premier alinéa de l’article L. 562-2 du code de l’environnement, la référence : « au 1° et » est remplacée par la référence : « du 1° ».
III. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au 6° de l’article L. 421-9, après la référence : « au 1° », est insérée la référence : « et au 1° bis » ;
2° Au i du 1° de l’article L. 480-13, la référence : « aux 1° et » est remplacée par la référence : « du 1° au ».
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, sur l’article.
M. Christophe Priou. En fait, je souhaitais m’exprimer sur l’article 3.
Quand il est question du fonds Barnier, on a envie de dire à Bercy : rendez l’argent ! Mais je comprends que les fonctionnaires de Bercy soient plus préoccupés par la montée des eaux de la Seine que par le recul du trait de côte…
Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Nous avons fait œuvre utile sur les premiers articles, en dégageant de forts consensus – même si le dernier vote est à mettre en lien avec l’article 18, la question de l’indemnisation étant au cœur de la proposition de loi initiale.
De manière quelque peu taquine, je propose maintenant, pour que ce texte ait une chance de poursuivre son parcours législatif, de supprimer les articles qui posent de vrais problèmes, sur lesquels on ne peut atteindre de consensus. Nous savons que le Gouvernement ne les soutiendra pas, tout comme l’Assemblée nationale.
En outre, il me semble que la ZART est un dispositif très discutable. Peut-être aurait-il fallu préciser que l’ensemble des constructions concernées doit être en lien direct avec l’activité maritime. La rédaction actuelle permet en effet d’inclure des choses extrêmement diverses dans ces zones. Si on l’avait écrit que ces constructions concernent les activités qui suivent la remontée du trait de côte, cet article aurait eu tout son sens. Mais, dans la mesure où l’on peut y mettre tout ce qu’on veut, nous risquons de créer une situation extrêmement problématique en autorisant des constructions en dur qui finiront sous l’eau et dont personne ne voudra assurer la démolition, en sus d’un mitage du territoire et du littoral.
Je propose donc de supprimer cet article pour gagner un peu de temps et faire en sorte que les points positifs de ce texte soient reçus plus favorablement à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le dispositif des ZART, qui est une partie du cœur de cette proposition de loi.
Ce nouveau zonage doit permettre le maintien de constructions ou d’ouvrages pendant une durée déterminée dans des zones qui ne sont pas menacées de manière imminente par un risque de recul du trait de côte. Ces constructions peuvent alors être soumises à des prescriptions particulières.
Ce nouveau zonage, qui avait fait l’objet d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Pascale Got, est utile pour permettre de concilier le maintien des activités littorales et la prise en compte du risque de recul du trait de côte.
La solution proposée par l’auteur de l’amendement reviendrait à geler des portions importantes du territoire sur lesquelles toute activité serait interdite en raison du risque que se produise un recul du trait de côte à échéance de cinquante, soixante, soixante-dix ans, voire un siècle… Cela ne paraît pas raisonnable et me semble contraire à l’esprit de la proposition de loi.
Pour ces raisons, monsieur Dantec, la commission est, cette fois, défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Comme je l’ai précisé lors de la discussion générale, le Gouvernement pense que l’usage des outils classiques de prévention des risques – comme, par exemple, les PPR – pour traiter de l’érosion du trait de côte n’est pas la solution la plus adaptée. Les outils d’aménagement, qui sont aux mains des collectivités, nous semblent plus adaptés à la réalisation de leurs projets de territoire en favorisant à la fois le développement économique et l’adaptation au recul du trait de côte.
Le Gouvernement est donc favorable à la suppression de l’article 4.
Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Brisson et Priou, Mmes Eustache-Brinio, Malet, Dindar et Imbert, MM. Bonhomme, Gilles, Paccaud, Courtial, de Nicolaÿ et Grosdidier, Mme Chain-Larché, MM. Bizet, Mouiller, B. Fournier, Frassa, Ginesta et Lefèvre, Mme Lamure, M. D. Laurent et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
y compris côtiers
par les mots :
le recul du trait de côte
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement tend à préciser que le recul du trait de côte est un risque naturel à part entière pouvant donner lieu à un plan de prévention des risques naturels prévisibles. En effet si l’expression « mouvements de terrain, y compris côtiers » permet de faire référence à ce risque, elle en occulte sa spécificité due à la montée du niveau de la mer et à l’évolution des courants de marée et de houle.
Les auteurs de cet amendement rédactionnel ont donc pour simple ambition de renforcer l’existence de ce risque dans les textes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Nous reconnaissons que la notion de « mouvements de terrain, y compris côtiers » prévue par la proposition de loi est moins précise que celle de « recul du trait de côte ». Or les PPRN auront bien vocation à couvrir dorénavant ce risque. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. L’article 4 porte sur l’introduction des zones d’activités spécifiques à l’érosion dans les PPRN.
Nous sommes défavorables à cet article, qui traite l’érosion via des outils de politique des risques, ce qui nous paraît inadapté. Traiter l’érosion via les outils d’aménagement nous paraît plus pertinent et plus adapté dans la mesure où il s’agit d’opérations d’aménagement du territoire.
Toutefois, le dispositif de cet amendement permet d’améliorer la rédaction de ce texte en distinguant clairement le mouvement de terrain du recul du trait de côte, qui sont deux phénomènes totalement différents. Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces zones ne peuvent se situer dans les zones définies au 1°.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Les zones d’activité résiliente temporaire, créées afin d’accompagner la mobilité du trait de côte, sont une sorte de zone tampon où la collectivité se doterait des moyens de procéder à une évacuation progressive et à la relocalisation des activités.
Si nous partageons l’idée d’anticipation et de préparation longue, nous ne souhaitons en aucune manière que ce nouveau zonage participe à l’urbanisation d’espaces pour lesquels le risque de submersion est avéré, seul le rythme étant sujet à aléa. Nous proposons de préciser que les ZART et les zones rouges – les plus à risque – ne peuvent se chevaucher.
L’existence de ces zones rouges et de la réglementation particulière qui leur est attachée se justifient par la volonté de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines. Or nous considérons que ne pas vouloir aggraver ce risque revient à interdire tout type de construction sur ce périmètre, et ce même de manière transitoire.
Comme nous l’avons indiqué lors de la discussion générale, l’intérêt de ce texte réside dans l’adaptation des territoires littoraux aux phénomènes climatiques. Il n’a pas vocation à accroître les possibilités de construction. Cet amendement de précision s’intègre parfaitement dans cet objectif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à rendre impossible la délimitation d’une ZART au sein d’une zone rouge. Or il est déjà satisfait par l’article 4, qui permet au préfet de créer trois types de zonage : des zones rouges, où les constructions sont interdites, des zones bleues, où elles sont autorisées avec des prescriptions, et des ZART. Il n’y aura donc pas de superposition possible entre ces différentes zones.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je souscris pleinement à l’objectif de cet amendement.
Si une construction peut être autorisée de manière temporaire dans une zone d’adaptation au recul du trait de côte, il ne faut pas pour autant oublier la nécessaire prise en compte des autres risques – notamment la submersion marine – pouvant justifier le caractère inconstructible de ladite zone. Ces constructions ne doivent donc pas être autorisées dans une zone rouge du PPR.
Toutefois, cet amendement vise le 1° du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement, qui porte non seulement sur les zones rouges des PPR, mais aussi sur les zones où les constructions ne sont pas interdites, mais soumises à prescription. L’adoption de cette disposition reviendrait donc à interdire également les constructions temporaires dans ces zones, ce qui ne semble pas être l’objectif poursuivi. C’est pourquoi je vous invite, monsieur le sénateur, à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 25 rectifié est présenté par Mme Tocqueville, MM. Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Préville, MM. Courteau et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Jacques Bigot, M. Bourquin, Boutant, Cabanel et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, Ghali et Grelet-Certenais, M. Guillaume, Mmes Guillemot et Harribey, M. Iacovelli, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Leconte, Mmes Lepage et Lienemann, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, MM. Raynal et Roger, Mme Rossignol, MM. Roux, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot, Todeschini et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.
L’amendement n° 33 est présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ces plans peuvent également déterminer des zones de mobilité du trait de côte dans lesquelles toute construction, tout ouvrage ou tout aménagement est interdit, à l’exception des ouvrages de défense contre la mer mentionnés au 5° du I de l’article L. 211-7 construits par les personnes mentionnées au premier alinéa du même I ou par des personnes privées dans les conditions prévues par le plan et des aménagements de culture marine ;
La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.
Mme Nelly Tocqueville. Cet amendement vise à rétablir la possibilité de délimiter des zones de mobilité du trait de côte, les ZMTC, que j’ai évoquées lors de la discussion générale, dans le cadre des plans de prévention des risques naturels prévisibles. Cette possibilité n’a pas été retenue dans la rédaction du présent texte, alors qu’elle figurait dans la proposition de loi initiale de Pascale Got.
Le rapporteur explique à plusieurs reprises que les PPRNP peuvent d’ores et déjà délimiter des zones rouges au sein desquelles des interdictions peuvent être mises en place. En conséquence, il n’estime pas nécessaire de prévoir un nouveau zonage. Or, comme l’ont rappelé les députés lors de l’examen de ce texte, avec le soutien du précédent gouvernement, il apparaît que ce simple zonage ne serait pas suffisant dans certains territoires, à commencer par les territoires ultramarins, où une protection spécifique de la biodiversité doit être mise en place. En effet, les zones rouges ne concernent que l’interdiction de construction, sans prendre en considération la vulnérabilité naturelle des écosystèmes. À l’inverse, le rôle de la ZMTC consisterait à définir un périmètre spécifique de protection des écosystèmes.
Une différence d’interprétation sur la portée de ce dispositif demeure. En commission, nous avons déposé cet amendement en demandant des explications que nous n’avons pas obtenues. C’est la raison pour laquelle, face à ces divergences d’analyse persistantes et aux risques que présenterait l’adoption d’un dispositif mal adapté à certaines réalités ou à certains territoires, nous souhaitons réintroduire la possibilité de délimiter des ZMTC. Nous resterons néanmoins attentifs aux arguments que pourront nous apporter M. le rapporteur ou Mme la secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 33.
M. Guillaume Gontard. Le présent article modifie les zonages au sein des plans de prévention des risques naturels. Il permet ainsi, à la demande des collectivités territoriales, la création d’une nouvelle zone intermédiaire, transitoire et résiliente, afin de faire face spécifiquement au recul du trait de côte. Cette nouvelle zone serait ainsi créée à côté des zones de danger, dites zones rouges, dans lesquelles les constructions peuvent être autorisées sous certaines conditions, voire interdites, et des zones bleues, qui ne sont pas directement exposées aux risques.
La proposition de loi initialement débattue par la Sénat, en janvier dernier, instaurait une autre zone, dite « mobilité du trait de côte », dans laquelle les constructions, ouvrages et aménagements seraient purement et simplement interdits à l’exception des ouvrages de défense contre la mer, afin de permettre aux écosystèmes côtiers de s’adapter.
En commission, le Sénat avait supprimé cette disposition au motif qu’il s’agissait d’un élément redondant par rapport aux zones rouges des PPRN, qui peuvent déjà comporter des mesures d’interdiction des constructions existantes ou futures, ainsi que des mesures d’autorisation assorties de certaines prescriptions.
Nous ne partageons pas cette analyse : en zone rouge, les interdictions sont facultatives et ne couvrent pas l’ensemble de ladite zone. Un zonage spécifique d’interdiction de toute construction aurait l’avantage de la clarté.
Par ailleurs, selon un certain nombre d’acteurs, et notamment le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, la biodiversité des territoires ultramarins nécessite une protection spécifique qui ne serait pas suffisamment prise en considération dans un simple zonage rouge.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de réintroduire la possibilité de définir des zones de mobilité du trait de côte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. La possibilité de créer de telles zones était prévue dans la proposition de loi initiale de Pascale Got.
En première lecture, le Sénat avait supprimé ce zonage pour ne conserver que les zones d’activité résiliente et temporaire. En effet, les ZMTC paraissent redondantes avec la possibilité offerte aux préfets de délimiter, via les PPRN, des « zones rouges » au sein desquelles peut être interdit « tout type de construction, d’ouvrage, d’aménagement ou d’exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ».
Je ne vois pas en quoi le dispositif proposé par ces amendements apporte une solution spécifique au problème du recul du trait de côte dans les zones ultramarines par rapport aux dispositions existantes du code de l’environnement.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Les auteurs de ces amendements proposent la création de zones de mobilité du trait de côte dans les PPR afin d’interdire les constructions dans les zones soumises à l’érosion.
La création de ces zones n’est pas nécessaire. Elles correspondent en effet à une zone rouge classique d’un PPR, où sont interdites les constructions en raison de la présence d’un risque important.
Je comprends que ces amendements visent à permettre, dans ces zones, la construction de digues ou d’aménagements pour la culture marine, mais il est déjà possible, dans les zones rouges d’un PPR, d’autoriser certaines constructions présentant des caractéristiques spécifiques. Les textes actuels répondent donc déjà au besoin soulevé ici.
Par ailleurs, la création de zones de mobilité du trait de côte viendrait complexifier inutilement la lisibilité des PPR.
Pour ces raisons, j’invite les auteurs de ces amendements à les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié et 33.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
Le I de l’article L. 562-4-1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte définie à l’article L. 321-15 prévoyant la création ou la modification d’une zone d’activité résiliente et temporaire a été portée à la connaissance du représentant de l’État dans le département, celui-ci décide si une révision ou une modification du plan de prévention des risques naturels prévisibles est nécessaire. »
Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Arnell, Mme M. Carrère, M. Collin, Mme Costes, MM. Gabouty et Gold, Mmes Jouve et Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
en raison de son incompatibilité avec ladite zone
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Comme M. Dantec l’a souligné lors de la discussion générale, au nom de notre groupe, cette proposition de loi ne propose pas forcément un panel d’outils optimum, mais il est urgent de trouver une solution pour aménager la loi Littoral sans renier son esprit ni sa nécessité. Cette loi ne peut-être un totem à tout jamais figé offrant au préfet non élu une trop grande liberté d’appréciation dont il use de manière parfois trop tatillonne.
Nous ne pouvons passer d’un extrême à l’autre, de la « bétonisation » à tous crins au refus de tout microprojet temporaire ou saisonnier. La bande des 100 mètres, par exemple, empêche les campings municipaux de toutes petites communes de vivre, à la belle saison, comme à Taller, en Médoc.
Il s’agit d’un amendement de précision. Seule l’incompatibilité du plan de prévention des risques naturels prévisibles avec la ZART doit déclencher sa révision ou sa modification.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les plans de prévention des risques naturels prévisibles ne doivent être modifiés ou révisés que s’ils sont incompatibles avec la ZART, dont la création est proposée par une collectivité.
Dans la mesure où les PPRNP déterminent ces zones, il ne peut y avoir d’incompatibilité entre eux. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. L’article 5 porte sur la révision ou la modification éventuelle des PPRNP pour la création de ZART.
Comme je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement est défavorable au principe qui consiste à traiter l’érosion via des outils de politique des risques. Cela nous apparaît fondamentalement inadapté. Traiter l’érosion via les outils d’aménagement nous paraît plus pertinent, plus adapté, plus utile. Le Gouvernement fait donc preuve de cohérence en étant défavorable à l’article 5, qui vient compléter l’article 4 créant les ZART dans les PPRNP.
Cet amendement tend à préciser que la révision ou la modification du PPRNP n’a d’intérêt que si la ZART est incompatible avec les dispositions du plan de prévention des risques naturels prévisibles. Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
(Supprimé)
Article 7
Le I de l’article L. 125-5 du code de l’environnement est complété par les mots : « et, lorsque ces biens sont situés dans une zone d’activité résiliente et temporaire établie en application du 1° bis du II de l’article L. 562-1, de la durée pendant laquelle les constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations peuvent être réalisés, utilisés, exploités ou déplacés au regard du risque de recul du trait de côte ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 7
Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes mentionnées à l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce sont tenues de signaler par écrit à leurs clients l’existence de tout risque de recul du trait de côte évalué en application du 1° bis du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement et la situation de zonage qui en résulte, sans préjudice de l’information portant sur d’autres risques naturels mentionnés au I du même article.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Il s’agit une nouvelle fois de rétablir dans cette proposition de loi un dispositif qui y figurait initialement.
Ainsi, en janvier dernier, la commission et le rapporteur avaient choisi de supprimer la disposition concernant le droit d’information des acquéreurs et les obligations des agents immobiliers. L’ancien article 8 bis visait à imposer aux professionnels de l’immobilier d’informer les preneurs de biens du risque de recul du trait de côte lorsque les biens concernés sont situés dans une zone d’activité résiliente et temporaire.
Ces professionnels sont aujourd’hui tenus d’un simple devoir de conseil, reconnu par la jurisprudence. Le Sénat a supprimé cette disposition en considérant qu’elle était couverte par ce même devoir de conseil. Or le juge judiciaire ne l’entend pas ainsi, comme en témoigne l’arrêt du 10 février 2016 de la cour d’appel de Bastia, qui rappelle que « la responsabilité de l’agent immobilier » au titre de ce devoir d’information « découle de son domaine de compétence, à savoir les qualités et défauts du bien immobilier, voire les qualités et défaillances du vendeur ou du locataire qu’il présente mais non de la situation juridique de l’immeuble ».
Nous proposons donc d’inscrire précisément cette obligation dans le texte. Il s’agit d’un élément de confiance pour le marché immobilier et d’une information primordiale pour les acquéreurs du bien, qu’ils soient propriétaires ou locataires. Il ne s’agit pas, en outre, d’une obligation déraisonnable pour la profession.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à réinstaurer une disposition figurant dans la proposition de loi initiale de Pascale Got qui avait été supprimée par le Sénat en première lecture sur l’initiative de la commission des lois, qui l’estimait satisfaite par l’état du droit. En effet, la jurisprudence a reconnu à maintes reprises que les professionnels de l’immobilier avaient un devoir de conseil à l’égard des preneurs de bien, quels qu’ils soient et quel que soit le lieu de l’acquisition. Dès lors, leur responsabilité est engagée sur le plan civil lorsqu’ils dissimulent une information aux acheteurs ou aux locataires ou lorsqu’ils ignorent un vice caché.
Par ailleurs, les informations relatives aux risques naturels sont d’ores et déjà présentes dans les dossiers de diagnostic technique annexés à la promesse de vente ou au bail de location. Ce dispositif d’information est d’ailleurs renforcé à l’article 7 de ce texte.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Les dispositions prévues par cet amendement sont satisfaites par l’état du droit, la jurisprudence reconnaissant un devoir de conseil des professionnels de l’immobilier. Leur responsabilité est engagée sur le plan civil quand ils dissimulent une information aux acheteurs ou aux locataires ou lorsqu’ils ignorent un vice caché par manque de diligence.
Par ailleurs, les dispositions en question pourraient présenter a contrario des effets non souhaités, car ils ne concernent que le recul du trait de côte et pourraient laisser penser que les agents immobiliers n’ont pas la même obligation d’information pour les autres risques naturels, comme les inondations ou les avalanches.
Enfin, il est rappelé que les informations relatives aux risques naturels sont d’ores et déjà présentées dans les dossiers de diagnostics techniques qui sont annexés à la promesse de vente ou au bail de location.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Si je soutiens bien évidemment cet amendement, la situation ne me paraît pas si simple.
Les uns et les autres ont en effet évoqué les « risques naturels ». Or, vous l’avez dit tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, on ne souhaite pas gérer le trait de côte dans ce cadre. Un agent immobilier pourra ne pas donner d’information sur ce point, dont l’échéance est à soixante-dix ou quatre-vingts ans, puisqu’il s’agit non pas d’un risque naturel, mais d’autre chose.
La question du trait de côte n’est donc pas très claire. Risque naturel ou pas ? Document d’urbanisme ou pas ? Cette discussion nous permet de faire passer des messages. Il s’agit là d’un amendement d’appel, destiné à être repris dans un autre véhicule législatif.
Il faut redire clairement la nécessité d’information, puisqu’il s’agit effectivement d’une perte de valeur à une échéance assez lointaine. L’agent immobilier peut considérer qu’il ne s’agit pas d’un risque naturel et qu’il n’a donc pas à transmettre l’information. C’est la raison pour laquelle la précision introduite par cet amendement est nécessaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 35.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8
I. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 131-2 est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° En l’absence de dispositions des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ou des schémas d’aménagement régionaux prévues à l’article L. 321-14 du même code, les objectifs de gestion du trait de côte définis par la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. » ;
2° L’article L. 131-3 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « d’égalité des territoires », sont insérés les mots : « et la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte » ;
b) À la fin, le mot : « son » est remplacé par le mot : « leur ».
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 28 juillet 2019.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, sur l’article.
M. Christophe Priou. Cet article porte sur la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte et les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Je suggère, madame la secrétaire d’État, la coconstruction de ces schémas avec vos services.
Voilà quelques années, l’État avait mis en place, à cheval entre le ministère du logement et le ministère de l’environnement, l’Atelier littoral. À l’époque, cinq sites avaient été sélectionnés : dans la Manche, le pays de Coutances ; en Bretagne, Morlaix ; dans les Pays de la Loire, Guérande ; Collioure, pour la Côte Vermeille, et Antibes Juan-les-Pins. Cela avait permis une coconstruction, voire une écoconstruction. La méthode a bien fonctionné, puisqu’elle s’est exportée vers l’Asie, l’Atelier littoral étant actuellement expertisé par la Chine.
En revanche, cette politique a été abandonnée au niveau national, alors qu’elle avait donné des résultats, notamment pour ce qui concerne les espaces de déprise agricole situés dans le rétro-littoral. Ainsi, dans mon secteur, 500 à 600 hectares ont pu être mis partiellement en exploitation. Nous avons même pu concevoir, ce qui n’est jamais facile dans le cadre des PLU et des SCOT, en dehors de l’habitat des agriculteurs, la construction d’un hameau agricole, sujet qui sera évoqué au moment de l’examen de l’article 9. Le dispositif évite la déprise et la colonisation par des espèces invasives comme le baccharis.
Je souhaite que, à l’occasion des schémas que nous élaborons avec l’État, une telle politique puisse être poursuivie. Il s’agit en effet d’un partenariat positif et réussi entre l’État et les collectivités locales.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Chapitre III
Encourager le développement durable des territoires littoraux
Article 9
L’article L. 121-10 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-10. – Par dérogation à l’article L. 121-8, peuvent être autorisées :
« 1° La densification des hameaux lorsqu’elle respecte les proportions en hauteur et en volume du bâti existant ;
« 2° La relocalisation des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations mentionnés au 1° bis du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement dans des zones désignées à cet effet ;
« 3° Les constructions ou installations liées aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines ;
« 4° L’édification d’annexes de taille limitée à proximité d’un bâtiment existant dans des conditions définies par voie réglementaire.
« Ces opérations ne peuvent être autorisées qu’en dehors des espaces proches du rivage, à l’exception des constructions ou installations liées aux cultures marines mentionnées au 3°.
« Ces opérations n’ouvrent pas de droit ultérieur à une extension de l’urbanisation. Elles sont soumises à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. Pour les opérations mentionnées au 2° du présent article, cet accord fixe les modalités de démantèlement et de remise en état des terrains d’assiette libérés.
« Les hameaux mentionnés au 1° et les zones mentionnées au 2° sont identifiés par un schéma de cohérence territoriale et délimités par un plan local d’urbanisme. Les modifications correspondantes peuvent être adoptées selon la procédure simplifiée prévue aux articles L. 143-37 à L. 143-39 pour le schéma de cohérence territoriale et aux articles L. 153-45 à L. 153-48 pour le plan local d’urbanisme.
« Le changement de destination des constructions, installations ou annexes mentionnées aux 3° et 4° du présent article est prohibé. »
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, sur l’article.
M. Christophe Priou. Cet article sera sans doute le plus discuté de cette proposition de loi. Je veux le rappeler, notamment par rapport au texte que nous avons examiné voilà quelques années, ses dispositions visent à favoriser non pas l’étalement urbain, mais la densification de secteurs déjà ouverts à l’urbanisation.
Il s’agit, dans la mesure où la loi Littoral était plus une loi d’intention qu’un texte normatif, de rédiger une doctrine relative aux documents d’urbanisme réalisés avec l’État, lequel modifie parfois sa position, d’un PLU révisé à un autre. On a parfois des discussions cocasses, lesquelles ne font pas vraiment rire les collectivités ou propriétaires fonciers qui voient leurs terrains classés ou déclassés. On nous demande parfois pourquoi nous avons laissé faire telle ou telle construction dans notre commune. Nous répondons que l’État était, à l’époque, maître d’ouvrage.
Il convient donc d’entrer aujourd’hui dans le vif du sujet. Qui plus est, cet article 9 prévoit un grand nombre de garde-fous qui sont importants pour les collectivités, qu’il s’agisse des communes ou des EPCI. Nous avons besoin d’équipements publics, notamment de déchetteries ; cette question sera évoquée au cours de la discussion des amendements. Cela pourrait faire sourire, mais certains maires ne peuvent procéder à l’extension de leur cimetière ! À ce propos, je me souviens du débat qui s’est tenu dans une commune de France, où l’opposition critiquait le maire et l’équipe municipale, lesquels n’auraient pas eu de vision politique pour les personnes âgées. Le maire avait vu rouge et répondu qu’il venait de voter l’extension du cimetière…
Beaucoup plus sérieusement, il convient d’apporter des solutions concernant les équipements publics. Je le rappelle, tout le foncier peut devenir propriété publique. C’est un garde-fou important !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.
M. Michel Canevet. Je tiens tout d’abord à saluer la ténacité de notre collègue Michel Vaspart, qui a mené un travail important pour apporter des modifications à un texte ancien, à savoir la loi du 3 janvier 1986, laquelle a montré, à l’usage, qu’elle introduisait un certain nombre de contraintes dans de nombreux territoires littoraux.
Si ce texte a effectivement permis de protéger une bonne partie du littoral, on s’est aperçu que les contraintes issues de son application empêchaient le développement durable des territoires littoraux. Cette question fait l’objet de cet article, que nous soutenons.
Les élus locaux du littoral le savent bien, il y a des situations où le développement des territoires est entravé, notamment au niveau économique. Dans le Finistère, à Plouvien, la laiterie Sill n’a pas réussi à étendre le site, situé assez loin du littoral, sur lequel elle est implantée. À Saint-Pol-de-Léon, le projet d’une plateforme logistique peine à se concrétiser.
Il faudra certainement revoir un certain nombre d’articles de cette loi pour permettre le développement économique sans bétonner pour autant l’ensemble des communes du littoral. Il est nécessaire que ces territoires permettent la création d’emplois.
J’en viens aux questions relatives à l’urbanisation pour l’habitat. En la matière, on connaît également des situations assez dramatiques. Si je comprends qu’il faille tenir compte des observations sur l’évolution des océans et apporter des adaptations au trait de côte, il convient également de considérer la configuration des côtes. Ainsi, au cap Sizun, les risques de submersion marine sont extrêmement limités. Il faudrait permettre à un certain nombre de communes du rétro-littoral – Primelin et Cléden-Cap-Sizun – d’accueillir des populations. Aujourd’hui, leur développement est limité par leur capacité à implanter de nouvelles habitations sur leur territoire. Je souhaite qu’on puisse évoluer sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, sur l’article.
Mme Corinne Imbert. L’article 9 vise à étendre les dérogations au principe d’extension en continuité de l’urbanisation dans les parties rétro-littorales des communes. Actuellement, ces dérogations sont limitées aux seuls terrains de camping, aires de stationnement de caravanes, activités agricoles et forestières et parcs éoliens. Dans le cadre de la législation actuelle, certaines communes sont confrontées à des difficultés pour obtenir les autorisations d’agrandissement de campings existants.
Pour autant, il ne s’agit pas de remettre en cause la loi Littoral de 1986. Je prendrai pour exemple la Charente-Maritime, dont le littoral s’étend sur 463 kilomètres et offre une grande diversité de paysages. Ces vastes étendues participent à son attractivité et son rayonnement. Il convient donc de préserver ce territoire. Toutefois, n’oublions pas que ces zones littorales, dont il faut assurer le développement durable – tel est l’objet de ce texte –, sont habitées par près d’un Français sur dix.
De nombreuses communes sont confrontées au phénomène de « dent creuse » dans les hameaux. On constate une véritable incompréhension des élus locaux en la matière. En effet, en l’état actuel de la législation, ces zones ne peuvent prétendre obtenir un permis de construire. L’article 9 de la proposition de loi entend remédier à cette situation en rationalisant la question des dents creuses et des annexes ainsi qu’en cherchant des solutions pour les biens menacés par l’érosion.
Bien évidemment, les dérogations prévues par la législation actuelle seraient maintenues. Cet article pose des lignes rouges à ne pas franchir : le respect des proportions en hauteur et en volume du bâti existant ; l’interdiction de modifier la destination des constructions, installations ou annexes ; le respect de l’environnement et des paysages.
L’adoption de cet article permettrait donc de faire face au phénomène de dent creuse dans les hameaux, en dehors – c’est important – des espaces proches du littoral, en préservant les équilibres naturels des zones littorales.
Plus largement, j’estime que cette proposition de loi est un texte équilibré et de bon sens. Je le répète, les trois nouvelles dérogations dont il est question seront bien encadrées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l’article.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la question des travailleurs saisonniers.
L’amendement que j’ai déposé en commission concerne le logement des travailleurs saisonniers. Il vise à créer un cas de dérogation relatif aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines mentionnant expressément le logement des saisonniers et du chef d’exploitation.
En commission, sa rédaction a été jugée en partie redondante avec l’article 9, alors qu’il s’agissait d’introduire un article additionnel. Elle a également paru contrevenir à l’ajustement adopté sur l’initiative de Michel Vaspart concernant les cultures marines dans les espaces proches du rivage.
Je le rappelle, le chapitre III dans lequel s’insère l’article 9 porte le titre suivant : « Encourager le développement durable des territoires littoraux ». Lors de la discussion d’un texte précédent, certains élus avaient souhaité pouvoir loger les travailleurs saisonniers. La ministre de l’époque s’était engagée à rechercher des solutions réglementaires. Comme l’a dit notre rapporteur en commission, il faudra reposer la question en séance, car les professionnels attendent des réponses concrètes et un cadre juridique protecteur.
Tel est l’objet de ma démarche. Le texte ici proposé est plus équilibré que la version adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale pour l’article 9 A. Cette version permet de limiter à la zone rétro-littorale les possibilités de rompre avec le principe de regroupement de l’urbanisation, s’agissant de constructions nécessaires aux activités agricoles. Elle apporte une garantie de limitation du risque de mitage des territoires et de remise en cause de l’esprit de la loi Littoral. Elle répond aussi de façon raisonnable à un besoin réel des exploitants agricoles et comporte une précision importante sur le logement, dont la mention explicite est indispensable afin de faciliter la réglementation au niveau local. Je le rappelle, il s’agit de logements saisonniers, occupés de mai à octobre.
La constructibilité est strictement encadrée, contrairement à la version actuelle de cet article de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 31 janvier 2017.
En effet, sur le plan géographique, ne sont visés que les secteurs rétro-littoraux, situés en dehors de la bande des 100 mètres et en dehors des espaces proches du rivage, et non pas la totalité des territoires des communes littorales.
Sur le plan économique, le logement des agriculteurs et de leurs salariés saisonniers est expressément autorisé sur les exploitations agricoles qui ont besoin d’une main-d’œuvre durant les périodes de récoltes, la mention étant indispensable pour répondre à un besoin réel et faciliter la réglementation dans les documents locaux d’urbanisme et la délivrance des autorisations d’urbanisme.
Sur le plan administratif, cette possibilité est conditionnée par la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, ainsi que par l’obtention de l’accord préalable du représentant de l’État dans le département en tant que garant du respect de la loi Littoral.
L’objet de l’amendement n° 18 rectifié quater que je soumettrai à votre vote, mes chers collègues, ne vise donc pas à confronter agriculture et préservation du littoral, mais à adapter ces deux notions aux réalités du territoire. Il n’est pas non plus question de dénaturer ce texte, ni même la loi Littoral, les acteurs locaux partageant son esprit.
Il s’agit, pour les agriculteurs et les élus, de conjuguer la défense d’un territoire…
Mme la présidente. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … et de ses particularités et l’impérieuse obligation de préserver son économie agricole, via les prérogatives permises par le code de l’urbanisme.
Nous devons faire preuve d’un peu de bon sens et d’humanité pour les saisonniers !
Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Toujours avec l’idée d’aider notre collègue Michel Vaspart à sauver sa proposition de loi, je propose de supprimer son article 9, qui pourrait condamner ce texte au cours de la navette. Cela laisserait une chance aux autres articles…
Au-delà de la boutade, je rappelle que nul n’est capable de définir véritablement le mot « hameau ». Ce terme est totalement imprécis et possède une flopée de définitions. On va donc vers une contestation générale de tous les PLU, qui devront les dessiner. Et ce sera reparti pour un tour ! Cette proposition de loi ne s’appuie sur aucune étude d’impact, sinon celle-ci aurait immédiatement pointé la difficulté. Le littoral du Finistère nord, que je connais bien, comporte beaucoup d’habitats assez lâches, qu’on pourrait finalement qualifier de « hameaux ». S’ensuivrait une sacrée densification, qui changerait la nature du paysage ! Par conséquent, selon moi, tout cela n’est pas mûr.
Pour le cas de la laiterie de Plouvien, que je connais aussi et que l’on cite toujours, il faut trouver un lieu dans le cadre d’une dérogation et non en assouplissant la loi.
Cet article, dans sa rédaction actuelle, est à mes yeux extrêmement dangereux. Il vaut donc mieux le supprimer tout de suite, plutôt que de perdre beaucoup de temps en débats, sachant en outre que tout cela n’aboutira pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Comme nous avons pu le mesurer dans le cadre des différentes interventions à l’occasion de la discussion générale, nous sommes tous très attachés à la loi Littoral. Toutefois, si nous sommes ici aujourd’hui, sur l’initiative de Michel Vaspart et, avant lui, de l’Assemblée nationale, qui a examiné différentes propositions de loi sur ce sujet, c’est parce qu’il y a un souci majeur à régler, à savoir la jurisprudence qui s’est développée à partir de la loi de 1986. Ces dernières années, elle n’a pas permis une approche équilibrée entre protection de l’environnement et développement local dans certains territoires.
Je le rappelle, l’esprit même du développement durable, c’est de s’inscrire dans un triptyque : social, économique et environnemental. La mise sous cloche résultant des différentes décisions de jurisprudence ne répond pas à l’objectif de développement durable.
Il s’agit aujourd’hui de répondre aux élus locaux, à nos concitoyens, aux acteurs du territoire et aux professionnels. Le rapport de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet défendait d’ailleurs cette proposition, dans un climat consensuel et transpartisan. Ce n’est pas en remettant toujours à plus tard que nous traiterons correctement et raisonnablement ces questions, sauf à vouloir figer l’instant.
Je garde toujours cette idée en tête : la main de l’homme a façonné de nombreux paysages. Si une telle loi avait vu le jour voilà plusieurs siècles, aurions-nous aujourd’hui les marais salants ou le marais poitevin ? L’évolution de nos paysages et de nos territoires a été conduite par l’homme, raisonnablement, en respectant le milieu naturel et en associant l’ensemble des parties.
M. Ronan Dantec. Oh !
M. Didier Mandelli, rapporteur. Eh oui, mon cher collègue, les marais salants ou le marais poitevin n’ont pas été créés par l’opération du Saint-Esprit, mais par des moines. Je pourrais citer de nombreux autres exemples ! Les cultures en terrasses à Collioure résultent aussi d’un aménagement ancestral.
Nous n’acceptons donc pas une telle mise sous cloche. Tel est le sens de l’article 9, qui permet d’adapter et non pas d’assouplir.
Je l’ai rappelé, plusieurs éléments encadrent rigoureusement les possibilités engendrées par cet article : exclusion des espaces proches du rivage, dont je ne rappellerai pas la définition ; autorisation préalable de l’État, garde-fou par excellence ; absence de droits ultérieurs à l’extension de l’urbanisation. On ne peut mieux faire en termes de sécurité !
La rédaction actuelle nous semble donc équilibrée entre les principes de protection et de développement de ces territoires.
Sans surprise, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Le Gouvernement considère que les réflexions sur l’adaptation des territoires littoraux à l’érosion du trait de côte ne doivent pas être l’occasion de remettre en cause – je l’ai déjà dit à plusieurs reprises aujourd’hui – la loi Littoral, qui participe de façon vitale, depuis plus de trente ans, à la protection des espaces naturels littoraux et à la lutte contre leur artificialisation. Elle constitue selon nous, avec les mécanismes de protection des espaces fragiles, un levier d’adaptation aux processus d’érosion.
Bien sûr, le Gouvernement a conscience que certaines difficultés peuvent se poser dans les territoires. Beaucoup d’entre nous en sont les élus et sont donc conscients de la situation. Le Gouvernement considère que le diagnostic et les réponses à apporter doivent être approfondis, dans le cadre d’un véritable dialogue avec les territoires. Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à travailler de concert avec nous en ce sens. Par conséquent, vous ne serez pas surpris si, en l’état actuel, le Gouvernement est favorable à la suppression de l’article 9.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je voterai contre cet amendement, pour deux raisons.
Tout d’abord, l’article 9 a été adopté en commission. Je reste donc fidèle à cette logique.
Ensuite, la France dispose d’une zone économique maritime équivalente à celle des États-Unis. Nous sommes les premiers au monde ! Pourtant, bien que disposant de ce magnifique patrimoine, nous importons 85 % des poissons et crustacés que nous consommons, sans en connaître forcément l’origine.
Si l’on peut implanter, sur l’initiative de Michel Vaspart, des activités de production marine ou aquacole, que ce soit dans l’Hexagone ou les territoires d’outre-mer, cela nous donnera un potentiel extraordinaire. Je ne dis pas pour autant que cela permettra d’équilibrer la balance extérieure de la France, dont le déficit est de 60 milliards d’euros…
Je le rappelle, la population mondiale augmente. Les productions marines permettront sans doute de répondre aux besoins liés à la croissance démographique. Or nous avons le patrimoine pour ce faire. J’estimerais donc très grave que nous ne profitions pas de nos atouts, tout en protégeant le littoral, que tout le monde souhaite voir protégé.
La mer, c’est aussi le littoral. Nous avons la possibilité, tout en préservant le littoral, d’implanter des zones de production, qui permettront probablement à la France non seulement de devenir autosuffisante, mais aussi d’exporter et de participer ainsi à la couverture des besoins alimentaires mondiaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. J’appelle votre attention, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sur l’attente importante des élus du littoral français, en métropole comme outre-mer.
Il n’est jamais temps de réfléchir à l’excès de jurisprudence qui s’est développée à la suite de la loi Littoral de 1986, laquelle, parce qu’elle était très ouverte, n’a pas fait l’objet de décrets d’application. Le législateur est également absent du débat depuis cette date. On a laissé faire la jurisprudence des tribunaux administratifs, qui a dévoyé – je suis désolé de le dire avec autant de force – l’esprit de la loi de 1986. L’incertitude juridique ainsi créée a évidemment mis en grande difficulté toutes celles et tous ceux qui sont amenés à délivrer des certificats d’urbanisme ou des permis de construire concernant des communes littorales françaises. Repousser encore et encore la réflexion, les décisions ou l’évolution législative me semble non pas une erreur, mais une faute.
J’entends parfois des inexactitudes : l’urbanisation des dents creuses des hameaux et villages constituerait une extension de l’urbanisation ou engendrerait du mitage… Mais c’est tout le contraire !
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Michel Vaspart. Utiliser les dents creuses, qui sont perdues pour l’agriculture, mais riches des réseaux qui les desservent, c’est ne pas prendre sur les terres agricoles un nombre de constructions équivalent.
Il faut bien réfléchir à cela ! C’est un sujet que les élus du littoral connaissent parfaitement bien et auquel ils sont bien évidemment très attachés.
Le Gouvernement prendrait une lourde responsabilité s’il n’apportait pas de réponse. Le gouvernement précédent avait entamé une avancée. Madame Tocqueville, pourquoi ne pouvait-il pas y avoir d’accord sur le texte issu de la deuxième lecture de l’Assemblée nationale de l’époque et le Sénat ? Tout simplement parce qu’on avait figé la jurisprudence. Or c’est justement ce qu’il ne faut pas faire ! En figeant la jurisprudence actuelle, nous n’apportons pas de solution aux élus locaux du littoral français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je comprends tout à fait la position de Ronan Dantec, qui souhaite un réexamen global de la loi Littoral. Si je partage son constat, j’estime, comme Michel Vaspart, que nous n’avons pas le temps d’attendre. Nous ne pouvons continuer à être tributaires de la jurisprudence, qui empêche l’émergence et la concrétisation d’un certain nombre de projets de bon sens sur le littoral. Par conséquent, si on veut le développement équilibré de notre pays, il faut aussi que, dans les communes littorales, on puisse enfin construire de façon normale, sans qu’il s’agisse pour autant d’une urbanisation outrageante et d’une artificialisation outrancière de nos territoires.
Le bon sens, comme vient de l’exposer très clairement Michel Vaspart, c’est de permettre, dans les dents creuses, c’est-à-dire dans les zones déjà construites, une densification. Or cette proposition de loi a le mérite d’apporter un certain nombre d’éclaircissements concernant non seulement différents points, mais aussi la démarche à adopter, notamment par l’identification, dans les schémas de cohérence territoriale, et la délimitation, dans les plans locaux d’urbanisme, des dents creuses pouvant être considérées comme urbanisables.
Ce texte permettra très clairement de sécuriser un certain nombre de projets. À l’heure actuelle, les jeunes ne peuvent plus concrétiser un projet de vie comme la construction d’une maison. Force est de le reconnaître, on en arrive à des aberrations. J’ai été maire d’une commune qui est non pas littorale, mais située à 300 mètres de la mer. Elle possède un hameau contigu à une commune littorale. Sur ma commune, il n’y avait pas de problème pour y construire. Dans la commune d’à côté, c’était impossible ! Il est donc temps que le Gouvernement en prenne conscience et se saisisse de ce problème.
Le Gouvernement veut le développement économique, et je partage cette volonté ; mais un tel développement doit être rendu possible sur l’ensemble du territoire. Il convient donc de mettre ce dossier sur la table rapidement, afin qu’il y ait enfin, comme cela a été fait pour la loi Montagne, une révision, trente ans après, de la loi Littoral.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. J’ai l’impression, au fil de cette discussion intéressante – dès lors, ne disons pas que nous rouvrons la boîte de Pandore ! –, que nous continuons à vivre sur des dogmes.
On nous dit qu’il est inutile de discuter, parce que le texte, de toute façon, ne sera pas adopté. Cela signifie qu’on ne veut pas de ce débat.
M. Charles Revet. Il a raison !
M. Jean-François Rapin. Madame la secrétaire d’État, dans votre exposé de soutien à l’amendement de suppression, vous nous avez dit : « Continuons à discuter. » Mais sur quelle base ? Sur quelle base, si ce n’est sur la loi ?
Lorsqu’un préfet rédige un porter à connaissance sur un document d’urbanisme à réaliser dans une commune, il utilise un outil : la loi telle qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire des dogmes datant d’il y a trente-deux ans. Ces dogmes nous ont, c’est vrai, permis de protéger le littoral ; d’ailleurs, je vous invite, madame la secrétaire d’État, à venir voir comment un maire qui a géré quinze ans durant une commune littorale l’a protégée sans l’urbaniser à outrance et en y faisant des aménagements concertés. Mais comment discuter quand on nous explique, si je résume, « circulez, il n’y a rien à voir » ?
Je ne sais pas sur quelles bases vous voulez engager la discussion avec les parlementaires, voire avec les élus locaux, madame la secrétaire d’État. Peut-être avez-vous une expérience en matière de mandat local ; peut-être avez-vous même géré une commune littorale ; quoi qu’il en soit, je peux vous dire qu’aujourd’hui, au quotidien, pour les élus, ce n’est pas facile.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Luche. Mes chers collègues, j’ai plaisir à vous entendre parler du littoral, de la Méditerranée, de l’Atlantique… Mais savez-vous qu’en Aveyron la loi Littoral s’applique à un lac artificiel de plus de 1 000 hectares, construit à la demande de l’État ?
Dans mon département – nous ne sommes pas seuls dans ce cas –, nous rencontrons des difficultés pour maintenir la démographie à son niveau actuel. J’apprends que, dans certains départements, le nombre d’habitants diminue régulièrement. Dans le mien, Dieu merci, ce nombre progresse très légèrement. Mais lorsque vous mettez bout à bout les handicaps naturels liés à l’enclavement, la loi Montagne, la loi Littoral – la mer est pourtant à 200 ou 300 kilomètres ! –, ces dernières rendant difficile, pour les communes, la délivrance d’un certain nombre de permis de construire, vous obtenez la clé du problème démographique tel qu’il se pose dans un département comme le mien. J’aurai tout à l’heure l’occasion de défendre un amendement, et ainsi, je l’espère, mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, de vous faire réfléchir.
Dans un bourg situé à proximité d’un lac artificiel d’un peu plus de 1 000 hectares, toute construction est interdite sur une bande de 100 mètres à compter des plus hautes eaux du lac, et le maire et les services municipaux sont très inquiets pour l’avenir. La loi Littoral n’a donc pas la même signification pour les communes riveraines de l’Atlantique ou de la Méditerranée et pour les communes, d’Aveyron ou d’autres départements, riveraines d’un lac dont je dis bien qu’il est artificiel, voulu par l’État, géré par EDF, producteur d’électricité.
