M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question porte sur la réforme de la fiscalité agricole. Je souhaite interroger le Gouvernement sur trois sujets importants qui concernent l’avenir de la viticulture, pilier de notre patrimoine culturel.
Tout d’abord, la transmission des exploitations. La viticulture est frappée par la hausse du prix du foncier et l’arrivée d’investisseurs extérieurs. La profession propose qu’un repreneur soit exonéré de droits de mutation sur l’outil d’exploitation, dans l’objectif de préserver un tissu d’entreprises familiales dans nos vignobles.
Ensuite, la création d’une réserve de gestion des risques. Le mécanisme existant de la déduction pour aléas n’ayant jamais remporté l’adhésion des agriculteurs en raison notamment de sa complexité, la profession demande la mise en place d’un dispositif visant à permettre aux entreprises de se constituer une « réserve d’autofinancement » avec des mesures fiscales adaptées.
Enfin, l’engagement des exploitations viticoles dans la certification environnementale. Les vignerons sont de plus en plus nombreux à intégrer dans leurs pratiques une meilleure prise en compte de l’environnement. Or le coût d’une certification est très lourd pour les petites exploitations. Afin d’encourager et d’accompagner les viticulteurs il conviendrait de leur accorder un crédit d’impôt.
Monsieur le Premier ministre, entendez-vous intégrer les présentes attentes de la profession viticole dans le projet de loi de finances 2019 ?
Avant de conclure, je souhaite rebondir sur un précédent débat.
Les représentants de la filière vitivinicole que j’ai récemment rencontrés se veulent des acteurs des politiques de prévention et de pédagogie de nos produits et revendiquent un devoir de responsabilité. Je considère qu’ils sont donc totalement légitimes à être associés avec les pouvoirs publics sur les stratégies nationales de la santé qui les concernent. Je vous remercie de prendre en considération cette demande. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, lors des débats parlementaires sur le projet de loi de finances pour 2018 est apparue la nécessité d’une réflexion globale sur la fiscalité agricole.
Le ministre de l’économie et des finances ainsi que le ministre de l’agriculture ont pris l’engagement de mener une concertation de l’ensemble des acteurs du secteur, en associant étroitement les parlementaires. Vendredi dernier a eu lieu le lancement de cette mission de concertation en présence des représentants des organisations syndicales et professionnelles agricoles. Le groupe de travail, que nous avons voulu transpartisan, comprend dix députés et dix sénateurs, désignés selon la représentation et la représentativité des groupes devant chaque assemblée et au choix des deux assemblées.
Sur ce sujet, comme sur d’autres, il nous paraît possible et souhaitable de s’affranchir des clivages politiques. L’objectif est d’aboutir à des propositions ambitieuses et cohérentes qui trouveront leur place dans le prochain projet de loi de finances.
Les enjeux de cette réforme visent notamment à répondre aux points que vous avez soulevés concernant les préoccupations des viticulteurs : il s’agit, en particulier, d’améliorer la résilience des entreprises en encourageant la gestion des risques et des aléas par la constitution de provisions ou d’épargne de précaution ; de renforcer la compétitivité des entreprises agricoles en favorisant les systèmes de production plus performants ; de favoriser la transmission des entreprises agricoles, sujet que vous avez mentionné ; enfin, de prendre en compte la diversification des activités agricoles.
J’ajoute que le travail qui sera mené complétera d’autres chantiers en cours, qui répondent aussi à certaines de vos préoccupations, notamment la loi PACTE – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises – et les états généraux de l’alimentation. Ce chantier devra respecter le cadre européen et notre trajectoire budgétaire. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.
M. Daniel Laurent. Je veux vous faire part d’un seul message : les agriculteurs ont besoin de stabilité et de visibilité pour leur avenir.
Monsieur le Premier ministre, la semaine prochaine se tiendra le Salon de l’agriculture : donnez-leur un signe fort en montrant que vous êtes à leur écoute ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
friche industrielle de vallourec à tarbes
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le ministre, le site de Vallourec à Tarbes est dans une situation critique : en décembre dernier, le groupe Vallourec, dont le principal actionnaire n’est autre que l’État, annonçait la vente des sites à une entreprise américaine.
