M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, comme vous, nous nous souvenons tous des crues qui sont survenues en 2016 dans votre département.
Cette année, de nouveau, 133 communes de la Seine-et-Marne sont victimes de crues ; une trentaine d’entre elles subit des niveaux d’eau exceptionnellement élevés. Le secteur de Nemours et les bords du Loing n’ont heureusement pas revécu, à ce jour, la situation qu’ils avaient connue il y a deux ans. Néanmoins, vous avez raison : les dégâts sont extrêmement importants.
Je partage donc pleinement votre volonté d’assurer, pour les victimes de ces inondations, une instruction très rapide des demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Nous comprenons aussi les inquiétudes des maires des communes sinistrées : alors que cette crue pourrait être amenée à durer, ils craignent que leurs demandes ne soient pas étudiées avant le retrait total des eaux.
Sachez, madame la sénatrice, que, au vu de ces conditions, le Gouvernement s’engage à réunir la commission de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en procédure accélérée, avant même le constat de l’intégralité des dégâts.
Je tiens également à préciser que les dégâts d’infrastructure ou de voirie qui pourraient être constatés relèvent de la procédure d’indemnisation des collectivités locales au titre de la dotation de solidarité pour événements climatiques et géologiques.
Ce dispositif est doté, cette année, de 39 millions d’euros, contre 26 millions d’euros l’année dernière. Il permettra donc d’affecter au plus vite des crédits aux collectivités locales concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
coût et financement des ehpad
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, du fait du vieillissement de la population et du développement du maintien à domicile, la moyenne d’âge des résidents accueillis en EHPAD augmente.
Du fait du niveau de dépendance de ces résidents, du fait, en conséquence, de l’aggravation de leurs problèmes médicaux et du fait de l’augmentation des troubles du comportement, les besoins de soins et de soutien aux résidents des EHPAD sont croissants.
Or, face à ces besoins croissants, les établissements sont confrontés à des manques de crédits alarmants. Le budget « soins » des établissements n’est pas alloué à l00 % ; avec la convergence, il faudra sept ans pour atteindre le plafond. Comment soigner dans ces conditions ?
Le budget « dépendance », qui est calculé, depuis la réforme tarifaire mise en œuvre au début de 2017, comme le budget « soins », a mis en évidence une baisse du tarif « dépendance » pour les établissements publics.
Le budget « hébergement » alloué aux établissements habilités à l’aide sociale, qui est fixé par les départements, est quant à lui stable depuis plusieurs années.
Dès juin 2017, je vous avais alertée, madame la ministre, sur l’application de l’article 58 de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Cet article avait été ajouté au dernier moment au texte par le gouvernement précédent ; il n’avait donc pas pu être étudié par le Parlement. Or c’est lui qui organisait la réforme tarifaire, dont l’impact à terme a été évalué à près de 200 millions d’euros de pertes pour les EHPAD publics.
Dans ces circonstances, le désespoir touche les personnels, les familles et les directeurs d’EHPAD.
Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour améliorer dans l’avenir cette situation qui devient catastrophique ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Alain Milon, vous savez que la question des difficultés qui touchent les EHPAD est l’une de mes priorités depuis mon arrivée au ministère, l’été dernier.
Les problèmes ne sont pas nouveaux : ils s’aggravent, mais ils ont été anticipés. La réforme de la tarification des EHPAD, engagée en 2017, est accompagnée par l’État. Nous augmentons de 400 millions d’euros le volume des crédits alloués aux soins, afin de faire face aux besoins qui augmentent. En effet, comme vous l’avez rappelé, la moyenne d’âge des résidents a augmenté grâce à un maintien à domicile qui s’est révélé efficace.
Nous allons nommer un médiateur dans les prochains jours : M. Pierre Ricordeau, inspecteur général des affaires sociales, facilitera le dialogue entre l’administration et les fédérations hospitalières, afin de permettre un débat public serein et d’éventuelles adaptations de la réforme.
Je rappelle néanmoins que, au total, près de 160 millions d’euros supplémentaires seront alloués en 2018 aux EHPAD, dont 100 millions d’euros pour les soins. Ces fonds leur permettront de mener des actions ciblées et de recruter des personnels, en particulier des infirmières de nuit. Ils permettront également de faire face aux besoins spécifiques de certains établissements en difficulté, qui seront repérés par les agences régionales de santé.
Je souhaite également travailler sur un bonus qui serait alloué, en 2019, aux EHPAD qui mèneront des actions de prévention de la perte d’autonomie chez leurs résidents, de manière à limiter la dépendance et le vieillissement.
Nous devons également, à l’évidence, mieux accompagner à l’avenir les efforts de transformation des EHPAD et améliorer la qualité de vie au travail pour leurs personnels. Une commission se réunit aujourd’hui au ministère ; elle doit me faire des propositions sur ce sujet. Enfin, nous devons améliorer les contrôles visant à s’assurer de la bientraitance envers les personnes hébergées.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Nous connaissons tous les causes de cette situation catastrophique des EHPAD. Il faut désormais apporter des solutions. Nicolas Sarkozy avait, en son temps, proposé une réflexion sur le « cinquième risque » ; cette solution n’a pas abouti. (M. François Patriat s’exclame.)
Mme Michèle Delaunay, lorsqu’elle était ministre déléguée aux personnes âgées, m’avait violemment pris à partie, au Sénat, dans la salle Médicis, en m’assurant que, avec François Hollande, on allait voir ce qu’on allait voir. Eh bien, on a vu ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Oui, on a bien vu !
M. Alain Milon. Pour financer la dépendance, trois solutions restent possibles : le « tout-assurantiel », le « tout-solidarité », ou un mélange des deux.
C’est vous qui êtes au pouvoir, madame la ministre ; nous comptons sur vous pour prendre des décisions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
expérimentation de la cpam sur les arrêts maladie
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sonia de la Provôté. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, la semaine dernière, nous apprenions que la CPAM avait décidé de mener une expérimentation dévoilant aux employeurs le nombre, la durée et le motif des arrêts de travail dans leur entreprise, afin de prévenir l’absentéisme et de permettre à ces employeurs de prendre les mesures nécessaires concernant les conditions de travail. Cette étude a lieu dans les entreprises d’au moins 200 salariés, afin de rassurer le public quant à l’anonymat des données transmises.
Vous comprendrez bien, madame la ministre, que cette initiative donne lieu à des inquiétudes relatives au secret médical et à la protection des données de santé des citoyens. Plusieurs garde-fous existent, mais ils n’ont pas été mis en œuvre.
Ainsi, on ne prévoit pas de consentement éclairé du salarié sur l’usage qui est fait de ses données de santé, ni même un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, puisqu’un décret exempte l’assurance maladie de cette obligation en cas d’expérimentation. La CNIL aurait sûrement émis des doutes sur la confidentialité des données fournies quand l’entreprise n’a que 200 salariés, échantillon trop faible pour garantir l’anonymat…
Ces données sont transmises directement à l’employeur, sans passer par le médecin du travail, dont c’est pourtant le rôle et le cœur de métier.
Enfin, la nature des motifs d’arrêt que la CPAM transmet n’est pas clairement précisée. Que pensez-vous, madame la ministre, de l’usage qui pourrait être fait d’informations sur des pathologies psychiatriques, des addictions ou encore des cancers ?
Que l’on ne se méprenne pas : je n’entends faire ni le procès des employeurs ni celui de la CPAM. Le sujet est bien celui du bon usage des données de santé des citoyens.
Madame la ministre, avant tout, j’en appelle à votre vigilance : êtes-vous prête à remettre en place les garde-fous nécessaires dans cette expérimentation qui échappe aux procédures habituelles ?
Pensez-vous, par ailleurs, que le rôle de la CPAM soit de travailler sur ces sujets directement avec l’employeur, en s’exonérant du filtre du médecin du travail ? Doit-on y voir la remise en question de la médecine du travail elle-même ? Je n’ose y croire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, j’entends évidemment vos inquiétudes et votre appel à la vigilance au sujet de cette expérimentation. Néanmoins, permettez-moi de rappeler que, dans le cadre de sa mission de prévention des risques professionnels, l’assurance maladie peut mener des actions ciblées auprès de ses différents publics, c’est-à-dire des professionnels de santé, des assurés salariés, mais aussi des employeurs.
Depuis maintenant quelques années, nous observons une augmentation de l’incidence de pathologies pouvant avoir eu une origine professionnelle : lombalgies, troubles musculo-squelettiques ou encore troubles psychosociaux. Aussi l’assurance maladie a-t-elle décidé de mener une expérimentation en direction des grandes entreprises, pour les alerter sur leur prévention des risques.
La démarche consiste à sensibiliser ces entreprises sur les motifs d’arrêt maladie, afin, d’une part, de les inciter à prendre toutes les mesures et les moyens de prévention nécessaires à la bonne santé de leurs salariés, et, d’autre part, de lutter contre l’absentéisme. Cette démarche respecte le secret médical et la réglementation concernant la protection des données de santé.
À ce titre, pour répondre à vos interrogations, madame la sénatrice, le traitement de ces données est autorisé par le code de la sécurité sociale. En effet, les données statistiques partagées avec l’entreprise sont totalement anonymes et ne concernent que les entreprises de plus de 200 salariés, afin que le lien entre les causes d’absence et les salariés soit totalement impossible. À ce stade, l’expérimentation porte sur cinq entreprises seulement.
Il n’est nullement question de remettre en doute la médecine du travail et son action, bien au contraire. Je veux redire ici mon attachement à une meilleure prévention des risques. Cette expérimentation va dans le sens de la protection des salariés, et non dans celui de la dénonciation. Je pense que, tout comme moi, madame la sénatrice, vous approuverez cette politique, qui vise à prévenir les risques pour mieux guérir, tout en respectant l’anonymat dans l’usage des données de santé. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de la Provôté. Madame la ministre, la question est vraiment celle de la transparence du protocole. J’estime pour ma part que tous les acteurs, les salariés en premier lieu, auraient dû être informés en amont. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
conseil des prud’hommes à mayotte
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Jusqu’ici, le département de Mayotte disposait d’un code du travail spécifique, qui fixait notamment la durée légale de travail à 39 heures et prévoyait une juridiction spécifique – le tribunal du travail – chargée de traiter le contentieux en matière prud’homale.
Le passage au droit commun a eu lieu, en partie, le 1er janvier 2018. En revanche, la création d’un conseil des prud’hommes, à l’étude depuis la départementalisation, a été repoussée, d’abord de 2015 à 2017, puis jusqu’en 2022.
Je me fais aujourd’hui l’écho des troubles observés dans mon département à l’occasion de ce nouveau report, qui a suscité la grogne des syndicats de salariés et de patrons de Mayotte, lesquels ont décidé, en réaction, de ne pas désigner d’assesseurs au tribunal du travail, en remplacement de ceux dont les mandats expiraient à la fin de décembre 2017.
Cette décision a conduit le président de cette juridiction à siéger seul, depuis le 1er janvier 2018, afin d’éviter la paralysie du tribunal et le renvoi sine die des affaires en cours.
Vous conviendrez, madame la garde des sceaux, que cette solution n’est à l’évidence pas satisfaisante, puisqu’elle soustrait la justice prud’homale à l’appréciation des représentants des salariés et des employeurs.
Une fois de plus, les citoyens mahorais ont le sentiment d’être laissés pour compte. Que répondez-vous à leurs attentes, madame la garde des sceaux, et que comptez-vous faire pour assurer la continuité du service public prud’homal à Mayotte dans les mêmes conditions que sur le reste du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me donne l’occasion de rappeler l’attention que le Gouvernement porte en permanence à nos concitoyens ultramarins et, en l’espèce, aux justiciables du département de Mayotte.
Loin de manifester un manque d’intérêt pour la justice du travail mahoraise, le report au 1er janvier 2022 de la création d’un conseil des prud’hommes à Mayotte, par l’ordonnance n° 2017-1491 du 25 octobre 2017, illustre au contraire notre particulière préoccupation à ce sujet. En effet, c’est bien parce que les conditions permettant un fonctionnement normal du conseil des prud’hommes de Mayotte – notamment le recrutement d’un vivier solide de conseillers et leur formation – n’étaient pas réunies que nous avons décidé ce report.
Si tel n’avait pas été le cas, la première présidente de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion aurait été obligée de constater cette carence et de désigner un juge du tribunal de grande instance pour juger le contentieux du travail. Non seulement il n’y aurait donc pas eu de conseil des prud’hommes au 1er janvier 2018, mais Mayotte aurait également perdu son tribunal du travail. Je ne l’ai pas voulu, et je ne pense pas que ce soit non plus le souhait de ceux qui, parmi les partenaires sociaux, expriment aujourd’hui leur mécontentement.
Notre volonté est bien plutôt de mettre à profit ce délai pour élaborer l’architecture d’un conseil des prud’hommes qui prenne en compte les spécificités locales et qui permette le recrutement d’un personnel formé dans le cadre des dispositions du code du travail actuellement applicables à Mayotte. Pour cela, une commission interministérielle a été créée ; elle se rendra à Mayotte pour mettre en place ces solutions.
D’ici là, j’engage l’ensemble des partenaires sociaux à renouer le dialogue et à désigner leurs représentants au tribunal du travail, afin que celui-ci puisse fonctionner de manière correcte. Je puis vous assurer que, si tel n’était pas le cas, je ferais tout pour que la continuité du service public de la justice soit réellement opérationnelle à Mayotte, dans l’intérêt des justiciables. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour la réplique.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse, qui permet de constater que, contrairement à ce que certains ont craint, il n’y a pas, de fait, de déni de justice à Mayotte du fait de cette crise.
Je vous sais gré de rester vigilante, pour que la justice puisse continuer de s’exercer dans ce département comme partout ailleurs dans la République. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
intervenants extérieurs dans les prisons
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ; elle concerne la situation dans nos prisons.
Le lundi 22 janvier dernier, je me suis rendu au centre de détention de Lille-Annoeullin, à la demande des syndicats de fonctionnaires pénitentiaires. Alors que je discutais avec les fonctionnaires grévistes, j’ai été délogé, comme eux, par vos gendarmes mobiles, monsieur le ministre de l’intérieur. Je tiens à vous rassurer : je vais bien. Vos gendarmes ont été exceptionnellement gentils ! (Sourires.)
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Ce n’est pas une attitude exceptionnelle…
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la garde des sceaux, lors de ma visite de cet établissement, la première des problématiques qu’ont évoquées devant moi les syndicats comme la direction a été la situation des ELAC, les équipes locales d’appui et de contrôle, qui seront prochainement rebaptisées ELSP, pour « équipes locales de sécurité pénitentiaire ».
Ces équipes, créées en 2015, assurent des missions à l’intérieur de l’établissement – fouilles, contrôles, déplacement de détenus –, mais aussi à l’extérieur du bâtiment ; c’est là qu’est le problème. Ces équipes déplorent l’inadaptation des moyens dont elles disposent, sur le plan quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif, qu’il s’agisse de leurs véhicules, de leurs tenues ou de leur matériel d’intervention.
Madame la garde des sceaux, le plan d’action publié en octobre 2016 par votre prédécesseur prévoyait de doter les ELAC d’armes quand elles interviennent à l’extérieur des établissements pénitentiaires. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Deuxièmement, l’article 29 de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique précise, de façon complètement « coluchéenne », les conditions d’interpellation, par les ELAC, des complices extérieurs qui, transformés en discoboles, lancent par-dessus les murs smartphones ou drogues. Permettez-moi de pasticher Coluche, mes chers collègues : « Excusez-moi de vous déranger, mais pourriez-vous, s’il vous plaît, décliner votre identité ? Accepteriez-vous d’être fouillés ? Encore une fois, mille pardons de vous importuner ! » Bref, ces équipes n’ont aucun pouvoir à l’extérieur !
Madame la garde des sceaux, pour que l’action des ELAC soit plus efficace et déterminante pour la sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons, voire quelque peu au-delà du domaine privé pénitentiaire, ne serait-il pas temps de modifier cette loi et d’en publier, enfin, le décret d’application ? (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, cette question m’a effectivement été posée par les surveillants pénitentiaires lors des rencontres que j’ai eues avec eux les dernières semaines.
Le premier sujet abordé dans votre question est la création d’équipes locales de sécurité pénitentiaire ; comme vous l’avez précisé, ce sera le nouveau nom des ELAC.
Notre idée est de renforcer la sécurité à l’intérieur des établissements pénitentiaires, y compris par une présence extérieure renforcée de ces équipes. Celles-ci permettront également – c’est important – d’offrir un parcours différent dans la carrière des surveillants pénitentiaires. Ils pourront exercer de nouvelles fonctions par ce biais, ou encore en intégrant les services du renseignement pénitentiaire. Il s’agit ainsi de renforcer l’attractivité de la mission de surveillant pénitentiaire.
Par ailleurs, le protocole d’accord que nous avons signé au début de cette semaine avec l’organisation syndicale la plus représentative des personnels pénitentiaires prévoit de renforcer les moyens de sécurité donnés à ces équipes locales de sécurité, qu’il s’agisse de sécurité défensive ou de sécurité offensive. Nous sommes donc convenus de dialoguer avec eux pour pouvoir faire bénéficier les ELSP, très rapidement, de ces nouveaux équipements.
J’estime que l’ensemble de ces dispositifs contribuera à renforcer la sécurité dans les établissements pénitentiaires, ce qui était la première demande des organisations représentatives des surveillants des établissements pénitentiaires.
Vous avez également évoqué une difficulté à laquelle nous nous heurtons : les projections d’objets qui viennent de l’extérieur. De ce point de vue, je crois que le rôle que joueront les équipes locales de sécurité nous permettra d’y porter remède.
En outre, une grande partie des objets qui sont ainsi projetés depuis l’extérieur sont des téléphones portables. C’est pourquoi nous allons installer des brouilleurs dans tous les établissements pénitentiaires, de sorte que ces difficultés ne soient plus présentes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Sophie Taillé-Polian. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, vous avez déjà répondu à plusieurs questions posées, mardi dernier, par des députés ou, à l’instant, par des sénateurs, sur la situation dans les EHPAD. Vous nous avez parlé, tout à l’heure, d’anticipation. Pourtant, peut-on parler d’anticipation quand on se trouve aujourd’hui dans une situation qui, dans de très nombreux établissements, n’est tout simplement pas tenable ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. La faute à qui ? Que s’est-il passé pendant cinq ans ?
Mme Sophie Taillé-Polian. Ces EHPAD ne peuvent attendre les rapports et les missions que vous venez de lancer ; il leur faut des engagements clairs, à court terme, à moyen terme et à long terme !
Le sous-effectif des personnels génère un mal-être profond et un taux d’accidents du travail inacceptable. Pourtant, vous voulez conditionner le bonus que vous promettez à l’accomplissement, par les soignants, d’un travail supplémentaire visant à prévenir la dépendance des résidents !
Que faites-vous, à l’heure actuelle, pour la prévention des risques professionnels des soignants dans les EHPAD ? Vous venez nous en parler comme de l’une de vos préoccupations, mais un plan d’urgence est absolument indispensable !
Il faut également garantir une hausse très rapide du personnel des EHPAD. Pour cela, nous vous demandons de vous engager sur l’ensemble des emplois aidés, qu’ils soient maintenus ou renouvelés, comme les députés du groupe La République En Marche le demandaient d’ailleurs dans un rapport en septembre dernier.
Nous vous demandons aussi de vous engager sur un budget d’ampleur, à court, moyen et long terme, pour que les personnels, qui vivent actuellement des situations très difficiles, puissent se projeter dans un avenir qui ne soit pas trop lointain, pour revenir à une situation normale et prendre soin de nos aînés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Taillé-Polian, vous m’interrogez sur le manque d’anticipation… (Rires et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Pendant que vous étiez au pouvoir, je travaillais dans des établissements de santé, et j’aurais aimé que ces problèmes soient anticipés ! Mais je vais tout de même vous répondre.
Nous avons anticipé dès notre arrivée au pouvoir, en constatant la dégradation de la situation dans les EHPAD. Nous avons effectivement alloué des moyens nécessaires aux soins. Nous avons renforcé les postes d’infirmières de nuit. Nous allons équiper tous les EHPAD en télémédecine.
Nous avons évidemment proposé des plans d’action spécifiques pour les EHPAD en difficulté : permettez-moi de vous les énoncer.
Nous avons prévu de solliciter l’agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et des établissements médico-sociaux pour qu’elle vienne aider les EHPAD en difficulté à se restructurer.
Nous allons travailler avec les conseils départementaux, pour identifier les EHPAD dont les difficultés sont les plus importantes.
Nous travaillons sur la qualité de vie au travail, sujet dont nous avons chargé un comité, qui assure aussi le suivi de la réforme en cours ; ce comité, qui travaille depuis le mois de septembre dernier, nous fait des propositions pour l’évolution des carrières, notamment celles des aides-soignantes.
Nous avons également prévu des enquêtes de satisfaction auprès des EHPAD ; j’ai donc saisi la Haute Autorité de santé pour qu’elle me fasse des propositions afin de mener ces enquêtes.
Mme Laurence Cohen. Il faut des moyens, pas des propositions !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Enfin, nous travaillons sur la bientraitance des personnes âgées.
Je crois donc pouvoir affirmer que, en huit mois, nous avons un peu plus anticipé que vous ne l’aviez fait en cinq ans ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)