Mes chers collègues, je ne peux voter cet amendement. Il appartient évidemment aux élus locaux de prendre leurs responsabilités dans la définition des règles d’urbanisme qui s’appliquent sur leur territoire et d’adapter ces règles, c’est-à-dire les PLU, en fonction de leur sensibilité, cela, bien sûr, dans le respect de l’environnement général – nous partageons tous cette préoccupation.
Bien sûr, ne construisons pas n’importe comment ! Depuis des générations, nous avons fait preuve, me semble-t-il, de responsabilité. Les élus, dans les terres intérieures comme sur la Méditerranée ou sur l’Atlantique, sont en droit de définir le juste milieu permettant à nos territoires ruraux de se développer.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Le paysage est un bien collectif et non un bien local. Il est extrêmement important de le rappeler. Si notre pays est celui qui reçoit le plus de touristes – nous sommes justement, cette année, repassés en tête –, s’il est le plus attractif au monde, c’est notamment parce que nous ne considérons pas le paysage comme un bien local.
La loi Littoral a été écrite à un moment où tout était en train de basculer. Baladez-vous sur les côtes, regardez les constructions qui étaient en train de fleurir au début des années soixante-dix : on était parti pour faire n’importe quoi ! On a également créé, à cette époque, des bases de hameaux que vous proposez, par votre texte, tel qu’il est rédigé, de densifier.
Un grand nombre d’études ont été menées sur le terme « hameau », qui figure dans la loi Littoral : il n’y a pas de définition légale – on parle de dix ou de quinze habitations. Les seules définitions sont régionales : le hameau n’a pas la même signification d’un endroit à l’autre. Sur une telle base, on ouvre la voie à des évolutions totalement ingérables, qui pourraient conduire à une densification massive. Si vous le souhaitez, mes chers collègues, définissons une dent creuse. Ce serait beaucoup plus clair ! Mais telle n’est pas votre idée.
En l’état actuel du texte, il deviendrait possible de considérer qu’un lieu où une quinzaine d’habitations sont réparties de manière assez lâche constitue un hameau, le résultat étant une multiplication par quatre ou cinq de l’habitat en zone littorale. C’est cela, votre article 9, tel qu’il est écrit aujourd’hui ! Le hameau n’est pas défini légalement ; c’est pourtant la base que vous avez choisie. La « dent creuse », dont vous parlez tous, ne figure pas dans le texte.
On assiste à un retour en arrière massif ! « Il y a urgence », dites-vous ; nous sommes tous d’accord. Mais, s’il y a urgence, mettons-nous autour de la table avec les représentants de l’État et construisons le consensus. On ne règle pas le problème par une proposition de loi gravitant autour d’un terme qui n’est pas défini légalement ; et on n’essaie pas de passer sans étude d’impact ! Ce n’est pas possible !
Nous sommes d’accord pour agir rapidement ; mais créons les bases du consensus. On ne peut pas travailler de cette manière ; et on perd du temps !
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je ne peux évidemment pas voter cet amendement. Pour ma part, j’approuve pleinement les dérogations prévues à l’article 9. Mes conclusions sont donc totalement différentes de celles de M. Dantec : je fais confiance aux élus du littoral, qui connaissent l’océan et la mer, le particularisme de leur territoire, et ce depuis très longtemps.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Max Brisson. Tout à l’heure, un consensus s’est dégagé pour que le recul du trait de côte soit considéré comme un risque majeur. Notre assemblée a adopté cette disposition à la quasi-unanimité. Néanmoins, comme l’a dit le président Retailleau, il faut que nous prenions en compte les très grandes différences de situations selon les littoraux et selon les côtes.
En tant qu’élu de la côte basque, je ne peux me satisfaire de l’idée que l’on abandonne des territoires habités depuis longtemps, façonnés par les hommes, lesquels savent depuis Napoléon III, dans ma ville, ce que veut dire développer des politiques de protection des lieux habités. Il s’agit aussi, en effet, de défendre des lieux habités, à savoir les côtes urbanisées.
Je voudrais que nous affirmions ici, clairement et nettement, notre prise de conscience de la question du recul du trait de côte, mais aussi la nécessité de défendre nos littoraux par des aménagements intelligents. Il n’y a rien de mieux, en définitive, pour défendre nos littoraux, que des aménagements pensés par les hommes. C’est bien ainsi que l’on a défendu nos littoraux depuis extrêmement longtemps.
Je pense donc – Michel Vaspart l’a très bien dit – que la jurisprudence qui s’est développée est totalement contre-productive du point de vue de la défense de nos littoraux et même qu’elle produit l’effet inverse de celui recherché en empêchant des aménagements.
Je veux dire ici ma colère : j’ai discuté ce matin avec un maire de la côte basque – je défendrai tout à l’heure un amendement à ce propos – qui vient de se voir annuler un permis par un tribunal pour la construction d’un poste de secours, aménagement destiné à la protection de la plage et au sauvetage des baigneurs. Je parlais tout à l’heure de confiance. Trop souvent, malheureusement, les élus locaux sont plutôt pris d’un véritable écœurement devant le caractère totalement contre-productif de la jurisprudence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche applaudit également.)
M. Jean-Pierre Grand. Eh oui, on marche sur la tête !
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Indéniablement, la question posée par la construction d’habitations dans les hameaux du littoral pose un vrai problème, que nous connaissons dans certaines régions, en particulier sur le littoral breton. Il se trouve que la Bretagne se caractérise par un habitat historiquement dispersé ; c’est avec cet héritage que les maires doivent composer lorsqu’ils réalisent des PLU et travaillent sur toutes les questions d’urbanisme.
Il est manifeste que, dans un certain nombre de cas, la loi, qui ouvre déjà la porte à des interprétations et à des contestations, ignore la réalité physique du territoire. Il n’est que de voir le nombre de permis de construire qui sont attaqués ; c’est le cas parfois, d’ailleurs, de permis qui ont reçu le soutien des services de l’État, pour des constructions artisanales ou d’intérêt économique. La zone ostréicole de Boulgueff, à côté de Paimpol, dans les Côtes-d’Armor, se trouve ainsi attaquée au titre de la loi Littoral, alors que, depuis deux ans, les élus travaillaient avec le concours des services de l’État.
Il faut ramener ce débat, me semble-t-il, à sa juste proportion. Quelle est la question posée ? Il ne s’agit certainement pas de la remise en cause de la loi Littoral. De façon unanime, les élus la considèrent comme indispensable, pour toutes les raisons qui ont été exposées au cours de ce débat. Ce dont il s’agit aujourd’hui, c’est de définir juridiquement des espaces qui sont déjà bâtis, parfois très anciennement – certaines constructions datent des années soixante-dix, certes, mais celles-ci sont loin d’être majoritaires –, et dans lesquels demeurent des espaces interstitiels qui pourraient utilement recevoir des constructions.
La situation est d’ailleurs un peu paradoxale : on demande partout ailleurs, dans le cadre des PLU des communes rurales, de densifier l’habitat, et une telle ambition, dans ce cas particulier, ne serait pas de saison ?
Il faut aussi éviter les procès d’intention. Je partage ce que Michel Vaspart a dit : j’ai entendu le mot « mitage », mais les cas que nous avons en vue n’ont strictement rien à voir avec le mitage. Les habitations dont nous parlons existent ; les hameaux sont déjà là. C’est donc d’autre chose qu’il s’agit.
Je propose que, sur ce sujet, nous abandonnions les idées reçues et que nous soutenions cet article 9. (MM. Jean-Luc Fichet et Jean-Michel Houllegatte applaudissent.)
M. Michel Vaspart. Merci !
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Les territoires littoraux ont été protégés grâce à la loi Littoral, dont nous bénéficions depuis longtemps. Nous devons à ce texte la beauté de notre pays. Mais le moment est peut-être venu de repenser les choses et de rouvrir la réflexion, alors que le bouleversement climatique s’apprête à provoquer la montée du niveau de la mer.
La population mondiale la plus menacée est celle qui vit au bord des mers et des océans. Peut-être devons-nous donc réfléchir davantage à l’avenir en envisageant le développement un peu plus loin du bord de mer.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. L’argument historique a été brandi à plusieurs reprises. J’aimerais, pour une fois, vous apporter mon expertise d’archéologue spécialiste des relations entre l’environnement et le peuplement.
Le trait de côte est l’un des sujets privilégiés des archéologues. Je vous citerai simplement un exemple, celui du golfe des Pictons : dans l’Antiquité, le lacus duorum corvorum occupait une grande partie de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres, de la Vendée, et la mer arrivait jusqu’à Niort. C’était il y a seulement deux mille ans !
Le trait de côte n’est donc pas éternel ; il bouge sans arrêt. Sur la longue durée, il a avancé et reculé, en fonction des évolutions climatiques. La différence capitale, aujourd’hui, c’est que nous sommes responsables de ce changement climatique. Il me semble donc complètement inutile d’avancer l’argument historique pour renoncer à cette vision dynamique de la relation entre l’homme et son environnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Je voudrais brièvement rebondir sur les propos tenus par notre collègue Ronan Dantec.
Lorsque, en 2013, avec Odette Herviaux, je me suis penché sur cette question, nous nous sommes heurtés à la difficulté de définir ces concepts : dent creuse, hameau, village. Une définition fabriquée à Paris n’avait pas du tout la même signification en Corse, sur la Côte d’Azur ou sur le littoral de la mer du Nord. C’est là toute l’ambiguïté de la loi Littoral, qui fut une loi, si je puis dire, de droit « mou », à l’anglo-saxonne, permettant toutes les interprétations – je parle sous le contrôle du président de la commission des lois.
Au fil du temps, la loi s’est avérée ne correspondre ni à l’esprit cartésien des Françaises et des Français ni aux souhaits des élus des territoires concernés. Je suis donc très intéressé par l’évolution proposée, au travers de cette proposition de loi, par notre collègue Michel Vaspart, du droit à l’initiative et au bon sens des élus locaux ; mais pas pour faire n’importe quoi !
Certains ont fait des erreurs – j’en connais –, bien évidemment. Mais lorsque le travail des élus est encadré, si je puis dire, que ce soit par le SCOT, le PLU, le PLUI ou la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, il est possible de faire de belles choses, cela précisément pour corriger les excès de la jurisprudence.
Il arrivait, ici ou là, que la jurisprudence donne de bonnes réponses aux questions posées par la loi Littoral ; mais, ailleurs, la réponse donnée n’était pas bonne !
Précisément, nous souhaitons, via cette proposition de loi – et ce n’est pas la première fois que le Sénat se penche sur cette question –, donner plus de responsabilités et d’attention aux élus locaux.
Rien ne me prédisposait à regarder vers la mer ; j’étais plutôt un élu qui regardait vers la terre. À voir la désespérance de la ruralité, méfiez-vous, madame la secrétaire d’État, de la désespérance que vous pourriez créer à votre tour sur un certain nombre de côtes françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-8. – L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages.
« En dehors des espaces proches du rivage, le plan local d’urbanisme peut également identifier des secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs, ne constituant pas un village ou une agglomération, dans lesquels les constructions et installations sont autorisées si elles n’ont pas pour effet d’étendre ou de modifier les caractéristiques des espaces bâtis.
« Un décret en Conseil d’État précise les critères de définition des agglomérations, villages, secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Je partage les propos de Ronan Dantec, notamment sur le paysage. C’est la preuve que la loi Littoral et la loi Montagne fonctionnent ! Si nous avons de tels paysages, c’est parce que – c’est heureux – ces lois existent ! La problématique des dents creuses est toutefois bien réelle. L’objet de cet amendement est de tenter d’y répondre.
L’article 9 vise à revenir sur le principe de continuité défini par le code de l’urbanisme. Sous couvert de répondre à une problématique spécifique, celle de permettre l’urbanisation des dents creuses, cet article ouvre une brèche immense dans les principes fondateurs de la loi Littoral.
Certes, les dérogations prévues sont soumises à l’accord du préfet, mais nous connaissons tous les difficultés des préfectures, aujourd’hui, dans leur rôle d’accompagnement des collectivités locales. Nous craignons, à ce titre, un contrôle a minima.
Il s’agit donc bien de contourner la jurisprudence constante des tribunaux, qui considère presque toujours les hameaux comme de l’urbanisation diffuse, au regard d’un faisceau de critères : l’accès au réseau, la densité, la qualité du bâti et la présence de services publics. Nous proposons, pour notre part, une autre démarche pour répondre à cette problématique.
En premier lieu, nous proposons de supprimer la notion de « hameaux nouveaux », qui ouvre de nouveaux foyers d’urbanisation, à rebours des objectifs poursuivis, via la loi Littoral, de lutte contre l’étalement urbain. C’est ce qui différencie d’ailleurs notre amendement de ceux déposés par d’autres groupes. Nous préférons en effet la densification encadrée et limitée au mitage du territoire.
En deuxième lieu, nous proposons de reconnaître légalement ces hameaux comme « des secteurs comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération ».
Afin d’y permettre le comblement des dents creuses, nous posons deux critères : le nombre de constructions et leur distance les unes par rapport aux autres. Il s’agit de rapprocher ces critères de ceux utilisés pour l’application de la loi Montagne pour la définition d’un groupement.
Enfin, en troisième lieu, nous proposons que ce travail de clarification s’incarne dans un décret en Conseil d’État, qui définirait très précisément toutes ces notions dont dépend la possibilité d’urbanisation.
Il convient, en tout état de cause, d’être extrêmement prudent sur le sujet et de s’en tenir à la stricte problématique des dents creuses, c’est-à-dire du comblement d’une parcelle entre deux parcelles déjà bâties. Tout autre élargissement des possibilités de construction en discontinuité, que ce soit pour des installations agricoles ou pour relocaliser les anciens occupants des ZART, nous semble absolument déraisonnable, et nous souhaitons supprimer toutes ces brèches qui mettent à mal la loi Littoral.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à réécrire intégralement l’article 9, ce qui emporte plusieurs conséquences notables.
Cette réécriture supprime la notion de hameaux existants intégrés à l’environnement, notion très peu utilisée, car très complexe – quatre ou cinq cas au maximum sont concernés.
Elle reprend les critères de la jurisprudence de 2015 pour appréhender la notion de « secteur à densifier », qui se substitue à celle de « hameau existant » ; or c’est justement, dans l’esprit de Michel Vaspart, ce que cet article a vocation à éviter.
Elle supprime les autres dérogations relatives à la relocalisation dans le cadre des ZART aux constructions et installations liées à certaines activités et aux annexes.
Est ainsi remise en cause, de fait, la quasi-intégralité de l’article 9 tel qu’il était pensé et rédigé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, vous reprenez l’amendement déposé par Emmanuelle Cosse, lors de la précédente législature, sur la proposition de loi de Pascale Got. La rédaction ainsi proposée va dans le bon sens ; elle encadre mieux, selon nous, l’application de l’article 9. Mais, compte tenu de la position de principe du Gouvernement sur cet article, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Je tiens aussi à dire que le Gouvernement n’est pas opposé par principe à toute discussion sur la loi Littoral. (Ah bon ? sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes ouverts à des interprétations de clarification réglementaire de la loi Littoral.
S’agissant de cette proposition de loi précise, elle traite de la question du trait de côte, et non pas de la loi Littoral. C’est dans cet esprit que nous avons commencé à en discuter. Je ne sais pas ce qu’il en était des discussions avec le gouvernement précédent ; à nos yeux, en tout cas, il a toujours été clair que cette proposition de loi n’était pas le véhicule adéquat pour discuter de la loi Littoral.
M. Ronan Dantec. Voilà qui est clair !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bas, rapporteur pour avis. Je voudrais dire aux auteurs de cet amendement que je le trouve très intéressant, tout en étant, comme le rapporteur de la commission saisie au fond, défavorable à son adoption.
Pourquoi dis-je qu’il est intéressant ? Parce que sa discussion permet de toucher du doigt le point suivant : la loi Littoral autorise la construction de hameaux nouveaux. Il existe en effet une procédure, adoptée en 1986, qui prévoit cette faculté. Il est très intéressant de le relever, car, mes chers collègues, vous voulez supprimer cette faculté. Faut-il en conclure qu’on peut malgré tout modifier la loi Littoral, à condition de la durcir et d’empêcher ce qu’elle a permis ? Ce texte, qui est aujourd’hui un texte sacré, comporte donc aussi quelques souplesses…
L’article 9 tel que nous l’avons rédigé n’est pas aussi ambitieux que ce qui existe déjà dans la loi Littoral. Dans notre article 9, en effet, nous n’envisageons aucune extension de l’urbanisation. Nous sommes contre l’extension de l’urbanisation !
M. Michel Vaspart. Exactement !
M. Philippe Bas, rapporteur pour avis. Il faut vraiment prendre toute la mesure de ce que nous avons voulu faire, car le débat s’enflamme parfois : d’un côté, il y aurait les défenseurs intransigeants de la loi Littoral et, de l’autre, les bétonneurs. Or nous voulons faire un tout petit peu de chirurgie urbanistique.
Mme Françoise Cartron. De la dentelle !
M. Philippe Bas, rapporteur pour avis. Nous parlons de hameaux qui existent déjà. Dans ces hameaux, il y a des maisons – sans maisons, pas de hameau. À l’intérieur de ces hameaux, mais sans les agrandir, nous voudrions par exemple qu’un terrain de 800 mètres carrés, situé entre deux maisons construites respectivement sur des terrains de 880 et de 1 300 mètres carrés, puisse être bâti.
Pas d’extension de l’urbanisation, donc, à l’inverse de ce que vous souhaiteriez pouvoir faire par l’adoption de cet amendement. Vous voulez en effet rédiger l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme pour que l’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants.
Pour notre part, nous ne demandons pas d’extension de l’urbanisation. Nous voulons juste permettre de construire dans ce qu’il est convenu d’appeler des dents creuses. Je n’ai d’ailleurs pas entendu le Gouvernement critiquer le dispositif que nous envisageons. Il nous dit simplement qu’il est très attaché à la loi Littoral et qu’il ne veut pas qu’on y touche. Quant à moi, je suis très attaché à la loi Littoral ; c’est pourquoi je veux l’améliorer !
Je suis donc défavorable à cet amendement, mais il a au moins un mérite : en creux, ou en relief, je ne sais comment dire, il nous permet de défendre notre position en montrant que nous sommes tant et si bien attachés, nous aussi, à la loi Littoral que nous ne voulons pas d’extension de l’urbanisation. Je crois l’avoir démontré. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Fichet, Mme Blondin, M. Botrel, Mme S. Robert et MM. Tourenne et Lalande, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-8. – L’extension de l’urbanisation se réalise soit :
« 1° Au sein et en continuité avec les agglomérations et villages existants ;
« 2° Au sein des secteurs déjà urbanisés délimités par un périmètre au plan local d’urbanisme. Les nouvelles constructions et installations autorisées ne doivent pas avoir pour effet d’étendre, de renforcer de manière significative ou de modifier les caractéristiques du périmètre bâti. Ces secteurs font obligatoirement l’objet d’un règlement ;
« 3° À titre exceptionnel, sous forme de hameau nouveau intégré à l’environnement. »
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Beaucoup de choses ont été dites sur les dents creuses. Pour ma part, je suis tout à fait favorable au fait que ces terrains soient rendus constructibles.
Combler ces dents creuses présente un grand intérêt du point de vue de la protection du patrimoine – on ne l’évoque pas suffisamment, mais ce sujet est important. C’est également un moyen d’éviter de nouvelles friches : ces terrains qui devaient être restitués au monde agricole, en effet, ne le sont pas réellement. Il y va aussi de la réparation d’injustices dans certaines familles : des propriétaires de terrains acquis par héritage ou par achat ont vu ceux-ci, par le jeu des PLU, changer de statut, passant de terres constructibles à terres agricoles – imaginez un peu les dégâts !
Se pose évidemment la question du hameau : qu’est-ce qu’un hameau ? Cette notion, c’est bien vrai, est sujette à des interprétations, dont on imagine bien qu’elles font la joie de nos juristes, avocats et juges. C’est pourquoi je propose, par cet amendement, de substituer à la notion de hameau celle de secteur déjà urbanisé.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Antiste, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En dehors des agglomérations et des villages, cette disposition ne fait pas obstacle aux opérations qui n’ont pas pour effet d’étendre ou de modifier les caractéristiques des espaces bâtis. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. L’évolution que nous avons en vue permettra de construire à l’intérieur des hameaux sans pour autant autoriser l’extension de ces derniers ou la réalisation de projets importants qui en modifieraient les caractéristiques.
Il est proposé de préciser l’application du principe relatif aux modalités d’extension de l’urbanisation pour autoriser des constructions dans les dents creuses, en veillant toutefois à ce que la densification respecte des critères de proportionnalité, afin que ces dents creuses ne servent pas de prétexte à l’installation de bâtiments volumineux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Comme vient de l’indiquer Philippe Bas, nous sommes évidemment attachés à la loi Littoral et nous souhaitons juguler les éventuelles constructions intempestives.
L’amendement n° 15 rectifié bis vise à compléter l’article 9 en modifiant l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, relatif à l’extension de l’urbanisation, pour retenir la notion de « secteurs déjà urbanisés ». Celle-ci me semble plus indéterminée que celle de « hameaux » ; nous ne savons pas très bien si elle est plus ou moins restrictive au regard de l’urbanisation diffuse existante. En tout état de cause, les élus locaux seraient alors libres de les identifier dans le cadre d’un PLU sans garde-fou autre qu’un règlement.
La portée de cet amendement n’est pas très claire. En tout cas, il va au-delà de ce que Michel Vaspart et nous-mêmes avions envisagé en matière d’ajustement apporté au principe d’urbanisation en continuité. En outre, il nous semble satisfait par la rédaction actuelle de l’article 9, qui porte sur l’article L. 121-10.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, ainsi que de l’amendement n° 2 rectifié. En effet, combler toutes les dents creuses sans encadrement pourrait conduire à des constructions en chapelet dont les conséquences sur le littoral ne sont pas maîtrisées. En réalité, les objectifs décrits dans l’objet de l’amendement n° 2 rectifié me semblent satisfaits par les facultés offertes à l’article 9, qui permet la densification des hameaux, ainsi que la relocalisation de constructions dans le cadre d’une ZART, en discontinuité avec l’existant. Il faut juguler en amont.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Nous voyons bien que la notion de « hameaux » est indéfinie. Il est vrai que celle de « secteurs déjà urbanisés » est relativement imprécise, mais elle indique bien qu’il s’agit d’une agglomération de maisons, qu’il y a du bâti et des dents creuses à combler. Cela permet aux élus locaux de définir, via les outils d’urbanisme, ce qu’ils souhaitent voir construit ou développé et ce qui devra être définitivement rendu au monde agricole.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Fichet, Mme Blondin, M. Botrel, Mme S. Robert et MM. Tourenne et Lalande, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
hameaux
par les mots :
secteurs déjà urbanisés
II. – Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Il s’agissait d’un amendement de cohérence, mais je crains qu’il n’ait plus de raison d’être. Par conséquent, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.