Vous le savez, deux sites ne sont pas concernés par cette reprise, Cosne-sur-Loire, sur lequel ma collègue sénatrice de la Nièvre, Nadia Sollogoub, vous a déjà interpellé, et le site de Tarbes, pour lequel Viviane Artigalas, que j’associe ici à ma démarche, et moi-même sommes mobilisées.
Les délais imposés par Vallourec pour une reprise des sites concernés fixent la date butoir au 28 février prochain : sans candidat sérieux déclaré, l’entreprise fermera, laissant plus de 50 salariés sans emploi sur le site de Tarbes.
Les Hautes-Pyrénées ont payé le prix fort de la désindustrialisation : 7 000 emplois industriels ont été sacrifiés en trente ans au profit de la métropole toulousaine, qui attire à elle toutes les activités. Vallourec est, au-delà d’un bouleversement humain et social, un symbole : celui de l’abandon d’une stratégie industrielle française. Il est temps que l’État intervienne pour endiguer la désertification industrielle des territoires ruraux, où la qualité de vie et le savoir-faire technique sont pourtant au rendez-vous.
Le 26 janvier dernier, le délégué interministériel aux restructurations venait à notre rencontre pour nous assurer que des projets de reprise étaient à l’étude. À huit jours de l’échéance fixée par le groupe Vallourec, nous n’avons toujours aucune assurance d’une reprise : je vous laisse imaginer la détresse des salariés face à cette situation.
Nous pouvons pourtant aujourd’hui compter sur un outil de production adapté ; un client, Nexter, dont l’importance pour l’armée française est plus que stratégique, qui assure 36 % de la production du site ; enfin, un véritable savoir-faire du personnel, ouvert à une diversification de l’activité.
Aussi, monsieur le ministre, l’État consentira-t-il enfin à faire pression sur le groupe Vallourec en sa qualité d’actionnaire pour qu’il ne fasse pas tomber le couperet du 28 février sur la tête des salariés, et permette ainsi à un repreneur de bâtir un projet industriel sérieux dans un délai raisonnable ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Maryse Carrère, nous avons déjà abordé le sujet de Vallourec et de ses difficultés. La mise en vente des activités drilling a permis la reprise d’une partie des sites, mais pas de ceux de Cosne-sur-Loire et Tarbes, qui n’ont pas été repris par National Oilwell Varco, le repreneur du reste de l’activité.
Comme vous l’avez dit, Jean-Pierre Floris, délégué interministériel aux restructurations d’entreprises, s’est déplacé à Tarbes le 26 janvier dernier pour visiter le site et rencontrer les salariés. Il a également reçu le directeur général de la société Vallourec Drilling le 16 février dernier pour faire le point sur la recherche de repreneurs.
Je peux vous assurer que des moyens importants sont mis en œuvre par la société avec un cabinet spécialisé pour donner, d’ici à la fin du mois de février, la visibilité aux salariés quant à l’avenir du site de Tarbes. Des contacts entre la société et des repreneurs potentiels sont en cours. Deux d’entre eux ont visité le site ces derniers jours. Vallourec travaille avec les repreneurs potentiels en vue d’aboutir rapidement au dépôt d’offres de reprise indicatives qui ouvriraient la voie à des discussions approfondies sur ces projets.
Je vous assure que le Gouvernement et les services de l’État maintiennent leur pleine vigilance afin de permettre la poursuite d’activités sur ce site. (M. François Patriat applaudit.)
pac et diminution des dotations
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Moga applaudit également.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
La politique agricole commune est l’un des fondements de la politique européenne. L’idée, portée depuis 1957, est simple. Les pays dotés d’un potentiel agricole important bénéficient de transferts nets de la part des pays européens qui ne peuvent subvenir à leurs besoins alimentaires. Il s’agit d’une mesure de solidarité, d’une mesure juste. Il convenait de le rappeler.
Au cours de ces dernières décennies, malgré les coups de boutoir répétés de certains pays non agricoles et des hautes autorités bruxelloises pour en finir avec la PAC, la France a toujours résisté. La défense des agriculteurs en Europe a toujours été une ligne rouge infranchissable.
Il semble pourtant que le Président de la République et votre gouvernement se préparent, pour la première fois dans l’histoire, à rompre avec cette fermeté et à accepter une baisse du budget de la PAC. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Cela ouvrirait une nouvelle ère, celle de l’abandon, en Europe, de nos agriculteurs. Si cela était vrai, au-delà du principe, qui est contestable, le moment de cet abandon serait vraiment bien mal choisi, car nos agriculteurs sont au bord de l’asphyxie – le département du Lot-et-Garonne, dont je suis issue, connaît aussi, hélas, ce désastre. Baisser le budget de la PAC de 10 %, de 15 % voire de 30 %, comme le proposent certains, constituerait une véritable trahison des agriculteurs français.
Monsieur le ministre, une baisse du budget de la PAC est-elle envisagée ? Si oui, le Président de la République sera-t-il alors le premier Président français à l’accepter ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat, personne au Gouvernement ni – j’en suis convaincu – au sein de la Haute Assemblée ne souhaite abandonner la PAC. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Là n’est pas la question !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Le ministre de l’agriculture l’a d’ailleurs rappelé hier, à Bruxelles, lors du conseil des ministres de l’agriculture et de la pêche, et au cours de son entretien avec le commissaire européen Phil Hogan, en marge du conseil, la PAC est et restera l’une de nos priorités. (M. Jean-François Husson est dubitatif.)
La France porte évidemment une vision ambitieuse de cette politique intégrée, qui est aussi, je vous le rappelle, la première politique européenne ; il nous faut évidemment défendre une PAC ambitieuse, responsable, qui protège nos agriculteurs et qui libère nos entreprises agricoles, pour transformer le système de production. En effet, il ne suffit pas d’avoir une approche quantitative, il faut également avoir une exigence qualitative sur ce sujet. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Ce n’est pas le problème !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Ainsi, la France devra être offensive pour maintenir le budget de la politique agricole commune, indépendamment de l’impact du Brexit. Il faudra aussi obtenir une simplification de sa mise en œuvre pour les professionnels ; il y va à la fois de l’aménagement du territoire et de notre souveraineté alimentaire – je sais que l’on se retrouvera tous sur ce sujet.
M. Jean-François Husson. Cela dépendra des conditions !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Cela étant, mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, il ne s’agit pas de se contenter de sommes d’argent, il faut aussi profiter de cette PAC pour que celle-ci soit porteuse d’une ambition environnementale renforcée, permettant la rémunération des services environnementaux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous n’aimez pas l’environnement ? (Rires sur les travées du groupe La République En Marche. – Les exclamations redoublent sur les travées du groupe Les Républicains.) Je suis assez surpris que vous n’admettiez pas le rôle majeur du monde agricole en matière de préservation de l’environnement (M. Jean-François Husson s’exclame.) ; or il faut bien évidemment rémunérer l’engagement de nos agriculteurs à ce sujet.
Aussi, je vous le dis, la France portera cette ambition, cette exigence financière, certes, mais également cette ambition qualitative, tant pour les agriculteurs que pour l’ensemble des Français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Joseph Castelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour la réplique.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État ; votre réponse me réjouit, mais je n’arrive pas à être rassurée. Vous avez du mal à cacher, me semble-t-il, que cette PAC va malheureusement baisser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Christian Manable. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
Imaginez, un seul instant, que vous deviez, après une vilaine chute, marcher avec des béquilles pendant quatre mois. Heureusement, on aurait inventé de nouvelles béquilles plus adaptées, qui vous permettraient de bien mieux vous déplacer, mais, voilà, à cause de leur coût, on ne pourrait vous les donner que pendant le premier mois. Et pour les trois mois qui restent ? Rien, il faudrait rester assis. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Vous trouvez cela stupide ? Eh bien, vous allez adorer le dédoublement des classes de cours préparatoire en zone d’éducation prioritaire, que vous êtes en train d’imposer…
Une sénatrice du groupe socialiste et républicain. Absolument !
M. Christian Manable. Ce dédoublement des cours préparatoires constitue une belle ambition, mais à condition d’y mettre les moyens. Il n’est pas raisonnable de penser que les classes rurales soient une variable d’ajustement pour récupérer des postes ; il n’est pas raisonnable de liquider le dispositif « plus de maîtres que de classes » sans laisser le temps nécessaire à son évaluation ; il n’est pas non plus raisonnable de puiser dans les effectifs de remplacement.
Monsieur le ministre, le résultat de votre politique oppose les territoires entre eux, alors qu’il faut tenir compte de la spécificité de chacun.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Christian Manable. Par exemple, dans le département dont je suis élu, la Somme, vous envisagez de supprimer une classe dans la commune de Fressenneville ou encore dans celle d’Eaucourt-sur-Somme. Pourtant, les effectifs y sont quasi stables. Ce n’est donc pas une question démographique, et les parents refusent ces décisions injustes ; d’ailleurs, dans notre département, plusieurs dizaines d’écoles ont été occupées la nuit dernière.
En revanche, il existe une question éducative. La Somme est le deuxième département de France métropolitaine, après l’Aisne, du point de vue du nombre de jeunes ayant une difficulté de lecture – 14,9 %, contre 9,6 % dans le pays –, et l’espérance d’obtenir le baccalauréat est, en Picardie, la plus faible du pays.
Aussi, voici ma question, monsieur le ministre : prendrez-vous en compte les spécificités de nos territoires, en ville comme à la campagne sans, j’y insiste, les opposer l’une à l’autre ? Faites en sorte que la prochaine rentrée scolaire ne s’apparente pas au naufrage du Titanic ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur la plupart des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, n’imaginons pas, regardons la réalité plutôt que le fantasme, et n’alimentons pas le fantasme sur un sujet aussi important que l’éducation de nos enfants.
À la rentrée 2018, dans le premier degré, il y aura 32 650 élèves de moins et, pourtant, il y aura 3 881 professeurs supplémentaires. (M. Jean-François Husson proteste.) Concrètement, cela signifie que, partout en France, dans la ruralité, y compris dans votre département, il y aura davantage de professeurs par élève. Nous n’aurons donc pas fait le choix de soutenir les élèves les plus fragiles dans les quartiers les plus difficiles contre la ruralité ; ces chiffres-là sont faux.
Vous avez évoqué – j’ai bien entendu – trois écoles dans lesquelles il y aura des fermetures de classes, mais je crois qu’il est important pour la représentation nationale, ici présente, de considérer la photographie précise de votre département, la Somme, à la rentrée 2018. Ainsi, il y aura 782 élèves de moins dans les écoles primaires, mais 15 nouveaux postes de professeur. (M. Ladislas Poniatowski s’exclame.) Dans ce département, le vôtre, la carte prévisionnelle, telle qu’elle a été présentée par les services de l’inspection d’académie, prévoit 38 fermetures de classe – vous avez raison, il y aura des fermetures de classe –, contre 77 ouvertures de classe (M. Ladislas Poniatowski s’exclame de nouveau.) ; oui, monsieur le sénateur, et vous le savez !
Vous avez d’ailleurs évoqué l’année dernière, au cours de laquelle une dizaine d’écoles ont été bloquées à la suite de fermetures de classe ; comme quoi, l’année dernière, sous une majorité politique différente, que vous souteniez et moi aussi (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), il y avait donc déjà des fermetures de classe ! En effet, quelles que soient les majorités, chacun sait qu’il y aura évidemment des ouvertures et des fermetures de classe. Il faudrait être aveugle et muet pour considérer que, quand il y a des baisses d’effectif, il faut maintenir des classes ; je crois que personne ne peut tenir ce discours-là.
Par conséquent, nous voyons bien qu’il est inopportun et injuste d’opposer la ruralité aux quartiers (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), notamment dans votre département, monsieur le sénateur, parce que, dans la Somme, département rural, 25 % des écoliers seront bénéficiaires du dédoublement de classes (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) ; voilà la réalité ! Il est donc bien inutile d’opposer la ruralité à l’urbain ; je vous le dis, c’est une fausse polémique ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Emmanuel Capus applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
organisation de l’enseignement dans le primaire
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, ma question concerne les fermetures de classe unique en zone rurale (Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), plus précisément à Havange, en Moselle.
Cette commune a une classe unique à tous les cours avec dix-neuf élèves. Au motif d’une légère baisse à la rentrée, l’Éducation nationale vient de programmer sa fermeture.
Ainsi, dans la ruralité, on exige dix-neuf élèves pour maintenir une classe unique à tous les cours, alors que, dans les quartiers urbains dits « sensibles », le Gouvernement a fixé le seuil à douze élèves pour des classes à un seul cours.
M. Ladislas Poniatowski. Eh oui !
M. Jean Louis Masson. C’est donc clair, monsieur le ministre : on déshabille les zones rurales au profit des quartiers à problèmes !
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, pourquoi refusez-vous que, dans la ruralité, les classes uniques à tous les cours bénéficient du même seuil de douze élèves que les quartiers dits « sensibles », où, pourtant, les classes sont à un seul cours ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – MM. Stéphane Ravier et Jean-Claude Luche applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, depuis des années, il y a un décalage entre le nombre d’élèves dans les classes rurales et le nombre d’élèves dans les classes urbaines (M. Michel Savin s’exclame.), et c’est une bonne chose. Je suis moi-même élu des Alpes-de-Haute-Provence, j’étais confronté à cette réalité, celle de la distance, de la difficulté de l’accès à l’école.
Je pense que, depuis des années, jamais un urbain n’a prétendu qu’il fallait contester cette réalité, qui avantage, en nombre d’élèves par classe par rapport au professeur, le monde rural ; mais vous êtes en train de faire la mécanique inverse. Selon moi, c’est injuste, car cela revient à considérer que, parce que l’on serait dans une école rurale, on aurait, par nature, des difficultés scolaires et on serait d’un milieu social défavorisé. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Or le déterminisme social, mesdames, messieurs les sénateurs, est une évidence. Vous pouvez râler, mais c’est votre échec collectif ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. Le vôtre aussi !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. La réalité du déterminisme social, nous le savons tous, c’est que, selon la catégorie socioprofessionnelle des parents, le lieu où l’on habite, les conditions d’habitation, il y a une injustice fondamentale. Ainsi, quand nous intervenons dans les quartiers les plus difficiles de France et que nous nous adressons justement à celles et ceux qui sont dans la plus grande fragilité, en dédoublant les classes pour les fixer à douze élèves, je me dis que nous faisons acte de justice.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, considérer que des classes de dix-neuf élèves, puisque c’est le seuil que vous évoquez dans le cas de votre département, menaceraient la qualité éducative me semble injuste pour la qualité des enseignants. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
En outre, il est essentiel de noter que, dans votre département aussi, malgré une baisse de 1 003 élèves dans les écoles primaires du département de la Moselle, il y a 20 nouveaux postes de professeur. Or j’ai le souvenir que, pendant deux quinquennats, durant lesquels vous étiez parmi les soutiens actifs de la majorité (M. Jean Louis Masson se lève et proteste. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), chaque année, il y avait des baisses significatives en matière d’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique ; il va vouloir expliquer son « soutien actif »… (Sourires sur diverses travées.)
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, vous dites vraiment n’importe quoi ! Me dire que, moi, j’ai soutenu ces gouvernements… D’abord, je ne soutiens aucun gouvernement, je suis non inscrit. Là, vous racontez vraiment n’importe quoi ! (Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous venez de dire – devant tout le monde ! – que l’on peut supprimer une classe de dix-neuf enfants à tous les cours – si on supprime cette classe, il n’y a plus d’école dans la commune –,…
Une sénatrice du groupe Les Républicains. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Évidemment !
M. Jean Louis Masson. … et vous trouvez cela tout à fait normal ! On prive les élèves de leur école, parce que c’est la ruralité profonde,…
M. Jean Louis Masson. … pour pouvoir créer des postes dans des quartiers dits « à problèmes », où il n’y a qu’un seul cours. Or c’est cela, le scandale, c’est cela, la différence de traitement !
Pourquoi trouvez-vous tout à fait normal que, dans la ruralité, les élèves soient à dix-neuf par classe à tous les cours, et que, s’ils tombent à dix-huit, on supprime leur école ? C’est invraisemblable ! Et vous êtes content de vous, monsieur le ministre… Je vous le dis : c’est une honte ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 8 mars, à quinze heures.
Merci, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)