M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous ne sommes pas à la botte de l’Assemblée nationale !
Mme Françoise Laborde. Cela faisait longtemps que ce projet était dans les tuyaux !
M. Thani Mohamed Soilihi. Ce n’est pas non plus une raison, monsieur le président de la commission des lois, pour que nous tombions dans ses excès. (M. Philippe Pemezec s’exclame.)
Ainsi, s’interrogeant tant sur son opportunité que sur l’efficacité de ses dispositions, le groupe La République En Marche votera contre cette proposition de loi.
M. Loïc Hervé. Dommage !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est navrant !
Mme Françoise Laborde. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. La déontologie, c’est comme la médecine par les plantes (M. Jean-Raymond Hugonet sourit.) : cela ne fait pas de mal, mais que cela puisse guérir de vrais malades reste à prouver… (Rires et applaudissements sur diverses travées.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est bien vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Or les institutions de notre République sont sérieusement malades, comme le montrent les résultats électoraux de 2017, véritable triomphe du « dégagisme », de l’absentéisme, et des votes blancs et nuls. Les élus, députés comme Président de la République, l’ont été par défaut.
Cette « sécession » civique renvoie pour une bonne part au sentiment que, quelle que soit l’issue des consultations, pour l’essentiel, la même politique continuera, avec les mêmes résultats, des résultats marquent la transformation progressive de la Ve République en une république oligarchique, cogérée par la nébuleuse politique gravitant autour du Président, par les fondés de pouvoir des milieux d’affaires – finance et très grandes entreprises –, et par une nouvelle bureaucratie céleste,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce n’est plus la gauche caviar, c’est la gauche affairiste !
M. Pierre-Yves Collombat. Elle a fait ses affaires. (Sourires sur plusieurs travées. – M. le président de la commission des lois s’exclame.) Ce n’est pas mon cas !
Et par une nouvelle bureaucratie céleste, disais-je, constituée en « caste » (M. le président de la commission des lois s’exclame de nouveau.), selon l’expression d’Emanuel Macron lui-même – je n’invente rien –, caste qui se protège et qui veille à son enrichissement.
La fonction de l’État n’est donc plus de faire prévaloir un intérêt général distinct des intérêts particuliers, mais d’assurer la pérennité du système, la concurrence « libre et non faussée » entre les acteurs, l’intérêt général résultant du bon fonctionnement du marché et non d’équilibres dont l’État serait le garant.
Dans un tel agencement des pouvoirs, le « pantouflage », les allers et retours du public – politique ou administratif – au privé ont une fonction essentielle : il s’agit non pas seulement, comme on le dit, d’une gestion fluide des carrières des hauts fonctionnaires, mais du liant qu’il faut mettre entre les membres de l’oligarchie. Pas question donc d’interdire ces pratiques, ni même de les limiter significativement !
Les défenseurs du système sont très nombreux, je le constate encore. Première ligne de défense du pantouflage contre les « irresponsables » qui voudraient le réduire à la portion congrue : noyer le poisson, laisser croire qu’il est un « phénomène qui reste marginal », selon l’expression même du récent rapport d’information de l’Assemblée nationale, datant de février 2018. Selon ce rapport, cela toucherait 1,6 pour 10 000 des agents de la fonction publique.
Bref, pas de quoi s’exciter,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non…
M. Pierre-Yves Collombat. … sauf qu’agréger des inspecteurs généraux rejoignant une grande banque, des agents hospitaliers ouvrant une pizzeria, ou encore des professeurs de philosophie devenant bergers (Sourires.)…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ou sénateurs ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. … – ce n’est pas le secteur privé, monsieur le président de la commission des lois –, cela n’a aucun sens. (MM. Guillaume Arnell et Arnaud Bazin s’esclaffent.)
Le problème n’est pas le nombre de fonctionnaires quittant le service public ou y revenant, mais le fait que de hauts fonctionnaires ayant directement participé à l’élaboration des lois et règlements se retrouvent en position de faire bénéficier leur nouvel employeur de leur connaissance intime des secrets de fabrication et de leur carnet d’adresses, moyennant, évidemment, la multiplication plus que substantielle de leur salaire.
Dans certains ministères et dans certains corps – particulièrement dans celui des inspecteurs des finances –, le pantouflage n’est pas une pratique marginale. Ainsi, parmi les 333 inspecteurs et inspecteurs généraux des finances recensés par une enquête de 2017, plus de 55 % travaillent ou ont travaillé à un moment de leur parcours dans le secteur privé, dont 34 % dans le secteur bancaire. Près de la moitié reviennent dans le secteur public après avoir travaillé dans le privé, les allers et retours multiples étant nombreux. Près de 40 % ont fait un .passage dans un cabinet ministériel ou ont exercé un mandat politique. Enfin, plus de la moitié des grands patrons français du CAC 40 sont polytechniciens ou énarques.
Deuxième ligne de défense : réduire le problème du pantouflage extensif des grands corps à celui du conflit d’intérêts, à une simple question de déontologie. Pas question de se préoccuper des effets corrosifs d’une telle pratique sur les fondements de notre démocratie ; on se concentre donc sur les dispositifs techniques – commission et entretiens de déontologie, déclarations en tout genre, chartes éthiques – censés prévenir les conflits d’intérêts. Tel est l’esprit tant de cette proposition de loi que du rapport de l’Assemblée nationale évoqué voilà quelques instants, dans lequel il est écrit « Vos rapporteurs considèrent le dispositif légal actuel abouti, notamment grâce aux dernières évolutions. » Bref, « Circulez, il n’y a rien à voir ! »…
Troisième ligne de défense : un usage spécieux du conflit d’intérêts, réduit au seul risque de favoritisme. Ainsi, la seule contrainte qui s’impose à un fonctionnaire passé dans le privé est de ne pas faire bénéficier son nouvel employeur d’informations dont ses concurrents ne disposeraient pas. Un ancien directeur de BNP Paribas devenu gouverneur de la Banque de France devra, lui, se déporter, si l’institution doit traiter une question intéressant cette banque, afin d’éviter tout traitement de faveur par rapport à ses concurrents.
Il ne vient pas à l’esprit que le risque de conflit d’intérêts pourrait se situer ailleurs : entre les intérêts du système bancaire, opposé à tout ce qui pourrait ralentir son business, et ceux des citoyens préoccupés avant tout de la résilience du système bancaire par rapport aux crises spéculatives. Le rôle évident joué par la Banque de France dans l’échec des projets de séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires montre qu’il ne s’agit pas d’une question théorique.
Non seulement la proposition de loi ignorait ces questions essentielles, non seulement elle s’en tenait, dès le départ, à quelques mesures déontologiques, que l’on aurait pu soutenir, visant à renforcer les dispositifs de contrôle existants, mais, à l’arrivée, malgré l’adoption de quelques amendements, il n’en reste plus grand-chose ; elle s’est autodétruite en vol. Difficile de s’y résoudre et de ne pas réaffirmer qu’il faut en finir avec ces pratiques délétères. (Mme Éliane Assassi et M. Pierre Ouzoulias, ainsi que Mme Angèle Préville applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, dans une interview parue le mois dernier, Marylise Lebranchu, revenant sur les circonstances qui l’avaient conduite à abandonner une réforme des grands corps de l’État, décrivait comment certains des membres, situés « aux postes clefs de l’État », avaient « assiégé » – ce sont ses mots – le secrétaire général de l’Élysée de l’époque afin de s’y opposer.
L’article III de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame pourtant : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » C’est le signe qu’une réforme de la haute fonction publique ne pourra venir que du Parlement, et en particulier du Sénat, où l’on trouve encore quelques esprits libres, étrangers aux atermoiements d’un microcosme bureaucratique.
Dans ces mêmes murs, après le consensus qui s’était dessiné dans l’hémicycle au cours de l’examen de la loi sur la confiance dans l’action publique, et dans un contexte très favorable, après la publication du rapport d’information de nos collègues députés MM. Matras et Marleix, nous éprouvons encore quelques résistances au changement… une fois la question posée frontalement. L’identité des corps est plus tenace que d’autres, partisanes ou territoriales.
La prévention des conflits d’intérêts implique-t-elle de soumettre les hauts fonctionnaires à des dispositions particulières, et notamment d’encadrer davantage leur pratique de la mobilité ? Oui, nous en sommes convaincus, comme vient de l’expliquer ma collègue Maryse Carrère. Il est encore possible de faire de belles carrières au service de l’État, à condition d’y entrer avec la conscience modeste d’intégrer un grand ensemble. La question de la rémunération ne devrait pas être évitée pour autant, même si ce sujet reste souvent tabou en France.
La mobilité des fonctionnaires est vitale au cours de quarante ans de carrière ; il faut l’encourager et la valoriser. Notre proposition de loi permet quelques améliorations nécessaires aux dispositifs créés par la loi de déontologie des fonctionnaires de 2016, destinés à prémunir les hauts fonctionnaires des soupçons qui pourraient naître du fait de leurs allers et retours entre le secteur public et le secteur privé. Voilà des mesures qui devraient contenter les partisans de la transparence.
La clarification des règles relatives à la durée de la mise en disponibilité est également essentielle à nos yeux.
Par le passé, la commission des lois s’est souvent montrée plus frileuse que l’hémicycle pour légiférer sur ces questions. Nous saluons à ce titre le grand sens du devoir de notre collègue Josiane Costes, qui, bien que coauteur du texte, l’a considérablement élagué en tant que rapporteur, afin de parvenir à une version satisfaisante pour la majorité des membres de la commission des lois.
Son travail et ses auditions ont également permis de mettre en lumière deux points importants. Premier point, la fusion de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et de la commission de déontologie devrait permettre de rendre les contrôles plus efficaces ; nous avons donc déposé un amendement en ce sens, à partir d’un amendement déjà adopté par le Sénat, sur l’initiative de Mme Di Folco.
Cette disposition n’est d’ailleurs pas totalement contraire à un amendement que vous aviez cosigné en tant que député, monsieur le secrétaire d’État, et qui a été adopté ; il tendait à donner compétence à la Haute Autorité pour apprécier la déclaration d’intérêts des agents quand l’autorité hiérarchique n’est pas en mesure de le faire.
L’autre point que je veux souligner est la difficulté de soumettre la haute fonction publique à des règles particulières lorsqu’elle n’est nulle part définie. Le renvoi de la définition du périmètre des catégories « A+ », voire « A++ », à des décrets, comme celui qui fixe les emplois supérieurs pour lesquels la nomination est laissée à la décision du seul Gouvernement, donne l’impression d’une haute fonction publique en autogestion.
Le trop grand laconisme de la loi concernant les règles de mobilité a favorisé le maquis réglementaire actuel, dont, finalement, seuls les mieux informés savent tirer profit pour conduire de longues carrières dans le secteur privé sans abandonner la protection du statut de la fonction publique. N’y a-t-il pas là une question déontologique ?
On cite souvent une phrase de L’Ancien Régime et la Révolution, de Tocqueville, pour s’opposer à la modification des règles imposées aux grands corps de l’État : « Depuis 89, la constitution administrative est […] restée debout [dans les cendres] des constitutions politiques. » Il est ainsi suggéré que, face à la volatilité des opinions politiques des Français, l’administration garantit seule la continuité de l’État.
C’est tordre l’esprit de cet ouvrage, où il est écrit par ailleurs les phrases suivantes, qui, d’une certaine manière, éclairent les circonstances de nos débats : « les fonctionnaires administratifs, presque tous bourgeois, forment déjà une classe qui a son esprit particulier, ses traditions, ses vertus, son honneur, son orgueil propre. C’est l’aristocratie de la société nouvelle, qui est déjà formée et vivante ; elle attend seulement que la Révolution ait vidé sa place. Ce qui caractérise déjà l’administration en France, c’est la haine violente que lui inspirent indistinctement tous ceux, nobles ou bourgeois, qui veulent s’occuper d’affaires publiques, en dehors d’elle. […] En un mot, elle n’entend point que les citoyens s’ingèrent d’une manière quelconque dans l’examen de leurs propres affaires ; elle préfère la stérilité à la concurrence. » Mes chers collègues, nous espérons donc que le vote de cet après-midi ne sera pas stérile, mais qu’il sera cohérent avec les positions précédentes prises dans notre hémicycle.
Dans Le Monde du 21 février dernier, un collectif de hauts fonctionnaires a publié une tribune intitulée « La haute administration, le véritable parti présidentiel ».
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très intéressante !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est vrai !
M. Stéphane Artano. Ce collectif estime que le « macronisme » se distingue par la confusion entre une partie de la haute administration et la politique du Gouvernement.
La haute administration est donc déjà sous les feux de la rampe, et il est de notre responsabilité de ne pas la laisser en proie à une sorte de vindicte populaire. Ne pas légiférer aujourd’hui, c’est se condamner à devoir le faire dans quelque temps, sous la pression ; or nous savons tous que, sous la pression, la passion pourrait prendre le pas sur une réforme objective des choses, dont la nécessité a été rappelée par le président de la commission des lois, à l’occasion de différentes réunions. Ne pas légiférer aujourd’hui, comme nous le proposons, serait un manque de discernement ; la presse est déjà attentive au sujet que nous abordons.
Quant à l’argument tiré du respect de l’Assemblée nationale, sachez que je ne ferai pas partie de ceux qui font des courbettes devant cette chambre. Le bicamérisme français ne passe pas par la soumission des travaux d’une assemblée à une autre,…
Mme Françoise Laborde. Bravo !
M. Stéphane Artano. … mais bien par le respect de l’indépendance de chacune d’entre elles. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à renforcer la prévention des conflits d’intérêts liés à la mobilité des hauts fonctionnaires
Article additionnel avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant les caractéristiques statutaires et indiciaires de la catégorie A+ au sein de la fonction publique d’État.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Lors de ses auditions, notre rapporteur a constaté la difficulté de soumettre les hauts fonctionnaires à des exigences particulières en matière de lutte contre les conflits d’intérêts, en raison de l’absence de définition légale de cette catégorie de fonctionnaires. Il existe une appellation officieuse, la « catégorie A+ », qui est actuellement utilisée pour désigner les fonctionnaires de catégorie A bénéficiant de traitements supérieurs à la moyenne de la catégorie, en raison de leurs fonctions supérieures dans la hiérarchie administrative. D’autres interlocuteurs de la rapporteur ont également évoqué l’appellation « G16 », pour « 16 grands corps », mais cette appellation aussi semble davantage reposer sur des critères honorifiques.
Sur un tout autre sujet, a récemment été évoquée la revendication des gardiens de prison d’être considérés comme des agents de catégorie B.
On constate donc bien que, en raison du gel du point d’indice et des diverses revendications qui en découlent, les frontières des catégories classiques sont remises en cause.
Dans ces conditions, dans le cadre d’un travail global de réflexion sur la rémunération des agents publics, la création d’une nouvelle catégorie, supérieure à la catégorie A, pourrait être envisagée, rassemblant les corps destinés à exercer des fonctions d’encadrement supérieur. Il s’agit d’une revendication des hauts fonctionnaires, qui pourrait également être utile pour renforcer la prévention des conflits d’intérêts les concernant.
C’est pourquoi un rapport du Gouvernement pourrait nous éclairer en la matière ; c’est ce que nous demandons au travers de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Josiane Costes, rapporteur. Effectivement, les auditions que j’ai menées dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi m’ont permis de constater, et de regretter, qu’il n’existe pas aujourd’hui de définition légale de la haute fonction publique. Cette absence de définition légale conduit, selon les interlocuteurs que j’ai entendus, à des évaluations différentes du nombre de hauts fonctionnaires, c’est-à-dire de ceux qui appartiennent à la catégorie non officielle A+. Leur nombre serait compris entre 12 000 et 34 000 personnes, sans compter les maîtres de conférences.
De même, je n’ai pas pu obtenir de données précises sur la mobilité des fonctionnaires vers le secteur privé. Il serait donc intéressant que le Gouvernement se dote d’un outil statistique plus étoffé.
Pour autant, la commission des lois a une position ancienne et constante sur les demandes de rapport ; elle n’y est pas favorable. Nombre d’entre eux ne sont en effet jamais remis, en dépit des demandes du Parlement. En outre, rien n’empêche les assemblées, au titre de leur mission de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, de créer une mission d’information ou une commission d’enquête sur ce sujet.
La commission des lois émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est, de la même manière, défavorable, pour deux raisons.
La première est qu’il n’existe pas de définition statutaire de la catégorie A+ ; c’est une appellation qui concerne essentiellement les corps représentés au sein du G16, que vous avez évoqué il y a un instant, c’est-à-dire l’association des syndicats ou d’associations représentant les hauts fonctionnaires ou les corps recrutant à la sortie de l’ENA ou de Polytechnique. La première raison qui nous amène à nous opposer à la production de ce rapport est donc l’absence de base statutaire.
La seconde raison tient à l’objet de la proposition de loi que vous nous proposez et que vous défendez, laquelle traite des obligations déontologiques spécifiques aux emplois supérieurs de l’administration, à savoir, depuis 2013, les emplois à la décision du Gouvernement et, depuis la loi de 2016, les emplois dont le niveau hiérarchique et la nature des fonctions le justifient. Ces emplois sont tous soumis à des obligations déclaratives – déclarations d’intérêts, de situation patrimoniale, voire, pour certains emplois, des mandats de gestion –, sans que leur appartenance ou non à ce qu’on appelle « la catégorie A+ » ait d’incidence sur la situation. Finalement, l’entrée par le prisme de la catégorie A+ ne suffit pas à atteindre votre objectif en matière de déontologie pour les postes de hauts fonctionnaires.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 12 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Lorsque, en application de son statut particulier comportant une période de formation obligatoire préalable à la titularisation, un fonctionnaire a souscrit l’engagement de servir pendant une durée minimale, sa mise en disponibilité avant que cet engagement soit honoré, sauf disponibilité de droit ou disponibilité pour raison de santé, entraîne une obligation de remboursement préalable des sommes fixées par la réglementation applicable, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit de réintroduire un article qui était dans la proposition de loi initiale. Son objet est de s’assurer, en instaurant une obligation, que les avantages pécuniaires qu’un fonctionnaire a pu obtenir pour exercer telle ou telle fonction du secteur public fassent l’objet d’un remboursement ; le fonctionnaire doit rembourser la pantoufle avant de passer dans le privé.
On me fera bien sûr remarquer, comme on l’a déjà fait, que la plupart des agents concernés sont mis en disponibilité, donc qu’ils ne quittent pas la fonction publique. Certes, mais ça peut durer, sinon ad vitam aeternam, du moins un temps certain.
Je veux aussi faire remarquer que ces gens, qui se présentent à des concours de recrutement prestigieux et qui s’en vont au bout de deux ou trois ans, prennent la place d’autres personnes, qui n’ont pas leur chance. Je trouve donc cela profondément illégitime. En général, ces engagements ne sont pas très longs et, quand on a pris un engagement, on le tient !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Josiane Costes, rapporteur. Le présent amendement soulève la question du remboursement des frais de scolarité pour les fonctionnaires demandant une mise en disponibilité avant le respect de leur engagement minimal au service de l’État.
Il semble procéder d’une confusion entre mise en disponibilité et démission d’un fonctionnaire. Dans le cadre d’une mise en disponibilité, le fonctionnaire détient toujours un lien avec l’administration ; aucune disposition n’interdit aujourd’hui à un jeune fonctionnaire de partir en disponibilité, quel qu’en soit d’ailleurs le motif. On peut le regretter, mais gardons à l’esprit qu’une mise en disponibilité est limitée dans le temps, avec des durées variables selon les cas.
Dans le cas d’une démission, et si celle-ci intervient avant que ne soit respectée la durée minimale de leur engagement de servir dans la fonction publique, les fonctionnaires sont tenus de rembourser la pantoufle. Suivant les corps, la période de scolarité n’est pas toujours prise en compte. Cette obligation est donc prévue, mais relève du domaine réglementaire.
La commission des lois demande aux auteurs de cet amendement de le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis est défavorable, pour des raisons identiques à celles qui ont été évoquées par Mme la rapporteur et pour d’autres raisons, que je vais présenter.
D’abord, l’adoption de cet amendement ferait obstacle, selon nous, à la mobilité des carrières entre l’emploi public et l’emploi privé, puisque cette disposition priverait tout fonctionnaire de la possibilité d’exercer une mobilité dans le secteur privé tant que son engagement de servir n’est pas satisfait. Or cet engagement peut être satisfait nonobstant une mobilité dans le secteur privé ; c’est ce que l’on constate dans la plupart des cas.
Il faut aussi souligner que le décret du 9 mai 2017 relatif à la position de disponibilité des fonctionnaires de l’État souhaitant exercer une activité dans le secteur privé prévoit que, lorsque l’engagement de servir n’a pas été intégralement réalisé, la durée de la disponibilité pour convenance personnelle, c’est-à-dire pour exercer des activités dans le secteur privé, est fixée à trois ans renouvelables seulement une fois pour une durée d’un an, et que le bénéfice d’une nouvelle disponibilité de ce type est subordonné à l’accomplissement de l’intégralité de la période d’engagement de servir.
Enfin, du point de vue rédactionnel, la notion de frais de scolarité, à la différence de celle de coûts de scolarité, n’est applicable qu’aux écoles de service public qui accueillent également des élèves non fonctionnaires, redevables de ces frais ; dans le cas des écoles n’ayant que des élèves fonctionnaires, il n’y a pas de frais de scolarité.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Bien sûr, je ne retirerai pas cet amendement.
Je constate simplement que la réglementation et la législation sont très bien faites…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous êtes bien protégés !
M. le président. En conséquence, l’article 1er demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant les mesures mises en œuvre pour obtenir le remboursement du montant des traitements et indemnités perçues lors de leur scolarité par les anciens élèves de l’École normale supérieure, l’École nationale d’administration et l’École Polytechnique bénéficiant d’une mise en disponibilité et n’ayant pas souscrit à l’engagement de rester au service de l’État pendant la durée minimum prévue par décret.
La parole est à Mme Maryse Carrère.