L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme Tocqueville, MM. Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Préville, MM. Courteau et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Jacques Bigot, M. Bourquin, Boutant, Cabanel et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, Ghali et Grelet-Certenais, M. Guillaume, Mmes Guillemot et Harribey, M. Iacovelli, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Leconte, Mmes Lepage et Lienemann, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, MM. Raynal et Roger, Mme Rossignol, MM. Roux, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot, Todeschini et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Après le mot :
hameaux
insérer les mots :
existants qui comprennent un nombre et une densité de constructions significatifs,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un décret en Conseil d’État précise les critères de définition des agglomérations, des villages et des hameaux existants comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs ainsi que des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Cet amendement vise à encadrer davantage les dérogations introduites par cet article au principe d’extension en continuité de l’urbanisation dans les zones rétro-littorales.
Nous proposons de revenir à la rédaction de compromis qui avait été adoptée à l’Assemblée nationale en seconde lecture lors de l’examen de la proposition de loi socialiste.
Il convient ainsi de préciser, d’une part, que l’extension ne pourra avoir lieu que dans les hameaux existants et, d’autre part, qu’elle ne pourra être envisageable que dans des zones comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs, la définition de ce dernier critère étant renvoyée à un décret en Conseil d’État.
Il s’agit d’encadrer le champ de la dérogation, afin d’éviter les effets d’aubaine et un risque de détournement de la loi Littoral. Si une construction totalement isolée venait à permettre une densification, nous remettrions en cause les fondements de cette loi.
Nous sommes nombreux, au groupe socialiste du Sénat, à être très attachés à la loi Littoral, qui nous permet aujourd’hui d’avoir des côtes relativement préservées. Les exemples malheureux de certains de nos voisins européens n’ayant pas réglementé leur urbanisation sur le littoral devraient nous inciter à la plus grande prudence et à la plus grande vigilance en la matière.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Antiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
hameaux
insérer les mots :
, constitués d’un petit nombre de constructions de faible importance proches les unes des autres,
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Afin de distinguer parfaitement le hameau du village, il importe au législateur d’en donner une définition au moins sommaire en reprenant celle qui a été donnée par le Conseil d’État à propos du hameau nouveau intégré dans l’environnement. Elle est nécessaire pour éviter un débat sur l’imprécision du texte et toutes dérives.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 46, présenté par M. Vaspart, est ainsi libellé :
Amendement n° 4, alinéa 5
Supprimer les mots :
de faible importance
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Je partage ce qui vient d’être dit sur la définition du hameau. Le fait de s’en remettre à un décret – peu importe qu’il soit en Conseil d’État ou non – pose problème. Or, à défaut de décret, c’est l’interprétation des tribunaux administratifs qui prévaut. Il s’agit donc d’une question compliquée.
Dans cet hémicycle, nous sommes contraints par l’article 41 de la Constitution. Pour ma part, j’aurais souhaité que nous puissions définir de manière plus précise les notions de « hameau » et de « dent creuse » dans la présente proposition de loi. Mais l’article 41 de la Constitution nous en empêche. C’est d’autant plus regrettable qu’il s’agit de sujets problématiques et que le législateur est régulièrement interpellé à ce propos.
L’amendement de M. Antiste me semble intéressant. Toutefois, je propose de le sous-amender, en supprimant les mots « de faible importance », sous peine de connaître encore des difficultés d’interprétation. La rédaction proposée figerait la jurisprudence ; c’est justement cela qui pose problème.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. La rédaction proposée à l’amendement n° 26 rectifié reprend la solution envisagée par le précédent gouvernement au Sénat au mois de janvier 2017. Son adoption restreindrait significativement la possibilité créée par l’article 9, en reprenant pour l’essentiel les critères consacrés par la jurisprudence en 2015 – nous l’avons évoqué tout à l’heure –, qui posent problème aujourd’hui. Cela n’apporterait pas de solution à la majeure partie des difficultés que l’on rencontre dans les territoires littoraux. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Ce matin, la commission avait sollicité le retrait de l’amendement n° 4, jugeant en particulier le critère de « faible importance » trop vague, donc sujet à des interprétations variables, sources de complexité et d’insécurité pour les acteurs locaux. Entre-temps, notre collègue Michel Vaspart a déposé un sous-amendement n° 46, qui tend à modifier l’amendement n° 4, en supprimant cet élément et en conservant les dispositions relatives au nombre et à la proximité des constructions. Cela précise l’intention du législateur dans le sens que nous privilégions. Par conséquent, et à titre personnel – le sous-amendement n’a pas été examiné par la commission –, je suis favorable à ce sous-amendement et à l’amendement de M. Antiste ainsi modifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, le Gouvernement émet un avis malheureusement défavorable sur les deux amendements et le sous-amendement qui viennent d’être présentés.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je partage l’esprit de l’amendement n° 26 rectifié et je suis d’accord avec sa rédaction. Nous avions travaillé sur le sujet avec la ministre Emmanuelle Cosse.
Mais je rejoins également le point de vue de mon collègue Ronan Dantec sur la loi Littoral en général. J’ai entendu Mme la secrétaire d’État annoncer que le Gouvernement allait s’en préoccuper très rapidement. Cela suppose la recherche d’un consensus sur les deux sujets majeurs que sont l’évolution du trait de côte et les dents creuses.
Je voterai en faveur de cet amendement, car il est limité aux dents creuses.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je regrette que la commission et le Gouvernement aient tous deux émis un avis défavorable sur l’amendement n° 26 rectifié. Comme l’a rappelé notre collègue Nelly Tocqueville lors de la discussion générale et en présentant cet amendement, la rédaction proposée est le fruit du travail qui a été mené pour rechercher un consensus avec l’Assemblée nationale. Or on est aujourd’hui en train de réduire tout ce travail à néant !
Je ne partage pas les arguments qui ont été avancés. Je ne pense pas que la définition proposée bloque le comblement des dents creuses.
Je regrette que M. le rapporteur – certes, il l’avait déjà annoncé en commission – et, surtout, Mme la secrétaire d’État refusent un certain nombre d’améliorations. La proposition de loi va sans doute être adoptée dans la rédaction souhaitée par la majorité sénatoriale et, à en juger par les réponses de Mme la secrétaire d’État, ne va pas prospérer à l’Assemblée nationale.
Certes, et Mme la secrétaire d’État l’a souligné, d’aucuns veulent traiter à la fois la problématique de la loi Littoral et le recul du trait de côte, alors qu’il s’agit de deux sujets totalement distincts. Nous aurions peut-être intérêt, quelles que soient nos sensibilités politiques, à nous mettre autour d’une table pour traiter du second sujet et examiner la problématique de la loi Littoral d’une manière un peu moins vigoureuse.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émorine. En tant qu’ancien président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, je tiens à dire que le Sénat s’est toujours beaucoup préoccupé de l’environnement.
Lorsque nous avons eu à examiner le Grenelle de l’environnement – ce n’est pas si vieux –, nous avons abordé les lois Littoral et Montagne. Je souhaite vous rappeler, madame la secrétaire d’État, que, dans le Grenelle de l’environnement, nous avons essayé de protéger des terres. Chaque année, 65 000 hectares partaient à l’urbanisation ou aux infrastructures.
Les schémas de cohérence territoriale ont été déterminants ; ils remontaient à la loi Voynet de 1998, mais n’étaient pas applicables automatiquement. Nous avons donc imposé, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, que l’ensemble du territoire français soit couvert par des schémas de cohérence territoriale au 31 décembre 2017.
Monsieur Dantec, la notion de hameau sert évidemment à la jurisprudence, mais de manière négative.
Certains évoquent les dents creuses. À mon sens, il faut pouvoir parler de « l’intérieur d’une zone déjà urbanisée ». Je soumets cela à votre réflexion. Nous ne sommes évidemment pas pour le mitage et pour l’extension. La notion de dent creuse n’a plus le même intérêt agricole ; on ne peut plus faire de traitement ou travailler dans des conditions normales. Comme la notion de hameau n’est pas suffisante et celle de dent creuse n’est pas défendable juridiquement, je pense que cela se défend d’évoquer l’intérieur d’une zone déjà urbanisée ; on n’est pas dans le mitage, puisque nous avons toujours été opposés aux constructions extérieures.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Que mon collègue veuille bien m’en excuser, je souhaite rectifier ce qu’il vient d’indiquer.
La surface agricole utile d’un département, soit environ 60 000 hectares ou 65 000 hectares, disparaissait tous les dix ans, et non pas tous les ans. Aujourd’hui, le phénomène s’est accéléré. J’étais encore récemment auprès de la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, qui rendait compte des dernières statistiques ; on est passé d’une surface agricole utile tous les dix ans à une surface agricole utile tous les six ans ! Il y a donc une accélération considérable de l’artificialisation des sols. Qu’il n’y ait pas de malentendu ; nous n’avons plus de marges !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Tocqueville, MM. Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Préville, MM. Courteau, Kerrouche et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Jacques Bigot, M. Bourquin, Boutant, Cabanel et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, Ghali et Grelet-Certenais, M. Guillaume, Mmes Guillemot et Harribey, M. Iacovelli, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Leconte, Mmes Lepage et Lienemann, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, MM. Raynal et Roger, Mme Rossignol, MM. Roux, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot, Todeschini et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines, et à leur valorisation locale ;
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Dans la continuité de mon amendement précédent, nous souhaitons encadrer davantage les dérogations introduites dans cet article. Cet amendement vise ainsi à préciser que les dérogations applicables aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines doivent être « nécessaires » à celles-ci, ainsi qu’à leur valorisation locale. En effet, la rédaction actuelle semble trop large en permettant toute forme d’extension dès lors qu’elle serait liée à une activité agricole, forestière ou marine.
Nous avions présenté un amendement similaire en commission, mais il n’a pas été adopté. Toutefois, après des échanges avec M. le rapporteur, nous avons trouvé une rédaction de compromis ; le présent amendement en est la traduction.
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Antiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
, et les activités économiques et les services publics qui présentent un intérêt général, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État, et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages ;
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. La loi autorise, avec l’accord de l’autorité compétente de l’État et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, des constructions liées à des activités économiques en dérogation au principe d’extension de l’urbanisation en continuité des zones urbanisées.
Il est proposé que cette dérogation, qui concerne certaines activités agricoles et qui a été étendue sous conditions aux éoliennes et à des stations d’épuration, soit élargie aux activités agricoles en général, aux cultures marines, à des activités économiques et aux services publics d’intérêt général pour des raisons évidentes, voire vitales, de maintien des populations, de préservation des ressources locales et de dynamisme territorial, dès lors que cette dérogation est sous le contrôle de l’État et de la commission départementale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Nous avions effectivement évoqué l’amendement de Mme Tocqueville en commission et nous avions travaillé ensemble sur une rédaction permettant aux professionnels, notamment les ostréiculteurs, de proposer – on parle beaucoup de circuits courts et de vente directe ces temps-ci – des activités de commercialisation sur site dans leurs locaux.
La rédaction de l’amendement n° 27 rectifié nous convient ; elle est bien encadrée et répond aux attentes. La commission a donc émis un avis favorable.
L’amendement n° 3 vise à ajouter des dérogations relatives aux activités économiques et aux services publics d’intérêt général. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous ne souhaitons pas ouvrir le champ des possibles sur l’urbanisation des espaces.
L’imprécision relative à la notion de services publics d’intérêt général et la généralité de la référence aux activités économiques nous inquiètent. Nous nous rapprochons de ce qui avait été un temps envisagé lors de la précédente proposition de loi sur la création de zones d’activité économique, mais finalement non repris dans le présent texte, compte tenu des inquiétudes légitimes que cela avait créées lors de l’examen de la précédente proposition de loi.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Tout cela va dans le bon sens, dans la mesure où il s’agit, là encore, de réduire la portée de l’article 9. Toutefois, compte tenu de notre position de principe, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 3 n’a plus d’objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme Tocqueville, MM. Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Préville, MM. Courteau, Kerrouche et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Jacques Bigot, M. Bourquin, Boutant, Cabanel et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, Ghali et Grelet-Certenais, M. Guillaume, Mmes Guillemot et Harribey, M. Iacovelli, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Leconte, Mmes Lepage et Lienemann, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, MM. Raynal et Roger, Mme Rossignol, MM. Roux, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot, Todeschini et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Toujours dans un souci de préservation de la loi Littoral, cet amendement vise à supprimer la dérogation que le présent texte entend accorder pour les édifications d’annexes de taille limitée à proximité d’un bâtiment existant.
Si la rédaction actuelle de l’article encadre cette dérogation par un accord du préfet après avis de la CDNPS, il semble néanmoins que sa portée pourrait venir remettre en cause l’un des fondements de la loi Littoral en permettant des constructions en discontinuité de l’existant.
Au-delà du fond, nous estimons qu’une telle dérogation ne doit pas être introduite dans le présent texte et qu’elle devrait faire l’objet a minima d’une étude d’impact sur ses éventuelles conséquences et, de préférence, d’une proposition de loi à part entière.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Antiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
bâtiment existant
insérer les mots :
légalement édifié
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Il s’agit de préciser la nature du « bâtiment existant », dans la mesure où il ne doit pas simplement s’agir d’une construction qui existe en fait ; elle doit aussi être une construction légalement édifiée. Dès lors, sort de ce champ d’application tout bâtiment édifié sans autorisation ou dont le permis a été annulé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. L’amendement n° 28 rectifié vise à supprimer la dérogation bénéficiant aux annexes de taille limitée à proximité des bâtiments existants.
Cette dérogation reprend une disposition adoptée de manière consensuelle par les deux assemblées dans le cadre de la loi Montagne de décembre 2016. Il s’agit par ailleurs d’une demande ancienne des élus du littoral ; elle me semble suffisamment encadrée par l’ensemble des conditions de l’article que j’ai déjà évoquées. En visant des constructions de taille limitée et en renvoyant à la voie réglementaire pour préciser ces possibilités, nous avons une solution qui comporte des garanties supplémentaires.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 5 concerne un point particulier qui avait déjà été soulevé par notre collègue lors de l’examen de la précédente proposition de loi.
Il est proposé de préciser que des annexes ne pourront être installées qu’à proximité d’un bâtiment existant « légalement édifié ». Or il est a priori difficile de faire référence dans la loi à la construction d’édifices à proximité d’un bâtiment qui n’aurait pas d’existence légale.
On ne peut qu’être d’accord sur le principe, mais la faculté de vérifier une telle condition me semble délicate, d’autant plus que certaines procédures de régularisation existent, auquel cas il me semble complexe de revenir aux conditions initiales d’édification. Il appartient aux autorités locales chargées de l’urbanisme de vérifier la légalité de l’existence du bâtiment.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. L’amendement n° 28 rectifié va dans le bon sens, parce qu’il tend à supprimer l’alinéa permettant de déroger au principe d’urbanisation en continuité au profit des annexes. Dans ce contexte, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Pour les raisons que j’ai déjà évoquées à plusieurs reprises, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 5.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Labbé et Arnell, Mme M. Carrère, M. Collin, Mmes Costes et N. Delattre, M. Gabouty, Mmes Jouve et Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … La construction ou l’installation d’équipements de production d’énergies renouvelables à partir de l’irradiation solaire.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Les objectifs de production d’énergie renouvelable fixés à moyen et long terme par la loi de transition énergétique pour une croissance verte sont – nécessairement – ambitieux. L’atteinte de ces objectifs implique une mobilisation des ressources disponibles sur l’ensemble du territoire national, qu’il soit urbain, rural, de montagne ou littoral. Or les équipements de production d’énergie renouvelable, en particulier les centrales thermiques solaires ou photovoltaïques au sol, sont considérés comme des équipements urbains au titre de la loi Littoral.
L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme impose que les extensions d’urbanisation doivent se réaliser en continuité avec les zones agglomérées. Cette disposition contraint fortement le développement de projets de centrales de production énergétique, car les projets viennent potentiellement en concurrence avec la préservation des terres agricoles – prioritaire – ou avec l’accueil de nouvelles constructions.
L’article L. 121-12 du code de l’urbanisme, créé par l’ordonnance du 23 septembre 2015, permet aux projets d’implantation d’éoliennes de déroger au principe d’extension de l’urbanisation en continuité des zones urbaines, sous certaines conditions.
Le présent amendement vise donc d’élargir les dispositions de l’article L. 121-12 applicables à l’éolien aux centrales solaires, afin de permettre leur implantation en discontinuité d’urbanisation, notamment sur des espaces artificialisés par l’homme, tels que d’anciennes décharges réhabilitées, d’anciennes carrières ou des sites militaires désaffectés. Cette proposition d’élargissement aux centrales solaires nécessite cependant une adaptation par rapport aux conditions d’implantation des projets éoliens. Le développement des projets de centrales solaires au sol ne doit évidemment pas porter atteinte à l’environnement ou aux sites et paysages remarquables ni être en covisibilité avec la mer.
Ces projets ne peuvent être implantés qu’après délibération favorable de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal de la commune concernée par l’ouvrage, et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
L’ouverture, permise par cet amendement, au développement des projets de centrales solaires sur l’ensemble de l’espace terrestre, y compris sur les communes littorales, est indispensable pour répondre aux enjeux de transition énergétique souhaitée par la population et pour favoriser le développement de l’autoconsommation collective, dont les modalités ont été définies par la loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par M. Le Nay, Mme M. Jourda et MM. Cadic, Longeot, Moga, Laugier, Janssens, Kern et Lafon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … La construction ou l’installation d’équipements de production d’énergies renouvelables à partir de l’irradiation solaire permettant une production d’énergie locale et renouvelable.
La parole est à M. Jacques Le Nay.
M. Jacques Le Nay. L’objet de cet amendement est identique à celui de mon collègue Joël Labbé, dont je partage l’analyse. Je précise toutefois qu’il s’agit de permettre une production d’énergie locale et renouvelable. C’est un problème sensible, notamment dans les îles, qui sont très dépendantes en matière d’énergie. Ce qui est permis pour l’éolien doit l’être également pour le solaire. Cette ouverture serait une bonne chose pour répondre aux situations rencontrées un peu partout dans les communes, y compris sur le littoral.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Sur le principe, à titre personnel comme au nom de la commission, je suis bien sûr extrêmement favorable à ce type d’amendements. Toutefois, ils ne sont pas assez précis, contrairement à l’amendement n° 24 rectifié quater, qui sera présenté dans quelques instants par Daniel Laurent, ou à l’amendement n° 36 rectifié bis de Guillaume Chevrollier.
Aujourd’hui, quand un projet de parc photovoltaïque est validé, il peut l’être sur des sites dégradés, situés en zone littorale ou non, pour éviter de consommer des terres agricoles utiles notamment. Je vous invite donc à retirer ces deux amendements au profit de l’amendement n° 24 rectifié quater, qui vise à n’autoriser l’implantation de telles installations solaires que sur des sites dégradés, par exemple des anciennes décharges ou des friches industrielles. Une nomenclature des sites dégradés est d’ailleurs intégrée dans le cahier des charges des appels d’offres.
Il s’agit, à mon sens, d’une dérogation plus mesurée, qui répond à notre souci de ne pas trop étendre leur implantation en discontinuité de l’urbanisation existante et de la confiner à un certain nombre d’espaces bien identifiés. À l’heure actuelle, sur le plan national, environ sept dossiers sont bloqués pour une soixantaine d’hectares de parcs photovoltaïques. L’amendement n° 24 rectifié quater répondra donc également à votre souhait de développer ce type d’énergie renouvelable sur de tels secteurs.
Mme la présidente. Monsieur Labbé, l’amendement n° 38 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Lorsque le texte est effectivement amélioré par un autre amendement que le sien, il convient de se montrer beau joueur. J’accepte donc de retirer mon amendement au profit de l’amendement n° 24 rectifié quater.
Mme la présidente. L’amendement n° 38 rectifié est retiré.
Monsieur Le Nay, l’amendement n° 31 est-il maintenu ?
M. Jacques Le Nay. Non, je le retire également, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 31 est retiré.
L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. de Nicolaÿ, Gremillet, Pellevat, Gilles, Bascher, Rapin, Bonhomme, Bazin, Chaize et Bonne, Mme Deseyne, M. Bouchet, Mmes Bruguière, Gruny, Lherbier, Lanfranchi Dorgal, Lamure et Garriaud-Maylam, M. Husson, Mme Lassarade et MM. Poniatowski et Leleux, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
hors usage d’habitation
La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Il s’agit d’un amendement d’appel, pour ne pas dire d’inquiétude.
Aux termes de l’article 9, alinéa 7, « ces opérations ne peuvent être autorisées qu’en dehors des espaces proches du rivage, à l’exception des constructions ou installations liées aux cultures marines mentionnées au 3° ». Nous souhaitons compléter cet alinéa par les mots « hors usage d’habitation ».
Imaginons qu’un ostréiculteur installe ses bâtiments et sa maison près du rivage. S’il cesse son activité, sa maison peut être revendue à quelqu’un qui n’a rien à voir avec les cultures marines mentionnées. Cette situation s’est déjà rencontrée dans le secteur agricole où les exploitants pouvaient, si j’ai bonne mémoire, lorsqu’ils exploitaient plus de 5 hectares, construire leur siège sur l’exploitation. Lors de cessations d’activité, des exploitations ont été transformées en maison d’habitation avec piscine…
Je souhaitais donc faire part de cette inquiétude devant la commission et le Gouvernement. Si l’on n’apporte pas la précision « hors usage d’habitation », des locaux à usage commercial ou autres pourraient, dans le futur, être transformés en habitations et contribuer ainsi au mitage de notre territoire.
M. Jean Bizet. Très juste !
Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par M. Brisson, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase de l’article L. 121-17 du code de l’urbanisme, après les mots : « des services publics », sont insérés les mots : « , à l’exercice de missions de surveillance des plages, de secours en mer et de sauvetage côtier ».
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Je vous propose de changer de sujet et d’en revenir au problème que j’ai évoqué en explication de vote sur l’amendement n° 40.
L’étalement tout au long de l’année de la fréquentation des zones littorales soulève un certain nombre de défis pour les communes qui doivent continuer d’assumer des missions de police des baignades et d’assistance en dehors des périodes estivales. Dans le même temps, ces mêmes collectivités font face à une diminution de leurs ressources. Ainsi, elles font de plus en plus appel à des associations de sauveteurs et de secouristes volontaires, qui assurent ces missions en dehors des périodes estivales ou en renfort pendant les pics de fréquentation. Intervenant de manière ponctuelle et en appui de la commune, les associations ne sont pas toujours reconnues comme un service public ni comme étant délégataires d’une mission de service public.
L’article L. 121-17 du code de l’urbanisme dispose que l’inconstructibilité dans la bande des 100 mètres ne s’applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics. Cette disposition n’empêche pas que des communes aient des difficultés à procéder à des aménagements légers pérennes, comme des locaux de stockage du matériel, des vestiaires ou des douches pour ces associations. Ces dernières demeurent ainsi accueillies dans des bâtiments modulaires, dont l’insertion dans l’environnement est discutable, alors que dans les faits elles exercent une mission de service public.
Cette situation spécifique est, par exemple, rencontrée dans mon département par la commune d’Anglet, dont le permis de construire a été contesté par le préfet des Pyrénées-Atlantiques devant le tribunal administratif. Le permis a donc été annulé, ce qui a contraint la ville d’Anglet à conserver des bâtiments modulaires.
Ainsi, je propose d’étendre de manière explicite l’exception d’inconstructibilité dans la bande des 100 mètres aux constructions nécessaires à l’exercice des missions de surveillance des plages, de secours et mer et de sauvetage côtier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 19 rectifié bis ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à exclure toute construction ou installation à usage d’habitation pour les activités agricoles, forestières et les cultures marines.
Nous partageons la préoccupation des auteurs de cet amendement. Néanmoins, une telle mesure pourrait « dériver » et empêcher, à terme, toute construction nécessaire aux exploitations agricoles ou conchylicoles.
L’article 9 vise à interdire expressément les changements de destination de ces constructions, ce qui devrait permettre d’éviter ces dérives. À l’inverse, en interdisant toute habitation, on s’écarterait de la jurisprudence existante, qui autorise dans certains cas une habitation nécessaire à l’exploitation, en particulier pour les activités d’élevage.
Le risque, ici, serait de bloquer des projets d’installation de personnes bien intentionnées.
Nous avons eu l’occasion de travailler sur ces sujets, notamment dans le Finistère, où la question a été soulevée par un certain nombre de professionnels. C’est la raison pour laquelle le changement de destination n’est pas possible. Voilà pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Cet amendement vise à encadrer davantage une dérogation introduite par l’article 9. Bien que le Gouvernement estime que les réflexions sur l’adaptation des territoires littoraux à l’érosion du trait de côte ne doivent pas être l’occasion de remettre en cause la loi Littoral, comme je l’ai souligné à maintes reprises cet après-midi, il s’en remettra une fois de plus à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Monsieur de Nicolaÿ, l’amendement n° 19 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Comme je l’ai dit ce matin en commission, je souhaite uniquement soulever le problème de certains territoires sur lesquels ont été construites des installations à usage professionnel transformées par la suite en habitations, ce qui abîme le littoral.
Cela étant, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 43 ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter aux dérogations prévues dans la bande littorale les constructions ou installations nécessaires aux missions de surveillance des plages, de secours en mer et de sauvetage côtier.
L’auteur de l’amendement invoque une difficulté qui empêcherait de s’inscrire dans la faculté existante lorsque des associations gèrent de telles missions, qu’il s’agisse de la SNSM ou d’autres organismes. La question est très précise ; il nous est difficile d’en mesurer l’ampleur à ce stade et donc de mesurer la nécessité d’une disposition législative.
Modifier la législation sur le fondement d’un cas d’espèce n’est pas une pratique particulièrement favorable à la qualité de la loi. Il serait préférable d’identifier ce qui pose problème. S’agit-il, chose très rare, d’un excès de zèle de la part du préfet ? À mon sens, il s’agit davantage d’un problème d’application de la loi, dont la généralité reste la garantie de son efficacité et de son adaptabilité aux circonstances locales.
La commission demande le retrait de cet amendement, mais se tourne vers le Gouvernement : ne serait-il pas possible, au travers, par exemple, d’une circulaire, d’assouplir les conditions de mise en place de ce type d’équipements dans la bande littorale pour assurer la sécurité de nos concitoyens ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. La multiplication dans la loi elle-même de dispositions visant à résoudre des situations très particulières est contraire à l’esprit de la loi Littoral et n’est pas dénuée de risques contentieux via des raisonnements a contrario. Un avis défavorable est d’autant plus justifié que de tels équipements semblent déjà couverts par les dispositions actuelles.
Mme la présidente. Monsieur Brisson, l’amendement n° 43 est-il maintenu ?
M. Max Brisson. J’ai déposé cet amendement d’appel en raison d’une situation particulière à la côte aquitaine : la pratique tout au long de l’année du surf. Cela nécessite des équipements particuliers et souples. Or certaines municipalités se voient aujourd’hui opposer le fait que ces associations de sauvetage côtier – il ne s’agit pas ici de la SNSM – ne sont pas dans des situations de délégation de service public. Je souhaitais aborder ce problème, dont nous aurons certainement l’occasion de reparler.
En attendant, je vais retirer mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, il existe effectivement des cas particuliers qui nécessitent que l’on travaille avec les préfets pour…
M. Didier Mandelli, rapporteur. Affiner ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Voilà, pour affiner ! Je n’ose guère en dire plus de peur que mes propos ne soient mal interprétés ! (Sourires.) Quoi qu’il en soit, un travail étroit avec les préfets permettrait d’avancer sur cette question.
M. Max Brisson. Je vous remercie de cette précision, madame la secrétaire d’État.
Je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 43 est retiré.
La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote sur l’article.
M. Yannick Botrel. Le débat a été assez long et beaucoup d’interventions ont été intéressantes, même si elles n’allaient pas toutes dans le même sens.
Selon Mme la secrétaire d’État, le débat sur le risque de régression du littoral et du trait de côte méritait de se tenir dans d’autres circonstances. Le sénateur Dantec, l’une des voix éminentes de notre assemblée, n’a pas dit autre chose : il faut un débat sur le thème des dents creuses et des hameaux. Néanmoins, plutôt que d’attendre la venue d’un futur improbable, je préfère ne pas lâcher la proie pour l’ombre : je voterai donc en faveur de cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 9
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié quater, présenté par Mme Bruguière, MM. Dallier et D. Laurent, Mme Puissat, MM. Grand, Vogel et de Legge, Mme Gruny, M. Charon, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Lefèvre, B. Fournier, Chaize, Paccaud, Cuypers, Pierre et Panunzi, Mme Deromedi, MM. Ginesta, Revet et Priou, Mmes Bories et Garriaud-Maylam, M. Bouchet, Mmes Canayer et Deroche et MM. Leleux et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 121-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-10-1. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-8, les constructions ou installations liées aux activités de production agricole correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal et destinées à l’hébergement temporaire du chef d’exploitation ou de travailleurs mentionnés à l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, lorsque ces travailleurs sont placés sous contrat à durée déterminée conformément au 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail, peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
« Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. »
II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 341-16 du code de l’environnement, après la référence : « L. 121-10, », est insérée la référence : « L. 121-10-1, ».
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet amendement est fondé sur un besoin réel identifié par les professionnels et par les élus, résultant d’un manque substantiel de capacités d’hébergement pour les travailleurs saisonniers. Ce besoin est particulièrement prégnant sur des territoires pour lesquels les emplois saisonniers représentent une grande part des emplois agricoles. Cet amendement vise donc à rendre possible le logement temporaire des travailleurs saisonniers sur les exploitations agricoles qui ont besoin d’une main-d’œuvre durant les périodes de récoltes.
Cette version permet de limiter à la zone rétro-littorale les possibilités de rompre avec le principe de regroupement de l’urbanisation s’agissant des constructions nécessaires aux activités agricoles. Elle répond aussi de façon raisonnable à un besoin réel des exploitants agricoles et comporte une précision importante sur le logement, dont la mention explicite est indispensable afin d’en faciliter la réglementation au niveau local.
Je me permets de souligner que deux agriculteurs ont été condamnés la semaine dernière. Ils ont fait appel et leur amende a été reportée à l’année prochaine. Néanmoins, ils devront payer.
J’insiste, madame la secrétaire d’État, au risque de paraître lourde : dans la plaine agricole du pays de l’Or, voire jusqu’à Sète et à Béziers, notamment à Mauguio, 600 saisonniers étrangers, Péruviens pour la plupart, sont transportés en car tous les jours, principalement pour le ramassage des melons. La terre est basse, et chez nous il fait très chaud, entre 38 et 40 degrés ! Il serait donc logique que ces ouvriers disposent pendant la saison estivale, soit durant quatre mois, de logements corrects pour pouvoir se reposer le soir. Insérer un tel article dans le texte nous grandirait ! Les agriculteurs sont découragés et les saisonniers, soutenus par les élus de tous bords, n’en peuvent plus.
M. Jean Bizet. Absolument !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. La commission partage le souci des agriculteurs de pouvoir accueillir dans de bonnes conditions les travailleurs saisonniers, car nous souhaitons tous assurer le développement économique de nos territoires. Néanmoins, la définition du caractère saisonnier semble poser difficulté.
Ce sujet avait déjà été évoqué lors de la précédente proposition de loi. Créer une dérogation spécifique sur ce point, avec des imprécisions sur certaines notions, notamment celle de maîtrise et d’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal, me semble révéler qu’une telle disposition n’est pas de niveau législatif.
Vous citiez le chiffre de 600 salariés. Établir des logements temporaires pour les travailleurs saisonniers en discontinuité peut poser des questions de préservation des espaces naturels et des paysages, selon l’ampleur des besoins. Comme l’ensemble de la commission, je me pose un certain nombre de questions : faut-il vraiment intervenir en discontinuité pour ce genre d’installations ?
Certes, il est important de régler le problème de l’accueil des saisonniers, en prévoyant des logements décents à proximité. À mes yeux, même s’il y a urgence, il s’agit d’un amendement d’appel. Peut-être, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? En tout état de cause, la commission demande le retrait de cet amendement.
Pour régler le problème, il faudrait le circonscrire non en discontinuité, mais en continuité, grâce à des logements spécifiques, ce qui paraît compliqué pour loger un nombre aussi important de personnes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Alors que la progression de l’artificialisation des sols reste sur le territoire des communes littorales 2,7 fois supérieure à la moyenne nationale, le Gouvernement entend ne pas remettre en cause les principes fondateurs de la loi Littoral.
En tout état de cause, l’objectif visé par cet amendement est déjà satisfait. En effet, il revient au SCOT et au PLU de planifier les capacités d’accueil, en particulier dans les communes littorales où le foncier est très contraint, et d’identifier les secteurs destinés à accueillir des logements pour les saisonniers agricoles dans le respect des dispositions de la loi Littoral.
Les collectivités se sont d’ores et déjà saisies de la question à travers leurs documents de planification. À titre d’exemple, le SCOT du pays de l’Or prévoit des dispositions visant à faciliter l’accueil des travailleurs saisonniers dans le respect de la loi Littoral, à savoir une intégration prioritaire dans le tissu urbain et dans le tissu villageois local.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, qui vise à étendre encore la portée de l’article 9.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interpeller sur cette affaire extrêmement grave. Je parle sous le contrôle de Mme Bruguière, élue du secteur : il s’agit de zones situées cinq kilomètres dans les terres et non de territoires en bord de mer ! Il s’agit donc de grandes fermes, de grands espaces, avec un besoin important de main-d’œuvre. Il faut que vous veniez voir ce qui s’y passe ! Il faut que vous en parliez également au ministre de l’intérieur, chargé de l’immigration !
Ces dernières années, de nombreux saisonniers sont venus d’Amérique du Sud. Pour l’État, c’est capital. Tous les filtres de l’immigration fonctionnent, toutes les garanties pour les agriculteurs employeurs sont présentes. Cette main-d’œuvre ne se dispersera pas ensuite dans la nature, contrairement à celle issue de pays moins lointains.
Bref, cette main-d’œuvre qui vient de loin est particulièrement contrôlée aux frontières par l’État et elle ne risque pas de s’égailler dans la nature, avec toutes les interrogations que cela entraîne. Un peu de bon sens et de dignité humaine ! Il s’agit uniquement de loger décemment cette population. La condition humaine des travailleurs saisonniers doit être au moins égale à celle des travailleurs dans l’ensemble du pays.
Voilà pourquoi, madame la secrétaire d’État, je vous invite cet été à venir visiter ces endroits. Ces gens ne peuvent pas continuer à vivre comme cela, avec tous les risques de dérives que cela entraîne. Après tout, Lunel n’est pas si loin. Réfléchissez donc bien avant d’émettre un avis négatif sur cet amendement ! (M. Jean Bizet et Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je rejoins, bien sûr, mes deux collègues sénateurs de l’Hérault.
Ma collègue Marie-Thérèse Bruguière a évoqué Mauguio et la culture des melons, mais il existe aussi sur ce territoire une agriculture de maraîchage, qui demande beaucoup de main-d’œuvre. Les agriculteurs sur le secteur, qui veulent loger décemment les saisonniers, ont besoin de les avoir sur place, sur l’exploitation.
Cet amendement va dans le bon sens, d’autant qu’il répond à la volonté des agriculteurs de jouer la carte du circuit court. Mauguio est en effet situé à quelques kilomètres de Montpellier. Comment promouvoir les circuits courts si la loi Littoral empêche l’hébergement des saisonniers ?
Mme la présidente. Madame Bruguière, l’amendement n° 18 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Tout à fait !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par MM. Chevrollier et Priou, Mme Lavarde, MM. J.M. Boyer, Gilles et de Legge, Mme Imbert, MM. Chaize, de Nicolaÿ, Mouiller et Pellevat, Mme Chain-Larché, MM. Babary, Bonne, D. Laurent, Piednoir et Le Gleut, Mmes Lamure et Bories et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-12 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « de l’énergie mécanique du vent », sont insérés les mots : « ou de l’énergie solaire » ;
2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « , ou à compromettre les activités agricoles lorsqu’il s’agit d’installations photovoltaïques au sol ».
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. En cohérence avec l’objectif visant à en encourager le développement durable des territoires littoraux, le présent amendement a pour objet d’étendre aux installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire le dispositif applicable aux éoliennes, qui permet de déroger aux dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme lorsque l’implantation de ces installations est incompatible avec le principe général d’extension de l’urbanisation en continuité des zones urbanisées.
Bien entendu, l’implantation de ces équipements devra se faire dans le respect des conditions prévues à cet article, c’est-à-dire en dehors des espaces proches du rivage et en veillant à ne pas porter atteinte à l’environnement, aux activités agricoles, ainsi qu’aux sites et aux paysages remarquables.
Concrètement, l’objectif est de pouvoir utiliser des espaces déjà artificialisés, tels que d’anciennes décharges réhabilitées, d’anciennes carrières ou des sites militaires désaffectés, pour y implanter des installations de production d’électricité à l’aide d’énergie solaire, ce qui contribuera à atteindre les objectifs de transition énergétique.
Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié quater, présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, M. Bazin, Mmes Deseyne et Estrosi Sassone, MM. de Nicolaÿ, Savary et Lefèvre, Mmes Lherbier et Lamure, MM. Babary et Husson, Mme Gruny et MM. Gremillet et Cuypers, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 121-12 est complété par les mots : « et les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil lorsqu’ils se situent sur des sites dégradés définis par décret » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 121-39, après le mot : « habitées », sont insérés les mots : « et des ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil lorsqu’ils se situent sur des sites dégradés définis par décret ».
La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. La loi Littoral du 3 janvier 1986 vise dans ses principes à garantir l’équilibre entre protection, aménagement et mise en valeur du littoral.
Les dispositions d’urbanisme prévoient que l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et les villages. Les centrales photovoltaïques sont ainsi considérées comme de l’urbanisation par la jurisprudence et doivent être réalisées en continuité de zones urbanisées, affectées à l’habitation ou non. Des projets de centrales photovoltaïques portés par des communes littorales, visant à valoriser ou réhabiliter des sites dégradés – anciens centres d’enfouissement technique ou carrières remises en eau –, ne peuvent aboutir, car ils sont considérés comme une extension d’urbanisation en discontinuité de l’urbanisation existante.
Le cahier des charges du 11 décembre 2017 de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir d’énergie solaire, photovoltaïque ou éolienne indique, pages 9 et 10 du document, les quatorze types de sites dégradés ou prioritaires sur lesquels l’implantation d’installations photovoltaïques peut être envisagée, sous réserve d’être en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. Or on admettra aisément que les sites dégradés peuvent ne pas être en continuité de l’urbanisation.
Dans l’île d’Oléron, en Charente-Maritime, la communauté de communes est porteuse de trois projets, situés dans des zones dégradées. À ce jour, ils sont bloqués, alors qu’ils représentent 3 gigawatts de production électrique par an soit 10 % de l’objectif TEPOS, territoires à énergie positive, à horizon de 2030.
Au vu des enjeux liés à la transition écologique, le présent amendement vise à modifier le code de l’urbanisme pour permettre l’autorisation de centrales solaires au sol sur des sites dégradés définis par décret en zone littorale, à l’instar des dispositions applicables aux installations éoliennes issues de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 18 août 2015.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 45, présenté par M. Priou, est ainsi libellé :
Amendement n° 24 rectifié quater
I. - Alinéa 4
Après le mot :
soleil
insérer les mots :
ainsi que les installations de services publics de traitement ou de stockage des déchets
II. - Alinéa 5
Après le mot :
soleil
insérer les mots :
ainsi que des installations de services publics de traitement ou de stockage des déchets
La parole est à M. Christophe Priou.
M. Christophe Priou. L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme prévoit le principe selon lequel « l’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ».
La création d’une installation de traitement ou de stockage de déchets est considérée par la jurisprudence comme une extension de l’urbanisation soumise à ce principe de continuité, selon le tribunal de Marseille. Les communes littorales sont donc soumises à un régime plus strict que celles soumises à la loi Montagne, qui admet une rupture de continuité avec les espaces urbanisés pour les installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage.
L’amendement proposé vise donc à harmoniser les dispositifs de la loi Littoral et celui de la loi Montagne et tend à aligner le régime juridique des installations de services publics de traitement ou de stockage de déchets avec celui des éoliennes, sans porter atteinte aux exigences en matière de protection de l’environnement, ce qui permet ainsi de revaloriser utilement un site dégradé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. L’amendement n° 36 rectifié bis est proche des amendements nos 31 et 38 rectifié, qui ont été retirés au profit de l’amendement n° 24 rectifié quater. Il vise à permettre l’installation de centrales solaires en discontinuité de l’urbanisation existante.
Je propose également à M. Chevrollier de le retirer, au profit de l’amendement n° 24 rectifié quater, qui vise à créer une dérogation à la règle d’urbanisation en continuité sur les territoires littoraux pour permettre l’installation de centrales solaires sur des sites dégradés en dehors des espaces proches du rivage. Actuellement, l’article L. 121-12 du code de l’urbanisme prévoit qu’une telle dérogation est possible s’agissant d’installations éoliennes, lorsque celles-ci ne peuvent être installées à proximité de zones habitées.
Il paraît cohérent, tant au regard des ambitions de transition énergétique que de l’objectif de développement durable des territoires littoraux, d’autoriser la construction de centrales solaires sur d’anciens sites d’usines ou de décharges à l’arrêt, qui pourraient ainsi être réhabilités et valorisés.
Actuellement, les appels d’offres lancés par le Gouvernement relatifs à la construction de centrales solaires prévoient explicitement, comme l’une des conditions possibles d’implantation, le fait de créer une installation solaire sur un site dégradé. Ces appels d’offres définissent d’ailleurs précisément la nature de ces sites : il peut s’agir d’un ancien site pollué, d’une ancienne installation de stockage de déchets, d’un ancien aérodrome ou d’une friche industrielle. D’autres sites sont également possibles. Or on nous a rapporté plusieurs cas de projets solaires sur des sites dégradés n’ayant pu aboutir en raison des dispositions législatives en vigueur. C’est arrivé en Charente-Maritime, à la Barre de Monts en Vendée et dans de nombreux autres endroits.
Aussi la dérogation prévue par l’amendement n° 24 rectifié quater est-elle cohérente avec la vision pragmatique de la proposition de loi, qui vise à pouvoir adapter les dispositions de la loi Littoral pour permettre un développement intelligent et durable des territoires littoraux. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement, auquel se sont déjà ralliés nos autres collègues, ce dont je les remercie.
Le sous-amendement n° 45 est un copier-coller : il tend à prévoir, comme pour les centrales solaires, la possibilité de déroger aux dispositions de loi Littoral pour permettre l’implantation d’installations de traitement ou de stockage de déchets dans des sites dégradés, en dehors des espaces proches du rivage. La loi aujourd’hui ne permet pas l’implantation de telles installations en continuité des zones urbanisées.
À l’occasion d’un déplacement en Corse avec le président de la commission il y a un an et demi, j’ai pu me rendre compte des difficultés que pouvait poser la loi Littoral. Certaines communes sont concernées à la fois par la loi Montagne et par la loi Littoral, comme du reste un grand nombre de communes en France.
La commission a donc émis un avis favorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Le Gouvernement ne peut être favorable à l’amendement n° 36 rectifié bis, alors que l’artificialisation des sols progresse au galop sur le littoral et que la superficie des terres naturelles et agricoles y diminue plus vite qu’ailleurs, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire. D’une part, cet amendement n’est pas cohérent avec l’objectif général de protection des terres naturelles et agricoles ; d’autre part, il n’est pas justifié s’agissant de projets photovoltaïques, qui, à la différence des projets éoliens, ne sont pas soumis à des distances d’éloignement.
De même, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 24 rectifié quater. Porter atteinte au principe d’extension de l’urbanisation en continuité, qui est un principe fondateur de la loi Littoral, est inopportun de manière générale alors que le taux d’artificialisation des sols sur les communes littorales est presque trois fois plus élevé qu’ailleurs, en tout cas 2,7 fois plus important que la moyenne métropolitaine. La progression va s’accélérant.
Les sites dégradés sont des cas particuliers. Ils peuvent potentiellement accueillir des installations solaires, mais leur cas mérite d’être analysé dès lors qu’ils sont situés en zone littorale. En outre, tel qu’il est actuellement rédigé, l’amendement ne définit pas la notion de site dégradé. Il ne définit pas non plus un équilibre clair, qui doit pourtant être trouvé, avec la loi Littoral. Ce sujet pourra être discuté dans le cadre du groupe de travail sur le solaire que va constituer mon ministère. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Monsieur Chevrollier, l’amendement n° 36 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Guillaume Chevrollier. Suivant les recommandations du rapporteur, je retire cet amendement au profit de l’amendement n° 24 rectifié quater, qui vise à atteindre les mêmes objectifs.
Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote sur l’amendement n° 24 rectifié quater.
M. Michel Canevet. Il est important qu’une véritable transition énergétique soit possible dans les zones littorales et qu’on puisse y produire de l’énergie. Tel était le sens des amendements déposés par Joël Labbé et Jacques Le Nay. Il faut permettre l’émergence de projets dans des secteurs assez difficiles d’accès, en particulier dans les îles, dont il faut favoriser l’autonomie énergétique.
Il est dommage que les propositions présentées tout à l’heure n’aient pas été acceptées et que l’on s’oriente vers des plus mesures restrictives. On évoque maintenant la nécessité de recourir à un décret – procédure assez lourde –, pour pouvoir déployer des outils nouveaux de production énergétique sur les territoires littoraux, en particulier dans les territoires insulaires. C’est vraiment dommage.
Je voterai tout de même l’amendement n° 24 rectifié quater, mais je regrette de telles mesures restrictives, car elles empêcheront de mettre en œuvre de nombreux projets…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Michel Canevet. … et donc de favoriser la transition énergétique. J’avais pourtant cru comprendre, madame la secrétaire d’État, qu’il s’agissait là de l’une des priorités de votre ministère…
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.
M. Christophe Priou. Permettez-moi d’évoquer un cas de figure auquel le ministère pourrait peut-être réfléchir : la création d’une décharge en continuité de l’urbanisation conduirait à consommer cinq hectares d’espaces non utilisés, alors que la réhabilitation d’une ancienne décharge sur un site dégradé n’en consommerait que trois ! Non seulement on va consommer plus d’espace, mais on va aussi créer des problèmes de voisinage. Il y a là une contradiction.
J’espère que les groupes de travail sur le solaire, l’éolien ou d’autres sujets feront preuve du bon sens nécessaire, notamment à la préservation des espaces agricoles. Dans mon département, nous avons réduit la consommation de ces espaces grâce au schéma de cohérence territoriale, grâce aussi au bon travail avec les services de l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour explication de vote.
M. Daniel Laurent. Je remercie tout d’abord la commission d’avoir émis un avis favorable sur l’amendement que j’ai proposé.
Je tiens ensuite à rappeler à Mme la secrétaire d’État, qui a l’air d’en douter, que l’objet de l’amendement est bien de valoriser et de réhabiliter les sites dégradés.
Enfin, j’ai cru comprendre que l’État devait être « facilitateur ». Aussi, merci de nous montrer combien vous êtes « facilitatrice », madame la secrétaire d’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche applaudit également.)
M. Jean Bizet. C’est tout un programme !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Pour aller dans le même sens et pour montrer qu’on est aussi là pour avancer, je veux dire qu’il y a une vraie différence : les installations photovoltaïques se démontent. Cette notion est à mon avis essentielle. Tel était le sens de mes critiques, y compris sur les ZART, tout à l’heure.
Notre but n’est pas de geler les territoires, il est d’éviter de mettre en œuvre des choses sur lesquelles on ne pourra pas revenir. Le photovoltaïque ne pose pas cette difficulté. Dans ce cas, je pense donc qu’on pourrait ouvrir une possibilité.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié quater, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9.
L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Luche, A. Bertrand, Bonnecarrère, Canevet, Cigolotti, Delcros, Laugier, Longeot, Louault, A. Marc, Médevielle et Moga, Mme Vermeillet et M. Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-16 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les étendues d’eau artificielles intérieures situées en zone de montagne, cette distance peut être réduite à cinquante mètres à compter des plus hautes eaux par les documents d’urbanisme de la collectivité concernée. »
La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. J’ai souligné tout à l’heure que la loi Littoral s’appliquait à la Méditerranée et à l’Atlantique – j’ai oublié d’indiquer qu’elle s’appliquait également à la Manche et à la mer du Nord –, ainsi qu’aux lacs intérieurs. L’Aveyron possède un lac de plus de 1 000 hectares, auquel s’applique la loi Littoral, ce qui est un lourd handicap pour le développement de l’ensemble des communes riveraines et du département.
Mes chers collègues, cet amendement vise à permettre la construction de nouvelles résidences en zones de montagne, à proximité des étendues d’eau artificielles – mais non des lacs naturels –, en fonction d’un certain nombre de critères. Ces lacs sont nés de la main de l’homme, ils ne sont pas naturels.
Je le souligne, car c’est important, ces constructions se feront dans le respect des règles environnementales, lesquelles seront précisées dans les PLU. Les élus locaux, les communautés de communes, les EPCI, qui sont chargés de l’application des règles d’urbanisme, seront vigilants et veilleront à ce que les projets soient adaptés aux abords des lacs et à ce qu’il n’y soit pas fait n’importe quoi.
L’enjeu est important pour nos départements ruraux, particulièrement pour l’Aveyron et les communes situées autour du lac que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Alain Marc applaudit également.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Nous pouvons partager les objectifs de l’ensemble des élus concernés par la loi Littoral. Toutefois, la commission, l’auteur de la proposition de loi et ses cosignataires ont édicté une règle : ne pas toucher aux principes fondamentaux de la loi Littoral. Or déroger à la bande des 100 mètres, autour d’un lac, qu’il soit artificiel ou naturel, ou sur le rivage, c’est toucher à un principe fondamental de cette loi.
Cet amendement vise à permettre une réduction de la largeur de la bande littorale de 50 mètres autour des plans d’eau artificiels situés en zone de montagne, via un PLU.
Nous sommes réticents à modifier de telles règles, sans connaissance préalable des effets de ces modifications. Diviser par deux la largeur de la bande littorale, qui vise précisément à faire prévaloir un principe d’inconstructibilité sur la partie la plus sensible du rivage, n’est pas sans conséquence pour le territoire, sur les dessertes, sur les accès, les réseaux.
On peut également questionner le choix de viser les étendues d’eau artificielles. Je l’ai dit, le rivage d’un lac, qu’il soit artificiel ou naturel, a la même définition, et nos territoires ont été très largement façonnés par la main de l’homme.
Le souhait de relancer la construction nous semble contraire au principe même de la bande littorale, dont la largeur de 100 mètres reste raisonnable. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Le Gouvernement considère que les réflexions sur l’adaptation des territoires littoraux à l’érosion du trait de côte ne doivent pas être l’occasion de remettre en cause la loi Littoral, qui participe de la protection des espaces naturels littoraux et de la lutte contre l’artificialisation des sols depuis plus de trente ans.
Cela a été rappelé, notamment par le sénateur Dantec, un paysage est collectif. Ce principe sous-tend cette loi, à laquelle nous tenons bien évidemment, et ses mécanismes de protection des espaces fragiles, qui sont un levier de plus d’adaptation au processus d’érosion.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut être que défavorable à cet amendement, qui tend à revenir sur la protection des espaces naturels situés à proximité immédiate du rivage des grands lacs, au motif qu’ils seraient artificiels.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Gérard Cornu, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. J’entends depuis tout à l’heure Mme la secrétaire d’État parler de remise en cause de la loi Littoral. Or la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ne veut pas du tout remettre en cause la loi Littoral. La preuve en est que, même si M. Luche a de bonnes raisons de défendre son territoire, la commission a émis un avis défavorable sur son amendement.
La proposition de loi que nous examinons est empreinte de pragmatisme. Michel Vaspart y travaille depuis au moins un an et demi. Il s’est beaucoup déplacé et a beaucoup consulté avant de la rédiger. Vous nous dites, madame la secrétaire d’État, qu’il faut du temps, qu’il faut réfléchir à certaines choses. Vous ne pouvez certainement pas faire autrement, car vous êtes liée, mais je pense que vous avez tort d’être dans une attitude de refus.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je tiens à le dire publiquement, ne veut pas remettre en cause la loi Littoral. Elle veut simplement l’aménager afin de résoudre de façon pragmatique les problèmes auxquels font face les élus locaux. C’est tout ce que nous voulons faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Alain Marc applaudit également.)
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Monsieur le vice-président de la commission, loin de nous l’idée de nier la somme de travail que représente cette proposition de loi et son sérieux, bien au contraire.
Nous assistons ici à une joute d’interprétation. La proposition de loi porte sur le trait de côte, qui est un sujet fondamentalement différent de la loi Littoral, même s’il s’agit dans tous les cas du bord de mer. Le Gouvernement, qui est aussi composé d’élus locaux, est ouvert à des clarifications réglementaires de la loi Littoral. Comme je l’ai déjà dit, nous souhaitons travailler dans un esprit de dialogue, être des « facilitateurs », comme vous m’y avez invitée à plusieurs reprises.
Je le répète, cette proposition de loi porte sur le trait de côte. Ce n’est pas le moment de discuter de la loi Littoral, même si nous sommes conscients des tensions qui existent souvent entre préservation de l’environnement et protection de la biodiversité.
Il faut nous prémunir contre certains des risques liés au changement climatique, tenir compte de l’accélération des événements climatiques extrêmes et de la nécessité de se développer. Tel est l’objet du débat qui a lieu ici, qui reflète les tensions qui existent trop souvent entre développement économique et développement durable. Il nous faudra trouver une solution pour dépasser ce clivage à l’avenir. Nous y travaillerons. Il s’agit de faire en sorte que la vie des élus locaux soit la plus facile possible, mais également que nos territoires, quels qu’ils soient, mais en particulier sur les côtes, soient protégés.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je suis étonné par les propos de Mme la secrétaire d’État. Il est clair que, compte tenu des principes sur lesquels s’arc-boute le Gouvernement, cette proposition de loi ne prospérera pas. Nous sommes peut-être en présence d’une proposition de loi d’appel, comme il existe des amendements d’appel… Quoi qu’il en soit, j’espère que vous trouverez des solutions, madame la secrétaire d’État, à certains problèmes, comme ceux soulevés par notre collègue Jean-Claude Luche.
Quand vous parlez d’artificialisation des territoires sur le littoral, vous faites référence au littoral atlantique et au littoral méditerranéen, constitués de plages de sable, de galets, de falaises. Dans les territoires ruraux, comme l’Aveyron, où la population rurale stagne, il faut envisager de façon différente le cas des lacs intérieurs. Le très bon amendement de Jean-Claude Luche vise à permettre de faire certaines choses au bord de ces lacs.
Vous allez me rétorquer : préservation des paysages. Certes, mais je vais prendre un exemple que je cite souvent. Comme vous le savez, beaucoup de gens sont contre les éoliennes, parce qu’elles dénatureraient le paysage. Or lorsque Claude Monet s’est rendu en Angleterre, au XIXe siècle, il y a peint plein de paysages industriels. Aujourd’hui, ces paysages industriels s’arrachent pour des dizaines de millions d’euros. La notion de paysage est donc extrêmement relative, subjective.
Pour ma part, je dis simplement une chose : des adaptations devraient être possibles autour d’un lac artificiel, fruit de la main de l’homme. Aujourd’hui, des agriculteurs ne peuvent même pas faire une stabulation à 800 mètres ou à un kilomètre d’un lac parce qu’ils sont en covisibilité. C’est d’un ridicule achevé !
Dans certains cas, il faut prévoir des adaptations. Tel est l’objet de cet amendement. Je proposerai une autre adaptation avec l’amendement n° 37. Il faut trouver une solution aux problèmes que soulèvent nos collègues tous les jours. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. J’ai cosigné cette proposition de loi, parce qu’elle a trait au développement durable des territoires littoraux, pas simplement au trait de côte, même si c’est quelque chose d’important. Au-delà de cette question, il est nécessaire de permettre un développement harmonieux des territoires littoraux.
Les propositions de Michel Vaspart me paraissent être empreintes de bon sens, car elles permettent de clarifier des situations qui font aujourd’hui obstacle au bon développement des territoires littoraux et qui conduisent l’homme à devoir déserter un certain nombre d’entre eux, simplement parce qu’il ne peut y implanter des activités ou son habitation.
Il est légitime de corriger les errements constatés dans la mise en œuvre de la loi Littoral, laquelle, je le rappelle, date d’il y a plus de trente ans. De même, il est nécessaire à mon sens de la réviser.
Je pense que c’est une extension un peu malheureuse qui a conduit à intégrer les lacs, notamment les lacs artificiels, dans les territoires littoraux, car il n’est pas logique de traiter de la même façon les territoires en bord de mer et les territoires possédant un lac artificiellement créé par la main de l’homme.
Je pense aussi que la proposition de Jean-Claude Luche est pleine de bon sens. Il convient de ne pas entraver le développement des territoires qu’il a évoqués, lesquels sont souvent handicapés par leur enclavement et subissent les conséquences de l’artificialisation des sols.
Pour conclure, il me semble qu’il convient de tenir compte de la morphologie précise du littoral dans notre approche du trait de côte. Les contraintes ne peuvent pas être les mêmes sur tout le littoral. Les parties comprenant des falaises, par exemple, ne sont pas sensibles à l’envahissement de l’eau. Il doit être possible d’y faire des choses. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Connaissez-vous le barrage de Serre-Ponçon ? (Oui ! sur les travées du groupe Union Centriste.) C’est absolument magnifique ! À Serre-Ponçon, comme autour de la plupart des grands barrages et des étendues d’eau artificielles, la protection des paysages représente un enjeu en termes de développement économique. Même si Monet a magnifiquement peint certains paysages industriels, je ne crois pas que les touristes s’y rendent en masse en car et en avion pour aller les contempler, alors qu’ils vont à Serre-Ponçon.
Je rends hommage à Mme la secrétaire d’État, qui, avec beaucoup de ténacité, rappelle systématiquement la position du Gouvernement.
On ne peut pas raisonner comme vous le faites, chers collègues. Vous parlez de stabulation, mais, sur cette question, il faut une dérogation et non remettre en cause la bande de 100 mètres. À chaque fois, au lieu de créer une dérogation, vous remettez en cause la règle générale. Cela ne peut pas marcher ! Du coup, on n’avance pas sur l’enjeu de notre discussion : comment trouver des consensus entre nous sur les dérogations ?
Je suis moi aussi convaincu, en tant que porteur des grandes lois de protection de l’environnement, qu’un certain nombre d’absurdités les fragilisent et qu’il faut trouver des mécanismes de dérogation, mais ce n’est pas en procédant comme vous le faites que nous y arriverons. Vous faites l’inverse de ce qu’il faut faire ; du coup, on n’avancera pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Il a été dit, à juste titre, que nous n’étions pas là pour modifier la loi Littoral. Je me demande donc si l’amendement de M. Luche a été bien lu.
Il est indiqué dans l’objet de cet amendement qu’il « vise à ouvrir de nouvelles possibilités de construction, en zone de montagne, à proximité des étendues d’eau artificielles ».
Je rappelle la définition du littoral : « Le littoral est la bande de terre constituant la zone comprise entre une étendue maritime et la terre ferme. » Un lac n’est pas une étendue maritime… (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Laurent Duplomb applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Je rappelle, mes chers collègues, que le texte qui vous est aujourd’hui soumis a été rédigé en tenant compte du travail de Pascale Got sur le trait de côte et des amendements que le Sénat avait adoptés en son temps pour revenir sur la jurisprudence, laquelle a détourné l’esprit de la loi Littoral.
Je vous rappelle également que nous sommes sur le fil du rasoir. La loi Littoral, on le sait, est un totem, c’est-à-dire que tous ceux, et je parle sous le contrôle de mon collègue Bizet, qui ont essayé d’y toucher depuis un certain nombre d’années s’y sont cassés les dents.
M. Jean Bizet. Même les dents creuses ! (Sourires.)
M. Michel Vaspart. Au-delà de la boutade, il est vrai que ce sujet est excessivement délicat et difficile.
Si nous allons trop loin, nous ne serons plus crédibles, je vous le dis tel que je le pense. Ce n’est pas dans cet esprit qu’a été déposée cette proposition de loi. Remettre la loi Littoral en cause, pourquoi pas ? Mais c’est au Gouvernement qu’il appartient de le faire et de déposer un projet de loi.
Il est vrai, pour reprendre un exemple qui a déjà été évoqué, qu’il est parfois invraisemblable que la loi Littoral s’applique à la totalité du territoire de la commune. Dans certaines communes, la loi s’applique jusqu’à dix ou douze kilomètres en retrait, quand d’autres communes, situées à 300 mètres, ne sont absolument pas concernées, comme l’a rappelé Michel Canevet. On le voit bien, cette loi pose des difficultés.
Cela étant dit, si on touche aux principes fondamentaux de la loi Littoral, on la remet profondément en cause. Or ce n’est pas du tout ce que je voulais faire. Pour ma part, je souhaite simplement corriger les excès de la jurisprudence. Attention à ne pas aller trop loin ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jérôme Bignon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour explication de vote.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Si mon souhait le plus cher est que cette proposition de loi arrive à son terme, cet amendement me paraît néanmoins de bon sens et son adoption constituerait une avancée importante pour les acteurs de ces territoires de montagne situés à proximité de lacs artificiels. Je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Laurent Duplomb et Jacques Genest applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.
M. Christophe Priou. Loin de moi l’idée d’entamer une partie de ping-pong avec notre collègue Ronan Dantec, mais force est de constater que nous vivons des moments tout de même savoureux, ce qui nous ramène à la modestie du temps présent.
Nous aurons vu M. Dantec se faire le chantre des barrages artificiels et de la beauté de leurs paysages, alors qu’il serait le premier à s’opposer à tout projet de construction de tels ouvrages, même ceux de taille plus modeste, comme ce fut le cas, voilà quelques années, pour celui de Sivens. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Laurent Duplomb applaudit également.)
La mutation de M. Dantec se manifeste également au travers de la promotion, qu’il fait aujourd’hui et qu’il ne manquera pas de poursuivre demain, de l’extension de l’aéroport de Nantes-Atlantique, qui touche le lac de Grand-Lieu : situé en zone Natura 2000, ce lac représente la deuxième zone humide de France en hiver.
Je souhaitais souligner ce grand moment de l’histoire parlementaire pour qu’il figure au compte rendu de nos travaux. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. Pour conclure cette discussion riche, je rappellerai que, ce matin, la commission s’est prononcée contre l’adoption de cet amendement. La majorité sénatoriale dans son ensemble, même s’il peut évidemment y avoir des voix discordantes, s’est exprimée clairement.
Je pose la question : pourquoi ne cibler que les lacs artificiels et pas les lacs naturels, alors que la problématique est exactement la même ? La bande des cent mètres, que les auteurs de l’amendement veulent en l’espèce réduire à cinquante, s’applique à toutes les étendues d’eau, quelle qu’en soit l’origine.
Le vote sera souverain. Qu’il me soit tout de même permis de rappeler ce qu’a dit mon collègue Michel Vaspart, qui a beaucoup travaillé sur ces sujets, avec notamment le président de la commission des lois, Jean Bizet ou Odette Herviaux : la loi Littoral de 1986 est un véritable totem, sur laquelle s’est appuyée la jurisprudence qui nous a guidés jusqu’à aujourd’hui. Si nous sommes ici réunis, c’est pour tenter de l’adapter, de l’ajuster.
Michel Vaspart l’a expliqué, oui, il est possible de toucher à la règle des 100 mètres. Je ne suis pas pour autant persuadé que la traduction qui pourrait en être faite sur l’intégralité de la proposition de loi conserve à ce texte toute sa crédibilité.
Nous aurons encore à débattre de cette notion de distance à l’amendement suivant. Sur cette question, il nous faut être crédibles vis-à-vis de l’ensemble des acteurs, professionnels comme élus locaux. Ce n’est pas notre rôle que de répondre à un point particulier, même si nous devons nous inspirer de ce qui se passe sur nos territoires pour décider ensemble.
Mes chers collègues, je vous invite à bien mesurer les conséquences de l’adoption d’un tel amendement au regard de l’objectif initial qui est à l’origine de cette proposition de loi.
La loi Littoral contient un certain nombre d’aspérités, qu’il nous faut gommer. Je souhaite que le Gouvernement s’en saisisse pour l’améliorer, dans le cadre d’une discussion réfléchie, concertée, avec l’ensemble des acteurs, élus locaux, professionnels, parlementaires. Mais ce n’est pas le sujet qui nous réunit aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle, je le rappelle, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9.
L’amendement n° 14 rectifié decies, présenté par MM. Chaize, D. Laurent et Lefèvre, Mme Eustache-Brinio, MM. Bascher, Bazin et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, Bonhomme, Bizet et Charon, Mmes Canayer, Estrosi Sassone et Imbert, M. Longuet, Mme Lopez, MM. de Legge et Paccaud, Mme Gruny, MM. Vogel et Milon, Mmes Lamure et de Cidrac, MM. Babary, de Nicolaÿ et Husson, Mmes Morhet-Richaud et Lassarade et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 121-17 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « à l’article L. 121-4 du code de l’énergie » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 121-4 du code de l’énergie et L. 35 du code des postes et communications électroniques » ;
b) À la deuxième phrase, après le mot : « électriques », sont insérés les mots : « ou de communications électroniques » ;
c) À la troisième phrase, les mots : « du même code » sont remplacés par les mots : « du code de l’énergie » ;
2° L’article L. 121-25 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « définies à l’article L. 121-4 du code l’énergie » sont remplacés par les mots : « et d’intérêt général définies aux articles L. 121-4 du code de l’énergie et L. 35 du code des postes et communications électroniques » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « électriques », sont insérés les mots : « ou de communications électroniques ».
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à atténuer certains freins au développement du numérique et du très haut débit sur tout le territoire, en encadrant, sans l’interdire par principe, l’atterrage de nouveaux câbles sous-marins sur les côtes françaises. Le dispositif proposé s’inscrit pleinement dans l’engagement gouvernemental de résorber la fracture numérique et, en particulier, dans la démarche portée par le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. En effet, en l’état actuel de la législation en matière d’urbanisme, aux abords de la bande littorale, des constructions ou installations nouvelles de câbles peuvent être interdites soit au titre de la protection légale des 100 mètres du littoral, soit au titre des espaces remarquables mis en place par une collectivité locale.
Le présent amendement a pour objet d’harmoniser le traitement des ouvrages de communications électroniques avec celui des ouvrages électriques, nécessaires à l’exercice des missions de service public telles que définies à l’article L. 121-4 du code de l’énergie. Ces ouvrages de communications électroniques remplissent également des missions de service public et d’intérêt général comme définies à l’article L. 35 du code des postes et des communications électroniques. Ce faisant, il prévoit bien que ces installations fassent l’objet du même niveau d’exigence que les ouvrages électriques, à savoir qu’elles soient à la fois « souterraines et toujours celles de moindre impact environnemental ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. L’adoption de la disposition que nous propose Patrick Chaize, grand spécialiste des questions numériques, permettrait effectivement de faciliter le déploiement de câbles dont l’importance est avérée pour améliorer la connexion entre les îles et le continent ou pour établir des liaisons internationales. Il s’agit de composantes essentielles aux réseaux à très haut débit.
Partageant la priorité définie par le Gouvernement en faveur de l’aménagement numérique du territoire, ces ajustements nous semblent pertinents et d’autant plus justifiés qu’ils se rattachent, concordance bienvenue, à un régime existant pour l’électricité.
J’ajoute qu’un tel dispositif présente de vraies garanties environnementales, puisque les articles visés exigent le recours à des techniques souterraines et toujours celles de moindre impact environnemental. Par ailleurs, ces opérations sont précédées d’une enquête publique.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Le sujet mérite d’être approfondi, alors que la couverture du territoire par les réseaux de communications électroniques est une priorité du Gouvernement et que nous avons déjà beaucoup avancé en la matière. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9.
L’amendement n° 17 rectifié ter, présenté par Mme Canayer, MM. Chaize et Daubresse, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Cambon, Gremillet et Grosdidier, Mmes Gruny et Lherbier, MM. Lefèvre, Pellevat et Meurant, Mme Lopez, MM. Priou, Savary, Vogel et Brisson, Mme Lamure et MM. Revet et Le Gleut, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 121-24 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des changements de destination tels que définis à l’article L. 151-11 peuvent être autorisés dans ces espaces et milieux lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Je présente cet amendement au nom de ma collègue Agnès Canayer.
Le patrimoine architectural situé dans les zones classées au titre des espaces et milieux remarquables participe pleinement et conjointement à la valorisation du littoral et des sites classés. Il s’agit donc de permettre un changement de destination de ces bâtis remarquables pour empêcher leur disparition par l’élaboration d’un projet touristique et économique nouveau. Cette valorisation doit se faire dans le respect et en harmonie avec le site et le projet de territoire définis par les communes.
Cette autorisation de changer la destination des immeubles bâtis situés dans un espace remarquable se ferait sous certaines conditions. En effet, la protection des sites ne doit pas obérer le développement durable de ces derniers. Il s’agit donc de permettre la valorisation des patrimoines locaux remarquables qui s’inscrivent dans le paysage tout en donnant les moyens à des projets locaux d’émerger ; je pense notamment à des projets touristiques venant en complément des activités agricoles. Ce changement de destination se ferait conformément aux règles en vigueur définies à l’article L. 151-11 du code de l’urbanisme.
En Normandie, par exemple, on trouve ainsi, pas forcément au bord du littoral, mais à proximité, des anciens clos-masures abritant des locaux remarquables, qu’il s’agirait de maintenir dans le cadre du développement touristique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à permettre les changements de destination des constructions dans les espaces et milieux remarquables. En réalité, les changements de destination n’y sont pas interdits par principe. Il revient aux collectivités territoriales de préciser dans leurs documents d’urbanisme les règles relatives à ces changements selon les espaces considérés et de les appliquer dans le cadre des autorisations d’urbanisme.
À ce titre, nous ne voyons pas bien l’intérêt d’un tel ajout, sauf à envisager un changement qui serait « de droit », auquel cas cela remettrait en cause les compétences d’urbanisme des collectivités territoriales. Laissons les collectivités territoriales gérer leur développement et leur zonage. C’est donc une demande de retrait qu’exprime la commission sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. L’adoption de cet amendement reviendrait à organiser le changement de destination de bâtis compris dans les espaces et milieux remarquables du littoral, en dépit des règles prises par le plan local d’urbanisme et de l’instruction des autorisations du droit des sols assurée par l’autorité compétente.
Serait instauré par la loi un régime dérogatoire, qui priverait les collectivités locales de leurs compétences en matière d’aménagement. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Revet, l’amendement n° 17 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Si je comprends bien les propos de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État, il appartient à la collectivité de définir ce qui doit perdurer, dès lors que le patrimoine en cause n’est plus exploité puisqu’il s’agit, comme dans le cas des clos-masures, de domaines agricoles. Il y a donc la possibilité de le faire, mais c’est à la municipalité d’en décider.
Est-ce ainsi que je dois comprendre vos propos, madame la secrétaire d’État ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. J’ai précisé, monsieur le sénateur, que la décision relevait de l’autorité compétente.
M. Charles Revet. Donc, du conseil municipal ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cela peut être l’intercommunalité.
M. Charles Revet. Dans ces conditions, je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 37, présenté par MM. A. Marc, Chasseing, Guerriau, Wattebled et Luche, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement et au dernier alinéa de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme, le nombre : « 1 000 » est remplacé par le nombre : « 1 500 ».
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. J’ai entendu précédemment parler de la loi Littoral comme d’un totem. Voilà une image somme toute assez sympathique, et j’imagine déjà les Indiens tourner autour en dansant… Or il est de notre responsabilité de législateur de toucher aux totems, surtout lorsque les remontées du terrain nous indiquent que l’application de la loi Littoral, par certains côtés, confine à la bêtise. D’où notre volonté de l’aménager.
J’y reviens, une différenciation très nette doit être faite entre le littoral de mer ou d’océan et les lacs intérieurs. Je propose à cet égard une mesure relativement simple, mais dont la mise en œuvre permettrait sans doute de résoudre bon nombre de problèmes. Il s’agit de porter de 1 000 à 1 500 hectares la superficie des plans d’eau intérieurs au-delà de laquelle ceux-ci seraient soumis à la loi Littoral.
Tel est l’objet de mon amendement. J’espère que mes collègues ici présents qui, comme moi, ont défendu avec beaucoup d’ardeur l’amendement n° 8 rectifié bis présenté par Jean-Claude Luche, me soutiendront également dans ma démarche.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je serais tenté de dire : « Même motif, même punition. » C’est un marqueur absolu de la loi Littoral qui est ici remis en cause. Pourquoi, alors, ne pas porter cette superficie à 3 500 hectares, ce qui permettrait d’éviter à Nantes-Atlantique toute difficulté pour agrandir l’aéroport ?
M. Ronan Dantec. Absolument !
M. Didier Mandelli, rapporteur. Plus sérieusement, cet amendement vise à changer la définition des plans d’eau intérieurs relevant de la loi Littoral, en ciblant une superficie supérieure à 1 500 hectares, contre 1 000 dans le droit en vigueur. Une telle modification aurait une portée considérable, car elle reviendrait à soustraire à la loi Littoral toutes les communes situées autour d’un lac d’une telle superficie, même en dehors de l’Aveyron ! Plusieurs lacs et étangs sortiraient de ce régime et perdraient les protections qui résultent de la loi, sans qu’aucune étude d’impact préalable ait été établie.
Nous nous échinons à le rappeler depuis le début de l’après-midi, il nous semble très hasardeux de modifier fondamentalement le périmètre d’application de la loi Littoral, à laquelle nous sommes très attachés. De tels changements auraient des conséquences majeures pour la préservation du patrimoine naturel, que nous ne maîtrisons pas en l’absence, j’y insiste, d’une étude d’impact.
C’est donc un avis défavorable qu’a émis la commission sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Vous le savez tous ici, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement considère que les réflexions sur l’adaptation des territoires littoraux à l’érosion du trait de côte ne doivent pas être l’occasion de remettre en cause la loi Littoral, qui participe de la protection des espaces naturels et permet de lutter contre l’artificialisation des sols.
Cela étant, je tiens à saluer l’esprit de modération et d’équilibre, parfois très difficile à trouver, ayant guidé les inspirateurs de cette proposition de loi. Je suis persuadée qu’à l’avenir nous pourrons trouver des voies et des issues pour travailler main dans la main à défendre notre paysage, notre biodiversité, tout en adaptant la législation aux réalités locales.
En tout état de cause, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, une situation ponctuelle ne pouvant justifier une remise en cause de la loi Littoral.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Luche. Vraiment, mes chers collègues, la mission que nous avons reçue, c’est de participer, en fonction de nos responsabilités, au développement de notre pays. C’est aussi ce que le Gouvernement s’efforce de faire au quotidien. Or, à écouter les débats qui ont eu lieu tout au long de l’après-midi, j’ai l’impression d’être dans l’immobilisme le plus complet. J’appelle chacun d’entre vous à lutter, si ce n’est aujourd’hui, du moins dans les semaines et les mois à venir, contre cet état de fait.
Cet immobilisme, le milieu rural le perçoit clairement. Ne vous étonnez donc pas du résultat des élections dans ces territoires.
MM. Laurent Duplomb et Jacques Genest. Absolument !
M. Jean-Claude Luche. La loi Montagne, la loi Littoral posent véritablement problème. À nous de nous approprier les contraintes du milieu rural, de reprendre les dossiers pour y travailler ensemble, Gouvernement, Parlement, pour remettre en cause cet immobilisme manifeste depuis des décennies.
Ne soyez pas surpris qu’un large pan de la population s’agglutine en région parisienne, à Marseille, à Lyon. Sauvons notre milieu rural, adaptons nos politiques et nos lois. Réagissons !
Il ne s’agit pas, bien sûr, de détruire, ici ou là, nos paysages. J’habite un village de 270 habitants. Je veux le protéger, comme j’ai protégé mon département lorsque j’en étais le président. J’y insiste, approprions-nous les véritables problèmes.
Madame la secrétaire d’État, prenez ce sujet en main, réunissez-nous, créez un groupe de travail, de réflexion. Pourquoi ne pas le faire, ici même, au sein du Sénat ?
Si je lance un tel appel aujourd’hui, c’est que je suis très inquiet : 80 % de la population habite sur 20 % du territoire, et bientôt ce rapport s’établira à 90-10, c’est inévitable. Construire de grands ensembles immobiliers pour loger, je ne sais, un millier de personnes ? Non, ce n’est pas ce que nous demandons. Notre véritable préoccupation, c’est de conserver nos services de proximité, l’école, la trésorerie, la gendarmerie. Nous sommes dans un pays à deux vitesses.
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !
M. Jean-Claude Luche. J’ai été emporté par mon enthousiasme, madame la présidente ! Je conclurai en apportant mon soutien à la proposition de mon collègue Alain Marc, que je voterai. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je tiens à réagir aux propos de notre collègue Jean-Claude Luche. Nous partageons, ici, les mêmes objectifs, le même souci de développement de nos territoires, quels qu’ils soient.
Je suis élu d’un département rural et littoral à la fois. Philippe Bas et moi, ainsi que de nombreux collègues, n’avions pas l’intention, dans le cadre de cette proposition de loi, d’être jusqu’au-boutistes. Si j’en juge d’ailleurs les réactions qu’a notamment suscitées l’article 9, je ne suis pas certain que nous soyons figés dans l’immobilisme. Bien au contraire, nous avons proposé, au travers des différents articles étudiés, nombre d’avancées par rapport à la loi Littoral et à la gestion du trait de côte. Je n’accepte donc pas d’entendre parler d’immobilisme.
Mes chers collègues, si nous avions répondu favorablement à l’ensemble des demandes et des attentes émanant à la fois des professionnels, des élus locaux, des associations que nous avons pu rencontrer, notamment sur mon territoire, ce n’est pas ce texte-là que nous vous aurions proposé, cela aurait été une refonte totale de la loi Littoral.
Nous avons fait un autre choix, un choix responsable, lié à l’actualité, à l’urgence de répondre aux conséquences de l’érosion du trait de côte, s’agissant notamment de la situation de l’immeuble Le Signal examinée à l’article 3. Nous avons cheminé sur la ligne de crête, nous retrouvant sans cesse sur le fil du rasoir, pour reprendre l’expression utilisée par Michel Vaspart, pour proposer un dispositif cohérent.
Nous sommes donc bien loin d’être dans l’immobilisme. Nous sommes tous des défenseurs ardents de nos territoires ruraux, littoraux. Nous avons tous, en tant qu’élus locaux, cette volonté chevillée au corps. Elle doit se traduire évidemment dans l’hémicycle, c’est ce que nous faisons les uns et les autres depuis le début de l’après-midi. Je le répète, nous devons prendre un peu de hauteur par rapport à l’ensemble de la loi Littoral, qui intègre bien sûr des problématiques d’aménagement du territoire, et rester raisonnables pour faire aboutir ce texte dans les meilleures conditions. (M. Jean Bizet applaudit.)
M. Gérard Cornu, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Madame la secrétaire d’État, cet amendement n’a pas pour objet de dénaturer la loi Littoral, n’exagérons rien. Je vois d’ailleurs dans la demande de scrutin public, qui a déjà dû être formulée si j’en juge par les urnes qui viennent d’être installées, le signe d’une véritable inquiétude. Mes collègues sont invités à suivre les directives de leur groupe et à voter contre l’amendement.
Chacun le sait, cette proposition de loi ne prospérera pas. Je trouvais donc important d’envoyer un message fort au Gouvernement par rapport aux attentes des élus locaux. Je le dis très calmement, il ne me reste plus qu’à rentrer dans l’Aveyron avec Jean-Claude Luche et d’aller expliquer que le Sénat, représentant des collectivités locales, ne nous a pas suivis dans notre volonté de maintenir la population sur nos territoires. Nos propositions étaient extrêmement raisonnables et certainement pas de nature à modifier en quoi que ce soit de tangible la loi Littoral.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Gérard Cornu, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Si j’interviens en cet instant, mes chers collègues, c’est pour redire que l’esprit de cette proposition de loi n’est pas de modifier fondamentalement la loi Littoral. S’il s’était agi d’aller dans cette voie, et je reconnais à ceux qui la défendent de bonnes raisons pour vouloir le faire, il aurait fallu passer par un projet de loi. Nos collègues auraient alors eu tout loisir de déposer nombre d’amendements et nous aurions pu disposer d’une étude d’impact.
La présente proposition de loi est un texte mesuré. C’est pour cela que je me permets d’insister auprès de Mme la secrétaire d’État. Je ne méconnais pas la volonté qui a pu s’exprimer dans les territoires. Mais, à vouloir trop en faire, nous risquons de tout détruire et de ne rien obtenir.
J’ai encore l’espoir, je le dis devant le Gouvernement, que cette proposition de loi soit examinée à l’Assemblée nationale, que les députés se montrent aussi mesurés que les sénateurs, pour que puissent être corrigés très rapidement et de façon pragmatique tous les écarts constatés dans le cadre de la mise en œuvre de la loi Littoral.
Peut-être faudra-t-il aller plus loin. Mais c’est une autre histoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. J’ai ce sentiment qu’il y aurait les bons d’un côté, ceux qui sont favorables au détricotage de la loi Littoral, et les mauvais de l’autre, ceux qui résistent. Je ferais ainsi partie des mauvais depuis longtemps, et c’est d’ailleurs l’une des raisons qui m’ont conduit à quitter le groupe LR. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Roland Courteau s’esclaffe.) J’assume mon choix.
Je suis élu local depuis bientôt quarante ans. Je suis membre du conseil d’administration du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, établissement public que j’ai un temps présidé, depuis quinze ans. Je peux témoigner de la réalité vécue par les nombreux élus que j’ai rencontrés, et je rends d’ailleurs hommage à la modération dont a fait preuve le rapporteur ainsi qu’aux propos que vient de tenir Gérard Cornu.
Il n’y a pas les bons, qui se désespèrent de ne pas voir sur leur territoire la situation évoluer comme ils le voudraient, et les mauvais. La loi Littoral a été appliquée sur l’ensemble du territoire national, y compris en Corse, qui possède le littoral le mieux protégé de France. Les Corses ont compris que la promotion de l’image de leur île, pour le développement du tourisme, de son attractivité, passait par la protection du littoral.
Dans la baie de Somme, nous avons protégé 90 % du littoral. Dans les Hauts-de-France comme en Normandie, tout le monde a profité de la loi Littoral. Les lacs, qu’ils soient artificiels ou naturels, dès lors que leur superficie est supérieure à 1 000 hectares, se sont développés. Il suffit de se rendre sur les bords du Verdon pour le constater.
Mes chers collègues, je reprends à mon compte l’invitation exprimée par Gérard Cornu et Didier Mandelli : oui, à l’évidence, il faut discuter de ces sujets. Mais ayez l’amabilité de penser qu’il n’y a pas, d’un côté, les bons, ceux qui connaîtraient les difficultés du territoire rural, et, de l’autre, les mauvais, ceux qui n’y entendraient rien. Comme vous, j’ai vécu les péripéties de la loi Littoral. Dans la Somme aussi, elle a suscité un certain nombre de rejets. Mais on a préféré s’en saisir et la considérer comme un instrument de développement, non comme un frein.
Je comprends qu’il y ait des difficultés à la marge. Je l’ai dit lors de la discussion générale, certaines mesures posent des problèmes d’interprétation, les tribunaux ne sont pas d’accord entre eux pour appliquer la loi. Voilà un point que le Gouvernement pourrait régler très rapidement en procédant comme il l’a fait pour les énergies marines renouvelables, c’est-à-dire en désignant une cour administrative d’appel chargée d’unifier la jurisprudence sans qu’il soit nécessaire d’attendre l’intervention du Conseil d’État. Cela permettrait de gagner beaucoup en temps et en logique, sur le plan de l’interprétation du droit, et serait de nature à contribuer à l’apaisement.
Peut-être qu’à la marge il serait possible de trouver, sur un ou deux points, un terrain d’entente pour avancer, dans le cadre de ce qu’ont dit Mme la secrétaire d’État et Gérard Cornu.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jérôme Bignon. Je termine, madame la présidente.
De grâce, ne nous opposons pas sur un tel sujet ; aucun de nous ne le mérite. Nous avons tous intérêt à développer, ensemble, nos territoires.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
M. Alain Marc. Madame la présidente,…
Mme la présidente. Je ne peux pas vous donner la parole, monsieur Marc.
M. Alain Marc. Je souhaite simplement retirer l’amendement et éviter le scrutin public. Cela me semble la meilleure solution à cette heure quelque peu tardive, d’autant que je pressens, hélas ! que cet amendement va se voir réserver un sort défavorable.
Je retire donc l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 37 est retiré.
Article 10
Après les mots : « lorsque des motifs liés à », la fin de l’article L. 121-19 du code de l’urbanisme est ainsi rédigée : « la protection des équilibres biologiques et écologiques, la lutte contre l’érosion des côtes, la prévention des risques naturels liés à la submersion marine ou la préservation des sites et paysages et du patrimoine le justifient. » – (Adopté.)
Article 11
À la fin du premier alinéa de l’article L. 121-32 et au premier alinéa de l’article L. 121-34 du code de l’urbanisme, les mots : « effectuée comme en matière d’expropriation » sont remplacés par les mots : « réalisée conformément au chapitre IV du titre III du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent code ». – (Adopté.)
Article 12
Le huitième alinéa du III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement est complété par les mots : « , ainsi que les effets du projet sur l’exposition aux risques naturels ». – (Adopté.)
Article 13
Le titre Ier du livre II du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 210-1, la référence : « le présent titre » est remplacée par les références : « les chapitres Ier à IV et VI du présent titre » ;
2° À la fin du 5° de l’article L. 215-8, la référence : « de l’article L. 324-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 321-1 ou L. 324-1 ». – (Adopté.)
Article 14
Le paragraphe 4 de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un article L. 3211-16-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-16-1. – Les immeubles du domaine privé de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, et des établissements publics fonciers ne peuvent être aliénés lorsqu’ils sont situés dans une zone établie en application du 1° bis du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement en raison d’un risque de recul du trait de côte. Ils peuvent toutefois être cédés ou échangés par ces personnes ou sociétés entre elles ou cédés au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ou échangés avec lui. » – (Adopté.)
Article 15
Le chapitre VII du titre VI du livre V du code de l’environnement, tel qu’il résulte de la présente loi, est complété par une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Aménagement du territoire
« Art. L. 567-2. – La réduction de la vulnérabilité des territoires face au risque de recul du trait de côte peut être réalisée au moyen d’actions ou d’opérations d’aménagement définies à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et d’opérations de préemption et de réserves foncières prévues au livre II du même code.
« Art. L. 567-3. – La préemption est possible et réputée d’utilité publique dans toute zone d’activité résiliente et temporaire définie au 1° bis du II de l’article L. 562-1 aux conditions suivantes :
« 1° L’acte de vente du bien qui fait l’objet de la préemption comporte une clause précisant si une préférence sera accordée au vendeur en cas de conclusion future d’un bail réel immobilier littoral pris en application des articles L. 567-4 à L. 567-28 sur ce bien ;
« 2° Le prix fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation tient compte de l’existence du risque de recul du trait de côte et de l’affectation prévue d’un bien situé dans une zone d’activité résiliente et temporaire en application du 1° bis du II de l’article L. 562-1 au jour où il a été acquis par son propriétaire.
« Par exception au 2° du présent article, il n’est pas tenu compte du risque pour la détermination du prix des biens affectés à une activité agricole au sens de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. » – (Adopté.)
Article 16
Le chapitre VII du titre VI du livre V du code de l’environnement, tel qu’il résulte de la présente loi, est complété par des sections 3 et 4 ainsi rédigées :
« Section 3
« Bail réel immobilier littoral
« Sous-section 1
« Définition
« Art. L. 567-4. – Constitue un bail réel immobilier littoral le bail de droit privé par lequel l’État, une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales, un établissement public foncier, le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, une société publique locale d’aménagement d’intérêt national ou une société publique locale compétente pour mener des opérations d’aménagement ou de construction consent à un preneur des droits réels sur tout ou partie d’un immeuble ne relevant pas du domaine public situé, au moment de la conclusion ou de la prorogation de ce bail, dans une zone d’activité résiliente et temporaire définie par un plan de prévention des risques naturels en application du 1° bis du II de l’article L. 562-1.
« Le bail réel immobilier littoral est régi par la présente section. Toute clause contraire est réputée non écrite.
« Le droit réel porte sur le sol, sur les constructions existantes et sur les constructions nouvelles et améliorations réalisées par le preneur.
« Le bail réel immobilier littoral ne peut avoir pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, pour le compte ou pour les besoins d’un acheteur soumis à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou d’une autorité concédante.
« Le bail fait l’objet d’un acte notarié.
« Art. L. 567-5. – La durée du bail réel immobilier littoral est comprise entre cinq et quatre-vingt-dix-neuf ans. Son terme, librement fixé par les parties, ne peut être postérieur au terme de la durée définie à la première phrase du second alinéa du 1° bis du II de l’article L. 562-1. Le bail ne peut faire l’objet d’une tacite reconduction.
« Dans la limite de la durée maximale et dans les conditions fixées au premier alinéa du présent article, la durée de ce bail peut être prorogée de façon expresse au-delà du terme convenu si le risque de recul du trait de côte ne s’est pas réalisé à cette date.
« Sous-section 2
« Droits et obligations des parties au contrat de bail réel immobilier littoral
« Art. L. 567-5-1. – Le bail ne peut comporter de faculté de résiliation unilatérale à l’initiative d’une partie.
« Paragraphe 1
« Droits et obligations du bailleur
« Art. L. 567-6. – Sauf stipulation contraire, le bailleur est tenu à l’égard du preneur aux mêmes obligations que celles du vendeur d’immeuble à l’égard d’un acheteur, prévues au chapitre IV du titre VI du livre III du code civil et à la section 2 du chapitre unique du titre VII du livre II du code de la construction et de l’habitation.
« Art. L. 567-7. – Sauf stipulation contraire, en cas de réalisation du risque de recul du trait de côte avant le terme prévu par le bail réel immobilier littoral, le bailleur s’acquitte des frais de démolition des constructions existant le jour de la conclusion du bail et des constructions accessoires mises à la charge du preneur dans le contrat.
« Paragraphe 2
« Droits et obligations du preneur
« Art. L. 567-8. – Le preneur à bail réel immobilier littoral ne peut consentir un bail ou titre d’occupation de toute nature conférant des droits réels sur l’immeuble qui lui a été donné à bail et sur les constructions qu’il a édifiées.
« Art. L. 567-9. – Sauf stipulation contraire, le preneur peut, après information préalable du bailleur, surélever, réhabiliter, améliorer, rénover ou démolir toutes les constructions existantes ou à venir et édifier de nouvelles constructions, à condition de n’opérer aucun changement qui diminue la valeur de l’immeuble. Toute réalisation de construction nouvelle à l’initiative du preneur est subordonnée à la constitution d’une garantie financière destinée à lui permettre d’assurer les obligations mentionnées à l’article L. 567-11. Le contrat comporte une clause relative à la constitution et aux modalités de cette garantie.
« Art. L. 567-10. – Les constructions existantes restent la propriété du bailleur pendant toute la durée du bail ; les constructions et améliorations réalisées par le preneur en cours de bail sont la propriété de ce dernier. Toutefois, le bailleur et le preneur peuvent convenir de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions et améliorations à venir.
« Art. L. 567-11. – Sauf stipulation contraire, en cas de réalisation du risque de recul du trait de côte avant le terme prévu par le bail réel immobilier littoral, le preneur déplace hors de la propriété du bailleur ou démolit les constructions et améliorations réalisées à son initiative, ou s’acquitte des frais de déplacement ou de démolition de ces constructions et améliorations.
« Sauf stipulation contraire, en l’absence de réalisation du risque de recul du trait de côte au terme prévu par le bail réel immobilier littoral, et en l’absence de prorogation de ce dernier, le preneur s’entend avec le bailleur pour déterminer les modalités de cession, à titre gratuit ou onéreux, des constructions et améliorations dont le preneur est propriétaire. Si le bailleur refuse l’acquisition, le preneur démolit ces constructions et améliorations ou s’acquitte des frais de leur démolition.
« Art. L. 567-12. – Le preneur acquiert des servitudes actives et consent aux servitudes passives indispensables à la réalisation des constructions ou ouvrages édifiés.
« Art. L. 567-13. – Le preneur peut jouir librement de l’immeuble et des installations ou constructions qui font l’objet du bail, dès lors qu’il n’est pas porté atteinte à la destination de l’immeuble et à l’état dans lequel il a été convenu que ces constructions seraient remises en fin de bail.
« Le contrat de bail peut déterminer les activités accessoires qui pourront être exercées dans l’immeuble objet du bail et peut subordonner à l’accord du bailleur tout changement d’activité.
« Art. L. 567-15. – Le preneur doit maintenir en bon état d’entretien les constructions existant lors de la conclusion du bail et celles qu’il édifie pendant la durée de celui-ci. Il n’est pas obligé de les reconstruire s’il prouve qu’elles ont été détruites par cas fortuit, force majeure, ou qu’elles ont péri par un vice de la construction antérieur à la conclusion du bail.
« Art. L. 567-16. – Le droit réel conféré au preneur peut être hypothéqué. Ce droit peut être saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière.
« Art. L. 567-17. – Le preneur est tenu de toutes les charges, taxes et impôts relatifs tant à l’immeuble donné à bail qu’aux constructions existantes et aux constructions nouvelles qu’il a réalisées.
« Art. L. 567-18. – Le prix du bail réel immobilier littoral est constitué d’un loyer payé à la signature du bail ou à toute autre date fixée par les parties.
« Le prix du bail peut également être constitué en tout ou partie par le transfert au bailleur, à des dates et dans les conditions convenues, de la propriété d’immeubles ou de fractions d’immeubles ou de titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de tels immeubles.
« Art. L. 567-19. – Le preneur ne peut se libérer du loyer, ni se soustraire à l’exécution des conditions du bail réel immobilier littoral en délaissant l’immeuble.
« Sous-section 3
« Cession du droit au bail réel immobilier littoral
« Art. L. 567-20. – Le preneur peut céder sur tout ou partie de l’immeuble son bail réel immobilier littoral ou l’apporter en société, après accord du bailleur. Le cessionnaire ou la société est alors titulaire des mêmes droits et des mêmes obligations que le cédant. Ce dernier reste garant des obligations portant sur l’achèvement des constructions qu’il s’était engagé à réaliser.
« Art. L. 567-21. – Pour tout projet de cession, l’acquéreur reçoit de la part du cédant une offre préalable d’acquisition mentionnant expressément le caractère temporaire du droit réel, sa date d’extinction, et reproduisant les dispositions de la présente section.
« Le cédant est tenu de maintenir son offre préalable pour une durée d’au minimum trente jours à compter de sa réception par l’acquéreur potentiel. Cette offre préalable ne peut être acceptée par l’acquéreur potentiel, par la signature d’une promesse de vente ou d’une vente, avant l’expiration d’un délai de dix jours à compter de sa réception.
« Les règles fixées au présent article sont prescrites à peine de nullité de la vente.
« La preuve du contenu et de la notification de l’offre pèse sur le cédant.
« Art. L. 567-22. – Les articles L. 271-1 à L. 271-3 du code de la construction et de l’habitation relatifs à la protection de l’acquéreur sont applicables aux actes conclus en vue de l’acquisition des droits réels afférents à un immeuble à usage d’habitation, objet du bail réel immobilier littoral.
« Sous-section 4
« Baux et titres d’occupation
« Art. L. 567-23. – Le preneur peut librement consentir des baux et titres d’occupation de toute nature ne conférant pas de droits réels sur l’immeuble qui lui a été donné à bail et sur les constructions qu’il a édifiées. Ces derniers s’éteignent de plein droit et sans indemnité au terme du contrat ou, en cas de réalisation du risque avant le terme prévu par le bail réel immobilier littoral, au jour de sa réalisation conformément à l’article L. 567-25.
« Art. L. 567-24. – Lorsque le preneur décide de mettre en location l’immeuble faisant l’objet d’un bail réel immobilier littoral, le contrat de location reproduit, à peine de nullité, les dispositions des articles L. 567-4, L. 567-5 et L. 567-23, la date d’extinction du bail réel immobilier littoral, son effet sur le contrat de bail en cours et le risque d’extinction anticipée.
« À peine de nullité, la mention manuscrite “Je déclare savoir que je devrai quitter les lieux en cas de réalisation du risque de recul du trait de côte avant la fin du bail et en tout état de cause à la fin du bail” doit figurer sur le contrat de bail conclu en application du présent article.
« Sous-section 5
« Résiliation du bail réel immobilier littoral
« Art. L. 567-25. – I. – Le bail réel immobilier littoral s’éteint à la date prévue au contrat. Il est résilié de plein droit par anticipation soit dans le cas prévu à l’article L. 567-26, soit en cas de réalisation du risque de recul du trait de côte avant le terme prévu. Ce risque est considéré comme réalisé dès la publication d’un arrêté de péril concernant l’immeuble objet du contrat et tirant les conséquences d’un recul du trait de côte.
« II. – Sauf stipulation contraire, la valeur non amortie des immobilisations et autres pertes subies par le preneur et par le bailleur en raison de la réalisation du recul du trait de côte avant le terme prévu par le bail réel immobilier littoral reste à la charge de chacune des parties.
« Art. L. 567-26. – À défaut pour le preneur d’exécuter ses obligations contractuelles, notamment en cas de défaut de paiement du prix non régularisé six mois après une mise en demeure signifiée par acte extrajudiciaire, le bailleur peut demander la résiliation par le juge du bail réel immobilier littoral.
« Art. L. 567-27. – Les servitudes passives, privilèges, hypothèques ou autres charges nés du chef du preneur s’éteignent à l’expiration du bail réel immobilier littoral.
« Section 4
«Dispositions communes
« Art. L. 567-28. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre. »
Mme la présidente. L’amendement n° 42, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Ce débat est assez éclairant sur les motivations diverses des uns et des autres concernant la loi Littoral… Il faudra y revenir.
Avec le bail réel immobilier littoral, on a la démonstration par l’absurde que les ZART posent problème.
On veut prévoir que les bâtiments en dur qui seront construits dans des zones dont on sait qu’elles seront un jour envahies par les eaux devront être démolis par leur propriétaire à l’échéance de quelques dizaines d’années. Quand le propriétaire sera une personne physique, que se passera-t-il s’il est décédé à cette échéance ? Plutôt que de financer la démolition, ses héritiers préféreront vraisemblablement refuser l’héritage… Le propriétaire pourra également être une société ayant fait faillite.
Cet article montre vraiment, à mon sens, que la ZART est un mauvais dispositif, qui n’a pas été suffisamment pensé. Pour gagner du temps et rendre la loi plus acceptable, le mieux serait d’éliminer cette aberration administrative, due non pas aux sénateurs, mais à l’État, inventeur de ce « machin ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. L’intérêt du bail réel immobilier littoral, le BRILi, outil spécifique aux zones à risques, me semble établi, monsieur Dantec. Pour la première fois peut-être dans l’histoire de notre pays, on s’est approprié la culture du risque en instaurant des dispositifs de prévention, la ZART et le BRILi, en cohérence avec les autres outils mis à disposition des collectivités pour gérer le recul du trait de côte et s’y adapter.
Le BRILi doit permettre de maintenir et de valoriser des activités dans les zones à risques proches du littoral. Il n’entraîne pas de déresponsabilisation du preneur. En effet, de nombreux garde-fous sont prévus, comme la constitution d’une garantie financière ou la nécessité de l’accord préalable du bailleur pour certaines actions, et le preneur doit respecter ses obligations contractuelles, notamment celle de maintenir en bon état d’entretien les constructions existantes. Enfin, le preneur ne peut pas déserter l’immeuble qui fait l’objet du BRILi, sauf à engager sa responsabilité à l’égard du bailleur. Le nouvel article L. 567-19 du code de l’environnement prévoit ainsi que le preneur ne peut se libérer du loyer ni se soustraire à l’exécution des conditions du bail réel immobilier littoral en délaissant l’immeuble.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Le dispositif du BRILi présente plusieurs aspects intéressants. Il permet notamment un usage non pérenne d’un bâti existant ou encore la rupture d’un bail à la survenue du risque. Toutefois, sa complémentarité avec d’autres types de baux et la plus-value qu’il pourrait représenter pour les collectivités volontaires sont encore peu explicitées. Je m’en remets donc, à ce stade, à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 16.
(L’article 16 est adopté.)
Article 17
I. – L’article 44 quindecies du code général des impôts est applicable aux entreprises signataires d’un bail réel immobilier littoral créées après la promulgation de la présente loi.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Article 18
I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces dispositions s’appliquent aux mouvements de terrain côtiers jusqu’à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard jusqu’au 1er janvier 2022. »
II. – À compter de la date fixée par le décret mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’environnement, et au plus tard le 1er janvier 2022, la seconde phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Ces dispositions ne s’appliquent aux mouvements de terrain côtiers qu’en l’absence de plan de prévention des risques naturels prescrit. »
III. – Après le premier alinéa du I de l’article L. 561-3 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sur les territoires soumis au recul du trait de côte, il finance les acquisitions de biens effectuées dans le cadre d’une opération d’aménagement mentionnée à l’article L. 567-2, lancée avant le 1er janvier 2022, dès lors que ces biens étaient soumis à un risque inférieur à dix ans au jour de l’ouverture de cette opération. Il finance également les dépenses liées à la limitation de l’accès à ces biens et à leur démolition éventuelle, à l’exception des constructions édifiées après approbation du plan de prévention des risques, dans une zone d’autorisation d’activité résiliente et temporaire définie à l’article L. 562-1. Il finance enfin l’indemnisation des pertes relatives à la réalisation anticipée du risque de recul du trait de côte prévu dans les contrats de bail réel immobilier littoral pris en application des articles L. 567-4 à L. 567-28. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 18
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Bizet, Rapin, Gremillet, de Legge, Huré et Lefèvre, Mme Canayer, MM. Savary et Sol, Mmes Malet et Gruny, M. Magras, Mmes Puissat, Lopez et Lherbier, MM. Karoutchi, Milon et Pellevat, Mmes Lanfranchi Dorgal, Lamure et Garriaud-Maylam, MM. Brisson et Dallier, Mme Deseyne, MM. Daubresse et Paul et Mme Lassarade, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 1379-0 bis du code général des impôts, est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – 1. À compter de 2019, il est créé, à destination des communes mentionnées à l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, un fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales de cotisation foncière des entreprises perçues dans le département où se situent ces communes et leurs groupements.
« Les ressources de ce fonds départemental de péréquation sont fixées à 2 % des recettes communales et intercommunales de cotisation foncière des entreprises.
« Les recettes retenues sont les recettes brutes de la dernière année dont les résultats sont connus.
« L’enveloppe revenant aux communes mentionnées à l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme est répartie entre chacune de ces communes à due proportion de sa taille en nombre d’habitants.
« 2. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent paragraphe. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. L’objet du présent amendement est de créer une solidarité financière et fiscale entre les communes littorales, dont le développement économique est affecté par la loi Littoral, et les communes rétro-littorales, qui peuvent bénéficier plus aisément de l’implantation d’entreprises.
J’ai la faiblesse de penser que l’adoption de cet amendement aurait le mérite de conforter la loi Littoral, en permettant d’éviter que les communes littorales soient privées de ressources financières.
On me dira qu’il suffit de créer une commune nouvelle, mais ce n’est pas une solution. En effet, comme j’ai pu en faire l’expérience dans mon département, les communes rétro-littorales intégrées à la commune nouvelle se trouvent soumises à toutes les exigences de la loi Littoral…
Je ne sais pas quel sort sera réservé à cet amendement, mais il y a un subtil équilibre à trouver. Madame la secrétaire d’État, je veux bien entendre que cet amendement trouverait mieux sa place en loi de finances, mais alors qu’on me le dise clairement.
Après avoir examiné le sujet sous tous ses aspects ces dernières années, j’en arrive à la conclusion que certaines petites communes littorales vont devenir des zones de non-droit pour l’homme, mais aussi pour les animaux domestiques. Si vous voulez bien venir dans mon département, madame la secrétaire d’État, je pourrais vous en montrer quelques exemples très éloquents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement pose une bonne question.
M. Jean Bizet. C’est déjà ça ! (Sourires.)
M. Didier Mandelli, rapporteur. Il fait suite aux réflexions engagées au titre de l’examen du texte précédent quant à la création éventuelle d’un nouveau fonds.
L’article 18 que nous venons d’adopter prévoit un financement, au moins jusqu’en 2022, au travers du Fonds de prévention des risques naturels majeurs créé par la loi Barnier. Le texte prévoit également que, dans ce laps de temps, les acteurs concernés définiront les modalités de mise en place d’un instrument financier permettant de faire face aux dépenses importantes qu’il faudra sans doute assumer dans les décennies à venir.
Il nous paraîtrait prématuré de décider aujourd’hui de façon arbitraire, sans concertation avec les collectivités locales et les associations nationales, la création d’un fonds de péréquation infradépartemental, sachant en outre que la solidarité nationale ne jouerait pas dans un tel cadre, seuls les départements littoraux étant concernés.
Nous souhaitons que, dans les quatre années à venir, une réelle concertation puisse avoir lieu entre l’État, le Parlement, les collectivités locales et, le cas échéant, les assureurs ou d’autres partenaires qui pourraient alimenter ce fonds dont nous aurions bien besoin.
Dans cette perspective, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Cet amendement prévoit la création d’un nouveau fonds en mettant en place une solidarité, à l’échelle départementale, des communes rétro- littorales à l’égard des communes littorales.
Les besoins financiers afférents aux projets d’adaptation des territoires littoraux sont effectivement importants, notamment pour ce qui concerne les communes les plus touchées par l’érosion littorale.
L’instauration d’une solidarité territoriale me paraît une piste intéressante à creuser. Toutefois, le dispositif proposé devrait être mieux encadré, à mon sens, afin que ce fonds soit bien ciblé sur des projets d’adaptation des territoires au phénomène d’érosion. Les communes rétro-littorales ne sont pas nécessairement riches, et les communes littorales ne sont pas nécessairement pauvres : il ne faut pas systématiser. Afin d’éviter tout effet d’aubaine, un tel dispositif, s’il était créé, devrait être ciblé sur les communes et les EPCI confrontés à de fortes dépenses en lien avec l’érosion auxquelles ils ne peuvent faire face seuls.
Dans ces conditions, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Monsieur Bizet, l’amendement n° 23 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Bizet. J’ai bien écouté les explications de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État. Je crois en l’honnêteté de leurs analyses et en leur volonté de travailler sur cette question. En tout état de cause, on ne peut pas en rester là.
Sous le quinquennat précédent, je n’avais pas voté en faveur de l’adoption de la loi relative à la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations. Ses dispositions relevaient certes d’une volonté louable de rationaliser l’action des différents intervenants dans la gestion des eaux et des milieux aquatiques, mais il m’apparaissait que la prévention des inondations, y compris celles qui sont liées aux submersions marines, devait rester une mission régalienne de l’État, les coûts étant considérables.
Nous avançons à tout petits pas dans cette affaire. Je veux bien retirer cet amendement dès lors que le rapporteur et le Gouvernement s’engagent à continuer à travailler sur le sujet. Madame la secrétaire d’État, un certain nombre de communes rurales ne peuvent envisager l’avenir avec sérénité. Il faut sortir de cette situation. Je rejoins Michel Vaspart : cette proposition de loi n’a surtout pas pour objet de porter atteinte à la loi Littoral ; il s’agit de soustraire certains territoires au poids de jurisprudences qui, par leur sectarisme et leur généralité, ne permettent pas de répondre à leurs problématiques.
Je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.
L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. Rapin, Daubresse et Lefèvre, Mmes Lavarde, Bruguière, Estrosi Sassone et Canayer, MM. D. Laurent, Bizet et de Nicolaÿ, Mme Gruny, M. Bazin, Mmes Imbert, Lherbier et Eustache-Brinio, MM. Pierre, Savary et Chaize, Mme Lamure, MM. Babary et Le Gleut, Mme Lassarade et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques, après les mots : « contre la mer », sont insérés les mots : « , incluant les opérations nécessaires à la remise en place immédiate et in situ, des sédiments de plage déplacés à proximité suite à un événement climatique, ».
La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Rassurez-vous, madame la secrétaire d’État, il ne s’agit pas ici de modifier la loi Littoral !
Nous proposons de préciser l’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques.
Aujourd’hui, du fait d’événements tempétueux, de nombreuses communes voient le sable de leurs plages s’envoler pour se redéposer sur les digues ou dans les zones rétro-littorales. Or cette question n’est pas forcément considérée de manière uniforme par les services de l’État sur l’ensemble du territoire national. Certains maires sont réprimandés quand ils veulent remettre ce sable sur leurs plages, ce qui semble pourtant relever du bon sens. Cela a été récemment le cas dans le Pas-de-Calais, en particulier. Il s’agit simplement, au travers du présent amendement, d’inscrire ces travaux dans un cadre légal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Il s’agit là encore de l’interprétation locale de certains textes.
La loi autorise déjà les collectivités à remettre en place du sable après la survenue d’un événement climatique, sous réserve que ces travaux ne modifient pas le profil de la plage.
La commission a donc émis un avis de sagesse sur cet amendement. Il semblerait qu’il s’agisse plutôt d’un problème d’interprétation des textes par les autorités locales. Je me tourne une fois encore vers le Gouvernement pour demander l’application uniforme des textes sur tout le territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Cet amendement vise à intégrer les opérations nécessaires à la remise en place du sable sur les plages à la suite d’un événement climatique parmi les dérogations figurant à l’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel interdit toute atteinte à l’état naturel du rivage.
Je partage, monsieur le sénateur, le diagnostic que vous avez posé sur l’importance de la gestion des ressources en sable pour lutter contre l’érosion côtière. Pour autant, il n’est pas utile de modifier cet article du code général de la propriété des personnes publiques pour autoriser une telle opération, la liste des dérogations étant rédigée de façon suffisamment ouverte pour que de nombreuses actions de remise en place ou de rechargement, sous réserve qu’elles ne modifient pas le profil de la plage, puissent être réalisées.
Adresser aux services une instruction sur ce sujet pourrait en revanche être envisagé, en vue de régler les quelques cas très particuliers et néanmoins importants que vous mentionnez. J’y veillerai personnellement, mais j’émets un avis défavorable sur cet amendement. (Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Madame la secrétaire d’État, j’aurais pu accepter de retirer cet amendement si vous me l’aviez demandé…
Si une circulaire ou une instruction précise est adressée dans les jours qui viennent aux préfets, pour faire en sorte que les maires puissent, sans risque de contestation, remettre le sable sur les plages, le problème sera réglé. Ce qui me gêne, c’est la notion de « profil naturel de plage ». Comment le définir ? S’agit-il du profil avant la tempête ou après ? Le vrai sujet est là, et je pense qu’un vide juridique subsiste en l’espèce. C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 18. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Article 19
La première phrase du premier alinéa de l’article L. 3232-1-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Après le mot : « faveur », sont insérés les mots : « de comités départementaux, interdépartementaux ou régionaux des pêches maritimes et des élevages marins au sens des articles L. 912-1 à L. 912-5 du code rural et de la pêche maritime, de comités régionaux de la conchyliculture au sens des articles L. 912-6 à L. 912-10 du même code, » ;
2° Les mots : « du code rural et de la pêche maritime » sont remplacés par les mots : « dudit code ». – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie sincèrement pour ce débat très nourri, particulièrement intéressant et sans langue de bois. Il permet au Gouvernement d’envisager des pistes de travail.
Je salue l’esprit d’équilibre et de compromis qui a présidé à cette discussion. J’espère qu’il inspirera également nos débats à venir. En effet, nous devrons continuer à travailler ensemble sur ce problème de l’érosion du trait de côte, qui ne fera que s’accentuer dans le futur. Nous avons commencé à esquisser quelques perspectives et je vous invite à participer aux travaux conduits par le ministère.
Comme je m’y suis engagée, je veillerai personnellement à ce que les services du ministère et les préfectures se saisissent des questions spécifiques que certains d’entre vous ont soulevées. (Applaudissements.)
4
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 31 janvier 2018 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe Union Centriste)
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap (n° 146, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Jocelyne Guidez, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 234, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 235, 2017-2018).
Débat sur le thème : « Véhicules autonomes : enjeux économiques et cadres légaux ».
À vingt et une heures trente :
Proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public (n° 439, 2016-2017) ;
Rapport de M. André Reichardt, fait au nom de la commission des lois (n° 245, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 246, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
La réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Claudine Kauffmann est membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Christine Herzog.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD