Sommaire
Présidence de M. Philippe Dallier
Secrétaires :
MM. Éric Bocquet, Guy-Dominique Kennel.
2. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
4. Candidatures à une mission d’information
5. Salut en séance aux auditeurs de l’Institut du Sénat
6. État au service d’une société de confiance. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 146 de M. Éric Bocquet. – Retrait.
Amendement n° 76 de Mme Claudine Lepage. – Rejet.
Amendement n° 48 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 70 de M. Jérôme Durain. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Amendement n° 147 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 200 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article 15 ter (examiné dans le cadre de la législation en commission) – Réservé.
Article additionnel après l’article 15 ter
Amendement n° 211 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 148 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 49 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 181 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 182 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 168 de Mme Élisabeth Lamure. – Rejet.
Amendement n° 149 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 16
Amendement n° 210 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 17 bis
Amendement n° 27 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
Amendement n° 150 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 184 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 215 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 127 de Mme Angèle Préville. – Rejet.
Amendement n° 199 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 20
Amendement n° 71 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 72 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 217 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 22 et 22 bis (examinés dans le cadre de la législation en commission) – Réservés.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale
Amendement n° 185 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 13 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 218 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 23 bis
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Adoption de l’article.
Amendement n° 171 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 25
Amendement n° 18 rectifié de M. Yves Détraigne. – Retrait.
Amendement n° 153 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 97 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 50 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié de M. Yves Détraigne. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 51 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 27 (examiné dans le cadre de la législation en commission) – Réservé.
Amendement n° 154 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 52 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 28
Amendement n° 155 rectifié de M. Éric Bocquet. – Retrait.
Amendement n° 219 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 32 rectifié bis de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article 30 (suppression maintenue)
Article additionnel après l’article 30
Amendement n° 156 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 159 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 93 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 204 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 61 de M. François Patriat. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 160 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié de Mme Christine Lavarde. – Adoption.
Amendement n° 53 rectifié du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
Amendement n° 53 rectifié du Gouvernement (suite). – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 34
Amendement n° 108 rectifié ter de M. Bruno Retailleau. – Retrait.
Amendement n° 161 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 10 rectifié ter de M. Daniel Laurent. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 34 ter
Amendement n° 162 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 220 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 12 rectifié bis de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Retrait.
Amendement n° 221 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 35
Amendement n° 174 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 64 rectifié de M. Roland Courteau. – Retrait.
Amendement n° 157 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 222 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Articles additionnels après l’article 35 bis
Amendement n° 173 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 198 rectifié bis de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Adoption de l’article.
Article 37 (examiné dans le cadre de la législation en commission) – Réservé.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 172 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet par scrutin public n° 69.
Amendement n° 189 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet par scrutin public n° 70.
Amendement n° 187 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet par scrutin public n° 71.
Amendement n° 68 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 73 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 38
Amendement n° 56 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 163 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 11 rectifié bis de M. Daniel Laurent. – Retrait.
Amendement n° 8 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles 40 et 40 bis (supprimés)
Articles 41 et 42 (supprimés) (examinés dans le cadre de la législation en commission) – Réservés.
Articles 45 et 46 (supprimés) (examinés dans le cadre de la législation en commission) – Réservé.
Amendement n° 67 de M. Jérôme Durain. – Retrait.
Amendement n° 170 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 225 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’intitulé.
Vote sur les articles examinés selon la procédure de législation en commission
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale
Articles 15 ter, 17, 17 bis A, 17 bis B, 22, 22 bis, 27 et 37 (réservés) – Adoption.
Articles 41, 42, 45 et 46 (réservés) (supprimés)
Renvoi de la suite de la discussion.
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
Nomination des membres d’une mission d’information
compte rendu intégral
Présidence de M. Philippe Dallier
vice-président
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
M. Guy-Dominique Kennel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, en cours d’examen.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Candidatures à une mission d’information
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés créée sur l’initiative du groupe La République En Marche en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 du règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.
Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
5
Salut en séance aux auditeurs de l’Institut du Sénat
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence dans nos tribunes des auditrices et des auditeurs de la troisième promotion de l’Institut du Sénat. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, se lèvent.)
Le bureau du Sénat avait décidé, en 2015, sur l’initiative de notre ancien collègue Jean-Léonce Dupont, de mettre en œuvre ce programme de formation en vue de mieux faire connaître les modalités de fonctionnement et les enjeux de notre démocratie parlementaire à des personnalités diverses.
Les vingt auditeurs de cette troisième promotion, qui viennent tous d’un département différent, sont issus de tous les secteurs socioprofessionnels : ils sont étudiant, fonctionnaires, responsables syndicaux, dirigeants d’entreprise, notaire, chirurgien, exploitant agricole ou encore journaliste.
Tout au long de leurs travaux, qui ont commencé hier et qui s’achèveront à la fin du mois de juin, ils rencontreront, dans le cadre d’ateliers organisés à leur intention, plusieurs de nos collègues sénateurs et des fonctionnaires du Sénat.
En votre nom à tous, je leur souhaite une excellente session au Sénat, certain qu’à l’issue de ces trois mois ils pourront être les témoins privilégiés de la place essentielle de notre institution au sein de la Ve République et de la qualité du travail parlementaire. (Applaudissements.)
6
État au service d’une société de confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (projet n° 259, texte de la commission n° 330, rapport n° 329).
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous reprenons, au sein du chapitre III du titre Ier, l’examen de l’article 15 A.
TITRE Ier (suite)
UNE RELATION DE CONFIANCE : VERS UNE ADMINISTRATION DE CONSEIL ET DE SERVICE
Chapitre III (suite)
Une administration qui dialogue
Article 15 A (suite)
I. – À compter du 1er janvier 2021, les administrations au sens du 1° de l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et l’administration, à l’exception des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, ne peuvent recourir à un numéro téléphonique surtaxé dans leurs relations avec le public au sens du 2° de ce même article.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 146, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, cet article est tout à fait représentatif de la nature du présent texte.
M. Roger Karoutchi. Allons bon !
M. Pierre-Yves Collombat. La proposition ici formulée, à savoir mettre à la disposition des usagers des administrations un numéro téléphonique qui ne soit pas surtaxé, est ma foi une très bonne idée (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.), sauf que ce n’est pas du ressort de la loi : c’est même à peine de l’ordre du règlement ! Il s’agit d’un simple problème d’organisation des services.
Aussi avons-nous déposé cet amendement de suppression. Toutefois, pour éviter de voir supprimer une si belle réalisation, je le retire, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 146 est retiré.
L’amendement n° 76, présenté par Mmes Lepage et Conway-Mouret, MM. Leconte et Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, Taillé-Polian, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
surtaxé
insérer les mots :
, y compris depuis l’étranger,
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Tout d’abord, je tiens à exprimer mon vif regret que sept de mes amendements se soient vu opposer l’article 41 de la Constitution, alors même que, par leur objet et leurs dispositions, ils s’inscrivaient pleinement dans l’esprit du présent texte.
Ma déception est partagée par mes collègues représentant les Français établis hors de France, comme elle le sera probablement aussi par les 3 millions de Français résidant hors de France.
J’en viens à l’objet de cet amendement, qui lui, n’a pas été retoqué…
Pour les Français établis hors de France, tout comme pour nos compatriotes de passage à l’étranger pour des raisons touristiques ou professionnelles, il peut être très difficile de joindre une administration par téléphone : le numéro mis à la disposition du public n’est parfois tout simplement pas accessible depuis l’étranger.
Cet amendement vise donc à s’assurer que toutes les administrations mettent à la disposition du public un numéro téléphonique non surtaxé, mais également accessible depuis l’étranger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission spéciale. Cet amendement a pour objet de permettre aux Français établis hors de France de joindre les administrations de l’État depuis l’étranger.
Toutefois, le dispositif de cet amendement modifie le texte adopté en commission sans que cet ajustement corresponde aux intentions de ses auteurs.
Au demeurant, je précise que, si les numéros courts ou certains numéros en 08 ne sont pas joignables depuis l’étranger, la plupart des services publics mettent à disposition un numéro de téléphone joignable depuis l’international, en plus du numéro court joignable depuis la France. C’est, par exemple, le cas de l’assurance maladie, de l’assurance vieillesse ou de Pôle emploi.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
J’ajoute que l’article 15 A a une portée générale : il s’applique à tous les Français, qu’ils se trouvent en métropole ou à l’étranger. Pour le Gouvernement, cela implique de veiller à ce que les numéros soient accessibles, comme Mme Lepage le demande au nom des Français de l’étranger.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Pour ma part, j’aurais voté l’amendement de suppression de cet article, si notre ami Pierre-Yves Collombat ne l’avait pas retiré.
Monsieur le secrétaire d’État, sincèrement, où sommes-nous ? Au Sénat de la République ? Le Sénat de la République en est donc à débattre pour savoir si l’on crée un numéro de téléphone, et si ce numéro de téléphone doit être accessible depuis tel ou tel endroit ? La prochaine fois, faites-nous faire les circulaires : même pas les décrets, les circulaires !
Franchement, abaisser le Parlement à ce point, il y a des limites !
M. Éric Bocquet. Oui !
M. Roger Karoutchi. Alors, je voterai ce que l’on voudra (Sourires.), mais enfin, je le répète, où sommes-nous ?
Je demande au président du Sénat de le rappeler clairement : il y a l’article 40, l’article 41, l’article 45, il y a la Constitution de la République, qui fait la différence entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire. Si l’on en est là, ne vous étonnez pas que l’on en vienne à se demander à quoi sert le Parlement ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Éric Bocquet. Bravo !
M. le président. Après avoir rassuré notre collègue Roger Karoutchi – nous sommes bien au Sénat, et je suis bien président de séance -, je donne la parole à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Bien entendu, nous allons voter l’amendement déposé par notre collègue Claudine Lepage ; et, à mon tour, je saisis cette occasion pour m’exprimer plus largement sur cet article.
Je veux relayer, avec d’autres mots mais beaucoup moins de talent, les propos de M. Karoutchi.
Nous sommes à peu près à mi-chemin dans l’étude de ce texte et, en somme, les remarques formulées par Claudine Lepage révèlent bien les difficultés que nous pose ce projet de loi, avec sa référence emphatique à la « société de confiance ».
Parmi ces dispositions, il y a du réglementaire, il y a du législatif, il y a de l’organisationnel. Or Claudine Lepage s’est interrogée sur ses nombreux amendements auxquels on a opposé l’article 41.
On nous annonçait un texte triomphant, révolutionnaire, et le résultat est un peu décevant. Il faut prendre ce qu’il y a de bon dans ce projet de loi, et nous allons le faire. Que les numéros de téléphone des administrations ne soient pas surtaxés, c’est une excellente chose. Mais, par ailleurs, nous sommes un peu déçus.
Nous allons tenter d’imprimer du rythme aux débats de cette après-midi, insuffler de l’enthousiasme,…
Mme Françoise Férat. Cela ne va pas être facile…
M. Jérôme Durain. … mais, malgré tout, il faut chercher au fond de nos tripes la motivation nécessaire pour soutenir ce travail parlementaire, qui se révèle parfois décevant. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.
Mme Claudine Lepage. Je comprends tout à fait l’argument de M. Karoutchi. Mais, à partir du moment où j’ai constaté que l’un des articles de ce projet de loi traitait de la mise à disposition du public d’un numéro d’appel en France, j’ai jugé nécessaire de proposer l’extension du dispositif aux Français de l’étranger.
M. Roger Karoutchi. Cela ne me pose aucun problème !
Mme Claudine Lepage. Voilà pourquoi je ne retire pas mon amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 48, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. le président. L’amendement n° 70, présenté par M. Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, Taillé-Polian, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
aux articles 575 et 575 A
par les mots :
à l’article 235 ter ZD
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je me permets de répondre à mon cher collègue Roger Karoutchi que l’article 15 A ne vient pas du Sénat.
M. Roger Karoutchi. J’imagine bien !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je tenais à le préciser, pour remettre les choses à leur place.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Très bien !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Toutefois, ce texte est également relatif à la confiance entre l’administration et les usagers. À ce titre, il faut s’assurer que ces derniers n’ont pas à payer très cher leur temps d’attente téléphonique.
C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables à cet article. Bien sûr, nous sommes également favorables à l’amendement n° 48, qui tend à lever le gage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 70 ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement vise à gager l’article par une augmentation de la taxe sur les transactions financières, laquelle a déjà été augmentée de 50 % au titre du dernier projet de loi de finances. Or, par l’amendement n° 48, le Gouvernement propose une levée de gage traditionnelle.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 70 au profit de l’amendement du Gouvernement.
M. Charles Revet. Voilà !
M. le président. Monsieur Durain, l’amendement n° 70 est-il maintenu ?
M. Jérôme Durain. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 70 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 48.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 A, modifié.
(L’article 15 A est adopté.)
Article 15
À titre expérimental, les administrations, les établissements publics de l’État et les organismes de sécurité sociale dont la liste est fixée par décret ainsi que les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics locaux qui en font la demande peuvent instituer, pour des procédures et des dispositifs déterminés, un référent unique à même de faire traiter des demandes qui lui sont adressées pour l’ensemble des services concernés. Ce référent unique est joignable par tout moyen par les administrés au sein de l’agence ou de l’antenne dont ils dépendent.
L’expérimentation est menée pour une durée de quatre ans à compter de la publication du décret prévu au premier alinéa et fait l’objet d’une évaluation, notamment de son impact sur les délais de traitement des demandes, dont les résultats sont transmis au Parlement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Monsieur le secrétaire d’État, je profite de votre présence dans l’hémicycle pour vous alerter sur un sujet à propos duquel plusieurs de nos interlocuteurs nous ont interpellés, et vous interpellent par mon intermédiaire. Il s’agit des expérimentations mises en œuvre par les collectivités territoriales en matière de tarification sociale de l’eau.
La loi Brottes a permis aux collectivités organisatrices des services d’eau et d’assainissement qui le souhaitent d’expérimenter, à compter d’avril 2013 et pour une durée de cinq ans, la mise en place d’une tarification sociale de l’eau. Des aides au paiement des factures d’eau ont ainsi pu être décidées en faveur des personnes en difficulté.
Cette période quinquennale arrive à sa fin et, aujourd’hui, aucune mesure n’est mise en place pour prolonger l’expérimentation. Certes, sur l’initiative des élus du groupe socialiste et républicain, le Sénat est appelé à étudier, au début d’avril prochain, une proposition de loi dont c’est le but. Mais, nous le savons, l’examen des propositions de loi peut prendre du temps…
Or – on est bien au cœur du sujet ! – les expérimentations servent aussi aux évaluations. La question que je vous pose, et que je pose plus largement à l’ensemble du Gouvernement, est donc double. Quelle est, aujourd’hui, l’intention du Gouvernement pour ce qui concerne cette période quinquennale d’expérimentation ? Fera-t-il en sorte que cette proposition de loi, après avoir été examinée par le Sénat, soit très rapidement inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ou une initiative gouvernementale est-elle prévue ?
Il s’agit là d’un sujet important. Lors des débats d’hier, nous avons eu l’occasion d’évoquer l’enjeu d’accessibilité aux services et, à ce titre, le respect de la parole de l’État.
J’ajoute que les mesures en question concernent des Français qui, en tous les cas, éprouvent des difficultés d’accès au service de l’eau : les intéressés ont tout simplement du mal à payer leurs factures. Il faut donc prolonger cette tarification sociale du service de l’eau.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Monsieur le président de la commission spéciale, je ne reviendrai pas sur la loi du 15 avril 2013, que vous avez rappelée, et sur les possibilités qu’elle ouvre aux collectivités de mener à bien des expérimentations.
Il est vrai que, compte tenu du délai nécessaire à la mise en place de cette expérimentation, les premiers résultats obtenus par les collectivités, quoique intéressants, sont trop récents pour permettre de déterminer s’il est opportun de généraliser à l’ensemble du territoire national certaines des solutions mises en œuvre.
Le Comité national de l’eau a émis une recommandation pour prolonger cette expérimentation.
En parallèle, une proposition de loi a été déposée sur le bureau du Sénat le 7 février dernier par Mme Lubin, MM. Kerrouche et Kanner, ainsi que plusieurs de leurs collègues, pour prolonger l’expérimentation de trois ans, comme l’autorise la loi.
Vous l’avez dit, cette proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour du Sénat pour le 4 avril prochain. Le simple fait d’avoir déposé ce texte entraîne automatiquement une prolongation d’un an maximum de l’expérimentation, le temps que le texte soit adopté, comme le précise l’article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales.
En tout état de cause, le Gouvernement œuvrera pour que cette proposition de loi soit adoptée au plus tôt, si bien entendu la Haute Assemblée la vote. Ainsi, il sera possible de sécuriser les expérimentations en cours et d’en tirer les meilleurs enseignements avant toute décision.
Je le répète, le simple dépôt de cette proposition de loi, que le Sénat va examiner, ouvre une prolongation automatique d’un an des expérimentations. (M. Jackie Pierre s’exclame.)
M. le président. L’amendement n° 147, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Évidemment, les élus de notre groupe approuvent l’objectif de rendre les relations avec les administrations plus simples et plus fluides, mais ils ne pensent pas que le « référent unique » en soit le garant.
En effet, beaucoup de collectivités locales et d’administrations ont déjà instauré des « guichets uniques ». L’expérimentation proposée ici porte sur la mise en place d’un référent unique « à même de faire traiter des demandes qui lui sont adressées pour l’ensemble des services concernés ».
Or, à cet égard, plusieurs problèmes surgissent.
Tout d’abord, ce « référent unique » apparaît comme un pis-aller face à la baisse des moyens alloués aux administrations, qui s’observe depuis plusieurs années et qui explique grandement les difficultés de nos concitoyens à voir leurs demandes traitées avec la plus grande célérité.
Ensuite, cette baisse des moyens dévolus aux services déconcentrés va de pair, pour le coup, avec la complexification de certaines démarches.
De plus, penser qu’un référent unique puisse maîtriser la diversité des métiers, des procédures administratives et des qualifications nécessaires pour traiter les demandes nous paraît tout à fait irréaliste.
Le fonctionnaire omniscient, capable de trouver une réponse à toutes les préoccupations des administrés, je ne suis pas certain qu’il existe. On peut même se demander si c’est tout à fait souhaitable… Ce référent deviendrait une sorte de numéro surtaxé d’information à visage humain !
De manière encore plus concrète, on peut raisonnablement penser que la participation des collectivités locales au dispositif révèle in fine la véritable intention dissimulée, selon nous, derrière ce « référent unique » : celle de permettre la poursuite, sans difficulté majeure, du processus de réduction de la présence territoriale des services de l’État, par transfert de charges en direction des collectivités. Ce processus est à l’œuvre depuis de nombreuses années déjà.
Ainsi donc, si l’on peut dire, « l’administration de conseil et de service » ne serait plus une administration de guichet. Elle négligerait de fait son « front-office », comme on dit dans les milieux d’affaires autorisés, au profit d’un « back-office » en lente, mais sûre déshérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission spéciale. M. Bocquet nous propose de supprimer cet article. Or, lors des auditions que nous avons menées, les différentes parties prenantes ont salué ce dispositif, auquel j’adhère également, puisqu’il a pour objet la simplification des démarches administratives des usagers.
En outre, l’article 15 de ce projet de loi n’a pas pour but de constituer un réseau de maisons de services au public, contrairement à ce que l’on peut lire dans l’objet de cet amendement. Il est entendu que nous avons supprimé en commission spéciale l’article 15 bis, qui prévoyait par ailleurs la création d’un référent unique dans les maisons de services au public.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement est attaché au dispositif figurant dans cet article : il émet donc évidemment un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° 147 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 200 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Duplomb, Mouiller et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Vaspart, Pillet et Cornu, Mmes Bruguière, Thomas, Chain-Larché, Deromedi et Estrosi Sassone, MM. Guené et Pellevat, Mmes Lamure et Di Folco, M. Bazin, Mme Duranton, MM. Bonne, Danesi, Chatillon et Grand, Mmes Lopez et Garriaud-Maylam, MM. Émorine, Rapin, Paul, Kennel, Pointereau, Daubresse et Pierre, Mme Canayer et MM. Revet, Cuypers, Priou, B. Fournier, Poniatowski et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Supprimer le mot :
faire
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Il ne s’agit pas de supprimer l’interlocuteur unique, comme c’était le cas avec le précédent amendement, mais, au contraire, de lui donner une capacité décisionnelle.
Si nous voulons être efficaces, confions à cette personne les moyens de décider, de répondre concrètement à ses interlocuteurs. Un avis du Conseil d’État en date du 23 novembre 2017 va d’ailleurs dans ce sens : il préconise notamment de donner un pouvoir de décision au référent unique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement, présenté comme rédactionnel, tend en fait à modifier le rôle du référent unique.
L’expérimentation prévoit que le référent unique facilite la vie des usagers, d’une part, en coordonnant leurs démarches pour une procédure donnée, d’autre part, en faisant traiter les demandes par les services concernés.
À ce stade, le référent unique n’a pas vocation à traiter lui-même les demandes ou à prendre les décisions - nous avons été alertés, notamment, par plusieurs associations d’élus, dont l’Association des maires de France, l’AMF.
La commission spéciale n’a pas souhaité conférer de pouvoir de décision au référent unique. Or c’est bien la conséquence qu’aurait la suppression du verbe « faire ».
La commission spéciale demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement considère plus sage de procéder par étapes. Commençons par une démarche de facilitation. Puis, si l’expérimentation est concluante, la question du pouvoir de décision pourra être abordée.
En l’état et à ce stade, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 200 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. Je vais retirer mon amendement,…
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Ah !
M. Daniel Gremillet. … mais, sincèrement, j’estime qu’en l’état l’article 15 n’apporte absolument rien.
M. Pierre-Yves Collombat. Eh oui !
M. Daniel Gremillet. On veut gagner en efficacité, on veut simplifier, on veut rendre concrète l’action de ce référent unique, et on ne lui donne pas de capacité décisionnelle ! Cela veut dire qu’il sera réduit à un rôle d’animateur, dans l’attente de la réponse des uns et des autres.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Bref, il jouera les passe-plats…
M. Daniel Gremillet. Je pensais que ce texte traduisait bien plus d’ambition et de volonté d’agir. On passe à côté des enjeux ! Finalement, je regrette de ne pas avoir voté la suppression de cet article, car, ainsi rédigé, il n’a pas de sens.
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. Daniel Gremillet. Cela étant, compte tenu des deux avis défavorables qui ont été exprimés, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 200 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote sur l’article.
Mme Michelle Meunier. Nous voterons cet article. L’idée du référent unique est bonne, et l’on voit d’où vient le souci de rapprochement et de simplification dans les rapports entre nos concitoyens et les services administratifs.
Cela étant, les questions qui ont été posées sont de vraies questions : quels seront les moyens mis à la disposition de ce référent ? Quels seront son profil et sa formation ? Pour être efficace, il devra disposer, non seulement d’une bonne formation initiale, mais aussi d’une véritable formation continue.
Voilà pourquoi, même si nous votons cet article, nous demandons à avoir les preuves de la bonne mise en place du référent unique.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Article 15 bis
(Supprimé)
Article 15 ter
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
À titre expérimental et avec l’accord des signataires des contrats de ville concernés, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville définis à l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine dont la liste est fixée par décret, les porteurs de projets peuvent effectuer un dépôt unique dématérialisé des demandes de concours financiers qu’ils adressent aux signataires des contrats de ville prévus à l’article 6 de la même loi.
Les signataires des contrats de ville organisent une instruction partagée de ces demandes et prennent une décision collégiale dans le cadre de l’instance de pilotage prévue au même article 6. Ils instituent un référent unique chargé du suivi des demandes et de la coordination entre les différents services instructeurs.
Cette expérimentation est menée pour une durée de trois ans à compter de la publication du décret prévu au premier alinéa du présent article. Elle fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme.
M. le président. L’amendement n° 211 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 15 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article L. 114-10 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5 : Indicateurs de résultats et de qualité de service
« Art. L. 114-11 - Les administrations traitant des demandes ou recevant du public publient des indicateurs de résultats et de qualité de service. Ces indicateurs sont actualisés annuellement.
« Le présent article ne s’applique pas aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs et à leurs groupements ainsi qu’aux personnes morales de droit privé à qui elles confient la gestion d’une mission de service public administratif. »
II. – La publication prévue à l’article L. 114-11 du code des relations entre le public et l’administration est effectuée à des dates fixées par décret et au plus tard au 31 décembre 2020.
Le décret précise également les modalités d’application de cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement vise à instituer un dispositif d’indicateurs de résultats et de qualité de service mesurant la satisfaction des usagers.
Ce dispositif devra être mis en œuvre par les administrations en contact avec le public, et les indicateurs feront l’objet d’une publication.
Le but est d’assurer une information à destination, d’une part, des administrations, qui pourront ainsi prendre conscience des progrès effectués, et, d’autre part, des usagers, qui seront renseignés quant aux performances de l’administration avec laquelle ils sont en contact.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au travers de dispositions contraignantes, cet amendement tend ainsi à traduire un objectif qu’il vous a été proposé d’insérer dans la stratégie nationale d’orientation de l’action publique : l’accès, pour toute personne, à une information transparente sur l’efficacité et la qualité des services publics en relation avec les usagers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement, déposé tardivement, tend à inscrire dans la loi la publication d’indicateurs de résultats et de qualité de service des administrations de l’État recevant du public.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux qu’être favorable à cette démarche ; mais pourquoi attendre de l’inscrire dans la loi pour l’engager ?
Il me semble qu’il n’est nul besoin d’une disposition législative pour mettre en œuvre ce type de mesures,…
M. Roger Karoutchi. Bientôt, dans la loi, on inscrira les horaires d’ouverture des administrations ! (Sourires.)
Mme Françoise Férat. Tant qu’on y est… (Nouveaux sourires.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur. … qui existent déjà dans certains services publics, même dans ceux des collectivités territoriales.
En outre, par son deuxième paragraphe, le présent amendement tend à renvoyer l’entrée en vigueur de ces dispositions à une date inconnue, fixée par décret, et au plus tard au 31 décembre 2020. Cette précision a plutôt tendance à tempérer l’urgence qu’il y aurait à introduire dans la loi la disposition dont il s’agit.
J’émets donc un avis défavorable – j’en suis désolée, monsieur le secrétaire d’État.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Il n’y a pas lieu, madame le rapporteur !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. En l’occurrence, je reviens à ce que j’ai dit hier à l’une de nos collègues.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Bien sûr, nous voterons contre cet amendement, non pas par dogmatisme, mais parce que, selon nous, il pose véritablement question.
Premièrement, à ma connaissance, la loi organique relative aux lois de finances permet déjà certaines pratiques d’évaluation.
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
M. Éric Bocquet. Deuxièmement, quels seront les critères d’évaluation de l’efficience de l’administration ? J’ai l’impression que, en la matière, on va bientôt passer davantage de temps à faire des statistiques qu’à s’occuper des gens…
M. Pierre-Yves Collombat. Ces mesures sont risibles !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Mes chers collègues, ces dispositions relèvent en somme de la quantophrénie : on est tout le temps en train de quantifier, d’essayer de tordre les réalités pour les faire entrer à toute force dans des tableaux Excel.
Évidemment, c’est bien de mesurer la satisfaction, mais souvent l’on s’en tient là. On se contente de relever une amélioration de 1 %, de 2 %, sans regarder d’où l’on part, et l’on dit : « Eh bien, ça va mieux ! »
Il me semble effectivement que l’on entre dans une ère où l’administration produit beaucoup de chiffres, mais ces données ne sont pas forcément toujours analysées et regardées de manière très attentive. Bien entendu, nous ne sommes pas contre le fait d’évaluer, mais encore faut-il garantir une évaluation qualitative des services publics et que l’on n’en reste pas à remplir des tableaux qui ne sont jamais lus.
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. Julien Bargeton. Je me sens bien seul à défendre cette mesure… (Sourires.)
M. Jérôme Durain. Vous êtes le référent unique ! (Nouveaux sourires.)
Article 16
À titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la publication du décret prévu au dernier alinéa du présent article, dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, la durée cumulée des contrôles opérés par les administrations mentionnées à l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et l’administration ne peut dépasser, pour un même établissement :
1° Pour une entreprise de moins de deux cent cinquante salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros, neuf mois sur une période de trois ans ;
2° Pour une entreprise de moins de dix salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 2 millions d’euros, six mois sur une période de trois ans.
Cette limitation de durée n’est pas opposable s’il existe des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire.
Les contrôles opérés à la demande de l’entreprise concernée en application de l’article L. 124-1 du même code ne sont pas pris en compte dans le calcul de cette durée cumulée.
Dans le cadre de cette expérimentation, une administration mentionnée à l’article L. 100-3 dudit code, lorsqu’elle engage un contrôle à l’encontre d’une entreprise, informe celle-ci, à titre indicatif, de la durée de ce contrôle et, avant le terme de la durée annoncée, de toute prolongation de celle-ci.
Dans le cadre de cette expérimentation, une administration mentionnée au même article L. 100-3, lorsqu’elle a effectué un contrôle à l’encontre d’une entreprise, transmet à l’entreprise concernée les conclusions de ce contrôle et une attestation mentionnant le champ et la durée de celui-ci.
Ces dispositions ne sont pas applicables :
1° Aux contrôles destinés à s’assurer du respect des règles prévues par le droit de l’Union européenne ;
2° Aux contrôles destinés à s’assurer du respect des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement ;
3° Aux contrôles résultant de l’exécution d’un contrat ;
4° Aux contrôles effectués par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle.
L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.
M. Julien Bargeton. Pour ma part, j’estime important que le Sénat débatte de sujets de vie quotidienne : cela ne me choque pas que l’on parle de droit au contrôle, de droit à l’erreur, de numéros surtaxés ou de référents uniques. Il s’agit quand même de la vie des citoyens et des entreprises !
L’article 16 est, lui aussi, une bonne illustration de ces enjeux. Il a pour objet l’expérimentation de la limitation de la durée des contrôles administratifs pour les petites et moyennes entreprises dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes.
La durée cumulée des contrôles réalisés dans un même établissement au sein d’une petite ou moyenne entreprise sera limitée à neuf mois sur une période consécutive de trois ans. Au total, près d’un million de PME sont concernées par cette expérimentation.
L’objectif est de passer du « contrôle sanction » à une formule plutôt de « contrôle conseil »,…
M. Pierre-Yves Collombat. Et voilà !
M. Julien Bargeton. … dans le cadre d’une politique partenariale avec des entreprises désireuses de se conformer à leurs obligations.
Cette méthode permet également de diminuer les charges liées aux contrôles. Il faut avoir en tête l’accumulation que représentent ces derniers - URSSAF, répression des fraudes, contrôle de la masse salariale – et la multiplication des matières vérifiées : chiffre d’affaires, conditions de travail, équipements techniques, etc.
Tous ces contrôles sont consommateurs de temps pour des dirigeants d’entreprises qui sont, parfois, confrontés à la complexité du droit ou à l’incertitude que revêt la durée des procédures, sans parler des contrôles effectués par intermittence, sans que l’on sache quand ils commencent et quand ils finissent.
Évidemment, en la matière, le principe est le même que pour le droit à l’erreur : ce qui compte, c’est la bonne foi. L’idée est bien de conseiller des entreprises qui veulent se conformer à leurs obligations, en les accompagnant.
Sauf erreur de ma part, cet article a d’ailleurs été largement amélioré à l’Assemblée nationale, notamment par Stanislas Guerini. En particulier, ont été précisés un certain nombre de points qui représentaient des demandes fortes des entreprises.
Mes chers collègues, voilà un article que me paraît utile, et il me paraît donc utile que nous en débattions !
M. le président. L’amendement n° 148, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Outre qu’il limite le droit au contrôle, cet article nous semble assez formel, puisque, dans la pratique, un inspecteur vérificateur de la DGFiP doit achever une procédure par mois…
La segmentation du contrôle fiscal, consacrée par cet article – la Direction générale des entreprises se préoccupant des dossiers des entreprises et des groupes réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires et s’acquittant de plus ou moins 50 % de l’impôt sur les sociétés –, nuira à son efficacité. Les groupes qui constituent en effet le « portefeuille » d’entreprises susceptibles d’être contrôlées par les services de la DGE disposent également d’un réseau de filiales et de sous-filiales dont les services déconcentrés peuvent avoir une connaissance plus fine, complémentaire de celle qui est accessible à la direction spécialisée.
Pour le reste, compte tenu de ses exceptions, cet article est bel et bien un article d’affichage. C’est la raison pour laquelle nous proposons de le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement entend supprimer la limitation, instaurée à titre expérimental, de la durée cumulée des contrôles administratifs sur les PME, que notre commission a, au contraire, souhaité renforcer en modulant à la baisse cette durée pour les très petites entreprises.
J’avoue, par ailleurs, avoir du mal à suivre l’argumentation des auteurs de cet amendement, qui semblent nous expliquer à la fois que ce plafonnement entraverait à l’excès la capacité de contrôle de l’administration et qu’il ne servirait à rien, ou presque, en raison de ses trop nombreuses exceptions.
Enfin, je rappelle que seules les PME sont visées ici et que le plafond envisagé aura surtout pour effet d’obliger les administrations à coordonner leurs programmes de contrôle pour éviter de concentrer la charge sur une même entreprise.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Dans le texte initial, il était prévu de limiter la durée des contrôles sur une période de trois ans. Le Gouvernement n’est donc pas tout à fait en accord avec la rédaction issue des travaux de la commission spéciale – j’aurai l’occasion d’y revenir. Pour autant, il est défavorable à la suppression de cet article.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 49, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
1° Après les mots :
et l’administration
insérer les mots :
sur une entreprise de moins de deux cent cinquante salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros
2° Remplacer le signe :
:
par les mots :
, neuf mois sur une période de trois ans.
II. - Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme je viens de le dire, le Gouvernement n’est pas totalement en accord avec la rédaction issue des travaux de la commission spéciale, qui a réduit à six mois la durée cumulée des contrôles réalisés sur les entreprises de moins de dix salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 2 millions d’euros.
Nous ne sommes pas favorables au fait de créer deux régimes juridiques à ce stade. Opérer une distinction en fonction de la taille des entreprises rendrait plus complexe la mise en œuvre par les administrations concernées de cette expérimentation. Nous considérons que la limitation à neuf mois de la durée cumulée des contrôles constitue déjà une avancée importante. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, par cet amendement, revenir à un dispositif unique pour toutes les entreprises jusqu’à deux cent cinquante salariés.
M. le président. L’amendement n° 181 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier, Arnell, Castelli, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
neuf
par le mot :
six
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. L’article 16 instaure, à titre expérimental, une limitation de la durée des contrôles administratifs sur les PME – il était temps ! Toutefois, la durée retenue, fixée à neuf mois, nous paraît encore excessive. Pour une entreprise, cela pourrait représenter trois mois de contrôle par an, en moyenne, soit un quart de son temps.
Voilà pourquoi nous proposons de ramener la durée du contrôle à six mois sur une période de trois ans pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros.
M. le président. L’amendement n° 182 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier, Arnell, Castelli, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
six
par le mot :
quatre
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Nous préconisons également de faire passer de six à quatre mois la durée de contrôle pour les entreprises de moins de dix salariés. Une durée de six mois nous semble représenter une mobilisation de temps importante pour des petites entreprises, qui ont autre chose à faire et qui ne disposent que de très peu de pièces à montrer à l’administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. L’amendement n° 49, présenté par le Gouvernement, tend à revenir sur la modulation du plafonnement introduite par notre commission selon la taille de l’entreprise, soit, je le rappelle, neuf mois sur une période de trois ans pour les PME et six mois sur la même période pour les TPE – celles qui emploient moins de dix salariés pour un chiffre d’affaires annuel inférieur à 2 millions d’euros. Or aucun des arguments présentés par le Gouvernement à l’appui d’un tel amendement ne me semble recevable.
D’abord, en termes de complexité, les administrations sont tout à fait capables, comme elles le font déjà dans le cadre de nombreux dispositifs, de gérer deux plafonds différents selon la taille de l’entreprise, en particulier dans le cadre du présent dispositif, dont la complexité tiendra bien plus aux enjeux de coordination entre administrations ou au mode de calcul de la durée des contrôles qu’à la gestion de deux plafonds distincts.
Ensuite, le Gouvernement avance l’argument que la limitation à neuf mois recueillerait l’assentiment des entreprises. Ce n’est pas du tout ce que nous ont dit leurs représentants, qui revendiquaient même d’aller bien plus loin que la limite de six mois que nous proposons pour les TPE.
Enfin, renvoyer au bilan de l’expérimentation la décision d’affiner, le cas échéant, cette durée selon la taille des entreprises nous semble très insatisfaisant, dans la mesure où cela pourrait conduire à généraliser une mesure qui n’a pas été testée. Or l’expérimentation a précisément pour but de tester le plafonnement dans plusieurs configurations, avant sa généralisation éventuelle. Appliquer deux plafonds différents permettra dès lors d’en tirer tous les enseignements.
J’ajoute que le Gouvernement ne peut pas nous expliquer que l’administration doit s’adapter à son public tout en revendiquant la possibilité de traiter une entreprise de cinq salariés comme un groupe de deux cents collaborateurs.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Les amendements nos 181 rectifié et 182 rectifié visent à réduire la durée cumulée des contrôles administratifs, respectivement, de neuf à six mois pour les PME de dix salariés et plus concernées par l’expérimentation et de six à quatre mois pour les TPE de moins de dix salariés. Je rappelle que cette modulation a été ajoutée par notre commission.
La fixation des délais à retenir est un éternel débat, mais il me semble que la position de la commission est assez équilibrée : elle tient compte à la fois de la charge plus importante que ces contrôles peuvent représenter pour une TPE et de la nécessité de maintenir une certaine capacité de contrôle de l’administration.
J’ajoute que, comme vous l’avez constaté avec l’amendement n° 49, le Gouvernement est déjà opposé à une limitation à six mois pour les seules TPE. Il serait donc a fortiori opposé à un abaissement supplémentaire des plafonds à six et quatre mois. Essayons de préserver les acquis du texte de la commission dans la perspective de nos discussions à venir avec nos collègues députés.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. En cohérence avec l’amendement que j’ai défendu au nom du Gouvernement, l’avis ne peut être que défavorable sur les amendements nos 181 rectifié et 182 rectifié.
Je le répète, l’expérimentation a un objet ciblé : les entreprises qui relèvent de la catégorie des PME. Nous sommes convaincus que ce processus nécessite de la lisibilité. En fixant des seuils différents, nous introduirions de la complexité.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement maintient son amendement : il sera plus utile de procéder à une expérimentation portant sur l’ensemble des entreprises de moins de deux cent cinquante salariés en se fondant sur les mêmes critères.
M. le président. Madame Delattre, les amendements nos 181 rectifié et 182 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Nathalie Delattre. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 168, présenté par Mmes Lamure, Berthet et Billon, M. Cadic, Mme Canayer, MM. Canevet et Danesi, Mmes Deromedi et Estrosi Sassone, M. Forissier, Mme C. Fournier, MM. D. Laurent et Meurant, Mme Morhet-Richaud et MM. Pierre et Vaspart, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jackie Pierre.
M. Jackie Pierre. L’article 16 limite, à titre expérimental, la durée des contrôles pour les PME. La commission spéciale du Sénat a proposé, à juste titre, de moduler cette limitation de durée selon la taille de l’entreprise : neuf mois pour les PME et trois mois pour les TPE. L’article 16 prévoit toutefois que cette limitation de durée n’est pas opposable lorsqu’il existe « des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire ».
Or l’objet d’un contrôle est précisément de repérer les éventuels manquements aux obligations en vigueur. Il importe donc que la limitation de sa durée reste opposable même quand des indices laissent supposer de tels manquements. Cet amendement vise donc à prévoir que la durée de tout contrôle soit effectivement limitée pour les PME. Cela incitera l’administration à cibler les contrôles en mettant fin, d’une part, à l’intermittence de la présence des contrôleurs et, d’autre part, à « l’ignorance de ce qu’ils cherchent », comme cela est justement dénoncé dans le rapport n° 575 de l’Assemblée nationale du 18 janvier 2018.
Afin de préserver la bonne marche des entreprises, il n’est plus acceptable de rencontrer des situations telles que celles qui sont décrites ainsi : « Pour le fisc et les URSSAF, notamment, les contrôleurs viennent un jour par semaine ou vont revenir, après un premier passage, un mois plus tard pour une séance de deux heures et sont susceptibles de se manifester périodiquement quelques heures de nouveau. Ces séances intermittentes, dont les entreprises ne connaissent pas la fin, apparaissent, du fait de leur rythme décousu, perturbantes, notamment pour les PME. » (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’exception au plafonnement de la durée des contrôles en cas d’indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire.
Si je peux souscrire à certaines considérations exprimées dans l’objet de l’amendement – mais qui n’ont pas de lien avec son dispositif –, en particulier lorsqu’il est question de la difficulté pour les entreprises à gérer des contrôles « perlés » avec une présence très intermittente des contrôleurs sur site, je ne peux, en revanche, être d’accord avec l’idée selon laquelle il importe que la limitation de la durée des contrôles reste opposable même quand des indices laissent supposer des manquements.
En supprimant cette exception, l’administration pourrait ne plus être en mesure de contrôler une entreprise, alors même qu’elle disposerait d’indices précis et concordants – les termes sont importants, car il ne s’agit pas d’une simple présomption –, par le simple effet du plafonnement arithmétique de la durée des contrôles. Or je rappelle que la mesure expérimentée ici ne vise pas à faciliter la vie des fraudeurs, mais seulement à alléger la charge des contrôles pour les entreprises « de bonne foi ».
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons que celles exprimées par le rapporteur, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne souscris pas aux conclusions de notre collègue Jackie Pierre, mais je voudrais tout de même faire observer que cet article est parfaitement contradictoire. D’un côté, on affiche de la mansuétude, de l’attention, du « care », comme on dit maintenant, vis-à-vis des entreprises et, de l’autre, s’il y a un problème, on conserve la possibilité de surseoir à ce que prévoit la loi.
Si l’on observe en détail ce texte, on découvrira que d’autres articles sont construits ainsi : une chose et son contraire,…
Mme Pascale Gruny, rapporteur. « En même temps »… (Sourires.)
M. Éric Bocquet. C’est la dialectique macronienne !
M. Pierre-Yves Collombat. … et le Gouvernement au centre !
M. le président. L’amendement n° 149, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, le respect des normes internationales et des dispositions d’ordre public du droit du travail
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement de cohérence reprend la position de fond que nous avons exprimée dès l’examen de l’article 2. Il tend donc à exclure du bénéfice des présumés nouveaux droits ouverts par cet article 16 les entreprises qui ne respecteraient pas les règles les plus élémentaires du code du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter à la liste des exceptions au plafonnement de la durée des contrôles ceux qui sont destinés à s’assurer du respect des normes internationales et des dispositions d’ordre public du droit du travail. Il est en réalité pleinement satisfait par le droit existant et par la hiérarchie des normes, ainsi que cela a déjà été rappelé lors des débats à l’Assemblée nationale. Le droit international prime en effet sur le droit national sans qu’il soit nécessaire de l’expliciter ; il en va de même pour les dispositions législatives d’ordre public, auxquelles il ne peut être dérogé.
En l’espèce, l’inspection du travail est visée par les conventions liant la France à l’Organisation internationale du travail, qui prévalent sur le droit national sans qu’il soit nécessaire de le rappeler. C’est du reste pour la même raison que nous avons supprimé, à l’article 2, par cohérence, une référence inutile au respect des conventions internationales.
Pour vous rassurer définitivement, je vous renvoie aux propos tenus par le secrétaire d’État à l’Assemblée nationale : « Nous estimons que les contrôles effectués par l’inspection du travail occupent une place particulière et centrale, et que c’est autour d’eux que devront s’articuler un certain nombre d’autres contrôles. », Il a ajouté qu’il veillerait « à ce que les textes d’application tiennent compte de cette particularité ».
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. M. le rapporteur a tout dit, et comme il illustre son propos de citations particulièrement pertinentes (Sourires.), mon avis ne peut être qu’identique au sien : défavorable !
M. le président. Je mets aux voix l’article 16.
(L’article 16 est adopté.)
Article additionnel après l’article 16
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Chasseing, Guerriau et Malhuret, Mme Mélot et MM. A. Marc, Fouché, Bignon, Wattebled, Decool et Lagourgue, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 243-13 du code de la sécurité sociale, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « vingt ».
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Lors de la discussion générale, j’ai rappelé le souhait du groupe des Indépendants d’alléger les contraintes qui pèsent sur les PME.
Il n’est pas normal que les contraintes juridiques et techniques soient les mêmes pour les grands groupes français ou internationaux et pour les PME, alors que leurs moyens humains et juridiques ne sont pas comparables.
Il faut tout faire pour faciliter la vie des PME. C’est leur dynamisme qui permet aux Allemands de disposer d’un commerce extérieur bénéficiaire, alors que le manque de vigueur, notamment, des PME françaises contraint notre économie à connaître un déficit de son commerce extérieur de 62 milliards d’euros.
L’amendement qui vous est proposé est modeste : il vise à limiter les contrôles sur les entreprises de moins de vingt salariés à la même durée que celle qui s’applique aux entreprises de moins de dix salariés, c’est-à-dire à trois mois. Une telle mesure va dans le sens d’une réduction des contraintes qui pèsent sur ces entreprises.
M. le président. L’amendement n° 210, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental à compter du 1er septembre 2018 et jusqu’au 31 décembre 2021, les dispositions de l’article L. 243-13 du code de la sécurité sociale s’appliquent également aux entreprises de moins de vingt salariés.
L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement poursuit exactement les mêmes objectifs que celui de M. Capus. Néanmoins, pour des raisons de légistique, nous sollicitons le retrait de son amendement au profit de celui du Gouvernement, dont la rédaction est un peu différente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Ces deux amendements visent à étendre aux entreprises de moins de vingt salariés la limitation à trois mois des contrôles opérés par les URSSAF, prévue actuellement uniquement pour les entreprises de moins de dix salariés. Nous sommes très favorables à tout ce qui peut alléger les contraintes des entreprises.
L’amendement n° 26 rectifié bis tend à inscrire directement cette limitation dans le code de la sécurité sociale, alors que le Gouvernement propose, par l’amendement n° 210, de recourir à l’expérimentation. Je précise que le Sénat a déjà adopté un amendement similaire, avec un seuil fixé à cinquante salariés, dans le cadre du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le recours à l’expérimentation se justifie lorsque l’on ne connaît pas par avance les effets d’une mesure. Dans le cas présent, les enjeux me semblent clairs et l’on voit mal ce qu’une expérimentation pourrait prouver.
La commission spéciale a donc émis un avis favorable sur l’amendement n° 26 rectifié bis, dont l’adoption ferait tomber l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je le répète, l’amendement du Gouvernement poursuit le même objectif que celui de M. Capus.
Dans la mesure où l’article 16 instaure un régime d’expérimentation, nous souhaitons, par cohérence, que la disposition prévue pour les entreprises de moins de vingt salariés soit également expérimentale, durant la même période, de manière à être le plus cohérent possible.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à M. Capus de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement, en dépit de l’avis de la commission.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 16, et l’amendement n° 210 n’a plus d’objet.
Article 17
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
La section 3 bis du chapitre III du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 243-6-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 243-6-9. – I. – Les réclamations formulées par un employeur qui concernent ses relations avec l’organisme mentionné aux articles L. 213-1 ou L. 752-4 dont il relève et qui portent sur les cotisations ou contributions de sécurité sociale peuvent être présentées, sans préjudice des voies de recours existantes, au médiateur de cet organisme.
« Le médiateur est désigné par le directeur de l’organisme et placé auprès de lui. Il exerce ses fonctions en toute impartialité et dans le respect de la confidentialité des informations dont il a à connaître.
« Il formule auprès du directeur ou des services de l’organisme des recommandations pour le traitement de ces réclamations, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
« II. – Toute réclamation mentionnée au I ne peut être traitée par le médiateur que si :
« 1° Elle a été précédée d’une démarche de l’employeur auprès des services concernés de l’organisme ;
« 2° Aucune des procédures prévues aux articles L. 142-1, L. 243-6-3, L. 243-6-5 et L. 243-7 n’a été engagée.
« L’engagement d’une des procédures mentionnées au 2° du présent II met fin à la médiation.
« III. – L’engagement de la procédure de médiation suspend, le cas échéant, à compter de la notification portant sur la recevabilité de la réclamation soumise au médiateur et jusqu’à ce que celui-ci ait communiqué ses recommandations aux deux parties :
« 1° Les délais de recours prévus pour les réclamations relevant de l’article L. 142-1 ;
« 2° Les délais de prescription prévus aux articles L. 243-6, L. 244-3, L. 244-8-1, L. 244-9 et L. 244-11.
« IV. – (Supprimé)
« V (nouveau). – Le directeur de l’organisme mentionné à l’article L. 225-1 évalue la médiation dans l’ensemble des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4, notamment par un rapport annuel. Ce rapport formule des recommandations de modifications de la réglementation ou de la législation de nature à améliorer les relations entre les employeurs et les organismes. »
M. le président. Le vote est réservé.
Article 17 bis A
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le paragraphe 2 de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre III du titre II du livre VII du code rural et de la pêche maritime est complété par un article L. 723-34-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 723-34-1. – Un médiateur est désigné pour une durée de trois ans, renouvelable une fois, par le conseil central d’administration de la mutualité sociale agricole.
« Il rend un avis sur les réclamations dont il est saisi par tout assuré dont le recours a été rejeté par l’organisme de mutualité sociale agricole auquel il est affilié. Il propose des modifications de la réglementation et produit un rapport annuel présenté au conseil central d’administration de la mutualité sociale agricole et transmis au Défenseur des droits.
« L’engagement de la procédure de médiation suspend, le cas échéant à compter de la notification portant sur la recevabilité de la réclamation soumise au médiateur et jusqu’à ce que celui-ci ait communiqué ses recommandations aux deux parties, les délais de recours prévus pour les réclamations relevant de l’article L. 142-2 du code de la sécurité sociale.
« L’engagement de la procédure prévue au même article L. 142-2 met fin à la médiation. »
M. le président. Le vote est réservé.
Article 17 bis B
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Après la section 4 du chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la sécurité sociale, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Dispositions diverses
« Art. L. 217-7-1. – Les réclamations concernant les relations entre les organismes mentionnés aux articles L. 212-2 et L. 215-1 et leurs usagers, et qui portent sur le service des prestations dont ces organismes assurent respectivement le versement, peuvent être présentées, sans préjudice des voies de recours existantes et lorsqu’elles ont été précédées d’une démarche auprès des services de l’organisme, devant le médiateur national de la branche concernée.
« Le médiateur national est désigné pour chaque branche par le directeur de la caisse nationale, après avis du président du conseil d’administration.
« Le médiateur national formule auprès du directeur ou des services des organismes mentionnés au premier alinéa du présent article des recommandations pour le traitement de ces réclamations. Il évalue la médiation dans l’ensemble de la branche concernée, propose des modifications de la réglementation et de la législation et présente un rapport annuel au conseil d’administration, qui est transmis au Défenseur des droits.
« L’engagement de la procédure de médiation suspend, le cas échéant à compter de la notification portant sur la recevabilité de la réclamation soumise au médiateur et jusqu’à ce que celui-ci ait communiqué ses recommandations aux deux parties, les délais de recours prévus pour les réclamations relevant de l’article L. 142-2.
« L’engagement de la procédure prévue au même article L. 142-2 met fin à la médiation.
« Le présent article s’applique aux organismes mentionnés à l’article L. 752-4 pour les prestations relevant de la branche vieillesse. »
M. le président. Le vote est réservé.
Article 17 bis
(Supprimé)
Articles additionnels après l’article 17 bis
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Capus, Guerriau, Lagourgue et Malhuret, Mme Mélot et MM. Bignon, Chasseing, Decool, Wattebled, A. Marc et Fouché, est ainsi libellé :
Après l’article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 47 AA du livre des procédures fiscales, après le mot : « comptabilité » sont insérés les mots : « éventuellement renouvelé une fois pour la même durée sur demande du contribuable ».
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement repose sur la même logique que celui que j’ai présenté précédemment : alléger les contraintes qui pèsent sur les entreprises.
Dans le cadre d’un examen de comptabilité, l’entreprise doit adresser dans un délai de quinze jours ses pièces justificatives à l’administration fiscale, qui les contrôle depuis ses bureaux. Ce délai nous semble un peu court, notamment en période de congés.
Cet amendement très modeste vise seulement, si le contribuable le demande et que l’administration y est favorable, à permettre de renouveler une fois ce délai. Nous entendons ainsi faciliter la vie des entreprises, tout en maintenant la nécessité d’un accord de l’administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’examen de comptabilité est une procédure de contrôle fiscal, créée l’année dernière, qui permet à l’administration fiscale de vérifier à distance, depuis les bureaux du service des impôts, les fichiers des écritures comptables, ou FEC, d’une entreprise.
Il est vrai que le délai de quinze jours donné à l’entreprise pour transmettre une copie des FEC peut être difficile à tenir, notamment en période de congés. Toutefois, en pratique, l’administration tient naturellement compte de ces contraintes et fait preuve de souplesse, comme le secrétaire d’État pourra sans doute nous le confirmer. Pour évoquer mon expérience, à chaque fois que j’ai eu à demander un délai à l’administration fiscale, il m’a été accordé, notamment en période de congés.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. C’est parce que c’était vous qui le demandiez ! (Sourires.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il ne me semble pas opportun d’inscrire dans la loi la possibilité de porter ce délai à trente jours.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je confirme les propos de Mme la rapporteur : les demandes de délais pour des motifs légitimes, notamment liés aux congés maladie, sont toujours satisfaites.
Inscrire dans la loi la possibilité automatique de proroger jusqu’à trente jours ce délai aurait pour effet de systématiser la possibilité de retarder les procédures de contrôle.
Le Gouvernement demande donc également le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Capus, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?
M. Emmanuel Capus. Je suis quelqu’un d’assez sage, et j’entends les arguments de la commission.
Mon amendement ne vise pas à imposer le renouvellement du délai, mais seulement à écrire dans la loi ce qui se pratique aujourd’hui, d’après ce qu’on me dit.
Si l’usager demande un nouveau délai, l’administration n’est pas obligée de le lui accorder. Je ne vois donc pas bien ce qui justifie une demande de retrait. Toutefois, par courtoisie et par délicatesse, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.
L’amendement n° 203 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Duplomb, Mouiller et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Vaspart, Pillet et Cornu, Mmes Bruguière, Thomas, Chain-Larché, Deromedi et Estrosi Sassone, MM. Guené et Pellevat, Mmes Lamure et Di Folco, M. Bazin, Mme Duranton, MM. Bonne, Danesi, Chatillon et Grand, Mmes Lopez et Garriaud-Maylam, MM. Émorine, Rapin, Paul, Kennel, Pointereau, Daubresse et Pierre, Mme Canayer et MM. Revet, Cuypers, Priou, B. Fournier, de Nicolaÿ, Babary, Lefèvre et Poniatowski, est ainsi libellé :
Après l’article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3315-5 du code du travail est complété par les mots : « , sauf si ce retard relatif au dépôt n’excède pas un mois ».
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement de bon sens vise à prendre en considération des entreprises qui ne fraudent pas mais qui peuvent avoir du retard.
Il s’agit de permettre, lorsque le retard de dépôt de l’accord d’intéressement à la DIRECCTE n’excède pas un mois suivant la date limite fixée pour sa conclusion et qu’aucune fraude n’est constatée, que les primes d’intéressement versées ouvrent droit aux exonérations de cotisations sociales pour la période antérieure au dépôt. Il faut rappeler qu’il ne s’agit pas d’un simple formulaire, mais d’un document très lourd.
Dans cette société de confiance, ayons la capacité de faire preuve de tolérance vis-à-vis des entreprises !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Les entreprises qui ont conclu un accord d’intéressement peuvent bénéficier d’exonérations sociales. Il faut pour cela que l’accord ait été conclu avant le 1er juillet ou le 1er avril, selon la période d’imposition applicable, et transmis à la DIRECCTE dans les quinze jours suivant cette date limite. Ce délai s’explique en partie par le fait que la DIRECCTE dispose ensuite d’un délai de quatre mois pour effectuer un contrôle de légalité de l’accord qui lui est transmis. Lorsque l’accord est transmis tardivement, les exonérations ne s’appliquent que pour l’avenir.
L’adoption de l’amendement proposé introduirait de la complexité dans des dispositions qui ne sont déjà pas d’une clarté absolue : il maintiendrait le principe selon lequel l’accord doit être transmis à la DIRECCTE sous quinze jours, tout en autorisant un retard d’un mois. Dans les faits, cela conduirait à décaler d’un mois la date butoir.
Par ailleurs, dans la mesure où la DIRECCTE dispose toujours d’un délai de quatre mois pour contrôler la légalité de l’accord, le délai pour effectuer avant le début de la nouvelle année calendaire les éventuelles modifications qu’elle pourrait demander serait fortement restreint.
La commission est donc défavorable à cet amendement, s’il n’est pas retiré par son auteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage mot pour mot l’avis formulé par la rapporteur de la commission spéciale.
L’avis sera donc défavorable si l’amendement n’est pas retiré.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Avoir quinze jours pour déposer le document, alors que l’administration dispose de quatre mois pour traiter le dossier, cela ne me paraît pas juste. Ce n’est pas équilibré !
Dans une société de confiance, comment expliquer à quelqu’un qu’il dispose de quinze jours quand on laisse quatre mois à l’administration pour traiter son problème ? C’est là une confiance particulière, à géométrie variable !
Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Vous sous-entendez finalement que l’entreprise conclut un accord d’intéressement à la dernière minute et qu’elle a donc besoin de plus de quinze jours. Non, elle a eu du temps, et le délai de quatre mois laissé à l’administration pour examiner le dossier est tout à fait normal !
Ajouter quinze jours n’apporterait rien à l’entreprise. Ce n’est pas comme si on lui accordait trois mois de plus. Si l’avis est défavorable, c’est parce que l’adoption d’une telle mesure aboutirait à encore plus de complexité.
M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 203 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. Je ne vais pas retirer cet amendement pour une raison simple, qu’a évoquée notre collègue : ce n’est pas équilibré !
Encore une fois, on ne parle pas d’entreprises qui trichent volontairement. On parle du dépôt d’un document administratif. Mon amendement vise à accorder une tolérance de quinze jours supplémentaires aux entreprises pour leur permettre d’avoir droit aux exonérations. Pour elles, l’enjeu est énorme ! Il ne s’agit pas de quatre mois, mais de seulement quinze jours !
On ne peut pas parler de droit à l’erreur si on ne donne pas aux entreprises la possibilité de ne pas être pénalisées pour huit jours de retard – nous avions le même débat sur d’autres dossiers hier. Il me semble que c’est le sens profond de ce texte ou, alors, je me trompe de débat, mais je ne le pense pas.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17 bis.
Article 18
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi et visant à :
1° Permettre aux bénéficiaires des prestations sociales et des minima sociaux d’exercer, à l’occasion de la notification des indus qui leur est faite et préalablement à l’engagement d’un recouvrement ou d’un recours gracieux, un droit de rectification des informations les concernant lorsque ces informations ont une incidence sur le montant de ces indus ;
2° Harmoniser et modifier les règles relatives au contenu des notifications d’indus afin d’y inclure la possibilité d’exercer le droit à rectification mentionné au 1° et d’en faciliter la compréhension par les bénéficiaires.
Ces mesures ne peuvent faire obstacle à ce que, après l’exercice du droit de rectification, les sommes indues soient ensuite recouvrées dans les délais et selon les procédures prévus par les dispositions en vigueur.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication des ordonnances.
M. le président. L’amendement n° 150, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Permettez-moi de vous renvoyer à l’objet du présent amendement, car je voudrais aborder plus spécifiquement la question des indus.
Je constate que l’article 18 ne prévoit aucune mesure relative à l’accès aux droits pour les personnes ne faisant pas jouer leurs droits aux allocations. Pourquoi ne pas avoir procédé à la réécriture de l’article L. 553-2 du code de la sécurité sociale, qui précise clairement qu’il existe déjà un dispositif de droit à l’erreur en matière de prestations sociales ? Il aurait peut-être suffi d’en préciser les contours.
Par ailleurs, il nous semble que le droit à l’erreur ne peut se limiter à la question de la récupération des indus ; il doit aussi inclure la question de l’ouverture des droits pour ceux qui en sont aujourd’hui privés. Il s’agit d’un manque important de ce texte.
Nous ne pouvons encore une fois que signaler la situation, en regrettant que le choc de simplification administrative n’ait pas encore touché les formulaires à remplir pour l’allocation logement, par exemple, ou encore le revenu de solidarité active.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je partage une partie des observations des auteurs de l’amendement. En effet, il aurait été préférable que le Gouvernement nous présente un projet de réforme abouti plutôt que de nous demander une habilitation. Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer le nombre de demandes d’habilitation que contient ce texte, dont certaines ont été supprimées par la commission spéciale.
Pour autant, il me semble souhaitable de créer au bénéfice des allocataires un droit à rectification des informations qui les concernent lorsque celles-ci ont un impact sur le montant d’un indu dont on leur demande le remboursement. Compte tenu des différences entre les règles qui régissent aujourd’hui le recouvrement des indus en fonction des organismes concernés, la commission spéciale a souhaité accepter le recours à la méthode des ordonnances tout en réduisant la durée de l’habilitation, qui lui semblait excessive.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Permettez-moi d’apporter une précision aux auteurs de l’amendement.
Vous indiquez que les dispositions à prendre relèvent de la loi de financement de la sécurité sociale. Selon nous, ce n’est pas le cas.
Par ailleurs, le recours à l’ordonnance et la durée de l’habilitation accordée au Gouvernement se justifient, selon nous, par le temps nécessaire pour définir de manière concertée des dispositions harmonisées sur un champ très large de caisses et de prestations.
Nous précisons que l’ordonnance sera élaborée sur la base d’un bilan précis des pratiques encore à réaliser. Il faudra concilier l’objectif d’amélioration du respect des droits des allocataires lorsqu’ils contestent l’exactitude du montant notifié et la prise en compte des contraintes de gestion et des enjeux financiers de la sécurité sociale, notamment de la branche famille, en matière de recouvrement financier des indus. L’ordonnance nous permettra d’acter ce principe et de prendre le temps de cette concertation.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je n’imagine pas que l’administration telle qu’elle fonctionne actuellement refuse des justifications.
En revanche, ce texte passe à côté du problème – devenu essentiel – du mode de récupération des indus. Dans certains cas, des indus courent sur des périodes extrêmement longues. Or quand on n’a pas beaucoup de moyens, on ne fait pas forcément attention au fait qu’on a trop perçu : quand vient l’heure de rendre des comptes, ce qui est légitime, cela place les personnes concernées dans des situations extrêmement difficiles.
Je m’étonne que cette difficulté n’ait pas été prise en compte, car, d’après ce qu’on entend ici ou là, elle se pose largement aujourd’hui.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote sur l’article.
Mme Michelle Meunier. Le recouvrement des indus est un vrai problème. Or l’habilitation à légiférer par ordonnances que le Gouvernement nous demande pour y remédier ne nous convient pas.
Pour parler du fond, nous pensons qu’il faut poursuivre la sécurisation des personnes concernées, qui sont souvent des bénéficiaires du RSA – Mme Gruny et moi-même avons auditionné des responsables de la Caisse nationale des allocations familiales.
Le recouvrement des indus est coûteux en temps et en énergie pour les administrations, mais il entraîne surtout des situations dramatiques pour les allocataires.
Nous voterons donc cet article.
M. le président. Je mets aux voix l’article 18.
(L’article 18 est adopté.)
Article 19
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour prévoir, à titre expérimental et pour une durée de trois ans :
1° Les conditions, notamment financières et organisationnelles, dans lesquelles des établissements du réseau des chambres d’agriculture assurent, au bénéfice des exploitants agricoles, une mission d’information sur la réglementation nationale et européenne qui leur est applicable et sur les contrôles susceptibles d’être réalisés à ce titre, d’appui au dépôt des demandes d’aides par ces exploitants et d’assistance à leur mise en conformité avec la réglementation ;
2° Les conditions dans lesquelles les chambres régionales d’agriculture qui le souhaitent exercent à titre exclusif, en lieu et place des autres établissements du réseau de leur circonscription, et avec l’accord de ces derniers, tout ou partie des missions attribuées à ceux-ci ;
3° Le transfert aux chambres régionales d’agriculture, ou la mise à disposition de ces dernières, de personnels employés par d’autres établissements du réseau de leur circonscription.
L’expérimentation peut être restreinte à certaines régions ou certains départements.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 151 est présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 183 rectifié est présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier et Arnell, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 151.
M. Fabien Gay. Cet article prévoit deux types d’expérimentation : le renforcement de la mission de conseil et d’assistance des chambres d’agriculture auprès des exploitants agricoles ainsi que la régionalisation de leur réseau.
Si l’on peut adhérer à l’objectif de renforcer la mission de conseil, la régionalisation nous pose question, voire problème. Monsieur le secrétaire d’État, l’intégration des chambres départementales sera-t-elle volontaire ou forcée ? Et que faut-il en penser en termes d’aménagement du territoire ? Cela ne risque-t-il pas d’éloigner encore un peu plus les administrés de ces chambres si celles-ci n’ont plus qu’une antenne régionale dans des régions devenues gigantesques depuis qu’elles ont été remaniées ?
Le transfert des compétences, même optionnel, est tout à fait discutable. Dans les nouvelles régions, les chambres régionales d’agriculture sont dominées par les anciennes régions les plus importantes en termes de population, de superficie ou de richesse, et le caractère optionnel n’évitera pas la pompe aspirante. Aujourd’hui, nous avons au contraire besoin de chambres d’agriculture de proximité pour développer de nouvelles pratiques agricoles. La priorité doit être donnée à l’animation de proximité plutôt qu’à des mécanismes financiers.
Sur un sujet aussi sensible, il n’est pas concevable de légiférer par ordonnances. La réforme des chambres d’agriculture mérite, nous le pensons, un débat parlementaire. On ne saurait laisser le Gouvernement agir sans qu’aucune concertation ait lieu. Sachant qu’un projet de loi concernant l’agriculture devrait arriver au printemps, ne serait-il pas plus judicieux d’attendre cet autre véhicule législatif, plus cohérent, pour traiter ce sujet ?
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 183 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Cet article entend réformer par voie d’ordonnances le réseau des chambres d’agriculture.
Si des précisions positives ont été apportées par la commission spéciale sur l’accord préalable des chambres départementales pour l’exercice de leurs missions au niveau régional, le véhicule utilisé, eu égard à la sensibilité du sujet, pose question. Véritable cavalier législatif, cette disposition ambitionne de régler une question qui est au cœur des préoccupations des agriculteurs au détour d’un article dans un projet de loi sans véritable lien avec ce sujet.
Afin de préserver la cohérence du texte et de ménager le secteur suite aux atermoiements du Gouvernement concernant les retraites agricoles notamment, je vous propose, comme je l’ai indiqué en commission spéciale et lors de la discussion générale, de supprimer cet article. S’il s’agissait d’une expérimentation visant à impulser des pôles de compétence qui se spécialiseraient sur un sujet dans certaines régions, nous aurions pu l’accueillir favorablement. Mais il s’agit d’un transfert assez flou, en matière tant de compétences que de ressources humaines.
Par ailleurs, en transférant les compétences, vous allez transférer les contentieux, car ce n’est pas qu’un transfert d’accompagnement et de conseil ; c’est également un transfert de contrôle.
Pour conclure, je voudrais marteler que, quand il y a une erreur dans un dossier PAC, c’est le paysan qui est responsable. Dans ce que vous proposez, ce sera pareil. Où est le droit à l’erreur dans ce texte ? Où est la cohérence ? (MM. Daniel Gremillet et Jackie Pierre applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Nous avons déjà eu un débat assez approfondi sur ce sujet en commission spéciale.
Je rappelle que cet article répond aux attentes de certaines chambres d’agriculture – je pense notamment aux chambres d’agriculture de Bretagne, qui concernent certains d’entre vous au premier chef – et que la commission y a apporté de substantielles améliorations, en particulier – j’y insiste, parce que cela me paraît vraiment primordial – le fait de s’assurer que les chambres départementales devront être d’accord pour procéder à des transferts de compétences dans le cadre de l’expérimentation. Ce sont donc les conseils d’administration des chambres d’agriculture départementales qui décideront de procéder à des transferts ou de fusionner avec la chambre régionale. La commission vous proposera d’ailleurs un amendement similaire ayant pour objet les transferts de personnels.
Vouloir supprimer cet article me paraît tout à fait excessif. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable, mais pour des raisons qui ne sont pas tout à fait les mêmes.
L’article 19, dans sa rédaction initiale, prévoyait la possibilité pour le Gouvernement de prendre par ordonnances des mesures destinées à expérimenter la régionalisation d’un certain nombre de fonctions et de compétences des chambres d’agriculture. Nous regrettons – je le dis très tranquillement et clairement – que la commission spéciale ait fait le choix de soumettre la possibilité d’une telle régionalisation à un accord unanime des chambres départementales concernées.
Notre premier objectif est de faciliter à la fois la mutualisation et le regroupement à l’échelle régionale d’un certain nombre de fonctions support – j’y insiste –, et non pas de fonctions de conseil.
Notre deuxième objectif est de faciliter, là où les chambres sont particulièrement volontaires, la mutualisation de certaines fonctions de conseil.
M. le rapporteur évoquait à l’instant les chambres bretonnes, qui ont fait l’objet de débats au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Ces chambres ont mis en réseau un certain nombre de compétences et décidé de confier à telle chambre départementale une mission de conseil spécialisé sur tel domaine d’activité, à telle autre une mission de conseil dans un autre domaine. Cela entraîne peut-être un éloignement géographique, mais permet de concentrer les forces et d’offrir un accompagnement particulièrement adapté.
Par ailleurs, pour la clarté du débat et la suite de nos échanges à l’occasion de la navette parlementaire, j’exprime de nouveau mon regret que la commission spéciale ait posé un verrou : rendre obligatoire l’accord de toutes les chambres départementales.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je ne suis pas régionaliste dans l’âme, mais j’aurais envie de soutenir les amendements de suppression de l’article 19. Toutefois, comme l’a dit le rapporteur, la rédaction issue des travaux de la commission laisse la possibilité aux chambres de choisir. Comme je suis un démocrate, je ne voterai pas la suppression de l’article 19.
En revanche, les explications de M. le secrétaire d’État ne me conviennent pas complètement. Je pense que la massification et la mutualisation ne sont pas obligatoirement source d’économies et que l’agriculture ne peut pas être traitée comme toutes les activités. Je donnerai l’exemple de ma région Auvergne-Rhône-Alpes : douze départements, onze chambres d’agriculture ; des agricultures aux antipodes, depuis la vigne jusqu’à l’élevage ; une altitude qui varie de 100 mètres à plus de 1 700 mètres ; des revenus disparates. Tout cela regroupé dans une chambre régionale devrait, par le seul fait d’être regroupé et régional, régler tous les problèmes des agriculteurs du territoire ? Je n’y crois pas, y compris pour les fonctions support !
Mieux vaut un petit chez soi bien géré qu’un grand chez les autres mal géré ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. J’ai du mal à comprendre la présence de l’article 19 dans ce projet de loi. Sa portée va bien au-delà du texte que nous examinons. En plus, je me méfie toujours du provisoire, de l’expérimental, même si nos débats depuis hier montrent bien qu’on n’expérimente pas tant que ça…
Je partage complètement le propos de mon collègue Laurent Duplomb. La France s’est soudainement retrouvée avec de grandes régions. Dans le Grand Est, on a donc le même problème que dans bon nombre d’autres grandes régions.
Il y a un deuxième problème. Dans quelques semaines, nous débattrons au Sénat d’un projet de loi qui fait suite aux états généraux de l’alimentation. Or ce texte comporte une disposition qui est à l’opposé du présent projet de loi : elle vise à séparer le conseil de la vente – et je passe sous silence les circuits courts. Le conseil, c’est la proximité, c’est le terrain, ce ne sont pas des personnes qui sont sur la route à faire des kilomètres.
M. Bruno Retailleau. Surtout à 80 kilomètres par heure ! (Sourires.)
M. Daniel Gremillet. En plus !
Il faut garder les pieds sur terre ! Le débat que nous avons à cet instant ne relève pas de la confiance mais de l’organisation territoriale. Je connais très bien la région Bretagne, qui a une identité, une réalité, à laquelle il faut répondre. Mais le problème est qu’on est en train, d’une manière indirecte, de dessiner autrement l’organisation territoriale des chambres d’agriculture.
Je ne voterai pas la suppression de cet article, mais je ne voterai pas non plus pour : je m’abstiendrai. Je souhaite que le texte soit amélioré sur ce point dans le cadre de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. J’ai entendu mes collègues, et je crois que M. le rapporteur a tout résumé ; je partage tout à fait ses propos.
Des craintes ont été exprimées concernant la proximité. Il est vrai que les agriculteurs ont besoin de proximité, mais je crois que ce qui est essentiel à retenir dans l’article 19, comme l’a dit M. le rapporteur, est que le transfert ne pourra se faire sans l’accord préalable des chambres départementales d’agriculture. C’était le sens de l’amendement que nous avons porté et qui a été adopté par la commission spéciale. C’est une sécurité ! Le fait que cette mesure soit prévue à titre expérimental nous permettra de voir comment les choses vont se passer.
Comme cela a été dit, ce sont les conseils d’administration des chambres départementales qui, in fine, décideront ou non du transfert de compétences. Les conseils d’administration des chambres d’agriculture sont composés des syndicats agricoles : la FNSEA, la Coordination rurale et la Confédération paysanne. Laissons-leur la responsabilité de ce choix !
Pour ces raisons, nous sommes défavorables à la suppression de l’article 19.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. J’entends bien ce que dit le rapporteur. Mais, on le verra à l’article 23, on est capable de mettre en place des expérimentations pour les cartes d’identité dans quatre départements. On aurait peut-être pu circonscrire la portée du présent article à la Bretagne, que je respecte, mais qui, manifestement, est quasiment la seule à vouloir expérimenter ce dispositif. Je trouve dommage que, pour une expérimentation, on oblige toutes les chambres d’agriculture à entrer dans ce dispositif.
On l’a entendu, vous n’êtes pas dans le même état d’esprit que le Gouvernement. Aujourd’hui, ce sont les chambres d’agriculture. Demain, ce seront les chambres de métiers, les chambres de commerce qui feront l’objet d’une telle disposition.
Mes chers collègues, je vous trouve un peu timides. C’est dommage, parce que nous avions vraiment l’opportunité de supprimer cet article. Chacun prendra ses responsabilités !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. J’entends les différents arguments. Je l’ai dit, et cela a été rappelé, je crois qu’il est nécessaire de ne rien imposer sans l’avis des chambres départementales.
Pour l’élu d’un département rural que je suis, tout centraliser dans les métropoles est une catastrophe.
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Je regrette, par exemple, que les services des ressources humaines des chambres de commerce ne soient pas restés dans une chambre de commerce départementale.
M. Laurent Duplomb. C’est exactement ce qu’on dit !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Je m’adresse d’ailleurs aux Bretons : ne centralisez pas tout dans cette belle ville de Rennes !
J’en viens aux chambres d’agriculture.
Notre collègue parlait de sa région, l’Occitanie, où j’habite. Dans ses treize départements, quelle différence entre les grands producteurs de vin - l’Aude, l’Hérault, le Gard - et le pauvre petit Aveyron, qui est un département d’élevage ! (Sourires et marques de dénégation sur diverses travées.)
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Allons ! C’est très beau l’Aveyron !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Je formule le vœu, sans espérer qu’il se réalise, que si, un jour, il devait y avoir une chambre régionale de l’Occitanie, le service « élevage » soit en Aveyron et non pas transféré à Toulouse ou à Montpellier. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Qu’on laisse aussi la production viticole là où il y a vraiment de la production viticole ! J’ai pris l’exemple de l’élevage, mais c’est vrai aussi pour d’autres productions.
Dans notre pays – c’est un débat approfondi que nous devons avoir à ce sujet –, on a pris l’habitude de tout centraliser. On l’a vu avec la loi NOTRe, qui a eu pour effet de centraliser tous les services des régions au niveau de la métropole, sauf peut-être les transports scolaires, et encore…
Pour en revenir au sujet qui nous concerne, il me semble important de ne rien imposer, de laisser l’initiative aux agriculteurs, aux paysans du coin, qui sont membres des conseils d’administration des chambres d’agriculture pour adapter les outils les plus lisibles en prenant soin de ne pas hypothéquer l’avenir et en pensant aux personnels, qui feront l’objet des amendements suivants.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Il ne faut pas confondre régionalisation et mutualisation.
Je fais partie de la même grande région que notre collègue Duplomb, où l’altitude varie de 100 mètres à 4 807 mètres. Les agricultures y sont donc différentes, mais on peut envisager leur régionalisation tout en gardant une départementalisation du conseil. Il est évident que le conseil concernant l’élevage ne sera pas de même nature en Savoie et en Haute-Savoie ou dans les plaines de la Limagne. Fions-nous au bon sens paysan.
La régionalisation permettra de mettre en place un projet agricole régional. Comment peut-on aujourd’hui réfléchir à cette question département par département ? On peut imaginer une solidarité territoriale par l’agriculture. La régionalisation n’est pas synonyme de dépossession de la politique agricole départementale.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 151 et 183 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 184 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier et Arnell, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Puisque nous avons conservé l’article 19, nous en arrivons à son alinéa 4, qui a pour objet les transferts de personnels.
J’entends bien les vœux pieux de ne pas opérer de transferts aux grandes métropoles, mais, on l’a vu avec les régionalisations, en Nouvelle-Aquitaine, par exemple, les pôles de compétence ont été répartis entre Bordeaux, Poitiers et Limoges.
Vous allez donc obliger des salariés à pourvoir des postes qui pourront être situés à des heures de route de leur territoire. Dans ma région, ceux qui ont refusé des postes à Bordeaux, Limoges ou Poitiers ont été affectés à des emplois moins intéressants. C’est un vrai problème de ressources humaines que soulève cet article.
M. le président. L’amendement n° 215, présenté par M. Luche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, avec l’accord de ces derniers
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 184 rectifié.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. L’amendement n° 184 rectifié vise à supprimer l’alinéa 4, qui tend à permettre, dans le cadre d’une expérimentation dont les modalités seront définies par ordonnance, un transfert des personnels des chambres départementales d’agriculture vers les chambres régionales, ou leur mise à disposition.
Nous qui sommes élus de petits départements ruraux, nous sommes inquiets de ce transfert de personnel, parce que, au bout du bout, c’est la population, le pouvoir d’achat, l’économie locale qui sont menacés.
L’amendement que je présente, par souci de cohérence avec le texte de la commission spéciale, tend à s’assurer qu’aucun transfert ou mise à disposition de personnel ne pourra avoir lieu sans l’accord de la chambre d’agriculture départementale concernée. Cela me paraît important. C’est le contraire de ce qui a été fait quand les régions ont fusionné : on n’a pas pensé aux conséquences des transferts de personnel.
C’est pourquoi nous demandons que les chambres départementales d’agriculture donnent leur avis sur le transfert de personnel, charge à elles de s’organiser ensuite.
En clair, les transferts de compétences et de personnel devront s’effectuer selon les mêmes modalités, c’est-à-dire d’un commun accord.
En conséquence, je vous demande, ma chère collègue, de retirer l’amendement n° 184 rectifié au profit de l’amendement n° 215 de la commission ; à défaut, la commission y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement estime que ces deux amendements peuvent être considérés comme des amendements de repli, même si la commission spéciale ne s’est pas associée aux amendements de suppression.
En cohérence avec notre position sur les amendements précédents, l’avis est défavorable sur les deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je me réjouis de l’amendement de la commission, un amendement qui a du sens. Ne l’oublions pas, la fiscalité relative aux chambres d’agriculture est départementale et non pas régionale.
Dès lors qu’une chambre départementale fait le choix de faire partie de tel schéma d’organisation pour ce qui concerne son personnel ou sa mission de conseil à l’égard du monde agricole et forestier – n’oublions pas ce secteur ! –, elle l’assume fiscalement dans la mesure où la fiscalité est payée, je le rappelle, par les agriculteurs au niveau du département.
Cet amendement vise à responsabiliser les acteurs locaux au niveau des départements, sans empêcher de quelque façon que ce soit une nouvelle organisation territoriale et, surtout, en leur permettant d’en supporter les conséquences financières. Je voterai cet amendement, car il redonne du sens au regard du débat que nous avons eu précédemment et aux craintes que nous avons exprimées.
Au demeurant, je le répète, il est dommage de traiter ce dossier dans le cadre de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Avec l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement, nous avons presque des remords de ne pas avoir supprimé l’article 19 !
On propose un amendement tendant à responsabiliser les acteurs concernés en leur donnant la possibilité, comme l’a dit Daniel Gremillet, de s’organiser différemment ou pas, laissant alors vivre la démocratie locale et celle des territoires. Mais si le Gouvernement est contre cet amendement, c’est parce qu’il a derrière la tête l’idée de faire comme le Soviet suprême : tout le monde se met en rang et marche dans le même sens. Alors là, on n’est pas d’accord ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Marques d’étonnement sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Notre collègue vient d’interpeller M. le secrétaire d’État. Permettez-moi, à mon tour, de lui faire part d’une réflexion.
Un certain nombre d’entre nous sont d’anciens présidents de département. Ne nous voilons pas la face, c’est la marche en avant dans la suppression des départements !
M. Laurent Duplomb. Bien sûr !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. C’est la réalité, je suis désolé de vous le dire.
Cela a commencé par les régions, les PETR, les parcs, les chambres de commerce et d’industrie, à qui on n’a pas demandé leur avis. Aujourd’hui, pour les chambres d’agriculture, on réfléchit – tel est aussi l’objet de cet amendement – à la mise en place de systèmes permettant éventuellement de maîtriser les choses – ce fut le cas jusqu’à présent –, mais soyons vigilants. Bien sûr, je suis départementaliste, plus que certains ! Mais soyons vigilants, je le répète.
Concernant le personnel, je rappelle ce que j’ai dit précédemment. En vertu des responsabilités locales qui sont les nôtres ou de celles de nos amis qui exercent des responsabilités localement, faisons, j’y insiste, passer le message : il est majeur qu’une famille, qu’un emploi demeurent dans nos départements. Tous les services ne doivent pas être centralisés au sein de la métropole.
Dans mon département, j’ai participé au transfert de la compétence des transports scolaires. Certaines régions ont transféré tous les services à la métropole. Chez nous, on est à peu près arrivé à sauver les meubles en conservant le service des transports scolaires. Pourquoi ? Pour être au plus près du terrain ou des préoccupations de nos concitoyens, pour faire des transports scolaires « clé en main », si je puis dire.
Soyons vigilants : qui dit transfert de personnel dit, je suis désolé de le répéter, transfert de pouvoir d’achat, transfert de population et transfert d’activités économiques. Telle est la problématique.
M. Michel Dagbert. Fermetures de classes, aussi !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. J’ai du mal à comprendre, mais peut-être que quelque chose m’a échappé…
D’abord, que font la réorganisation ou les possibilités de coopération à l’intérieur des structures de chambres d’agriculture dans un projet de loi de confiance ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Eh oui !
M. Jean-Marc Gabouty. On examine ici un texte de décentralisation et d’organisation territoriale. Or cette disposition est en quelque sorte un cavalier.
Ensuite, après avoir écouté le rapporteur et un certain nombre d’intervenants, j’ai l’impression qu’il existe un décalage entre leurs propos et le vote émis il y a quelques instants : on annonce que l’on va, avec cet article, dans une voie que l’on ne souhaite pas, mais on vote de telle façon que l’on y va quand même. Cela m’étonne un peu…
Vous parlez des transports scolaires, monsieur le rapporteur, mais ce n’est pas uniquement un problème de proximité qui se pose. La mutualisation et la massification entraînent, dans un certain nombre de cas, des économies et, dans d’autres, des coûts supplémentaires. Or on a besoin des mêmes moyens aux niveaux départemental et local pour organiser les transports scolaires. En plus, dans les régions, un service est chargé de la formation, de l’évaluation, du contrôle, des statistiques, etc. On crée donc de la technostructure. Aujourd’hui, le coût des transports scolaires, sans avoir amélioré la qualité desdits transports, est plus élevé qu’il y a quatre ou cinq ans.
Il faut bien en être conscient, la centralisation est quelque chose de coûteux, car on recrée de l’administration improductive à un autre niveau.
Pour ce qui concerne les chambres d’agriculture, je n’ai pas d’avis, mais laissons-les s’organiser comme elles le souhaitent. Aujourd’hui, rien n’empêche plusieurs chambres départementales de confier des missions à une chambre régionale. On parle de mise à disposition de personnels dans les chambres régionales, mais on aurait pu aussi prévoir l’inverse, c’est-à-dire la mise à disposition des personnels des chambres régionales dans les chambres départementales. En effet, ces transferts doivent exister dans les deux sens.
Je suis donc quelque peu déboussolé dans ce débat. En tout cas, je ne cautionnerai pas cette évolution, parce que je suis profondément décentralisateur : je crois à l’efficacité humaine et financière d’une gestion de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Cet article est intéressant dans la mesure où il permet aux chambres d’agriculture d’avoir de nouvelles compétences et de les tester. Pour autant, il faut conserver des chambres départementales.
Nous avons parlé des états généraux de l’alimentation et de la séparation du conseil et de la vente, ce qui est une bonne chose. Il va justement falloir assurer cette mission de conseil au plus près du terrain. Or, on le sait, les zones agricoles se mesurent non pas en nombre d’habitants, mais en kilomètres carrés. Au niveau de la centralisation, le département est la zone la plus grande que l’on puisse avoir pour assurer la mission de conseil.
Adopter cet article ? Pourquoi pas, mais il importe de conserver les chambres départementales d’agriculture. Si celles-ci veulent mutualiser, qu’elles soient libres de le faire ! C’est pour cette raison que la rédaction proposée par la commission spéciale me convient. Aussi, je suivrai le rapporteur. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Article 20
(Non modifié)
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 172-16 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sauf instruction contraire du procureur de la République, une copie du procès-verbal de constatation de l’infraction est également transmise au contrevenant, lorsqu’il est connu, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 521-16 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) La première phrase du second alinéa est complétée par les mots : « aux dispositions du présent chapitre » ;
3° L’article L. 571-20 est abrogé.
II. – Le quatrième alinéa de l’article L. 161-12 du code forestier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sauf instruction contraire du procureur de la République, une copie du procès-verbal est également transmise au contrevenant, lorsqu’il est connu, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. »
M. le président. L’amendement n° 127, présenté par Mmes Préville et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet article introduit un droit à l’information pour une personne mise en cause en cas d’infraction au code de l’environnement et au code forestier. Une transmission systématique à l’intéressé du procès-verbal constatant les infractions qu’il a commises est ainsi prévue, sauf opposition du parquet dans un délai déterminé.
Nous nous interrogeons fortement sur la disposition prévue à cet article. Celle-ci est effectivement une source d’inefficacité de l’action répressive et s’applique dans un domaine régi par nos engagements européens.
D’abord, ce droit d’accès est déjà organisé de manière générale et équilibrée pour toutes les parties par le code de procédure pénale sans qu’aucun motif d’intérêt général justifie des dispositions particulières dans le seul domaine de l’environnement.
Les services des parquets et des polices environnementales sont aujourd’hui débordés et n’arrivent plus à mettre en œuvre leurs prérogatives avec efficacité, en raison de formalités sans cesse croissantes et complexes qu’ils doivent assumer. Les dispositions prévues viendraient par ailleurs entraver les investigations lors de l’enquête de police.
Ensuite, cette disposition non conforme à nos engagements européens dans le domaine de l’environnement viendrait s’ajouter à un contexte de répression insuffisante des atteintes à l’environnement et dont l’érosion croissante de la biodiversité constitue l’une des atteintes les plus graves. Rappelons-le, nous faisons partie, nous les êtres humains, de cette biodiversité.
Je demande donc la suppression de cet article. Il serait plus opportun qu’une véritable politique soit menée en matière de défense de l’environnement, avec des moyens prévus pour la mettre en œuvre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 20, qui prévoit une transmission automatique aux contrevenants d’une copie des procès-verbaux des infractions aux normes environnementales qu’ils ont commises, sauf instruction contraire du procureur de la République. Pourtant, il s’agit là d’une bonne mesure, qui permettra aux personnes mises en cause d’être informées au stade de l’enquête préliminaire des infractions commises et de se mettre en conformité avant que d’éventuelles poursuites ne soient engagées par le procureur de la République.
Aussi, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement^, pour les mêmes raisons.
J’ajoute que nous ne partageons pas l’appréciation de Mme Préville sur le fait que ces dispositions ne respecteraient pas les engagements européens. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’alinéa 7 de l’article 20 prévoit que le procureur de la République peut s’opposer à la transmission de la copie du procès-verbal s’il considère que celle-ci serait de nature à entraver l’enquête.
M. le président. L’amendement n° 199 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Mouiller et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Vaspart, Pillet et Cornu, Mmes Bruguière, Thomas, Chain-Larché, Deromedi et Estrosi Sassone, MM. Guené et Pellevat, Mmes Lamure et Di Folco, M. Bazin, Mme Duranton, MM. Bonne, Danesi, Chatillon et Grand, Mmes Lopez et Garriaud-Maylam, MM. Émorine, Rapin, Paul, Kennel, Pointereau, Daubresse et Pierre, Mme Canayer et MM. Revet, Cuypers, Priou, B. Fournier, de Nicolaÿ, Babary, Lefèvre, Bas, Raison, Leroux, Poniatowski et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… La troisième phrase de l’article L. 514-5 est complétée par les mots : « dans un délai raisonnable qui ne peut être inférieur à 15 jours sauf urgence dûment justifiée » ;
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement de bon sens, là encore, vise à permettre à un exploitant qui vient de recevoir copie du procès-verbal du contrôle qu’il a subi au titre des installations classées de faire valoir auprès du préfet le principe du contradictoire, en l’autorisant dans un délai minimum de quinze jours à faire parvenir ses observations au service concerné de la préfecture.
Cette mesure a d’autant plus d’intérêt qu’elle va dans le sens d’une société de confiance : les éléments contradictoires peuvent apporter des réponses qui ne figurent pas notamment dans le cadre du contrôle, évitant ainsi une mise en demeure qui serait inutile. Ce serait de nature à désencombrer totalement l’appareil administratif.
L’efficacité, c’est de permettre un équilibre entre le contrôleur et le contrôlé, en prévoyant un délai minimum pour pouvoir agir avec des éléments contradictoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement prévoit d’instaurer un délai minimum de quinze jours avant que l’exploitant d’une installation classée ayant fait l’objet d’un contrôle par un inspecteur puisse faire part au préfet de ses observations sur le rapport de contrôle.
Actuellement, les exploitants n’ont pas de limite de temps – c’est un point important – pour faire part aux préfets de leurs remarques sur les contrôles dont ils ont fait l’objet. En imposant aux exploitants d’attendre quinze jours avant de transmettre leurs réponses, cet amendement viendrait rigidifier la situation et créer une contrainte pour les exploitants, alors même que certains d’entre eux peuvent souhaiter faire parvenir plus tôt leurs observations aux préfets.
Dans ces conditions, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, la commission y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. La détermination d’un délai tel que le propose M. Gremillet nous paraît en l’espèce inutile.
Le rapport n’est qu’un document administratif formalisant la situation constatée au moment de la visite de contrôle afin d’en informer l’autorité compétente. Je précise que tout rapport d’inspection ne donne pas forcément lieu à une mise en demeure. Les observations de l’exploitant pourront toujours être entendues, quel que soit le délai dans lequel elles interviennent.
Si la situation constatée donne lieu à une mise en demeure, l’exploitant bénéficiera alors, dans le cadre de cette procédure contradictoire, d’un délai pour présenter des observations, tel que cela est prévu dans le code de l’environnement.
En conséquence, je m’associe à la demande de retrait de cet amendement et, à défaut, à l’avis défavorable de la commission.
M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 199 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. Comme le rapporteur et M. le secrétaire d’État confirment qu’aucun délai n’est prévu, je vais le retirer. Cela va mieux en le disant !
Monsieur le secrétaire d’État, on sait que le rapport d’inspection ne donne pas forcément lieu à une mise en demeure dès lors que l’exploitant est capable de justifier qu’il n’y a pas d’erreur. Mais cela ne se termine pas toujours aussi bien.
Dans la mesure où M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État confirment que l’exploitant peut opposer des éléments contradictoires au-delà d’un délai de quinze jours, je ne peux que m’en réjouir. Mais il importait que cela soit dit dans le cadre de notre débat.
Après les explications données, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 199 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 20.
(L’article 20 est adopté.)
Article additionnel après l’article 20
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 71, présenté par M. Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, Taillé-Polian, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration, les mots : « avis du Conseil d’État et des juridictions administratives, les » sont supprimés.
II. – À l’article L. 141-3 du code des juridictions financières, les mots : « , rapports et diverses communications » sont supprimés.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Dans le droit fil de nos échanges avec notre collègue Karoutchi, article après article, amendement après amendement, nous relevons la lourde mission de construire la société de confiance, qui a un vocabulaire que nous commençons à maîtriser : efficacité, bienveillance, simplification, dialogue, modernité ; des termes auxquels on peut ajouter celui de transparence…
Au-delà de cette touche d’ironie, nous proposons, par cet amendement, d’élargir la liste des documents administratifs communicables au public. Selon le principe fixé par les textes en vigueur, les administrations sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en ont fait la demande. Ce principe souffre néanmoins d’exceptions prévues à l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration : globalement, tous les documents dont la consultation ou la communication porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement, au secret de la défense nationale, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations, mais aussi les avis du Conseil d’État et des juridictions administratives, les documents de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, les documents élaborés ou détenus par l’Autorité de la concurrence dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs d’enquête, d’instruction et de décision, les documents élaborés ou détenus par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, etc.
Au sein de cette seconde catégorie, nous proposons que les documents qui n’ont pas le statut de documents préparatoires puissent être communicables au public, à savoir les avis du Conseil d’État et les rapports et communications de la Cour des comptes. Le champ d’application de notre amendement est ainsi clairement circonscrit.
M. le président. L’amendement n° 72, présenté par M. Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, Taillé-Polian, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 311-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 311-5-… – Par dérogation au 1° de l’article L. 311-5, les avis du Conseil d’État sur les projets de loi, les propositions de loi et les ordonnances sont publiés en ligne et communiqués aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. »
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Dans l’hypothèse où le Sénat ne retiendrait pas la rédaction de notre amendement n° 71, pourtant relativement modeste, nous proposons cet amendement de repli, qui est un peu plus restrictif. Ainsi, les avis du Conseil d’État sur les projets de loi, les propositions de loi et les ordonnances seraient publiés en ligne et communiqués aux personnes qui en ont fait la demande, dans les conditions prévues par le présent livre.
Ces avis sont, pour l’essentiel, déjà publiés sur internet, sur le site Légifrance, mais cette publication relève pour l’instant du bon vouloir du Gouvernement. C’est pourquoi nous proposons simplement que la publication des avis du Conseil d’État sur les projets de loi, les propositions de loi et les ordonnances soit la règle de droit commun. Voilà ce que nous attendons de la transparence !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Je supplée temporairement M. Luche.
L’amendement n° 71 tend à ce que les avis du Conseil d’État et des juridictions administratives ainsi que les rapports et diverses communications de la Cour des comptes soient communicables au public. À défaut, par l’amendement n° 72, vous souhaitez que seuls les avis du Conseil d’État sur les projets de loi, les propositions de loi et les ordonnances soient publiés.
Nous partageons l’objectif de transparence que vous poursuivez. Toutefois, il semble que ces amendements posent deux problèmes de constitutionnalité.
En premier lieu, il serait nécessaire de modifier la Constitution pour rendre obligatoire la publication des avis rendus par le Conseil d’État. C’est d’ailleurs ce qu’a proposé le groupe de travail sur la révision constitutionnelle présidé par le président Gérard Larcher.
En second lieu, et de la même manière, tous les rapports et communications de la Cour des comptes ne peuvent être rendus publics. L’article 47-2 de la Constitution distingue en ce sens les travaux de la Cour des comptes menés pour l’assistance au Parlement et au Gouvernement des rapports qu’elle doit rendre publics pour contribuer à l’information des citoyens.
Certaines transmissions de documents pourraient, en outre, concerner des domaines sensibles tels que la défense nationale.
Pour ces raisons, je demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement reprend à son compte les arguments présentés par le président de la commission spéciale, tout en précisant que nous avons peut-être une divergence d’appréciation sur le caractère des avis du Conseil d’État.
Vous souhaitez la publication des avis qui ne relèvent pas des documents préparatoires. Or, à nos yeux, les avis relèvent précisément de ces documents.
Je tiens également à préciser – j’ai eu l’occasion de le faire la semaine dernière à l’occasion de l’examen de la proposition de loi organique présentée par votre groupe qui a donné lieu à ce même type d’échange – qu’une relation de confiance entre l’administration et les usagers repose sur un meilleur accès aux documents administratifs, une préoccupation que nous partageons.
Depuis le conseil des ministres du 19 mars 2015, les avis rendus par le Conseil d’État sur les projets de texte sont en principe publiés sur le site internet Légifrance. Cependant, il est nécessaire que le Gouvernement conserve en la matière une marge d’appréciation au regard, notamment, de la préservation du secret des délibérations du Gouvernement, ce qui renvoie à un certain nombre de considérations évoquées par le président de la commission spéciale. Les avis du Conseil d’État ne peuvent donc constituer des documents administratifs communicables au sens des dispositions du code des relations entre le public et l’administration.
Quant aux rapports et communications de la Cour des comptes, dans la mesure où les rapports publics thématiques et annuels sont publiés sur son site internet, l’exigence de transparence dont fait état l’amendement nous semble assez largement satisfaite. La possibilité de communiquer les autres documents produits par la Cour des comptes, notamment les rapports particuliers portant sur les comptes et la gestion des entreprises publiques, qui contiennent éventuellement des informations pouvant conduire à une procédure devant le juge pénal ou la Cour de discipline budgétaire et financière, risquerait de porter atteinte au bon déroulement de ces procédures, ce qui nous incite à la plus grande réserve.
L’amendement n° 72 allant dans le même sens, mon argumentation sera identique.
Par conséquent, je m’associe à la demande de retrait du président de la commission spéciale et, à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Durain, les amendements nos 71 et 72 sont-ils maintenus ?
M. Jérôme Durain. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 72.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous voterons cet amendement.
Puisque nous sommes si sourcilleux avec la Constitution, nous aurions pu nous souvenir qu’il y a un article 34… Cela nous aurait permis de gagner du temps : la moitié du texte est de nature réglementaire !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE II
VERS UNE ACTION PUBLIQUE MODERNISÉE, SIMPLE ET EFFICACE
Chapitre Ier
Une administration engagée dans la dématérialisation
Article 21
Sans préjudice de l’article L. 114-8 du code des relations entre le public et l’administration, à titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la publication du décret en Conseil d’État prévu au troisième alinéa du présent article, les personnes inscrites au répertoire des entreprises et de leurs établissements, qui y consentent, ne sont pas tenues de communiquer à une administration des informations que celle-ci détient déjà dans un traitement automatisé ou qui peuvent être obtenues d’une autre administration par un tel traitement.
Lorsqu’elle obtient des informations par un traitement automatisé, l’administration en informe la personne concernée. Elle assure la confidentialité et la protection de ces informations afin d’empêcher qu’elles soient déformées ou endommagées ou que des tiers non autorisés y aient accès.
Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les modalités d’application du présent article, notamment la liste des traitements automatisés entrant dans le champ de l’expérimentation ainsi que, pour chaque traitement, la liste des données disponibles.
L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation, notamment de son impact sur les délais administratifs, dont les résultats sont transmis au Parlement. – (Adopté.)
Article 21 bis
(Non modifié)
I. – Le second alinéa de l’article L. 113-12 du code des relations entre le public et l’administration est supprimé.
II. – Le début de l’article L. 114-10 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi rédigé : « Lorsqu’en raison de leur nature ou d’une impossibilité technique, les informations… (le reste sans changement). »
III. – Le tableau constituant le second alinéa des articles L. 552-3 et L. 572-1 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° Après la septième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 113-12 |
Résultant de la loi n° du pour un État au service d’une société de confiance |
» ; |
2° À la huitième ligne de la première colonne, la référence : « L. 113-12 à » est supprimée.
M. le président. L’amendement n° 217, présenté par M. Luche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. - Alinéa 3
Après la référence L. 552-3
insérer la référence :
, L. 562-3
B. - Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
… À la neuvième ligne de la première colonne, la référence : « L. 114-10 » est remplacée par la référence : « L. 114-9 » ;
… Après la neuvième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
L. 114-10 |
Résultant de la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance |
».
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 21 bis, modifié.
(L’article 21 bis est adopté.)
Article 22
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
I. – (Non modifié) L’article L. 212-2 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° Le 2° devient le 3° ;
2° Il est rétabli un 2° est ainsi rédigé :
« 2° Les décisions administratives relatives à la gestion de leurs agents produites par les administrations sous forme électronique dans le cadre de systèmes d’information relatifs à la gestion ou à la dématérialisation de processus de gestion des ressources humaines conforme aux articles 9, 11 et 12 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 précitée, quelles que soient les modalités de notification aux intéressés, y compris par l’intermédiaire d’un téléservice mentionné au 1° ; ».
II. – À la huitième ligne de la seconde colonne du tableau du second alinéa des articles L. 552-6, L. 562-6 et L. 573-2 du code des relations entre le public et l’administration, la référence : « loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 » est remplacée par la référence : « loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance ».
III. – L’article 29-4 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont dispensées de la signature de leur auteur, dès lors qu’elles comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les décisions administratives relatives à la gestion des fonctionnaires et agents contractuels de droit public de La Poste produites à l’aide de systèmes d’information relatifs à la gestion ou à la dématérialisation de processus de gestion des ressources humaines présentant des garanties équivalentes à celles qui résultent des articles 9 à 12 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, quelles que soient les modalités de notification aux intéressés, y compris par l’intermédiaire d’un téléservice. »
IV. – Sont dispensées de la signature de leur auteur, dès lors qu’elles comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les décisions administratives relatives à la gestion des fonctionnaires et agents contractuels de droit public des établissements publics industriels et commerciaux produites à l’aide de systèmes d’information présentant des garanties équivalentes à celles qui résultent des articles 9 à 12 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, quelles que soient les modalités de notification aux intéressés, y compris par l’intermédiaire d’un téléservice.
M. le président. Le vote est réservé.
Article 22 bis
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le III de l’article 13 de l’ordonnance n° 2015-682 du 18 juin 2015 relative à la simplification des déclarations sociales des employeurs est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « dans leur rédaction issue de la présente ordonnance » sont supprimés ;
2° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Elles s’appliquent à compter d’une date fixée par décret, le cas échéant en distinguant plusieurs échéances selon les employeurs et la nature des données de la déclaration sociale nominative :
« a) Au plus tard le 1er janvier 2022 pour les employeurs relevant des régimes prévus à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale suivants :
« – les administrations, services, offices, établissements publics de l’État, les établissements industriels de l’État et l’Imprimerie Nationale, pour les fonctionnaires, les magistrats et les ouvriers de l’État ;
« – les régions, les départements et communes ;
« – les établissements publics départementaux et communaux n’ayant pas le caractère industriel ou commercial ;
« b) Au plus tard le 1er janvier 2020 pour les employeurs relevant des régimes prévus au même article L. 711-1 autres que ceux mentionnés au a du présent 1° ; ».
M. le président. Le vote est réservé.
Article 23
I. – À titre expérimental, le demandeur d’une carte nationale d’identité, d’un passeport, d’un permis de conduire ou d’un certificat d’immatriculation est, à sa demande, dispensé de la production de pièces justificatives relatives à son domicile.
Pour bénéficier de cette dispense, le demandeur déclare son domicile et produit à l’administration en charge de l’instruction de sa demande une information permettant son identification auprès d’un fournisseur d’un bien ou d’un service attaché à son domicile. Un arrêté fixe la liste de ces fournisseurs.
Le fournisseur mentionné au deuxième alinéa du présent I est tenu de répondre aux sollicitations de l’administration en lui communiquant les données à caractère personnel lui permettant de vérifier le domicile déclaré par le demandeur.
L’administration assure la confidentialité et la protection de ces informations.
II. – Cette expérimentation est menée dans les départements de l’Aube, du Nord, des Yvelines et du Val-d’Oise pour une durée de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi. Elle fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement.
III. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, sur l’article.
M. Claude Kern. Je voudrais revenir sur le problème de la gestion de la délivrance des cartes grises que nous avons connu à la fin de l’année dernière.
Depuis le transfert des services rendus par les services déconcentrés de l’État dans la délivrance des cartes grises à l’Agence nationale des titres sécurisés, au début du mois de novembre de l’année dernière, le système d’immatriculation des véhicules semble être géré de manière calamiteuse.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. C’est vrai !
M. Jackie Pierre. Tout à fait !
M. Claude Kern. Le bug de fin d’année a été dantesque, puisque le stock de certificats d’immatriculation en attente s’est trouvé à un niveau intolérable : les garages ont été bloqués, les concessionnaires étaient aux abois et les clients ont dû attendre avant de pouvoir rouler avec leur voiture nouvellement acquise, certains ont même annulé leur achat.
Une petite partie du réseau a effectivement été débloquée, mais on ne peut pas vraiment parler de victoire puisqu’il ne s’agit que du serveur consacré aux professionnels – les garages, les concessionnaires, les stations de lavage – habilités par la préfecture à faire les demandes de cartes grises pour les particuliers. En attendant, c’est toujours la même galère pour les particuliers.
Le guichet de la préfecture dédié à l’immatriculation des véhicules étant définitivement fermé, les particuliers n’ont d’autre choix, pour obtenir leur carte grise, que de faire appel au service d’entreprises privées du secteur automobile, le service informatique de celles-ci étant, lui, en état de marche. Pour ces particuliers, cela a tout de même un coût supplémentaire important.
Face au site défaillant ants.gouv.fr, certainement à cause d’un lancement trop précipité, on ne peut rien faire. Quelles garanties le Gouvernement peut-il apporter en ce domaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jackie Pierre. Aucune !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je répondrai très brièvement, car nous avons eu des échanges sur ce sujet à de nombreuses reprises, notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances et des deux projets de loi de finances rectificative au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Le nombre d’équivalents temps plein mis à disposition de l’agence que vous citez, monsieur le sénateur, a presque doublé au cours des derniers mois. Les systèmes informatiques que vous décrivez comme défaillants ont été reconfigurés de manière que le retard, qui est réel, avec 800 000 cartes grises à une époque qui est heureusement révolue, puisse être résorbé. Ce travail se poursuit. Nous avions indiqué à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative que, d’ici à la fin du premier semestre de 2018, l’intégralité du stock de retard pourrait être absorbée de façon à pouvoir offrir à nos concitoyens un service de meilleure qualité.
Personne ne nie les difficultés rencontrées par la plateforme que vous avez citée et par le système mis en place. L’objectif que nous poursuivons est de mettre les moyens nécessaires pour apporter une réponse à ce problème : des moyens budgétaires, des moyens humains et la reconfiguration du système informatique, en gageant que l’efficacité sera enfin au rendez-vous.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. J’irai dans le même sens que Claude Kern.
Pour avoir auditionné les services de l’État dans le département de Meurthe-et-Moselle, sous l’autorité du préfet, voilà trois semaines, afin d’alimenter le débat, comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, je confirme le propos de mon collègue, et je veux même vous alerter sur deux points, monsieur le secrétaire d’État.
Le premier concerne le retard, le ralentissement du traitement des demandes et donc l’insatisfaction des usagers.
Le second point a trait à la fraude.
Les services de l’État ont appelé mon attention sur la question des fraudes supplémentaires liées aux pièces qui leur parviennent désormais de manière dématérialisée. Auparavant, avec le contact humain, par l’appréciation sensorielle, tactile, les services de la préfecture pouvaient détecter les fraudes à hauteur de 80 %, m’ont-ils confié.
Dans le cadre d’une société de confiance, on a beaucoup évoqué la question de la fraude – et nous y reviendrons encore ultérieurement – ; l’État doit être garant de la démarche de qualité. Soyons attentifs à ce sujet, un sujet important qui touche à la vie quotidienne.
De la même manière, Mme la rapporteur m’a expliqué qu’il est arrivé que des concessionnaires aient dû prendre à leur charge des locations, puisque leurs clients ne disposaient pas de leur véhicule. Quid de l’efficacité et de la célérité des services dits de l’État ?
MM. Claude Kern et Jackie Pierre. Tout à fait !
M. le président. L’amendement n° 185 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier et Arnell, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. L’article 23 prévoit une expérimentation visant à simplifier les démarches pour la délivrance des cartes nationales d’identité, des passeports, des permis de conduire et des certificats d’immatriculation des véhicules dans quatre départements : le Nord, les Yvelines, l’Aube et le Val-d’Oise.
La simplification envisagée n’est pas d’une évidence flagrante. Quel sera son véritable impact sur les communes ? On pense à l’usager, mais quelle plus-value les communes peuvent-elles attendre d’une telle mesure ?
Le groupe du RDSE considère que cette disposition créera des difficultés d’autant que, vous l’imaginez bien, le fait de se passer d’un justificatif de domicile pour la délivrance de titres, comme une carte d’identité, permettant de circuler sur le territoire, d’y entrer ou d’en sortir nous paraît compliqué et dangereux. Sans compter que l’expérimentation sera menée dans un département frontalier comme le Nord !
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’article 23 prévoit le remplacement, à titre expérimental, de la fourniture d’un justificatif de domicile par la transmission d’informations permettant l’identification du demandeur auprès d’un fournisseur de prestations attachées à son domicile.
L’expérimentation proposée n’a pas d’impact sur la gestion de la délivrance des titres par les communes. Il s’agit seulement d’une simplification très mineure pour les usagers.
Si l’expérimentation vise à supprimer la fourniture d’un justificatif de domicile lors d’une demande de titre, les services chargés de l’instruction des titres continueront de vérifier le domicile déclaré par l’usager demandeur selon la procédure définie à l’article 23. Cette nouvelle manière de vérifier le domicile des demandeurs de titres n’empêchera pas toutes les fraudes, comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui. En revanche, elle rendra inopérante la falsification des factures.
Je souhaite toutefois appeler votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la contrainte que cette expérimentation fera peser sur les fournisseurs, en particulier les développements informatiques nécessaires à sa mise en place. Même si cette contrainte est limitée, elle suscite une certaine inquiétude. Une consultation approfondie des fournisseurs susceptibles d’être concernés par l’expérimentation préalable à sa mise en œuvre serait la bienvenue.
La commission est défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Madame Delattre, vous posez trois questions importantes, qui vont me permettre de préciser la portée et l’intérêt du dispositif de simplification prévu par cet article et, je l’espère, de vous rassurer.
Vous abordez tout d’abord le sujet sous l’angle des éventuelles charges nouvelles qu’auraient à supporter les communes. Pour compléter les propos de Mme la rapporteur, je tiens à préciser que la disposition proposée constitue au contraire une mesure de simplification pour l’administration, puisque le dispositif de vérification automatique de l’adresse du demandeur, par le biais d’une interface avec le service des impôts ou un prestataire de services, devrait alléger le travail d’enregistrement du document réalisé aujourd’hui par les services municipaux pour les demandes de carte nationale d’identité ou de passeport.
Concrètement, l’agent de mairie n’aura plus besoin de scanner et d’enregistrer le justificatif de domicile dans le dispositif de recueil des demandes. Ensuite, ce sera aux seuls services de l’État compétents pour instruire les demandes de titres, c’est-à-dire les CERT, qui dépendent du ministère de l’intérieur, de vérifier l’existence et la régularité de la déclaration du domicile. Le dispositif sera plus simple pour l’usager, ainsi que pour les services municipaux, qui n’auront ainsi plus à manipuler de papier.
Par ailleurs, ce nouveau dispositif sera davantage sécurisé. Sur ce point, je souhaite également vous rassurer : l’usager devra toujours justifier de son domicile. Il le fera sous une forme différente et dans le but d’améliorer la lutte contre la fraude documentaire, puisqu’un certain nombre des documents au format papier qui sont à fournir font l’objet de falsifications, et ce dans des proportions relativement importantes. En dématérialisant la procédure, on élimine ce risque de falsification.
Enfin, le projet de loi prévoit explicitement que l’usager aura à fournir une information permettant son identification auprès d’un fournisseur d’un bien ou d’un service attaché à son domicile : cela peut être un numéro d’abonné ou un numéro de contrat, ce qui écarte des justificatifs qui ne permettaient pas d’apprécier ce lien jusqu’alors.
Au bénéfice de ces explications, je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 185 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. On a décidé de retirer aux mairies, notamment à celles des communes rurales, la possibilité de délivrer des titres d’identité comme les cartes nationales d’identité. C’était pourtant le meilleur moyen de lutter contre la fraude : les services municipaux en zone rurale connaissent bien les habitants et savent si les demandeurs de titres habitent ou non dans la commune. En éloignant l’administration des citoyens, on se trouve obligé d’inventer de nouveaux dispositifs pour vérifier leur identité. C’est pourquoi je voterai cet amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Laurent. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Revet et Cuypers, Mme Lamure, MM. Détraigne, Bonne et Rapin, Mme Lopez, MM. B. Fournier, Savin et Pointereau, Mme Deromedi, MM. Genest et Darnaud, Mme Garriaud-Maylam, MM. Paccaud, Le Gleut et Dufaut, Mme Duranton, MM. Dallier, Bazin, Babary, Pierre et Lefèvre, Mmes Bories et Deroche et MM. Moga, Reichardt, Perrin et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le fournisseur est tenu de délivrer une attestation provisoire et doit assurer la vérification auprès du précédent titulaire du contrat avant l’établissement de toute pièce définitive de justificatif de domicile.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Nous avons évoqué à plusieurs reprises le sujet de la fraude, les documents dématérialisés, le problème des justificatifs de domicile et la question de l’interface avec les prestataires.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne sais pas si vous avez déjà décroché votre téléphone pour tenter d’obtenir un justificatif auprès d’un prestataire, comme je l’ai moi-même fait récemment, mais je peux vous dire que c’est très simple ! J’ai téléphoné à un conseiller du service clients d’EDF depuis mon bureau pour l’informer que j’étais la nouvelle locataire d’un appartement et lui demander quelles étaient les démarches à suivre. Celui-ci m’a répondu qu’il n’y avait rien à faire pour obtenir mon contrat si ce n’est de lui communiquer le numéro du compteur électrique.
Or c’est ce type de justificatif de domicile dont se servent aujourd’hui les usagers pour obtenir leurs titres d’identité – je ne parle pas des régions où l’expérimentation sera menée –, leurs permis de conduire et tout un tas de prestations. Des squatteurs utilisent même ces documents où figure leur nom pour justifier l’occupation d’un logement.
Par cet amendement, nous proposons de sécuriser vraiment la procédure que vous souhaitez mettre en place, sans pour autant compliquer les démarches de la plupart des abonnés, qui sont de bonne foi ; nous demandons simplement que le prestataire effectue un minimum de vérifications.
Cela fait des années que nous évoquons cette question au Sénat en raison des nombreuses usurpations d’identité que l’on ne parvient pas à démontrer. On se bat actuellement pour que les quittances d’électricité ou de gaz qui servent de justificatifs de domicile soient sécurisées.
En 2014, EDF avait répondu à une question que j’avais posée au Gouvernement qu’il y aurait un code sur chaque facture à l’avenir, code qui sécuriserait l’attestation de contrat valant justificatif de domicile. Je demande aujourd’hui que les opérateurs procèdent à la vérification de la réalité du domicile et de l’installation de l’usager et qu’ils ne se contentent plus d’un simple appel téléphonique.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous invite, ainsi que vos services, à faire le test : vous verrez combien il est facile de prouver que vous habitez un appartement que vous n’habitez pas dans les faits. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement a pour objet de contraindre les fournisseurs de biens et de services attachés au domicile à établir une attestation provisoire de domicile et à vérifier le changement de titulaire auprès du précédent titulaire du contrat à la même adresse.
Si je comprends bien l’objectif de sécurisation des justificatifs de domicile que vous défendez avec cet amendement, ma chère collègue, il ne me paraît pas pour autant envisageable de demander à des entreprises privées d’effectuer un tel travail de vérification, qui est du ressort des services instructeurs des demandes de titres.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement, d’autant plus que je ne suis pas tout à fait convaincu que celui-ci présente un lien direct avec le texte que nous examinons. (Murmures ironiques sur diverses travées.) En effet, l’article 23 porte sur la justification du domicile dans le cadre de l’instruction d’une demande de titre. Or vous faites plutôt référence, madame la sénatrice, aux obligations qui devraient incomber au fournisseur de services quand il conclut un contrat avec un particulier. Il nous semble que le lien entre votre amendement et le texte est un peu lointain.
Vous avez cependant raison quand vous dites que la vérification de l’adresse est importante. Le dispositif 2D-Doc, qui est un code-barres sécurisé visant à authentifier des documents utilisés par exemple par EDF, Bouygues Telecom ou encore Engie, mis en place par le Gouvernement il y a quelques années, a permis de limiter le risque de falsification des justificatifs.
Selon nous, le projet de loi se situe néanmoins à un autre niveau en prévoyant que l’usager délivre à l’administration une information qui favorise son identification auprès d’un fournisseur. Par conséquent, je le répète, le Gouvernement est défavorable à votre amendement, à moins que vous ne le retiriez.
M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Vous vous doutez bien que je ne vais pas retirer mon amendement, d’autant que Mme la rapporteur vient d’indiquer que ce sont les services instructeurs des demandes de titres qui vérifieront les informations.
M. Pierre-Yves Collombat. Ils sont à plus de 500 kilomètres des individus qu’ils contrôlent !
Mme Catherine Procaccia. Or ces services se fondent justement sur des justificatifs de domicile qui ne sont absolument pas vérifiés. Dès lors qu’ils ne font pas l’objet d’une vérification, c’est toute la chaîne qui est affectée. Avec de tels mécanismes de simplification, on fait reposer la responsabilité des contrôles sur l’entreprise.
M. Laurent Duplomb. Elle a raison !
Mme Catherine Procaccia. Mais, dans les faits, aucune vérification n’est effectuée ! Je n’ai pas contacté tous les fournisseurs, mais j’ai pu l’observer à plusieurs reprises en téléphonant ou à l’occasion de déménagements : il suffit de donner son nom et un numéro de compteur – ce n’est pas très compliqué – pour obtenir une attestation de contrat dans les deux jours. Il suffit ensuite de régler sa première facture pour justifier d’un nouveau domicile. Ainsi, c’est toute la chaîne, y compris celle de l’usurpation d’identité, qui est concernée.
Le précédent gouvernement ne m’avait pas entendue ; j’espérais que celui-ci se pencherait davantage sur la question de la protection des individus, car c’est bien de cela qu’il s’agit ici !
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. J’apporte mon soutien à cet amendement, parce qu’il est de bon sens : on ne peut plus accepter que des procédures soient engagées à cause de documents qui permettent d’usurper l’identité d’autres usagers, comme un permis de conduire ou tout autre justificatif mentionnant une adresse en réalité fictive.
On impose des contraintes aux entreprises dans bien d’autres domaines. Pas plus tard que lundi dernier, je me trouvais dans une tranchée creusée par des employés de ma commune pour remplacer les canalisations des réseaux d’eau et d’assainissement. À cette occasion, une colonne de gaz a été endommagée, mais, heureusement, un système de clapet a permis d’éviter tout accident. Malgré tout, cela a déclenché un véritable branle-bas de combat : pour une colonne de gaz qui fait un centimètre et demi de diamètre, on a fait déplacer les pompiers et les services de Gaz de France ! On nous a également interdit de poursuivre le chantier, alors que la coupure de gaz ne concernait qu’une seule habitation ! On a dû retirer la pelle qui était là, et l’entreprise qui s’occupait du chantier n’a pas pu travailler pendant plus de vingt-quatre heures. C’est finalement une autre société agréée qui s’est substituée à l’entreprise en charge de la fourniture de gaz aujourd’hui et s’est occupée de réparer la colonne.
Dans certains secteurs, on est capable de créer tout un tas de contraintes pour les entreprises, mais, quand c’est simple et de bon sens, comme dans le cas qui nous occupe, on ne veut rien faire !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. On a justifié la réorganisation des services chargés de l’instruction des demandes de titres par la nécessaire amélioration de la lutte contre les usurpations d’identité, qui constituent un véritable fléau. Sauf qu’en éloignant les services des usagers, en supprimant l’intervention des communes qui connaissent leurs habitants, on a fait en sorte que l’instruction se fasse désormais sur le fondement des documents fournis.
Notre collègue a raison : si les documents communiqués sont faux, le résultat est connu d’avance. Alors, je sais bien qu’il ne faut pas inquiéter EDF, mais bon ! Quand un usager fait une demande de pièce d’identité et qu’il fournit comme justificatif une attestation d’abonnement au service des eaux de sa commune, on la lui refuse ! Un justificatif d’EDF, en revanche, c’est sacré !
Nous sommes en plein délire, mes chers collègues ! En tout cas, il ne s’agit pas d’un faux problème.
Mme Catherine Procaccia. Merci !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous allons voter cet amendement, parce qu’il y a beaucoup trop d’usurpations d’identité aujourd’hui. C’est d’ailleurs l’une des raisons officielles invoquées par le Gouvernement pour justifier la suppression des justificatifs de domicile, même si tout le monde sait que cette disposition vise aussi à réduire les effectifs des préfectures…
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. J’entends bien ce que vous dites. Simplement, on ne peut pas contraindre le fournisseur à effectuer ce contrôle. Ce n’est pas possible !
Mme Catherine Procaccia. Bien sûr que si !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’adoption de cet amendement ne changera rien du tout. Il faut éviter d’aborder le sujet dans le cadre de ce projet de loi. Demandons plutôt à M. le secrétaire d’État de s’engager à trouver une solution. Sincèrement, il est parfaitement inutile d’introduire une telle mesure dans un texte que l’on critique justement parce qu’il contiendrait tout et n’importe et quoi !
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. C’est un appel à la raison !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Mes chers collègues, je vous propose plutôt de suivre l’avis de la commission. (M. le président de la commission spéciale et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 23, modifié.
(L’article 23 est adopté.)
Article 23 bis
I. – À titre expérimental, pour les Français établis hors de France, une attestation de résidence, délivrée par un poste diplomatique ou consulaire, datée de moins de trois mois et dont les modalités de délivrance sont fixées par décret, se substitue à toute demande de justificatif de domicile ou de résidence pour les demandes de duplicata d’un permis de conduire français et pour les demandes de certificat d’immatriculation d’un véhicule détenu en France.
II. – Cette expérimentation est menée dans l’ensemble du réseau consulaire français pour une durée de dix-huit mois à compter de la publication des décrets prévus aux I et III du présent article. L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement.
III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, sur l’article.
Mme Jacky Deromedi. Le 10 avril 2015, lors de l’examen de la loi Macron, j’ai présenté un amendement relatif au permis de conduire des Français de l’étranger. Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la Haute Assemblée, avec avis favorable de la commission spéciale, avis émis à l’époque par notre collègue Dominique Estrosi Sassone.
Mon amendement s’inspirait d’une résolution adoptée en mars 2015 par l’Assemblée des Français de l’étranger sur le rapport de notre collègue Ronan Le Gleut, alors conseiller à l’AFE. Cette résolution préconisait de permettre aux postes consulaires de délivrer des duplicatas de permis de conduire en cas de vol ou de perte des relevés d’informations restreints, ainsi que des permis de conduire internationaux. Elle demandait une simplification de la procédure de rétablissement des droits à conduire pour les Français qui ont été titulaires d’un permis de conduire français et qui reviennent en France.
L’AFE demandait également que les échanges réciproques de permis de conduire soient favorisés, notamment dans les États ou provinces de pays fédéraux, et que l’échange du permis moto soit étendu quand l’échange du permis voiture existe déjà. Enfin, elle demandait qu’un fascicule d’information et une rubrique du site internet du ministère des affaires étrangères abordent tous les cas de figure et soient régulièrement mis à jour.
M. Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, m’avait répondu ici même qu’il était favorable à cet amendement, mais qu’il préférait régler la situation par décret. Il s’était alors engagé à publier le décret avant le mois de juillet. Il s’était aussi engagé à faire réaliser des études sur la compatibilité de plusieurs mesures qui figuraient dans mon amendement avec le droit européen. Il m’avait assuré que, si cette compatibilité était reconnue, il corrigerait le projet de décret alors en cours d’examen par ses services. Je suis intervenue à plusieurs reprises auprès de lui pour obtenir la parution du décret, lequel a finalement été publié, mais ne couvre pas toutes les situations.
L’article 23 bis adopté par l’Assemblée nationale, opportunément amendé par notre commission spéciale, démontre que toutes les demandes de nos compatriotes n’ont pas encore été satisfaites. Cet article contribue à faire un pas de plus ; je ne peux que l’approuver, puisque j’ai moi-même réclamé ces mesures avec mes collègues sénateurs des Français de l’étranger, dont Richard Yung, qui a soutenu mon amendement à l’époque.
J’ai toutefois un regret à propos de l’article 23 bis. Il s’agit d’une mesure expérimentale, alors que nos compatriotes expatriés attendent une mesure définitive depuis des décennies. L’expérimentation doit durer dix-huit mois ; elle aurait même pu durer moins longtemps si notre commission n’en avait pas précisé le point de départ. J’espère que le gouvernement en fonction dans dix-huit mois aura la sagesse de pérenniser cet article et même d’aller plus loin. Je salue néanmoins cette nouvelle avancée pour laquelle je voterai. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 218, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
et pour les demandes de certificat d’immatriculation d’un véhicule détenu en France.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’article 23 bis met en place une expérimentation qui permet aux Français de l’étranger de justifier de leur domicile grâce à un certificat de résidence délivré par le consulat pour obtenir un duplicata de permis de conduire français ou un certificat d’immatriculation pour un véhicule détenu en France.
Le Gouvernement nous a signalé une difficulté concernant l’application de cette expérimentation au certificat d’immatriculation. En effet, la délivrance de ce certificat est obligatoirement associée au paiement d’une taxe au profit des régions, dont le taux est fixé par celles-ci. Dans ce cadre, il est nécessaire de disposer d’une justification de l’adresse du demandeur en France. Il n’est donc pas prévu que les Français résidant à l’étranger puissent demander un certificat d’immatriculation de véhicule.
En accord avec le Gouvernement, et afin de préserver les ressources des régions, il est donc proposé de ne pas inclure les certificats d’immatriculation dans le champ de l’expérimentation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement est évidemment favorable à l’amendement, puisque celui-ci est le fruit d’un travail commun et d’échanges.
M. le président. Je mets aux voix l’article 23 bis, modifié.
(L’article 23 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 23 bis
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié bis, présenté par Mmes Lepage et Conway-Mouret, MM. Leconte et Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, Taillé-Polian, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau et Sueur, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 23 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au III de l’article 83 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, les mots : « peuvent mutualiser » sont remplacés par le mot : « mutualisent ».
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Chaque année, la production du certificat d’existence pour les pensionnés de retraite établis hors de France pose de nombreux problèmes, en raison notamment d’un acheminement postal compliqué. Ces difficultés retardent, voire empêchent le versement de leurs pensions de retraite lorsque ceux-ci n’arrivent pas à produire leur certificat d’existence dans les délais, avec toutes les conséquences financières, sociales et humaines que je vous laisse imaginer.
La multiplicité des caisses de retraite signifie donc que ces citoyens doivent multiplier plusieurs fois la même démarche, ce qui accroît les risques de retard. Dans le droit en vigueur, les régimes obligatoires de retraite peuvent mutualiser la gestion des certificats d’existence. D’après les témoignages recueillis, elles ne le font pourtant pas.
Cet amendement vise donc à rendre obligatoire la mutualisation de la gestion des certificats d’existence, afin de favoriser le partage des informations sur l’existence d’une personne entre toutes les caisses de retraite. Cela éviterait aux Français établis hors de France d’avoir à produire autant de certificats d’existence qu’ils ont de caisses de retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a prévu l’obligation, pour les bénéficiaires d’une pension de retraite servie par un organisme français, résidant hors de France, de fournir au maximum une fois par an un justificatif d’existence à leur caisse de retraite. Des échanges d’informations ont été mis en place avec un certain nombre de pays européens, afin que les caisses n’aient plus besoin de demander un tel justificatif.
La même loi de financement de la sécurité sociale a également prévu la possibilité pour les régimes obligatoires de mutualiser la gestion de ces certificats, afin que les polypensionnés ne soient pas tenus de transmettre plusieurs justificatifs dans des conditions qui ont été précisées par un décret du 13 décembre 2013. Il ressort de nos échanges avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse qu’un projet de mutualisation de la gestion des certificats d’existence pour l’ensemble des régimes est en cours et devrait aboutir dans le courant de l’année 2019, ce que le M. le secrétaire d’État pourra sans doute confirmer dans un instant.
Cet amendement étant en passe d’être satisfait, je vous propose de le retirer, ma chère collègue. J’ajoute qu’un certain nombre d’amendements relatifs au même sujet et prévoyant notamment la dématérialisation des justificatifs d’existence ont été déclarés irrecevables, car ils relevaient du domaine réglementaire. La question n’en est pas moins réelle, et M. le secrétaire d’État pourrait peut-être nous informer sur les mesures envisagées par le Gouvernement qui vont dans ce sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement vous demande également de retirer votre amendement, madame Lepage.
Je confirme les propos de Mme la rapporteur : au-delà des différentes dispositions adoptées, un système de mutualisation est en cours d’élaboration dans le cadre du groupement d’intérêt public Union Retraite, dont les travaux devraient s’achever dans le courant de l’année 2019. Cela devrait permettre aux assurés de ne plus avoir à transmettre qu’un seul certificat. Ainsi, tout sera complètement mutualisé, et votre demande sera satisfaite
Pour répondre à Mme la rapporteur, je précise que le Gouvernement se penche en effet sur la dématérialisation des justificatifs d’existence, notamment pour faciliter la vie des usagers, et aura certainement à prendre des dispositions par voie réglementaire. Le chantier n’en est qu’à ses débuts, mais je peux vous assurer de l’engagement du Gouvernement sur ce dossier, y compris au travers de la prise en compte d’un certain nombre de propositions formulées dans des rapports d’origine parlementaire. Je pense notamment au rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, déposé il y a quelque temps, et dont une partie des mesures seulement a été mise en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je veux apporter mon soutien à l’amendement présenté par notre collègue Claudine Lepage et rappeler que j’avais moi-même déposé un amendement visant à dématérialiser les certificats d’existence. Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution. J’estime que cette décision n’était pas fondée.
D’abord, un certificat de décès doit être considéré de la même façon qu’un certificat de naissance ou d’existence. L’ensemble de ces documents appartiennent aux procédures normales de la vie administrative. M’opposer que ce type de document ne fait pas partie des actes de l’état civil ne me semble pas tout à fait acceptable.
Ensuite, je précise qu’il est fait mention de la dématérialisation des documents et des démarches dans un certain nombre de codes, comme le code de la propriété intellectuelle, le code de commerce ou le code général des impôts : tantôt la dématérialisation est une mesure de nature législative, tantôt elle ne l’est pas. Il y a deux poids, deux mesures ! C’est pourquoi je souhaitais élever une protestation légitime à ce sujet.
M. le président. Madame Lepage, l’amendement n° 83 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Claudine Lepage. Tout d’abord, je tiens à dire que j’adhère complètement aux propos de mon collègue Richard Yung sur la dématérialisation : il y a vraiment deux poids, deux mesures.
S’agissant d’un éventuel retrait de mon amendement, je crois me souvenir que M. Baroin m’avait fait la même promesse il y a quelques années à propos des certificats d’existence. (Exclamations amusées sur diverses travées.) Je l’avais cru à l’époque : j’ai retiré mon amendement, et il ne s’est rien passé depuis !
M. Pierre-Yves Collombat. Un ministre de droite…
Mme Claudine Lepage. Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, je veux bien vous croire, mais je préfère tout de même rester prudente et maintenir mon amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 23 bis.
Article 24
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour permettre à titre expérimental, pendant une durée maximale de trois ans à compter de la publication de l’ordonnance, et dans un objectif de simplification et de sécurisation des démarches des usagers, la dématérialisation de l’établissement, de la conservation, de la gestion et de la délivrance des actes de l’état civil dont le service central d’état civil du ministère des affaires étrangères et les autorités diplomatiques et consulaires sont dépositaires, dans des conditions garantissant la sécurité, l’intégrité et la confidentialité des traitements automatisés des données de l’état civil mis en œuvre.
L’ordonnance détermine les conditions dans lesquelles l’établissement, la conservation, la gestion et la délivrance des actes de l’état civil continuent d’être assurés, pendant la période d’expérimentation, sur support papier ou sur support électronique conformément à l’article 40 du code civil. Elle précise les conditions d’un éventuel retour à ces seules modalités au terme de cette période et les conditions de l’évaluation de l’expérimentation.
Les résultats de l’évaluation de cette expérimentation sont transmis au Parlement.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Comme mon collègue Richard Yung, je regrette vivement qu’on nous ait opposé l’article 41 pour rejeter l’ensemble de nos amendements. Pour ma part, sur cet article, j’en avais déposé quatre, repris par mon groupe politique.
Il est tout de même surprenant qu’on oppose au législateur le domaine réglementaire, alors même que ce projet de loi est animé par l’ambition de couvrir tous les domaines pour nous permettre de lever bon nombre de blocages identifiés de longue date et dont nous sommes régulièrement saisis par nos compatriotes.
Je souhaite détailler l’objet des quatre amendements que j’avais déposés, afin que nos compatriotes vivant à l’étranger sachent que je ne les oublie pas, que nous ne les oublions pas. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous engagerez vos services à se saisir de ces propositions, peut-être réglementaires, et que vous les mettrez en œuvre.
Le premier de mes amendements visait à simplifier les démarches de demande de bourse pour les étudiants français résidant hors de France. L’ensemble du dossier, rempli et téléchargé, doit être envoyé par les étudiants par voie postale au Centre national des œuvres universitaires et scolaires. Or des lenteurs de transmission de leur dossier entre les pays de résidence et la France pénalisent ces étudiants pour leur demande de bourse.
Cet amendement répondait au souci de simplification des démarches administratives : en dématérialisant la procédure, il s’agissait simplement de garantir aux étudiants demandeurs de bourse de voir leur demande prise en compte dans le délai imparti.
Mon deuxième amendement tendait à compléter une procédure de dématérialisation relative aux caisses d’allocations familiales. À l’heure actuelle, la dématérialisation n’est en effet que partielle : les documents téléchargés en ligne doivent être adressés aux caisses en version papier. Or la lenteur de l’acheminement postal observée, malheureusement, dans de nombreux pays porte préjudice aux bénéficiaires.
Le troisième amendement que j’avais déposé visait à simplifier les démarches pour l’obtention de la carte Vitale en ligne à travers l’envoi dématérialisé des pièces justificatives, cela pour les personnes éloignées des consulats ou rencontrant des problèmes de mobilité.
Enfin, mon quatrième amendement avait pour objet d’autoriser une pré-affiliation à la caisse primaire d’assurance maladie pour les Français ayant prévu de revenir de manière durable et certaine en France. On nous a opposé que la mobilité était preuve d’instabilité… Je pense, moi, qu’elle est au contraire une richesse,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Hélène Conway-Mouret. … et que les expériences engrangées à l’étranger font grandir notre pays à chaque retour !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Madame Conway-Mouret, je connais les amendements que vous aviez déposés : nous avons eu l’occasion de nous entretenir à leur sujet lorsque vous étiez venue les présenter et défendre leur intérêt.
Le Gouvernement n’a bien évidemment pas à se prononcer sur la recevabilité d’un amendement du point de vue du Sénat, mais je puis vous assurer, comme je l’ai déjà fait lors de nos précédents échanges, que nombre des amendements que vous avez déposés pourront être satisfaits par la voie réglementaire.
Je vous répète, devant toutes les sénatrices et tous les sénateurs, en particulier ceux élus par les Français de l’étranger, que nous mettrons prochainement en place un groupe de travail pour examiner ensemble les sujets sur lesquels nous pouvons avancer et donner une suite à vos propositions par la voie réglementaire.
Mme Hélène Conway-Mouret. Merci, monsieur le secrétaire d’État !
M. le président. Je mets aux voix l’article 24.
(L’article 24 est adopté.)
Article 25
(Non modifié)
I. – Le 2° du I des articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 du code monétaire et financier est complété par les mots : « , par les associations cultuelles ainsi que par les établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle ».
II. – L’article 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « unions », sont insérés les mots : « établissent des comptes annuels et » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les associations et les unions collectent des dons par l’intermédiaire des opérations de paiement prévues au 2 du I des articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 du code monétaire et financier, elles sont tenues d’en faire la déclaration préalable au représentant de l’État dans le département ou dans la collectivité dans les conditions prévues à l’article 3 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique. »
M. le président. L’amendement n° 171 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier et Arnell, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Alinéas 1, 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. L’article 25 prévoit, d’une part, l’extension des dons par SMS aux associations cultuelles de la loi de 1905, selon le même régime que celui qui est applicable aux organismes faisant appel à la générosité publique, et, d’autre part, l’obligation pour ces mêmes associations d’établir des comptes annuels. Si cette seconde mesure, prévue à l’alinéa 3, va dans le bon sens et aurait d’ailleurs dû être introduite bien plus tôt dans la loi, la première est en revanche très inquiétante, à notre avis. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 1, 4 et 5.
Aujourd’hui, les organismes faisant appel à la générosité publique bénéficient d’un régime d’agrément allégé pour l’utilisation de services de paiement dématérialisés, introduit par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Il apparaît que ce régime n’offre pas de garanties suffisantes concernant l’usage à venir de ce mode de paiement et poserait, s’il était étendu aux associations cultuelles, de véritables risques en termes de sécurité.
De fait, ce moyen de financement manque de transparence : des cartes prépayées pourraient être achetées en liquide à des fins de blanchiment d’argent. La transparence est insuffisante aussi en ce qui concerne la provenance et l’utilisation du don : identité du donateur, du bénéficiaire, finalité du don. De telles opérations devraient a minima faire l’objet d’une demande d’agrément auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, plutôt que de bénéficier de ce régime allégé.
Surtout, comme je l’ai souligné dans la discussion générale, cet article est, selon nous, un cavalier législatif visant à modifier la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Constitutif de notre République, ce texte fixe des règles de financement dont la modification mériterait un temps d’étude et de débat spécifique. Nous regrettons vivement qu’on en discute au débotté !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je tiens à rassurer nos collègues : l’article 25 ne touche pas, absolument pas, à la laïcité.
Mme Nathalie Delattre. Il touche au financement des lieux de culte !
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Écoutez la rapporteur !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il est question d’un mode de paiement : la mesure vise à assurer l’égalité de traitement entre différents types d’associations à travers la modernisation technique du recueil des dons.
Madame Delattre, vous craignez que les associations cultuelles ne blanchissent de l’argent, mais quid des autres associations, qui relèvent exactement du même régime ? Le blanchiment n’a pas lieu davantage dans le domaine des cultes que dans les autres associations ! C’est une question différente.
Cette nouvelle faculté ne présente pas davantage de risques ouverte aux associations cultuelles qu’accordée aux organismes faisant appel à la générosité publique, qui en bénéficient depuis 2016.
En outre, ces dons seraient plafonnés à 300 euros par mois et par personne, toutes associations confondues, et aucun don ne pourrait dépasser 50 euros. Il n’y a donc pas des millions en jeu !
Ma chère collègue, j’ai bien entendu votre argumentation en commission : vous voyez une énorme machine, avec des milliers de personnes qui achèteraient des cartes prépayées pour blanchir de l’argent… Vous avez beaucoup d’imagination, et peut-être même allez-vous susciter des vocations !
Je ne vois pas pour quelles raisons il faudrait prévoir un régime d’agrément plus strict pour les associations cultuelles que pour les autres.
Mme Nathalie Delattre. Parce que c’est la loi de 1905 !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Dès lors, il faut appliquer le même régime à tout le monde. Je suis donc défavorable à l’amendement. Les associations cultuelles reçoivent des dons d’autre nature ; il s’agit simplement de prévoir une possibilité plus moderne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme je l’ai déjà dit à Mme Delattre dans la discussion générale, je partage son attachement à la laïcité, un attachement viscéral, pour ne pas dire radical… (Sourires.) Ma fidélité est totale à l’article 1er de notre Constitution, dont le septième mot est « laïque », pour marquer combien notre nation doit être attachée à cette belle notion.
Madame la sénatrice, j’espère pouvoir vous rassurer sur la portée des dispositions introduites par l’article 25.
Cet article ouvre le bénéfice du mode simplifié de collecte de dons aux associations cultuelles, selon les mêmes modalités de mise en œuvre et d’encadrement que celles applicables aux organismes faisant appel à la générosité publique. Ces modalités constituent de réelles garanties, en particulier sur le plan de la transparence : le fournisseur de réseau ou de service de communication électronique doit adresser à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution une déclaration préalable contenant une description des services proposés, ainsi qu’un rapport annuel justifiant du respect des conditions énoncées aux articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 du code monétaire et financier.
À l’instar des organismes faisant appel public à la générosité, les associations cultuelles seront soumises à une obligation de déclaration préalable au représentant de l’État et devront tenir des comptes annuels. Pour pouvoir disposer d’un numéro de SMS, elles devront déposer un dossier, selon une procédure établie, auprès de l’Association française du multimédia mobile, mandatée par les opérateurs de téléphonie mobile pour coordonner l’ouverture du service de dons par SMS.
Comme l’a souligné Mme la rapporteur, les dons sont limités à 50 euros, et un plafond mensuel de 300 euros par personne s’applique. Par ailleurs, tout don supérieur à 5 euros doit être confirmé par un second SMS. À la suite de l’envoi du ou des SMS, le donateur reçoit un SMS de confirmation du don contenant un certain nombre d’informations, notamment un lien vers les conditions générales d’utilisation du don par SMS édictées par les organismes bénéficiaires.
L’organisme bénéficiaire devra mettre en place une communication appropriée sur les démarches liées aux dons par SMS, mais aussi un dispositif permettant l’identification du donateur et la saisie de ses coordonnées pour délivrer des reçus fiscaux, et gérer la preuve dématérialisée de l’abonné qui transmet le SMS de confirmation de l’opérateur pour bénéficier du reçu fiscal, ce qui dissipe très largement les craintes que vous avez exprimées en matière de financement de telle ou telle activité.
La transparence de l’affectation des dons est garantie par l’obligation d’établir des comptes annuels, dont la généralisation est prévue à l’alinéa 3 de l’article 25, que vous ne proposez pas de remettre en cause.
Madame la sénatrice, il s’agit donc vraiment de modalités pratiques : il n’y a aucune volonté, ni même aucun risque, que les associations cultuelles bénéficient d’un outil particulier auquel d’autres n’auraient pas accès. Cet article opère un alignement sur le droit d’autres associations et n’entraîne nulle distorsion aux principes fixés par la loi de 1905 et auxquels nous sommes l’un comme l’autre attachés.
M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote.
M. Bernard Lalande. Sans mettre en doute les convictions laïques profondes du secrétaire d’État ni les explications de la rapporteur, j’estime que, dès lors qu’on introduit dans la loi une mesure dans le domaine cultuel, c’est, a priori, que cette mesure manquait et qu’on a voulu insister sur un fait particulier.
Par ailleurs, dans un pays où le principe est la liberté absolue de conscience – à chaque individu de faire ses choix –, pourquoi devrait-on mettre en place un système qui permettra, par le fait d’un don, de bénéficier d’une réduction fiscale ?
La position de Mme Delattre est donc aussi la nôtre.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Il s’agit bien de modifier la loi de 1905, son article 21, ce qui ne se fait pas comme cela, même dans le cadre d’un projet de loi pour un État au service d’une société de confiance… C’est trop grave ! Surtout que, tout à l’heure, à l’article 38, on va nous demander d’exclure les associations cultuelles de listes d’intérêt général : difficile de s’y retrouver…
Vos arguments, monsieur le secrétaire d’État, ne nous ont pas convaincus, et nous voterons l’amendement de Mme Delattre.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. L’objet de l’article 25 est simplement d’inscrire une modalité pratique dans le code monétaire et financier ; il n’en a pas d’autres.
Par ailleurs, puisque j’entends qu’on a besoin de rappeler l’attachement de chacune et chacun à la laïcité, je veux dire qu’il n’y a pas de brevet de laïcité.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Tous, sur quelque travée que nous siégions, nous avons démontré par le passé notre attachement à cette valeur dans notre République, et j’espère que nous continuerons de le faire à l’avenir. Ne nous trompons donc pas de débat : on peut être pour ou contre cet amendement, mais le Sénat n’a pas besoin d’un débat dévoyé.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Pour tout vous dire, mes chers collègues, nous avons encore beaucoup de travail. Nous avançons moins vite qu’hier. Continuons donc d’être constructifs, sages, sereins et, si possible, d’aller dans le sens proposé par notre rapporteur. (MM. Philippe Bas et Arnaud Bazin applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Cigolotti, Canevet, Médevielle et Bignon, Mme Vullien, M. Lafon, Mmes Sollogoub et Guidez, MM. Delcros et Dufaut, Mme F. Gerbaud, MM. Moga, Paccaud, Saury et Mayet, Mme Dumas, MM. Bonhomme, Leleux, Henno, D. Laurent, Laugier, Bascher et Chaize, Mme Puissat, MM. Louault et Daubresse, Mme Lopez, MM. Bonnecarrère, Bouchet, Bonne, Chasseing, Courtial, Janssens et Meurant, Mme Férat, M. Rapin, Mmes Eustache-Brinio et Goy-Chavent, MM. Danesi et B. Fournier, Mme Joissains, MM. Savin, Houpert, Le Gleut, Pellevat et Bazin, Mme Canayer, MM. Wattebled, Piednoir et Poniatowski, Mme A.M. Bertrand, M. Babary, Mmes Duranton et Deroche, M. Lefèvre, Mme Billon, M. Mizzon, Mme Troendlé, M. Vanlerenberghe, Mme Deseyne, MM. Ginesta, H. Leroy, Détraigne, Menonville et Capo-Canellas, Mme Keller, MM. Chatillon, Laménie et Reichardt, Mme Renaud-Garabedian et M. Bansard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
… Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Tout projet de construction, par des groupements locaux ou par des associations cultuelles, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux fait l’objet d’un plan de financement prévisionnel mentionnant dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État, l’origine des fonds et certifié par un commissaire aux comptes. À l’issue de la réalisation du projet, un bilan financier est présenté dans les mêmes conditions. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. L’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter a été cosigné par plus de soixante-dix sénateurs, que je remercie. Il reprend une proposition issue du rapport d’information paru en 2015 au nom de la délégation aux collectivités territoriales sur le financement des lieux de culte par les collectivités. Il vise tout simplement à réaliser la transparence sur le financement des lieux de culte.
Aujourd’hui, quand un lieu de culte – disons les choses clairement : une mosquée – se construit dans une commune, on ne sait pas qui finance, qui est derrière ce projet. Très souvent, on nous dit qu’il est financé par des dons, mais, parfois, il y a tellement d’argent liquide qui circule que TRACFIN est amené à se poser des questions. Aussi proposons-nous, tout simplement, que pour tout projet de construction d’un lieu de culte un bilan financier soit établi au terme de la construction et certifié par un commissaire aux comptes.
Beaucoup, au cours des derniers mois et des dernières années, ont prôné l’interdiction du financement des lieux de culte par, notamment, des États étrangers. Je crois qu’avant d’envisager ce genre de mesure il faut déjà connaître la réalité de la situation, ce qui passe par la transparence. Sur ce sujet, comme sur d’autres, elle me paraît une impérieuse nécessité !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à soumettre tout projet de construction d’un lieu de culte à l’élaboration d’un plan de financement prévisionnel certifié par un commissaire aux comptes, retraçant l’origine des fonds ; les modalités en seraient fixées par un décret en Conseil d’État. Il reprend la recommandation n° 7 du rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte.
Cette disposition concerne indirectement le financement des associations cultuelles, traité aux articles 25 et 38 du projet de loi. Il s’agit toutefois d’un sujet spécifique, sur lequel je n’ai pas pu mener d’auditions.
Par ailleurs, je sais qu’une réflexion est en cours au niveau de l’exécutif.
En conséquence, la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme Mme la rapporteur l’a indiqué en réponse à M. Maurey, une réflexion est actuellement menée, sous l’égide du ministère de l’intérieur, sur le régime juridique des cultes. La présente proposition, issue d’une recommandation du rapport qui a été cité, est intégrée à ces travaux, mais ceux-ci ne sont pas suffisamment avancés pour que nous puissions avoir un avis définitif.
La réflexion étant en cours, je sollicite le retrait de l’amendement, étant entendu qu’il ne s’agit pas d’une manière d’écarter une proposition qui, je le répète, est prise en compte par le ministre de l’intérieur dans le cadre de la réflexion qu’il mène avec les différents cultes.
M. le président. Monsieur Maurey, l’amendement n° 21 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je suis très étonné d’entendre la rapporteur me répondre qu’elle n’a pas eu le temps de procéder à des auditions. Elle a eu, je pense, le temps d’en tenir un certain nombre, et je ne vois pas pourquoi elle n’en a pas organisé sur ce thème. Surtout, je ne vois pas quelles auditions sont nécessaires pour savoir s’il faut ou non de la transparence… Il est tout de même assez extraordinaire de dire : savoir si la transparence est utile, je n’en ai pas idée !
Par ailleurs, M. le secrétaire d’État nous explique qu’une réflexion est en cours. Voilà trois ans que les gouvernements successifs nous font la même réponse !
J’ai déposé mon rapport d’information au début de l’année 2015. Comme l’actualité était un peu compliquée, du point de vue notamment des attentats, j’ai mis de côté les propositions de ce rapport pour éviter les amalgames entre l’actualité et ce travail de fond mené pendant deux ans. Un débat a ensuite été organisé dans l’hémicycle, et le gouvernement de l’époque a dit qu’une réflexion serait engagée.
Le ministre de l’intérieur de l’époque a tenu des tables rondes et autres réunions, mais que s’est-il passé ? Rien ! Et voilà que trois ans plus tard, pour une mesure aussi simple et évidente que celle consistant à savoir comment les lieux de culte sont financés, tout ce que vous trouvez à me répondre au nom du Gouvernement, c’est qu’une réflexion est en cours… Franchement, continuer à répéter cela en boucle au bout de trois ans ne me paraît ni sérieux ni raisonnable !
Qui, ici, dirait qu’il est contre la transparence ? Qu’il n’est pas nécessaire de savoir comment sont financés les lieux de culte, alors que TRACFIN s’interroge et qu’on sait très bien quelles implications les sources de financement peuvent avoir en termes de sécurité et de terrorisme ? Enfin quoi, est-on pour la transparence ou pour l’opacité ? Je maintiens évidemment cet amendement, et j’espère qu’il sera adopté ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous soutenons cette proposition de bon sens.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement, en dépit des intentions louables qui l’inspirent.
Ces intentions, quelles sont-elles ? Manifestement, lutter contre le développement de mosquées salafistes financées par des États du Proche-Orient ou des ressortissants de ces États.
Cette motivation est tout à fait pertinente, et nul ici ne la conteste. Toutefois, par la généralité de la prescription qui serait posée, l’adoption de cette disposition nous ferait franchir une limite qui n’a jamais été franchie en plus d’un siècle d’application de la loi de 1905. N’oublions pas que nous légiférons non seulement pour les salafistes – le premier signataire de l’amendement a bien expliqué que sa motivation principale était la lutte contre le terrorisme –, mais aussi pour toutes les religions de notre pays : l’islam, la religion juive, la religion protestante, la religion catholique. Jusqu’à présent, c’est la liberté qui prévaut : doit-on vraiment, au nom de la transparence, remettre en cause la liberté ?
Nous avons des moyens pour contrôler ces mosquées qui appellent au crime ; récemment encore, la loi mettant fin à l’état d’urgence en a traité. Mais nous ne devons pas pour autant englober dans une mesure qui restreint la liberté du culte toutes les religions qui ont droit de cité depuis si longtemps en France.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. En écoutant notre collègue Philippe Bas, président de la commission des lois, je me suis demandé si je n’avais pas mal lu l’amendement…
L’amendement est ainsi libellé : « Tout projet de construction, par des groupements locaux ou par des associations cultuelles, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux fait l’objet d’un plan de financement prévisionnel mentionnant dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État, l’origine des fonds et certifié par un commissaire aux comptes. » Point final !
Il n’est nullement proposé de contrôler, limiter, voire interdire tel ou tel financement. C’est simplement une question de transparence !
M. Hervé Maurey. Tout à fait !
M. Yves Détraigne. À notre époque où l’on exige la transparence pour des budgets bien plus minces que ceux qu’implique la construction d’un édifice religieux,…
M. Loïc Hervé. Eh oui !
M. Yves Détraigne. … il me paraît tout simplement naturel de demander qu’elle s’applique aussi à ces projets. Cela devrait d’ailleurs être prévu sans qu’il y ait besoin que se produisent des événements malheureux comme on en a connu ces trois dernières années.
M. Hervé Maurey. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Je soutiens ce qui vient d’être dit : la disposition proposée n’interdit ni n’autorise ; il s’agit simplement de savoir. Si, demain, le Vatican veut financer une église, libre à lui !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Il ne s’agit pas pour nous de sacraliser cet amendement : ce qui est demandé est un exercice de transparence élémentaire. Je pense que nous pouvons le voter sans difficulté.
En revanche, notre débat sur l’article 25 illustre bien les limites du projet de loi. La phrase que nous avons le plus entendue depuis le début de nos travaux en séance, hier, est : ce que vous proposez ne relève pas de l’objet du texte. Mais, au juste, quel est l’objet du texte ?
Le caractère hétérogène des mesures et la confusion qui préside à nos débats sur un certain nombre de sujets dont on ne sait plus s’ils sont dans le texte ou en dehors, s’ils sont législatifs, réglementaires ou relevant de l’organisation de l’administration, finissent par poser problème. Au fur et à mesure que nos débats progressent, on sent se déliter la belle société de confiance qu’on nous proposait…
Après avoir abordé plutôt avec enthousiasme et envie l’examen de ce texte, je suis amené, au vu d’un certain nombre de débats, à considérer que la montagne accouche d’une souris… C’est assez décevant et parfois même, comme sur cet article, un peu dangereux.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je ne suis pas cosignataire de cet amendement, mais je le voterai sans aucune difficulté.
Nous sommes évidemment tous attachés au principe de laïcité ainsi qu’au libre exercice des cultes. Mais je me souviens que, voilà quelques mois, le maire que j’étais encore, devant un projet de ce type dans sa commune de Haute-Savoie, s’est trouvé fort dépourvu de ne pouvoir avoir aucune information.
Bien sûr, si l’amendement est adopté, il s’appliquera aux Témoins de Jéhovah, aux Mormons… Il s’appliquera à tous ceux qui construisent des lieux de culte. Mais, pour être très franc, des églises catholiques, on n’en construit plus beaucoup en France depuis quelques années, même si cela arrive… Au reste, je ne crois pas que ce soit l’Église catholique qui se mobiliserait contre une telle proposition.
Il n’y a ni régime d’autorisation ni régime d’interdiction, et la liberté de culte est consacrée dans notre droit au plus haut niveau. Notre collègue Hervé Maurey demande simplement la transparence, et je soutiens sans réserve sa proposition.
M. le président. Je mets aux voix l’article 25, modifié.
(L’article 25 est adopté.)
Article additionnel après l’article 25
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié quinquies, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bansard, Bas et Bazin, Mme Bruguière, M. Buffet, Mme Canayer, MM. Charon et Chatillon, Mmes Di Folco, Dumas et Garriaud-Maylam, MM. Grand et Gremillet, Mme Imbert, M. Kennel, Mme Lamure, MM. Lefèvre, H. Leroy, Magras, Panunzi, Pillet et Rapin, Mme Renaud-Garabedian et M. Savin, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations est ratifiée.
II. - La loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique est ainsi modifiée :
1° L’article 3 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « faire », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « appel à la générosité publique dans le cadre d’une campagne menée à l’échelon national soit sur la voie publique, soit par l’utilisation de moyens de communication, sont tenus d’en faire la déclaration préalable auprès de la préfecture du département de leur siège social. » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « appels au cours de la même année civile » sont remplacés par les mots : « campagnes successives » ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les moyens mentionnés ci-dessus sont les supports de communication audiovisuelle, la presse écrite, les modes d’affichage auxquels s’appliquent les dispositions du chapitre Ier du titre VIII du livre V du code de l’environnement, ainsi que la voie postale et les procédés de télécommunications. » ;
2° L’article 3 bis est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « l’appel est mené » sont remplacés par les mots : « la campagne est menée » ;
b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « l’appel » sont remplacés par les mots : « la campagne » ;
3° Les trois premiers alinéas de l’article 4 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les organismes mentionnés à l’article 3 établissent un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public, qui précise notamment l’affectation des dons par type de dépenses.
« Ce compte d’emploi est déposé au siège social de l’organisme ; il peut être consulté par tout adhérent ou donateur de cet organisme qui en fait la demande. »
III. - Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° L’article L. 111-9 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- après les mots : « du public », sont insérés les mots : « , dans le cadre de campagnes menées à l’échelon national » ;
- les mots : « public à la générosité » sont remplacés, deux fois, par les mots : « à la générosité publique » ;
b) Le second alinéa est complété par les mots : « dans le cadre de ces campagnes » ;
2° L’article L. 143-2 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique » ;
b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique ».
IV. - À la première phrase du I de l’article L. 822-14 du code de commerce, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique ».
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’article 38 de la Constitution dispose que la ratification d’une ordonnance doit résulter d’une disposition expresse. Je vous propose de ratifier l’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, qui attend depuis trois ans.
Le 28 septembre 2016, j’ai rapporté le projet de loi de ratification devant la commission des lois du Sénat, qui l’a adopté. La majorité de l’Assemblée nationale a préféré reprendre le texte de mon rapport par amendement dans la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Malheureusement, le Conseil constitutionnel l’a écarté comme cavalier législatif. L’ordonnance du 23 juillet 2015 n’est ainsi toujours pas ratifiée, malgré la volonté de notre commission des lois et du Parlement tout entier, pour de simples raisons de procédure. C’est la raison pour laquelle je vous propose de ratifier cette ordonnance, dans les termes mêmes de mon rapport, y compris en matière d’organismes faisant appel à la générosité publique.
Notre commission des lois avait examiné avec la plus grande attention les dispositions de l’ordonnance relatives à ces organismes, qui vont dans le sens d’un allégement des contrôles. La commission des lois n’avait pu l’accepter : d’une part, le nouveau dispositif dépassait l’habilitation à légiférer par ordonnance consentie au Gouvernement et, d’autre part, les allégements importants en matière de traçabilité des fonds collectés ont inspiré des réserves à la commission, alors que la loi du 7 août 1991, adoptée à la suite du scandale de l’ARC, garantit une transparence financière indispensable.
J’ai donc jugé qu’une telle réforme ne s’imposait pas, et la commission des lois m’a approuvée en septembre 2016. Dans le monde où nous vivons, l’opinion publique attend des autorités, avec raison, la transparence et le contrôle de telles opérations : tant l’État que les donateurs doivent pouvoir exercer une vigilance par des moyens de contrôle suffisants.
Voilà pourquoi mon amendement vise à rétablir le dispositif antérieur à l’ordonnance de 2015, dont la modification ne peut intervenir sans un bilan complet de la loi du 7 août 1991, et seulement dans le cadre d’un texte spécifique permettant de mesurer l’opportunité d’un allégement aussi important des contrôles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La ratification proposée repose sur le texte élaboré par la commission des lois du Sénat, dans le cadre du travail approfondi qu’elle avait mené sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 23 juillet 2015. L’amendement tend aussi à supprimer des dispositions excédant le champ de l’habilitation.
La commission spéciale a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement considère que cette ratification d’ordonnance devrait trouver sa place dans un autre véhicule législatif. L’avis est donc défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 25.
Article 25 bis
(Supprimé)
Chapitre II
Une administration moins complexe
Article 26
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l’innovation :
1° En fixant les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage de bâtiments peut être autorisé, dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’ordonnance prévue au II, à déroger à certaines règles de construction sous réserve qu’il apporte la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des règles auxquelles il est dérogé et que ces moyens présentent un caractère innovant ;
2° En prévoyant les conditions dans lesquelles l’atteinte de ces résultats est contrôlée avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme puis à l’achèvement du bâtiment.
En outre, cette ordonnance peut abroger le I de l’article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à faciliter la réalisation de projets de construction :
1° En prévoyant la possibilité de plein droit pour le maître d’ouvrage de bâtiments de satisfaire à ses obligations en matière de construction s’il fait application de normes de référence ou s’il apporte la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des normes de référence et en fixant les modalités selon lesquelles cette preuve est apportée avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme et celles selon lesquelles les résultats atteints sont contrôlés après l’achèvement du bâtiment ;
2° En adoptant une rédaction des règles de construction applicables propre à éclairer, notamment par l’identification des objectifs poursuivis, le maître d’ouvrage sur les obligations qui lui incombent et qu’il respecte selon l’une des modalités prévues au 1° du présent II.
II bis. – Les ordonnances prévues aux I et II visent à assurer que l’atteinte des résultats est évaluée dans un cadre impartial et en conformité avec le titre IV du livre II du code des assurances.
Elles permettent un accès au marché pour des solutions en matière de construction innovantes, en prévoyant des modalités d’évaluation de l’atteinte des résultats équivalents adaptées à la nature de la dérogation.
III. – (Non modifié) Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévues aux I et II du présent article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 96 est présenté par Mmes S. Robert et Meunier, MM. Durain et Cabanel, Mmes Préville, Taillé-Polian et Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mme de la Gontrie, M. Sueur, Mme Jasmin, MM. Fichet, Antiste et Assouline, Mmes Blondin et Ghali, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Roux et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 152 est présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 96.
Mme Sylvie Robert. Lors de l’examen de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, en 2016, a été adopté un amendement autorisant l’État, les collectivités locales et leurs groupements à expérimenter pendant sept ans un dispositif leur permettant de déroger à certaines normes. Le respect de ces normes avait été remplacé par des objectifs à atteindre, autrement dit par une obligation de résultat. À ce dispositif voté à l’Assemblée nationale, nous avions collectivement décidé, lors de l’examen du texte au Sénat, d’intégrer les organismes d’HLM. Cette expérimentation était limitée dans le temps et bien encadrée.
Par cet article 26 du projet de loi, il nous est aujourd’hui proposé de la supprimer, et ce sans fixer aucun verrou en termes de durée, d’acteurs concernés ou de champ de dérogation. Nous voyons bien que, plus que des dérogations temporaires, nous avons affaire, dans le cadre de ces ordonnances, à une réforme des normes de construction, certes menée en deux temps, mais tout de même !
Notre expérimentation avait été circonscrite à la sphère publique ; le dispositif est étendu à la sphère privée, en l’occurrence aux promoteurs. Le champ d’application, quant à lui, est illimité. Nous ne sommes plus dans ce que nous avions appelé, au sein de la commission de la culture – mais le terme avait été employé par la ministre de l’époque et l’ensemble du Sénat –, le « permis de faire », c’est-à-dire le droit d’expérimenter, de « dénormer » en quelque sorte.
Bien sûr, on nous propose un assouplissement. Mais quid de la qualité architecturale, mes chers collègues ? Quid de l’innovation ? Qu’en est-il d’une forme d’évaluation qui permettrait, notamment sur les questions énergétiques, de travailler et de progresser ? « Dénormer » ne doit pas empêcher d’être attentif à la qualité architecturale ! Donc, j’y insiste, peut-être cela coûtera-t-il moins cher, cela ira-t-il plus vite… Mais soyons vigilants !
De plus, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement se prive d’un outil expérimental permettant de travailler sans délai sur des solutions innovantes, de les évaluer et de capitaliser sur elles, afin qu’elles puissent éventuellement servir de base à des modifications législatives ultérieures. En effet, on le sait bien, les ordonnances ne verront le jour qu’en 2020 ! En attendant, nous aurions pu encourager le recours au permis de faire, qui est un permis d’innover, en facilitant la mise en œuvre du dispositif collectivement voté dans notre assemblée.
Tous ces éléments nous conduisent à demander la suppression de l’article 26.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 152.
M. Pierre Ouzoulias. L’article 26 tend à remplacer une obligation de moyens par une obligation de résultat. Ainsi, au respect de normes – listes de matériaux à utiliser, procédés de construction, etc. –, visant notamment à prévenir les risques d’incendie, le projet de loi substitue un permis de déroger… ou de travailler sans filet. C’est le cirque… Les dérogations envisagées porteront, entre autres points, sur la performance énergétique et environnementale, l’aération et la qualité de l’air, la santé et la sécurité des bâtiments et des personnes, la prévention des risques naturels et technologiques.
Comme souligné dans l’avis du Conseil d’État, cet article peut susciter des réserves, alors que, cela a été dit, une expérimentation est en cours, qui, n’ayant pas commencé à être mise en œuvre, n’a encore produit aucun résultat.
On semble avoir oublié, dans cet article 26, que les règles de construction, dont la complexité et le nombre peuvent effectivement interroger, ne visent pas uniquement à encadrer l’acte de bâtir ; elles permettent aussi de garantir les occupants des bâtiments contre un certain nombre de risques. C’est bien le respect de chaque norme qui permet, in fine, d’obtenir un ouvrage protégé contre les risques d’incendie et les tremblements de terre, ou bien accessible aux personnes handicapées. Comment peut-on envisager de transiger avec la sécurité contre le risque d’incendie ?
Ce nouveau rapport aux normes de construction, fondé sur l’atteinte d’un résultat, conduira à l’exigence d’une démonstration préalable et d’un contrôle a posteriori par un organisme impartial. La tâche des constructeurs ne sera en rien simplifiée et la responsabilité prise par les organismes de contrôle ne sera pas négligeable – tant s’en faut ! Le libre choix des moyens risque ainsi de se payer par une insécurité juridique accrue, compte tenu de la plus grande liberté donnée à l’organisme chargé d’apprécier le résultat.
Comme notre collègue Sylvie Robert, nous demandons, au sein du groupe CRCE, la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent, pour des motifs différents, à revenir sur la position de la commission spéciale, en supprimant l’autorisation à prendre par ordonnance des mesures relatives à ce que certains appellent le « permis de faire » en matière de construction.
La commission est défavorable à ces deux amendements. Je rappelle que le dispositif prévu à l’article 26 ne revient en aucun cas à abaisser le niveau d’exigence. Il porte uniquement sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre un même objectif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’article 88 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, ainsi que son décret d’application du 10 mai 2017 ont initié une démarche globale d’expérimentation pour la construction et l’architecture.
Force est de constater que leur mise en œuvre est jugée trop lourde et délicate par la profession, à tel point – et c’est peut-être là le début d’un bilan, allais-je dire malheureusement – qu’aucune demande de dérogation n’a été déposée depuis la parution du décret de mai 2017.
Le présent permis de faire élargit le champ d’application de la dérogation, tout en veillant à la simplicité du dispositif, à sa rigueur au regard des objectifs de sécurité et d’environnement, comme l’a rappelé M. le rapporteur.
Le dispositif actuel présente plusieurs difficultés dans sa mise en œuvre : la limitation du champ d’application au logement social et aux équipements publics, le faible nombre de normes concernées ou encore la lourdeur du système d’instruction et de contrôle.
Considérant que la loi du 7 juillet 2016 ne permet pas d’apporter les modifications souhaitées par voie réglementaire, le présent projet de loi tend à autoriser le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures réglementaires autorisant le maître d’ouvrage à déroger à certaines règles de construction. Pour autant, nous n’abandonnons pas les objectifs de qualité esthétique ou architecturale que vous avez évoqués, madame Robert.
Par ailleurs, le projet de loi permet effectivement au Gouvernement de réécrire directement, par voie d’ordonnance, le livre Ier du code de la construction et de l’habitation.
Pour ces raisons, le Gouvernement est attaché au maintien de cet article.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais tout de même appeler l’attention sur l’alinéa 2 de l’article 26 : le Gouvernement fixe « les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage de bâtiments peut être autorisé, dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’ordonnance […], à déroger à certaines règles. » Ainsi, sur un problème aussi sensible, on va avoir une réglementation intermédiaire. On ne va même pas attendre que l’ordonnance soit ratifiée pour mettre en œuvre des dispositions dérogatoires !
En plus, le maître d’ouvrage de bâtiments devra prouver que les moyens qu’il entend mettre en œuvre permettront de parvenir à des résultats équivalents à ceux qui découleraient de l’application des règles ordinaires et que ces moyens présentent un caractère innovant. C’est d’une précision extraordinaire !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Le permis de faire que nous avions adopté dans cet hémicycle n’a plus rien à voir avec celui qui est proposé ici. D’ailleurs, j’aimerais bien qu’on n’usurpe pas cette expression pour l’appliquer aux dispositions du présent article, comme certains architectes s’en sont émus. L’esprit n’est pas du tout le même ! Nous avions justement fait en sorte que l’expérimentation soit encadrée dans le temps et sur ses objets.
Le ministère de la culture a bien pris un décret, mais il en manque un autre. On ne peut donc pas aujourd’hui, alors même que l’expérimentation n’est pas en cours, invoquer un dispositif trop lourd ou non utilisé. Cet argument ne tient pas !
Nous présenterons tout à l’heure un amendement de repli. Ce que je serais tentée de vous proposer, monsieur le secrétaire d’État, c’est de trouver un compromis : d’accord pour l’allégement par voie réglementaire, mais conservons l’expérimentation ! Le dispositif peut être mis en œuvre dès maintenant, sans attendre mi-2020 et la ratification. Il nous permettra d’évaluer l’efficacité de process innovants en matière de normes de construction.
Pouvoir s’engager dans cette expérimentation présente un réel intérêt.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96 et 152.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM. Bonnecarrère, Laugier et Kern, Mme Joissains, MM. Henno et Louault, Mme Vullien, MM. Canevet, Capo-Canellas et Moga et Mme Doineau, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
règles de construction
par les mots :
normes réglementaires
2° Remplacer les mots :
des règles
par les mots :
des normes
II. – Alinéa 6
Remplacer (deux fois) les mots :
de référence
par le mot :
réglementaires
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Il s’agit d’un amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement tendant à remplacer les termes « règles de construction » et « normes de référence », actuellement utilisés dans l’article 26, par les termes « normes réglementaires ».
Sur le premier point, substituer aux termes « règles de construction » les termes « normes réglementaires » reviendrait à empêcher toute dérogation à une norme législative, comme nous avons eu l’occasion de le souligner en commission. Le Gouvernement peut déjà créer un régime dérogatoire aux normes réglementaires, il n’a pas besoin d’être habilité à légiférer par ordonnance pour ce faire. Au demeurant, le champ des normes auxquelles il pourra être dérogé sera défini en concertation avec les professionnels.
Sur le second point, interrogé à ce sujet par moi-même, en ma qualité de rapporteur, le Gouvernement a précisé que l’expression « normes de référence » renverrait pour la plupart des cas à des normes de nature réglementaire, mais que, par exception, des normes professionnelles rendues d’application obligatoire par arrêté pourraient également être concernées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je rejoins l’avis exprimé par M. le rapporteur.
Si cet amendement vise à introduire une précision, celle-ci est de taille ! Le Gouvernement ne partage pas le qualificatif retenu, craignant même que le renvoi à des normes réglementaires ne soit source de confusion, plus que de précision.
Si vous le voulez bien, monsieur le sénateur, restons-en au dispositif que nous avons proposé, car une telle évolution ne serait probablement pas aussi opérante que vous l’envisagez.
M. Yves Détraigne. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 153, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
construction
insérer les mots :
, à l’exception des règles relatives à la résistance mécanique et stabilité et à la sécurité en cas d’incendie,
II. – Alinéa 6
Après la seconde occurrence du mot :
référence
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, à l’exception des règles relatives à la résistance mécanique et stabilité et à la sécurité en cas d’incendie,
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Il s’agit d’un amendement de repli – de repli incendie ou de sauvegarde… (Sourires.)
La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, l’Association des brûlés de France, la Fédération française des métiers de l’incendie, que nous avons toutes entendues, nous indiquent que passer d’une logique de moyens à une logique d’objectifs reviendrait à jouer aux apprentis sorciers avec la sécurité des bâtiments et la vie de nos compatriotes. Je les cite : « C’est en souvenir de ces centaines de morts dans les incendies que les normes se sont renforcées au fil des années. Cette réglementation précise a fait ses preuves : le nombre de victimes par incendie a été divisé par deux en trente ans. Si près de 600 victimes sont toujours à déplorer chaque année, c’est essentiellement dans les habitations anciennes pour lesquelles la réglementation est la moins exigeante. »
Avec l’article 26, l’atteinte d’un objectif en termes de sécurité ne pourra être vérifiée qu’en cas de sinistre, soit, je le répète, a posteriori, après l’accident. Il est dangereux de procéder de la sorte en matière de sécurité.
Le tragique incendie de la tour Grenfell, à Londres, en juin 2017, nous rappelle que le laxisme réglementaire a un coût en vies humaines. Nous souhaitons donc, par cet amendement, que les exigences fondamentales concernant la résistance mécanique, la stabilité et la sécurité en cas d’incendie soient exclues des possibles dérogations.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Kern, Henno, Lafon et Laugier, Mme C. Fournier, MM. Détraigne, Mizzon, Cigolotti, Canevet et Vanlerenberghe et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
contrôlés
insérer les mots :
avant la délivrance d’une autorisation d’urbanisme et
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Par cet amendement, il s’agit de sécuriser et renforcer le processus d’examen et de validation des autorisations de dérogation prévu par l’article 26.
La charge de la preuve de la nature équivalente au cadre prescriptif de la dérogation mise en œuvre revient au maître d’ouvrage, mais l’État doit déployer les moyens nécessaires au contrôle de ces preuves, avant la délivrance d’autorisations d’urbanisme et après l’achèvement du bâtiment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Les préoccupations exprimées par les auteurs de l’amendement n° 153 sont bien évidemment légitimes, et le « permis de faire » ne saurait en aucun cas conduire à un abaissement du niveau d’exigence en matière de sécurité des personnes et des biens. Nous sommes, là-dessus, tous d’accord.
J’espère que M. le secrétaire d’État nous confirmera ce que le Gouvernement nous a indiqué à plusieurs reprises au cours des débats parlementaires, à savoir que le dispositif de l’article 26 ne reviendrait pas à jouer aux apprentis sorciers – pour reprendre les termes employés dans l’objet de l’amendement. Il s’agit simplement d’insister sur les objectifs à atteindre, plutôt que sur les moyens à mettre en œuvre, donc de s’assurer de l’atteinte du résultat.
Le ministre s’est engagé devant notre commission spéciale à consulter les professionnels, en particulier les professionnels de la protection incendie qui, comme cela a été rappelé, nous ont alertés à plusieurs reprises.
L’amendement n° 35 rectifié vise, dans le cadre de la seconde ordonnance prévue par cet article, à mettre en place un contrôle de l’atteinte des résultats avant la délivrance de l’autorisation d’urbanisme. Si l’on en croit l’objet de l’amendement, ce contrôle relèverait de l’État, qui aurait la responsabilité de le mettre en œuvre.
Sur le fond, il est déjà prévu que la preuve de l’atteinte des résultats devra être apportée en amont du document d’urbanisme, et, comme évoqué précédemment, l’ordonnance n’a pas vocation à entraîner une évolution à la baisse en matière de contrôle des constructions.
Sur la forme, en ajoutant une modalité de contrôle supplémentaire de l’atteinte des résultats, cet amendement étend le champ de l’habilitation donnée au Gouvernement. Il me semble, de ce fait, être entaché d’inconstitutionnalité.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements.
À toutes fins utiles, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous apporter un certain nombre d’assurances à la Haute Assemblée, au regard de l’objet de ces deux amendements ?
D’une part, pouvez-vous nous confirmer, conformément à l’engagement pris par le ministre Gérald Darmanin lorsque nous l’avons auditionné, qu’il n’y aura aucun abaissement du niveau d’exigence ?
D’autre part, pouvez-vous garantir que les ordonnances seront rédigées, j’insiste sur ce point, en concertation avec l’ensemble des professionnels concernés : grandes et petites entreprises du bâtiment et du secteur de la promotion immobilière, professionnels de la sécurité incendie – je pense notamment à nos différents SDIS – et représentants des compagnies d’assurance ?
Ces garanties, tout comme le contenu des auditions, conforteront la commission spéciale dans son choix d’émettre un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Si vous me le permettez, monsieur le président, je commencerai par l’amendement n° 35 rectifié, dont je demande le retrait pour les mêmes raisons que celles que M. le rapporteur a présentées. À défaut, l’avis sera défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 153 du groupe CRCE, je rappellerai d’abord que la possibilité de satisfaire aux exigences de sécurité incendie par des solutions d’effet équivalent est déjà en partie rendue possible par l’article 105 de l’arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation.
L’habilitation proposée complète ce dispositif, en le généralisant, mais la rédaction proposée n’autorise en aucun cas – et cela répond à l’une des interrogations du rapporteur – à minorer les objectifs à atteindre, notamment sur l’essentiel de la sécurité des biens et des personnes. Il n’y a donc pas de raison d’exclure ce thème du champ d’application de la mesure.
Les acteurs professionnels de la sécurité incendie, les compagnies d’assurance et les associations des brûlés de France ont été reçus la semaine dernière par le ministère de la cohésion des territoires, de même que par le cabinet du ministre de l’action et des comptes publics. Engagement a été pris auprès d’eux d’entamer un travail de coproduction des textes, afin de s’assurer que ceux-ci apporteront toutes les garanties nécessaires en termes de sécurité.
Par conséquent, pour répondre aux deux interpellations du rapporteur, il n’y a bien évidemment aucune volonté d’abaisser les normes et objectifs en matière de sécurité, et engagement a été pris de travailler avec tous les acteurs concernés afin d’élaborer des textes respectant ces objectifs.
Je demande donc également le retrait de l’amendement n° 153. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° 153 est-il maintenu ?
M. Pierre Ouzoulias. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Kern, l’amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Au vu des explications fournies, et même si je m’étonne de sa prétendue inconstitutionnalité – l’argument est trop souvent mis en avant ces derniers temps –, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 9 rectifié est présenté par M. Kern, Mme Férat, MM. Henno, Lafon et Laugier, Mme C. Fournier et MM. Détraigne, Mizzon, Cigolotti, Canevet et Vanlerenberghe.
L’amendement n° 126 est présenté par Mme Préville et M. Sueur.
L’amendement n° 194 rectifié est présenté par MM. Gremillet et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Vaspart, Pillet et Cornu, Mmes Bruguière, Thomas, Chain-Larché, Deromedi et Estrosi Sassone, MM. Guené et Pellevat, Mmes Lamure et Di Folco, MM. Bazin et Mouiller, Mme Duranton, MM. Bonne, Danesi, Chatillon et Grand, Mmes Lopez et Garriaud-Maylam, MM. Émorine, Rapin, Paul, Kennel, Pointereau, Daubresse et Pierre, Mme Canayer et MM. Revet, Cuypers, Priou, B. Fournier, de Nicolaÿ, Raison, Perrin, Poniatowski et Laménie.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
par une instance collégiale
La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
M. Claude Kern. L’autorisation accordée, sous réserve, aux maîtres d’ouvrage de bâtiments de déroger à certaines règles de construction vise à simplifier les démarches des entrepreneurs. Il n’en demeure pas moins qu’il faut impérativement encadrer ce dispositif, notamment pour des raisons de responsabilités et d’assurance. À travers cet amendement, nous voulons permettre à une instance collégiale de s’assurer de la façon dont il pourrait être dérogé aux règles.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 126.
Mme Angèle Préville. L’article 26 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à instituer, par ordonnances, un « permis de faire » dans la construction. Cet amendement vise à permettre qu’une instance collégiale s’assure de la façon dont il pourrait être dérogé aux règles.
En l’absence de garanties supplémentaires, il nous semble effectivement nécessaire, voire indispensable qu’une instance technique composée de professionnels compétents puisse être mise en place pour vérifier l’effectivité de la mise en œuvre de cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 194 rectifié.
M. Daniel Gremillet. Je n’ajouterai pas aux argumentaires déjà exposés : cet amendement a pour unique objet de sécuriser l’avancée, tout de même significative, que représente l’instauration d’une autorisation, pour les maîtres d’ouvrage, à déroger à certaines règles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Ces trois amendements tendent à instaurer un contrôle de l’atteinte des résultats par une instance collégiale, dans le cadre du régime dérogatoire temporaire mis en place par la première ordonnance.
Le texte issu de l’Assemblée nationale répond déjà en partie aux préoccupations des auteurs de ces amendements, en exigeant que l’atteinte des résultats soit évaluée dans un cadre impartial et en conformité avec le code des assurances, et ce pour la première comme pour la seconde ordonnance. Surtout, il convient de noter que le régime dérogatoire mis en place dans le cadre de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, et considéré comme particulièrement lourd, ne prévoit pas le passage par une instance collégiale. Dans la mesure où le dispositif de l’article 26 se veut plus efficace que le dispositif prévu par la loi, il serait probablement malavisé d’envisager un processus encore plus lourd.
Au demeurant, les dispositions relatives au contrôle des constructions n’ont pas vocation à être modifiées à la baisse par l’ordonnance, qu’il s’agisse du contrôle du respect des règles de construction établies sur la base de l’article L. 151-1 du code de la construction et de l’habitation ou de l’activité des commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques. Cela étant dit, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes tout ouïe pour vous écouter sur ce point particulier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Au risque de décevoir M. le rapporteur, je n’ai pas grand-chose à ajouter aux arguments qui sont les siens pour demander le rejet de ces trois amendements. Le Gouvernement partage totalement ses propos.
J’insisterai simplement sur l’un des points mentionnés : l’article, tel qu’il est rédigé et tel qu’il a été amendé au cours des débats, nous semble proposer un système plus souple et opérant que l’établissement d’une instance collégiale nationale.
Je garantis que les ordonnances prises sur le fondement de cet article détailleront les conditions d’expertise et d’impartialité des organismes chargés d’attester de l’équivalence des résultats, qu’il n’y aura pas de révision à la baisse des objectifs et, donc, que le dispositif sera plus simple à mettre en œuvre qu’une instance nouvelle.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié, 126 et 194 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 97 rectifié, présenté par Mme S. Robert, M. Daunis, Mme Meunier, MM. Durain et Cabanel, Mmes Préville, Taillé-Polian et Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes de la Gontrie et Jasmin, MM. Sueur et Fichet, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Antiste et Assouline, Mmes Blondin et Ghali, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Roux et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. À travers cet amendement de repli, nous demandons le maintien de l’expérimentation, telle qu’elle a été votée, ici, lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
J’insiste sur le fait qu’un seul décret est sorti. Le deuxième n’est toujours pas pris, ce qui bloque l’expérimentation. Du coup, le pouvoir réglementaire pourrait choisir d’assouplir les conditions d’application de ces outils de dérogation aux normes.
Le compromis que j’appelais tout à l’heure de mes vœux consisterait donc à maintenir l’article 26, tout en conservant l’expérimentation, qui pourrait être mise en œuvre immédiatement et donner lieu à une évaluation et un bilan permettant de légiférer un peu plus intelligemment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cela a été rappelé, cet amendement tend à revenir sur l’habilitation du Gouvernement à supprimer, dans le cadre de la première ordonnance, le dispositif expérimental dérogatoire mis en place par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Dans la mesure où l’article 26 poursuit la même logique que cette expérimentation, mais selon des modalités plus souples et avec un champ d’application plus large, on peine à voir l’intérêt qu’il y aurait à maintenir un régime dérogatoire n’ayant plus lieu d’être.
Au demeurant, comme l’ont montré les travaux préparatoires, le régime mis en place par la loi apparaît trop lourd et son champ d’application semble trop restreint, ce qui explique l’absence de mise en œuvre du dispositif à ce jour.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Il y a, c’est un constat, une divergence d’appréciation sur les modalités et l’efficacité de la mise en œuvre des dispositions de la loi de juillet 2016 entre les signataires de l’amendement n° 97 rectifié et le Gouvernement. Pour notre part, nous nous sommes précédemment opposés aux amendements de suppression de l’article 26 et, par cohérence, notre avis sera défavorable sur l’amendement de repli que nous examinons.
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
douze mois
par les mots :
dix-huit mois
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme cela a été évoqué, nous proposons avec cet article 26 un véritable changement de paradigme pour les maîtres d’ouvrage, les concepteurs, les constructeurs et les contrôleurs de bâtiments. Ce changement s’appuie sur l’idée que les constructeurs de bâtiments sont des professionnels compétents et responsables, innovants aussi, prêts à proposer de nouvelles manières de construire, pourvu qu’on leur donne un cadre. Ce cadre doit être ouvert, mais précis. Les débats autour de la sécurité incendie, notamment, ont souligné tout l’enjeu qu’il y avait à définir précisément l’étendue et les limites des dérogations pouvant être accordées.
Les ordonnances qui seront prises devront, par ailleurs, encadrer les organismes chargés de la preuve de l’atteinte des résultats.
Le délai pour réaliser les ordonnances de réécriture du code était fixé à dix-huit mois dans le projet initial. La commission spéciale, soucieuse d’une mise en œuvre rapide de cette disposition, a voulu bien faire en le ramenant à douze mois. Mais si nous voulons conduire une concertation de qualité avec l’ensemble des acteurs, il nous faut plus de douze mois, car il faut aussi ajouter un temps de consultation obligatoire. Aussi, par cet amendement, le Gouvernement sollicite-t-il le Sénat pour rétablir le délai de dix-huit mois qui nous serait octroyé pour permettre l’écriture des ordonnances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Au risque de vous décevoir, monsieur le secrétaire d’État, la commission s’est déclarée défavorable à votre amendement.
Nous souhaitons conserver le délai de douze mois que nous avons adopté en commission. Cette position est pleinement justifiée par notre préoccupation de ne pas dessaisir le Parlement sur un champ aussi vaste, pendant une durée aussi longue.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai eu l’occasion, en réponse à M. le rapporteur, de bien souligner que le Gouvernement voulait travailler avec les professionnels, sur la prévention des incendies comme dans d’autres domaines. Vous-même, monsieur le rapporteur, ainsi que les membres de la commission spéciale, avez exprimé à plusieurs reprises votre volonté que les consultations soient particulièrement fournies et denses pour que les ordonnances qui seront prises soient de bonne qualité, efficaces et apportent la souplesse que les uns et les autres espèrent de ce dispositif.
La préparation des ordonnances s’accompagne d’une consultation obligatoire. Si votre assemblé décidait de maintenir la disposition adoptée en commission spéciale, à savoir le délai de douze mois, ce temps serait à nos yeux trop court pour pouvoir mener à bien ces consultations en leur accordant l’importance que nous souhaitons leur donner, importance que vous appelez de vos vœux.
Je me permets donc d’insister pour que, si cela est possible et par souci d’efficacité, vous reconsidériez votre position et que nous en revenions à un délai de dix-huit mois, en renvoyant évidemment l’évaluation des ordonnances au débat de ratification.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Nous verrons ce que dit la commission mixte paritaire !
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM. Bonnecarrère, Laugier et Kern, Mme Joissains, MM. Henno et Louault, Mme Vullien, MM. Canevet, Capo-Canellas et Moga et Mme Doineau, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
dans un cadre impartial et en conformité avec le titre IV du livre II du code des assurances
par les mots :
par une commission nationale d’évaluation, sous la responsabilité de l’État, dont la composition est fixée par décret
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. L’article 26 a pour objet de permettre d’identifier parmi les normes réglementaires de construction celles qui pourraient être transformées en obligation de résultat. Il s’agit non pas de supprimer des normes réglementaires existantes, mais de créer en parallèle, en quelque sorte, de nouvelles règles avec un fonctionnement différent.
Cette initiative ne doit pas conduire à assimiler les organismes commandités par le maître d’ouvrage pour instruire le dossier de dérogation à l’instance qui validera la proposition dérogatoire. Or toute initiative dérogatoire doit être examinée et validée par une commission d’experts impartiale. Celle-ci ne peut être qu’une commission nationale d’évaluation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement est quasi identique à celui qu’a présenté précédemment Claude Kern.
En vue de s’assurer du caractère neutre et impartial de l’évaluation de l’atteinte des résultats, cet amendement propose qu’elle soit effectuée par une commission nationale d’évaluation, sous la responsabilité de l’État, dont la composition serait fixée par décret.
Le caractère impartial de l’évaluation est déjà prévu par l’alinéa 8. Prévoir une commission nationale d’évaluation pour le régime dérogatoire transitoire comme pour le nouveau régime de droit commun mis en place par la seconde ordonnance paraît disproportionné.
J’en suis désolé, mon cher collègue, mais l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable, pour les raisons invoquées par le rapporteur, qui font écho au débat que nous avons eu précédemment sur la série de trois amendements presque identiques.
M. Yves Détraigne. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 26.
(L’article 26 est adopté.)
Article 26 bis
(Supprimé)
Article 26 ter
I. – À titre expérimental, et pour une durée de trois ans à compter de la publication du décret prévu au III, le représentant de l’État dans le département et, le cas échéant, le représentant de l’État dans la région, en charge de l’instruction d’une procédure administrative d’autorisation ou de déclaration nécessaire à la mise en œuvre d’un projet d’activité, d’installation, d’ouvrage ou de travaux, désignent un référent unique pour le maître d’ouvrage au nom de l’ensemble des services de l’État et constituent un guichet unique de contact et de coordination de l’ensemble des procédures administratives concernant le projet.
II. – Au plus tard trois mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur sa mise en œuvre.
III. – Un décret détermine les modalités d’application du présent article.
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. La disposition prévue à cet article, qui pouvait présenter un aspect séduisant en première analyse, soulève plusieurs difficultés.
Elle présente tout d’abord un intérêt limité dès lors qu’elle est redondante avec le dispositif d’autorisation environnementale, qui a déjà permis d’instaurer un interlocuteur unique pour l’ensemble des procédures hors celles relevant du droit de l’urbanisme. Plus de douze autorisations « annexes » sont ainsi désormais incluses dans l’autorisation environnementale. Un amendement vous sera d’ailleurs proposé visant à ratifier l’ordonnance ayant créé cette autorisation environnementale.
Cette disposition conduirait ainsi à inclure uniquement deux autorisations d’urbanisme délivrées par l’État, celle approuvant les projets d’ouvrage électrique et celle qui relève également de l’État pour les bâtiments publics et l’énergie. Or cette intégration des autorisations d’urbanisme a déjà été expérimentée dans le cadre de la procédure « autorisation unique » en 2015-2016.
La mission Duport, qui a dressé le bilan de l’expérimentation, préconisait d’abandonner cette intégration en raison des grandes divergences existant entre les deux procédures, qui reposent sur des corpus juridiques très différents. C’est donc en toute connaissance de cause que l’intégration de l’autorisation d’urbanisme dans l’autorisation environnementale a été abandonnée et que la solution retenue pour le cas particulier des éoliennes terrestres a été la suppression de l’autorisation d’urbanisme.
La disposition dont nous vous proposons la suppression n’aurait donc vocation à modifier le droit existant que dans les cas très résiduels où subsiste un permis « État », à savoir pour les méthaniseurs, les centrales solaires et les projets situés dans une commune au règlement national d’urbanisme ou dans le cadre d’une opération d’intérêt national. Dans ce dernier cas, le permis est délivré par le maire au nom de l’État, mais ce sont les services de l’État qui instruisent le dossier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous proposez ici un amendement de suppression, alors que l’amendement qui a introduit cet article a été sous-amendé à l’Assemblée nationale. Ce faisant, non seulement vous revenez sur votre position, mais aussi et surtout sur celle de la commission spéciale. Je rappelle que celle-ci a adopté cet article, car il rejoint le dispositif prévu à l’article 7 de la proposition de loi de nos collègues François Calvet et Marc Daunis sur la stabilisation du droit de l’urbanisme.
M. le président. Je mets aux voix l’article 26 ter.
(L’article 26 ter est adopté.)
Article 27
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
(Conforme)
L’article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit est abrogé.
M. le président. Le vote est réservé.
Article 28
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi destinées à expérimenter de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui ont accepté le rapprochement, le regroupement ou la fusion. Ces mesures expérimentales portent sur :
1° De nouveaux modes d’organisation et de fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et de leur regroupement prévu au 2° de l’article L. 718-3 du code de l’éducation ;
2° De nouveaux modes de coordination territoriale dérogeant au dernier alinéa du même article L. 718-3 ;
3° De nouveaux modes d’intégration, sous la forme d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel regroupant plusieurs établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui peuvent conserver ou non leur personnalité morale pendant tout ou partie de l’expérimentation ;
4° (Supprimé)
En outre, cette ordonnance définit les conditions de l’application de ces expérimentations, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
II. – (Non modifié) L’expérimentation est menée pour une période maximale de dix ans à compter de la date de publication de l’ordonnance prévue au I. Un an au plus tard avant son terme, elle fait l’objet d’une évaluation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur mentionné à l’article L. 114-3-1 du code de la recherche.
III. – L’ordonnance prévue au I est prise dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
L’État et chacun des établissements créés dans le cadre de l’expérimentation organisée par le présent article fixent d’un commun accord les objectifs singuliers qui y président ainsi que le calendrier et les critères d’évaluation associés.
Dans un délai de trois ans à compter de la publication de l’ordonnance prise sur le fondement du présent article, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant un premier bilan des expérimentations engagées dans ce cadre, recensant les différentes formes juridiques adoptées par les établissements et identifiant les voies adaptées afin de les pérenniser, le cas échéant.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Cet article autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d’expérimentation de nouveaux modes de gouvernance ou de dérogation aux règles de territorialité pour des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ayant déjà opté pour les formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion prévues par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Je m’interroge sur la méthode, celle d’un nouveau recours aux ordonnances. Le Parlement, à mon avis, devrait pouvoir accompagner et étudier les modalités d’organisation de l’enseignement supérieur avant d’être mis devant le fait accompli.
Par ailleurs, n’y a-t-il pas un risque de voir émerger ou se renforcer une véritable université à deux vitesses, ce qui accentuerait les inégalités territoriales ? On peut facilement imaginer la création de grands pôles laissant à la marge les petits établissements, qui, à terme, n’auront que peu de moyens pour assumer leur mission.
Monsieur le secrétaire d’État, j’attends vos réponses.
M. le président. L’amendement n° 154, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Ma collègue vient de le dire : il s’agit ici de permettre de nouveau, par ordonnance, des expérimentations lourdes, puisqu’elles concernent la fusion d’établissements d’enseignement supérieur. On a le sentiment que l’objectif général est de répondre aujourd’hui à un mot d’ordre partagé par tout le monde : plus c’est gros, plus c’est beau !
Je veux juste vous donner un exemple : le rapprochement de toutes les grandes écoles agronomiques publiques – AgroParisTech, Montpellier SupAgro, Agrocampus Ouest, AgroSup Dijon, Oniris, Bordeaux Sciences Agro, VetAgro Sup, etc. – pour n’en former plus qu’une seule. L’avantage de n’avoir plus qu’une seule école, c’est qu’on ne parlera plus de fusion par la suite ! On parlera peut-être de « défusion »…
Le seul argument qui est avancé pour justifier la constitution de ce mastodonte, c’est le critère de taille. Je trouve vraiment triste de constater que le classement de Shanghai s’est tellement inscrit dans nos cerveaux qu’il est devenu l’unique principe organisateur de l’enseignement supérieur français.
Avant de poursuivre dans cette marche forcée vers la fusion, il eût été de bonne politique d’évaluer ce qui a déjà été réalisé en la matière – je pense notamment aux COMUE, les communautés d’universités et établissements, qui sont aujourd’hui un échec patent dénoncé par tout le monde.
Cet article prévoit la remise au Parlement d’un rapport dressant un premier bilan de ces expérimentations. Monsieur le secrétaire d’État, je vous propose une autre méthode : vous nous présentez d’abord un bilan de toutes les expérimentations qui ont été engagées et ensuite seulement nous discuterons de vos propositions législatives pour corriger les dispositifs antérieurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement revient sur la position de la commission en proposant de supprimer cet article.
L’article 28 entend permettre le regroupement des établissements qui le souhaitent selon de nouvelles modalités, qui répondront à leurs besoins. Je ne vois donc pas de raison de s’y opposer.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’exposé des raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article me permettra, je l’espère, de répondre à certaines des interrogations de Mme Préville.
L’expérimentation de nouveaux modes d’organisation et de fonctionnement est attendue par nombre d’établissements d’enseignement supérieur. En effet, force est de constater que les formes de regroupement qui ont été mises en place par la loi du 22 juillet 2013 se révèlent aujourd’hui insuffisantes pour permettre aux établissements de mener à bien leurs projets, qui, s’ils s’inscrivent notamment dans le cadre des investissements d’avenir, portent également sur des formes de regroupement qui ne sont actuellement pas prévues par la loi. C’est la raison pour laquelle, afin d’éviter de figer de nouveaux modes d’organisation, l’expérimentation nous apparaît comme le meilleur moyen de permettre une évolution.
Nous sommes donc attachés au maintien de cet article.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le secrétaire d’État, on ne peut pas travailler comme ça ! On ne peut pas mener expérimentation sur expérimentation sans, à un moment donné, tenter de dresser devant le Parlement un bilan de ce qui a été fait, de ce qui ne fonctionne pas.
Vous engagez de nouvelles expérimentations sur des bases qui sont très similaires à celles qui ont déjà échoué. Le résultat, je le connais, je peux vous l’indiquer ! Il faut raison garder et reprendre tout le dossier pour l’analyser de façon raisonnable.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
de six mois
par les mots :
d’un an
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. C’est la même logique qu’à l’amendement n° 50 : le délai accordé par le Parlement au Gouvernement pour prendre l’ordonnance en application de l’article 38 ayant été ramené à six mois, nous proposons de le rétablir à un an. Compte tenu des consultations obligatoires et de notre volonté de concertation, le délai ici prévu rendrait encore plus compliqué ce processus que le délai que la commission spéciale avait réduit de dix-huit à douze mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, j’en suis désolé, mais la commission spéciale souhaitant raccourcir les délais, elle tient à maintenir ce délai de six mois.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 28.
(L’article 28 est adopté.)
Article additionnel après l’article 28
M. le président. L’amendement n° 129 rectifié, présenté par MM. Grosperrin, Bonhomme et Brisson, Mme Bruguière, MM. Chaize, Charon, Cuypers et Daubresse, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne, Dumas et Duranton, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, M. Gremillet, Mme Lamure, MM. Le Gleut, Lefèvre, Leleux, H. Leroy et Longuet, Mme Lopez et MM. Paccaud, Pierre, Poniatowski, Rapin et Retailleau, est ainsi libellé :
Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le 4° de l’article L. 711-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Les établissements publics créés en application de l’article L. 718-6-1. » ;
2° La section 2 du chapitre VIII bis du titre Ier du livre VII de la troisième partie est complétée par un article L. 718-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 718-6-1. – Les établissements publics d’enseignement supérieur participant à un regroupement prévu au 2° de l’article L. 718-3 peuvent demander, par délibération de leur conseil d’administration ou de l’organe en tenant lieu prise à la majorité absolue des membres en exercice, leur fusion au sein d’un nouvel établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. Un décret en Conseil d’État fixe les règles particulières d’organisation et de fonctionnement de cet établissement dans le respect des principes d’autonomie et de démocratie définis au présent titre.
« Les établissements issus de la fusion peuvent déroger aux articles L. 711-1, L. 711-4, L. 711-5, L. 711-7, L. 711-8, L. 714-2, L. 719-1 à L. 719-5, L. 719-7 à L. 719-9 en fonction des caractéristiques propres à chacun d’eux.
« Le 4° de l’article L. 712-2 et les articles L. 712-6-2, L. 811-5, L. 811-6, L. 952-7 à L. 952-9 sont applicables aux établissements mentionnés au présent article, sous réserve des dérogations fixées par le décret en Conseil d’État prévu au premier alinéa.
« Ce décret peut prévoir la création d’un conseil académique disposant de tout ou partie des compétences prévues aux articles L. 712-6-1 et L. 712-6-2. Lorsqu’un conseil académique n’a pas été créé, les compétences mentionnées aux articles L. 712-6-1, L. 712-6-2, L. 811-5, L. 811-6 et L. 952-6 à L. 952-9 sont exercées par les instances de l’établissement prévues par ce décret.
« Ce décret peut prévoir que les établissements publics d’enseignement supérieur mentionnés au premier alinéa du présent article qui ont demandé la fusion conservent leur personnalité morale lorsqu’ils deviennent une composante du nouvel établissement public, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, éventuellement renouvelable une fois. Il fixe également les règles d’organisation et de fonctionnement de chacune de ces composantes et détermine les relations entre ces composantes et l’établissement dont elles font partie. »
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Cet amendement a pour objet d’offrir aux établissements publics d’enseignement supérieur dont les projets de coopération et de coordination sont matures les moyens de se structurer et se regrouper sur le temps long. Ce dispositif ouvre la possibilité pour ces établissements de renforcer leur intégration pouvant aller jusqu’à la constitution d’un seul établissement.
Alors que de nombreux regroupements d’établissements se positionnent pour répondre aux appels à projets « Initiatives d’excellence » dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, le PIA, il y a un risque que certains établissements se retrouvent en période probatoire du fait d’un mode de gouvernance pas assez intégratif ou du fait d’un cadre légal peu adapté, si ce n’est instable. Il est ainsi logique, dans le cadre d’un texte fondé sur la confiance, d’offrir aux établissements publics d’enseignement supérieur le meilleur cadre légal.
Cette création d’une nouvelle catégorie d’établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel offrira des possibilités de dérogation aux dispositions du code de l’éducation applicables à ces établissements publics, qui seront créés par décret en Conseil d’État.
Cet amendement nous semble important dans la mesure où il répond à l’attente de la Conférence des présidents d’université.
Ce serait un comble, compte tenu de l’intitulé du projet de loi, que le Gouvernement ne fasse pas confiance aux établissements et à la communauté universitaire dans son ensemble.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement vise à créer directement et immédiatement, sans passer par la voie des ordonnances et sans avoir recours à une expérimentation, un cadre dérogatoire pour les regroupements d’établissements d’enseignement supérieur.
Je partage, avec l’ensemble de la commission, l’idée de permettre aux établissements engagés dans les programmes d’investissements d’avenir de mener rapidement à bien leurs projets. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a réduit le délai d’habilitation figurant à l’article 28 d’un an à six mois.
Néanmoins, l’adoption de cet amendement créerait un cadre dérogatoire particulièrement vaste, sans justifier précisément les besoins auxquels il entend répondre. Il me semble donc qu’il existe un risque de voir se créer autant de statuts que de regroupements, sans que ces statuts répondent réellement aux besoins des établissements. C’est donc avec une certaine prudence, voire beaucoup de sagesse, que la commission a émis un avis défavorable. (Rires.)
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. La prudence sénatoriale !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme Catherine Procaccia. Avec sagesse ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Aussi ! (Sourires.)
Bien que la commission spéciale ait réduit les délais pour prendre l’ordonnance visée à l’article 28, nous ne pouvons souscrire à la démarche proposée par le sénateur Grosperrin.
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour explication de vote.
M. Jacques Grosperrin. J’entends bien, mais rendre ce modèle expérimental en vertu de la loi expose l’ensemble des sites et risque de faire disparaître tous les établissements créés en vertu de ce modèle, sans exception, à l’issue de l’expérimentation. Il est donc plus sécurisant d’envisager cette expérimentation sur le plan réglementaire plutôt que sur le plan législatif.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 28.
Chapitre III
Des règles plus simples pour le public
Article 29
I. – À titre expérimental, et pour une durée de trois ans à compter de la publication du décret mentionné au V, les établissements et services mentionnés aux 2°, 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles peuvent, lorsqu’ils recourent à leurs salariés volontaires ou à des salariés volontaires mentionnés à l’article L. 7221-1 du code du travail et qu’ils ont placés dans les conditions prévues au 1° de l’article L. 7232-6 du même code en vue d’effectuer des prestations de suppléance à domicile du proche aidant d’une personne nécessitant une surveillance permanente, déroger aux dispositions législatives et conventionnelles mentionnées au II du présent article, sous réserve du respect des dispositions du III.
La mise en œuvre de ces prestations ainsi que des dérogations prévues au II du présent article est portée à la connaissance de l’autorité compétente mentionnée à l’article L. 313-3 du code de l’action sociale et des familles, lorsqu’il s’agit de salariés des établissements ou services mentionnés au présent I, ou de l’autorité compétente mentionnée à l’article L. 7232-1 du code du travail, lorsqu’il s’agit de salariés placés par les établissements et services mentionnés au présent I.
Elle est subordonnée à la délivrance d’une autorisation de service d’aide et d’accompagnement à domicile ou d’un agrément prévu à l’article L. 7232-1 du code du travail lorsque ces prestations ne sont pas comprises dans le champ d’une autorisation ou d’un agrément préexistant.
II. – Les salariés des établissements et services mentionnés au I du présent article ne sont soumis ni aux articles L. 3121-13 à L. 3121-26, L. 3122-6, L. 3122-7, L. 3122-17, L. 3122-18, L. 3122-24 et L. 3131-1 à L. 3131-3 du code du travail, ni aux stipulations relatives aux régimes d’équivalence, aux temps de pause, aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail de nuit et à la durée minimale de repos quotidien prévues par les conventions et accords collectifs applicables aux établissements et services qui les emploient.
III. – La durée d’une intervention au domicile d’une personne mentionnée au II ne peut excéder six jours consécutifs.
Le nombre de journées d’intervention ne peut excéder, pour chaque salarié, un plafond de quatre-vingt-quatorze jours, apprécié sur chaque période de douze mois consécutifs.
La totalité des heures accomplies pour le compte des établissements ou services mentionnés aux 2°, 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles par un salarié ne peut excéder un plafond de quarante-huit heures par semaine en moyenne, apprécié sur chaque période de quatre mois consécutifs. Pour l’appréciation de ce plafond, l’ensemble des heures de présence au domicile ou en établissement, ou sur le lieu de vacances lorsqu’il s’agit des séjours dits de répit aidants-aidés mentionnés au I du présent article, est pris en compte.
Les salariés bénéficient au cours de chaque période de vingt-quatre heures d’une période minimale de repos de onze heures consécutives. Cette période de repos peut être soit supprimée, soit réduite.
L’intervention ouvre droit à un repos compensateur équivalent aux périodes de repos et de pause dont les salariés n’ont pu bénéficier, qui peut être accordé en partie pendant l’intervention.
Un décret définit les conditions dans lesquelles l’établissement ou le service employant ou plaçant le salarié s’assure de l’effectivité du repos compensateur lorsque celui-ci est accordé pendant l’intervention.
III bis. – (Non modifié) En cas de décès du conjoint employeur, il est permis au conjoint survivant non employeur de poursuivre le contrat de travail avec l’aide à domicile employé, sous réserve de l’accord de ce dernier, sous la forme d’un avenant au contrat de travail.
IV. – Les autorités compétentes mentionnées au deuxième alinéa du I, en liaison avec les établissements et services expérimentateurs, remettent un rapport d’évaluation aux ministres chargés des personnes âgées et des personnes handicapées au plus tard douze mois avant l’échéance de la période d’expérimentation mentionnée au même I.
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant l’échéance de cette période d’expérimentation, un rapport d’évaluation des expérimentations mentionnées audit I, à partir notamment des contributions des autorités mentionnées au deuxième alinéa du même I et des établissements et services expérimentateurs. S’agissant des expérimentations conduites en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, elles feront l’objet d’une évaluation additionnelle comptable et financière établie par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
V. – (Non modifié) Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.
Mme Élisabeth Lamure. Nous arrivons au chapitre qui s’intitule « Des règles plus simples pour le public ». Or ce titre prometteur risque de décevoir les entreprises. En effet, à part deux articles qui proposent de revenir sur des surtranspositions de normes européennes, ce chapitre ne comprend pas grand-chose de nature à simplifier la vie des entreprises. Nous aurions donc pu aller plus loin.
Avec plusieurs de mes collègues, j’avais déposé à cet effet un amendement visant à confier à un organe ad hoc le soin de simplifier et d’améliorer le droit pour les entreprises, notamment en traitant les problématiques de surtransposition. Cet organe aurait été le pendant du Conseil national d’évaluation des normes, créé en 2013 sur une initiative parlementaire et chargé du contrôle et de l’évaluation des normes applicables aux collectivités locales.
En nous déplaçant dans plusieurs pays voisins avec mes collègues de la délégation aux entreprises, nous avons observé que de tels organismes ont déjà été mis en place au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suède, en Allemagne. Je l’ai indiqué hier dans la discussion, l’action du NKR en Allemagne a notamment permis d’alléger la charge administrative dans ce pays de 14 milliards d’euros en cinq ans.
Mon amendement, qui reprenait la proposition de loi que nous avons déposée en septembre avec Olivier Cadic, avait pour objet de réactiver le Conseil de la simplification pour les entreprises, qui a existé de 2014 à 2017, mais en renouvelant ses missions et sa composition. Il aurait ainsi été chargé de contre-expertiser les études d’impact produites par l’administration et de proposer des simplifications du droit en vigueur. Malheureusement, cet amendement a été déclaré irrecevable, au titre de l’article 40 de la Constitution, au motif que les missions de ce conseil auraient été trop larges pour être absorbées à moyens constants par les services du Premier ministre. Pourtant, ces services assuraient le secrétariat du Conseil de la simplification entre 2014 et 2017.
Je regrette que le débat ne puisse avoir lieu sur cette proposition, d’autant plus que, lors de l’examen de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, la députée Alice Thourot avait également déposé un amendement proposant la création d’un conseil d’amélioration du droit pour les entreprises, amendement qui a pu, lui, être discuté en séance. Il y a en quelque sorte deux poids, deux mesures.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, sur l’article.
Mme Sophie Taillé-Polian. L’article 29 rend possible l’expérimentation du relayage, conformément à ce qu’avait souhaité le précédent gouvernement, concernant le répit des aidants. Je salue la mise en place expérimentale de ce dispositif, qui est attendu par de nombreux acteurs de l’autonomie, même si je m’étonne qu’il trouve sa place dans ce texte : d’autres mesures, bien plus liées à la confiance de nos concitoyens dans leur d’administration, n’y figurent pas. Mais passons…
À la première lecture de ce texte, j’étais un peu inquiète, parce que l’article 29 proposait un cadre juridique dérogatoire visant à donner au dispositif toute la souplesse permise par le droit européen, mais sans présenter un certain nombre de garanties ni pour les professionnels ni pour les personnes aidées. Quelle protection alors pour les salariés de l’aide à domicile ? Aucune ! D’autant que personne ici n’ignore que la branche de l’aide et des services à la personne connaît un taux d’accident du travail trois fois supérieur à la moyenne et en progression de 45 % ces dix dernières années.
Je tiens donc à saluer le travail de notre rapporteur, Mme Gruny, qui a permis le retour du cadre sécurisé de l’application de la convention collective du particulier employeur.
Parce que je crois à l’intérêt de ce dispositif modifié, j’en soutiendrai l’adoption. Mais je souhaiterais obtenir quelques précisions.
Bien que mises en exergue par votre rapport, madame la rapporteur, quid des dispositions relatives à la formation des « baluchonneurs », c’est-à-dire des professionnels ? Leur formation, initiale comme continue, est une exigence qui devrait être sanctuarisée.
Enfin, combien d’expérimentations pourront être envisagées sur nos territoires ? Quelles seront les modalités d’évaluation de ces expérimentations, si ce n’est l’évaluation comptable de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA ?
Monsieur le secrétaire d’État, les acteurs locaux, plus que jamais mobilisés sur le grand chantier de la perte d’autonomie, attendent des réponses à ces questions.
M. le président. L’amendement n° 155 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi, Benbassa, Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli, Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Pour rester dans l’esprit de ce que vient de dire ma collègue Sophie Taillé-Polian, nous pourrions retirer notre amendement si nous obtenons des éléments de réponse.
Nous avons suivi les travaux de l’Assemblée nationale. Il en ressort que des salariés ne seraient plus soumis aux règles relatives au régime d’équivalence : temps de pause, durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail et de travail de nuit, durée minimale de repos quotidien, comme prévus par les conventions et accords collectifs applicables aux établissements et services employeurs.
Il ne s’agit pas de débattre de la solution de répit pour les aidants familiaux, ce n’est pas le sujet – c’est un peu l’ambiguïté de cette partie du texte. La question est de savoir quelles garanties seront apportées aux salariés.
Je rappelle le chiffre : dans la branche de l’aide et des services à la personne, le taux d’accidents du travail est trois fois supérieur à la moyenne – 94,6 accidents du travail pour 1 000 salariés, en progression de 45 % ces dix dernières années.
Si nous obtenons des réponses, nous retirerons notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Comme vous, j’ai été bien étonnée de trouver cet article concernant l’aide aux proches aidants des personnes dépendantes dans un texte dont l’objet est tout autre, de surcroît dans ce chapitre compte tenu de son titre.
Je rappelle par ailleurs que le Sénat avait supprimé en 2015 un article similaire contenu dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Nos rapporteurs, Georges Labazée et Gérard Roche, avaient considéré à l’époque que l’expérimentation proposée n’était pas viable, faute notamment de financement – on ne va pas se voiler la face : là est le sujet. Il faut croire que le raisonnement de nos collègues avait convaincu le gouvernement et la majorité des députés de l’époque, puisque l’article en question n’avait pas été réintroduit dans la suite de la navette.
Les réserves exprimées en 2015 sont toujours d’actualité : notre rapport fait part de notre scepticisme face à cette expérimentation. Toutefois, la commission spéciale a souhaité lui laisser une chance afin de pouvoir tirer un bilan. Nous avons souhaité améliorer le texte proposé en prévoyant l’application de la convention collective du particulier employeur et en prévoyant une évaluation par la CNSA.
Je suis consciente des difficultés. Le changement de convention collective en fonction de là où l’on est, l’application de la directive européenne, tout cela soulève bien des questions. Reste que la situation du proche aidant nous préoccupe tous, sur tous les territoires. Nous nous sommes donc dit que supprimer l’article serait certainement plus gênant qu’autre chose. Nous espérons en tout cas que le Gouvernement entendra nos inquiétudes et nous permettra d’accompagner cette expérimentation.
La commission a forcément émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Mme Taillé-Polian a dit tout l’intérêt de ce dispositif, notamment pour soulager les aidants et leur offrir des solutions attendues depuis longtemps.
Une telle disposition avait été introduite dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, mais elle avait été retirée en première lecture puisque le rapport annexé renvoyait à une étude préalable et à l’organisation d’une concertation. C’est ce renvoi à l’étude qui explique que cet article n’ait pas été pas réintégré au cours de la navette.
Le gouvernement précédent avait confié à Joëlle Huillier, députée de l’Isère jusqu’en 2017, une mission relative aux conditions de mise en œuvre du relayage en France. Ce rapport, rendu en février 2017, soulignait à nouveau l’intérêt du dispositif pour les aidants et les personnes aidées et recommandait la mise en œuvre d’une expérimentation. C’est pour ces raisons que le Gouvernement ne souhaite pas la suppression de l’article.
La commission spéciale a introduit un certain nombre de dispositions, notamment au sujet de la convention collective. Nous souhaitons aussi mettre à profit la période d’expérimentation, qui sera bornée par une forme de clause de revoyure, pour bien vérifier qu’il n’y aura pas d’effets de bord pour les « baluchonneurs » et pour l’ensemble des personnels concernés. Cette clause de revoyure permettra de corriger ces éventuels effets de bord et de garantir la sécurité juridique, que vous appelez de vos vœux, de l’éventuelle généralisation de cette expérimentation, que nous souhaitons sur le fond.
Nous avons aussi comme projet, du fait de l’expérimentation, d’ouvrir les concertations nécessaires avec les conseils départementaux, qui sont en première ligne sur la question de l’accompagnement des familles et des personnes sujettes à la dépendance, de manière à déterminer, dans le cadre de l’habilitation, comment et dans quel volume l’expérimentation pourrait être menée, à la fois pour vérifier les éventuels effets de bord et pour faire en sorte d’aller plus avant dans la sécurité juridique de ce dispositif.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons le maintien de l’article. Nous prenons l’engagement que les textes seront travaillés avec l’ensemble des acteurs, en tout premier lieu avec celles et ceux qui sont intéressés de très près au financement du dispositif – je pense à la CNSA et aux conseils départementaux –, et que la durée d’expérimentation nous permettra de nous prémunir contre les effets de bord que j’ai évoqués, de manière que celles et ceux qui sont directement concernés, qui travailleront dans ce secteur, puissent être pleinement accompagnés à l’issue de l’expérimentation.
M. le président. Monsieur Savoldelli, avez-vous été convaincu ?
M. Pascal Savoldelli. On nous met quand même dans un sacré embarras ! Si nous maintenons notre amendement, on va nous dire qu’il dessert un besoin qu’on connaît tous : une solution de répit pour les aidants familiaux ; mais, d’un autre côté, nous n’avons eu aucune réponse – ou alors un peu légère.
Puisqu’une expérimentation a déjà été menée, il fallait aborder la question du droit collectif. Le texte aurait pu prévoir ainsi les conditions législatives, par exemple du temps de pause, du temps de travail, des modalités de travail, à partir du résultat de cette expérimentation. On le sait, ce « baluchonnage » concerne les populations les plus fragiles. On ne peut donc pas se cacher derrière son petit doigt. Je l’ai dit tout à l’heure : chez ces salariés, les accidents de travail ont augmenté de 45 %.
Nous retirons notre amendement, mais, franchement, tout cela manque de sérieux et de rigueur.
M. le président. L’amendement n° 155 rectifié est retiré.
L’amendement n° 219, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
réserve
insérer les mots :
, dans les cas où ils ont recours à leurs salariés,
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Avant de présenter mon amendement, je veux juste rappeler, monsieur le secrétaire d’État, que le vrai problème, c’est le financement.
Vous évoquez les conseils départementaux. Je suis élue du département de l’Aisne, et, à partir du mois de novembre, nous pleurons auprès de l’État pour qu’il nous aide financièrement, parce que nous n’arrivons pas à boucler notre budget.
Sincèrement, il faut aborder ce sujet de société essentiel en prévoyant un financement à la clé. Sinon, on en sera au même point à la fin du quinquennat.
J’en viens à mon amendement.
Il s’agit d’un amendement de cohérence, par lequel on ajoute une précision relative à l’application de la convention collective du particulier employeur aux prestations de relayage. Comme on a modifié le texte par ailleurs, il y avait un point à corriger.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est réservé, pour ne pas dire défavorable. En effet, nous considérons que l’adoption de cet amendement enfermerait un peu trop le dispositif, surtout dans un cadre expérimental ; cela n’enlève rien aux éléments que j’ai apportés précédemment.
En ce qui concerne la question du financement, vous me permettrez de faire une parenthèse. Il se trouve que, lundi dernier, l’Assemblée des départements de France a été reçue par le Premier ministre et par un certain nombre de membres du Gouvernement, dont j’étais, pour étudier la manière dont pourrait être stabilisé, consolidé, conforté le financement, par les départements, des allocations individuelles de solidarité. Nous savons en effet que le déséquilibre ou les difficultés de financement de ces prestations s’inscrivent désormais dans une durée extrêmement longue.
Nous travaillons sur le fondement de la mission animée par votre collègue Alain Richard et par l’ancien préfet Dominique Bur.
Nous avons fait à l’Assemblée des départements de France un certain nombre de propositions sur la prise en charge du reste à charge, selon ce qu’on appelle le « scénario 2 », c’est-à-dire à hauteur de 600 millions d’euros par an.
Les discussions sont en cours, mais je puis d’ores et déjà vous affirmer que, lors de cette réunion, le Premier ministre a proposé aux départements, comme entrée en matière, une aide de l’État augmentée de 200 millions d’euros par an pendant trois ans, jusqu’à la réforme de la fiscalité. Ce montant de 200 millions d’euros par an représente plus que la moyenne des fonds d’urgence votés au cours des six dernières années, qui s’élevaient à 140 millions d’euros par an, afin de permettre aux départements de faire face à leurs difficultés de financement, notamment en fin d’exercice.
Nous considérons qu’un tel accompagnement de l’État permettrait aux départements de faire face, à tout le moins, à leurs difficultés conjoncturelles. Cela s’inscrit dans la perspective tant de la refonte de la fiscalité locale que de la mise en œuvre, à laquelle le Premier ministre a rappelé son attachement, d’une allocation sociale unique, qui sera l’occasion de refondre l’ensemble de ces dispositifs.
Le travail avance donc, et tant le Premier ministre que le président de l’ADF sont convenus que, sur ces questions, il faudrait idéalement aboutir et trouver un accord avant la fin du mois de mai.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Nous voterons l’amendement présenté par la rapporteur, Mme Gruny. Il vient préciser – et c’est heureux – cette bonne idée qu’est l’aide au répit, que nous avions soutenue, comme Sophie Taillé-Polian l’a rappelé. Cette mesure mettra un peu de concret dans le dispositif en faveur des aidants de la personne âgée, qu’ils soient volontaires ou salariés. Derrière les bonnes idées, il faut savoir être pragmatique et avoir les moyens de réaliser l’expérimentation.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai cet amendement.
Pour faire suite à l’intervention de Mme Gruny, rapporteur de la commission spéciale, je voudrais dire qu’il est vrai que les problématiques de vieillissement de la population et de dépendance, suivies tant par la commission spéciale que par la commission des affaires sociales du Sénat, sont particulièrement importantes.
Pour ce qui concerne les finances publiques, vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, les compensations ou le fonds d’urgence. Lors de l’examen de la loi de finances pour 2018, notre commission des finances a étudié les dispositions de l’État en faveur de certains départements – Mme Gruny a mentionné celui dont elle est élue, l’Aisne, je parle, pour ma part, de son voisin, les Ardennes. Il y a des départements dans une situation très difficile. Je ne suis plus conseiller général depuis 2015, mais, au fil des mois et des années, malheureusement, la situation financière de certains départements s’est fortement dégradée, en raison de dispositifs à caractère social, dont le reste à charge pour les départements demeure important.
Il y a bien ce fonds d’urgence, d’environ 100 millions d’euros, de mémoire ; néanmoins, je ne suis pas sûr que les départements en aient tous perçu, ces derniers temps, des aides – je pense à au moins une vingtaine d’entre eux. Il est donc vraiment nécessaire de prendre en compte les situations très difficiles des collectivités départementales, car, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, il y a des attentes fortes des départements compte tenu de leurs engagements financiers au titre de la solidarité.
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié bis, présenté par M. Mouiller, Mme Garriaud-Maylam, MM. Pillet, D. Laurent, Pellevat, Bonne et Henno, Mme Eustache-Brinio, MM. Longeot, Kern, Mandelli, Rapin, Daubresse, Brisson et Chaize, Mme Lavarde, MM. Cuypers, B. Fournier, Morisset et Milon, Mme Dumas, MM. Revet et Pointereau, Mmes Imbert, Malet et Canayer, M. Forissier, Mme Deromedi, MM. Maurey, Lefèvre et Bazin, Mme Morhet-Richaud, MM. Karoutchi, Savary, Canevet, Mayet et H. Leroy, Mmes L. Darcos et Renaud-Garabedian, MM. Bansard, Bonhomme, Savin, Gilles, Perrin et Raison, Mme Billon, MM. Chatillon, Frassa, Reichardt et Paccaud, Mmes Duranton et Deroche et M. Kennel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
Les établissements et services expérimentateurs assurent l’accueil, l’information et la coordination des prestations de suppléance en :
a) Veillant à l’information des proches aidants sur leurs droits, sur les prestations de suppléance et leurs conditions de mise en œuvre ;
b) Assurant une évaluation de la situation de la personne en perte d’autonomie et des besoins du proche aidant en amont de la prestation de suppléance, tout au long de l’intervention ainsi qu’au terme de celle-ci ;
c) Organisant le lien et la coordination avec les autres intervenants au domicile.
II. – Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les salariés mentionnés au II bénéficient du suivi médical renforcé prévu à l’article L. 4624-2 du code du travail.
III. – Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les rapports mentionnés au présent IV devront apprécier notamment l’impact des expérimentations sur la santé des salariés mentionnés au II ainsi que sur leurs conditions de travail.
IV. – Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Celui-ci précise notamment la nature et le périmètre des prestations à domicile de suppléance du proche aidant donnant lieu à expérimentation ainsi que les niveaux de qualification et de formation minimaux des salariés mentionnés au I du présent article.
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Le soutien des aidants des personnes en perte d’autonomie, Mme le rapporteur de la commission spéciale l’a justement rappelé, est une question de société et un enjeu fort de l’intervention sociale et médico-sociale. Dès lors, la prise en compte des besoins spécifiques, notamment de répit, de ces personnes doit passer par le déploiement de dispositifs adaptés et sécurisés.
L’expérimentation prévue à cet article va dans le sens d’une meilleure prise en compte de la situation des aidants, mais cette prestation de suppléance ne peut s’apprécier uniquement sous l’angle de la dérogation au droit du travail. C’est pourquoi, sans remettre en cause l’intention louable qui fait l’objet de l’article 29, il convient d’apporter quelques garanties aux personnes aidées, aux aidants et à leur famille. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Les auteurs de l’amendement soulignent les interrogations, qui sont bien réelles, que suscite ce dispositif. Cet amendement tend donc à apporter diverses dispositions de nature à mieux encadrer l’expérimentation du relayage.
Néanmoins, on peut craindre que, en encadrant à l’excès l’expérimentation, on en arrive à décourager les initiatives. L’amendement vise notamment à faire peser sur les établissements expérimentateurs une responsabilité relative à l’information des personnes aidées et des aidants ainsi qu’à la coordination des intervenants. Quand on sait les difficultés que connaissent aujourd’hui les EHPAD, on peut craindre que ceux-ci se refusent à participer à un dispositif expérimental qui demanderait un surcroît de travail au profit de personnes extérieures.
De même, le suivi médical renforcé qui est proposé correspond à des inquiétudes que je partage, mais il semble difficile à mettre en place dans le mode « mandataire », les intervenants étant des salariés du particulier employeur, employés pour une période courte.
Malgré un certain scepticisme, la commission spéciale a souhaité autoriser cette expérimentation et elle veut laisser une certaine souplesse au dispositif. Le bilan qui en sera tiré permettra, le cas échéant, de le préciser. Je vous propose par conséquent, ma chère collègue, de retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’aurai le même avis : une demande de retrait.
Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour prendre plusieurs engagements devant vous, madame la sénatrice.
Je veux d’abord indiquer que le caractère expérimental et l’évaluation envisagée du dispositif permettront d’en apprécier les impacts, tant pour les personnes âgées ou handicapées accompagnées que pour leurs aidants et les salariés assurant les prestations ; cela sera introduit dans le cahier des charges. Celui-ci prévoira un suivi régulier du relayeur au cours de sa prestation, ainsi que la possibilité de bénéficier à tout moment d’une écoute, pour répondre à une situation difficile nécessitant un conseil, ou, dans les cas extrêmes – un accident ou une dégradation de l’état de santé de la personne aidée –, d’un remplacement ou d’un soutien, en plus des conditions dites « de droit commun ».
De la même manière, la question de l’organisation des prestations – leur nature ou leur fonctionnement –, ainsi que les conditions minimales de diplôme, de formation ou d’expérience exigés seront abordées lors de l’élaboration du décret d’application fixant le cahier des charges de l’expérimentation.
Sur ces points, nous prenons donc l’engagement d’aller dans le sens que vous souhaitez, poursuivant ainsi les objectifs que vous visez, sans encadrer l’expérimentation de manière aussi drastique que ce que tend à faire votre amendement. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Canayer, l’amendement n° 32 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Agnès Canayer. J’entends les engagements du Gouvernement visant à sécuriser le dispositif, ainsi que la volonté de Mme le rapporteur, que nous partageons, de donner de la liberté dans la mise en place de cette expérimentation attendue. Je retire donc l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 29, modifié.
(L’article 29 est adopté.)
Article 30
(Suppression maintenue)
Article additionnel après l’article 30
M. le président. L’amendement n° 156, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 611-2 du code de commerce est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Lorsque les dirigeants d’une société commerciale transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires ne procèdent pas au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232-21 à L. 232-23, le président du tribunal de commerce adresse à la société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. Le montant de cette astreinte ne peut excéder 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société au titre de cette activité par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction. »
II. – Le sixième alinéa de l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime est supprimé.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. L’amendement que nous vous proposons a également été déposé à l’Assemblée nationale et cosigné par des députés de l’ensemble des groupes. Il vise à renforcer l’efficacité du dispositif de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui prévoit des sanctions spécifiques pour les sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires et manquant à leurs obligations en matière de dépôt de leurs comptes.
Vous le savez, la publicité des comptes revêt une importance particulière dans le secteur agricole et agroalimentaire, en raison d’une répartition très inégale de la valeur ajoutée. Cette question a été au cœur des discussions lors des états généraux de l’alimentation ; certains acteurs de ce secteur continuent toutefois de manquer à leurs obligations, en raison notamment de la faiblesse des sanctions. C’est pourquoi le présent amendement a pour objet de renforcer ces sanctions, en supprimant l’intervention du président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et en confiant directement au président du tribunal de commerce la mission d’adresser à ces sociétés des injonctions sous astreinte.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez répondu, monsieur le secrétaire d’État, que cette question serait au cœur de la discussion qui accompagnera l’examen du projet de loi sur l’agriculture issu des états généraux de l’alimentation. Vous allez sans doute nous faire la même réponse. Or nous vous indiquons, comme cela a été dit à l’Assemblée nationale, qu’il y a, selon nous, urgence sur ces problèmes-là. Donc, nous maintiendrons notre amendement, quel que soit votre avis. (Sourires.)
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement tend à permettre au président du tribunal de commerce d’enjoindre, sous astreinte, à une société commerciale transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires de déposer ses comptes auprès du greffe. Le montant de cette astreinte irait jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires journalier réalisé en France.
L’amendement reprend le dispositif de la loi de décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, mais, là où cette loi permettait au président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de saisir le président du tribunal de commerce, le dispositif envisagé permet à ce dernier de se saisir lui-même.
Cet amendement, vous le savez tous, fait écho à l’actualité récente d’une entreprise française, dont l’activité ressortit à l’agroalimentaire. Lors de l’audition de l’entreprise Lactalis par nos collègues de la commission des affaires économiques – un certain nombre d’entre vous y participait –, la question de l’absence de dépôt des comptes au greffe a été soulevée à plusieurs reprises. Je m’interroge néanmoins, à un double titre, sur la pertinence de cet amendement.
Premièrement, je suis réservé sur le fait de réagir à chaud à l’actualité, sans réflexion globale sur une refonte du dispositif de la loi de 2016. Celui-ci commence d’ailleurs à produire ses effets, puisqu’un tribunal de commerce a été saisi, et l’entreprise Lactalis, pour le pas la nommer, a récemment commencé à déposer certains de ses comptes.
Deuxièmement, cet amendement tend à introduire, dans un chapitre du code de commerce relatif à l’ensemble des sociétés commerciales, une disposition spécifique à celles qui transforment des produits agricoles ou commercialisent des produits alimentaires.
C’est pourquoi la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. Pierre Ouzoulias. Merci !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je ne vais pas vous demander de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, puisque vous avez déjà répondu à cette demande. Je ne vais pas non plus vous renvoyer au texte qui sera issu des états généraux de l’alimentation. Je vous indique simplement les difficultés que nous pose votre amendement, ou, en tout cas, son intégration dans le présent texte.
Le président du tribunal de commerce dispose déjà, en cas de non-dépôt des comptes annuels, d’un pouvoir général d’injonction applicable quel que soit le secteur d’activité. Il peut d’abord viser un objectif de sanction, en application de l’article L. 123-5-1 du code de commerce – dans cette hypothèse, le président est saisi par tout intéressé ou par le ministère public. Il peut ensuite viser un objectif de prévention, en application de l’article L. 611-2 du code de commerce – dans cette hypothèse, le président se saisit d’office.
Un dispositif destiné à contraindre les grands groupes du secteur agroalimentaire à publier leurs comptes annuels ne nous paraît pas avoir sa place, le rapporteur l’a évoqué, dans un chapitre du code de commerce relatif à la prévention des difficultés des entreprises.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a relevé que, en instituant cette faculté de saisine d’office, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général de détection et prévention des difficultés des entreprises – je renvoie à la QPC du 1er juillet 2016 –, ce qui rend difficilement opérante l’intégration de cette disposition dans cet article. En effet, il est évident que ce n’est pas en raison de leurs difficultés financières que les entreprises que vous visez refusent de déposer leurs comptes.
Enfin, un risque d’inconstitutionnalité est à craindre, sur le fondement de la rupture de l’égalité devant la loi, puisque votre amendement tend à créer pour les seules sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits une obligation plus rigoureuse que pour les autres sociétés commerciales soumises à l’obligation de dépôt de comptes en application des articles L. 232-31 à L. 232-33 du code de commerce.
M. Pierre-Yves Collombat. Et alors ? C’est la loi Sapin, ça !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. C’est donc en raison de ces difficultés que je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement.
Vous voyez que, au sujet de l’intégration de telles dispositions dans l’article du code de commerce que vous citez, nous avons encore du travail pour donner, à l’occasion d’un autre véhicule législatif – peut-être celui qui sera issu des états généraux de l’alimentation –, satisfaction à vos demandes.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 156.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 31
I. – À titre expérimental, l’illégalité d’une décision administrative non réglementaire prise sur le fondement des articles L. 121-1 à L. 122-7 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, ou des articles L. 1331-22 à L. 1331-29 du code de la santé publique, pour vice de forme, vice de procédure ou incompétence de l’auteur de l’acte, ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la publication ou de la notification de la décision en cause.
II. – Un décret en Conseil d’État détermine :
1° La durée pendant laquelle cette expérimentation est menée, qui ne peut excéder trois ans ;
2° Les conditions d’évaluation de l’expérimentation.
III. – Le présent article entre en vigueur à compter de la publication du décret en Conseil d’État prévu au II. – (Adopté.)
Article 32
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
1° Modifier les dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier relatives au taux effectif global et à prévoir les mesures de coordination et d’adaptation découlant de ces modifications en vue :
a) D’une part, excepté dans le cas des contrats de crédit à taux fixe, de supprimer la mention obligatoire du taux effectif global dans les contrats de crédit aux entreprises lorsque cette mention est inappropriée à ces contrats ;
b) D’autre part, de clarifier et d’harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d’erreur ou de défaut de ce taux, en veillant en particulier, conformément aux exigences énoncées par la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil et par la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010, au caractère proportionné de ces sanctions civiles au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs ;
2° (Supprimé)
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
I bis. – (Non modifié) Le chapitre IV du titre IV du livre V du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé, les mots : « d’analyse financière ou de notation de crédit » sont remplacés par les mots : « ou d’analyse financière » ;
2° La division et l’intitulé de la section 1 sont supprimés ;
3° La section 2 est abrogée.
I ter . – À la fin de la seconde phrase du I de l’article L. 613-52-6 du code monétaire et financier, les mots : « mentionnée à l’article L. 544-4 » sont supprimés.
II. – (Non modifié) Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa du I de l’article L. 225-100-1 est supprimé ;
2° À la première phrase du IV de l’article L. 232-1, les mots : « à responsabilité limitée et les sociétés par actions simplifiées dont l’associé unique, personne physique, assume personnellement la gérance ou la présidence, et » sont remplacés par le mot : « commerciales » ;
3° Le V du même article L. 232-1 est abrogé ;
4° Le 2° du I de l’article L. 950-1 est ainsi modifié :
a) Au cinquième alinéa, la référence : « L. 225-100-1, » est supprimée et les références : « , L. 226-10-1 et L. 232-1 » sont remplacées par la référence : « et L. 226-10-1 » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 225-100-1 et L. 232-1 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance ; ».
III. – (Non modifié) Le II s’applique aux rapports afférents aux exercices clos à compter de la publication de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 159, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Premier point, cet article m’a rappelé un certain nombre de souvenirs : les tribulations de Dexia avec les prêts toxiques. On en a déjà discuté, et, si la question est posée – on l’a réglée, ou plutôt, on a botté en touche une première fois pour Dexia –, c’est précisément parce qu’un certain nombre de collectivités ont obtenu gain de cause devant le tribunal de Nanterre, les contrats relatifs à ces fameux prêts toxiques ne comportant pas de mention du taux effectif global, ou TEG.
Je ne me rappelle plus le détail, mais il y a eu une entourloupe, et, finalement, ce sont à la fois l’État et les collectivités, mais pas Dexia, qui a été récupérée par l’État, qui ont fait les frais de cette opération. Je ne peux donc pas ne pas me dire que cet article sera accueilli très favorablement par les banques… Comme ce n’est pas mon objectif premier, je préfère garder la législation telle qu’elle existe.
Second point, que développeront les collègues présentant l’amendement n° 93, il y a aussi une certaine forme d’atténuation des exigences en matière de notation. Or le droit français est tout de même plus sérieux, plus strict que ce que l’on nous propose de mettre en place.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Votre amendement, mon cher collègue, tend à supprimer l’ensemble de l’article 32, alors que son objet évoque seulement la question du taux effectif global, le TEG.
Il me semble que l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale est le bon : le TEG sera bien conservé sur tous les prêts à taux fixe, qui constituent la quasi-totalité des prêts aux PME. Les banques, comme les représentants des PME que nous avons rencontrés, sont favorables à cette solution.
M. Pierre-Yves Collombat. Comme c’est étonnant…
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’appréciation de la commission sur cet amendement et sur l’article en général. Son avis est donc tout aussi défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème, ce ne sont pas les prêts à taux fixe, ce sont les prêts tordus, les produits dérivés, les prêts dont, finalement, on ne connaît pas véritablement le résultat, puisqu’ils comportent un système de bascule, à partir du moment où l’on dépasse un certain indice. C’est là qu’est le problème, pas avec les prêts à taux fixe !
Je ne comprends donc pas ; ou plutôt, si, je comprends très bien que les banquiers soient ravis du cadeau que vous leur faites !
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Cet article comporte tout de même aussi l’idée que le droit français a surtransposé les directives européennes. On rappelle assez régulièrement dans cette instance, ici, au Sénat, pour s’en émouvoir, cette manie d’aller au-delà des directives. Cette partie est donc intéressante.
J’ajoute que cela s’inscrit tout de même dans le cadre de l’attractivité de la place de Paris.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est ça !
M. Julien Bargeton. Dans le cadre du Brexit, je pense que nous sommes tous attachés au renforcement de l’attractivité de la place parisienne.
M. Pierre-Yves Collombat. Et la sécurité des emprunteurs, ça n’existe pas ?
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je veux juste signaler à notre collègue Julien Bargeton qu’il s’agit ici du TEG et non des agences de notation, qui feront l’objet de l’amendement suivant.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est l’une des raisons sous-tendant cet amendement de suppression totale de l’article !
M. Julien Bargeton. Mon intervention couvrait les deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je veux prendre un exemple concret, qui montre qu’on a su se rassembler à d’autres moments sur le sujet que Pierre-Yves Collombat a développé – vous verrez que vous êtes personnellement concerné, monsieur le président.
Souvenez-vous, mes chers collègues, nous avons eu un débat sur le TEG et sur les crédits aux particuliers. Nous avions mis en évidence le problème des contrats de prêt immobilier et des contrats d’assurance sur ces prêts. Il s’agissait tout de même – qu’on ne prenne pas à la légère ce que dit mon collègue et ami Pierre-Yves Collombat – d’un petit pactole de 6 milliards d’euros ! Or, si j’ai bonne mémoire, nous nous y sommes attaqués, avec vous, monsieur le président Dallier, et avec M. Bourquin, pour ne citer que deux noms parmi d’autres.
Cette question ne relève donc pas seulement du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je rejoins ce qui a été dit.
L’amendement n° 93 concerne uniquement la question des agences de notation. Le débat sur le TEG ayant déjà eu longuement lieu à l’Assemblée nationale, on n’a donc pas voulu l’avoir de nouveau, mais nous partageons l’analyse de nos collègues. Donc, nous soutiendrons cet amendement de suppression.
M. Pierre-Yves Collombat. Merci !
Mme Sophie Taillé-Polian. En guise de repli, nous présenterons l’amendement relatif aux agences de notation.
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Les dispositions de l’article 32 relatives aux agences de notation ont pour but d’aligner le droit français sur le droit de l’Union européenne, alors que ce dernier est moins complet.
Quant à la méthode, nous saluons le travail réalisé, lors de l’examen de ce texte, par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, car celle-ci a supprimé la mesure initiale consistant à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance – encore une ! – toute mesure en vue de simplifier le régime de responsabilité des agences de notation.
Ainsi, pas d’habilitation à légiférer par ordonnance ; en revanche, l’Assemblée nationale a souhaité la suppression franche et directe d’un certain nombre d’articles du code monétaire et financier. Notre amendement tend à revenir sur le fond de cette décision.
Le droit français impose aux agences de notation de crédit un engagement de leur responsabilité civile plus extensif que celui du règlement européen dit « CRA3 », notamment sur la nature de la responsabilité engagée. Le requérant peut ainsi choisir d’avoir recours à la responsabilité délictuelle de l’agence malgré l’existence d’un contrat. En outre, la loi française n’implique pas la nécessité pour le requérant d’apporter la preuve de l’impact de la notation.
Le droit français va plus loin que le droit européen, puisque le régime français ouvre une responsabilité large qui sera qualifiée par le juge saisi de la question alors que le droit européen se base sur une approche au cas par cas. Par conséquent, si l’article 32 était adopté en l’état, la spécificité du droit français en la matière disparaîtrait, entraînant alors une moindre responsabilisation des agences de notation et l’application d’un droit moins-disant.
Nous refusons cette logique, considérant que le droit français en matière de responsabilité des agences de notation n’est pas contraire au droit européen mais lui est complémentaire, et qu’il n’y a pas de conflit d’interprétation possible. En conséquence, nous proposons de maintenir tel qu’il existe le régime français de responsabilité des agences de notation, en supprimant les alinéas 7 à 11.
Quand on sait les problèmes qui ont eu lieu en raison de certaines divagations d’agences de notation, on voit bien l’intérêt qu’il y a à les responsabiliser au maximum.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à revenir sur la suppression des dispositions du code monétaire et financier prévoyant un régime de responsabilité délictuelle pour les agences de notation, assorti d’un large pouvoir d’appréciation du juge.
Ce régime national de responsabilité, résultant de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, diffère du régime européen harmonisé, intervenu ensuite par l’intermédiaire du règlement sur les agences de notation dit « CRA3 » du 21 mai 2013.
Je suis défavorable à cet amendement, car les spécificités du régime français de responsabilité des agences de notation ne sont plus ni justifiées, dès lors que le régime est harmonisé au niveau européen et que la supervision des agences de notation est assurée, depuis le 1er juillet 2011, par l’Autorité européenne des marchés financiers, ni pertinentes, dès lors qu’elles sont susceptibles de réduire l’attractivité de la France, dans un contexte où le Brexit appelle à une reconfiguration des places financières continentales.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage les arguments de Mme la rapporteur. J’ajoute simplement que nous considérons qu’il s’agit, en l’espèce, d’une surtransposition de la directive.
M. Pierre-Yves Collombat. Et alors ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je serai très rapide, mais notre collègue Sophie Taillé-Polian a tout à fait raison. La loi française s’avère nettement plus protectrice des intérêts des débiteurs que le texte européen.
D’ailleurs, on nous trompe parfois un peu sur la marchandise ; on peut utiliser des vocables différents, faire de la sémantique, mais je considère qu’on ne doit pas se laisser avoir par un abus de langage. Il ne faut pas laisser croire que le droit communautaire est en général un plafond législatif et que nous serions dépassés ; il est en réalité un plancher.
M. Pierre-Yves Collombat. Exactement !
M. Pascal Savoldelli. Aussi, nous, sénateurs, nous, parlementaires, faisons notre travail. Il ne faut pas confondre le plancher et le plafond. C’est un socle minimal, et nous avons le devoir, si nous considérons que c’est juste, d’améliorer ce socle minimal.
Aussi, veuillez m’excuser, madame la rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, mais votre argumentation est à mon sens irrecevable.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Quelle que soit son importance, on ne peut systématiquement arguer du Brexit et de la nécessité de promouvoir la place de Paris pour reculer sur la régulation de la finance ou sur la question des agences de notation. Cette logique du moins-disant n’a rien de vertueux ! Je ne pense pas que notre pays doive l’adopter au nom de l’attractivité.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. La France n’est pas toute seule ! (Marques d’assentiment sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Nous légiférons dans un cadre européen. Derrière ces sujets, il y a des emplois : nous y sommes tous sensibles. Il est important de défendre la place de Paris, notamment dans la perspective du Brexit.
Vous appelez à aller plus loin en matière de régulation. En ce cas, il faut modifier la directive européenne ! S’il le veut, le Parlement européen peut porter la réglementation européenne au niveau de ce que vous proposez pour la France. On aura ainsi un cadre commun. À vous écouter, on a toujours l’impression que nous serions tout seuls. Ne surtransposons pas et tenons compte des réalités : c’est le bon sens.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous sommes seuls face au dumping fiscal !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne suis pas sûr que l’on appréhende bien la réalité de la situation.
On semble croire que la crise est derrière nous et que tout va bien, alors que le système financier est toujours aussi volcanique. Il l’est même peut-être plus encore qu’en 2007 ! La spéculation est repartie de plus belle. Or, ce que le Gouvernement nous propose, c’est, comme en 2007, de suivre le mouvement, pour que les autres ne nous prennent pas de parts de marché.
L’avenir, ce n’est pas cela ! Le système est toujours aussi dangereux. Un beau matin, une crise surviendra quelque part, qui déclenchera une crise systémique, et alors, comme en 2009, en 2010, en 2011, on nous dira qu’il faut réformer, réguler… Or, depuis deux ans, on ne fait que déréguler partout dans le monde !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Est-il bien sérieux de vouloir récupérer les spéculateurs de la place de Londres ? À court terme, c’est sûr, il y a de l’argent à se faire ; mais au-delà ?
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
M. Pierre-Yves Collombat. Inscrire des dispositions de cet ordre dans un tel texte, cela relève de l’escroquerie ! Quel est le rapport avec la société de confiance ? En l’occurrence, c’est plutôt la société de dissimulation. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Esther Benbassa. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 32.
(L’article 32 est adopté.)
Article 33
I. – (Supprimé)
II . – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi de ratification de l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, un rapport dressant un bilan de l’application de cette ordonnance. Ce rapport doit notamment évaluer le recours des porteurs de projets aux procédures de participation du public organisées en amont et en aval, leur coût, l’effectivité de la participation du public et les délais de réalisation des projets faisant l’objet de telles procédures, et proposer d’éventuelles mesures correctives.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le I de la rédaction initiale de l’article 33 prévoyait l’expérimentation, pour une durée de trois ans, d’une procédure simplifiée de consultation du public pour la réalisation de certains projets nécessaires à une activité agricole. Je me félicite que la commission spéciale l’ait supprimé. De fait, la suppression de l’enquête publique excluait les citoyens du débat, à commencer par ceux que j’appellerai les vulnérables numériques. Paradoxalement, il s’agissait, pour des projets à vocation agricole, de recourir à une consultation par voie numérique.
Au reste, l’amendement déposé par le Gouvernement m’inspire de l’inquiétude, car il ne tient pas compte de la sagesse de la chambre haute. Comment éviter l’exclusion de certaines populations, le plus souvent rurales, qui ne peuvent participer aux consultations électroniques ? Comment remplacer une enquête publique classique, qui permet à nos concitoyens d’obtenir des informations directement, notamment auprès des commissaires enquêteurs, de débattre et d’entendre des points de vue contradictoires, de nature à les aider à se forger une opinion ?
La proposition de repli du Gouvernement consistant à prévoir une mise à disposition pour consultation sur support papier dans les préfectures et sous-préfectures ignore totalement la réalité de l’état des routes et des distances à parcourir pour rejoindre la préfecture dans un territoire comme le mien. Depuis le nord du département du Lot, où je réside, il faut ainsi trois quarts d’heure pour se rendre à la sous-préfecture de Figeac, et une heure et quart pour rejoindre Cahors, siège de la préfecture…
M. le président. L’amendement n° 204, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – À titre expérimental, dans un nombre limité de régions désignées par décret et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale instituée par le titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, lorsque le projet a donné lieu à une concertation préalable prévue à l’article L. 121-15-1 du même code sous l’égide d’un garant dans les conditions prévues par son article L. 121-16-1, fait l’objet des adaptations procédurales suivantes :
1° Par dérogation aux articles L. 181-9 à L. 181-11 du code de l’environnement, l’enquête publique prévue au I de l’article L. 123-2 est remplacée par une participation du public par voie électronique dans les formes prévues à l’article L. 123-19 ;
2° L’affichage de l’avis d’ouverture est effectué dans les mêmes communes que celles dans lesquelles aurait été affiché l’avis d’enquête publique en l’absence d’expérimentation ;
3° Cet avis mentionne l’adresse à laquelle des observations peuvent être transmises par voie postale ;
Le second alinéa de l’article L. 123-16 du même code est applicable.
Le présent I n’est applicable ni pour les projets conduisant à expropriation pour cause d’utilité publique ni lorsqu’il est fait application des deux premiers alinéas du I de l’article L. 123-6 du code de l’environnement.
L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Il s’agit de réintroduire, à l’article 33, l’expérimentation de la participation électronique dans un nombre limité de régions pour les procédures donnant lieu à information et participation du public.
Nous voulons concentrer l’expérimentation sur quelques régions afin de permettre d’apprécier les effets d’un remplacement de l’enquête publique par une participation électronique, y compris pour les services administratifs concernés, et l’attractivité induite pour le dispositif de concertation en amont.
Il s’agit aussi d’élargir son champ au-delà des seules activités agricoles. Il est ainsi proposé d’élargir le champ d’application à tous les projets requérant une autorisation environnementale.
La précision apportée par l’Assemblée nationale sur le champ géographique dont il doit être tenu compte dans l’organisation de la procédure pour l’étendre à l’ensemble de la zone d’impact du projet, à savoir la commune d’implantation et celles sur lesquelles les impacts environnementaux ont été identifiés, n’est pas reprise.
L’article L. 123-19 prévoit déjà que le public est informé par un avis mis en ligne ainsi que par un affichage en mairie ou sur les lieux concernés. L’article R. 123-46-1 pris pour son application précise que l’avis est affiché dans les mairies des communes dont le territoire est susceptible d’être affecté par le projet.
Enfin, le dispositif proposé garantit la prise en compte des citoyens éloignés du numérique, en prévoyant les mêmes dispositions que celles qui figurent aujourd’hui aux articles L. 123-19 et suivants du code de l’environnement, relatives à la participation publique, telles que la mise à disposition dans les préfectures et sous-préfectures pour consultation sur support papier et la possibilité d’adresser des observations par voie postale. Les conditions prévalant aujourd’hui sont ainsi reprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement tend à rétablir l’expérimentation visant à ce que les projets soumis à autorisation environnementale ayant donné lieu à une concertation préalable sous l’égide d’un garant fassent l’objet, en lieu et place d’une enquête publique, d’une procédure de participation du public par voie électronique.
Toutefois, il va beaucoup plus loin que la version initiale de l’article 33 du projet de loi, lequel prévoyait que cette expérimentation ne concerne que les projets agricoles, puisque cette nouvelle procédure s’appliquerait à l’ensemble des projets soumis à autorisation environnementale. Le remplacement de l’enquête publique par une procédure de consultation par voie électronique concernerait donc un nombre bien plus important de projets.
Trois raisons ont incité la commission spéciale à se prononcer contre cette expérimentation.
Premièrement, la participation du public au moment de l’autorisation des projets, par le biais de l’enquête publique, reste déterminante pour assurer l’acceptabilité de ces derniers. Inciter les porteurs de projets à consulter le public le plus en amont possible ne doit donc pas se faire au détriment de l’enquête publique.
Deuxièmement, la concertation préalable avec garant est de nature différente de l’enquête publique réalisée par un commissaire enquêteur. En effet, les garants désignés par la Commission nationale du débat public ont pour fonction principale de veiller à la bonne organisation de la consultation du public, alors que les commissaires enquêteurs ont un rôle plus étendu, puisqu’ils animent le débat public et se prononcent, à la fin de leur enquête, sur l’opportunité du projet par un avis motivé, lequel permet d’ailleurs d’éclairer la décision de l’autorité administrative.
Troisièmement, la procédure d’enquête publique permet aux citoyens qui le souhaitent de rencontrer les commissaires enquêteurs pour leur faire part de leurs observations et de participer à des réunions publiques, en présence éventuellement du porteur de projet. Cette dimension « présentielle », qui fait défaut à la procédure de consultation par voie électronique, est importante, puisqu’elle facilite les échanges et permet aux citoyens éloignés du numérique d’être associés à la prise de décision.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Personne n’a voté pour… (Sourires.)
M. Julien Bargeton. Moi, j’ai voté pour ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 33.
(L’article 33 est adopté.)
Article 33 bis
Le titre II du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 121-16 est complétée par les mots : « ainsi que, selon l’importance et la nature du projet, par voie de publication locale » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa du II de l’article L. 123-19, après le mot : « concernés », sont insérés les mots : « et, selon l’importance et la nature du projet, par voie de publication locale ».
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le 7° du II de l’article L. 123-19, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses relatives à l’organisation matérielle de cette participation sont à la charge du maître d’ouvrage ou de la personne publique responsable du plan ou du programme. »
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Cet amendement vise à préciser que c’est le maître d’ouvrage qui doit financer, le cas échéant, la publication de l’avis de participation du public par voie électronique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 33 bis, modifié.
(L’article 33 bis est adopté.)
Article 34
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
1° Modifier les dispositions du code de l’environnement et du code général de la propriété des personnes publiques relatives à l’information et à la participation des citoyens pour les projets d’installation de production d’énergie renouvelable en mer faisant l’objet d’une mise en concurrence en application de l’article L. 311-10 du code de l’énergie et leur raccordement au réseau électrique pour que le débat public ou la concertation préalable ait lieu uniquement en amont de la procédure de mise en concurrence ;
2° Modifier les dispositions relatives à l’évaluation environnementale prévue au chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’environnement afin de permettre à l’État de réaliser, dans le respect de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement et de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, une partie de l’étude d’impact des projets d’installation de production d’énergie renouvelable en mer et de leur raccordement au réseau électrique ;
3° Modifier les dispositions relatives à l’autorisation environnementale prévue au chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, à l’autorisation d’occupation du domaine public maritime prévue à l’article L. 2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques et à l’autorisation prévue au chapitre II du titre II de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française, afin de permettre la délivrance au pétitionnaire, sur le domaine public maritime, la zone économique exclusive ou le plateau continental, d’une ou de plusieurs autorisations relatives à un projet d’installation de production d’énergie renouvelable en mer et son raccordement au réseau électrique pouvant ensuite intégrer a posteriori, et dans des limites définies, des modifications du projet d’installation et de son raccordement ;
4° Prendre les dispositions législatives nécessaires pour que les candidatures aux procédures de mise en concurrence mentionnées au 3° puissent valoir demandes d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime nécessaires aux études et travaux préalables à la réalisation d’installations de production d’énergie renouvelable en mer et que la décision portant désignation du lauréat puisse valoir attribution de cette autorisation ;
5° Élargir le champ d’application et renforcer le régime de sanctions administratives et pénales applicables aux producteurs d’électricité prévu à la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l’énergie pour les candidats aux procédures de mise en concurrence régies par la section 3 du même chapitre Ier du même code conduisant à l’octroi d’un dispositif de soutien, les lauréats de ces procédures ainsi que les producteurs d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables bénéficiant, ayant demandé à bénéficier ou ayant bénéficié de ces dispositifs de soutien ;
6° Assurer, le cas échéant, la mise en cohérence de certaines dispositions législatives avec les dispositions prévues aux 1° à 5° du présent article.
Les ordonnances prévues au présent article sont prises dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances.
Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de quatre ans à compter de la publication des ordonnances prévues au présent article, un rapport dressant un bilan de l’application de ces dernières. Ce rapport doit notamment comporter une évaluation de l’impact des ordonnances sur les délais de réalisation des projets et sur les coûts associés pour la collectivité, et proposer d’éventuelles mesures correctives pour l’amélioration de ces délais et pour l’optimisation de ces coûts.
M. le président. L’amendement n° 160, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs s’emploient à « moderniser le droit de l’environnement », afin de répondre aux critiques régulières des porteurs de projets – industriels, énergéticiens ou aménageurs –, qui considèrent que le droit de l’environnement peut être un frein au développement de leurs activités.
L’article 34 n’échappe pas à cette logique et habilite le Gouvernement, dans la perspective de favoriser un développement rapide de la production d’énergies renouvelables en mer, à simplifier et accélérer, par voie d’ordonnances, les diverses procédures nécessaires, conjointement avec la procédure de mise en concurrence, à l’implantation des installations de production.
Nous pensons, pour notre part, que la transition écologique et le développement des énergies renouvelables sont devenus des sujets majeurs pour le pays et l’ensemble de nos concitoyens. Il y va de choix engageant, pour plusieurs décennies, de lourds investissements en matière d’infrastructures. C’est un choix de civilisation, en somme.
Il apparaît donc cavalier de traiter ce sujet par voie d’ordonnances et d’éviter ainsi un débat public et parlementaire, d’autant que, ces dernières années, différentes ordonnances en la matière ont été ratifiées par le Parlement, la dernière datant d’il y a quelques semaines à peine.
Cette position est confortée par la lecture des amendements déposés à l’article 34, en particulier par le Gouvernement, qui visent à autoriser celui-ci à renégocier, voire à annuler a posteriori, les appels d’offres déjà attribués en matière d’éoliennes offshore. Ainsi, aux termes de l’objet de l’amendement n° 53 rectifié du Gouvernement, le tarif accordé aux lauréats des appels d’offres de 2012 à 2014 « est très élevé et ne correspond plus aux prix actuels de l’éolien en mer, entraînant des rémunérations excessives pour les candidats retenus ».
En conclusion, à chaque modification du droit positif par voie d’ordonnances correspond une réduction des possibilités d’intervention des élus locaux dans le débat et de leur pouvoir de concertation. C’est pourquoi nous pensons qu’un véritable projet de loi dédié aux énergies renouvelables, et à l’éolien en particulier, devrait être présenté à la représentation nationale, en lieu et place d’ordonnances éparses et dépourvues de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement pour réformer le régime juridique des énergies marines renouvelables, au motif que cette habitation ne permettrait pas « un débat public et parlementaire ».
J’ai déjà eu l’occasion de rappeler en commission ma position sur les habilitations, laquelle est, du reste, partagée par ma collègue Pascale Gruny. Nous considérons que l’habilitation législative peut se justifier lorsque la forme envisagée est excessivement technique ou que ses modalités sont encore incertaines, mais qu’elle doit impérativement être encadrée par le législateur dans son champ comme dans sa durée, et limitée au strict nécessaire.
C’est précisément ce à quoi nous avons veillé pour l’ensemble du texte. En l’espèce, le recours à une habilitation à légiférer par ordonnance me semble acceptable, parce que les contours de la réforme ont été clairement explicités, notamment depuis la réécriture de l’article intervenue à l’Assemblée nationale, d’une part, et parce que sa mise en œuvre concrète nécessite encore un certain temps de réflexion et de concertation, d’autre part.
Je signale, par ailleurs, que notre commission a dû réduire la durée de l’habilitation.
Quant au débat public et parlementaire, mon cher collègue, nous sommes bel et bien en train de débattre du sujet dans l’hémicycle du Sénat ! Au reste, le débat a également eu lieu en commission et, auparavant, à l’Assemblée nationale. Il aura encore lieu lors de la ratification des ordonnances, puis de la remise du rapport d’évaluation prévu au présent article.
Compte tenu de tous ces éléments, la commission émet, sur cet amendement, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement. Il considère que le développement de la production d’énergies renouvelables en mer devra contribuer fortement à atteindre l’objectif d’une part de 40 % d’énergies renouvelables dans la consommation française d’électricité en 2030.
Je veux cependant souligner que le délai entre la désignation du lauréat d’un appel d’offres et la construction du parc éolien est actuellement estimé à dix ans et qu’une simplification de la procédure permettra une réduction substantielle de ce délai et sera donc source d’économies importantes au titre des soutiens publics accordés.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Le sujet très important des énergies renouvelables, en particulier de l’éolien, ne peut être abordé de cette façon, par le petit bout de la lorgnette. C’est tout le problème de ce texte. Nous n’avons pas de réelle possibilité de débattre, monsieur le rapporteur. Je maintiens l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je suivrai l’avis de M. le rapporteur.
Tout le monde sait combien je suis attentif au développement de l’éolien. Il faut reconnaître que, sur la question de la simplification, un vrai travail de concertation a été mené avec les industriels. Le Gouvernement semble respecter ce travail. Je pense que l’on peut continuer à lui faire confiance, même si sa récente annonce sur le prix de rachat fragilise évidemment cette confiance et empoisonne le débat ; nous y reviendrons. Cela dit, on est obligé de reconnaître que les délais actuels de mise en œuvre des projets sont beaucoup trop longs.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 16 rectifié bis est présenté par MM. Cuypers, Bas, Milon et Longuet, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Poniatowski, Revet et Mouiller, Mmes Eustache-Brinio et Imbert, MM. Charon, de Legge, Paccaud, Meurant, J.M. Boyer, Grosdidier, Bouchet, Daubresse et D. Laurent, Mmes Canayer et Deromedi, MM. Priou, Lefèvre, Kennel, Karoutchi, Pierre et B. Fournier, Mme Lamure, M. Piednoir, Mme Duranton et M. H. Leroy.
L’amendement n° 62 est présenté par M. Courteau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
1° Après le mot :
afin
insérer les mots :
, d’une part,
2° Remplacer les mots :
d’une ou de plusieurs
par le mot :
d’
3° Compléter cet alinéa par les mots :
et, d’autre part, d’adapter, le cas échéant, les dispositions législatives nécessaires, pour mettre en place une autorisation unique sur le domaine public maritime ou/et la zone économique exclusive, la zone de protection écologique ou sur le plateau continental et valant autorisation au titre de l’autorisation environnementale prévue aux articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement, au titre de l’autorisation prévue au chapitre II du titre II de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française, et au titre des autorisations d’occupation du domaine public maritime
La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié bis.
M. Pierre Cuypers. Tel qu’il a été modifié à l’Assemblée nationale par amendement du Gouvernement, l’article 34 traduit la volonté de ce dernier de permettre l’évolution du cadre de développement des énergies marines renouvelables, les EMR.
Il a pour objet d’aboutir à un nouveau processus de développement et d’autorisation des installations en mer qui garantisse une répartition des rôles équilibrée entre l’État et les producteurs. Les lauréats des appels d’offres se verraient proposer un « permis enveloppe » leur permettant de modifier leur projet dans les limites définies, une fois les autorisations obtenues. Ce processus contribuera ainsi à la mise en place d’un schéma de réforme des coûts et des délais des projets décidés.
Le développement des énergies marines renouvelables, à l’instar d’ailleurs de celui du photovoltaïque, est indispensable à l’accélération de la transition énergétique et au développement de la production d’énergies renouvelables.
Toutefois, les EMR resteraient soumises à deux autorisations : une autorisation environnementale et une autorisation d’occupation du domaine public maritime.
Afin de parachever le processus de simplification engagé par l’article 34, il est donc nécessaire de parvenir à une autorisation unique en mer qui regrouperait l’autorisation environnementale et le titre d’occupation du domaine public maritime. Les opportunités de recours de tiers seraient alors limitées à une seule.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 62.
M. Roland Courteau. Il s’agit en effet de parachever le processus de simplification du cadre réglementaire, en permettant au Gouvernement de travailler à la conception d’une autorisation unique spécifique aux projets de production d’énergie renouvelable en mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Ces deux amendements étant satisfaits par le texte actuel, la commission en sollicite le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je crains de ne pas tout à fait partager l’avis de M. le rapporteur, mais cela ne m’empêchera pas d’émettre moi aussi un avis défavorable.
En effet, le Gouvernement considère que les intentions des auteurs des amendements ne peuvent pas être soutenues à ce stade.
Plusieurs arguments militent contre l’instauration d’une autorisation unique pour l’éolien en mer.
Les autorisations sur le domaine public maritime et celles qui sont délivrées au-delà de la mer territoriale ne peuvent en aucun cas être fusionnées. Les régimes de la loi sur l’eau, le code de l’environnement et le code général de la propriété des personnes publiques ne sont pas applicables dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental. Ces zones, situées au-delà de 12 milles marins, sont régies par la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, par l’ordonnance du 8 décembre 2016 et par le décret d’application de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de mai 2017. Ainsi, les droits et compétences des États ne sont pas les mêmes suivant l’espace maritime considéré et la rédaction proposée au travers des amendements est contraire aux textes internationaux.
La création d’une autorisation unique spécifique au projet de production d’énergie renouvelable en mer, regroupant l’autorisation domaniale et l’autorisation environnementale, serait source de contentieux. La nature du titre domanial, s’agissant d’une concession d’utilisation du domaine public maritime, dont un contrat sous sa forme actuelle, permet une négociation portant sur les conditions et les limites de l’occupation du domaine public maritime entre l’État et le lauréat de l’appel d’offres. Si nous fusionnions ce titre avec l’autorisation environnementale, en y associant notamment les mesures compensatoires liées à l’évaluation environnementale, la concession changerait de nature et aucune négociation ne pourrait être conduite sans contrevenir au droit européen.
Cette autorisation unique risquerait, par ailleurs, de rallonger le délai d’instruction, alors que nous visons un objectif de simplification.
Pour ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de ces deux amendements, dont les dispositifs ne sauraient être compatibles avec les textes européens et internationaux.
M. le président. Monsieur Cuypers, l’amendement n° 16 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Pierre Cuypers. Le bon sens commande que nous simplifiions un certain nombre de réglementations et que les règles communautaires puissent évoluer. Si M. le rapporteur nous confirme que le dispositif des amendements est satisfait par le texte du projet de loi, j’accéderai bien volontiers à sa demande de retrait.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Mon cher collègue, le 3° de l’article 34 du projet de loi mentionne bien « la délivrance au pétitionnaire, sur le domaine public maritime, la zone économique exclusive ou le plateau continental, d’une ou de plusieurs autorisations ».
M. Pierre Cuypers. Espérons qu’il n’y en ait qu’une ! Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis est retiré.
Monsieur Courteau, l’amendement n° 62 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Je le maintiens, monsieur le président. Je n’ai été convaincu ni par M. le secrétaire d’État ni par M. le rapporteur.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 101 est présenté par M. Courteau.
L’amendement n° 114 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Le Nay et Laugier, Mmes Loisier et Férat et M. Canevet.
L’amendement n° 117 est présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
L’amendement n° 119 rectifié bis est présenté par M. Cuypers, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Meurant et Savary, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam et MM. Vaspart, Pierre, Buffet et B. Fournier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
dix-huit
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 101.
M. Roland Courteau. La réforme que l’article 34 habilite le Gouvernement à mettre en œuvre est complexe et doit reposer sur une analyse juridique robuste, tout en étant structurante pour l’ensemble de la filière française des énergies marines renouvelables, qui est déterminée à atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Il est donc nécessaire de donner au Gouvernement le temps d’élaborer une ordonnance qui réponde aux principes fixés par l’article 34, sur la base d’une concertation approfondie avec l’ensemble des services, en particulier les services instructeurs – directions départementales des territoires et de la mer, directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement… – des demandes d’autorisation des projets sélectionnés dans le cadre des premiers appels d’offres en matière d’éolien en mer, afin de faire évoluer les procédures tout en tenant compte du retour d’expérience.
En outre, il peut être particulièrement utile d’établir une comparaison détaillée des régimes d’autorisation appliqués aux énergies marines renouvelables dans les pays européens où de telles installations ont été mises en service, pour tirer le meilleur des règles et pratiques en vigueur au Royaume-Uni, en Allemagne, au Danemark ou encore en Belgique.
M. le président. L’amendement n° 114 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° 117.
M. Emmanuel Capus. Il s’agit de porter de douze à dix-huit mois le délai de publication des ordonnances. Compte tenu de l’importance de celles-ci pour l’avenir de cette filière énergétique, il nous semble opportun que leur texte soit écrit en concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l’amendement n° 119 rectifié bis.
M. Pierre Cuypers. La réforme que l’article 34 habilite le Gouvernement à mettre en œuvre est complexe et doit reposer sur une analyse juridique robuste, tout en étant structurante pour l’ensemble de la filière française des énergies marines renouvelables, qui est déterminée à être au rendez-vous des objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Il est donc fondamental de donner au Gouvernement le temps suffisant pour élaborer une ordonnance qui réponde aux principes fixés par l’article 34, sur la base d’une concertation approfondie avec l’ensemble des services, en particulier la DDTM et la DREAL des quatre départements concernés, qui ont instruit les demandes d’autorisation des projets sélectionnés dans le cadre des premiers appels d’offres en matière d’éolien en mer, l’objectif étant de faire évoluer les procédures tout en tenant compte du retour d’expérience acquis.
Cet amendement s’inscrit dans la suite logique de l’amendement n° 16 rectifié bis, que nous avons présenté voilà quelques instants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Ces amendements ont pour objet de rétablir à dix-huit mois le délai d’habilitation accordé au Gouvernement pour réformer les règles applicables aux énergies marines renouvelables, au motif qu’un tel délai serait nécessaire pour mener une concertation approfondie tant avec l’ensemble des services instructeurs qu’avec les acteurs de la filière.
Je rappellerai que cette concertation avec la filière et ses représentants est déjà bien engagée et, surtout, qu’elle a déjà abouti à une réécriture complète du champ de l’habilitation via l’adoption d’un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale.
Quant aux services instructeurs, je n’imagine pas que le Gouvernement ait envisagé cette réforme sans les avoir préalablement consultés.
J’ajoute que la France a déjà pris beaucoup de retard en la matière.
M. Roland Courteau. Ça, c’est sûr !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. En effet, les premiers parcs éoliens dont les marchés ont été attribués en 2012 et en 2014 n’entreront pas en service avant 2021 au plus tôt.
M. Roland Courteau. Oui.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cette réforme a précisément pour objet de remédier à ce retard. La contrainte du délai de douze mois, qui ne commencera à courir qu’à compter de la promulgation de la loi, incitera à une mise en œuvre rapide, indispensable à l’atteinte de nos objectifs de développement des énergies marines renouvelables.
Je suis toujours assez surpris que des parlementaires soient disposés à se dessaisir de leur compétence législative pendant une aussi longue période, a fortiori sur de tels sujets, structurants pour l’avenir de notre pays et très consommateurs de ressources publiques.
Pour ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai sollicité en vain, à deux ou trois reprises, la mansuétude de la commission spéciale en vue d’obtenir quelque délai afin de pouvoir organiser une concertation satisfaisante avec les différents acteurs sur d’autres ordonnances.
Le Gouvernement ne peut donc qu’être favorable à ces amendements, qui visent à lui accorder un peu plus de temps pour rédiger des ordonnances portant sur un sujet complexe.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Sur ces questions d’habilitation et de délais d’adoption d’ordonnances, les expériences sont variées. Je voudrais m’y référer, plutôt que d’exprimer une suspicion ou de porter des jugements de principe.
Au cours des précédentes législatures, le Parlement a adopté de nombreuses lois habilitant les gouvernements successifs à légiférer par ordonnance, et le débat sur la brièveté de la durée d’élaboration de celle-ci resurgit à chaque fois…
Mes chers collègues, il est arrivé fréquemment que les délais prévus par l’habilitation expirent alors que l’ordonnance n’a pas encore été adoptée. Une partie importante du travail accompli est dès lors perdue. C’est la raison pour laquelle, tout aussi fréquemment, le Gouvernement se trouve amené à demander au Parlement, qui y consent généralement, une prolongation de la durée de l’habilitation.
Je rappelle que nous parlons ici d’un délai maximum, au terme duquel tout le travail est à recommencer si l’ordonnance n’a pas été publiée. Je ne vois pas d’inconvénient à le prolonger.
Je voudrais enfin souligner que les services de production juridique des ministères, auxquels on demande de préparer ces textes en menant une concertation approfondie et en prenant beaucoup de précautions pour éviter les malfaçons, ne sont pas extensibles. Leurs effectifs sont même plutôt en baisse et certains ministères – je vous livre là un petit secret – ne disposent même pas de tels services.
Il me semble donc qu’il n’y a pas d’inconvénient sérieux à adopter ces amendements. On ne vote pas une résolution ou un vœu lorsque l’on définit la durée d’une habilitation ; il s’agit simplement d’accorder un délai maximum qui tienne compte des aléas de production de l’ordonnance. Cela n’empêche pas d’insister auprès du Gouvernement pour aller un peu plus vite…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 101, 117 et 119 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Lavarde, M. Bascher, Mmes Eustache-Brinio et Garriaud-Maylam, MM. de Nicolaÿ et Mouiller, Mme Puissat, MM. Pemezec, Le Gleut, Babary, Paccaud, Vogel et Bazin, Mmes Micouleau et Lamure, MM. Bonhomme, Lefèvre, H. Leroy et Piednoir, Mmes Bories et Canayer, MM. B. Fournier, Revet, Savin, Longuet et D. Laurent et Mmes Thomas et Deroche, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Remplacer les mots :
quatre ans à compter de la publication
par les mots :
douze mois après la mise en service du premier parc réalisé dans le cadre réglementaire
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Le présent projet de loi prévoit la remise d’un rapport dans les quatre ans suivant la promulgation de l’ordonnance mettant en application le nouveau cadre réglementaire prévu par les premiers paragraphes de l’article 34.
Or, au regard de l’expérience actuelle, il semble peu probable qu’un nouveau parc éolien en mer soit mis en service d’ici à cinq ans – un an pour préparer l’ordonnance et quatre ans pour produire ce rapport visant à évaluer les effets induits par le nouveau cadre réglementaire sur les délais et les coûts de réalisation des projets.
Il me semblerait donc plus judicieux de prévoir que ce rapport soit remis douze mois après l’entrée en service d’un parc éolien en mer construit selon le nouveau cadre réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Notre collègue Christine Lavarde est largement intervenue sur cette question en commission spéciale.
Je proposerai d’en rester à la rédaction actuelle du texte, pour plusieurs raisons.
Premièrement, la réforme envisagée a pour principal objectif de permettre de réduire les délais à quatre ans en l’absence de recours, et à six ans en cas de recours.
Deuxièmement, quatre ans après la publication de l’ordonnance, nous devrions disposer d’au moins un projet pour lequel le débat public en amont de l’appel d’offres aura eu lieu. L’État aura réalisé les études techniques préalables et le lauréat aura déposé une demande de « permis enveloppe ». Même si le parc ne sera pas encore construit, les aspects essentiels de la réforme, dont je rappelle qu’elle ne porte pas sur la construction elle-même, pourront être analysés.
Troisièmement, repousser davantage l’échéance éloignerait d’autant la possibilité d’adapter les règles si cela s’avérait nécessaire au regard de ce premier bilan.
Enfin, il est déjà assez ambitieux d’espérer du Gouvernement qu’il n’oublie pas de nous remettre un rapport dans quatre ans…
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement fait confiance à la nouvelle procédure pour permettre la mise en œuvre d’un parc éolien offshore aussi rapidement que possible.
Cependant, la proposition de Mme Lavarde nous paraît de bon aloi et opportune. Bien évidemment, dès lors qu’un parc aura été créé, nous procéderons à une évaluation pour en tirer les leçons. Pouvoir disposer d’une telle évaluation dans un délai d’un an après la création du premier parc nous paraît tout à fait opportun.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je soutiens cet amendement, même si j’entends les arguments de notre rapporteur.
Quand on travaille sur ces sujets, on sait qu’il est impossible de réaliser un parc dans un délai de quatre ans. Nous ne disposerons donc pas de toutes les données utiles pour évaluer les procédures et surtout les coûts, sachant que l’environnement est extrêmement mouvant : la réglementation européenne en matière d’énergie évolue sans cesse.
Il faudrait faire en sorte que les parcs se créent le plus rapidement possible. Cela arrangerait tout le monde, mais, à défaut, si l’on veut réellement pouvoir disposer de données exploitables pour l’avenir, il me semblerait pertinent d’adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Les arguments développés par nos collègues sont assez convaincants. Nous voterons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :
II. – Au début de l’article L. 311-13-4 du code de l’énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre chargé de l’énergie peut, préalablement à la conclusion des contrats en application des articles L. 311-12 à L. 311-13-3 et avec l’accord du candidat retenu à l’issue de la procédure de mise en concurrence, améliorer l’offre de ce dernier et notamment diminuer le montant du tarif d’achat ou du complément de rémunération, dans des conditions et selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. Le contenu de cette offre s’impose au contrat que le candidat retenu conclut avec Électricité de France et, si les installations de production sont raccordées aux réseaux de distribution dans leur zone de desserte, les entreprises locales de distribution chargées de la fourniture. »
III. – Les dispositions introduites à l’article L. 311-13-4 du code de l’énergie par le II du présent article s’appliquent aussi aux procédures de mise en concurrence déjà lancées conduites en application de l’article L. 311-10 du même code et pour lesquelles les contrats prévus à l’article L. 311-12 dudit code n’ont pas encore été conclus le jour de l’entrée en vigueur de la présente loi.
IV. – La décision de l’autorité administrative désignant un candidat retenu d’une procédure de mise en concurrence mentionnée à l’article L. 311-10 du code de l’énergie peut être retiré, par décret, préalablement à la conclusion des contrats en application des articles L. 311-12 à L. 311-13-3 du même code.
Le candidat retenu précité est indemnisé de l’ensemble de ses dépenses engagées, dûment justifiées, entre la décision le désignant comme candidat retenu et le décret mentionné au premier alinéa du présent IV.
La publication du décret mentionné au premier alinéa du présent IV entraîne l’abrogation, sans indemnité complémentaire, de l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité prévue par l’article L. 311-1 du code de l’énergie et des concessions d’utilisation du domaine public maritime accordées en application de l’article L. 2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques qui sont liées au projet.
V. – Le IV du présent article s’applique aux procédures de mises en concurrence mentionnées à l’article L. 311-10 du code de l’énergie relatives à des installations de production d’énergie renouvelable en mer et dont le ou les candidats retenus ont été désignés avant le 1er janvier 2015.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le présent amendement a pour objet de donner une base légale à deux options.
Il s’agit, en premier lieu, d’une éventuelle future renégociation des appels d’offres en matière de développement des capacités de production d’énergies renouvelables. L’objectif est de parvenir à une réduction du tarif d’achat, avec l’accord des lauréats, afin d’améliorer l’offre sous-jacente, tandis que le cadre juridique actuel impose de signer le contrat d’achat au tarif initialement proposé.
Il s’agit, en second lieu, de permettre le retrait des autorisations administratives données aux candidats retenus lors d’une procédure de mise en concurrence. Le cadre juridique actuel ne prévoit aucune possibilité, pour l’autorité administrative, de revenir sur les résultats de l’appel d’offres. Bien évidemment, le cas échéant, une telle décision emporterait indemnisation du lauréat.
Dans le cas des énergies renouvelables, les caractéristiques techniques et tarifaires d’un appel d’offres sont prévues dans un cahier des charges qui ne peut être révisé après l’attribution de celui-ci.
Nous en sommes arrivés au constat que ce dispositif est trop rigide, notamment pour les appels d’offres en matière d’éolien en mer. On ne peut, par exemple, améliorer la compétitivité d’un projet attribué, même si des technologies plus efficaces et de meilleures conditions de financement permettraient d’en diminuer le coût pour la collectivité publique. Sachant que dix ans peuvent s’écouler entre la sélection d’un lauréat et la mise en œuvre du programme, des évolutions peuvent intervenir au cours de cette période.
Il convient de rappeler, par exemple, que les seuls appels d’offres attribués en 2012 et en 2014 représentent pour les finances publiques un coût de 41 milliards d’euros sur vingt ans, pour une puissance installée de 3 gigawatts seulement.
Dans certains cas, notamment lorsque le progrès technique permet d’envisager des baisses de coûts substantielles, l’État pourrait ainsi renégocier les conditions de l’offre retenue à l’issue de la procédure de mise en concurrence afin de l’améliorer et, en particulier, de diminuer le montant du tarif retenu.
Cet amendement vise à donner une base légale au résultat de cette négociation, qui serait réalisée avec l’accord du lauréat de l’appel d’offres.
Aujourd’hui, certains projets mettent très longtemps à aboutir : entre dix et quinze ans pour les projets d’éolien en mer. Entretemps, les paramètres évoluent, les coûts diminuent, les éoliennes deviennent plus puissantes, les techniques s’améliorent, les savoir-faire progressent et la filière se structure.
Le Gouvernement propose donc au Parlement de se doter d’une possibilité de tenir compte, dans les tarifs, de l’amélioration des projets et de renégocier les contrats.
Cet amendement ouvre également la voie à un retrait des décisions d’attribution des six projets éoliens offshore prises en 2012 et en 2014. Aucun contrat d’obligation d’achat n’a été signé à la suite de ces appels d’offres et aucune des installations prévues n’est construite. Le tarif qui a été accordé est très élevé et ne correspond absolument plus aux prix actuels de l’éolien en mer, ce qui entraîne des rémunérations excessives pour les candidats retenus. Pour mémoire, le tarif unitaire d’achat du kilowattheure prévu dans ces appels d’offres est plus de cinq fois supérieur au prix actuel du marché.
L’économie très significative pour les finances publiques qui résulterait, à moyen terme, d’un abandon complet des six champs et d’une compensation intégrale des capacités perdues justifie que le Gouvernement propose au Parlement de valider la base légale permettant sa mise en œuvre.
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que je suspendrai la séance à vingt heures ; elle reprendra à vingt et une heures trente. Peut-être l’examen du texte pourra-t-il être achevé dans la soirée…
Quel est l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 53 rectifié ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Par cet amendement, le Gouvernement entend traiter deux difficultés : d’une part, en permettant, pour toutes les énergies renouvelables, d’améliorer avec l’accord du lauréat une offre après l’attribution du marché afin que cette nouvelle offre s’impose à l’acheteur obligé ; d’autre part, en permettant, uniquement pour les deux premiers appels d’offres pour la réalisation de champs d’éoliennes en mer, de revenir unilatéralement sur la décision d’attribution, et donc sur le droit à subvention que le ou les lauréats concernés avaient obtenu, si d’aventure ils n’acceptaient pas d’améliorer leur offre.
Cette seconde série de dispositions appelle l’examen le plus attentif.
Sur le plan juridique, revenir sur des droits acquis suppose une indemnisation à hauteur du préjudice subi et l’existence d’un motif d’intérêt général.
Une indemnisation est certes prévue, mais elle se limiterait, en l’état, aux seules dépenses engagées, et non à la perte du droit acquis.
Le motif d’intérêt général, quant à lui, ne fait guère de doute, eu égard à l’importance des sommes en jeu pour la collectivité.
Sur le plan pratique, on comprend qu’il s’agit, pour le Gouvernement, de disposer d’un levier pour inciter les lauréats à renégocier.
Il est certain que l’évolution des conditions de financement, l’amélioration de la connaissance des risques et de la maîtrise des technologies intervenues depuis 2011 permettraient de réaliser des gains significatifs, même si l’on ne saurait comparer les coûts des parcs ayant fait l’objet d’une décision d’attribution en 2012 ou en 2014 avec ceux d’aujourd’hui.
Pour prévenir toute confusion, je tiens à préciser qu’il ne s’agirait pas nécessairement de modifier les technologies utilisées – sauf à devoir relancer toute la procédure d’attribution –, mais de rogner sur certaines marges, par exemple en matière de financement ou de provisions pour risques.
Monsieur le secrétaire d’État, la méthode retenue par le Gouvernement paraît assez brutale, sur la forme comme sur le fond. Elle pourrait même se révéler contre-productive pour les futurs appels d’offres. Les investisseurs potentiels pourraient en effet craindre qu’un sort identique ne leur soit réservé et douter de la parole de l’État, ce qui serait assez paradoxal s’agissant d’un texte visant à restaurer la confiance… (M. le président de la commission spéciale et Mme Françoise Gatel approuvent.)
Enfin, l’adoption d’une telle disposition pourrait remettre en cause l’émergence d’une filière industrielle française – je pense tout particulièrement aux usines de Saint-Nazaire, de Cherbourg et du Havre.
Mme Françoise Gatel. Ce serait dommage !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Les risques encourus ont conduit la commission spéciale à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
À titre personnel, j’estime que s’il est parfaitement légitime de réexaminer l’équilibre économique de ces projets, cela ne peut se faire qu’au travers d’une négociation avec les lauréats des appels d’offres, dont j’espère qu’elle aboutira dans les meilleurs délais afin de pouvoir purger ce dossier avant le lancement du troisième appel d’offres. Laissons faire l’intelligence des porteurs de projet, plutôt que de remettre à plat l’ensemble des projets déjà existants.
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.
M. Christophe Priou. Les régions Bretagne, Normandie et Pays de la Loire ont écrit hier au Gouvernement pour lui faire part de leur étonnement devant l’absence de concertation, tant avec les acteurs de la filière qu’avec les collectivités territoriales concernées, sur cet amendement dont le caractère rétroactif est de nature non seulement à amoindrir la confiance des investisseurs et des industriels de la filière, mais aussi à fragiliser la parole de l’État.
Nous tenons également à exprimer nos plus vives craintes quant aux conséquences de l’adoption d’une disposition qui pourrait conduire l’État à reporter de plusieurs années le lancement de ces parcs éoliens offshore, alors que notre pays accuse déjà un retard significatif.
Encouragées par le Gouvernement, nos régions ont investi dans les infrastructures portuaires afin de maximiser les retombées économiques des projets en France. Plus de 600 millions d’euros ont ainsi été mobilisés, notamment au titre des appels d’offres de 2012 et de 2014.
Voilà quelques années, nous avons connu à peu près la même situation avec la filière photovoltaïque. L’engouement des investisseurs, grands ou petits, tenait davantage à un effet d’aubaine qu’à une conversion intellectuelle ou philosophique aux énergies renouvelables et à la lutte contre le réchauffement climatique, ce que l’on peut regretter. Toujours est-il que le changement de politique en matière de tarif de rachat n’avait pas été rétroactif, contrairement à ce qui est proposé ici.
Je rappellerai également que le Grand Ouest, notamment les Pays de la Loire, a été pénalisé économiquement par l’annonce de l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. L’État s’est engagé à produire un contrat d’avenir, mais ce dernier me semble plutôt sombre dans la mesure où pas une ligne de ce contrat n’a encore été écrite…
Nous nourrissons également des inquiétudes pour l’avenir de la centrale électrique de Cordemais, de la raffinerie de Donges, du grand port de Nantes-Saint-Nazaire, tandis que les TGV et les TER connaissent des dysfonctionnements réguliers et qu’une réduction des effectifs est annoncée chez Airbus…
Je tenais à rappeler le Gouvernement à ses engagements !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Cet amendement est pour le moins surprenant, et surtout inquiétant. Son adoption permettrait à l’État de mettre fin unilatéralement et de manière rétroactive à tout projet lauréat d’un appel d’offres n’ayant pas encore sécurisé son contrat d’achat. Cela créerait une instabilité sans précédent et ruinerait instantanément la confiance des investisseurs et des industriels.
Si, dans les faits, cet amendement cible essentiellement la filière de l’éolien offshore, il constitue un précédent désastreux en permettant de remettre en cause tout projet de production d’énergie renouvelable sélectionné par appel d’offres.
Cet amendement est inquiétant au regard des enjeux et des impératifs de la transition énergétique. Il est également préoccupant pour l’image de la France, à l’initiative de l’accord de Paris, et pour son attractivité sur la scène internationale.
Les objectifs ambitieux de la France, ainsi que son engagement dans la lutte contre le dérèglement climatique, imposent une diversification de son mix énergétique, notamment grâce au développement des filières de production d’énergie renouvelable innovantes, dont celle de l’éolien en mer.
Les territoires de notre pays ont considérablement investi dans cette filière d’avenir, dont ils attendent beaucoup en termes d’emploi et de retombées locales.
Je rappelle que l’État s’est donné pour objectif d’installer 3 000 mégawatts de capacité de production d’électricité d’origine éolienne en mer à l’horizon 2023.
Une remise en cause de certains de ces projets conduirait l’État à renoncer à cet objectif, puisqu’il ne sera pas possible, eu égard aux délais de développement des projets d’éolien en mer – de huit à dix ans en France, contre de trois à quatre ans chez nos voisins européens –, de construire et de mettre en exploitation de nouveaux champs d’éoliennes d’ici à cette date.
L’adoption de cet amendement aboutirait à repousser les échéances, ce qui nous empêcherait d’atteindre nos objectifs, et ruinerait la confiance que l’on peut avoir en l’État français.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je suis moi aussi opposée à cet amendement.
Je ne reviendrai pas sur la forme. Le rapporteur a parlé à juste titre de brutalité. C’est décidément là un drôle de texte…
L’adoption de cet amendement porterait un mauvais coup à la filière de l’éolien offshore, qui représente une option importante en matière de production d’énergies décarbonées et dénucléarisées.
On ne peut que regretter le coup d’arrêt porté aux six projets déjà engagés. Pour ce qui concerne plus spécifiquement mon département, la Loire-Atlantique, c’est un mauvais signal. Ce n’est vraiment pas de cette manière que l’on redonnera confiance aux territoires et aux collectivités – métropoles, villes, départements et régions. Je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.
Mme Agnès Canayer. La création d’une filière de l’éolien maritime offshore polarise, depuis de nombreuses années, l’énergie tant de ses défenseurs, dont je fais partie, que de ses opposants.
En Seine-Maritime, les deux champs prévus – Fécamp et Dieppe-Le Tréport – subissent depuis près de dix ans les aléas d’une procédure complexe, mal ficelée, et donc tous les sauts et soubresauts des autorisations, des recours successifs qui repoussent encore et encore leur réalisation.
Il s’ensuit, bien évidemment, que les conditions de celle-ci ont évolué, du point de vue tant des solutions techniques que de l’équilibre économique. Leur renégociation se justifie donc, pour incorporer les avancées technologiques, notamment en matière de turbines, et limiter le coût de la construction de ces champs pour l’État.
Toutefois, ces renégociations ne peuvent se faire sous la contrainte, avec effet rétroactif, comme le propose le Gouvernement à travers cet amendement qui fait courir un véritable risque à la filière de l’éolien maritime.
Au Havre, dont je suis élue, l’enjeu est fort : plus de 60 millions d’euros ont déjà été investis par les collectivités territoriales sur les terrains du grand port maritime pour permettre la création des 750 emplois prévus par Siemens.
Je voterai contre cet amendement, pour des raisons de forme plus que de fond. En effet, la méthode retenue n’est pas la bonne : les acteurs économiques et les élus locaux ne sont pas associés au processus, et la nécessaire révision des conditions financières négociées conjointement est imposée de manière unilatérale.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le secrétaire d’État, vous sollicitiez tout à l’heure notre indulgence ; elle vous est acquise, mais pas pour cet amendement.
Oui, le retard pris par la France dans la structuration de cette filière engendre des coûts considérables, mais la réponse que vous proposez me semble à courte vue et contre-productive.
La région Bretagne, dont le déficit de production électrique est assez considérable, a signé en 2010, sous la présidence de Jean-Yves Le Drian, un pacte électrique avec l’État. Les énergies marines renouvelables tiennent une place importante au regard de l’objectif de diversification de la production électrique fixé conjointement par la région et l’État, cette source devant permettre à terme de couvrir 32 % de la consommation électrique bretonne.
Les retombées économiques sont très fortes. En lien avec l’État, la région a accompagné le projet de la baie de Saint-Brieuc, en contrepartie de la mise en œuvre d’un schéma industriel propice au développement d’une filière française consacrée aux énergies marines renouvelables, qui n’existe pas aujourd’hui.
Le lot « fondations » représente 1 860 emplois en France, dont 500 à temps plein à Brest. Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, il s’agit là d’une voie de reconversion pour des filières en déprise comme celle de la construction et de la réparation navales. S’ajoutera à tout cela un recours important à la sous-traitance locale.
Outre que cet amendement va à l’encontre de la mise en place d’une filière française, il contrevient au contrat passé entre l’État et la région, sans parler de l’émotion que ne manquerait pas de susciter, dans l’opinion publique, la renégociation d’accords faisant l’objet de vives oppositions… (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance.
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous poursuivons, au sein de l’article 34, les explications de vote sur l’amendement n° 53 rectifié, présenté par le Gouvernement.
La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Alors que le mot « confiance » semble être le seul dénominateur commun à l’ensemble des dispositions de ce projet de loi hétéroclite, je trouve tout à fait cocasse que le Gouvernement nous propose, par le biais de cet amendement, de revenir sur la parole de l’État et sur les engagements légalement pris auprès des lauréats des appels d’offres destinés à doter la France de ses premières éoliennes en mer afin d’imposer à ceux-ci, ne nous le cachons pas, des renégociations sous la contrainte.
Cela fait déjà six ans que les premiers lots ont été attribués, et il semblait que nous étions arrivés au bout d’un long parcours semé d’embûches. Les industriels, les énergéticiens ont investi, tout comme les collectivités locales, qui ont aménagé des terre-pleins et accompagné la construction d’usines. Des plans de formation ont été mis en place, et les premiers recrutements sont même en cours, notamment à Cherbourg.
La filière française a donc été lancée et son développement est en cours. Alors qu’il faut créer une dynamique et donner de la visibilité, tout paraît aujourd’hui remis en cause. Cet amendement crée de la défiance, jette le trouble et envoie un signal négatif à l’ensemble des acteurs qui s’impliquent depuis de longues années dans la diversification de notre mix énergétique. De plus, il décrédibilise l’État.
Certes, le modèle économique d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier, mais l’État pourrait attendre les prochains appels d’offres pour faire jouer les gains de productivité intervenus, comme cela a été le cas, voilà dix ans, pour le photovoltaïque.
Je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Quand des projets ont tardé à se mettre en place, on peut avoir la tentation de les abandonner. Dans certains cas, cela peut d’ailleurs être justifié.
Toutefois, dans le cas présent, de nombreuses questions se posent. Certes, le prix de l’électricité éolienne offshore baisse, puisqu’il est aujourd’hui de l’ordre de 60 euros le mégawattheure, mais imaginons que les Britanniques, qui nous ont acheté, sur la base d’un contrat de soixante ans, de l’électricité produite par un réacteur EPR au prix d’environ 120 euros le mégawattheure, décident de revenir sur leur engagement, au motif qu’un tel tarif est beaucoup trop élevé… Leur cour des comptes est féroce concernant ce contrat ! Quelle serait alors la réaction du Gouvernement français ?
Or, c’est exactement ce que l’on nous propose concernant l’éolien offshore : du jour au lendemain, parce que c’est trop cher, on décide de tout arrêter, on remet en cause les appels d’offres ! J’aurais pourtant cru qu’un gouvernement d’inspiration plutôt libérale était attaché au respect du droit des affaires et des contrats dans la durée….
Les Espagnols ont joué à ce jeu-là ! Ils ont perdu cinq ans en matière d’installation de leur parc et ont mis à terre toute leur filière. Il ne me semble pas de bonne politique que le Gouvernement français s’engage dans la même voie et remette en cause une filière déjà bien installée, notamment dans l’estuaire de la Loire, où General Electric construit des turbines, mettant ainsi en péril des milliers d’emplois.
Les lauréats des appels d’offres sont parfaitement conscients que les prix de l’électricité d’origine éolienne ont baissé. Ils ont fait des propositions de partage des bénéfices, qui sont sur la table du Gouvernement et, d’après la presse, sur celle de l’Élysée. Ma question est très précise, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi avez-vous rejeté ces propositions ? En tant que membres de la représentation nationale, nous avons besoin de le savoir.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. En préambule, je veux souligner que je suis très favorable au développement des énergies marines renouvelables. Mon propos risque d’être décalé par rapport à la position majoritaire de mon groupe. Cela tient peut-être au fait que ma vision de cette question est différente.
Monsieur le secrétaire d’État, au cours de ce débat, je n’ai entendu parler ni de planification maritime, ni de reconnaissances d’organismes tels que les conseils maritimes de façade, ni d’implantation de parcs éoliens « volés », si je puis dire, notamment au sein de parcs marins.
Cet amendement place de nouveau le dossier de l’éolien offshore en eaux troubles, en nouant en outre un lacet étrangleur autour du dôme de notre institution sénatoriale.
Si je n’ai pas raison, ce que je peux concevoir, expliquez-moi pourquoi l’amendement déposé à l’Assemblée nationale par un député du groupe Les Républicains, moins radical que le vôtre, a été rejeté, après avis défavorable du Gouvernement. Il aurait pourtant davantage mérité d’être débattu ici que le présent amendement, qui constitue presque un cavalier !
M. Christophe Priou. C’est vrai !
M. Jean-François Rapin. Il ressurgit brutalement au Sénat, créant de l’émoi dans la filière, chez les industriels, bien sûr, mais aussi parmi les élus qui soutiennent des projets sur leur territoire, ce que je comprends et respecte tout à fait. A contrario, il suscite des espoirs chez ceux qui ne souhaitent pas voir ce genre d’équipements à proximité de leurs côtes, et peuvent imaginer qu’une telle modification législative permettra d’enrayer l’avancée des projets.
Par conséquent, si le Sénat adopte cet amendement, il prendra la filière et certaines régions en pleine face. S’il le rejette, il endossera la responsabilité de la non-réalisation de milliards d’euros d’économies du fait de l’impossibilité d’engager des renégociations. La ficelle est grosse, monsieur le secrétaire d’État !
Au regard de cela, pour respecter, en tant que sénateur du Pas-de-Calais, la décision démocratique intervenue concernant le parc marin des trois estuaires – ceux qui ont vécu le feuilleton de Notre-Dame-des-Landes me comprendront –, à savoir le rejet de la création d’un parc éolien en son sein, je voterai cet amendement, non par conviction, mais parce que, comme ceux qui ont de l’espoir, je veux imaginer que le projet, passé en force, puisse être non pas abrogé, mais corrigé.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Je partage totalement les arguments que M. le rapporteur a avancés avant la suspension de séance, en ce qui concerne tant la méthode que les conséquences de l’adoption d’un tel amendement.
Je prendrai l’exemple de mon département, le Calvados, en évoquant le projet, déjà bien engagé, d’implantation de 75 éoliennes en mer à Courseulles-sur-Mer. La production d’électricité de ce champ permettrait de couvrir la consommation domestique de 630 000 personnes, soit 90 % de la population du département. Le chantier d’assemblage des éoliennes et d’installation en mer représente 200 emplois, indispensables à notre territoire. Quant à la maintenance de ces éoliennes, elle assurera plus de 100 emplois pendant vingt-cinq ans sur le port de Caen-Ouistreham.
Toutes les collectivités se sont mobilisées pour que ce projet puisse être réalisé, qu’il s’agisse de la grande région Normandie, de la communauté d’agglomération ou des communes. Elles ont d’ores et déjà tout mis en œuvre pour que les usines puissent être accueillies dans de bonnes conditions, et pris tous les actes et délibérations nécessaires au lancement de l’activité.
Or, aux termes de cet amendement, si les négociations n’aboutissaient pas, il pourrait être mis fin aux projets. Il faudrait alors relancer toute la procédure, ce qui prendrait beaucoup de temps et serait tout à fait préjudiciable à l’activité économique de nos territoires et, plus largement, à l’activité industrielle dans notre pays.
Je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Beaucoup de choses ont été dites, mais l’élément plus marquant reste, pour moi, le dernier paragraphe de l’objet de cet amendement.
Qu’il doive y avoir négociation, cela peut s’entendre ; mais proposer, de surcroît à l’occasion de l’examen d’un texte dont l’intitulé comprend le mot « confiance », de remettre en cause des appels d’offres fructueux, cela pose vraiment question ! Le schéma est le même que pour la loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures : déjà, le Gouvernement avait voulu casser des accords conclus avec des investisseurs ayant engagé des moyens. Nous avions alors été quelques-uns à le dénoncer.
En ce qui concerne la recherche et le développement, comment voulez-vous donner confiance à des investisseurs pour qu’ils prennent des risques ? Pourtant, nous le savons tous, notre pays en a besoin, en particulier s’agissant d’un secteur d’activité source de création de valeur et d’emplois ! S’il y a bien un pays où il ne faut pas investir ou prendre des risques, c’est la France : tel est le message que nous enverrons si nous adoptons cet amendement ! Il y a là une question de fond.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Gremillet. On peut concevoir qu’une renégociation intervienne sur certains points – je rejoins tout à fait les propos de M. le rapporteur à cet égard –, mais remettre en cause un appel d’offres fructueux n’est pas acceptable à mes yeux !
M. Roland Courteau. C’est grave !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Selon moi, le cadre n’est pas tout à fait identique à celui de la loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, qui avait donné lieu à une réflexion d’ensemble. À l’inverse, on considère ici le sujet par le petit bout de la lorgnette, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure. Le présent amendement est emblématique à cet égard.
Comme le soulignent de nombreux acteurs, en particulier le Syndicat des énergies renouvelables, cet amendement constitue un signal désastreux pour l’ensemble des filières du secteur des énergies renouvelables. Son adoption créerait un climat de défiance, en particulier parmi les établissements financiers qui ont choisi d’investir dans des projets de production d’énergie renouvelable.
Si nous souscrivons bien sûr à la nécessité de préserver les finances de l’État, nous ne pouvons que déplorer, encore une fois, l’adoption d’une telle méthode. La remise en cause pure et simple des projets existants fragiliserait durablement la filière industrielle française.
Une véritable stabilité juridique est nécessaire. Nous voterons contre l’amendement n° 53 rectifié. Nous sommes là très loin de l’instauration d’une société de confiance !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je tiens tout d’abord à remercier M. le rapporteur de son avis éclairé.
Bien évidemment, je ne voterai pas cet amendement, comme la très grande majorité des membres de mon groupe. Dans le cas d’espèce, la France est victime de la lourdeur de ses procédures. Quand il faut des années et des années pour mettre en œuvre un projet, il est évident que des progrès technologiques interviennent et que les prix de marché évoluent entre le moment de la décision et celui de la réalisation.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Absolument !
M. Bruno Retailleau. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, comment peut-on assumer une telle méthode, alors même que, dans la perspective d’une révision constitutionnelle, le Premier ministre nous dit qu’il faut mieux légiférer ? On nous présente un amendement très lourd, qui n’a pas été soumis au Conseil d’État et n’est pas accompagné d’une étude d’impact. Que penser d’une telle méthode du point de vue légistique et, surtout, du point de vue des conséquences qu’aurait l’adoption de ce dispositif pour la filière française ?
Dans les deux cas de figure, la renégociation ou l’annulation, les délais seront très longs : de deux à quatre ans pour une renégociation, de six à sept ans pour une annulation ! Autant dire que vous mettez une filière à terre : assumez-le !
Permettez-moi de prendre un exemple que je connais bien, celui de STX France, une société qui a connu des années très difficiles. Nous l’avons encouragée à se diversifier. Cette entreprise a été choisie pour produire trois sous-stations électriques qui permettront de raccorder au réseau les éoliennes installées sur les trois parcs que gérera EDF Énergies Nouvelles. Pour mener à bien ce projet, 180 personnes ont été déployées, des dizaines de millions d’euros ont été mobilisés. Les travaux doivent commencer dans quelques semaines, pour une livraison en 2020. Que direz-vous à l’entreprise ? D’arrêter tout ? De redéployer les moyens ? Mais sur quels chantiers ? Je pourrais vous citer d’autres cas concrets d’entreprises régionales du même ordre, avec là encore des centaines de personnes qui risquent de se retrouver sur le carreau.
Bien sûr, le signal adressé aux investisseurs étrangers, qu’ils soient espagnols, portugais ou allemands, est désastreux. C’est le symptôme d’une maladie chronique qui affecte la France : l’instabilité législative.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. On ne peut pas faire confiance à l’État, qui change sans cesse de pied. C’est absolument terrible pour l’économie française, monsieur le secrétaire d’État, et pour nos régions, qui ont toutes beaucoup investi ! Les présidents des régions Bretagne, Normandie et Pays de la Loire ont écrit au Premier ministre pour lui rappeler que des centaines de millions d’euros ont été engagés, parfois en partenariat avec les départements, pour remanier les infrastructures portuaires. Que vont devenir ces investissements ? Y avez-vous pensé ? Avez-vous envisagé de conduire une concertation ? Non, bien sûr ! L’État décide pour lui, seul !
Il faut bien sûr négocier, mais certainement pas en s’y prenant d’une façon aussi brutale ; je vous le dis solennellement. Je voterai contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Ayant entendu les différents orateurs et sachant compter, je devine qu’un consensus contre cet amendement se dessine…
M. Emmanuel Capus. C’est vrai !
M. Roland Courteau. Oui, vous avez bien compris !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je tiens à remercier Mme Gatel et M. Retailleau d’avoir souligné, chacun à sa manière, que le constat posé par le Gouvernement était juste. Les délais, les lourdeurs administratives sont tels que, entre le moment où est désigné le lauréat d’un appel d’offres et celui où le chantier peut démarrer, il se passe parfois dix ou quinze ans. Pendant ce temps, les technologies changent, les coûts peuvent diminuer. L’État, dans l’intérêt général, pourrait dès lors réaliser l’opération dans de meilleures conditions économiques, sans que cela compromette les emplois ni le développement des énergies renouvelables.
Il a également été dit que ce sujet était sous-tendu par une question d’intérêt général, en termes de maîtrise des finances publiques, en l’occurrence des finances de l’État.
Nous avons donc tous le même constat en tête, mais peut-être divergeons-nous sur la méthode à retenir. M. Dantec a indiqué que des propositions visant à un partage des bénéfices ont été faites par un certain nombre d’opérateurs ou de lauréats d’appels d’offres. Or, en l’état du droit – c’est l’une des justifications de cet amendement –, nous ne pouvons pas accepter des propositions qui s’écartent des conditions dans lesquelles l’appel d’offres a été conduit et les lauréats désignés. (M. Ronan Dantec le conteste.)
M. Jean-François Rapin. On ne peut pas non plus modifier le périmètre !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Nous nous trouvons donc dans l’obligation de modifier le droit.
M. Ronan Dantec. Non ! Cela ne correspond pas à la totalité de l’amendement !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Monsieur Dantec, permettez-moi d’aller au bout de mon raisonnement, sachant que j’anticipe le sort qui sera réservé par le Sénat à cet amendement.
L’exercice de la faculté de renégociation est subordonné à l’accord des candidats et ne peut intervenir qu’avant signature du contrat, dans la période s’étendant du résultat de l’appel d’offres à la réalisation effective du projet : voilà ce que nous voulons inscrire dans la loi par le biais de l’amendement que nous avons déposé.
De la même manière, l’exercice de la faculté de retrait de la décision d’attribution de l’appel d’offres est limité par cet amendement aux appels d’offres de 2012 et de 2014 portant sur les projets de parcs éoliens offshore, et s’accompagne d’une indemnisation au titre de l’ensemble des dépenses engagées. Là encore, il est précisé qu’une telle décision ne peut intervenir qu’avant la signature du contrat.
Cela nécessite une discussion avec les collectivités locales. M. Retailleau a évoqué un courrier au Premier ministre en date du 13 mars dernier. Quel que soit le sort réservé à cet amendement, cette discussion sera conduite.
Nous voulons, par cet amendement, poser le cadre d’une négociation et sécuriser juridiquement l’intégralité des conditions de cette dernière. Cela n’enlève absolument rien à notre volonté de développer l’éolien offshore sur notre territoire et sur nos mers.
Le présent projet de loi, au-delà du sort que connaîtra cet amendement, prévoit de modifier les dispositions et les procédures, pour faire en sorte que les procédures d’autorisation soient plus efficaces et éviter ainsi, à l’avenir, de retomber dans les travers que nous avons connus avec les appels d’offres de 2012 et de 2014, qui n’ont pas débouché sur des réalisations concrètes. C’est là, me semble-t-il, un objectif que vous partagez.
Je vous demande simplement d’entendre que la volonté du Gouvernement est d’appliquer, peut-être de manière rétroactive, ces nouvelles procédures aux appels d’offres qui ont été conduits, de réaliser une économie de bon aloi pour les finances publiques, du fait de l’évolution des technologies, et de sécuriser juridiquement les conditions dans lesquelles nous pourrions mener une négociation sur la base des propositions qui ont été faites.
Nous voulons, indépendamment de tout cela, continuer à développer l’éolien offshore. Nous avons en tête la situation particulière de certains territoires de notre pays, notamment de la Bretagne, qui connaît un véritable problème d’approvisionnement en énergie.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !