M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Fournier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le 24 janvier dernier, le Sénat adoptait le texte du projet de loi ratifiant les ordonnances pour le renforcement du dialogue social, enrichissant ce texte au travers de plus de 70 amendements.
Vingt articles demeuraient en discussion – douze articles nouveaux et cinq articles modifiés. La commission mixte paritaire a toutefois trouvé un consensus ; je tiens ici à saluer le travail de l’ensemble de nos collègues parlementaires, grâce auxquels ce texte a pu aboutir.
Si la réforme du code du travail était attendue, elle suscitait toutefois des craintes. Les ordonnances ainsi ratifiées apportent des garanties tant aux employeurs qu’aux salariés, pour lesquels il était essentiel d’intégrer des mesures d’accompagnement et de protection.
La version issue de nos travaux a su trouver un juste équilibre entre le respect du cadre fixé par la loi d’habilitation et son adaptabilité aux exigences actuelles de notre économie et de ses acteurs, nos entreprises. Si le champ des habilitations devait être respecté, il était en effet impératif d’intégrer des dispositions nouvelles pour faire face à des situations particulières. Ainsi, vous le rappeliez, monsieur le rapporteur, l’introduction par le Sénat de l’article 14 était plus que bienvenue ; elle permet aux apprentis d’avoir accès au programme Erasmus Pro dès cette année, leur garantissant ainsi le bénéfice de la mobilité européenne.
D’autres mesures adoptées par la commission mixte paritaire méritent d’être soulignées. L’appellation finale retenue pour l’accord de performance en fait partie. Ce nouvel accord de flexisécurité, qui harmonise les accords précédents, avait été renommé « accord de performance sociale et économique » par la Haute Assemblée. La commission mixte paritaire, quant à elle, a retenu l’appellation d’« accord de performance collective ». Ce choix nous satisfait en grande partie, car il préserve la notion de performance, à laquelle le Sénat était attaché. Au-delà du terme choisi, il convient de rappeler qu’une étape importante est franchie, car ce nouvel accord permettra aux entreprises de réagir plus rapidement et avec plus de souplesse aux fluctuations et aux exigences économiques.
Un autre sujet sur lequel la commission mixte paritaire a dû trouver un accord, après de nombreuses discussions, porte sur la limitation dans le temps des mandats des élus syndicaux. Nous avions fait le choix de supprimer la possibilité de déroger à cette limitation. L’impératif de renouvellement des instances représentatives du personnel était, à nos yeux, utile, si nous souhaitions réellement encourager l’engagement syndical des femmes et des jeunes salariés. La commission mixte paritaire a cependant adopté la possibilité de déroger à cette limitation, cela a été rappelé, pour les entreprises dont les effectifs sont compris entre 50 et 300 salariés. Nous espérons que cette disposition ne freinera pas le nécessaire renouvellement des élus syndicaux…
En définitive, ces ordonnances, telles qu’elles résultent de ces deux mois de débat, actent le début d’une réforme attendue par nos entreprises, pour lesquelles la consécration du principe de subsidiarité, la primauté par défaut de l’accord d’entreprise ou encore l’application d’un barème impératif de dommages et intérêts sont autant de gages de sécurité.
Cette refonte de notre architecture conventionnelle profitera également aux salariés, grâce au renforcement du rôle des branches, dont les accords primeront dans treize domaines, et à l’instauration de la nouvelle règle majoritaire, qui permettra de sécuriser les relations entre salariés et employeurs.
Mes chers collègues, ces ordonnances marquent le début d’une réforme plus générale de notre modèle social. Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion du texte en première lecture, il sera nécessaire de repenser des mesures sécurisant les parcours professionnels. Ce sera l’objet des réformes à venir, à commencer par celle de la formation professionnelle et de l’apprentissage, dont les orientations viennent d’être présentées par le Gouvernement. Gardons toutefois à l’esprit que notre volonté est de poursuivre la simplification des textes pour leur meilleure application.
En parallèle, je l’avais abordé préalablement, je pense que la médecine du travail devrait faire l’objet d’une attention toute particulière. Elle doit retrouver tout son sens du point de vue de la prévention et de la protection des salariés. Nous y veillerons, au printemps prochain, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, dit PACTE.
Dans cette attente, le groupe Union Centriste votera pour les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, voici donc la dernière étape du parcours des ordonnances modifiant le code du travail, et le résultat, confirmant ce que nous redoutions, est triste, régressif, attentatoire aux droits historiques conquis par les salariés. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Ni révolutionnaire ni moderne, mais bien rétrograde…
Vu la finalité recherchée, le résultat ne pouvait qu’être nocif, et nous aurons, hélas, à en déplorer les effets délétères. Il sera générateur de précarité pour les travailleurs et tout à fait conforme à l’objectif annoncé : licencier plus facilement pour embaucher plus – un slogan en forme d’incantation repris et répété à l’envi, ce qui ne suffit pas à en faire une vérité, bien au contraire.
Oh, les mots, pourtant, chantent dans l’exposé des motifs ! Ils prétendent à une double volonté : l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises et le renforcement de la sécurité des salariés. Or seule la première ambition trouve ici, largement, satisfaction.
En outre, le résultat de l’alliance objective des majorités des deux chambres avec une commission mixte paritaire conclusive pâtit d’un péché originel : la méthode. La procédure imposée, celle des ordonnances, plombe un peu le débat. Les ordonnances sont appliquées depuis septembre après la seule discussion sur la proposition d’habilitation. Nulle urgence n’exigeait que l’on procédât ainsi.
Il n’y avait aucune urgence en effet, puisque la loi El Khomri, à peine portée sur les fonts baptismaux, se trouve excommuniée et remplacée par un texte dont on clame à tort qu’il la compléterait et s’inscrirait dans son droit fil. Il n’en est malheureusement rien ; il s’agit bien d’une rupture de logique, d’un renversement des valeurs exprimées dans le projet du précédent gouvernement.
Ces ordonnances constituent, hélas, une construction cohérente avec vos objectifs, avec, en même temps, une forme d’angélisme mystificateur, qui s’appuie sur un postulat que nous aimerions vrai, mais qui est loin de l’être : la confiance présiderait naturellement, selon vous, à toute négociation. Or une négociation exige plus que de la confiance ; elle nécessite, pour être fructueuse et mobilisatrice, un véritable équilibre dans le rapport de forces, ce que vous détruisez avec une grande constance.
Dans la plupart des entreprises, notamment dans les TPE et PME, l’atmosphère peut être chaleureuse et le désir de développement partagé par l’ensemble du personnel ; pour autant, considérer que les négociations sur des sujets aussi essentiels que les conditions de travail, d’horaires, de rémunération et de licenciement, qui engagent la vie des familles, puissent ne reposer que sur une certaine confiance réciproque, quand les intérêts sont divergents, relève au minimum d’un certain aveuglement.
Licencier sans trop de difficultés et réduire le coût du travail, tous les outils figurent dans la panoplie que vous avez confectionnée, madame la ministre, avec l’accord de la majorité sénatoriale. Ainsi, les accords d’entreprise n’impliquent plus la présence de délégués syndicaux ni de salariés mandatés. Or ces négociations totalement déséquilibrées, en raison du statut d’autorité de l’employeur et de la situation de subordination des salariés, peuvent porter gravement atteinte aux revenus comme aux conditions de travail pour aboutir, dans certains cas, à des accords plus contraints que négociés.
Que dire des accords de performance collective, dont on vient de se louer ? La majorité a voulu cette appellation plutôt que celle d’« accord de compétitivité ». Il ne s’agit pas seulement d’une coquetterie sémantique ; la compétitivité se mesure par comparaison avec les entreprises concurrentes. La performance, elle, peut relever d’une décision totalement arbitraire, tant dans ses fondements que dans ses objectifs.
Or l’accord de performance obéit, selon le texte, à la seule nécessité de fonctionnement de l’entreprise. Dès lors, on peut tout y faire entrer. En outre, le refus, par un salarié, d’un tel accord adopté par un référendum à la main du patron entraîne ipso facto un licenciement mécaniquement réputé « pour cause réelle et sérieuse ». Alors, l’emploi peut facilement devenir la variable d’ajustement de la gestion de l’entreprise.
Vous prétendez organiser le dialogue social. En réalité, ce projet étend, organise, officialise, légitime le monologue social, à telle enseigne, d’ailleurs, qu’une proposition pertinente fixant à 12 ans plutôt qu’à 3 mandats la durée maximale d’exercice des délégués du personnel a été rejetée par la majorité, alors que la durée de ces mandats varie de 2 ans à 4 ans. En 6 ans, les délégués n’auront pas trop le temps d’acquérir les connaissances, l’expérience et le savoir-faire indispensables à la pratique de la négociation et de la médiation ! Est-ce l’objectif subliminal ? Je n’ose le croire… Je dois toutefois à la vérité de dire que ce refus n’est pas de votre fait, madame la ministre.
Si le licenciement pour cause réelle et sérieuse est impossible, malgré la facilité qu’il y a à y recourir, il reste la possibilité, sans trop bourse délier, de s’autoriser des licenciements qualifiés d’abusifs par le tribunal de prud’hommes, puisque le plafonnement des dommages et intérêts par les ordonnances rend prévisible et modeste le risque financier pour l’employeur et prive le salarié d’une juste réparation du préjudice subi.
Nous avons eu l’occasion de dénoncer les atteintes portées aux moyens accordés aux salariés pour agir sur la prévention des handicaps et des maladies engendrés par certains métiers exposés, alors que les conditions de travail, la pénibilité et la précarité sont à l’origine de la plus grande injustice qui soit : celle de la longévité. En effet, les pauvres vivent en moyenne 13 ans de moins que les riches !
Pourtant, vous supprimez – pardon, vous « fusionnez » – les CHSCT, qui perdront leur vocation unique et efficace de prévention et de détection des conditions de travail génératrices de troubles et de pathologies graves. Quatre domaines de travaux pénibles ont été retirés de la liste ; triste décision, qui ne contribuera pas à atténuer les inégalités insupportables que je viens d’évoquer.
Par ailleurs, les départs anticipés seront dorénavant financés par la branche accidents du travail et maladies professionnelles, ou AT-MP. Voilà un aveu pour lequel il vous sera beaucoup pardonné, parce que, ainsi, la clarté est faite sur la disparition de l’ambition de prévention au profit de la seule réparation.
Par ailleurs, que dire de la méthode utilisée pour faire adopter une sixième ordonnance, sans loi d’habilitation, sans grand débat, juste au travers d’un amendement insérant un article additionnel pour faire approuver, contrairement à vos affirmations, des modifications substantielles ? Il est tout de même inouï de constater que l’Assemblée nationale n’aura jamais eu à en débattre !
Nous voilà donc presque au terme du voyage effectué par les ordonnances ; permettez-moi d’en tirer quelques enseignements. Dans une France qui renoue avec le dynamisme économique grâce aux efforts consentis au cours des années précédentes, il y avait sûrement plus urgent que de casser ce qui protégeait les travailleurs français – les plus productifs au monde –, en précarisant leur situation.
Les différentes mesures de ce projet de loi conduiront, au moins dans un premier temps, à des vagues de licenciements. Nous aurions dû prendre de temps de méditer les conséquences des dérégulations en Allemagne : des jobs à un euro, des temps très partiels non voulus, des emplois précaires pour 7 600 000 personnes… Est-ce donc le modèle que nous souhaitons nous donner ?
Il y a fort à parier que les mesures fiscales et la dérégulation du code du travail déboucheront sur des inégalités plus grandes, ce que relève Patrick Artus, responsable chez Natixis et qui est loin d’être un dangereux gauchiste… Celui-ci précise : « On observe bien aujourd’hui, dans les pays de l’OCDE, la succession d’évolutions que Karl Marx avait prévues. » (Exclamations ironiques de M. Roger Karoutchi.) La limite est « atteinte quand les bas salaires deviennent trop faibles, et les capitalistes se lancent dans des activités spéculatives qui font apparaître les crises financières ».
Alors que la France renoue avec la croissance, alors que s’ouvre un horizon plus serein, il eût été juste et opportun de redistribuer les bénéfices à ceux qui ont permis que cela fût, mais votre loi ouvre la porte à la diminution du coût du travail par des accords d’entreprise forcément contagieux, tout cela au profit, pour partie, de l’augmentation des dividendes qui ont pourtant atteint, en France, des sommets mondiaux en 2017.
Ainsi, c’est une occasion ratée de prendre le train du progrès social, du partage d’une même ambition, de la mobilisation de l’ensemble des acteurs qui font le dynamisme et la vitalité de notre pays. Les fruits de la croissance seront suaves pour les plus favorisés ; ils auront un goût amer pour les travailleurs de ce pays.
Des projets de loi sur l’apprentissage, sur la formation, sur le chômage et le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises sont sur le métier ; espérons que l’ouvrage qui en sortira aura la beauté des mots qui les présentent, et qu’il rétablira l’équilibre entre compétitivité et avancées sociales pour les salariés. Ce n’est pas le cas de ce projet de modification du code du travail, hélas ! Le groupe socialiste et républicain est donc contraint de se prononcer contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre du travail, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la semaine passée, l’Assemblée nationale a approuvé à une large majorité le texte issu de la commission mixte paritaire ratifiant les ordonnances sur le dialogue social. À l’occasion de ces travaux conjoints, les rapporteurs de nos deux chambres – notamment M. le président Milon pour la Haute Assemblée – ont salué la convergence de vues de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Réformer le dialogue social et transformer le marché de l’emploi, tels sont les engagements de la Haute Assemblée. Les divergences, mineures, entre les deux chambres portaient sur une vingtaine d’articles, dont douze étaient issus des travaux du Sénat. Les débats de qualité de la commission mixte paritaire ont permis d’aboutir au texte aujourd’hui étudié ; ce dernier propose une vision équilibrée de la démocratie sociale.
Cette réforme répond à une ambition largement partagée, celle de simplifier le quotidien des entreprises en modernisant les règles du droit du travail, en offrant davantage de lisibilité aux salariés comme aux employeurs, en assurant une meilleure adaptation des normes à la spécificité des entreprises, notamment des TPE et PME. Je rappelle que 4 % des entreprises de moins de 50 salariés ont un délégué syndical.
Cette réforme améliore le cadre des négociations d’entreprise et de branche ; elle facilite le dialogue social sur le terrain, au sein des entreprises, avec les salariés et leurs représentants ; elle facilite la mise en place d’un compte pénibilité gérable et permettant d’avoir une retraite anticipée ; elle établit un barème d’indemnités prud’homales, une mesure d’équité sur le territoire ; elle fusionne les instances de représentation au sein du CSE, qui conserve toutes les prérogatives des instances représentatives du personnel, notamment du CHSCT ; elle sécurise les licenciements des salariés.
En adoptant le texte de la commission mixte paritaire, nous achevons le processus de construction d’une nouvelle forme de dialogue social en France.
D’une part, ce texte revient sur deux dispositions supprimées par la commission des affaires sociales du Sénat. Il rétablit la généralisation des accords majoritaires au 1er mai 2018 et les observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation.
D’autre part, il adopte une grande partie des mesures introduites par la commission des affaires sociales du Sénat : formation de tous les délégués du CSE, maintien de l’appellation de l’accord de performance sociale et économique, encouragement de la mobilité internationale et européenne des apprentis – c’est important pour le développement de l’accès à l’emploi de nos jeunes au niveau international –, mise en place des comités sociaux et économiques lorsque les mandats des anciennes instances représentatives de personnel arriveront à échéance en 2019, mise en place temporaire, enfin, de règles assouplies dans les collectivités ultramarines de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, lourdement touchées par l’ouragan Irma.
En adoptant ce texte, nous faisons évoluer positivement notre modèle social, qui conserve son socle, et nous contribuons à renforcer notre économie. C’est une étape importante, à laquelle le groupe Les Indépendants est heureux de s’associer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la ratification de ces ordonnances constitue un signal fort pour les entreprises de ce pays. Depuis 2000, l’emploi industriel a diminué de 25 % en France du fait du renchérissement du coût du travail et de la complexité du code du travail. Ces ordonnances feront évoluer le dialogue social dans le sens de la simplification, sans précariser les salariés.
Ce texte constitue un élément important pour aller vers le plein emploi : il est nécessaire, mais n’est pas suffisant. Le Gouvernement devra encore s’engager à favoriser la compétitivité des entreprises et aussi à mener à bien un autre sujet prochainement porté au débat public, celui de la formation professionnelle et de l’apprentissage, clef de voûte de l’emploi des jeunes.
En attendant, le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette loi de ratification des ordonnances sur le dialogue social. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le Président de la République déclarait, le 31 août dernier : « La réforme du marché du travail est une réforme de transformation profonde […] ; elle doit être assez ambitieuse et efficace pour continuer à faire baisser le chômage de masse et permettre de ne pas revenir sur ce sujet durant le quinquennat. » C’est dans cet esprit que nous arrivons aujourd’hui au terme du processus de ratification des ordonnances, qui a permis au Gouvernement de prendre des mesures pour le renforcement du dialogue social.
Même s’ils ont été, pour certains, rétifs au choix du Gouvernement de recourir aux ordonnances, la majorité des sénateurs du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen partage les grandes orientations de votre réforme, madame la ministre. Faire preuve de pragmatisme en permettant aux entreprises de créer des emplois est une impérieuse nécessité si nous voulons combattre le chômage de masse. Notre collègue Françoise Laborde l’avait rappelé en août dernier, être au chômage implique, outre la perte de revenus, la souffrance liée à la perte d’un lien social et une atteinte à l’estime de soi.
Cette loi s’inscrit dans le cadre plus large de la rénovation de notre modèle social amorcée par la loi El Khomri du 8 août 2016, qui se poursuivra au travers de différents textes portant sur l’apprentissage, la formation professionnelle, l’assurance chômage, les retraites et le renforcement de la participation et de l’intéressement.
Les dispositions que nous ratifions aujourd’hui répondent à la nécessité d’adapter le fonctionnement de notre économie et des entreprises aux enjeux d’une compétition internationale incontournable du point de vue de la compétitivité et de l’attractivité de notre pays. Ces évolutions doivent permettre de stimuler l’entrepreneuriat, l’investissement et, in fine, le développement des entreprises qui sont – nous le savons tous – le principal moteur de la création d’emplois. C’est sur l’ensemble de ces champs qu’il conviendra d’apprécier, à terme, la pertinence de cette réforme, et de mesurer dans la durée leurs effets du point de vue économique et social.
Pour ce qui concerne ces ordonnances, nous nous étions déjà félicités de la volonté du Gouvernement de privilégier des mécanismes opérationnels susceptibles de trouver facilement une traduction concrète dans la négociation sociale et le fonctionnement des entreprises. Après avoir abouti, en juillet dernier, à un texte commun sur le projet de loi d’habilitation, nous arrivons aujourd’hui assez logiquement aux mêmes conclusions pour la ratification, ce qui souligne les convergences de vues entre les deux assemblées.
Les désaccords, qui portaient essentiellement sur des différences d’appréciation, ne remettaient pas en cause la ligne directrice de ce texte, et la commission mixte paritaire a permis de trouver des compromis. Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité des échanges entre nos deux chambres, qui a permis d’aboutir à un texte équilibré.
Nous nous félicitons tout particulièrement de la possibilité ouverte aux PME et aux TPE de conclure des accords d’entreprise avec les délégués du personnel ou, en l’absence de délégués syndicaux, par consultation directe des salariés, de la fusion des institutions représentatives du personnel, de la formation en matière de santé et de sécurité pour l’ensemble des membres du futur comité social et économique, de la mise en place des contrats de chantier ou d’opération, de la majoration de 25 % des indemnités de licenciement calculées sur les dix premières années d’ancienneté, de la possibilité pour le ministre du travail de refuser d’étendre un accord de branche si celui-ci n’est pas compatible avec les objectifs de la politique de l’emploi, des mesures permettant de favoriser la mobilité internationale et européenne des apprentis, et des mesures exceptionnelles d’adaptation outre-mer du droit du travail, à la suite du passage de l’ouragan Irma, qui devraient offrir des réponses et un accompagnement à la hauteur des dégâts occasionnés, comme l’avait rappelé notre collègue Guillaume Arnell.
Enfin, nous notons avec satisfaction que la commission mixte paritaire a conservé deux amendements émanant du RDSE, le premier incluant l’aléa inhérent aux pics de pollution dans la négociation sur le télétravail, le second, défendu conjointement avec la délégation aux entreprises, supprimant la mise en place d’une instance du dialogue social dans les réseaux de franchise.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, la majorité des sénateurs du groupe du RDSE soutiendra le texte de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Jean-Noël Guérini. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales et rapporteur, mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme d’une réforme d’ampleur du dialogue social et du droit du travail, pour laquelle, n’en déplaise aux tenants du coup d’État social, le travail parlementaire a été particulièrement dense et fructueux.
La réunion de la commission mixte paritaire a permis de surmonter les divergences entre les deux assemblées et d’aboutir à un texte de compromis grâce à des échanges particulièrement constructifs. Voilà une vertu du bicamérisme qu’il est toujours bon de célébrer.
Il est vrai que, sur les vingt articles du projet de loi de ratification qui restaient en discussion, la convergence de vues prédominait. Seuls subsistaient quelques désaccords, liés à des questions néanmoins substantielles.
Les avancées réalisées par chacune des assemblées ont été conservées. Je pense en particulier à l’abondement renforcé du compte personnel de formation dans le cadre d’un accord de préservation et de développement de l’emploi, au contrôle de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, sur les accords portant rupture conventionnelle, à la formation, en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail au bénéfice de tous les membres du comité social et économique, ou encore à l’obligation de création d’une commission des marchés au sein du comité social et économique des grandes entreprises.
Pour ce qui est des points de désaccord, la commission mixte paritaire a permis, dans certains cas, de rétablir le texte adopté à l’Assemblée nationale, notamment s’agissant du rétablissement du calendrier d’entrée en vigueur des accords majoritaires et de la confirmation du rôle des observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social.
Enfin, la commission mixte paritaire a permis de trouver une rédaction de compromis pour le délai, fixé à six mois, dans lequel le juge devra statuer sur l’action en nullité d’un accord collectif.
Concernant le cumul dans le temps des mandats des élus syndicaux, la rédaction issue de la commission mixte paritaire autorise une dérogation à la limite des trois mandats successifs pour les seules entreprises employant entre 50 et 300 salariés. Cette dérogation devra être prévue dans le protocole d’accord préélectoral.
Je veux également dire un mot de l’article 14, introduit au Sénat par un amendement de notre rapporteur afin de faciliter la mobilité internationale et européenne des apprentis. Cette disposition va permettre de lever l’un des freins qui empêchent le plein essor d’Erasmus Pro. Aujourd’hui, en effet, l’apprenti envoyé à l’étranger demeure sous la responsabilité de l’employeur français. C’est pourquoi les apprentis partent généralement pour quelques semaines.
Afin d’offrir aux apprentis les mêmes chances de formation qu’aux étudiants, il fallait donc aménager le contrat d’apprentissage pendant le séjour à l’étranger. C’est le sens de la disposition nouvelle, qui prévoit que, pendant la période de mobilité dans l’Union européenne, l’entreprise ou le centre de formation d’accueil sont seuls responsables des conditions d’exécution du travail. Le contrat d’apprentissage de départ est en quelque sorte suspendu sur certains aspects. Cette réforme va encourager la mobilité européenne des apprentis, sans qu’il soit besoin d’attendre la réforme de l’apprentissage, qui viendra prochainement, madame la ministre, conforter ce premier pas.
Pour conclure, je dirais que, en ratifiant ces ordonnances, nous posons la première pierre de la rénovation du système social français. D’autres suivront, comme la réforme de l’apprentissage, de la formation professionnelle, de l’assurance chômage et des retraites. Conduites avec résolution, mais sans brutalité, ces réformes portent la marque d’une méthode de gouvernement que les Français attendaient. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)