Sommaire
Présidence de M. David Assouline
Secrétaires :
Mmes Jacky Deromedi, Françoise Gatel.
3. État au service d’une société de confiance. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission spéciale
M. Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission spéciale
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
Clôture de la discussion générale.
M. Jean-Pierre Sueur ; M. le président ; M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale.
Mme Nassimah Dindar ; M. le président.
Amendement n° 131 de M. Éric Bocquet
Amendement n° 74 rectifié de Mme Sophie Taillé-Polian
Amendement n° 57 du Gouvernement
Amendement n° 111 de M. François Patriat
Amendement n° 165 de Mme Élisabeth Lamure
Amendement n° 69 rectifié de Mme Angèle Préville
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Questions d’actualité au Gouvernement
réforme de la formation professionnelle
M. Martin Lévrier ; Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail.
Mme Véronique Guillotin ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
situation à afrine en syrie face à l’intervention militaire de la turquie
M. Pierre Laurent ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Rémi Féraud ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
nomination au poste de secrétaire général de la commission européenne
M. Claude Malhuret ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-François Rapin ; M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Jean-François Rapin.
réactions française et européenne aux mesures protectionnistes américaines
M. Michel Laugier ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
ripostes française et européenne à la politique tarifaire américaine
M. Richard Yung ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
privatisation d’aéroports de paris
M. Arnaud Bazin ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Arnaud Bazin.
maladies rares et politique de santé publique
Mme Évelyne Renaud-Garabedian ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
M. Roland Courteau ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
conclusions de la conférence des présidents
6. État au service d’une société de confiance. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 131 de M. Éric Bocquet (suite). – Rejet.
Amendement n° 74 rectifié de Mme Sophie Taillé-Polian (suite). – Rejet.
Amendement n° 57 du Gouvernement (suite). – Rejet.
Amendement n° 111 de M. François Patriat (suite). – Retrait.
Amendement n° 165 de Mme Élisabeth Lamure (suite). – Adoption.
Amendement n° 69 rectifié de Mme Angèle Préville (suite). – Rejet.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’annexe, modifié.
Article additionnel après l’article 1er
Amendement n° 95 rectifié ter de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 138 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 128 de Mme Angèle Préville. – Adoption.
Amendement n° 202 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption.
Amendement n° 132 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 201 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 2
Amendement n° 36 rectifié de M. Julien Bargeton. – Rejet.
Amendement n° 37 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 2 bis A
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 3
7. Adoption des conclusions de la conférence des présidents
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
8. État au service d’une société de confiance. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 38 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 133 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 164 de M. Philippe Dominati. – Retrait.
Amendement n° 39 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 134 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 205 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 216 du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 216 du Gouvernement (suite). – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 4
Amendement n° 28 rectifié bis de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié bis de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 186 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 135 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 206 du Gouvernement. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 4 bis A
Amendement n° 212 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 136 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 176 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 137 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 40 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Amendement n° 42 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 43 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 44 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 140 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 178 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 213 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 179 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 7
Amendement n° 166 de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 180 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 141 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 167 de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 104 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 8 bis et 9 – Adoption.
Amendement n° 46 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 11
Amendement n° 58 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié de M. Vincent Delahaye. – Retrait.
Amendement n° 142 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Amendement n° 144 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 145 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 207 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 14
Amendement n° 208 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. David Assouline
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
Mme Françoise Gatel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 8 mars 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, en raison de la réunion de la conférence des présidents de ce jour, et en accord avec le Gouvernement, nous pourrions suspendre nos travaux à l’issue de la séance de questions d’actualité au Gouvernement et les reprendre à dix-huit heures, avec la poursuite de l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
3
État au service d’une société de confiance
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (projet n° 259, texte de la commission n° 330, rapport n° 329).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis dix mois maintenant, la France est engagée dans un mouvement de transformation profond : transformation économique, transformation fiscale, transformation écologique.
Dans notre pays, le service public occupe une place centrale et suscite beaucoup d’attentes chez nos concitoyens. L’administration doit donc être dans ce moment un moteur de transformation, un moteur de progrès.
Pourtant, nous le savons tous, notre pays est frappé d’un paradoxe : les Français aiment leurs services publics, mais ils critiquent et parfois rejettent leur administration. Un chiffre suffit à illustrer cette réalité : la satisfaction des usagers du service public est supérieure de 30 points à l’image qu’en ont les Français dans leur ensemble. Parfois aussi ce sont les agents publics qui doutent de leur propre administration et des moyens qui sont mis à leur disposition.
Le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance entend donc libérer les énergies et les initiatives au sein de notre administration. Il porte une vision positive et bienveillante du service public et des agents qui le font vivre. Il leur donne les moyens de jouer un rôle nouveau dans la vie des Françaises et des Français.
C’est pourquoi nous avons voulu affirmer deux grands principes dans ce texte : d’abord, une administration qui conseille avant de sanctionner ; ensuite, une administration qui simplifie plutôt que de complexifier.
Ces principes sont indispensables, car ce sont eux qui montrent le cap et les priorités du texte que nous vous présentons. Mais ce projet de loi apporte surtout des réponses très concrètes aux usagers et aux agents publics, en combinant mesures générales et mesures expérimentales.
Je m’arrêterai d’abord sur le premier pilier de ce texte, celui de la confiance.
C’est le principe même du droit à l’erreur que ce projet de texte consacre, pour les entreprises comme pour les particuliers. Vous le savez, le droit à l’erreur était un engagement du Président de la République. Demain, cette révolution sera à l’œuvre : dans le cadre d’une déclaration à l’administration ou d’un contrôle, l’usager de bonne foi pourra revendiquer un « droit à l’erreur » et l’administration le dispensera de pénalité. Ce principe ne souffrira que d’exceptions de bon sens.
Pour l’administration fiscale et douanière, le texte comporte une disposition supplémentaire puisque, s’agissant des intérêts de retard, le principe qui vaudra sera celui de la « faute avouée à moitié pardonnée », avec des intérêts divisés par deux lorsque la rectification viendra du contribuable lui-même.
Le projet de loi consacre également pour nos entreprises des mesures qui découlent directement de cette philosophie et qui faciliteront leurs relations avec l’administration. J’insisterai sur trois d’entre elles.
Premièrement, il crée un « droit au contrôle », pour que chaque entreprise puisse s’assurer qu’elle est bien en règle et bénéficier des conclusions de ce contrôle comme d’un rescrit.
Deuxièmement, il instaure une limitation de la durée de contrôle pour les PME, sous forme expérimentale, pour que cette durée ne puisse dépasser neuf mois sur trois ans, soit un quart du temps de l’entreprise.
Troisièmement, enfin, il prévoit la création d’un avertissement avant la sanction par l’inspection du travail, parce qu’avant de donner un carton rouge, l’administration doit pouvoir adresser un carton jaune à l’entrepreneur de bonne foi.
Le Gouvernement a donc tenu à intégrer des dispositions spécifiques en ce qui concerne le travail et les PME, mais aussi des dispositions sectorielles, pour fluidifier davantage le fonctionnement de certaines activités. Nous avons ainsi travaillé avec le ministre de l’agriculture pour intégrer des dispositions spécifiques relevant de son champ de compétence. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir dans nos débats.
Ce projet de texte prévoit également des mesures pour les particuliers, qui pourront bénéficier du droit à l’erreur et du droit au contrôle en plus d’autres mesures spécifiques ; je pense, notamment, au droit à la rectification lors de la réclamation d’indus dans le champ social.
Enfin, ce texte vise aussi à offrir aux agents de la fonction publique la possibilité d’établir le dialogue avec les usagers. Bien souvent, ils le voudraient, mais ils ne disposent pas des outils pour cela. Les agents seront, par exemple, mieux protégés lorsqu’ils souhaitent recourir à la transaction. De la même manière, la médiation sera développée, notamment dans les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, les URSSAF.
Un amendement parlementaire est par ailleurs venu consacrer la protection des agents dans l’application du droit à l’erreur.
Le second pilier de ce texte sur lequel je souhaite m’arrêter un instant est celui de la simplicité. Il s’agit, pour les usagers du service public, d’une nécessité absolue. Pour la comprendre, on peut évoquer un chiffre éloquent : la France occupe le cent quinzième rang - sur cent quarante - en matière de complexité administrative. Ici encore, trois mesures sont très emblématiques de l’ambition du Gouvernement.
Tout d’abord, l’expérimentation d’un référent unique afin de n’avoir plus qu’une porte où frapper pour être bien orienté, par exemple pour les allocataires d’aides sociales dans les CAF.
Ensuite, l’adaptation des horaires d’ouverture des services publics aux habitudes de vie des Français, conformément à l’engagement du Président de la République. Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, s’est ainsi proposé d’expérimenter cette adaptation dans deux juridictions de taille importante.
Enfin, un autre engagement trouve ses premières traductions dans ce texte : celui du « zéro papier » d’ici à 2022, avec la dématérialisation de l’ensemble des déclarations administratives.
Des premières annonces ont été faites à l’occasion du comité interministériel de la transformation publique qui s’est tenu le 1er février dernier. Ce texte de loi consacre, par exemple, l’extension par expérimentation du principe « dites-le-nous une fois », qui devient en réalité le principe « dites-le-nous une fois, mais une fois pour toutes » !
Pour promouvoir la confiance et la simplicité dans les relations entre les citoyens et l’administration, nous devons par ailleurs revoir notre rapport à la norme et à la loi, la manière dont nous la concevons et dont nous la faisons connaître.
Ce texte se fixe donc pour ambition de changer les habitudes de l’administration, qui se contente trop souvent d’opposer à nos concitoyens l’adage : « Nul n’est censé ignorer la loi ». Lorsque la loi devient trop complexe, qui peut vraiment la connaître ?
Le projet de loi comporte ainsi de nombreuses mesures qui permettront de repenser en profondeur la fabrique et l’application des lois et des règlements. Le texte s’efforce ainsi d’adapter la norme à la diversité des territoires, que vous connaissez tous, mesdames, messieurs les sénateurs. Cette adaptation est rendue possible, en particulier par l’expérimentation, qui permet de tester la pertinence d’une nouvelle norme, son efficacité, avant de la généraliser ou bien d’y renoncer.
Ce projet de loi met en œuvre bien d’autres outils sur lesquels je souhaite appeler votre attention.
D’abord, la transparence sur les centaines de circulaires qui produisent des effets sur nos concitoyens et sont inconnues d’eux.
Ensuite, la lutte contre la surtransposition des directives européennes. Je pense, par exemple, à la suppression du rapport de gestion pour toutes les petites entreprises, ce qui représente une journée de travail en moins pour 1,3 million de petites entreprises, soit une économie de 270 millions d’euros.
Enfin, l’inversion complète de notre manière de faire la loi dans certains secteurs : nous souhaitons, par exemple, expérimenter dans le domaine de la construction une nouvelle obligation qui soit une obligation de résultat et non plus une obligation de moyens.
Je veux dire maintenant quelques mots de la méthode singulière qui a conduit à l’élaboration de ce texte.
Il s’agit d’abord d’une loi qui a été coconstruite avec les différents membres du Gouvernement, avec des experts comme le conseiller d’État Thierry Tuot et, bien évidemment, avec le Parlement.
La première lecture à l’Assemblée nationale s’est tenue dans un état d’esprit d’ouverture et nous souhaitons nous inscrire dans la même logique au Sénat.
Vos travaux en commission ont déjà permis d’améliorer substantiellement le projet de texte, sur la forme, avec de nombreuses améliorations légistiques et rédactionnelles, mais également sur le fond. Je pense, par exemple, à la précision apportée à l’article 2 sur le droit à l’erreur : cet article prévoit désormais que l’administration est tenue d’inviter un usager à régulariser sa situation dès qu’elle s’aperçoit de l’erreur, ce qui permettra de rendre ce droit plus effectif.
On peut également citer le dispositif de l’article 4 quater, pour lequel vous avez précisé les conditions dans lesquelles pouvait être accordée la réduction des intérêts de retard en matière douanière.
Par ailleurs, pour la première fois, la procédure dite de « législation en commission » a été utilisée sur certains articles de ce texte, ce qui nous permettra de nous concentrer en séance sur les articles les plus importants. Dans cette nouvelle phase de débats, nous serons le plus à l’écoute possible de vos propositions.
C’est aussi une loi qui s’inspire des bonnes pratiques étrangères. Je vous en donne quelques exemples.
Les Pays-Bas pratiquent depuis longtemps ce que nous appelons la relation de confiance entre les entreprises et l’administration fiscale ; le principe de la suppression de deux anciennes normes pour une nouvelle norme créée est appliqué en Grande-Bretagne ; de la même manière, en ce qui concerne la lutte contre la surtransposition, notre projet s’inspire des mesures mises en œuvre en l’Allemagne et dans d’autres pays.
Pour conclure, ce projet de loi devra faire l’objet d’un suivi renforcé. Le Gouvernement s’efforcera de suivre précisément l’application de la loi à travers la publication des décrets, bien sûr, mais aussi en étudiant les résultats des différentes expérimentations que ce projet contient et en suivant la mise en application concrète des mesures qui auront été adoptées. Nous serions heureux que les parlementaires, notamment ceux de la Haute Assemblée, prennent part directement à ce suivi opérationnel.
Néanmoins, même avec un texte que je crois être de qualité et qui sera enrichi de vos propositions, nous ne devons pas nous arrêter là. En effet, sans vouloir me montrer décourageant, même si le Parlement adopte ce texte, même si nous le mettons rapidement en œuvre, nous n’aurons fait qu’une toute petite partie du chemin. Les changements les plus importants ne sont pas dans les textes, ils sont dans les têtes.
À cet égard, pour ce qui concerne la fonction publique, la formation de nos agents est capitale. Le Gouvernement sera au rendez-vous : dans le cadre du Grand plan d’investissement, 1,5 milliard d’euros ont ainsi été identifiés et dédiés au financement de la formation des agents publics pour accompagner la transformation des services publics.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui constitue pour nous la première pierre du programme Action publique 2022. Cet acte I de la transformation publique témoigne de l’ambition qui est celle du Gouvernement de remettre la confiance au cœur des relations entre l’administration et les usagers. Je souhaite que les débats qui s’ouvrent puissent nous permettre d’aller encore plus avant sur ces différents sujets.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je pourrais me contenter de vous dire que ce texte, après avoir suscité beaucoup d’attentes, a beaucoup déçu, mais cela ne serait pas faire honneur au travail accompli par notre commission.
Nous avons en effet choisi de nous départir de tout a priori et d’aborder ce projet de loi de manière constructive, avec la volonté de le rendre plus opérant et, surtout, de lui donner une cohérence qui lui faisait défaut.
L’article 2 crée deux dispositifs : tout d’abord, un « droit à l’erreur », au bénéfice de tout usager qui méconnaîtrait involontairement, et pour la première fois, une règle applicable à sa situation ; ensuite, un « droit au contrôle », auquel l’administration est tenue de répondre dans un délai raisonnable, et dont les conclusions sont opposables. Ces deux nouveaux dispositifs sont supplétifs par rapport aux « droits à l’erreur » spécifiques.
Si l’ensemble manque de précision et est dépourvu d’étude d’impact, il n’y a pas de raison de principe de s’y opposer. La commission spéciale a toutefois adopté une série d’ajustements pour préciser le dispositif, l’ouvrir davantage et le rendre plus incitatif. Je signale, en particulier, l’extension du bénéfice du droit à l’erreur aux collectivités territoriales dans les relations qu’elles entretiennent avec l’État.
Au-delà de l’article 2, plusieurs dispositions entendent rétablir un lien de confiance entre l’État et la société. Ainsi en est-il de l’article visant à interdire aux administrations de l’État de recourir à un numéro surtaxé dans leurs relations avec le public. Cela évitera le sentiment d’amertume que peuvent ressentir certains de nos concitoyens lorsqu’ils attendent d’être mis en relation avec un interlocuteur alors que chaque minute est facturée.
Par ailleurs, la commission spéciale a adopté un amendement modifiant la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, en vue d’exclure les responsables locaux du champ d’application de ses dispositions relatives aux relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics.
L’extension de ces dispositions aux élus locaux n’aurait, à mon sens, qu’une faible valeur ajoutée. En effet, l’objectif premier du répertoire numérique est de faire la transparence sur l’influence des représentants d’intérêts relativement à l’élaboration de la loi et du règlement national – les relations quotidiennes qui se nouent sur les territoires n’en font assurément pas partie. Cet avis est partagé par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui m’a alertée sur le sujet, confirmant des inquiétudes déjà exprimées sur son incapacité à faire face à ce surcroît d’activité au 1er juillet 2018.
S’agissant des dispositions fiscales du texte, et au risque de tempérer l’enthousiasme affiché par le Gouvernement, je rappelle que le droit à l’erreur existe depuis bien longtemps dans ce domaine : le contribuable est toujours présumé de bonne foi et les majorations ne peuvent être appliquées que si l’administration apporte la preuve d’une intention frauduleuse.
Les articles qui prévoient la diminution de l’intérêt de retard en cas de régularisation n’ont donc rien à voir avec un « droit à l’erreur » : ce sont des mesures incitatives au civisme fiscal. J’insiste sur ce point : l’intérêt de retard n’est pas une sanction, c’est le « prix du temps ». C’est pour cela que la commission n’a pas souhaité qu’il soit entièrement supprimé.
Le texte contient tout de même quelques dispositions substantielles en matière fiscale. La première, la « garantie fiscale », provient non pas du Gouvernement mais de nos collègues députés. Elle vise à inscrire dans la loi que tout point examiné lors d’un contrôle fiscal et n’ayant pas fait l’objet d’un redressement serait considéré comme tacitement validé par l’administration. Cela semble être la moindre des choses, mais il se trouve que ce n’est pas le cas aujourd’hui.
L’autre disposition fiscale substantielle est la relance de la « relation de confiance ». Lancée en 2013, cette expérimentation consiste à valider en amont les options fiscales d’une entreprise plutôt qu’à les sanctionner en aval par un contrôle fiscal. La commission a précisé l’habilitation prévue à l’article 7, qui était trop vague, afin de préserver l’esprit initial de la relation de confiance, c’est-à-dire en donnant la priorité à un accompagnement continu des entreprises dans leurs obligations déclaratives.
Cela dit, fondamentalement, quand on parle d’amélioration des relations avec l’administration fiscale ou encore de passage d’une logique de contrôle et de sanction à une logique de conseil et d’accompagnement, il s’agit avant tout d’une question de changement culturel et d’organisation bien plus que d’une question législative. Monsieur le secrétaire d’État, c’est à votre gouvernement d’agir ! Inutile de vous dire que le chemin sera long…
J’en viens aux dispositions touchant aux affaires sociales. Elles visent notamment à développer la médiation au sein des URSSAF, du régime agricole et des branches Vieillesse et Famille du régime général. Dans le cadre de la procédure de législation en commission, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements visant à préciser ces dispositions, et à éviter que celles-ci n’entravent l’équilibre et le bon fonctionnement des dispositifs déjà existants.
M. le président. Veuillez conclure, madame le rapporteur !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je termine, monsieur le président.
L’Assemblée nationale avait introduit un article créant une forme de « super-médiateur », habilité à résoudre les différends entre les entreprises et les administrations. La commission a supprimé cette disposition à titre conservatoire, car elle semble inaboutie, voire source de confusion.
Le texte prévoit aussi d’expérimenter un cadre dérogatoire au droit du travail pour permettre la mise en place de prestations de relayage des proches aidants. La commission a choisi de laisser sa chance à cette disposition, après quelques modifications pour la rendre plus réaliste.
Elle a aussi adopté un article visant à moduler le montant de l’annulation des exonérations de cotisations sociales encourue par l’employeur lorsqu’il omet de déclarer certaines heures supplémentaires ou qu’une prestation de service est requalifiée en travail salarié.
M. le président. Madame le rapporteur…
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La confiance, monsieur le secrétaire d’État, est une règle qui doit parfois s’appliquer aussi entre le Gouvernement et le Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.), pour cinq minutes, et cinq minutes seulement !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout en adhérant aux grands principes du texte, la commission spéciale a cherché à le recentrer sur son objet initial – c’est-à-dire sur l’amélioration des relations entre le public et l’administration – et à rendre certaines de ses dispositions plus opérationnelles. Elle a également cherché à faire respecter, quand c’était nécessaire, les prérogatives du Parlement.
C’est ainsi qu’en matière de rescrit, dont elle partage la philosophie, la commission est revenue sur sa généralisation à toute l’administration, à défaut de précisions suffisantes sur la portée de la réforme envisagée, et qu’elle a également simplifié l’expérimentation d’un dispositif voisin en matière juridictionnelle pour sécuriser les grands projets sans surcharger les tribunaux administratifs.
En matière d’information et de sécurité juridique des usagers, nous avons, d’une part, élargi à certaines notes l’obligation de publicité des instructions et circulaires qui conditionne leur prise d’effet et, d’autre part, renforcé le droit au certificat d’information : ce droit sera désormais ouvert à tout usager exerçant ou souhaitant exercer une activité, avec obligation pour l’administration de l’orienter, si besoin, vers d’autres interlocuteurs administratifs dans le mois suivant sa demande et, surtout, de lui répondre, sur le fond, dans les trois mois.
En outre, si la création de référents uniques est une bonne idée, l’application de la mesure aux maisons de services au public nous a semblé inopportune tant ces structures sont diverses : il vaut mieux s’en remettre, en la matière, au terrain.
La commission a en revanche approuvé l’expérimentation d’une limitation de la durée cumulée des contrôles administratifs sur les PME. Elle en a néanmoins renforcé le principe en modulant cette durée selon la taille des entreprises : six mois cumulés sur trois ans pour les très petites entreprises, les TPE, contre neuf mois sur la même période pour les autres PME.
En matière agricole, la commission s’est assurée que les transferts de compétences des chambres départementales d’agriculture vers les chambres régionales ne seraient expérimentés qu’avec l’accord des intéressés. Elle a par ailleurs maintenu la suppression des mesures d’allégement sur le contrôle des structures agricoles, mesures qui faisaient l’unanimité contre elles.
Dans le secteur de la construction, la commission a accueilli favorablement la possibilité de déroger, par voie d’ordonnances, à certaines règles de la construction, mais sous réserve de limiter le délai d’habilitation à douze mois, et après avoir reçu du Gouvernement l’assurance qu’il n’était pas question de revoir à la baisse le niveau des exigences et des contrôles. Je pense, notamment, à tout ce qui concerne la sécurité.
En matière d’enseignement supérieur, nous avons approuvé la possibilité d’expérimenter, là aussi par ordonnance, de nouvelles formes de regroupement d’établissements, mais en limitant cette fois l’habilitation à six mois, pour une mise en œuvre rapide.
Concernant la participation du public aux projets qui ont une incidence sur l’environnement, la commission s’est opposée à l’idée de remplacer, même à titre expérimental, l’enquête publique par une simple procédure de consultation par voie électronique pour certains projets agricoles, au motif, en particulier, que cette enquête publique en favorise l’acceptabilité et que s’en passer pourrait se révéler contre-productif pour les agriculteurs eux-mêmes.
Pour sécuriser et accélérer les projets, nous avons en revanche prévu de réduire de quatre à deux mois le délai de recours des tiers contre les décisions administratives relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement.
Dans le domaine de l’énergie, maintenant, la commission adhère à la philosophie des mesures de simplification proposées en matière d’énergies marines renouvelables ou de géothermie, mais a également souhaité réduire la durée, voire le champ des habilitations demandées par le Gouvernement. Nous avons aussi clarifié et mieux encadré le droit reconnu à tout producteur ou consommateur de faire réaliser son raccordement au réseau électrique par des entreprises agréées.
Enfin, la commission a jugé nécessaire de réduire le nombre de rapports sur un texte qui n’en comptait pas moins d’une cinquantaine. À l’exception de l’évaluation des diverses expérimentations, indispensable avant d’envisager une généralisation éventuelle, ces rapports, à supposer qu’ils soient effectivement remis, ne permettent en effet que très rarement de résoudre les problèmes identifiés. En l’espèce, les demandes de rapports que nous avons supprimées procédaient surtout de la volonté d’étayer « un dispositif d’évaluation renouvelé » de la loi, mais sans contenu réel…
Vous l’aurez constaté, mes chers collègues, malgré nos efforts, il s’agit encore d’une loi relativement « fourre-tout », dont l’intention est souvent louable, mais dont la portée est parfois limitée, voire déclamatoire.
J’ajoute que certaines des procédures qu’elle crée, ou qu’elle généralise, appelleront sans doute des moyens humains et matériels ou des actions de formation supplémentaires, dimension que le texte n’aborde pas.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. J’ai terminé, monsieur le président.
Nous allons débattre sur tous ces sujets et voir si l’avis de la commission sera suivi ou amendé.
Cette loi ne révolutionnera pas la relation entre l’usager et son administration, mais elle va tout de même dans le bon sens. Puisse désormais cette culture nouvelle de la confiance passer du slogan à la réalité… (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. Mes chers collègues, je demande à l’ensemble des intervenants inscrits dans la discussion générale de bien vouloir respecter leur temps de parole, contrairement aux deux rapporteurs !
La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je soulignerai en préambule l’excellent climat qui a présidé aux travaux de la commission spéciale. Je salue tout particulièrement le président de la commission et les deux rapporteurs.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis très embarrassé par le projet de loi que vous portez. Ce projet de loi, j’ai envie d’y croire. Comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission, j’en partage en grande partie la philosophie. Vous prolongez en quelque sorte le travail initié par MM. Warsmann et Mandon en leur temps. Chaque élu rêve d’une société où nos concitoyens n’auraient aucun problème à dialoguer avec leur administration. Nous en sommes loin aujourd’hui !
Votre texte propose donc l’approbation d’une stratégie nationale d’orientation de l’action publique. Cette stratégie vise à poser les conditions d’une confiance retrouvée du public dans l’administration. Le titre Ier du projet de loi consacre en effet un droit à l’erreur, notamment en matière fiscale, avec une réduction des intérêts de retard en cas de dépôt spontané par le contribuable d’une déclaration rectificative.
Sera aussi expérimenté, au sein de l’administration, un référent unique, pour chaque usager, afin de faciliter les démarches dans le cadre de procédures ou dispositifs particuliers.
Le titre II ambitionne une action publique modernisée, simple et efficace en introduisant, à titre expérimental, la faculté pour les entreprises de ne pas communiquer à une administration des informations déjà détenues par celle-ci dans le cadre d’un traitement automatisé.
Le texte prévoit enfin le « relayage » au domicile, qui permet d’assurer la continuité de l’accompagnement d’une personne âgée en perte d’autonomie, chez elle, pendant plusieurs jours successifs.
Votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, vise à simplifier, mais il se révèle pourtant complexe et divers - « fourre-tout », disent certains. C’est souvent l’une des conséquences des bonnes intentions en la matière ; je serais bien ingrat de trop vous le faire remarquer puisque le groupe socialiste et républicain portera lui-même des amendements de nature assez diverse. J’ai néanmoins déposé, au nom de mon groupe, un amendement de modification du titre du projet de loi qui, au vu de ce qui précède, me paraît un peu pompeux.
Pour vous ôter tout doute quant à ma bonne foi, je vous ferai un compliment, monsieur Dussopt : votre projet de loi, comporte, c’est suffisamment rare pour être souligné dans le quinquennat Macron, assez peu de chiffons rouges pour l’homme de gauche que je suis. Je vais même me livrer à une confidence : j’ai été assez heureux de faire le travail des parlementaires « En marche » de mon département en y consacrant un atelier législatif citoyen. (Sourires.)
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Vous n’allez pas vous mettre à chanter, tout de même ! (Nouveaux sourires.)
M. Jérôme Durain. J’ai pu constater, à cette occasion, que le thème de la confiance dans l’administration intéressait largement. Il intéresse les chefs d’entreprise, évidemment, puisque c’est eux qui sont d’abord concernés. Il intéresse aussi les agriculteurs, mais sans doute pas assez puisque vous avez souhaité réserver ce sujet aux discussions du texte de votre collègue Stéphane Travert. Il intéresse également les simples citoyens.
Mais la confiance, pour exister, doit être partagée par tous les maillons de la chaîne. Il me semble, monsieur Dussopt, que c’est là que le bât blesse. Les fonctionnaires ne font aujourd’hui pas totalement confiance à leur gouvernement. Vous leur demandez, avec ce projet de loi, de fournir un travail toujours plus important. Dans le même temps, ils dénoncent une baisse des moyens qui leur sont consacrés. Votre volonté de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires en constitue une illustration édifiante.
Avec le rétablissement du jour de carence, la hausse de la CSG et l’absence d’augmentation du point d’indice en 2018, nos fonctionnaires se demandent quel avenir leur est réservé. Vous comprendrez donc, monsieur Darmanin, (Exclamations amusées sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)… pardon, monsieur Dussopt,…
M. Emmanuel Capus. Ce n’est pas grave ! (Sourires.)
M. Jérôme Durain. … qu’il soit difficile de défendre un texte si celui-ci ne dispose pas des moyens qui devraient lui être consacrés. Au fond, monsieur le secrétaire d’État, le conseil n’exclut pas le contrôle. Et votre administration, avec moins de moyens, devra faire les deux. La simplification pour les uns se traduira nécessairement par du travail pour les autres.
L’autre reproche que je souhaiterais formuler sur ce projet de loi est le caractère parfois trop général des dispositions législatives qui nous sont proposées. C’est sur la base de principes souvent très généraux qu’une très large délégation est accordée au Gouvernement : douze ordonnances, quinze expérimentations ! Un parlementaire qui veut contribuer concrètement à l’action publique peut rester sur sa faim, notamment dans le contexte de révision constitutionnelle que l’on connaît.
D’autres points divers du texte méritent réflexion. Je pense, notamment, à la fin des numéros surtaxés pour joindre les services de l’État, qui représentaient une aberration pour nos concitoyens recherchant une aide précise et directe. Cette fin nécessaire des numéros de téléphone surtaxés constitue un bon point, car tout ne se passe pas sur internet, même en 2018 – ma collègue Michelle Meunier aura l’occasion de développer ce sujet.
Enfin, il me semble regrettable qu’un texte dont l’intitulé revendique la notion de confiance tende à revenir sur certains pouvoirs de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ; la confiance n’exclut pas le contrôle, chers collègues, en matière de transparence comme en matière du droit du travail !
Nous abordons donc, monsieur Dussopt, l’examen de ce texte dans un esprit ouvert, mais avec toute la vigilance nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte important pour la refondation des relations entre l’administration et les usagers. Son importance tient non pas tant à ses dispositifs – parfois modestes, j’en conviens, madame la rapporteur –, mais avant tout à son ambition, celle d’un véritable changement de logiciel et même de culture, à tous les échelons de l’administration.
Cela fait des années que nous essayons d’instaurer une culture de la confiance entre les administrations, les citoyens et les entreprises. Cela fait des années que nous essayons de rompre avec la maxime classique de La Rochefoucauld selon laquelle la bonne administration « doit être un mystère caché aux regards du peuple ». Au contraire, la bonne administration, au XXIe siècle, est une administration responsable, ouverte, diligente et respectueuse des intérêts des forces vives de la Nation. Le Gouvernement a le mérite, monsieur le secrétaire d’État, de s’attaquer de front à ce problème. Sans confiance, il ne peut y avoir ni sécurité juridique, ni croissance économique, ni, surtout, unité nationale.
Je veux le souligner ici, la volonté d’ouverture du Gouvernement a été admirablement accompagnée, voire parfois précédée, par le Sénat. En effet, la commission spéciale sénatoriale – c’est l’honneur de son président, Jean-François Husson, et de ses rapporteurs, Pascale Gruny et Jean-Claude Luche – a été à l’initiative de nombreux amendements pragmatiques de clarification, de précision ou, tout simplement, de suppression des dispositions les moins pertinentes.
Je regrette seulement que cette volonté d’efficacité et de bon sens ait peut-être été poussée un peu loin sur la partie du texte relative à l’évaluation, puisque la quasi-totalité des dispositifs prévus a été supprimée, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur. Si une rationalisation était effectivement nécessaire, on peut déplorer que la nouvelle méthode d’évaluation prévue au titre III soit considérablement affaiblie, pour ne pas dire anéantie.
De même, la chasse légitime à l’incompétence négative menée par la commission a conduit à vider de leur substance plusieurs dispositions du texte issu de l’Assemblée nationale, notamment l’article 10, portant sur la généralisation du rescrit, qui contenait des avancées intéressantes.
Néanmoins, nous pouvons dire que l’action conjointe du Gouvernement, du Sénat et de l’Assemblée nationale a conduit à un texte plus robuste et plus réaliste, bien qu’il reste en deçà du choc de confiance annoncé. Je pense en particulier aux petites entreprises, que l’action du Sénat a permis de mieux prendre en compte, notamment en limitant à six mois sur une période de trois ans la durée cumulée des contrôles administratifs sur les très petites entreprises.
Je vous présenterai pour ma part deux amendements visant à mieux prendre en considération la situation particulière des PME et des TPE dans leurs rapports avec l’administration. Les grandes entreprises ont davantage de moyens pour traiter la complexité ; nous devons donc redoubler d’attention pour les plus petites, qui n’en ont pas de tels, mais qui sont si essentielles à notre économie.
Je pense également à des problèmes plus structurels, ceux de l’inflation et de l’instabilité normatives, une composante essentielle du manque de confiance des usagers envers l’administration.
Le présent projet de loi affecte l’instabilité législative, au travers du certificat d’information, des possibilités de cristallisation de la norme, des différents types de rescrits.
L’inflation normative, quant à elle – autre serpent de mer –, est presque absente de ce texte. Alors que les débats sur le projet de révision constitutionnelle commencent, je crois que cette problématique gagnerait à être abordée plus sereinement, dans l’idée d’un meilleur pilotage de l’activité normative, sans remettre en cause les droits constitutionnels du Parlement. La confiance entre le Gouvernement et le Parlement est aussi essentielle à une République moderne que celle qui existe entre l’administration et l’usager.
Enfin – troisième point d’incertitude sur lequel vous devrez faire preuve de courage et d’ambition, monsieur le secrétaire d’État –, ce texte appelle de nombreuses expérimentations, de nombreuses habilitations, de nombreux décrets d’application et exigences d’évaluation. En un mot, une grande responsabilité pèse sur le Gouvernement et sur les administrations pour faire de ce projet de loi et de ses grands principes une réussite concrète et tangible. L’adoption de ce texte doit être non pas une fin en soi, mais le début d’une nouvelle logique pour l’administration, qui sera largement responsable de son échec ou de son succès. L’administration devra mériter la confiance que le législateur et l’ensemble des Français placeront en elle pour simplifier et améliorer le quotidien de ces derniers.
Le droit à l’erreur était une promesse de campagne du Président de la République, une campagne placée sous le signe de la confiance ; mais la confiance ne se décrète pas, elle se construit patiemment, brique par brique, elle se mérite au quotidien. Si, pour paraphraser Gustave Le Bon, ce sont les bâtisseurs de confiance qui mènent l’histoire, le groupe Les Indépendants – République et Territoires participera volontiers à cet effort pour construire une France réconciliée, plus confiante et plus unie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le texte, relatif au droit à l’erreur, qui nous est soumis m’amène à formuler un certain nombre de remarques, je dirais même de réticences, aussi bien sur le fond que sur la forme.
Tout d’abord, sur le fond, il y a des dispositions qui relèvent véritablement de la logique du droit à l’erreur, mais, globalement, ce texte est une sorte de fourre-tout. C’est pire que les galeries Lafayette : on y trouve tout et n’importe quoi ! (Sourires sur diverses travées.)
M. Pierre-Yves Collombat. C’est moins cher, tout de même !
M. Jean Louis Masson. Dans ce texte figurent des mesures législatives, des mesures concernant les éoliennes – on ne voit pas quel est le point commun entre les éoliennes et les mesures législatives –,…
M. Pierre-Yves Collombat. On peut se tromper de type d’éolienne… (Sourires.)
M. Jean Louis Masson. … ou encore des mesures visant la géothermie. Quel est le rapport entre la géothermie et le droit à l’erreur ? C’est surréaliste !
Je reconnais que quelques dispositions sont intéressantes, notamment, je veux le souligner, la disposition relative à l’interdiction pour l’administration d’utiliser des numéros de téléphone payants. C’est un véritable scandale, contre lequel je m’élève depuis des années, si ce n’est depuis des décennies. Mais cette mesure mériterait d’être élargie à l’ensemble des services publics conçus le plus largement possible ; elle ne devrait pas concerner seulement l’administration envisagée un peu étroitement.
En effet, actuellement, quand un chômeur, qui, par définition, ne roule pas sur l’or, veut téléphoner à Pôle Emploi, il est obligé de passer par un numéro de téléphone payant. C’est véritablement aberrant ! Sur ce point, il y a là une petite avancée qui est, je tiens à le souligner, positive, à côté d’autres choses également positives. Mais il y a aussi tout un fatras, et je ne comprends même pas que la commission ait pu accepter, au titre de la lutte contre le problème des erreurs administratives, de mettre ces mesures dans ce projet de loi. C’est, à mon avis, une aberration sur le fond.
Sur la forme, la manière d’adopter certaines dispositions ne me convient pas du tout : un nombre non négligeable d’articles renvoient à des ordonnances. Je le reconnais, c’est la règle du jeu ; quels que soient les gouvernements qui se succèdent, de droite, de gauche ou de nulle part (Sourires.), on est confronté à ce problème du recours aux ordonnances. Néanmoins, à trop généraliser celui-ci, on commet une atteinte au débat parlementaire, à la démocratie parlementaire.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. J’en termine, monsieur le président – quand on est non inscrit, on n’a pas beaucoup de temps de parole.
L’autre remarque que je veux faire concerne le recours à la procédure de législation en commission, qui nous interdit de déposer des amendements et de débattre de certains articles en séance. Je veux simplement dire que le Sénat, en acceptant cette procédure, en la mettant lui-même en route, sera fort mal placé ensuite, quand le moment sera venu, pour protester contre la démarche du Président de la République qui veut nous interdire de débattre par le biais du dépôt d’amendements en séance publique.
M. Pierre-Yves Collombat. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, cher Jean-François Husson, madame, monsieur les rapporteurs, chers Pascale Gruny et Jean-Claude Luche – vous avez fait preuve d’une écoute fort appréciable que je tiens à saluer –, mes chers collègues, que dire, de prime abord, de ce projet de loi attendu par nos concitoyens, qui ne cessent de demander à juste titre simplification, expérimentation et bienveillance – termes qui auraient d’ailleurs été plus à propos pour le titre de ce texte ?
Que dire de ce projet de loi que tous ici, ou presque, avons qualifié de texte attrape-tout, à l’image de nombreuses lois dites de simplification que le Parlement a eu à examiner sous chaque législature ?
Que dire de ce texte qui peut s’apparenter à un contresens législatif, puisqu’il nous demande, à nous, législateur, de consacrer, sur 65 articles, pas moins de 12 demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances ?
Jusqu’à aujourd’hui, la relation de confiance entre les usagers et leur administration a su s’instaurer autour de principes généraux applicables au service public, comme la continuité, l’égalité, l’accessibilité, mais aussi la neutralité et la laïcité. C’est ainsi que s’est construit le service public à la française, sous l’égide du Conseil d’État.
Dans le respect de ces principes, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen accueillait donc favorablement ce projet de réforme, au vu de l’impérieuse nécessité d’une modernisation de l’action publique, aussi bien dans ses finalités que dans ses procédés. Œuvrer à une administration toujours plus efficace, adaptable et capable d’assurer sa pérennité, c’est ce que recherchait le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen dans un texte de ce type pour donner sens et corps au principe de mutabilité du service public.
En effet, la société évolue, tout comme notre environnement économique et social. La définition même de l’intérêt général, que l’on sait contingente, ne saurait rester figée. Il est donc parfaitement cohérent que l’administration évolue elle aussi, notamment dans ses relations avec le public. Dans ce cadre, nous saluons la décision de la commission spéciale d’étendre ce dispositif à l’ensemble des usagers : citoyens, entreprises et collectivités territoriales.
Mon groupe se réjouit de l’instauration, pour plus de proximité entre l’administration et son public, d’un droit à la régularisation, communément présenté comme un droit à l’erreur, qui permet à un usager de commettre une erreur de bonne foi, à condition qu’elle soit rectifiée et que cela soit la première occurrence, par conséquent la seule.
De la même façon, il se félicite que la nouvelle rédaction de l’article 37 éclaircisse, pour apporter plus de fluidité dans les démarches des administrés, le processus de planification des collectivités, notamment le complexe schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET.
Mon groupe soutient également l’objectif du Gouvernement de simplifier, pour apporter plus de transparence, les procédures administratives et la lutte contre la surabondance des normes. À ce titre, l’insertion, par la commission spéciale, de l’article 4 quinquies visant à assouplir l’environnement fiscal et réglementaire des entreprises et à garantir une meilleure information correspond à notre demande et à ce que l’on peut attendre d’un texte de confiance entre la société et son administration.
Il convient de rappeler ici le rôle central de l’administration comme régulateur de la société, comme acteur du pacte social et de la préservation de l’intérêt général. Il est donc regrettable que ce projet de loi conduise à légiférer sur des sujets si divers, mettant à mal la cohérence globale du texte ; eu égard aux enjeux qu’ils comportent, ces sujets auraient mérité, pour beaucoup d’entre eux, d’être évalués très en amont avant d’être débattus. Je pense à l’éolien, à la géothermie, au code de la route, au logement, ou encore à la petite enfance, pour ne citer que quelques objets.
En ce sens, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a souhaité réitérer sa demande de suppression de l’article 19, qui a la prétention de trancher à lui seul la question des compétences des chambres agricoles. Après les atermoiements du Gouvernement sur les retraites agricoles, nous demandons que cette question importante ne soit pas traitée au détour d’un article noyé dans la masse, mais fasse l’objet d’une discussion à part entière.
Tout aussi diluées dans le flot de ces nombreux articles, des dispositions introduites par le Gouvernement modifient la loi de 1905 et le principe de séparation des Églises et de l’État, et ce de façon non marginale. La loi de 1905 a fait de la France un État laïque, et ce principe fondateur a, dans notre République, valeur constitutionnelle.
L’article 2 de cette loi dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » C’est donc en rejetant toute demande d’avantages spécifiques des associations cultuelles que l’État et les collectivités locales assurent le respect du principe de neutralité à l’égard de tous les citoyens et le libre exercice des cultes ou de l’absence de culte.
Vous connaissez l’attachement viscéral de mon groupe à ces principes, qui se confondent avec notre République. C’est par conséquent dans le souci de les défendre qu’il s’oppose pour partie aux articles 25 et 38 du projet de loi qui visent à faire bénéficier les associations cultuelles d’avantages pour compenser la diminution de leurs ressources, comme cela est expliqué dans l’exposé des motifs. Encore faudrait-il réaliser une véritable étude d’impact de cette question, qui est tout sauf anodine, vous et nous le savons bien.
Si la loi de 1905 est consubstantielle à la République, cela n’exclut pas la possibilité qu’elle évolue, et cela a déjà été le cas. Il est évident, sachant que les dispositions en jeu dans ce texte ne sont pas mineures, qu’une question aussi fondamentale vous oblige à un débat sur le fond. Nous attendons, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne l’éludiez pas.
En conclusion, j’indique que, si mon groupe partage certains objectifs de ce projet de loi, notamment sur le droit à l’erreur et sur la philosophie qui le sous-tend, nous attachons une grande importance aux amendements relatifs à la loi de 1905 et au monde agricole que nous avons déposés. Nous serons donc particulièrement attentifs à leur sort durant les débats.
Vous l’avez compris, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen arrêtera sa position à la mesure de l’intérêt que vous porterez à ces remarques de fond. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. le président de la commission spéciale applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République en Marche.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons l’examen est une étape importante dans l’histoire administrative de notre pays. Bien sûr, il y a déjà eu des textes relatifs aux relations entre l’administration et les citoyens, mais celui-ci me paraît revêtir une importance particulière.
Ce texte est important parce qu’il parle de la confiance. Certes, la confiance ne se décrète pas, elle ne se légifère pas, mais les conditions de transformation profonde de l’action publique peuvent – dans cet hémicycle, nous en sommes tous, me semble-t-il, convaincus – être infléchies. Ce que nous demandent ce texte et la disposition qui l’a, en quelque sorte, englouti, c’est de repenser la place de l’erreur dans la société française.
L’erreur est humaine mais ne semble pas toujours française ; reconnaissons-le, la place pour le rebond est moindre dans ce pays qu’outre-Manche, outre-Atlantique ou en Asie. Beaucoup de décisions de vie sonnent encore comme des verdicts irrévocables, comme des choix définitifs et indélébiles. Jusqu’à récemment – admettons que ce soit encore un peu le cas –, notre pays s’est caractérisé par un cercle vicieux : par prévention de l’erreur, par peur de l’échec, par crainte de la sanction, on tente moins, on entreprend moins, on risque moins. Le Léviathan, ce n’est pas l’État, ce n’est pas le marché, c’est la somme terrible des projets reportés, enfouis ou abandonnés, dans un pays qui n’a pas toujours donné sa chance à la chance.
Bien entendu, tout n’est pas justifiable ni pardonnable, mais posons quelques principes. Nous sommes tous faillibles, mais nous sommes souvent de bonne foi. On peut commettre une fois une erreur dans un domaine et se la faire expliquer par l’administration. Le droit à l’erreur cesse évidemment d’exister lorsqu’il devient un abonnement ou un réflexe, mais c’est un atout précieux que de se dire que l’on dispose de ce recours. Oui, chers collègues, tout le monde peut se tromper et c’est cette réalité que le présent texte souhaite rappeler.
La vision que nous avons des pays anglo-saxons, qui relève parfois un peu du poncif, mais qui n’est pas qu’un cliché, souligne la réalité du changement de culture à opérer. Ce changement a évidemment des implications directes sur les relations entre l’administration et les administrés.
Les attentes sont fortes, du côté que ce soit des usagers ou des agents publics. J’insiste sur ce point : les agents publics sont intimement attachés aux valeurs du service public, dont ils sont les garants, dont ils assurent la qualité.
Dans ce contexte, ce projet de loi prévoit un véritable droit au contrôle pour les entreprises, c’est-à-dire la possibilité de demander à une administration de venir la contrôler afin d’assurer sa conformité juridique et de rendre opposables les conclusions de ce contrôle – la commission spéciale a d’ailleurs proposé un dispositif allégé pour les TPE.
Pour ce qui concerne les usagers, le groupe La République en Marche rappelle son attachement à la pratique du rescrit, bien connu de l’administration fiscale ; un accord est souhaitable sur ce point.
La simplification est presque devenue une figure de style de l’action publique. Ce texte se veut une boussole pour les actions de simplification à venir ; il trace des sillons, mais, le Gouvernement a raison d’y insister, il n’a pas vocation, contrairement à ce que j’ai entendu, à être une voiture-balai du concours Lépine de la simplification. Simplifier est une nécessité – je n’ai jamais rencontré d’aficionados de la procédure, de conservateurs de la norme, ni d’inconditionnels de la pièce manquante. C’est pourquoi je ne peux que me féliciter de voir des mesures de bon sens dans ce projet de loi ; c’est le cas du référent unique, mais également de l’interdiction faite aux administrations de recourir à des numéros surtaxés à l’horizon 2021.
Comme La Fontaine avait affligé les animaux de la peste, notre pays est malade de la norme. Ce texte invite le législateur, c’est-à-dire le Gouvernement et nous, parlementaires, à stopper l’hémorragie normative, dont une partie provient de la surtransposition des textes de l’Union européenne.
Ce projet de loi est aussi – peut-être d’abord – un texte qui fait du numérique un levier de transformation du service public. Cela est totalement cohérent avec les mutations profondes qu’internet implique et que le Gouvernement souhaite approfondir au travers de l’ambition de dématérialisation de 100 % des procédures.
Internet constitue une transformation permanente, en raison de l’océan de données qui le traverse et qui est aussi un atout pour améliorer la qualité du service rendu. Nous devons encourager un État plateforme, aux méthodes plus agiles et au déploiement plus souple.
Nous devons également utiliser le numérique comme un moyen d’évaluation des services publics par les usagers. C’est pourquoi le groupe La République en Marche a souhaité amender la stratégie nationale d’orientation de l’action publique en rendant disponibles les enquêtes internes de satisfaction de certaines administrations, en les anonymisant, évidemment. La confiance ne se décrète pas, mais elle peut se mesurer avec des outils désormais accessibles à très grande échelle.
Un mot enfin, au moment où nous réfléchissons à l’avenir de nos institutions, sur la méthode de ce texte, qui se fonde sur un recours accru à l’expérimentation. Celle-ci permet d’étendre à l’ensemble du territoire national les résultats positifs ou, au contraire, de n’en rien faire. Le débat permettra par ailleurs d’éclaircir les recours aux ordonnances sur certains points. Sans abandonner notre mission d’évaluation a posteriori, nous souscrivons à ce choix gouvernemental.
Je tiens également à souligner l’importance de ce qui a été appelé le service après-vote, la nécessité pour les parlementaires de se soucier de l’application des différentes mesures contenues dans ce texte. Il faut que les mesures réglementaires soient prises pour faire en sorte que nos concitoyens perçoivent le changement de logique dans les têtes et dans les faits – c’est toute la philosophie du conseil de la réforme.
Je conclus en indiquant que ce texte, loin d’affaiblir l’autorité de l’État, renforce celle-ci, en permettant aux citoyens, au travers de nouveaux droits, de casser ce que l’économiste Yann Algan a justement appelé la « fabrique de la défiance ».
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Julien Bargeton. L’administration de demain, c’est davantage de liberté pour les usagers et davantage d’autonomie pour les agents, c’est un service public efficace et des lois mieux appliquées, car rendues plus applicables. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ambition affichée par ce projet de loi est « de construire un État conscient de son coût, usant à bon escient de ses prérogatives, et œuvrant tout entier à seconder la vie sociale et favoriser son épanouissement, un État au service d’une société de confiance. » Ce texte traduit la vision d’un État « bienveillant et ouvert », selon l’exposé des motifs. Je ne reviendrai pas sur le titre même du texte, entre novlangue orwellienne et langage publicitaire…
Plus crûment, selon une thématique et un discours déjà largement éprouvés depuis le début de la législature, il faudrait penser que l’État coûte trop cher et qu’il n’agit pas toujours comme il conviendrait. Pour remédier à cela, ce projet de loi hétéroclite et parfois difficile à appréhender dans ses conséquences concrètes prévoit simplement de codifier des pratiques administratives existantes ; loin de simplifier, il vise à cristalliser des pratiques administratives quotidiennes.
De manière assez surprenante, il met en question en bien des domaines, singulièrement en matière de fiscalité des entreprises et des patrimoines, des pratiques qui attestent de longue date de la souplesse et de la flexibilité de l’administration devant l’examen des situations concrètes.
Pour ne prendre qu’un seul exemple, parlons du droit à l’erreur, le produit promotionnel d’affichage du projet de loi, un droit qui n’a rien de nouveau et qui est pratiqué singulièrement en matière fiscale. En effet, le code général des impôts dispose à l’article 1729 que « les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application » de certaines majorations, détaillées dans la suite de l’article. Pour être tout à fait clair, cela signifie que la bonne foi du contribuable est reconnue a priori sauf dans des cas clairement précisés.
Il en est de même en matière douanière, et le code de la sécurité sociale n’échappe pas à la règle.
Quant à la transaction, elle est déjà fortement pratiquée, ne serait-ce que pour éviter qu’un contribuable indélicat, notamment une entreprise subissant un redressement, ne se retrouve dans la plus parfaite incapacité de payer. Il arrive même aux « implacables » contrôleurs des URSSAF – il y a en moyenne 70 000 contrôles sur place, chaque année, dans les entreprises – de proposer des transactions, et il y a, me semble-t-il, dans le budget de l’État des crédits pour cela.
De plus, tant le Conseil d’État que le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, ont signalé les risques d’atteinte au bon fonctionnement des administrations, dans le contexte budgétaire contraint qui leur est imposé depuis plusieurs années.
En effet, ce texte doit être appréhendé dans le contexte actuel de mise en cause du statut des fonctionnaires, avec le « plan 2022 » de réduction d’effectifs et de développement des contrats de mission et autres emplois contractuels. Outre que la recette est passablement ancienne, comment peut-on faire de la bonne administration, avec la sécurité juridique et la confiance qui conviennent, quand on place les acteurs de cette administration en situation d’insécurité professionnelle ?
Ainsi, le Conseil d’État estime que « ce dispositif, dont le champ d’application est extrêmement vaste, pourrait porter atteinte au bon fonctionnement de l’administration dès lors qu’il prévoit que celle-ci est tenue de faire droit à cette demande dans un délai raisonnable sans tenir suffisamment compte de ses moyens et de ses effectifs. Il relève que les moyens des services de l’État ont souvent été fortement réduits et ne lui permettent pas toujours d’assumer ses missions premières, au risque d’exposer la responsabilité de l’État et la responsabilité pénale de ses agents. »
Non seulement ce projet de loi ne remet nullement en question les politiques qui, de révision générale des politiques publiques en modernisation de l’action publique, ont largement entamé la crédibilité du service public par l’abandon marqué de la présence territoriale des services déconcentrés des différentes administrations, mais encore il les prolonge et en accentue les défauts et travers, pour faire de cas d’espèce la matrice de la suraccumulation législative que nous connaissons.
Sur un plan formel de légistique, observons que la majorité des articles du texte consiste en des habilitations à légiférer par ordonnance et en des dispositifs dérogatoires destinés à être expérimentés. Il prive ainsi la représentation nationale de bien des débats.
L’accès au droit, qui aurait pu constituer l’une des finalités du présent projet de loi, en ressort si peu renforcé que le Défenseur des droits, pourtant favorable à la philosophie générale du texte, souligne lui-même dans son avis « le risque de voir les dispositifs envisagés bénéficier essentiellement aux personnes déjà les plus à même de les mobiliser et de renforcer ainsi les inégalités d’accès aux droits ». Il est évident que, dans la société de confiance décrite par le texte, ce sera avocat-conseil pour les uns, et écrivain public pour les autres…
Enfin, la lutte contre la fraude fiscale et sociale, si chère à nos cœurs et priorité absolue des politiques publiques, semble curieusement absente de ce texte. Elle illustre pourtant par excellence la confiance des administrés envers l’État, dès lors qu’elle signe l’égalité de traitement, ainsi que la continuité du service public, en pleine et entière application du principe d’égalité des citoyens devant l’impôt.
Là serait la véritable ambition de ce gouvernement : renforcer les systèmes déjà existants, donner les moyens aux agents d’assurer au mieux leur mission de service public. En effet, la relation de confiance entre l’administration et les usagers ne peut se créer que si le service public garde ses principes d’équité de traitement et de continuité.
Cela, seul le statut actuel de la fonction publique le garantit. Ce n’est pas parce qu’il date de 1945 et qu’il a été rénové en 1984 qu’il ne recèle pas toute la modernité dont nous avons besoin en 2018 !
Améliorer la relation passe par une action publique renforcée sur le plan des moyens budgétaires autant qu’humains.
Les garanties existent déjà pour les citoyens. Il faut donner aux agents du service public les moyens de les mettre en œuvre, la proximité territoriale permettant à chaque citoyen d’être correctement informé de ses droits et obligations.
Ce projet de loi, teinté d’une once de démagogie, n’est qu’une énième couche à l’indigeste millefeuille législatif qui a dévoyé le sens de l’action publique depuis une bonne vingtaine d’années. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui pourrait se résumer en deux mots : « confiance » et « simplification ».
Vous le savez autant que moi, la confiance ne se décrète pas. Elle s’obtient par l’action et par un travail quotidien. Une fois perdue, elle ne se regagne que difficilement. Or la trop grande complexité administrative et, pour ainsi dire, la déshumanisation des services publics auront, de proche en proche, contribué à dégrader la confiance des administrés dans leur administration.
Il est ici question de la confiance réciproque entre citoyens et administration, mais également de la confiance des entreprises en l’efficacité de l’État.
Ce projet de loi procède du constat selon lequel l’imbrication des procédures entrave trop souvent le bon fonctionnement des services publics, alimentant à mesure la défiance des particuliers comme des entreprises.
Afin de simplifier les procédures auxquelles, chaque jour, des millions de Français sont soumis, et afin de restaurer le lien de confiance qui doit unir chacun d’entre nous à l’administration, nous devons préférer l’action aux propos incantatoires. Tel est l’objet de ce texte. Il faut s’en féliciter.
Cependant, avec ce projet de loi, il s’agit moins de regrouper la totalité des mesures de simplification voulues par le Gouvernement que d’améliorer l’ensemble des procédures, des recours et des relations entre l’administration et le public. On ne peut qu’être d’accord avec cet objectif.
Aussi saluerai-je la sagacité de la commission spéciale et de ses rapporteurs, qui ont su veiller à la qualité législative, en évitant de transformer ce texte en une loi fourre-tout, tout en lui ôtant ses mesures jugées superfétatoires.
Dans sa version transmise par l’Assemblée nationale, le projet de loi prévoyait, en effet, un grand nombre de rapports, pas toujours utiles – les membres du Parlement en savent quelque chose –, et habilitait de manière démesurée le Gouvernement à réformer par voie d’ordonnance.
Je prendrai, à ce titre, l’exemple de l’article 26 bis, qui a été très justement supprimé par la commission, car il retirait au législateur ses compétences en matière de création et de fonctionnement des modes d’accueil de la petite enfance. La commission a, ainsi, veillé au respect des compétences du Parlement. Ce ne peut être qu’une bonne chose !
Permettez-moi à présent, mes chers collègues, de revenir sur quelques mesures symboliques du projet de loi. Je le ferai en trois points.
Il s’agit, tout d’abord, de la confiance de l’État en la bonne foi des citoyens. L’article 2 symbolise, en ce sens, l’esprit et la philosophie du texte.
Le droit à l’erreur qu’il introduit va permettre une certaine réhumanisation des rapports entre citoyens et administration. Tout le monde peut se tromper en étant de bonne foi. C’est pourquoi il nous semble primordial qu’avant toute sanction l’administration puisse, dans un périmètre nécessairement délimité, inviter l’usager à régulariser sa situation.
Pour ce qui est de l’instauration du droit au contrôle opposable, en fixant un délai maximal de six mois, la commission spéciale l’a rendu effectivement opérationnel et véritablement incitatif.
De même, un citoyen de bonne foi ne perdra plus le bénéfice d’un avantage fiscal s’il manque à une obligation déclarative. Il bénéficiera aussi de l’intervention d’un médiateur en cas de conflit avec les organismes de sécurité sociale.
Il s’agit, ensuite, de la confiance réciproque – et nécessaire ! – entre l’État et les collectivités territoriales.
À propos du chapitre Ier, nous devons, en tant que représentants des collectivités territoriales, nous réjouir de l’article 2 bis A, introduit lors des travaux de la commission, sur l’initiative de notre collègue Sylvie Vermeillet, qui étend aux collectivités le droit à régularisation en cas d’erreur.
Par ce biais, les relations que les collectivités entretiennent avec l’État ou avec les organismes de sécurité sociale s’en trouveront apaisées, la bienveillance de l’État envers elles induisant une reconnaissance de leurs mérites dans la conduite de missions parfois difficiles à accomplir.
Il s’agit, enfin, de la confiance mutuelle entre l’État et les entreprises.
En effet, comme les citoyens et les collectivités, les entreprises ont elles aussi besoin d’avoir confiance dans l’État pour prospérer et faire avancer le pays.
Ainsi, l’article 7, qui donne la priorité à l’accompagnement continu des entreprises dans leurs obligations déclaratives et qui inscrit dans la loi le souhait qu’avaient émis bon nombre d’entre elles, va dans le sens d’une relation de confiance. De même, la durée des contrôles administratifs sur les TPE et les PME sera limitée. Ce sont là des mesures que nous approuvons.
L’administration est, bien entendu, au cœur même de ce texte. Sans elle, aucune confiance n’est possible. Sans elle, il n’y a pas de lien avec les citoyens et, en définitive, pas de services publics !
C’est pourquoi il est indispensable que le Gouvernement alloue effectivement à la formation des fonctionnaires la somme de 1,5 milliard d’euros prévue sur les cinq prochaines années. Ce n’est que par les fonctionnaires que la réforme deviendra effective. Il est, par exemple, impensable que l’administration puisse, avec la création puis l’extension du certificat d’information prévues à l’article 12, répondre dans les trois mois à l’usager sans ces moyens nouveaux.
Mais, malgré ces quelques mesures satisfaisantes, nous ne devons et ne pouvons pas nous contenter de ce projet de loi. Le travail n’est pas fini. Ce texte est un premier pas, utile, mais insuffisant.
Je le répète : la confiance est quelque chose qui se construit. Et, comme pour toute construction, il faut que les bases soient solides. C’est pourquoi, tout comme nous serons vigilants lors de la ratification des ordonnances, nous veillerons à ce que les décrets d’application soient bien pris et à ce que les expérimentations fassent l’objet d’évaluations.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes favorables à ce texte et aux idées qui le sous-tendent. Si l’ambition est grande, il faudra cependant redoubler d’efforts et y mettre tous les moyens nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, en tant que président de la commission spéciale, je reviendrai non pas sur les différentes mesures du présent projet de loi, mais, d’une part, sur la procédure et, d’autre part, sur la philosophie générale qui a inspiré nos travaux.
Les conditions d’examen du texte ont été marquées par deux particularités.
Tout d’abord, nous avons constitué une commission spéciale, réunissant des parlementaires de différentes commissions. Les sept commissions permanentes étaient représentées. Certes, le choix de la commission spéciale soulève encore des réticences quand plusieurs commissions s’estiment compétentes sur un même texte. Au vu de notre expérience, je crois pouvoir dire cependant que cette formule a été appréciée, parce qu’elle permet de réfléchir ensemble, dans la diversité de nos compétences, et de nous enrichir mutuellement de nos expériences respectives.
La commission spéciale a également eu l’honneur de mettre en application, pour la première fois, la procédure de législation en commission, telle qu’elle résulte de la modification de notre règlement en date du 14 décembre 2017, plus précisément sa nouvelle formule, qui est la législation partielle en commission. Nous avons montré, je crois, que cette procédure n’enlevait rien à la qualité des débats ni au sérieux de l’examen des dispositions d’un projet de loi. D’ailleurs, je remercie mes collègues d’avoir accepté ce challenge que je leur avais proposé. Je pense que la généralisation de l’usage de la législation en commission nécessitera un apprentissage progressif et que cette procédure est particulièrement bien adaptée aux textes techniques, les débats sur les politiques lourdes ayant évidemment vocation à demeurer effectués en séance publique, selon la procédure classique.
Pour un bon usage de la législation en commission, il est aussi important de conclure un pacte de confiance entre les parlementaires des différentes sensibilités compte tenu des différentes possibilités d’utilisation du veto qui sont aujourd’hui inscrites dans les textes.
Dans le cas de la législation en commission partielle, le choix des articles est évidemment essentiel. La principale difficulté réside dans les délais très courts qui nous sont donnés pour effectuer ce tri et présenter des propositions satisfaisantes.
En tout état de cause, cette première expérience montre que le Sénat sait moderniser et simplifier son mode de fonctionnement, privilégiant la fluidité et l’efficacité au service de la qualité dans l’élaboration de la loi.
Je dois reconnaître, sur cet aspect de procédure législative, un contraste certain avec les manières du Gouvernement, qui sont à l’opposé de relations de confiance avec le Parlement, avec 12 demandes d’habilitations à légiférer par ordonnance dans le projet de loi de 40 articles que vous avez déposé, monsieur le secrétaire d’État, sur le bureau de l’Assemblée nationale, une procédure accélérée, dont la justification m’échappe toujours, engagée dès le 27 novembre 2017, alors que vous n’avez pas prévu d’inscrire la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire ou la nouvelle lecture à l’ordre du jour du Parlement avant le mois de mai prochain, et une étude d’impact médiocre, dénoncée par l’avis du Conseil d’État.
La commission spéciale a cherché à recueillir le plus d’observations et d’avis possibles sur les différentes mesures qui figurent dans le projet de loi, d’abord par le biais des auditions tenues en réunion plénière, mais aussi grâce au travail remarquable de ses deux rapporteurs – je veux de nouveau les féliciter –, qui ont réalisé de nombreuses auditions ouvertes à leurs collègues de la commission. La commission a également recueilli sur internet les contributions de nos concitoyens, acteurs publics ou usagers des services, via un espace participatif que nous avons ouvert. Nous avons été très intéressés par ces contributions, de grande qualité, dont une sélection figure d’ailleurs en annexe au rapport de la commission.
À titre personnel, j’ai aussi organisé des réunions avec les services déconcentrés de l’État, en particulier la direction départementale des finances publiques, la direction départementale des territoires, le préfet et ses services, mais également les élus locaux, maires et présidents d’intercommunalité. Ces réunions ont été très instructives et les opinions qui se sont exprimées ont largement rejoint celles qu’ont manifestées les sénateurs lors des réunions de la commission spéciale.
De manière générale, les réactions que suscite le texte sont d’abord empreintes de curiosité et d’espoir, mais, assez rapidement, on passe à la perplexité, si ce n’est à la déception.
Le sujet que nous abordons au travers de ce projet de loi, celui des relations entre le public et les administrations, soulève, en effet, beaucoup d’attentes : nos concitoyens – particuliers, associations et entreprises – demandent plus de simplicité, plus de bienveillance et de souplesse, plus de rapidité dans le traitement des demandes, plus d’attention et de conseil. Au reste, ces demandes légitimes se renforcent face à deux phénomènes : un droit qui se complexifie et une société qui s’habitue à des réactions rapides, voire immédiates, du fait des technologies numériques – on pose une question et on veut une réponse dans la seconde.
L’intitulé du projet de loi et son annexe renvoient ainsi à une société où tout est réglé en deux clics, où le citoyen-contribuable-usager gère ses situations administratives via internet, dont il maîtrise évidemment toutes les subtilités, et où l’erreur qu’il peut commettre est aussitôt corrigée par une administration disponible et indulgente. C’est merveilleux !
Cette vision idéalisée est pourtant contredite par certaines réalités, et d’abord par les inégalités dans l’accès aux procédures dématérialisées, soit pour des raisons d’infrastructures défaillantes dans nos territoires, soit pour des raisons culturelles et sociales. Pensons à ceux que l’on appelle les « invisibles », les « illettrés » du numérique. En légiférant, nous devons toujours avoir présent à l’esprit le caractère universel de la portée de la loi.
Le scénario idéal qui nous est proposé est également contredit par la réalité d’une administration d’exécution, loin des administrations centrales productrices de normes, qui subit l’inflation réglementaire, qu’il lui revient de mettre en œuvre. Sur ce point, d’ailleurs, arrêtons d’accabler le législateur ! Je rappelle que la loi produit moins de normes que le règlement. On fixe à cette administration des objectifs difficiles, voire impossibles à tenir en même temps : contrôler plus et conseiller mieux, avec des moyens réduits et, malheureusement, des administrés éloignés des lieux possibles de rencontre, de contact et donc de proximité.
Enfin, les moyens de l’administration ne sont pas à la hauteur. Je pense tout particulièrement à l’archaïsme des systèmes d’information de l’État et de leurs applications logicielles.
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, vous comprendrez que nous ayons du mal à croire à cette société idéale ou idyllique du 100 % numérique que vous nous promettez pour 2022. D’ailleurs, nous lui préférons une société 100 % humaine. Au demeurant, devons-nous privilégier un numérique humain ou un humanisme numérique ? Les deux ! Et concilions-les dans ce même objectif.
De fait, ce qui suscite le doute et la réserve de la commission spéciale, c’est le décalage trop souvent constaté entre les ambitions déclarées et les moyens que vous nous donnez. L’histoire récente des relations entre l’administration et les citoyens est malheureusement celle d’une succession de lancements de démarches-qualité sans évaluation des résultats, de plans de communication mal suivis d’effets. Ce n’est pas ainsi que l’on renforce la confiance. Il est à craindre que ce texte ne s’inscrive dans cette lignée.
Vous souhaitez faire passer l’action publique d’une logique de moyens à une logique de résultat. Nous partageons l’objectif. C’est un bouleversement considérable.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Je pensais disposer de dix minutes, monsieur le président !
M. le président. Non, le temps qui vous a été alloué est de sept minutes. Vous l’avez déjà dépassé d’une minute.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Au temps pour moi ! J’assume mon erreur. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Au reste, je constate que je bénéficie d’applaudissements bienveillants de l’assemblée… (Nouveaux sourires.)
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous proposez au Parlement de vous autoriser à engager de nombreuses expérimentations, nous demandons avec insistance que les évaluations de ces expérimentations soient établies sur des critères déterminés à l’avance que vous pourriez nous transmettre, dans une démarche bienveillante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. J’ai moi-même fait preuve de bienveillance !
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteur, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Jérôme Durain l’a rappelé tout à l’heure, ce texte de loi pour un État au service d’une société de confiance nous a permis d’aborder une multitude de sujets tenant aux relations entre les citoyens, les entreprises et l’administration. C’est un exercice particulier pour notre assemblée, peu habituée à débattre, dans ce format et sur un même texte, de sujets aussi divers que le rescrit fiscal, le code des douanes, le droit du travail, le régime d’autorisations environnementales… J’en passe.
Cette accumulation nous a inquiétés, ne nous en cachons pas. Nous n’avons pas toujours perçu de quelle manière cet amoncellement de sujets aussi variés et abordés de façon parcellaire pouvait créer les conditions d’une société de confiance.
Patchwork d’idées, réécriture législative de dispositions récemment adoptées : sur la méthode de travail, la confiance n’était pas toujours au rendez-vous. Et, sur l’ambition de simplification, ce projet de loi me semble passer à côté de l’enjeu essentiel : s’assurer que l’administration est toujours présente, effective, pour accompagner les plus fragiles.
En matière de patchwork, j’avais fait part, en commission spéciale, de mon très grand étonnement à la lecture de l’amendement gouvernemental visant à instaurer l’article 26 bis relatif à l’habilitation à prendre, par ordonnances, toute mesure facilitant l’implantation, le développement et le maintien de modes d’accueil de la petite enfance.
Ces dispositions, en vigueur dans plusieurs types d’établissements – crèches, microcrèches, multi-accueils… –, qui diffèrent par leurs statuts et leurs modes de gestion – associative, municipale ou intercommunale, publique ou privée –, méritent un plus large débat que celui que permet une simple ordonnance. Il s’agit de la vie quotidienne de près de 900 000 enfants accueillis, de leurs parents et des professionnels qui travaillent dans ces structures ! Nous ne pouvons nous passer de débat sur un sujet aussi sensible.
Je me félicite donc de la sagesse de la commission spéciale du Sénat qui a permis la suppression de cet article 26 bis, par l’adoption des amendements identiques de Mme la rapporteur et de moi-même, au nom du groupe socialiste et républicain. Je formule le vœu, monsieur le secrétaire d’État, que notre message soit entendu et que la lecture à l’Assemblée nationale ne remette pas ces dispositions à l’ordre du jour.
Un autre grief adressé à ce projet de loi réside dans la volonté de réécrire des pans très récents de notre législation, tout juste entrés en application, sans attendre que l’encre sèche. Instaurer une société de confiance mérite de prendre le temps et le recul nécessaire pour évaluer les dispositions en vigueur !
À cet égard, l’article 33 relatif à la simplification des modalités de consultation du public lors de la création d’installations classées pour la protection de l’environnement venait heurter de plein fouet de très récentes dispositions.
Je me félicite également que seule la consultation électronique ait été supprimée et que le Sénat ait donc choisi de renforcer l’évaluation de la participation du public. La méfiance suscitée chez nos concitoyens par certaines installations agricoles intensives, par exemple, nécessite que l’on conserve des procédures de consultation humanisées, en présence des commissaires enquêteurs.
Plus d’humanité, plus d’attention à l’égard de nos concitoyens les plus fragiles, c’est ce qui devrait caractériser une administration soucieuse d’instaurer un climat de confiance. Pourtant, ce n’est pas à ce défi que s’attaque ce projet de loi. Nous le regrettons.
Sur le plan des moyens humains accordés à l’administration publique, le compte n’y est pas, comme mon collègue l’a rappelé.
Sur un autre plan, votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, manque d’ambition : il ne répond aucunement à l’exigence d’un réel accès aux droits. Comme le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, est venu nous le rappeler, l’accès aux droits est la question centrale.
Avec mes collègues socialistes, j’espère que cet examen en séance aboutira à la mise en place d’un dispositif ambitieux qui consacre une part des économies réalisées par la dématérialisation de notre administration au profit de la réduction de la fracture numérique. Nous ne pouvons nous résigner à ce que nombre de nos concitoyens se voient rejeter d’un système de plus en plus déshumanisé, robotisé, où l’algorithme décide et exclut les illettrés numériques.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, faute d’y voir un acte majeur de simplification administrative et une remise au premier plan d’une administration inclusive, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, les membres de la délégation sénatoriale aux entreprises – j’ai l’honneur de présider celle-ci – ne font pas un seul déplacement sur le terrain sans entendre les entreprises déplorer la complexité de l’administration et dénoncer son approche sourcilleuse, voire suspicieuse.
C’est pourquoi mon collègue Olivier Cadic et moi-même avons présenté un rapport intitulé Simplifier efficacement pour libérer les entreprises. À la suite de celui-ci, nous avons déposé plusieurs textes, dont une proposition de résolution qui appelait le Gouvernement « à orienter l’administration vers le service aux entreprises, notamment en donnant la priorité à la simplification », et à « passer d’une logique reposant sur la défiance […] à une logique fondée sur la confiance. »
Vous le voyez, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui s’inspire largement des travaux de notre délégation. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
La stratégie nationale d’orientation de l’action publique vers une société de confiance, annexée à l’article 1er, nous brosse le tableau d’un monde idéal, où l’administration facilitera enfin la vie des entreprises et leur fera a priori confiance. Nous rêvons, avec vous, monsieur le secrétaire d’État, que l’impulsion que veut donner ce texte soit suivie d’effets concrets.
Mais notre rêve ne va-t-il pas tourner court ? Par exemple, la prise en compte de la capacité financière du contribuable, proclamée dans cette annexe, ne trouve pas dans le texte de déclinaison concrète pour les entreprises. De même, l’objectif de simplification affiché ne va pas assez loin : il faudrait s’assurer que la création d’une norme nouvelle entraînant une charge supplémentaire pour les entreprises s’accompagne de l’abrogation de normes représentant une charge au moins équivalente.
La délégation aux entreprises accompagne donc le changement d’état d’esprit que marque le texte, mais elle est lucide sur le caractère largement incantatoire de l’ensemble de ses dispositions.
Diverses mesures, apparemment séduisantes, sont décevantes à l’examen : prévoir que l’absence d’une pièce non essentielle dans un dossier ne peut pas conduire l’administration à suspendre l’examen de la demande, c’est bien, mais savoir pourquoi cette pièce est demandée par l’administration, alors qu’elle n’est pas essentielle, serait tout de même beaucoup mieux ! Consacrer la procédure du rescrit contrôle est sans doute utile, mais simplifier le code général des impôts le serait bien davantage. Et les rares surtranspositions sur lesquelles le texte revient, en matière environnementale, ont été introduites par ordonnances en août 2016 et janvier 2017. L’important est donc de trouver comment discipliner l’administration, plutôt que de rectifier après coup, ce qui nourrit l’instabilité législative.
En outre, de nombreuses avancées prévues par le texte sont soumises à des exclusions, des conditions ou des expérimentations qui en réduisent considérablement la portée. Ainsi, pour mettre en œuvre le principe « dites-le-nous une fois », votre texte ne propose qu’une expérimentation sur quatre ans et renvoie à un décret en Conseil d’État la délimitation du champ des données concernées. Or ce sont 10,7 millions de pièces justificatives que l’administration sollicite chaque année. La simplification est donc urgente. L’expérimentation, réduite, est-elle à la hauteur de l’enjeu ?
Au total, la volonté du Gouvernement de faciliter la vie des entreprises apparaît bien timide.
Aussi, nous vous proposons d’aller plus loin, en soumettant l’administration à une évaluation régulière par les entreprises et en se donnant les moyens de simplifier le droit applicable aux entreprises. En Allemagne, le Nationaler Normenkontrollrat, le NKR, a permis d’alléger la charge administrative de 14 milliards d’euros en cinq ans. C’est pourquoi nous pensons que le plus efficace serait de charger un organe ad hoc d’améliorer le droit pour les entreprises et de procéder à la contre-expertise des études d’impact produites par l’administration.
Sur ces sujets, je veux féliciter le président et les rapporteurs de la commission spéciale pour leur démarche pragmatique, leur grande écoute et leur bon sens.
Pour conclure, mes chers collègues, faisons en sorte que ce texte soit vraiment utile aux entreprises, particulièrement aux plus petites d’entre elles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur des travées du groupe Union Centriste et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
M. Michel Vaspart. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens à mon tour à féliciter le président et les rapporteurs de cette commission, dont j’ai été membre, pour la façon remarquable dont ses travaux ont été menés et l’ambiance excellente dans laquelle elle a travaillé.
Monsieur le secrétaire d’État, il est difficile d’identifier la portée réelle des textes que le Gouvernement nous présente, au-delà du vocabulaire employé et de la communication devenue habituelle.
Ainsi, ce projet de loi a été présenté par le ministre de l’action et des comptes publics comme une révolution des relations entre l’administration et les Français. Or, comme souvent, le champ de la révolution annoncée est bien moins important que la communication qui en a été faite. Même si les amendements des rapporteurs ont permis de donner un peu plus de corps à des concepts juridiques souvent flous, du moins imprécis, prenez garde aux déceptions, monsieur le secrétaire d’État !
Nombre d’amendements déposés en commission spéciale ont été rejetés comme étant des cavaliers législatifs. J’espère vivement que les amendements de séance déposés, visant en particulier à lutter contre les surtranspositions dans le secteur agricole, où elles sont si incomprises, pénalisantes et contre-productives, pourront être discutés et intégrés au texte.
À propos du droit à l’erreur, qui constitue le point central du projet de loi, il a été justement rappelé par plusieurs de mes collègues que celui-ci existe depuis longtemps dans les domaines fiscal et douanier. En matière fiscale, le contribuable est toujours présumé de bonne foi, et les majorations de 40 % ou de 80 % ne peuvent être appliquées que si l’administration apporte la preuve d’une intention de frauder. En matière douanière, les infractions font l’objet d’une transaction dans 99 % des cas, aboutissant, pour 20 % d’entre eux, à la suppression totale des pénalités.
Je veux maintenant évoquer les deux vraies nouvelles dispositions que contient le projet de loi dans le domaine fiscal.
La garantie fiscale, qui ne figurait pas dans le texte initial, a été introduite à l’Assemblée nationale. Avec celle-ci, les entreprises bénéficieront d’une vraie sécurité juridique inédite. Il faut saluer cette introduction, qu’il faudra évaluer.
L’autre disposition a priori substantielle du texte concerne la généralisation de la relation de confiance, inscrite à l’article 7.
Expérimentée depuis 2013, elle consiste à valider en amont les options fiscales d’une entreprise dans le cadre d’un dialogue et sur une base contractuelle. Il s’agit d’une avancée dont il faudra suivre la portée : l’habilitation à légiférer pour expérimenter une relation de confiance reste floue, même si elle a été précisée en commission sur l’initiative des rapporteurs.
On peut aussi se demander si toutes les entreprises de la taille d’une PME ont le temps et les moyens de répondre à ce genre de sollicitation.
Le texte prévoit, à l’article 16, d’expérimenter, dans deux régions, une limitation de la durée cumulée des contrôles administratifs sur les PME. Toutefois, ce principe est déjà assorti de nombreuses exceptions. Par ailleurs, les PME attendent plutôt une simplification et une adaptation spécifique de la réglementation à leurs particularités.
L’article 15 A interdit le recours aux numéros surtaxés par les administrations de l’État, au plus tard en 2021. Cette disposition étonne, même si la commission a décidé de conserver cet article. Souvenons-nous qu’en 2010 déjà, le gouvernement de l’époque avait, à la suite de la publication d’un rapport sur l’accueil à distance dans les administrations sur le site internet de l’Inspection générale des finances, enjoint les centres d’appels des principales administrations à facturer leurs appels au prix d’une communication locale.
Il faut malheureusement en déduire que les consignes données par un gouvernement sont encore loin d’être respectées par nos administrations. C’est dire s’il y a lieu de modifier la culture et les habitudes d’un certain nombre d’entre elles.
Monsieur le secrétaire d’État, dix années sont passées sans que cette injonction soit suivie d’effet. La question est donc de savoir qui décide.
Certes, quelques mesures relèvent du domaine législatif, mais la plupart d’entre elles concernent le fonctionnement même de notre administration, son évolution culturelle et organisationnelle. Ces mesures relèvent donc d’abord des ministres nommés pour cela et des hauts fonctionnaires chargés des directions et des services de nos administrations pour faire en sorte de passer d’un service public à un véritable service au public et de retrouver enfin la confiance de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je remercie les orateurs de leurs propos, de leur contribution, et la commission spéciale de l’ensemble du travail réalisé.
Les éléments de réponse que je souhaite apporter seront nécessairement parcellaires, mais l’examen des articles permettra d’aller plus avant sur certains points.
Plusieurs orateurs ont évoqué la question du droit à l’erreur. Beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont souligné, à juste titre, que le droit à l’erreur est une doctrine déjà pratiquée par un certain nombre d’administrations, notamment l’administration fiscale, et qu’il s’agirait d’une généralisation.
Je vous le confirme : il s’agit bien de généraliser une pratique développée notamment au sein de la Direction générale des finances publiques et de ses implantations territoriales. Bien évidemment, je préfère le terme « généraliser » une bonne pratique à celui de « cristalliser » qu’employait M. Bocquet en évoquant cette particularité.
Nous souhaitons que le droit à l’erreur soit généralisé et qu’il s’accompagne du droit au contrôle. Nous accueillons très favorablement l’inscription, à l’article 4, sur l’initiative de l’Assemblée nationale, du principe de la garantie fiscale. Le Gouvernement vous proposera, par le biais d’un amendement qu’il a déposé, d’élargir la garantie fiscale prévue pour les impôts directs et indirects du ressort de la Direction générale des finances publiques aux impôts directs et indirects du ressort de la Direction générale des douanes et droits indirects qui nous a dit sa volonté d’intégrer ce dispositif.
MM. Durain, Husson et Détraigne ont évoqué la question de la mise en œuvre de ce texte. Nous prévoyons un certain nombre de moyens et de mesures d’accompagnement. Dans les semaines qui viennent, nous publierons un schéma national de formation continue et professionnelle à destination de l’ensemble des agents publics. Il s’agit de mobiliser les moyens dits « de droit commun » en matière de formation continue des agents publics. Nous prévoyons d’y consacrer 1,5 milliard d’euros, comme l’a rappelé M. Détraigne, au titre du Grand plan d’investissement d’avenir.
Nous souhaitons renforcer ce schéma national de formation. Un des axes prioritaires concerne bien évidemment la mise en œuvre du droit à l’erreur, de même que la généralisation du droit à la transaction et à la médiation.
Le Gouvernement a mis en place, dans le cadre de ce même grand plan d’investissement d’avenir, un fonds de 700 millions d’euros sur cinq ans consacré à la modernisation des administrations. Nous partons du principe que, pour se moderniser, pour être plus efficace, il faut savoir payer et doter nos administrations de nouveaux outils.
Certains d’entre vous ont évoqué les retards que l’administration rencontre parfois en matière d’équipements – logiciels, systèmes d’information… Ce fonds de 700 millions d’euros a vocation à aider les administrations à rattraper ce retard. Le premier appel à projets a été lancé au mois de février dernier pour 200 millions d’euros, inscrits au budget pour 2018.
Vous avez été nombreux à évoquer l’ambition même du texte. Certains, notamment MM. Capus et Bargeton, considèrent qu’il s’agit d’une première brique. Ils ont raison : il s’agit bien de la première brique du programme de transformation publique que nous désirons mener à bien.
Comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, considérer que l’essentiel du chemin sera accompli en matière de modernisation après l’adoption de ce texte serait une erreur. Il ne s’agit que d’un début, d’une première pierre posée pour un véritable changement de mentalité, de culture, d’habitudes grâce auquel le texte pourra connaître une application pleine et entière.
Le fait que d’aucuns estiment que le projet de loi ne comporte pas assez d’éléments de simplification de la vie administrative quotidienne s’explique pour deux raisons : le Gouvernement considère que les lois de simplification adoptées par le Parlement, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, sont souvent des textes extrêmement fournis, extrêmement denses, et dont la lisibilité n’est pas toujours évidente… Nous préférons nous intéresser à quelques éléments de simplification à travers ce texte et, surtout, appeler l’ensemble des ministères et des ministres qui auront à déposer des projets de loi devant votre assemblée à prévoir systématiquement un volet de simplification. Tel sera le cas du projet de loi issu des travaux des états généraux de l’alimentation et de l’ensemble des textes que vous aurez à examiner dans les temps à venir.
Madame Delattre, vous avez qualifié de « viscéral » votre attachement, et celui de votre groupe, à la laïcité. Sachez que je partage un attachement tout aussi viscéral à chacun des mots de l’article 1er de la Constitution.
L’article 25 du présent projet de loi, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale et de votre commission spéciale, ne nous paraît pas conférer de droits particuliers aux associations de nature cultuelle. Il leur ouvre la possibilité de recevoir des dons par SMS, comme d’autres associations. Aucun avantage particulier n’est donc accordé aux associations cultuelles par ce biais.
J’ajoute que l’Assemblée nationale a adopté un amendement permettant d’encadrer cette mesure : les associations cultuelles qui auront recours à ce service de dons par SMS seront tenues de faire certifier leurs comptes et de les déposer, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Enfin, madame, j’ai pleinement conscience de la rédaction de l’article 38 issue des travaux de la commission spéciale du Sénat. Je tiens simplement à souligner que le Gouvernement avait accompagné de manière extrêmement favorable et positive les démarches de la majorité, à l’Assemblée nationale, pour veiller à ce que la question des immeubles de rapport ne figure plus à cet article. La commission spéciale a décidé de rétablir cette disposition, mais le Gouvernement reste attaché à la rédaction issue de l’Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon rappel au règlement porte sur la manière dont est mis en œuvre, au Sénat, l’article 45 de la Constitution.
Pendant dix ans, à l’Assemblée nationale, je n’ai jamais vu un amendement se voir opposer l’article 45 ; et de même au Sénat, pendant plus longtemps encore.
Le présent texte, monsieur le président, porte sur une très grande diversité de sujets. Dès lors, l’irrecevabilité de certains amendements relève quelque peu de l’aléatoire.
Je prends un exemple très simple. J’ai déposé un amendement visant à relayer les demandes d’associations de victimes d’attentats. Cette question est sérieuse et relève de la dignité. Les restes humains, en très mauvais état, sont aujourd’hui considérés comme des déchets chirurgicaux. Ce statut n’est pas digne.
J’ai essayé, à deux reprises, de remédier à cette situation : une première fois dans le cadre du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, puis une seconde à l’occasion de l’examen de ce présent projet de loi sur la confiance. Il s’agit, je le répète, d’une question de dignité à l’encontre de laquelle il ne peut y avoir que peu d’opposition.
On m’a dit, la première fois, que ce sujet n’entrait pas dans le champ de l’égalité et de la citoyenneté ; aujourd’hui, on me dit qu’il n’a pas non plus sa place dans un texte sur la confiance…
De deux choses l’une, monsieur le président : soit les textes que nous soumet le Gouvernement ont un objet précis – je comprends alors qu’on exclue les amendements qui ne s’y rapportent pas –, soit leur objet est si large – c’est le cas en l’espèce – qu’il faut faire preuve d’un état d’esprit positif sur les amendements que nous croyons devoir déposer. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur Sueur, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
L’application de l’article 45 de la Constitution relève de la compétence de la commission saisie au fond, en l’occurrence la commission spéciale.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Je voudrais donner quelques éléments de réponse à M. Sueur, et ce d’autant plus qu’il m’a sensibilisé à cette question.
Certes, ce texte comporte des dispositions diverses au point que certains ont pu le qualifier de « fourre-tout » ou de « patchwork ».
Les amendements déposés sont examinés par la commission spéciale qui décide de leur recevabilité. Si l’on veut faire un travail législatif de qualité, il faut relier les amendements non pas au seul titre de ce projet de loi, mais – vous le savez très bien, mon cher collègue – à l’objet des articles du projet de loi initial.
Nous avons souhaité appliquer avec rigueur, mais en toute objectivité et sérénité, les règles d’irrecevabilité.
Mme Nassimah Dindar. J’avais déposé un amendement visant à la révision des schémas d’aménagement régionaux, les SAR, dans les départements d’outre-mer, pour qu’ils soient examinés dans les mêmes conditions qu’en métropole et approuvés par le préfet. Dans les DOM, cette approbation relève aujourd’hui du Conseil d’État.
Cet amendement tendait à corriger cette situation dans un souci de simplification. Or on m’a opposé l’article 45 en me disant que cette question n’entrait pas dans le champ de ce texte, alors même qu’il s’agit d’un fourre-tout.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Je demande à ceux de nos collègues qui voudront également faire des rappels au règlement de bien vouloir citer l’article du règlement auquel ils se réfèrent.
Nous passons à la discussion du texte de la commission spéciale.
Je rappelle que douze articles font l’objet d’une procédure de législation en commission. Le vote sur l’ensemble de ces articles est donc réservé et interviendra avant le vote sur l’ensemble du texte.
projet de loi pour un état au service d’une société de confiance
TITRE PRÉLIMINAIRE
DISPOSITIONS D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION
Article 1er et annexe
(Non modifié)
La stratégie nationale d’orientation de l’action publique, annexée à la présente loi, est approuvée.
Annexe
Stratégie nationale d’orientation de l’action publique
La présente stratégie nationale énonce les orientations et les objectifs de l’action publique vers une société de confiance, d’ici à 2022.
I. – Vers une administration de conseil et de service
L’administration est au service des personnes, qu’elle conseille loyalement et accompagne dans leurs démarches. Les prérogatives et les moyens qui lui sont conférés pour la mise en œuvre des politiques publiques sont employés au bénéfice de ces personnes.
L’autonomie et la protection des agents publics dans leurs relations avec les usagers sont garanties.
Les personnes intéressées sont associées aux politiques publiques dans des conditions adaptées à chaque domaine d’intervention. Lorsqu’une telle association est décidée pour une action déterminée, la décision prévoit les moyens nécessaires à cette association.
Lorsqu’une personne est soumise par la loi ou le règlement à une obligation, elle est réputée s’y être conformée dans sa relation avec l’administration.
L’administration accompagne les usagers qui la sollicitent pour les aider dans la bonne application des règles qui les concernent. L’administration leur facilite l’accès aux données les concernant strictement.
Les rapports entre le public et l’administration sont fondés sur les principes de loyauté, de simplicité et d’adaptation.
L’administration développe les modalités non contentieuses de traitement des contestations, notamment la médiation.
L’administration prend en compte la capacité financière du contribuable dans le cas d’un recouvrement fiscal ou administratif.
II. – Vers une action publique modernisée, simplifiée, décentralisée et plus efficace
L’action publique fait l’objet d’évaluations régulières, notamment quant à son efficacité, son mode d’organisation et sa capacité à satisfaire les usagers dans leurs demandes de conseils et de services. Les statistiques sur la mise en œuvre des pénalités sont publiées, en distinguant celles figurant dans les propositions de rectification ou les notifications de bases imposées d’office de celles maintenues à l’issue de la procédure de redressement.
Les missions de l’administration sont régulièrement évaluées, y compris de manière indépendante, notamment quant à leur pertinence pour répondre aux nouveaux besoins de la société. L’évaluation de l’administration associe les personnes intéressées, dont les propositions sont prises en compte pour l’organisation et l’adaptation de l’action publique.
L’organisation de l’administration s’adapte constamment à l’évolution de ses missions en tenant compte des nécessités de l’aménagement du territoire.
Les agents publics bénéficient régulièrement d’une formation et d’un accompagnement leur permettant de s’adapter aux évolutions des missions de l’administration.
L’organisation administrative prend en considération la diversité et la spécificité des territoires.
Les moyens pour mener à bien l’action publique sont déterminés en fonction de leur adaptation aux objectifs, quantitatifs et qualitatifs, à atteindre.
L’action publique n’entraîne l’édiction d’une norme que si celle-ci est strictement nécessaire à sa réalisation.
L’action publique doit permettre la réduction des délais administratifs.
Toute décision publique prend en compte le coût qu’elle implique pour son auteur, ses destinataires et les tiers ainsi que la complexité des règles particulières qu’ils doivent appliquer et respecter. Ce coût et ces règles doivent être limités au strict nécessaire et proportionnés aux objectifs à atteindre.
L’administration prend en considération les contraintes horaires du public dans ses horaires d’ouverture et met en œuvre les moyens nécessaires permettant d’organiser un accueil téléphonique efficient.
La proximité territoriale doit permettre à l’administration d’assurer le service public sur tout le territoire de la République, notamment grâce à l’implantation des maisons de service au public.
L’administration doit assurer, notamment aux personnes vulnérables ou n’utilisant pas l’outil numérique, des possibilités de communication et de médiation adaptées à leurs besoins et à leur situation.
Tout usager des services publics doit pouvoir consulter l’état de sa situation administrative et de l’avancement du traitement de ses démarches et demandes.
Le Gouvernement se fixe pour objectifs, s’agissant de l’administration de l’État :
1° La dématérialisation de l’ensemble des démarches administratives, en dehors de la première délivrance d’un document d’identité, d’ici à 2022, avec la prise en compte des besoins d’accompagnement des citoyens ayant des difficultés d’accès aux services dématérialisés ;
2° L’institution du droit pour toute personne de ne pas être tenue de produire à l’administration une information déjà détenue ou susceptible d’être obtenue auprès d’une autre administration.
L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les autres personnes publiques et les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public administratif concourent à la mise en œuvre de la présente stratégie nationale.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, accepter en l’état l’article 1er de ce projet de loi et le contenu de son annexe reviendrait à renoncer, par principe, aux vertus fondatrices du service public à la française.
Dans les faits, au-delà des apparences nécessaires d’une relation courtoise et humaine entre administrés et administration, c’est bel et bien la capacité du service public à agir avec des effectifs de plus en plus réduits – la programmation de 120 000 suppressions de postes, que vous assumez, monsieur le secrétaire d’État, demeurant inscrite à l’arrière-plan du débat – qui est en question.
L’administration de conseil et de service que semble vouloir promouvoir ce projet de loi nous apparaît comme une réponse malthusienne de réduction des services humains, remplacés par des procédures toujours plus automatisées.
C’est non pas l’accumulation des services et leur organisation qui pose parfois problème aux administrés, mais bien plutôt les pressions contradictoires exercées à leur endroit.
Prenons l’exemple des administrations fiscales : ces dernières sont mises en demeure, depuis le vote de la loi de finances rectificative pour 2012, de promouvoir auprès des entreprises le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi tout en luttant contre la fraude fiscale.
Or une activité de contrôle fiscal n’est pas qu’affaire de « gros coups », mais constitue plutôt une activité unissant les services fiscaux, du plus obscur des centres de finances publiques jusqu’aux directions spécialisées les plus pointues, pour faire respecter le principe d’égalité devant l’impôt, principe fondateur de nos valeurs républicaines.
Nous faisons nôtres les préoccupations du Conseil d’État : ajouter aux procédures de l’administration l’exercice du droit au contrôle par le contribuable ou par l’administré en général risque fort de poser des problèmes d’organisation. Ce phénomène a été relevé plusieurs fois par les syndicalistes des finances sur le contrôle fiscal.
Le contrôle fiscal externe a toujours été considéré par les pouvoirs publics comme une vitrine de l’action de l’administration fiscale et de la lutte contre la fraude, une vitrine que chaque ministre et directeur général s’échinent à lustrer, alors qu’il y a de moins en moins de choses en magasin.
Ce qui est en jeu, à travers cet article 1er, c’est non pas la lourdeur de l’administration, mais bien plutôt la résultante des politiques qui, de RGPP – révision générale des politiques publiques – en MAP – modernisation de l’action publique –, ont dissous une bonne partie des pratiques et de l’efficacité de nos services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 131, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cette annexe :
La stratégie nationale d’orientation pour l’action publique se définit par référence aux qualités fondamentales du service public à la française, fondé sur l’égalité de traitement, l’accessibilité, la neutralité, la laïcité, la continuité, l’adaptabilité.
Elle participe de l’action en faveur d’un développement équilibré des différentes parties du pays par une présence territoriale suffisante, tenant compte des spécificités géographiques, démographiques, sociales et économiques des bassins de vie.
Elle apporte aux usagers les réponses adaptées à leur situation, leurs attentes et besoins, tels qu’exprimés par eux comme pour leurs familles.
Elle garantit aux agents publics le plein exercice de leurs droits tels que définis par le statut général favorisant la pleine expression de leur autonomie et de leurs compétences et qualifications.
Elle tend à développer une relation loyale et confiante avec les usagers, permettant la prévention des contentieux, s’appuyant sur la transparence et l’intelligibilité des procédures, illustration du droit tel que découlant de la loi, expression de l’intérêt général.
Elle associe les agents du service public eux-mêmes à la mise en œuvre des politiques déconcentrées des administrations de l’État, de la Sécurité sociale, et des politiques locales et sollicite l’intervention des usagers en vue de définir les voies et moyens de la proximité, de l’atteinte des objectifs généraux de l’action publique et du respect des valeurs républicaines.
S’appuyant sur l’autonomie des services dans un cadre réglementaire rénové, l’action publique tend, par son maillage de proximité, à favoriser l’accès de tous les habitants de ce pays aux services qu’ils sont en droit d’attendre, en tout domaine d’intervention de la vie quotidienne.
D’ici la fin de la législature en cours, sera engagée et mise en œuvre une action renouvelée de développement du service public dans les domaines suivants :
- l’accueil et le soutien aux personnes âgées dépendantes ou risquant de perdre leur autonomie ;
- l’accueil, l’information et le soutien aux demandeurs de logement, la structuration et la connaissance du marché locatif, le repérage et la détection des abus, la connaissance des droits et obligations des parties.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Le fonctionnement de nos services publics ne serait-il qu’une sorte de poids mort pour la collectivité dont il conviendrait de réduire le coût ? C’est un peu l’impression que laisse la lecture de l’annexe de l’article 1er que nous proposons de réécrire intégralement.
Il nous a d’abord paru indispensable de rappeler que les services publics ont pour vocation essentielle de répondre aux besoins de la collectivité, c’est-à-dire aux attentes de la population dans la diversité des situations.
N’oublions pas que ce lien s’est pour le moins distendu du fait notamment de politiques publiques ayant tourné le dos aux fondamentaux du service public – égalité, continuité, neutralité, accessibilité et laïcité – pour mener des politiques sélectives s’éloignant toujours un peu plus de la justice sociale la plus élémentaire.
Il est évident qu’une véritable action publique ne peut avoir de pertinence et de résultats qu’en s’appuyant pleinement sur ses propres ressources humaines, source de la valeur ajoutée, portée par l’action publique au bénéfice de l’ensemble de la collectivité.
Le statut de la fonction publique recèle un puissant potentiel de mise en mouvement des agents publics et tend notamment à valoriser et leurs compétences et leur qualification.
Dans l’absolu, la formation continue des agents publics ne peut se contenter d’une simple adaptation de ces agents à je ne sais quelle nouvelle technologie ou quelle bonne pratique sans reconnaissance quelconque de cette évolution.
De fait, la fonction publique est un ensemble de métiers tout à fait exceptionnels, loin de l’image courtelinesque des ronds-de-cuir, faits de savoirs, de savoir-faire, de gestes professionnels qu’il convient de valoriser et dont la pleine expression est l’un des enjeux à venir.
La lecture de l’article 29 du présent projet de loi suffit à montrer, si besoin était, que l’on ne peut se contenter d’expédients et de solutions à l’emporte-pièce en la matière et qu’il est grand temps d’envisager la question sous tous ses aspects systémiques : la place des personnes âgées dans notre société, par exemple ; la qualité des services que nous pouvons apporter ; le statut ; les compétences et la reconnaissance que nous pouvons accorder à ceux dont le métier est, ou sera, demain, d’assister ; les sommes que nous sommes disposés à consacrer à la satisfaction de ces besoins…
Voilà, selon nous, quel est l’enjeu et comment donner du sens à l’action publique.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau et Sueur, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’application par l’administration des principes et droits au bénéfice des usagers est conditionnée à une exigence de respect et de courtoisie des usagers envers l’administration.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement vise à insérer dans la stratégie nationale d’orientation de l’action publique un alinéa aux termes duquel « l’application par l’administration des principes et droits au bénéfice des usagers est conditionnée à une exigence de respect et de courtoisie des usagers envers l’administration. »
Évident, me dira-ton, mais cela va mieux en le disant !
En commission spéciale, il a été indiqué que cette stratégie nationale – pardonnez-moi l’expression ! – enfonçait quelques portes ouvertes. Enfonçons-les donc toutes, y compris celles qui concernent la nature parfois difficile, abrasive des rapports avec les administrés. Il est souvent question des risques psychosociaux encourus par les agents placés en première ligne pour accueillir les usagers.
Ce texte crée des droits nouveaux pour les administrés sans moyens supplémentaires et, comme cela a été dit, en supprimant 120 000 postes de fonctionnaires.
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, comment mettre en œuvre ces nouvelles procédures ? En se contentant d’organiser des formations ou de doter l’administration de nouveaux outils informatiques ? C’est indispensable, mais cela ne peut remplacer le manque de personnels.
La dématérialisation signifierait postes d’agents publics inutiles ; mais elle peut également induire des tâches supplémentaires pour certains agents.
Il serait d’autant plus facile d’accompagner un changement de mentalité, qui pourrait s’avérer tout à fait positif, en montrant aux agents publics que nous attendons des usagers qu’ils fassent preuve de respect et de courtoisie dans chacune de leurs demandes. Il s’agit de faire respecter les droits des administrés, certes, mais dans le respect des agents publics.
M. le président. L’amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Toute personne a accès à une information transparente sur l’efficacité et la qualité des services publics en relation avec les usagers.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement vise à introduire dans la stratégie nationale une nouvelle orientation selon laquelle toute personne a accès à une information transparente sur l’efficacité et la qualité du service public en relation avec les usagers.
Il s’agit, dans la droite ligne des orientations annoncées lors du comité interministériel de la transformation publique, de permettre aux usagers de connaître le niveau de résultat, l’efficience des services publics auxquels ils ont accès.
Cette nouvelle orientation sera mise en place de manière progressive. Il est bien évidemment hors de question d’imposer une publication de résultats qui ne pourrait qu’avoir des effets contre-productifs dès lors que les critères ne seraient pas posés et réfléchis de concert avec les administrations.
M. le président. L’amendement n° 111, présenté par MM. Patriat, Bargeton et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’action publique encadre, accompagne et valorise l’autonomie des agents publics dans l’exercice de leurs missions. L’administration développe, chez ses agents, une culture de résultat laissant une part d’adaptation des moyens utilisés au regard des objectifs fixés. L’action publique intègre cette adaptation notamment dans la formation, initiale et continue, de ses agents.
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Cet amendement vise à introduire la culture du risque dans la stratégie nationale.
Très souvent, les plans d’action oublient le rôle des managers publics, qui sont bons non seulement quand ils maîtrisent les questions de fond et qu’ils font bien leur travail, mais aussi quand ils sont en capacité d’entraîner leurs équipes pour les amener à prendre en compte les exigences nouvelles d’une société moderne.
Il faut parfois savoir changer les habitudes qui se sont installées dans le cadre des procédures administratives.
Nous voulons que les formations prévues dans le plan d’action tiennent compte de cette culture du risque pour permettre aux décideurs publics de la mettre en pratique sans se mettre en danger.
M. le président. L’amendement n° 165, présenté par Mmes Lamure, Berthet et Billon, M. Cadic, Mme Canayer, MM. Canevet et Danesi, Mmes Deromedi et Estrosi Sassone, M. Forissier, Mme C. Fournier, MM. D. Laurent et Meurant, Mme Morhet-Richaud et MM. Pierre et Vaspart, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la norme nouvelle entraîne une charge supplémentaire pour les entreprises, elle ne peut être édictée que lorsqu’il est prévu simultanément l’abrogation de normes représentant une charge au moins équivalente.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Selon l’étude d’impact du projet de loi, les entreprises françaises doivent produire chaque année 10,7 millions de pièces justificatives demandées par l’administration, à l’occasion de 4,1 millions de démarches.
Selon l’OCDE, cette complexité administrative coûte chaque année 60 milliards d’euros à l’économie française.
Nos entreprises souffrent de ces charges administratives, fiscales et sociales particulièrement lourdes qui nuisent à leur compétitivité.
Le législateur doit en tenir compte et accepter comme objectifs contraignants la simplification des normes et la stabilisation, voire l’allégement, des charges applicables aux entreprises.
Les auteurs de cet amendement proposent donc que les normes supprimées représentent une charge au moins équivalente, pour les entreprises, à la norme créée.
M. le président. L’amendement n° 69 rectifié, présenté par Mme Préville, M. Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Taillé-Polian, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau et Sueur, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les économies réalisées par la dématérialisation sont prioritairement mobilisées à la mise en œuvre de mécanisme d’accompagnement des publics exposés au risque de marginalisation numérique.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. La stratégie nationale d’orientation de l’action publique annexée au présent projet de loi souligne la nécessité d’assurer « aux personnes vulnérables ou n’utilisant pas l’outil numérique, des possibilités de communication et de médiation adaptées à leurs besoins et à leur situation ».
Pourtant, la dématérialisation des procédures par les services publics exclut mécaniquement un certain nombre d’usagers.
Sans trop m’avancer, je pense que plusieurs d’entre nous sont élus de territoires ruraux dont la couverture internet n’est que trop partielle.
Qu’il s’agisse de personnes résidant dans des zones blanches, de personnes non dotées de matériel informatique ou de personnes ne maîtrisant pas l’outil numérique, ces dernières se retrouvent dans l’incapacité d’effectuer les démarches requises.
Par ailleurs, malgré les tarifs sociaux, l’accès à internet reste un poste de dépense important pour un certain nombre de foyers. Il en va de même des frais entraînés par l’inévitable obsolescence du matériel après quelques années d’utilisation et le nécessaire achat d’un nouvel ordinateur.
Le ministère de l’économie et des finances annonce une économie de plus de 60 millions d’euros, liée à la dématérialisation des feuilles d’impôts, des passeports, des permis de conduire…
Il serait souhaitable qu’une partie de ces économies réalisées par la baisse des coûts soit prioritairement mobilisée pour la mise en œuvre de mécanismes d’accompagnement des publics exposés au risque de marginalisation numérique.
En effet, dans la mesure où ce projet de loi vise à la fois à la dématérialisation de nos services publics et à une simplification de l’accès aux informations par les usagers, il ne saurait créer un mécanisme de renforcement des inégalités territoriales et sociales. Refonder les relations public-administration ne revient pas à exclure encore davantage.
L’adoption de cet amendement devrait permettre de renforcer l’accès au droit. Voyez-le comme une clause de protection des publics vulnérables.
M. le président. Mes chers collègues, avant de passer aux questions d’actualité au Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
J’appelle chacun au respect des uns et des autres, ainsi qu’au respect des temps de parole.
Je veux excuser l’absence de M. le Premier ministre, qui m’a téléphoné : il est retenu à l’Assemblée nationale par l’examen du projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.
réforme de la formation professionnelle
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Suivre des formations professionnelles tout au long de sa vie apparaît aujourd’hui comme une nécessité incontournable.
Les métiers changent ; les emplois se transforment ; nous devons tous nous adapter. Cette adaptation s’inscrit dans le temps. Elle n’est plus ponctuelle comme elle le fut autrefois ; elle est continue et permanente. Il nous appartient, en tant qu’hommes et femmes du XXIe siècle, d’accompagner ce changement.
À titre individuel, chacun d’entre nous doit fournir cet effort de remise en question des connaissances acquises, pour choisir la ou les bonnes formations du futur. C’est pourquoi nous parlons désormais d’un parcours de formations au pluriel, à réaliser tout au long de notre carrière.
Votre réforme, madame la ministre, est innovante.
Elle place le salarié au cœur du dispositif : il a la liberté de choisir son avenir professionnel. Elle ne néglige pas pour autant l’entreprise, puisque celle-ci peut proposer et organiser des plans de formations spécifiques à son activité.
Elle protège les salariés les plus vulnérables. Par exemple, elle attribue une somme forfaitaire à chacun des salariés, quelles que soient la rémunération et la taille de l’entreprise qui l’emploie.
Alors que les partenaires sociaux avaient trouvé un accord très positif et très constructif, vous n’avez pas hésité, avec un courage certain, à aller au-delà de cet accord. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez monétisé le compte personnel de formation.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Martin Lévrier. Désormais, l’euro devient l’unité de mesure et remplace l’heure. (Marques d’impatience sur les mêmes travées.)
Je vous remercie madame la ministre, de bien vouloir expliciter les motifs qui vous ont amenée à adopter ce nouveau système de décompte qui peut apparaître pour les uns comme un pari risqué et pour les autres comme une avancée majeure.
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Martin Lévrier, notre système de formation professionnelle, qui avait de l’avance voilà trente ans, ne répond plus aux enjeux des grandes mutations technologiques, économiques et écologiques qui s’annoncent. Il est aussi inégal et injuste.
Aujourd’hui, un ouvrier ou un employé a deux fois moins de chances qu’un cadre de se former. Et ce ne sont pas les cadres qui se forment trop ! La raison tient à ce que nous n’investissons pas assez dans la qualification des ouvriers et des employés. Un salarié d’une PME a deux fois moins de chances de se former qu’un salarié d’une grande entreprise. Pourtant, pour l’avenir de nos TPE et PME, les besoins sont aussi grands ! L’ensemble de la main-d’œuvre de notre pays doit pouvoir se former, pour accompagner et anticiper les évolutions.
C’est la raison pour laquelle les partenaires sociaux ont mené, à notre demande, une négociation sur la formation professionnelle. Ils ont voulu, à juste titre, renforcer les droits des salariés, en développant le compte personnel de formation et en créant un droit gratuit, par fonds mutualisé, à un conseil en évolution professionnelle.
Nous avons décidé de les suivre, sauf sur un point : ils avaient libellé le droit à la formation en nombre d’heures. Or les heures ne constituent pas aujourd’hui un droit réel. En effet, si vous avez un compte à la Caisse des dépôts et consignations en heures, vous devez franchir deux, trois, ou quatre obstacles pour réussir à obtenir une décision sur votre formation. De nombreux salariés ne vont pas jusqu’au bout d’un tel parcours !
Demain, il sera beaucoup plus facile de trouver une formation, de la comparer en ligne, de connaître les taux d’insertion et les taux d’accès au diplôme, de s’enregistrer et de payer directement.
C’est également beaucoup plus juste. Demain, il y aura autant d’argent pour former un ouvrier que pour former un ingénieur, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il s’agit donc d’une mesure de simplification visant l’accès de tous les salariés à la formation professionnelle, une mesure de liberté de choix et de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
sommet franco-luxembourgeois
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Du 19 au 21 mars prochains, le Grand-Duc et la Grande-Duchesse de Luxembourg seront en visite en France, sur invitation du Président de la République. Cela fait près de quarante ans qu’une telle visite n’avait pas eu lieu. En marge de celle-ci, M. le Premier ministre et son homologue luxembourgeois présideront un séminaire intergouvernemental.
C’est sur les enjeux transfrontaliers que je souhaite attirer l’attention du Gouvernement.
Être voisin du Luxembourg est le plus souvent une opportunité : 90 000 Français y travaillent et la dynamique économique se poursuit. En conséquence, 12 000 voyageurs empruntent quotidiennement la ligne TER Nancy-Luxembourg et 100 000 véhicules circulent sur l’autoroute A31. Ces chiffres sont en constante augmentation. Cependant, les enjeux transfrontaliers dépassent cette seule question de la mobilité.
La compétitivité fiscale et sociale du Luxembourg pénalise le développement économique du côté français, bon nombre d’entreprises privilégiant leur installation au Luxembourg. Quant aux salaires, ils y sont de 30 % à 50 % supérieurs. Cette attractivité a de fortes répercussions, notamment auprès des professionnels de santé, lesquels, une fois formés, vont en grande partie exercer leur métier au Luxembourg, aggravant nos difficultés d’accès aux soins.
Les défis à relever sont considérables pour corriger les effets d’un tel différentiel.
Une mise en commun des moyens de la France et du Luxembourg, avec le concours de la région Grand Est, sur des projets coconstruits permettrait de répondre aux enjeux majeurs qui touchent directement la vie quotidienne des milliers de citoyens dont je me fais aujourd’hui la porte-parole.
Comme le confirme le rapport du CGET, le Commissariat général à l’égalité des territoires, la multiplicité des acteurs du côté français et le morcellement de la gouvernance des territoires sont des freins supplémentaires à la reconversion du Nord lorrain.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les propositions du Gouvernement pour contribuer au développement harmonieux de cette zone transfrontalière, où les espoirs sont immenses ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Véronique Guillotin, vous avez raison de souligner le caractère exceptionnel de la venue du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse de Luxembourg à Paris. Cela n’était pas arrivé depuis 1978 !
Précisons-le, il y aura un séminaire intergouvernemental, et, en même temps, une conférence intergouvernementale : les deux instances se réuniront dans le même mouvement. Vous le savez, cette conférence réunit régulièrement les élus et les responsables gouvernementaux. Cela montre l’importance de la question posée et de cette visite.
Vous l’avez souligné, la dynamique transfrontalière est porteuse d’opportunités, mais aussi de défis, auxquels le séminaire susvisé contribuera à répondre. Nous souhaitons tout particulièrement évoquer avec le Luxembourg la facilitation de la vie quotidienne des 90 000 travailleurs frontaliers, en prenant des engagements communs, afin de cofinancer des infrastructures à leur bénéfice. Je pense tout particulièrement aux infrastructures de transport. Cela fera partie des discussions que nous aurons sur le rééquilibrage de la relation transfrontalière, y compris, madame la sénatrice, avec l’objectif d’un retour de l’impôt sur le revenu que le Luxembourg prélève sur nos frontaliers.
Enfin, plusieurs accords de coopération bilatérale viseront à répondre aux difficultés concrètes que vous venez de souligner. Nous travaillons notamment sur des mesures dans le domaine de l’apprentissage, de la formation et de l’enseignement supérieur. Si je ne peux pas vous donner, madame la sénatrice, les conclusions de ce séminaire avant qu’il n’ait eu lieu, je peux vous affirmer qu’il se présente sous les meilleurs auspices. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
situation à afrine en syrie face à l’intervention militaire de la turquie
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au terme de cinquante jours d’offensives et de crimes commis en territoire syrien contre le peuple kurde, l’armée turque a déclenché depuis samedi un bombardement intensif de la ville d’Afrine. Au sol, les troupes turques et les forces de Daech repoussées vers le nord de la Syrie convergent pour faire tomber la ville. Tous s’apprêtent à commettre une tuerie irréparable, un massacre contre la population d’Afrine et les civils innocents qui y vivent.
Erdogan vise le nettoyage ethnique de la ville. Au-delà, tous les observateurs l’admettent, et il le revendique d’ailleurs ouvertement, il poussera plus loin ses prétentions de domination régionale, jusqu’à Kobané et en Irak. Erdogan vise aussi à Afrine la remise sur pied d’une nouvelle base arrière de groupes criminels djihadistes, pour qu’ils reprennent leurs agissements terroristes. Les peuples kurdes et ceux de la région, comme nous-mêmes, en paieraient de nouveau le prix très cher.
La cause des Kurdes est donc une nouvelle fois la nôtre. Il y a urgence à stopper Erdogan. C’est une affaire d’heures et de jours. La France doit réagir énergiquement et cesser ses ambiguïtés, au nom de l’appartenance de la Turquie à l’OTAN ou en endossant les discours du dictateur d’Ankara au sujet des prétendues menaces pesant sur la sécurité des frontières turques.
Quelles actions la France compte-t-elle entreprendre, par ses propres moyens, avec ses alliés de l’Union européenne et au Conseil de sécurité de l’ONU, pour interdire le survol d’Afrine par l’aviation turque et exiger que les troupes d’Ankara quittent la Syrie ?
Il est encore temps d’arrêter la folie meurtrière d’Erdogan et de sauver Afrine. Nous demandons au Gouvernement d’agir, et d’agir vite. (Applaudissements nourris.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, l’opération que conduit la Turquie depuis maintenant cinquante jours dans le canton d’Afrine atteint un stade grave et critique, vous l’avez souligné. Plusieurs centaines de milliers de civils, dont beaucoup sont déjà des déplacés, attendent, privés d’eau et d’électricité, un assaut que les Turcs présentent comme imminent. Cela signifie des combats de rue, dont les populations paieront inévitablement le prix.
Je voudrais faire quatre remarques à ce sujet.
Premièrement, le souci de protection des frontières, aussi légitime soit-il, ne peut en aucun cas justifier des opérations militaires aboutissant à des actions contre une population civile.
Deuxièmement, la lutte contre Daech est la première raison de notre engagement militaire au Levant, et c’est une priorité de sécurité nationale. Nous craignons que l’action de la Turquie n’aboutisse à affaiblir la pression contre cette organisation, en raison du déplacement des moyens vers le nord-est de la Syrie.
Troisièmement, la résolution 2401 du Conseil de sécurité, en faveur de laquelle la France a beaucoup œuvré et à propos de laquelle elle est tout à fait déterminée, s’applique à toute la Syrie, et non pas uniquement à la Ghouta orientale. Elle s’applique donc à Afrine et à Idlib. Il importe par conséquent que la Turquie, pays membre de l’Alliance, respecte ce qui est désormais, depuis l’adoption de cette résolution, le droit international.
M. Martial Bourquin. Elle ne le fait pas !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quatrièmement, la France veille au respect de cette résolution, avec ses alliés, avec l’Union européenne, en mobilisant l’opinion internationale sur ce sujet : la trêve doit être respectée par tout le monde, y compris par les Turcs !
Enfin, nous avons, je l’ai déjà dit publiquement à plusieurs reprises, une relation particulière et ancienne avec les Kurdes et leurs alliés arabes, réunis au sein des forces démocratiques syriennes dans le nord-est de la Syrie.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous sommes tout à fait conscients du rôle important qu’ils ont joué dans la campagne contre Daech et dans la reprise de Raqqa. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
situation en syrie
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, ma question, qui concerne également la situation à Afrine, s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Depuis le 20 janvier dernier, la Turquie s’attaque aux Kurdes de Syrie en bombardant chaque jour le canton d’Afrine. Avec ses alliés islamistes, l’armée turque mène une offensive qui a déjà provoqué la mort de plusieurs centaines de civils.
Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la situation sur place ne cesse de se dégrader : la ville de Jindaris ainsi que plusieurs villages ont été détruits par les bombardements. L’armée turque a coupé l’alimentation en eau et en électricité de la ville d’Afrine, qui abriterait 800 000 personnes. Cette population assiégée, qui manquait déjà de médicaments et de vivres, est aujourd’hui en grand danger.
Je veux rappeler en cet instant que les Kurdes ont été et sont nos plus précieux alliés dans la guerre contre les djihadistes. En leur infligeant une défaite cinglante à Kobané en 2015, en participant à la libération des territoires syriens aux mains de Daech, les Kurdes ont sacrifié leurs vies pour notre liberté. Ils ont eu un rôle déterminant aux côtés de la coalition.
La situation dramatique d’Afrine, comme celle de la Ghouta près de Damas où le régime de Bachar el-Assad ne tient aucun compte de la résolution de l’ONU, nous oblige aujourd’hui à réagir fermement. Il est temps, pour la communauté internationale, de sortir de son silence et, pour notre pays, de faire preuve d’une plus grande fermeté vis-à-vis tant de la Russie que de la Turquie.
Aussi, monsieur le ministre, quelles actions, au-delà de celles qui ont déjà été entreprises, la France compte-t-elle mettre en place pour arrêter cette violation du droit international par la Turquie, pour éviter les massacres de grande ampleur qui s’annoncent et pour empêcher que les Kurdes syriens soient aujourd’hui sacrifiés ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Rémi Féraud, je vais compléter la réponse que je viens de faire à l’instant.
Tout d’abord, j’évoquerai la timidité qui nous est reprochée. Je me suis rendu à Moscou et à Téhéran voilà peu de jours pour dire, au nom du Président de la République, à mes interlocuteurs, au plus haut niveau, la manière dont la France concevait la situation en Syrie.
La France a beaucoup œuvré pour la mise en œuvre de la résolution 2401, qui prévoit une trêve de trente jours permettant l’acheminement de l’aide humanitaire et ouvrant la possibilité aux populations les plus touchées de regagner un lieu hospitalier où elles soient en sécurité.
Une réunion du Conseil de sécurité s’est tenue hier soir à New York. La France a parlé fort, comme j’ai pu parler fort à mes interlocuteurs lorsque je les ai rencontrés, et comme le Président de la République parle fort lorsqu’il a au téléphone les différents responsables en Russie, en Turquie ou en Iran.
Toutefois, le bilan dressé par le Conseil de sécurité concernant l’application de la résolution, qui constitue désormais, je l’ai dit tout à l’heure, le droit international, est accablant : il ne s’est pas passé une seule journée sans que cette résolution ait été violée par le régime, qui a poursuivi ses offensives et ses bombardements contre les zones habitées. Des centaines de civils, qui attendent des soins médicaux d’urgence souvent vitaux, n’ont pas pu être évacuées ; les médicaments sont retirés des convois humanitaires.
Cette résolution s’impose à toutes les parties, et plus particulièrement aux États qui sont engagés militairement sur le territoire syrien, à savoir la Russie, qui apporte un soutien aérien aux opérations du régime dans la Ghouta orientale, sans laquelle Bachar el-Assad ne pourrait pas poursuivre son offensive, mais aussi la Turquie, à propos de laquelle je me suis expliqué tout à l’heure. Rien ne justifie que des opérations militaires aboutissent à pénaliser, à victimiser des populations civiles. Je pense également à l’Iran, qui doit assumer ses responsabilités et, donc, ne pas participer aux combats en Syrie, afin que nous puissions enfin engager un processus politique permettant à ce pays de retrouver son intégrité et un peu de sérénité.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous le voyez, monsieur le sénateur, la position de la France, c’est de faire en sorte que le droit international soit respecté. La France choisit le droit international plutôt que la guerre. C’est son objectif permanent, et elle le défend auprès de tous ses interlocuteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
nomination au poste de secrétaire général de la commission européenne
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Claude Malhuret. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, tout le monde connaît la série américaine House of Cards. En Europe, nous avons la même, mais en vrai. Et notre Franck Underwood s’appelle Martin Selmayr.
M. Selmayr vient d’être nommé secrétaire général, le plus haut poste de la Commission européenne. Le seul problème, c’est qu’il n’en avait pas le droit. Le règlement est clair : pour devenir secrétaire général, il faut avoir occupé un poste de directeur. Or tel n’était pas le cas de M. Selmayr.
Qu’à cela ne tienne ! Le 21 février dernier, sans les avoir prévenus de quoi que ce soit, Jean-Claude Juncker propose aux commissaires européens la nomination de Martin Selmayr au poste de secrétaire général adjoint. Puis il leur indique – heureuse coïncidence ! – que le secrétaire général, Alexander Italianer, vient de démissionner et que, en conséquence, il nomme M. Selmayr secrétaire général, poste qu’il a désormais le droit d’occuper puisqu’il est depuis neuf minutes secrétaire général adjoint…
J’ajoute qu’un appel à candidatures pour le poste de secrétaire général adjoint, obligatoire, mais réalisé de façon particulièrement discrète, n’avait suscité que deux réponses, celle de M. Selmayr et celle de sa collaboratrice, Clara Martinez. Dès la clôture des candidatures, personne ne pouvant plus candidater, Mme Clara Martinez retirait la sienne. (Sourires.)
Dans la foulée, le poste de chef de cabinet étant désormais vacant, Clara Martinez était nommée chef de cabinet. (Exclamations amusées.)
Ce coup de force illégal pose au moins deux problèmes. Le premier, c’est que, à un an des élections européennes, on ne peut faire plus grand cadeau aux europhobes, qui vont pouvoir dénoncer l’opacité, les manœuvres internes, le manque de démocratie qu’ils reprochent à l’Europe.
Le deuxième, c’est que désormais trois des principales directions européennes sur quatre sont tenues par un Allemand, déséquilibre contraire à toutes les traditions de partage des responsabilités entre pays membres.
Le Parlement européen a convoqué hier une session en urgence qui a été houleuse et au cours de laquelle une enquête a été décidée. Mais le silence du Conseil européen, qui représente les gouvernements européens, est assourdissant. Ma question est simple, monsieur le ministre : comment la France compte-t-elle réagir à ce coup de force ? (Applaudissements nourris.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Claude Malhuret, les nominations à des postes d’encadrement supérieur de la Commission européenne, tels que celui de secrétaire général, relèvent de la compétence stricte de la Commission, conformément aux textes en vigueur. Ces nominations sont décidées par le collège des commissaires.
Il revient dès lors à la Commission d’apporter le cas échéant des précisions sur la procédure administrative suivie pour la nomination du nouveau secrétaire général. Le commissaire Oettinger était lundi devant le Parlement européen pour expliquer les raisons pour lesquelles la Commission considère que les règles en vigueur ont été respectées. La procédure se poursuit au Parlement européen.
La France, qui n’est pas formellement impliquée, comme d’ailleurs les autres États européens, considère que les recrutements et promotions au sein des institutions européennes doivent répondre à des critères de mérite, de transparence, d’égalité des chances et d’équilibre géographique. Au-delà, il est essentiel que la Commission fasse preuve en permanence, comme toutes les institutions européennes, d’une exemplarité sourcilleuse, indispensable à sa légitimité. (M. André Gattolin applaudit. – Exclamations sur un certain nombre de travées.)
situation à mayotte
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, l’insécurité grandissante à Mayotte fait croître une crise sociale d’une ampleur sans précédent. Les gouvernements Ayrault et Valls ont systématiquement été interpellés, sans effet concret. En tant que président de l’Association nationale des élus du littoral, et parce que je suis très attaché aux territoires ultramarins, j’ai déjà alerté personnellement et directement le ministre Nicolas Hulot sur cette question, par le biais du volet environnemental.
Aujourd’hui, malgré les appels au secours des élus mahorais et de la population, le Gouvernement semble mettre ses pas dans ceux de ses prédécesseurs.
Ce département français a des besoins vitaux comme l’accès à l’eau, à l’école, à l’électricité, à l’assainissement, au logement et, surtout, à la sécurité.
Les réponses apportées par votre gouvernement, à savoir quelques policiers et gendarmes supplémentaires, un déploiement de la police de proximité et un état-major de lutte contre l’immigration clandestine, ne sont pas à la hauteur des enjeux. On nous annonce même une nouvelle conférence sur l’avenir de Mayotte, alors que les assises des outre-mer souhaitées par Emmanuel Macron sont en voie de s’achever. Pour les Mahorais, vos réponses sont malheureusement techniques, technocratiques et, surtout, dilatoires, alors qu’ils attendent un soutien du Gouvernement, c’est-à-dire un engagement politique fort.
L’idée de créer une maternité extraterritoriale traduit la reconnaissance que l’immigration clandestine, insupportable à Mayotte, est à l’origine de cette crise, qui risque de dégénérer.
Les habitants ne veulent pas de « sous-mesures » – ce sont leurs propres termes. Ils veulent des actes et des solutions juridiques pour stopper l’immigration clandestine, l’explosion des naissances et le regroupement familial.
Mayotte a toujours manifesté son attachement à la France, et elle attend autre chose qu’un discours de plus. Allez-vous, monsieur le ministre, prendre la mesure des souffrances qu’endure la population de Mayotte et faire enfin de vraies propositions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Jean-François Rapin, vous le savez, j’ai toujours pensé que les problèmes d’immigration étaient des problèmes sérieux. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous le voyons en Europe, et aujourd’hui à Mayotte.
La crise que nous connaissons actuellement est due à la différence de niveau de vie entre le département de Mayotte et les Comores toutes proches. Entre l’île d’Anjouan et Mayotte, il y a seulement 70 kilomètres ! Or la différence de niveau de vie est de 1 à 13. Nous assistons donc à une immigration massive, assortie de difficultés pour les Mahorais, en particulier d’une insécurité grandissante. Et nous avons connu, ces derniers jours, une révolte de la population, incarnée par les élus, mais aussi par l’intersyndicale. (Brouhaha.)
Donc oui, nous allons apporter des réponses concrètes à des problèmes qui sont extrêmement graves ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. François Grosdidier. Quand ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. J’ai commandé, en début d’année, de nouveaux bateaux, de manière à pouvoir lutter contre l’immigration à Mayotte. Ils seront livrés pendant l’été. En attendant, nous avons demandé qu’un patrouilleur de la marine nationale puisse venir sur les lieux.
Le dialogue est engagé avec les élus, parce que c’est avec eux que nous voulons construire un nouvel avenir pour Mayotte dans la République française ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme Éliane Assassi. Et l’augmentation des prestations à Mayotte ?
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin. Des constats, des constats, monsieur le ministre ; pas de propositions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
réactions française et européenne aux mesures protectionnistes américaines
M. le président. La parole est à M. Michel Laugier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Michel Laugier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Jeudi dernier, le président des États-Unis a annoncé, de manière unilatérale, la mise en œuvre de nouvelles barrières douanières.
En imposant des taxes de 25 % sur les importations d’acier et de 10 % sur celles d’aluminium, Donald Trump lance une véritable guerre commerciale à l’encontre du reste du monde.
Les réactions en Europe ou en Chine ont été immédiates et virulentes. En effet, nous ne pouvons accepter qu’un partenaire commercial lance un conflit international et de nouvelles mesures sans aucune concertation.
L’Union européenne a d’ores et déjà annoncé une forme de réplique, en exprimant sa volonté de taxer en retour des produits américains comme le beurre de cacahuète ou les motos Harley-Davidson.
Ces symboles peuvent certes marquer les esprits, mais ils ne sont pas à la hauteur des niveaux d’échanges commerciaux qui prévalent dans le cas de l’acier ou de l’aluminium.
Pensez-vous, monsieur le ministre, que l’Europe doive entrer dans une surenchère des produits taxés ? Imaginez-vous vraiment que les dernières annonces soient réellement à la hauteur de l’enjeu ?
Trois jours après la décision de M. Trump, les États-Unis annonçaient des exceptions possibles pour les produits venant du Canada ou du Mexique, sous condition de nouvel accord commercial. La France et l’Union européenne tenteront-elles, selon vous, d’entrer dans un processus identique d’exception ?
Comme à son habitude, le président des États-Unis agit par coups de boutoir ; nous ne pouvons l’accepter. Une telle méthode n’est pas digne de notre système commercial multilatéral.
Nous ne serons forts qu’en étant unis au niveau européen. Il y va de notre développement économique et de l’apaisement des relations commerciales internationales. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ne vous laissez pas impressionner, monsieur le ministre !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Je ne suis pas du tout impressionné, monsieur le président ! (Sourires.)
Monsieur le sénateur Michel Laugier, vous avez raison de le souligner, le système commercial international traverse une période critique, qui pourrait s’avérer grave si les mesures annoncées par le président Trump, qui doivent normalement prendre effet le 23 mars prochain, étaient mises en œuvre, quelles que soient les exemptions potentielles dont il a été fait mention.
La France regrette profondément ces mesures, qui sont des mesures unilatérales. Elles auront un impact négatif sur nos entreprises, que ce soit directement, par le relèvement des droits de douane, ou indirectement, par le choc à la baisse du prix mondial de l’acier et de l’aluminium.
Mais, au surplus, la raison invoquée par les autorités américaines pour justifier cette posture, à savoir l’argument de la sécurité nationale, ne nous paraît ni crédible ni étayée.
Ces mesures sont d’autant plus regrettables qu’elles pourraient frapper les pays qui, eux, respectent les règles du commerce international et ne sont pas responsables des surcapacités dans le secteur de l’acier et de l’aluminium.
Le Président de la République s’est entretenu sur ce sujet, ce week-end, avec le président Trump. Il lui a fait part des observations critiques que je viens d’évoquer.
Il faut aujourd’hui une réponse européenne – vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur. Un nouveau gouvernement allemand est en place ; je vais rencontrer, demain, mon nouveau collègue, M. Maas, et ce point fera partie des sujets majeurs à l’ordre du jour, car l’Allemagne aussi est directement concernée.
Il importe actuellement de dire, d’abord, aux États-Unis de quelle manière nous percevons leur position ; de leur expliquer, ensuite, que la meilleure façon de traiter la question des surcapacités est de le faire au sein de l’Organisation mondiale du commerce plutôt que par ce type d’actions.
Face à ces annonces, la position et l’action de l’Union européenne doivent être à la fois fortes et unies. Tel sera l’enjeu des prochaines semaines : nous doter de la capacité de riposte nécessaire. (M. François Patriat applaudit.)
ripostes française et européenne à la politique tarifaire américaine
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche. (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Richard Yung. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en même temps qu’il annonçait les mesures douanières dont nous venons de parler, le président Trump a eu cette formule : « Les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner ».
Nous, Européens, sommes en situation de lui dire qu’il s’agit d’une double erreur. L’expérience historique nous a appris que les guerres commerciales ne sont pas bonnes – tout le monde sera perdant, à commencer par le consommateur américain et les entreprises américaines. Les guerres commerciales débouchent sur le protectionnisme, le nationalisme et, malheureusement, dans certains cas, la guerre.
Pourtant, Donald Trump a raison sur un point : la surproduction mondiale et surtout chinoise d’acier dure depuis trop longtemps, et nous avons eu tort de le tolérer.
L’une de mes questions est donc la suivante : je sais que des mesures ont été prises au niveau européen, mais qu’envisageons-nous pour agir dans ce domaine ?
Par ailleurs, devons-nous porter ce différend devant l’OMC ? Telle serait la méthode « normale », mais vous savez que les Américains, en refusant de nommer les juges des autorités de règlement des différends, ont paralysé l’OMC. L’OMC n’existe plus de façon active.
Enfin, le président Trump a invoqué la sécurité nationale. On peut évidemment se demander en quoi l’Union européenne menace la sécurité nationale des États-Unis. Mais, en réalité, ce que M. Trump a derrière la tête, ce sont les déficits commerciaux des États-Unis vis-à-vis de l’Europe, et en particulier de l’Allemagne. Ce sont ces déficits qu’il considère comme une menace pour la sécurité de son pays.
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !
M. Richard Yung. Quelles propositions ferons-nous dans le cadre de l’Union européenne, puisque c’est l’Union européenne qui mène cette affaire, s’agissant de ces différents points ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Richard Yung, j’ai déjà en partie répondu, mais je voudrais compléter mon propos, pour constater avec vous, d’abord, étape après étape, décision après décision, le retrait américain de l’ensemble des forums multilatéraux internationaux.
C’est vrai pour l’UNESCO ; c’est vrai pour l’accord sur le climat ; c’est vrai – un retrait éventuel a été annoncé – pour l’accord de Vienne ; c’est vrai pour l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ; c’est vrai aussi pour les accords commerciaux qui faisaient auparavant l’objet de négociations, à commencer par le TTIP, le traité de libre-échange transatlantique, et par l’ALENA, l’accord de libre-échange nord-américain.
Bref, le retrait. Un nouvel acte en est ici posé. Il est très pénalisant, puisque l’Union européenne est le deuxième exportateur de produits sidérurgiques vers les États-Unis, après le Canada. Ces mesures unilatérales, indiscriminées – je l’ai dit tout à l’heure – auront un impact négatif inacceptable sur l’industrie sidérurgique européenne et française.
On peut certes constater qu’il existe dans le monde, dans le secteur de l’acier et de l’aluminium, des surcapacités, singulièrement en Chine – ce point a d’ailleurs fait l’objet, il y a très peu de temps, de discussions entre le président Macron et le président Xi Jinping, menées, si je puis utiliser ce terme, avec beaucoup de tonicité. Oui, il existe des surcapacités ; mais non, la solution ne réside pas dans l’adoption de décisions unilatérales qui sont contraires au cadre de l’OMC.
Que faut-il faire ?
Il faut d’abord faire en sorte que nous puissions poursuivre la discussion, aussi vive soit-elle, avec les autorités américaines – c’est ce que nous faisons.
Ensuite, cette discussion doit être menée, de préférence, au niveau européen, dans le cadre d’une unité européenne retrouvée. C’est la raison pour laquelle je vais dès demain soir rencontrer mon collègue allemand.
Nous devons aussi nous garder de toute naïveté. Et si, d’aventure, les mesures annoncées devaient être mises en œuvre, nous devrions, au niveau européen, prendre les mesures de sauvegarde nécessaires à la défense de nos intérêts industriels.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « Mesures nécessaires » peut aussi vouloir dire, même si l’OMC connaît pour l’instant une vacance, saisir l’organisme de règlement des différends de l’OMC pour contester très fermement le bien-fondé de ces décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
privatisation d’aéroports de paris
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Arnaud Bazin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
La presse vient de nous apprendre son intention de céder des participations de l’État dans plusieurs grandes entreprises relevant de secteurs d’activité forts différents, mais toutes d’intérêt national.
Je souhaite interroger le Premier ministre au sujet de l’avenir de l’une d’entre elles en particulier, très importante pour le Val-d’Oise. Il s’agit d’Aéroports de Paris, ADP, et de son vaisseau amiral Roissy-Charles de Gaulle.
Au vu des enjeux financiers, forts de l’expérience de la privatisation des sociétés d’autoroutes, comment peut-il justifier le calcul court-termiste qui, pour un gain immédiat, prive pour toujours l’État des dividendes importants et dynamiques versés par ADP – 130 millions d’euros en moyenne sur les trois dernières années, soit plus de la moitié des recettes qui seraient issues du « fonds Le Maire » pour l’innovation ?
Au vu des impératifs de sécurité nationale, comment peut-il justifier la perte par l’État de la maîtrise directe de la frontière aéroportuaire de Roissy ?
M. Roger Karoutchi. Très bonne question !
M. Arnaud Bazin. Au vu des enjeux régionaux de transports et d’emploi, et après le précédent fâcheux, voulu par Emmanuel Macron, de la cession de l’aéroport de Toulouse, comment l’État compte-t-il associer les collectivités locales concernées ?
Au vu des enjeux pour les populations riveraines exposées au bruit, comment M. le Premier ministre peut-il garantir le respect de l’intérêt général dans le cadre de la privatisation de l’activité ?
Enfin, après la gestion désastreuse du projet de Notre-Dame-des-Landes, peut-il nous assurer que, dans le dossier ADP, l’État ne sera pas l’otage du résultat de ses propres turpitudes envers le groupe Vinci ? (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Sénat s’était d’ailleurs opposé à sa volonté d’endetter l’État, à rebours de toute logique, pour lancer la réalisation du Charles-de-Gaulle Express, dossier dans lequel le groupe Vinci pourrait obtenir de puissants avantages, alors même qu’il se déclare candidat au rachat d’ADP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Arnaud Bazin, le Gouvernement – la presse s’en est fait l’écho – souhaite faire évoluer son portefeuille de participations, afin d’arrêter d’immobiliser l’argent des Français au capital d’entreprises où il n’est pas absolument nécessaire, donc là où le secteur privé est en mesure d’apporter ses financements et, ou, là où la présence de l’État au capital n’est pas indispensable pour garantir que les intérêts de la France et des Français soient bien respectés, parce qu’il existerait d’autres leviers de régulation qui peuvent permettre de s’en assurer.
Il s’agit de trouver des marges pour les investir dans des investissements d’innovation, afin de préparer la croissance de demain.
Le groupe Aéroports de Paris, que vous avez cité, monsieur le sénateur, est inclus dans les réflexions, lesquelles sont en cours, mais ne sont pas achevées. Les décisions que vous présentez comme prises ne le sont pas.
Je tiens toutefois à vous assurer que, quoi qu’il en soit, nous sommes très attentifs à la défense de l’intérêt des Français sur le long terme.
Le cas échéant, et uniquement le cas échéant, le Gouvernement veillerait, bien entendu, à ce que soient mises en place les dispositions nécessaires pour garantir que, s’il n’était plus présent au même niveau au capital d’ADP, une régulation adaptée des aéroports parisiens serait instaurée, afin de s’assurer que la principale porte d’entrée du territoire français continue de fournir un service de qualité, respectueux de toutes les parties prenantes, avec des garanties adaptées en termes notamment de sécurité publique. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez conclu, monsieur le sénateur, en souhaitant que le Gouvernement puisse associer les collectivités locales, les acteurs territoriaux, à la réflexion. Je suis convaincu que, le cas échéant, si cette décision devait être prise, le ministre de l’économie et des finances veillerait à donner suite à votre demande.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Nous verrons bien !
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour la réplique.
M. Arnaud Bazin. Merci, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez certainement lu le communiqué de presse des sept départements d’Île-de-France unis et de la région d’Île-de-France qui demandent à être entendus, en effet, sur cet aspect stratégique des décisions que vous avez à prendre.
Nul doute que nous serons amenés à discuter de nombreuses fois, à de nombreuses étapes de l’avancée de ce dossier ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
maladies rares et politique de santé publique
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.
Depuis plusieurs décennies, et sous l’impulsion initiale de Simone Veil, la France développe une politique d’excellence dans la prise en charge des maladies rares. Trois millions de nos concitoyens sont atteints par 6 000 maladies rares recensées.
Deux plans Maladies rares se sont succédé depuis 2005, permettant des avancées significatives dans la connaissance de ces pathologies et dans la prise en charge des patients.
Ces avancées reposent principalement sur 363 centres de référence, répartis en 23 filières, bénéficiant de financements dédiés.
Madame la ministre, votre ministère, au cours du deuxième semestre 2017, a alloué 45 millions d’euros aux nouveaux centres labellisés. Ces crédits fléchés transitent par les budgets généraux des établissements hospitaliers qui hébergent ces 363 centres de référence.
Les 23 professeurs de médecine responsables de ces centres de référence, ainsi que des associations de patients atteints de maladies rares, dénoncent la captation de ces crédits par les établissements hospitaliers. Les directions générales de certains hôpitaux ont décidé, sans aucune transparence, une distribution de ces crédits. Un tel dysfonctionnement est profondément dommageable pour les patients atteints de maladies rares.
Madame la ministre, que répondez-vous aux médecins et aux associations de patients atteints de maladies rares, à la veille du lancement du troisième plan Maladies rares ?
Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour remédier à l’opacité qui entoure l’utilisation effective de ces crédits, pourtant alloués, à l’origine, à une si noble cause ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Évelyne Renaud-Garabedian, merci de votre question, qui permet de mettre en lumière cette difficulté que ressentent nos 3 millions de compatriotes atteints des 6 000 à 7 000 maladies rares recensées.
Je tiens à rappeler – vous l’avez dit – que la France a été pionnière sur le sujet des maladies rares, avec deux plans déjà réalisés et un troisième en cours d’élaboration. Elle a été le premier pays en Europe, si ce n’est dans le monde, à se doter d’un plan dédié aux maladies rares. Il existe donc, en la matière, un soutien constant des pouvoirs publics, qui travaillent en lien étroit avec les professionnels et avec les associations.
Mon ministère a bel et bien alloué, fin 2017, 45 millions d’euros à la labellisation de 23 filières de santé « maladies rares », qui s’appuient sur 387 centres de référence, 1 800 centres de compétences, avec un budget fléché.
Certains médecins ont effectivement dénoncé un manquement dans le versement de ces crédits aux centres dédiés. Cette situation concerne un petit nombre de centres ; j’ai demandé qu’on me fasse remonter les difficultés que ceux-ci connaîtraient, au cas par cas.
Par ailleurs, ma collègue Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et moi-même sommes pleinement mobilisées pour porter le troisième plan Maladies rares, qui est en cours d’élaboration pour la période 2018-2022. Nous en avons fait l’annonce lors de la Journée internationale des maladies rares, le 28 février dernier.
Je tiens d’ailleurs à rappeler qu’une large concertation est menée sur ce sujet, avec six axes prioritaires : assurer au patient un diagnostic plus rapide ; structurer les bases de données pour améliorer la recherche ; renforcer le rôle des filières pour coordonner les actions des multiples acteurs ; rendre les parcours plus lisibles pour les patients et leurs familles ; renforcer l’innovation, l’objectif européen étant que l’on dispose de 200 nouveaux médicaments d’ici à 2020 ; mettre en place de nouveaux dépistages néonataux.
Vous le voyez : nous sommes pleinement mobilisés et nous travaillons sur ces questions budgétaires, afin que les ressources allouées parviennent, évidemment, dans les centres labellisés. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
concessions hydro-électriques
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Face aux exigences de la Commission européenne, demandant à la France d’ouvrir ses concessions hydro-électriques à la concurrence, élus et organisations représentatives des salariés se mobilisent pour s’opposer à la remise en cause du modèle hydro-électrique français.
Cette ouverture à la concurrence serait d’autant plus stupéfiante que les opérateurs étrangers, européens ou non, pourraient récupérer la gestion d’ouvrages hydro-électriques en France alors que l’inverse n’est pas possible dans la plupart des pays européens.
Dois-je rappeler que les barrages constituent des biens nationaux, dont la construction et l’entretien ont été financés par nos concitoyens ?
Dois-je rappeler qu’il s’agit d’un produit de première nécessité, l’électricité ?
Au-delà des questions de concurrence, faut-il aussi rappeler que nous touchons là à des enjeux de service public de gestion des multiples usages de l’eau ?
L’impact du changement climatique devrait nous le rappeler ! Les ouvrages hydro-électriques seront demain plus qu’hier des outils de régulation des besoins en eau.
La problématique en jeu est donc loin d’être seulement celle de la concurrence. Il y va de la gestion d’un bien commun au service des seuls intérêts de la Nation.
Dans un tel contexte, je rappelle que le Gouvernement peut utiliser la procédure de prolongation des concessions contre investissements, que nous avons fait adopter dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Or des informations circulent selon lesquelles le Gouvernement se serait engagé sur un premier calendrier de mise en concurrence de lots en regroupements barycentriques, mais aussi sur un dispositif qui conduirait à empêcher – je n’ose le croire ! – les opérateurs historiques de remporter toutes les concessions, quand bien même leurs offres seraient les meilleures.
Monsieur le ministre, que valent donc ces informations ?
Le Gouvernement a-t-il l’intention de se battre sur ce dossier, notamment en utilisant la procédure de prolongation des concessions contre travaux et investissements ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Éric Bocquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Roland Courteau, ai-je besoin de rappeler – vous l’avez fait – que l’hydroélectricité est un pilier de la transition énergétique ? Cette énergie est au cœur de nos territoires et, entre autres, participe à la bonne gestion des ressources en eau.
Vous l’avez dit : voilà maintenant dix ans que la Commission européenne a demandé l’ouverture à la concurrence des concessions hydro-électriques. Le droit français, qui est conforme au droit européen, prévoit à ce titre que les concessions hydro-électriques échues doivent être renouvelées par une mise en concurrence. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en a fixé le cadre – vous venez de le rappeler. Aujourd’hui, nous l’appliquons.
Cette loi comporte plusieurs avancées.
D’abord, la possibilité pour les collectivités locales d’être associées à la concession dans le cadre d’une société d’économie mixte hydro-électrique, ce qui permet bien sûr de gérer la ressource en eau et d’assurer, autant que faire se peut, un partage équilibré des bénéfices au profit des territoires.
En outre, les concessions peuvent être regroupées pour faciliter leur exploitation et favoriser la sûreté.
Enfin, il existe un mécanisme – vous l’avez évoqué, monsieur le sénateur – qui ouvre la possibilité d’une prolongation contre travaux, dans le respect de la directive Concession.
Par ailleurs, s’agissant des questions dont vous vous faites l’écho, et que les journaux ont relayées encore ce matin, en lien avec le mouvement social, je tiens à vous rassurer : le statut des personnels sera dans tous les cas de figure préservé, et les cahiers des charges devront évidemment prévoir la reprise des personnels par le nouvel exploitant.
M. Martial Bourquin. Ce n’est pas la question !
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que j’ai lu, d’une privatisation. Je vous confirme en effet que les barrages vont rester la propriété de l’État, notamment pour en garantir la sécurité. En aucun cas la mise en concurrence ne devra se traduire par un déficit de sécurité.
Vous nous demandez si nous sommes montés au front, et si nous continuons à défendre la position française. Je l’ai fait à plusieurs reprises à Bruxelles ; nous avons également reçu la commissaire au ministère.
La France va continuer à défendre quatre points : les regroupements de concessions indispensables à la cohérence des vallées ; le projet de prolongation des barrages exploités par la CNR, la Compagnie nationale du Rhône, ainsi que des ouvrages de la Truyère, qui a été transmis à la Commission ; le refus de toute exclusion d’EDF du processus de mise en concurrence ; une mise en concurrence limitée aux concessions échues. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-huit heures dix, sous la présidence de M. David Assouline.)
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions de la conférence des présidents réunie ce jour et complétant l’ordre du jour établi par la réunion de la conférence des présidents du 21 février 2018 sont consultables sur le site du Sénat.
Je vous informe notamment que la conférence des présidents a décidé de déplacer les questions au Gouvernement initialement prévues le jeudi 22 mars au mardi 20 mars, à seize heures quarante-cinq, à l’issue du scrutin solennel sur le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.
Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.
conclusions de la conférence des présidents
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mercredi 14 mars 2018
À 14 h 30 et le soir
- Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mardi 13 mars à 16 heures
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (texte de la commission, n° 330, 2017-2018)
Jeudi 15 mars 2018
À 10 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (texte de la commission, n° 313, 2017-2018)
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 mars à 15 heures
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (texte de la commission, n° 330, 2017-2018)
Mardi 20 mars 2018
À 9 h 30
- 26 questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
• n° 0137 de Mme Agnès CANAYER à Mme la ministre du travail
(Moyens alloués aux missions locales)
• n° 0139 de M. Yannick VAUGRENARD à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Reconnaissance des maladies des dockers)
• n° 0153 de M. Jean-Yves ROUX à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
(Avenir du fonds d’amortissement des charges d’électrification)
• n° 0157 de Mme Catherine PROCACCIA à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Présentation à l’examen du permis de conduire dans le Val-de-Marne)
• n° 0161 de Mme Catherine DUMAS à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports
(Chantier de la ligne 14)
• n° 0201 de Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation
(Mise en place d’une continuité de service durant les week-ends dans les abattoirs départementaux)
• n° 0203 de M. Olivier PACCAUD à M. le ministre de l’éducation nationale
(Suppression de classes en milieu rural)
• n° 0212 de M. Cyril PELLEVAT à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
(Situation du tribunal de Thonon et de la cour d’appel de Chambéry)
• n° 0214 de M. Jean BIZET à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
(Projet d’effacement des ouvrages hydroélectriques sur la Sélune)
• n° 0215 de M. Jean-Yves LECONTE à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Fin des contrôles d’identité des passagers aériens)
• n° 0216 de M. Philippe MOUILLER à Mme la ministre du travail
(Avenir des services de santé au travail interentreprises)
• n° 0219 de M. Jean-Pierre CORBISEZ à Mme la ministre du travail
(Avenir des contrats aidés)
• n° 0224 de Mme Françoise GATEL à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Situation des élus placés en arrêt maladie)
• n° 0233 de M. Éric BOCQUET à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Situation du centre hospitalier de Valenciennes)
• n° 0238 de Mme Denise SAINT-PÉ à M. le Premier ministre
(Réintroduction de l’ours dans les Pyrénées béarnaises)
• n° 0239 de Mme Nicole BONNEFOY à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en Charente)
• n° 0245 de M. Antoine KARAM à Mme la ministre des outre-mer
(Renforcement de la lutte contre la pêche illégale en Guyane)
• n° 0248 de Mme Brigitte MICOULEAU à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation
(Ventes sauvages de fruits et légumes)
• n° 0251 de M. Michel SAVIN à Mme la ministre du travail
(Situation des jeunes majeurs étrangers dans les centres de formation d’apprentis)
• n° 0252 de M. Claude NOUGEIN à M. le ministre de l’économie et des finances
(Prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu)
• n° 0255 de Mme Laurence ROSSIGNOL à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Fermeture de la maternité de Creil)
• n° 0259 de Mme Élisabeth DOINEAU à Mme la secrétaire d’État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
(Accompagnants des élèves en situation de handicap dans l’enseignement agricole public)
• n° 0260 de M. Jean-Louis LAGOURGUE à M. le ministre de l’économie et des finances
(Lenteur administrative du tribunal de commerce de La Réunion)
• n° 0265 de M. Pierre MÉDEVIELLE à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Risque d’une crise sanitaire sans précédent)
• n° 0266 de M. Jean-Marc BOYER à M. le ministre de la cohésion des territoires
(Téléphonie fixe et téléphonie mobile)
• n° 0269 de Mme Nathalie DELATTRE à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports
(Rôle de la région dans la gestion des grands ports maritimes français)
De 15 heures à 16 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (texte de la commission, n° 330, 2017-2018)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 mars à 15 heures
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (texte de la commission, n° 330, 2017-2018)
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (texte de la commission, n° 330, 2017-2018)
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 20 mars à 12 h 30
À 18 heures et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection des données personnelles (n° 296, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 20 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 mars à 15 heures
Mercredi 21 mars 2018
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 22 et 23 mars
• Intervention liminaire du Gouvernement : 10 minutes
• 8 minutes attribuées à chaque groupe politique et 5 minutes aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 20 mars à 15 heures
• 8 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires européennes et à la commission des finances
• Après la réponse du Gouvernement, débat spontané et interactif de 1 heure : 2 minutes maximum par sénateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection des données personnelles (n° 296, 2017-2018)
Jeudi 22 mars 2018
À 10 h 30
- 3 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant la ratification de l’accord instituant la Fondation internationale UE-ALC (n° 249, 2017-2018)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (n° 304, 2017-2018)
=> Projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille (STCW-F) (n° 582, 2016-2017)
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 20 mars à 15 heures
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (n° 292, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 mars à 15 heures
À 14 h 30
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (n° 292, 2017-2018)
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 27 mars 2018
À 14 h 30
- Proposition de loi d’orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles, présentée par M. Philippe BAS et plusieurs de ses collègues (n° 293, 2017-2018) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 19 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 26 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 27 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 mars à 15 heures
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 27 mars à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Suite de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles, présentée par M. Philippe BAS et plusieurs de ses collègues (n° 293, 2017-2018)
Mercredi 28 mars 2018
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, tendant à mieux maîtriser le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs présentée par MM. Dominique de LEGGE, Christian MANABLE, Michel SAVIN et plusieurs de leurs collègues (n° 255, 2017-2018) (demandes de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la délégation aux collectivités territoriales)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 27 mars à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
- Débat sur « les scénarios du Rapport du Conseil d’orientation des infrastructures du 1er février 2018 au regard de l’avenir des lignes LGV et de l’aménagement du territoire » (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 27 mars à 15 heures
- Proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, présentée par MM. Hervé MAUREY et Louis NÈGRE (n° 711, 2016-2017)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 19 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 26 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 28 mars matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 27 mars à 15 heures
Jeudi 29 mars 2018
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, présentée par MM. Hervé MAUREY et Louis NÈGRE (n° 711, 2016-2017)
Éventuellement, vendredi 30 mars 2018
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, présentée par MM. Hervé MAUREY et Louis NÈGRE (n° 711, 2016-2017)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 3 avril 2018
À 14 h 30
- Débat sur la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (demandes du groupe Les Républicains et de la commission des affaires sociales)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 10 minutes (y compris la réplique)
• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 10 minutes (y compris la réplique)
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 30 mars à 15 heures
- Débat sur « la constitutionnalisation de l’IVG » (demande du groupe CRCE)
• Temps attribué au groupe communiste républicain citoyen et écologiste : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 30 mars à 15 heures
- Débat sur « la politique de fret ferroviaire en France à la suite de la présentation du Rapport du Conseil d’orientation des infrastructures du 1er février 2018 » (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 10 minutes (y compris la réplique)
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 30 mars à 15 heures
Mercredi 4 avril 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Proposition de loi visant à proroger l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau prévue à l’article 28 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013, présentée par Mme Monique LUBIN, MM. Éric KERROUCHE, Patrick KANNER et plusieurs de leurs collègues (n° 290, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 3 avril à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 4 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 avril à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer (n° 231, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 3 avril à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 4 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 avril à 15 heures
Jeudi 5 avril 2018
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 5 avril à 11 heures
De 16 h 15 à 20 h 15
(Ordre du jour réservé au groupe du RDSE)
- Proposition de loi relative à l’élection des conseillers métropolitains, présentée par Mme Mireille JOUVE et plusieurs de ses collègues (n° 276, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 3 avril à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 4 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 4 avril à 15 heures
- Débat sur le thème : « Quelles perspectives pour les études de médecine ? »
• Temps attribué au groupe du RDSE : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 4 avril à 15 heures
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 10 avril 2018
À 14 h 30
- Explications de vote puis vote sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence (procédure accélérée) (n° 334, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il sera examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 30 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 9 avril à 12 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 avril à 15 heures
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 10 avril à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 314, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 30 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 10 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 avril à 15 heures
Mercredi 11 avril 2018
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 10 avril à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 30 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 11 avril matin
- Suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 314, 2017-2018)
Jeudi 12 avril 2018
À 10 h 30 et à 14 h 30
- Éventuellement, suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 314, 2017-2018)
Mardi 17 avril 2018
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (n° 260, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 avril à 15 heures
Mercredi 18 avril 2018
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (procédure accélérée) (A.N., n° 675)
Ce texte sera envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 avril à 15 heures
Jeudi 19 avril 2018
À 10 h 30
- 4 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Nigéria relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (n° 468, 2016-2017)
=> Projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 184 de l’Organisation internationale du travail relative à la sécurité et la santé dans l’agriculture (n° 597, 2016-2017)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco-andorrane (n° 303, 2017-2018)
=> Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière (procédure accélérée) (A.N., n° 390)
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 17 avril à 15 heures
- Projet de loi autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (n° 227, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 avril à 15 heures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 avril à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 19 avril à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 19 avril à l’issue de la discussion générale
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la protection des données personnelles ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 avril à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 19 avril à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 19 avril à l’issue de la discussion générale
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 19 avril à 11 heures
À 16 h 15
- Éventuellement, suite de l’ordre du jour du matin
Suspension des travaux en séance plénière : du lundi 23 avril au dimanche 6 mai 2018
Prochaine réunion de la conférence des présidents : mercredi 4 avril 2018 à 19 heures
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État au service d'une société de confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance.
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous poursuivons, au sein du titre préliminaire, l’examen de l’article 1er et de son annexe.
TITRE PRÉLIMINAIRE (suite)
DISPOSITIONS D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION
Article 1er et annexe (suite)
(Non modifié)
M. le président. Je rappelle que les six amendements faisant l’objet d’une discussion commune ont été présentés.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission spéciale. Les six amendements en discussion commune ont pour objet de modifier ou de réécrire la stratégie nationale d’orientation de l’action publique annexée au projet de loi.
Notre position sur cette annexe reste celle que nous avons exprimée dans notre rapport et lors de l’examen du texte en commission.
Si personne ne peut contester le bien-fondé des principes et objectifs qui y sont présentés, force est de constater qu’ils sont bien trop nombreux pour être de véritables principes généraux, clairs et lisibles. Nous constatons également que cette annexe est dépourvue de portée normative ; nous nous interrogeons toujours, à ce titre, sur son utilité réelle.
Nous défendons donc une position de compromis : globalement favorables aux principes qui figurent dans cette annexe, nous ne souhaitons pas la supprimer, mais, ayant de très profonds doutes sur son utilité réelle, nous ne pensons pas nécessaire de la modifier.
De toute façon, l’adoption de cette annexe ne fera qu’ajouter une énième charte aux nombreuses déjà applicables dans chaque administration.
Comme lors de l’examen des amendements présentés en commission, nous demandons le retrait des amendements déposés à l’article 1er, cette annexe étant non normative ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Plus spécifiquement, pour ce qui concerne l’amendement n° 74 rectifié de Sophie Taillé-Polian, cet avis est conforté par le fait que l’obligation tout à fait légitime de courtoisie des usagers semble en dehors du champ de la stratégie nationale, qui ne liste que des objectifs à destination de l’administration et de ses agents. Il serait bien dommage de devoir inscrire le respect au sein de cette annexe ; le respect, selon nous, a sa place dans la vie de tous les jours, et son apprentissage devrait faire partie de toute éducation digne de ce nom.
De la même manière, s’agissant de l’amendement n° 111 de notre collègue François Patriat, le principe d’autonomie qu’il défend semble déjà présent au quatrième alinéa de l’annexe visée.
Enfin, l’adoption de l’amendement n° 165 d’Élisabeth Lamure, tendant à conditionner l’entrée en vigueur d’une norme nouvelle applicable aux entreprises à la suppression d’une norme préexistante, semble poser un problème de constitutionnalité. Il s’agit en effet d’un principe ayant une véritable portée normative, mais qui restreint le champ de la loi et des règlements tels qu’ils sont respectivement définis aux articles 34 et 37 de la Constitution.
Comme je l’ai dit, la commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Pour ce qui concerne l’amendement n° 131, il faut d’abord saluer le travail de synthèse et de concision qui a été le vôtre, monsieur Bocquet, pour reformuler de manière peut-être plus ramassée, parfois aussi plus théorique, les grandes orientations définies dans la stratégie nationale d’orientation de l’action publique.
Toutefois, la rédaction que vous nous proposez paraît oublier certaines orientations qui, à nos yeux, sont essentielles, s’agissant notamment de l’évaluation de l’action publique, de la conception de son efficacité en termes de délais et de coûts, ou encore de la dématérialisation.
L’avis du Gouvernement ne saurait donc être favorable sur votre amendement, quand bien même vous avez travaillé à une rédaction plus ramassée.
Concernant l’amendement n° 74 rectifié de Mme Taillé-Polian, nous reprenons à notre compte les arguments de Mme la rapporteur.
Le respect et la courtoisie semblent devoir s’imposer à tous – ce serait l’idéal ; ce n’est, effectivement, pas toujours le cas.
De notre point de vue, si l’administration doit faire preuve de savoir-vivre à l’égard des usagers, l’inverse aussi doit être exigé. Cependant, nous avons un peu de mal à voir la déclinaison juridique ou opérationnelle de la disposition proposée. Nous préférons donc à ce stade émettre un avis défavorable sur l’amendement.
Je le rappelle, l’amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, a pour objet de traduire un des engagements du comité interministériel de la transformation publique, ou CITP, en matière de publication des résultats et d’un certain nombre d’indicateurs de qualité des services publics.
Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 111, faute de quoi l’avis serait défavorable : comme l’a souligné Mme la rapporteur, le premier volet, relatif à la promotion de l’autonomie des agents publics, est satisfait par l’alinéa 4 de la stratégie ; le second, relatif à la formation des agents, est, quant à lui, satisfait par l’alinéa 15. Nous faisons évidemment nôtres les objectifs, mais la rédaction actuelle du texte nous paraît satisfaisante.
Deux difficultés m’amènent à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 165.
D’une part, l’amendement nous paraît moins ambitieux que la circulaire et les instructions données par le Premier ministre visant à supprimer deux normes réglementaires pour la création d’une nouvelle. Les auteurs de l’amendement souhaitent limiter ce principe aux seules entreprises alors que la circulaire du Premier ministre vise tous les acteurs de la société civile. Au demeurant, l’amendement nous semble s’articuler difficilement avec l’autonomie du pouvoir réglementaire du Premier ministre.
D’autre part, le dispositif applicable aux normes législatives, qui sont également évoquées dans l’amendement, n’aurait pas de portée ; nous n’avons pas la possibilité de limiter ainsi l’initiative législative.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 69 rectifié. En effet, si nous sommes tout aussi déterminés que Mme Préville à accompagner la dématérialisation des démarches administratives avec une politique d’inclusion numérique, l’affectation des économies réalisées à tel ou tel type d’opérations heurterait les règles et exigences budgétaires et comptables applicables en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote sur l’amendement n° 74 rectifié.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je ne comprends pas bien la réponse de M. le secrétaire d’État, qui invoque le problème de la déclinaison juridique du concept d’exigence de respect et de courtoisie dans l’annexe. Comme Mme la rapporteur l’a souligné, on ne voit pas bien non plus la déclinaison juridique de l’annexe ! J’avoue ne pas saisir en quoi il serait problématique d’intégrer une notion dépourvue de portée juridique dans un texte qui n’en a pas non plus…
M. Julien Bargeton. Je retire l’amendement n° 111, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 111 est retiré.
Madame Lamure, l’amendement n° 165 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Je regrette que l’on m’ait apporté une réponse simplement technique sur un amendement soulevant un problème de fond.
Monsieur le secrétaire d’État, contrairement à ce que vous indiquez, notre amendement va plus loin que la circulaire. Nous précisons bien que la création d’une charge supplémentaire n’est possible que sous réserve de la suppression d’une charge « au moins équivalente ». C’est ce qui fait toute la différence et permet à notre amendement d’aller plus loin que la circulaire !
Et je suis vraiment étonnée de l’argument que vous m’opposez sur la constitutionnalité de la mesure. Je vous rappelle deux événements.
D’une part, le Sénat avait adopté au mois de janvier 2016, une proposition de loi constitutionnelle prévoyant déjà d’assortir toute mesure législative de charges nouvelles de la suppression de charges équivalentes. Nous étions bien dans le même esprit.
D’autre part, la semaine dernière, lors de l’examen de la proposition de loi organique de notre collègue Franck Montaugé, M. Sueur, alors rapporteur, avait émis un avis de sagesse sur l’un de mes amendements, lequel était identique à l’amendement n° 165. Il avait d’ailleurs été adopté par le Sénat de manière assez transversale. Je suis donc extrêmement surprise qu’une mesure soit inconstitutionnelle aujourd’hui alors qu’elle ne l’était pas la semaine dernière !
Je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 165.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote sur l’amendement n° 69 rectifié.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le secrétaire d’État, je suis tout de même un peu étonnée, voire choquée ! Comment pouvez-vous, dans ce débat qui commence sur la société de confiance, arguer que le déblocage de moyens pour permettre l’accès au service public des personnes qui en sont éloignées et rencontrent des difficultés avec les procédures dématérialisées se heurte aux orientations budgétaires ?
Puisque vous prétendez vouloir vous attaquer aux problèmes qui existent entre l’administration et les usagers – et le Défenseur des droits ne cesse de souligner que les procédures dématérialisées ont du mal à atteindre tous les publics –, il faut tout de même, me semble-t-il, prendre certaines situations en compte et mobiliser des moyens à la hauteur des enjeux !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous rappelez que nous sommes dans un « débat qui commence ». Or, dans un débat qui débute, on en fixe les conditions ; les mots ont un sens. Nous n’avons parlé ni de « déblocage de moyens » ni d’« orientations budgétaires ».
L’amendement n° 69 rectifié vise en fait l’affectation des résultats ; en termes comptables, cela a une signification. Je le répète, une telle disposition est contraire aux exigences et règles budgétaires, en particulier la non-affectation et la non-spécialisation des recettes.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l’ensemble constitué par l’article 1er et l’annexe.
(L’article 1er et l’annexe sont adoptés.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 95 rectifié ter, présenté par Mme Lamure, MM. D. Laurent et Forissier, Mme Eustache-Brinio, MM. Pellevat, Mouiller et Nougein, Mmes Di Folco, M. Mercier et Puissat, MM. Danesi, Magras et Guené, Mme Bruguière, M. Bouchet, Mmes Lassarade et Troendlé, MM. Leleux, Revet et Savary, Mme Dumas, M. Lefèvre, Mme Morhet-Richaud, MM. de Nicolaÿ, Milon et Saury, Mme Estrosi Sassone, M. Chaize, Mme Berthet, MM. Daubresse et Rapin, Mmes Imbert, Deromedi et Canayer, MM. Cuypers et Bazin, Mme Deroche, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Perrin, Raison, Grand et Kennel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions de simplification et de réduction des délais administratifs ne sont traitées que dans le cadre d’un texte sectoriel ; aussi, chaque texte sectoriel est assorti d’un volet dédié à la réduction de ces délais.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise à mettre fin aux textes de simplification, qui ont trop souvent pour conséquence d’éclater les problématiques des secteurs concernés. Il s’agit donc de traiter le volet simplification et réduction des délais administratifs dans le cadre exhaustif et cohérent des textes sectoriels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les dispositions visant à réduire les délais administratifs ne doivent être prises que dans des textes sectoriels et que chaque texte sectoriel doit en comporter.
Je partage la volonté de ne prendre que des mesures adaptées à chaque secteur concerné pour éviter l’éclatement des problématiques. Mais nous constatons que l’amendement présenté pose des problèmes, notamment d’ordre constitutionnel ; j’en suis désolée, madame Lamure. (Sourires.)
Pour les dispositions réglementaires applicables en matière de droit des entreprises, l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence de restreindre le champ du pouvoir réglementaire tel qu’il est défini à l’article 37 de la Constitution, ce qui semble inconstitutionnel.
Pour ce qui est des dispositions législatives, l’amendement serait inopérant, puisque n’importe quelle loi postérieure pourrait y déroger.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement ou, à défaut, émettra un avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.
Madame Lamure, dans la discussion générale, j’ai souligné la volonté du Gouvernement d’accompagner chaque texte sectoriel d’un volet simplification. Nous partageons donc les mêmes objectifs. Mais je souscris aux arguments de Mme la rapporteur sur la rédaction de l’amendement proposé.
M. le président. Madame Lamure, l’amendement n° 95 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre volonté d’inclure des mesures de simplification dans chaque texte. J’espère qu’il s’agit d’un engagement de votre part. En tout cas, je le prends comme tel, ce qui me permet de retirer mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 95 rectifié ter est retiré.
TITRE Ier
UNE RELATION DE CONFIANCE : VERS UNE ADMINISTRATION DE CONSEIL ET DE SERVICE
Chapitre Ier
Une administration qui accompagne
Article 2
I. – Le code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° L’intitulé du titre II du livre Ier est ainsi rédigé : « Les procédures préalables à l’intervention de certaines décisions » ;
2° Le même titre II est complété par des chapitres III et IV ainsi rédigés :
« CHAPITRE III
« Droit à régularisation en cas d’erreur
« Art. L. 123-1. – Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration, qui y est tenue, dans le délai que celle-ci lui a indiqué.
« La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude.
« Les premier et deuxième alinéas ne sont pas applicables :
« 1° Aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne ;
« 2° Aux sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement ;
« 3° Aux sanctions prévues par un contrat ;
« 4° Aux sanctions prononcées par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle.
« Art. L. 123-2. – Au sens du présent titre :
« 1° Est de mauvaise foi, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation ;
« 2° A procédé à des manœuvres frauduleuses, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation et mis en œuvre des procédés destinés à masquer cette méconnaissance ou à la présenter sous la forme d’une opération régulière, dans le but de faire obstacle au pouvoir de contrôle et de vérification de l’administration.
« En cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi et de la fraude incombe à l’administration.
« CHAPITRE IV
« Droit au contrôle et opposabilité du contrôle
« Art. L. 124-1. – Sans préjudice des obligations qui lui incombent, toute personne peut demander à faire l’objet d’un contrôle prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. La demande précise les points sur lesquels le contrôle est sollicité.
« L’administration procède à ce contrôle dans un délai maximum de six mois, sauf en cas de mauvaise foi du demandeur, de demande abusive ou lorsque la demande a manifestement pour effet de compromettre le bon fonctionnement du service ou de mettre l’administration dans l’impossibilité matérielle de mener à bien son programme de contrôle.
« Art. L. 124-2. – Sous réserve des droits des tiers, toute personne contrôlée peut opposer les conclusions expresses d’un contrôle effectué en application de l’article L. 124-1 à l’administration dont elles émanent, dès lors que celle-ci a pu se prononcer en toute connaissance de cause.
« Ces conclusions expresses cessent d’être opposables :
« 1° En cas de changement de circonstances de droit ou de fait postérieures de nature à affecter leur validité ;
« 2° Lorsque l’administration procède à un nouveau contrôle donnant lieu à de nouvelles conclusions expresses.
« Les dispositions qui précèdent ne peuvent faire obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement.
« Lorsque l’administration constate, à l’issue de son contrôle, une méconnaissance des règles applicables à la situation de la personne contrôlée, celle-ci peut régulariser sa situation dans les conditions prévues aux articles L. 123-1 et L. 123-2. » ;
3° Après la quatorzième ligne du tableau constituant le second alinéa des articles L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1, sont insérées trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 123-1 |
Résultant de la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance |
|
L. 123-2 |
Résultant de la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance |
||
L. 124-1 et L. 124-2 |
Résultant de la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance |
» |
II. – (Non modifié) L’article L. 124-2 du code des relations entre le public et l’administration est applicable aux contrôles initiés à compter de la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.
M. Julien Bargeton. Nous voici parvenus au cœur du réacteur ! S’il ne restait qu’un article dans ce texte, je voterais celui-là : c’est celui qui instaure le droit à l’erreur.
Il s’agit, je le pense, d’un vrai changement dans la conception entre les citoyens et l’administration. C’est l’idée que l’on peut évidemment commettre une erreur de bonne foi. La charge de la preuve est en quelque sorte inversée ; c’est à l’administration de dire que l’erreur a été commise de mauvaise foi, et l’usager n’encourt pas systématiquement une sanction pour un manquement commis de bonne foi. Cela me paraît extrêmement important.
Mais nuançons ! Certains champs, comme la sécurité ou l’environnement, sont exclus du dispositif. Ce sont, vous le savez, des champs extrêmement importants. Cela permet d’encadrer ce changement.
Je salue d’ailleurs l’amendement adopté à l’Assemblée nationale sur l’initiative du groupe La France insoumise qui précise que le droit à l’erreur s’applique seulement pour la première fois. Cela me paraît de bon aloi ; il ne s’agit évidemment pas d’accepter des erreurs répétitives dans le même secteur. Les erreurs concernées sont des erreurs susceptibles d’être corrigées et régularisées.
C’est pourquoi mon groupe soutient très fortement cet article, ainsi que la vision qui le sous-tend.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.
Mme Patricia Schillinger. À l’occasion de la discussion et du vote de l’article qui consacre le droit à rectification d’une erreur auprès de l’administration, je tiens à évoquer la situation particulière des travailleurs frontaliers, notamment ceux qui exercent en Suisse.
La législation encadrant leur situation et leur statut est particulièrement complexe. Elle fait intervenir le droit français, le droit suisse, ainsi que le droit international et européen. Ces travailleurs sont donc, par nature, exposés à un risque élevé de commettre des erreurs dans leurs rapports avec les administrations françaises.
La ministre des solidarités et de la santé a d’ailleurs porté devant la Cour de cassation une procédure pour statuer sur les conflits d’affiliation aux organismes de sécurité sociale ; nous attendons sous peu l’arrêt de la Cour.
Avec ce nouveau droit à l’erreur, permettez-moi d’espérer que les frontaliers bénéficieront de toute la bienveillance de l’administration et que la recherche de solutions amiables guidera plus que jamais à l’avenir l’action des services concernés par ces questions techniquement complexes, mais qui plongent les personnes dont il s’agit dans des situations humainement inacceptables.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l’article.
M. Olivier Cadic. La fiscalité française est à la fois incohérente, arbitraire et inique. Ce n’est pas nouveau. Notre prix Nobel d’économie Maurice Allais fustigeait déjà en 1977 le « pouvoir réellement exorbitant des administrations technocratiques », en regrettant que la fiscalité « échappât au contrôle démocratique du Parlement ».
Nous sommes désormais face à l’extrême complexité du maquis fiscal, source d’insécurité juridique.
Qui veut s’en convaincre n’a qu’à consulter ces énormes volumes ! (L’orateur brandit plusieurs ouvrages.) Et encore : je n’en ai amené qu’un échantillon ; il faudrait faire de la musculation pour pouvoir tous les porter !
Afin de ne pas faire d’erreur, un contribuable peut solliciter l’administration fiscale pour valider un montage. L’administration a trois mois pour répondre. Si elle ne le fait pas, cela n’a aucune conséquence. Le problème reste entier pour le contribuable. J’avais proposé un amendement pour le résoudre : si l’administration fiscale ne répondait pas au bout de trois mois, comme prévu par les textes, cela valait accord ; le contribuable pouvait alors agir en confiance et en sécurité.
Mon amendement a été déclaré irrecevable au motif que son adoption « créerait une contrainte supplémentaire pour l’administration qui n’est pas absorbable à effectif constant ». Il ne sera donc pas discuté en vertu de l’article 40 de la Constitution, et au prétexte que son adoption créerait une charge supplémentaire pour l’État. J’y vois d’abord une énième atteinte à l’exercice du droit d’initiative parlementaire et au principe de la légalité fiscale, qui, par application de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, voudrait que le Parlement dispose d’une compétence exclusive en matière fiscale.
Si je vous suis bien, vous n’avez pas assez d’effectifs pour répondre dans les trois mois aux contribuables qui vous sollicitent, mais vous en avez suffisamment pour les contrôles fiscaux a posteriori ! Vous en avez même tellement que vous proposez de vous limiter à neuf mois de contrôle fiscal pour une PME tous les trois ans. Après vingt et un ans d’exercice au Royaume-Uni, je n’ai eu qu’un contrôle pour ma PME, et il a duré une journée !
Pour créer une société de confiance, il aurait fallu que l’État choisisse de prévenir les erreurs plutôt que de les provoquer en entretenant une fiscalité incompréhensible.
Ce que nous faisons actuellement ici ne saurait créer les conditions d’une société de confiance. Cela participe plutôt au harcèlement textuel (Exclamations.) qui alimente une société de défiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 138, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, le respect des normes internationales et des dispositions d’ordre public du droit du travail
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Il convient, selon nous, de délimiter les conditions d’application du droit à l’erreur avec le maximum de précision, ainsi que d’en fixer les usages.
Le projet de loi prévoit une série d’exceptions à la règle. Ainsi en est-il du droit de l’Union européenne ou de la sécurité des personnes et des biens.
Par cohérence avec l’état actuel du droit, nous proposons d’ajouter à la liste des infractions n’ouvrant pas droit à l’exercice du droit à l’erreur celles qui concerneraient les atteintes, parfois commises de manière intentionnelle, aux droits tout à fait élémentaires des salariés. Il est vrai que les avancées en matière de droit du travail ont été pour le moins limitées ces derniers temps…
Prenons un exemple concret : un exploitant agricole n’aurait ainsi pas le droit à l’erreur quand il s’agirait de remplir un dossier de subvention au titre de la politique agricole commune, mais il pourrait être considéré comme fautif de bonne foi pour peu qu’il ait omis de déclarer correctement quelques-uns des travailleurs saisonniers qui l’auraient aidé, par exemple pour la récolte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter à la liste des exceptions au droit à l’erreur les sanctions prononcées en méconnaissance des normes internationales et des dispositions d’ordre public du droit du travail.
En réalité, il est satisfait par le droit existant eu égard à la hiérarchie des normes, comme cela a été indiqué lors des débats en commission. Le droit international prime en effet le droit national sans qu’il soit nécessaire de l’expliciter, et il en va de même pour les dispositions législatives d’ordre public, auxquelles il ne peut pas être dérogé.
En conséquence, les dispositions relatives au droit à l’erreur ne s’appliquent pas lorsque des obligations résultant d’une convention internationale s’y opposent, par exemple en matière de droit du travail.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons supprimé à ce même article 2, pour le droit au contrôle, une référence inutile au respect des conventions internationales.
De toute manière, monsieur Bocquet, dans votre exemple, l’agriculteur aurait le droit à l’erreur pour une première fois s’il est de bonne foi.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission, pour les raisons liées à la hiérarchie des normes qui viennent d’être rappelées.
Nous considérons même que l’introduction d’une telle mention, comme vous le proposez, monsieur le sénateur, gâcherait la lisibilité du texte. De toute manière, comme Mme la rapporteur l’a rappelé, le texte s’appliquera dans le respect du droit international, conformément à la hiérarchie des normes.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. L’amendement n° 128, présenté par Mme Préville, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exception de la déclinaison de la politique agricole commune laissée à l’appréciation des États membres
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Le présent projet de loi exclut de l’application du droit à l’erreur les règles issues du droit européen. Or, dans le cas de la politique agricole commune, la PAC, il existe plusieurs volets qui sont définis par les États membres.
Chaque année, pour bénéficier des aides financières européennes de la PAC, les agriculteurs doivent remplir des dossiers de demande rédigés par notre administration et nos services français dans lesquels il n’est pas rare de se perdre. Les nouveaux dispositifs de la PAC impliquent des dossiers de plus en plus complexes, et les formulaires demandent un haut degré de précisions. Le travail quotidien de nos agriculteurs est rude, prenant. Vous le savez, ils n’ont aujourd’hui ni forcément le temps ni l’appui technique pour remplir ces dossiers.
Cet amendement vise donc à considérer que, pour ces volets définis par les États membres, en l’occurrence ceux qui relèvent des décisions de l’État français, le droit à l’erreur peut s’appliquer.
Pouvez-vous nous confirmer que, s’il est prouvé qu’il s’agit d’une procédure française, établie par le pouvoir réglementaire ou législatif, le droit à l’erreur s’applique pour l’agriculture comme pour toute autre activité ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à inclure complètement la politique agricole commune dans le champ du droit à l’erreur.
Or, eu égard à la hiérarchie des normes, comme le précise l’article 2, sont exclues du droit à l’erreur les sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, ce qui recouvre les hypothèses dans lesquelles l’administration est tenue de prononcer une sanction sans disposer d’une marge d’appréciation, faute de quoi elle méconnaîtrait une obligation qui lui incombe en vertu du droit de l’Union européenne.
À cet égard, concernant la politique agricole commune, et comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi, le droit européen procède à une harmonisation des contrôles et des sanctions, les États membres ne disposent ainsi d’aucune marge d’appréciation dans l’application des sanctions. Tout comme vous, je le regrette évidemment.
La commission sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage une telle préoccupation, mais elle est déjà satisfaite.
En effet, ne sont exclus du droit à l’erreur que les cas émanant de règles européennes pour l’application desquelles la France ne dispose pas de marge d’appréciation pour prononcer la sanction.
Par conséquent, pour les agriculteurs, que vous évoquez, c’est seulement lorsque l’État membre n’a pas d’autre choix que d’infliger une sanction au titre de la politique agricole commune que le droit à l’erreur ne s’applique pas.
En revanche, chaque fois que les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans le prononcé d’une sanction, les agriculteurs pourront faire jouer leur droit à l’erreur.
J’ajoute que cette exception vaut pour la PAC, comme pour toute autre réglementation européenne.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’ai suivi ces échanges avec intérêt. Mes chers collègues, ceux d’entre nous qui sont élus de départements ruraux sont régulièrement interpellés par des agriculteurs sur des formulaires mal remplis, des erreurs commises de bonne foi. Dans nos départements, cela fait partie du quotidien.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai trouvé votre réponse très intéressante. Mais il va tout de même falloir communiquer sur ce point ! Car, une fois que l’article aura été adopté, lorsque nous aurons la garantie que le droit à l’erreur s’appliquera – c’est le sens de votre propos –, il faudra qu’il soit appliqué de manière identique dans nos départements et par toutes les administrations relevant du ministère de l’agriculture. Or ce n’est pas gagné…
Les différences de traitement en matière agricole selon les départements sont terribles ! Et je ne parle même pas de la police de l’eau, qui est totalement kafkaïenne !
Le texte va être voté de manière transversale ; je rejoins ce que Mme Lamure disait tout à l’heure. L’agriculture sera concernée. Or, dans ce secteur, les gens sont frappés de plein fouet : toutes les déclarations s’effectuent de manière dématérialisée, avec une technicité de plus en plus grande ; Mme Préville vient de la rappeler.
Votre réponse est satisfaisante, mais elle nécessitera tout de même, me semble-t-il, un peu d’explication de texte !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je partage ce qui vient d’être indiqué. Je ne connais pas un seul sénateur dans un seul département qui n’ait pas été interpellé par des agriculteurs, dont certains ont même perdu le bénéfice de la totalité des aides versées dans le cadre de la PAC simplement parce qu’ils avaient oublié de cocher une case !
J’entends la réponse de M. le secrétaire d’État, mais il faut être plus clair. Nous avons besoin de certitudes ! Qu’un homme ou une femme soit exclu de toutes les mesures d’accompagnement de la PAC parce qu’il a oublié de mettre une croix dans une case, c’est quand même un peu fort !
Je pense que l’agriculture mérite d’être concernée, comme les autres secteurs, par le droit à l’erreur, à plus forte raison lorsque l’erreur n’était pas intentionnelle et ne relevait pas d’une fraude. On peut faire des erreurs ; c’est la vie. Et il me paraît important de prendre encore en considération ce qui peut se passer dans la vie, y compris dans celle des professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 128.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 202 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Duplomb, Mouiller et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Vaspart, Pillet et Cornu, Mmes Bruguière, Thomas, Chain-Larché, Deromedi et Estrosi Sassone, MM. Guené et Pellevat, Mme Lamure, M. Bas, Mme Di Folco, M. Bazin, Mme Duranton, MM. Bonne, Danesi, Chatillon et Grand, Mmes Lopez et Garriaud-Maylam, MM. Émorine, Rapin, Paul, Kennel, Pointereau, Daubresse et Pierre, Mme Canayer et MM. Revet, Cuypers, Priou, B. Fournier, de Nicolaÿ, Lefèvre, Leroux, Poniatowski et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf dans les cas prévus à l’article L. 171-7, au I de l’article L. 171-8 et aux V et VI de l’article L. 514-6 du code de l’environnement
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise tout simplement à intégrer l’environnement dans le champ d’application du droit à l’erreur.
Autant on peut en discuter pour la santé ou la sécurité des personnes, autant il serait grave que l’environnement ne soit pas concerné par le droit à l’erreur, surtout quand celle-ci n’est pas intentionnelle.
Au demeurant, depuis 2017, il y a eu une adaptation des textes, et les trois champs, c’est-à-dire la santé, la sécurité et l’environnement, ont été concernés. Cette adaptation a permis à l’administration compétente de traiter les cas où un problème se posait, notamment en matière environnementale. L’administration pouvait ainsi accorder un délai à l’exploitant pour lui permettre de régulariser sa situation, par exemple au regard des règles applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE. Le texte prévoyait d’ailleurs que le délai ne pouvait pas excéder un an.
Il serait, là aussi, très regrettable de faire marche arrière et de ne pas reconnaître le droit à l’erreur en matière environnementale, en interdisant à un exploitant de bénéficier d’un délai pour régulariser sa situation en accord avec l’administration compétente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à inclure certaines dispositions du code de l’environnement dans le champ d’application du droit à l’erreur sans aucune restriction.
Or les exceptions au droit à l’erreur sont limitées par l’article 2 à la méconnaissance de règles préservant directement la santé publique, l’environnement ou la sécurité des personnes ou des biens.
Comme je l’ai indiqué lors de l’examen du texte par la commission spéciale, il me semble que l’exclusion du champ du droit à l’erreur d’atteintes directes à ces règles permet à la fois de préserver ces intérêts fondamentaux tout en encadrant le champ des exceptions. En conséquence, seules les atteintes directes à l’environnement sont exclues du droit à l’erreur.
L’adoption du présent amendement reviendrait à prévoir des exceptions aux exceptions au droit à l’erreur en matière d’environnement, ce qui ne me paraît pas pertinent.
Par ailleurs, les dispositions du code de l’environnement visées ne pourraient pas forcément entrer dans le champ d’application du droit à l’erreur, qui ne concerne que les procédures dans lesquelles les usagers sont susceptibles de faire l’objet d’une sanction pécuniaire ou d’une suspension de prestation. Par exemple, le paragraphe I de l’article L. 171-8 du code de l’environnement prévoit une procédure de mise en demeure de respect des règles du code, dont des dispositions en cas d’urgence visant à prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l’environnement, qui seraient de toute façon exclus du droit à l’erreur.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
L’amendement proposé vise à étendre l’application du dispositif transversal sur le droit à l’erreur aux sanctions appliquées dans le cadre du code de l’environnement. Les articles de police dont il est question sont transverses à tout le code de l’environnement et ne s’appliquent pas qu’aux installations classées
Or ces articles permettent aux sanctions en matière d’environnement d’être effectives et conformes aux exigences européennes tout en préservant la possibilité de régularisation par l’administré concerné. En effet, ils précisent que ces sanctions ne peuvent intervenir qu’après le non-respect d’une mise en demeure, et à l’issue d’une phase contradictoire.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, dont l’adoption aurait pour conséquence d’affaiblir les polices de l’environnement sans réellement présenter d’intérêt pour les exploitants de bonne foi, qui peuvent déjà régulariser leur situation sans encourir de sanction après la mise en demeure.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je soutiens l’amendement de M. Gremillet. Comme nous l’avons vu tout à l’heure, de nombreux exemples dans le secteur agricole plaident en ce sens. Je ne vous en donnerai qu’un seul : le code de l’environnement impose une distance de retrait du ruisseau en cas d’utilisation d’un produit phytosanitaire.
Or le fonctionnaire qui vient mesurer cette distance peut prendre comme référence le bord du ruisseau, c’est-à-dire de l’eau, ou le bord du lit du ruisseau, ce qui peut être très différent selon la saison : dans un cas, la distance peut s’élever, par exemple, à cinq mètres ; dans l’autre, si l’on est au mois d’août et qu’il y a peu d’eau, elle peut atteindre le double.
Cet amendement pourrait régler ce type de problème de différence d’interprétation au titre du droit à l’erreur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. L’alinéa 10 de l’article 2 exclut du droit à régularisation en cas d’erreur la santé publique, la sécurité des personnes et des biens, mais il faut absolument prendre en considération et laisser dans le dispositif l’aspect environnemental. C’est l’objet de cet amendement. C’est pourquoi je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 202 rectifié.
(L’amendement est adopté.) - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 132, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 28
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Selon l’exposé des motifs, le Gouvernement entend privilégier le dialogue et le conseil au détriment du contrôle et de la sanction et renforcer la sécurité juridique des personnes, mais le Conseil d’État estime, de son côté, qu’en créant une procédure supplémentaire sans simplifier les normes et les procédures existantes, le mécanisme du droit au contrôle ne répond que très imparfaitement à cet objectif.
Ce dispositif, dont le champ d’application est extrêmement vaste, pourrait porter atteinte au bon fonctionnement de l’administration, dès lors qu’il prévoit que celle-ci est tenue de faire droit à cette demande dans un délai raisonnable, sans tenir suffisamment compte de ses moyens et effectifs. Le Conseil d’État relève que les moyens des services de l’État ont souvent été fortement réduits et ne leur permettent pas toujours d’assumer leurs missions premières, au risque d’exposer la responsabilité de l’État, ainsi que celle de ses agents sur le plan pénal.
Prenons l’exemple de l’administration fiscale, dont les équipes de vérificateurs procèdent, bon an mal an, à la réalisation de plus de 40 000 contrôles sur place. De son côté, le contrôle sur pièces est important : par exemple, il concerne plus ou moins 570 000 articles au titre de l’impôt sur le revenu, ce qui peut représenter beaucoup, mais concerne in fine moins de 2 % des articles.
M. le président. L’amendement n° 201 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Duplomb, Mouiller et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Vaspart, Pillet et Cornu, Mmes Bruguière, Thomas, Chain-Larché, Deromedi et Estrosi Sassone, MM. Guené et Pellevat, Mmes Lamure et Di Folco, M. Bazin, Mme Duranton, MM. Bonne, Chatillon et Grand, Mmes Lopez et Garriaud-Maylam, MM. Émorine, Rapin, Paul, Kennel, Pointereau, Daubresse et Pierre, Mme Canayer et MM. Revet, Cuypers, Priou, B. Fournier, de Nicolaÿ, Babary, Lefèvre, Poniatowski et Laménie, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas de contrôle réalisé par l’organisme mentionné à l’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale auprès d’entreprises ayant moins d’un an d’existence, il ne peut être procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, sauf lorsque l’irrégularité résulte d’une intention frauduleuse de l’employeur. Celui-ci doit se mettre en conformité pour l’avenir. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’amendement n° 132 supprime le droit au contrôle au bénéfice des usagers prévu par l’article 2.
Je souscris comme vous, mon cher collègue, aux arguments du Conseil d’État que vous évoquez et que j’ai d’ailleurs relevés dans le rapport de la commission spéciale, à savoir le manque de précision des dispositions proposées et l’absence de véritable étude de leur impact.
Toutefois, nous n’avons pas proposé de supprimer ce dispositif, dans la mesure où nous partageons l’objectif final de simplifier les relations des usagers avec l’administration dans le respect du droit.
La commission spéciale a d’ailleurs adopté deux amendements en ce qui concerne le droit au contrôle.
En premier lieu, elle a fixé un délai maximum de six mois dans lequel l’administration doit procéder au contrôle, afin de rendre le dispositif plus attractif et opérationnel. Si une entreprise ou un particulier souhaite bénéficier d’un contrôle, c’est afin de sécuriser sa situation juridique dans les meilleurs délais. L’administration pourra d’ailleurs toujours refuser le contrôle de façon discrétionnaire, s’il conduit à compromettre son bon fonctionnement.
En second lieu, la commission spéciale a souhaité sécuriser l’opposabilité des conclusions expresses rédigées par l’administration à l’issue du contrôle, en prévoyant qu’elles ne sont opposables que si elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, reprenant une formulation de l’article 4 du projet de loi.
C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 201 rectifié, il tend à inclure le contrôle à blanc, actuellement proposé par les URSSAF, au sein du droit au contrôle prévu à l’article 2.
Mon cher collègue, votre souhait est pleinement satisfait par l’article, puisque, comme nous l’ont confirmé tant la direction de la sécurité sociale que les responsables de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ce dispositif, dit de visite-conseil, est légalisé par le droit au contrôle, qui s’appliquera bien dans le champ des contrôles opérés par l’URSSAF. De plus, il concernera désormais toutes les entreprises, et non pas seulement celles ayant moins d’un an d’existence.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Sur l’amendement n° 132 déposé par M. Bocquet, l’avis est défavorable, puisque le Gouvernement est attaché à la mise en place du droit au contrôle. Sinon, nous ne l’aurions pas intégré dans le texte ! Nous considérons que les inquiétudes évoquées peuvent être levées par l’organisation des services. Vous ne serez donc pas surpris que l’avis du Gouvernement soit défavorable.
Par ailleurs, pour les mêmes raisons que celles exposées à l’instant par Mme la rapporteur, nous demandons le retrait de l’amendement de M. Gremillet. Sachez que les dispositions proposées poseraient même des difficultés en cas de rétablissement d’une situation. On ne peut pas concevoir que les entreprises soient non seulement accompagnées dans leur première année d’existence, mais qu’en plus, elles bénéficient d’une exonération totale de toute forme de sanction. Je vous rappelle que la sanction vise à corriger et peut être soit négative soit positive : il arrive que les URSSAF restituent des montants aux entreprises, cela représente quelques centaines de millions d’euros chaque année.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 201 rectifié. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 132.
Mme Nathalie Goulet. Dans le cadre de leur droit d’amendement – droit que nous n’allons peut-être plus pouvoir exercer très longtemps… –, nos collègues nous proposent de supprimer une série d’alinéas, en reprenant les motifs – légitimes – invoqués par le Conseil d’État : pas suffisamment de moyens et pas de bonnes conditions de mise en œuvre.
Nous sommes au cœur de la dialectique entre liberté réelle et liberté formelle. Finalement, le Parlement va voter un texte qui n’est pas parfait, selon Mme le rapporteur, mais qui va quand même permettre de faire mieux… Je ne comprends pas très bien ce processus et j’aimerais bien qu’on me l’explique !
Cette mesure, qui repose sur des promesses qui ne pourront pas être tenues, ne respecte pas les préconisations du Conseil d’État et nous allons quand même la voter, alors qu’elle est – tout le monde le sait – éminemment insuffisante !
S’il s’agit de continuer à discréditer le travail des parlementaires, nous n’avons qu’à continuer à voter en urgence des textes mal ficelés, pour lesquels aucun moyen financier ou humain n’est prévu ! C’est la fin programmée des droits du Sénat, et du Parlement en général !
Mme Françoise Férat. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’amendement n° 132 tend à supprimer le droit au contrôle, qui constitue pourtant un droit supplémentaire pour les usagers par rapport à ceux qui existent déjà. Or, la commission spéciale a justement voulu améliorer les droits des usagers.
Il sera peut-être difficile pour l’administration – Bercy en particulier, dont les moyens et effectifs sont contraints – de le mettre en œuvre, mais avec cet argument, nous ne pourrions plus rien décider !
Il faut maintenir ce droit au contrôle. C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement de suppression.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 201 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. J’ai bien entendu les propos de Mme le rapporteur et de M. le secrétaire d’État. Dès lors que j’ai la certitude que le contrôle à blanc permet aux entreprises d’être protégées, de pouvoir régulariser leur situation et d’éviter ce stress, qu’elles vivent mal, je retire cet amendement.
C’est un point important à préciser, parce que beaucoup d’entreprises sont démarchées aujourd’hui par des sociétés de conseil pour réaliser ces contrôles dits à blanc. Il est judicieux et raisonnable de clarifier cette situation. Les précisions apportées par notre rapporteur me permettent donc de retirer sereinement cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 201 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote sur l’article.
Mme Sophie Taillé-Polian. Le groupe socialiste et républicain ne s’opposera pas à cet article. Nous le voterons, car il ouvre de nouveaux droits : droit à l’erreur, droit au contrôle et droit à l’opposabilité du contrôle.
Cependant, nous notons que le manque de moyens risque de poser des problèmes à l’administration en termes de hiérarchisation des priorités.
Par ailleurs, je ne peux que m’étonner, pour le regretter, du fait que la commission spéciale ait jugé irrecevable un amendement que j’avais déposé avec plusieurs collègues, alors même qu’il portait réellement sur une question de confiance de notre société dans l’action publique et d’opposabilité d’un contrôle déjà effectué. Cet amendement proposait la mise en place d’un récépissé en cas de contrôle d’identité d’un citoyen.
La lutte contre les discriminations est la grande absente de ce projet de loi et la proposition que j’avais formulée relevait pleinement de la question du rapport entre les usagers et l’administration et de la confiance de la société envers l’État.
M. Victorin Lurel. Très juste !
Mme Sophie Taillé-Polian. J’avoue ne pas bien comprendre la décision de la commission spéciale à ce sujet. Elle ne nous empêchera toutefois pas de voter cet article du projet de loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Bargeton, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° de l’article L. 312-1-1 du code des relations entre le public et l’administration est complété par les mots : « , notamment les informations ou documents relatifs à la description ou l’analyse de leur relation avec les usagers et à l’évaluation de la qualité du service public ».
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Dans le cadre des dispositions visant à moderniser les relations entre les usagers et l’administration, une partie importante vient modifier la façon dont les décisions sont prises.
Ce principe de codécision a un pendant, la transparence, et nous avons déposé un amendement qui vise à la renforcer, en rendant publiques dans certaines conditions toutes les enquêtes de satisfaction réalisées à la demande d’une administration. Ces enquêtes peuvent concerner les attentes des usagers ou le service rendu par l’administration.
Chacun a pu lire, dans la presse, des articles sur le classement de certains services publics – hôpitaux, collèges… Nous souhaitons objectiver ces données, en permettant aux usagers d’avoir accès aux enquêtes réalisées. Cette publication permettra aussi aux administrations d’identifier des difficultés et de les aider, en toute bonne foi, à les corriger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Le présent amendement inclut à l’article L. 312-1-1 du code des relations entre le public et l’administration les enquêtes de satisfaction des usagers de l’administration parmi les documents devant être rendus publics par cette dernière.
Si j’adhère tout à fait à l’objectif de mesure des résultats de l’administration, notamment grâce à l’évaluation de la satisfaction des usagers – démarche qui nous avait d’ailleurs été présentée par la direction interministérielle de la transformation publique –, cet amendement m’apparaît satisfait par le droit en vigueur.
En effet, les administrations concernées doivent déjà publier ces enquêtes de satisfaction, puisqu’elles rentrent dans le champ d’application du 4° de l’article L. 312-1-1, que l’amendement veut modifier. En effet, il s’agit bien de données « dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental », catégorie expressément visée par ce 4°.
De plus, il serait incohérent de citer un exemple de document pouvant être publié en omettant les autres, ce à quoi aboutirait in fine cette proposition.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement regarde avec beaucoup d’intérêt la proposition de M. Bargeton.
En effet, nous sommes plutôt enclins à partager la piste d’une publication des résultats et des indicateurs de performance. Nous l’avons montré avec le dépôt de deux amendements : l’un sur la stratégie nationale d’orientation pour les services publics, dont nous avons précédemment discuté et qui prévoit cette publication ; l’autre, qui porte sur l’article 15 et selon lequel l’ensemble des services publics devront publier un certain nombre d’indicateurs d’ici à 2021.
Toutefois, la rédaction de cet amendement nous pose une difficulté, puisque, comme le disait Mme la rapporteur à l’instant, l’amendement renvoie essentiellement à des analyses quantitatives ou à des rapports d’enquête ou de satisfaction, alors que nous considérons que la priorité serait plutôt de construire les indicateurs de qualité et de performance à même d’être publiés.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis de sagesse sur cet amendement. Il estime en particulier que la nature des données qui doivent être publiées doit être affinée.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis A (nouveau)
Après le chapitre III du titre unique du livre Ier du code général des collectivités territoriales, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE III BIS
« Droit à régularisation en cas d’erreur
« Art. L. 1113-8. – Par dérogation à l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et l’administration, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent se prévaloir du droit à régularisation en cas d’erreur prévu au chapitre III du titre II du livre Ier du même code, dans leurs relations avec les administrations de l’État, ses établissements publics administratifs ainsi que les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale. »
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement vise à supprimer l’article 2 bis A. Tel qu’il est conçu, le droit à l’erreur tend à renforcer la confiance du public dans les administrations ; c’est pourquoi il est inséré dans le code des relations entre le public et l’administration.
En faire bénéficier les collectivités locales au même titre que les usagers brouillerait l’objectif clairement affiché de cette réforme, qui s’adresse aux usagers dans leurs relations avec toutes les administrations, et non aux relations entre administrations elles-mêmes qui ne peuvent pas être mises sur le même plan.
Par ailleurs, on pourrait aussi se demander pourquoi ce droit ne serait étendu qu’aux relations entre l’État, entendu au sens large, et les collectivités territoriales, et pas aux relations entre collectivités territoriales elles-mêmes.
De la même manière, rien ne nous paraît justifier que ce droit à l’erreur ne s’exerce qu’au profit des collectivités territoriales, et non pas également à celui de l’État.
Enfin, il nous paraît concrètement difficile de percevoir quelles situations particulières justifieraient l’extension de ce droit en dehors des relations entre les administrations et les usagers.
Pour ces raisons, le Gouvernement propose et souhaite la suppression de l’article 2 bis A.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cette disposition a été introduite à l’unanimité par la commission spéciale sur l’initiative de notre collègue Sylvie Vermeillet.
En effet, tout comme les usagers, les collectivités territoriales et leurs groupements ont aussi besoin du regard bienveillant de l’État et des organismes de sécurité sociale dans le cadre des missions qu’ils doivent accomplir au quotidien et des procédures qu’ils doivent engager dans des conditions parfois difficiles.
Je ne considère pas que cette mesure risquerait de diluer le dispositif initial, dans la mesure où elle s’appliquerait dans les mêmes conditions que celles de l’article 2, c’est-à-dire dans les hypothèses où les collectivités territoriales sont, de fait, dans la situation d’usagers de l’administration de l’État ou des organismes de sécurité sociale. Typiquement, je pense aux demandes de subventions.
Par ailleurs, si effectivement le rôle de conseil des préfectures auprès des collectivités territoriales est indispensable, les services de l’État n’ont plus forcément les moyens d’apporter l’appui juridique et l’expertise suffisants, notamment aux plus petites communes, qui sont souvent démunies face à la complexité et à la multiplicité des procédures.
Je rappelle que les petites communes n’ont pas les moyens de recruter des juristes et des agents administratifs suffisamment formés sur toutes ces questions complexes. Il convient donc de les aider.
C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je suis tout à fait hostile à cet amendement de suppression. La commission spéciale a très bien fait d’ajouter cet article et, si le Sénat ne protège pas les collectivités, je ne vois pas qui le fera !
Si M. le secrétaire d’État ne voit pas dans quelles circonstances cette disposition pourrait s’appliquer, je l’encourage chaudement à venir dans un département rural comme le mien, où il n’y a plus de trésorerie, où les sous-préfectures ne sont pas ouvertes aux élus, où on règle à peu près tout par téléphone et où on a des problèmes avec la fonction publique territoriale.
Ces difficultés concernent bien sûr les petites communes, mais aussi les intercommunalités, en particulier celles qui ont été mariées de force dans des conditions apocalyptiques. Vous devriez savoir que les processus de fusion ont entraîné des problèmes de fiscalité extrêmement complexes.
Je vois donc très bien comment cet article pourrait s’appliquer aux collectivités territoriales de mon département et je ne suis évidemment pas la seule dans cette situation. En conséquence, je ne voterai sûrement pas cet amendement de suppression !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Comme je l’ai rappelé tout à l’heure au nom du groupe du RDSE, nous avons salué l’introduction de cette mesure par la commission spéciale et nous ne voterons pas l’amendement de suppression déposé par le Gouvernement.
Comme vient de le dire notre collègue Nathalie Goulet, aujourd’hui, les communes, en particulier les plus petites, ne se sentent pas accompagnées par l’administration, mais simplement sanctionnées. Elles ont besoin d’être entendues, accompagnées, écoutées et de bénéficier aussi d’un droit à l’erreur.
Mme le rapporteur le disait, ces communes manquent d’accompagnement juridique, elles n’ont pas les moyens d’en avoir et c’est à l’administration de mettre tout cela à leur portée, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Comme l’a fort justement dit notre rapporteur, le groupe socialiste et républicain s’est montré tout à fait défavorable à cet amendement de suppression en commission spéciale. L’adopter serait un mauvais signal pour les collectivités, notamment les plus petites d’entre elles, mais aussi celles de taille moyenne. Ce projet de loi entend renforcer la confiance dans l’État ; en ce sens, nous ne pouvons pas voter l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis A.
(L’article 2 bis A est adopté.)
Article additionnel après l’article 2 bis A
M. le président. L’amendement n° 98 rectifié, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° du I de l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet d’une sanction pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par le directeur dans le délai que celui-ci lui a indiqué. La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Par cet amendement, je souhaite éviter que le droit à régularisation en cas d’erreur soit privé de son effectivité dans le domaine social.
Comme l’a souligné le Défenseur des droits dans son avis sur le présent projet de loi, il existe un risque que le nouvel article L. 123-1 du code des relations entre le public et l’administration ne s’impose pas aux organismes de prestations familiales ou d’assurance vieillesse. Le code de la sécurité sociale prévoit en effet une règle spécifique s’agissant de l’erreur des assurés, une règle d’ailleurs moins favorable puisqu’elle assimile erreur et fraude.
Vous le savez, le code des relations entre le public et les administrations régit les relations entre le public et les administrations, y compris les organismes sociaux, uniquement « en l’absence de dispositions spéciales applicables ».
Le risque est donc réel que les dispositions spéciales du code de la santé publique l’emportent sur la règle générale du droit à la rectification en cas d’erreur.
Pour éviter cette incertitude qui serait gravement préjudiciable à la quasi-totalité de nos concitoyens, je vous propose d’introduire la règle du droit à l’erreur dans l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à ce que le droit à l’erreur soit appliqué dans les relations entre les organismes de sécurité sociale et les bénéficiaires de prestations, dans les cas où ces derniers s’exposent à des sanctions en raison de déclarations erronées.
J’ai pris l’attache de la Caisse nationale des allocations familiales et de la direction de la sécurité sociale, qui m’ont indiqué que, dans les faits, aucune pénalité n’est aujourd’hui appliquée en cas d’erreur de bonne foi.
L’objectif des auteurs de l’amendement semble donc satisfait, mais la commission spéciale a souhaité demander au Gouvernement son avis sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement vise à restreindre le prononcé de pénalités financières aux cas de fraude pour les branches vieillesse et famille. Le Gouvernement partage le souhait des auteurs de l’amendement de limiter les pénalités aux personnes manifestement de mauvaise foi ou qui fraudent. Bien que la situation soit extrêmement rare, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, le fait de l’inscrire dans la loi permettra de l’acter de manière définitive et solide. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est favorable sur cet amendement.
M. le président. Madame le rapporteur, quel est maintenant l’avis de la commission spéciale ? Suivez-vous l’avis du Gouvernement ? (Mme le rapporteur acquiesce.)
Je mets aux voix l’amendement n° 98 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis A.
Article 2 bis
(Supprimé)
Article 3
(Non modifié)
I. – L’article 1727 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi modifié :
a) Le 1 est abrogé ;
b) Les 2, 2 bis et 2 ter deviennent, respectivement, les 1, 2 et 2 bis ;
2° Il est ajouté un V ainsi rédigé :
« V. – Le montant dû au titre de l’intérêt de retard est réduit de 50 % en cas de dépôt spontané par le contribuable, avant l’expiration du délai prévu pour l’exercice par l’administration de son droit de reprise, d’une déclaration rectificative à condition, d’une part, que la régularisation ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi et, d’autre part, que la déclaration soit accompagnée du paiement des droits simples ou, s’agissant des impositions recouvrées par voie de rôle, que le paiement soit effectué au plus tard à la date limite de paiement portée sur l’avis d’imposition.
« À défaut de paiement immédiat des droits simples ou, s’agissant des impositions recouvrées par voie de rôle, de paiement effectué au plus tard à la date limite de paiement portée sur l’avis d’imposition, le bénéfice de la réduction de 50 % de l’intérêt de retard prévu au premier alinéa du présent V est conservé en cas d’acceptation par le comptable public d’un plan de règlement des droits simples. »
II. – Le 2° du I s’applique aux déclarations rectificatives déposées à compter de la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.
M. Éric Bocquet. Quelques mots rapides pour dire que nous ne voterons pas l’article 3 du projet de loi. Comme beaucoup d’articles de ce texte, il a le défaut de cristalliser une situation largement prise en compte dans la pratique.
En effet, la seule lecture de la partie relative au contrôle fiscal du tome premier de l’évaluation des voies et moyens annexé à la loi de finances laisse apparaître que, même quand une entreprise ou un particulier se trouve engagé dans un processus de redressement fiscal, il n’est pas rare que des allégements soient opérés sur la facture.
Ainsi, l’examen précis des situations concrètes des particuliers comme des entreprises peut fort bien amener l’administration à transiger et à atténuer ici les pénalités, ailleurs les sommes dues au titre de l’intérêt de retard.
Ces comportements de l’administration procèdent de la doctrine fiscale, établie non seulement par la loi, mais aussi par l’importante production réglementaire de ces administrations – décrets, circulaires… –, et veillent, qu’on le croie ou non, à tenir effectivement compte des capacités contributives du redevable. Les recours gracieux, cela existe toujours, sans parler des abandons de pénalité liés au suivi scrupuleux d’un plan d’apurement !
Finalement, l’article 3 a donc tendance à enfoncer des portes ouvertes…
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 92 rectifié, présenté par Mme G. Jourda, M. Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, Taillé-Polian, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau et Sueur, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 1649 quater B quinquies et 1738 du code général des impôts sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les contribuables, personnes physiques, qui résident dans des « zones blanches » sont dispensés de l’obligation de télédéclaration de leurs revenus et de télépaiement de leurs impôts jusqu’au 31 décembre 2024. »
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. En 2017, le paiement par prélèvement automatique ou en ligne est devenu obligatoire pour tout avis d’impôt supérieur à 2 000 euros. Le seuil de paiement obligatoire sera abaissé à 1 000 euros en 2018 et à 300 euros en 2019.
Cependant, nul n’ignore sur ces travées que la couverture internet de notre territoire reste partielle et est absente des communes situées en zone blanche.
Ainsi, en plus de nuire considérablement à l’attrait et au développement de ces territoires souvent ruraux, il se trouve – vous en conviendrez – que plusieurs des habitants de ces zones ne peuvent bénéficier d’une connexion suffisante pour procéder à la gestion de leurs impôts par internet. Vous me direz que, s’ils en informent l’administration, ils peuvent toujours utiliser la déclaration papier.
Je vous réponds que, si on peut protéger en amont nos concitoyens de toute sanction injuste de l’administration qui viendrait pénaliser ceux qui vivent dans ces zones, en reportant l’obligation de télédéclaration et surtout celle de télépaiement à 2025, c’est beaucoup mieux.
Évitons-leur la double peine et ne leur faisons pas payer l’erreur d’une non-couverture de ces zones, souvent défavorisées, par les opérateurs !
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Ma chère collègue, votre amendement, dont je comprends tout à fait l’objet, me semble satisfait, du moins dans son esprit, par le droit existant.
Premièrement, l’obligation de déclarer l’impôt sur le revenu en ligne n’est pas applicable aux contribuables qui ne disposent pas d’un accès à internet.
Deuxièmement, les contribuables qui estiment ne pas être en mesure de faire leur déclaration en ligne, pour une raison ou une autre et pourvu qu’ils en informent l’administration, peuvent toujours utiliser la déclaration papier.
Il est toujours possible d’aller plus loin, mais se pose alors la question du critère à retenir. Or il n’existe pas de définition de la « zone blanche » : s’agit-il de la 4G ou du très haut débit ? Comment définir strictement ces zones, sachant qu’elles évoluent en permanence et qu’elles sont différentes en fonction des opérateurs ?
Pour mémoire, la déclaration en ligne de l’impôt sur le revenu est maintenant obligatoire pour tous les contribuables dont le revenu dépasse 15 000 euros et deviendra obligatoire en 2019 pour l’ensemble des contribuables disposant d’un accès à internet. À défaut, une amende de 15 euros par déclaration est appliquée.
En conclusion, la commission émet un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, votre amendement va me permettre d’apporter un certain nombre de précisions, comme je l’ai pu le faire pour les députés animés des mêmes inquiétudes et qui visaient les mêmes objectifs que vous.
L’obligation de déclaration en ligne des revenus doit être mise en œuvre de façon progressive jusqu’en 2019, en fonction du montant du revenu fiscal de référence : 40 000 euros en 2016 ; 28 000 euros en 2017 ; 15 000 euros en 2018 ; enfin, pour tous les revenus fiscaux de référence en 2019, dès lors, et seulement dès lors, j’y insiste, que la résidence principale des contribuables est équipée d’un accès à internet.
Dans ce cadre, le dispositif législatif comporte déjà une exemption de l’obligation de déclarer en ligne pour les usagers dont la situation, l’âge, le handicap, l’accès au numérique, soit par non-équipement, soit par mauvaise maîtrise du numérique ou par couverture insuffisante, ne leur permettent pas de déclarer en ligne.
Ainsi, l’article 1649 quater B quinquies du code général des impôts prévoit que ceux qui estiment ne pas être en capacité de déclarer en ligne peuvent utiliser une déclaration papier, sans autre démarche spécifique. La direction générale des finances publiques informe et rassure les usagers quant à cette exemption au moyen d’une mention visible sur la première page de la déclaration des revenus.
S’agissant de l’amende forfaitaire de 15 euros en cas de non-respect de l’article mentionné ci-dessus, elle ne s’applique qu’aux usagers visés par l’obligation et donc, en aucun cas, à ceux dont la résidence n’est pas équipée d’internet ou qui estiment ne pas être capables de déclarer en ligne, que je viens de définir à l’instant.
En outre, l’adhésion au prélèvement à l’échéance mensuelle peut être faite par courrier, mail ou téléphone auprès des centres prélèvement service.
Ces modes de souscription répondent complètement aux difficultés que pourraient rencontrer certains usagers, notamment la fracture numérique, le grand âge ou des situations de handicap.
Enfin, les services territoriaux de la DGFiP ont pour consigne d’accompagner les usagers en difficulté qui se présenteraient aux guichets pour faciliter leurs démarches de paiement dématérialisé.
Compte tenu de toutes les dispositions prises pour favoriser l’inclusion de tous les publics, votre amendement nous paraît donc satisfait. Les exceptions déjà prévues par le droit vont au-delà des seuls besoins des habitants des zones blanches que vous mentionnez dans votre amendement et prennent en considération d’autres obstacles à la télédéclaration que la seule non-couverture.
Espérant vous avoir convaincue et, surtout, vous avoir rassurée, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je pense que nous devons être cohérents, notamment sur le sujet du numérique. Je rappelle que le plan France Très haut débit porté par ce gouvernement, mais également par les gouvernements précédents, prévoit que 100 % du territoire soit couvert en très haut débit fibre optique d’ici à 2025 et que 100 % des habitants devront être raccordés au très haut débit en 2022. Par ailleurs, comme le Président de la République l’a annoncé en décembre dernier lors de la conférence nationale des territoires, 100 % des Français devraient pouvoir disposer, en 2020, d’un débit suffisant pour pouvoir accéder à ce type de service.
Globalement, nous enverrions un mauvais signal en votant cet amendement, qui part du principe que l’accès ne sera pas généralisé en 2025. En plus, il faut savoir que le très haut débit n’est pas nécessaire pour pouvoir remplir une déclaration de ce type. À mon sens, il serait plus utile de nous interroger sur la formation à l’accès aux services, par l’intermédiaire, peut-être, des maisons de services au public. Ces dernières n’ont pas dans leurs attributions les démarches auprès des services fiscaux, les directions départementales des finances publiques n’étant pas partenaires, la plupart du temps, des maisons de services au public. La clé du problème est peut-être là.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne veux pas ruiner l’ambiance, mais je voterai cet amendement s’il est maintenu. En effet, voilà quelques jours, nous avons encore voté un texte sur la couverture numérique pour tirer les conséquences des promesses non tenues en la matière depuis des années.
J’entends bien ce que vous dites, monsieur le secrétaire d’État, mais une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance. Je puis vous dire que nous avons quand même un certain nombre de problèmes de couverture.
Tant mieux si l’administration prend en compte les difficultés d’accès, et ce que vous avez dit nous rassure, mais je pense que notre maison doit continuer à émettre des signaux forts concernant les carences de couverture.
Le problème va bien au-delà, il concerne le principe même de la dématérialisation. Vous dites qu’il y a d’autres façons de remplir sa déclaration, mais, parfois, se procurer le support papier d’un document dématérialisé n’est pas aussi simple que vous semblez le penser, surtout pour des personnes âgées, dont on a bien compris qu’elles étaient concernées par le dispositif d’exception.
Par principe, je voterai cette proposition pour souligner la nécessité de respecter les promesses faites, ce qui n’a pas été le cas ces dernières années. Je le répète, une grande confiance n’excluant pas une petite méfiance, j’apporterai ma voix à cet amendement, qui ne résistera sûrement pas à la navette. Tant que l’occasion nous en est donnée, défendons des amendements de bon sens !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous venez devant nous présenter un projet de loi qui vise à développer la confiance entre l’État et les usagers, comment pouvez-vous mettre en avant l’idée, inculquée par la technocratie qui vous entoure, que des possibilités d’exonération sont prévues ? En effet, cela veut dire que le contribuable devra prouver l’impossibilité dans laquelle il est de faire de manière correcte une télédéclaration !
Cet amendement tend à établir le principe inverse : si l’État n’est pas en mesure d’assurer une couverture de haut débit, il doit accepter de ne pas imposer la télédéclaration. C’est ce que nous vous demandons, en même temps que de rétablir la confiance, laquelle passe par la capacité qui nous est offerte, à nous élus, de dire à la technocratie qui veut nous gouverner que les choses ne se passent pas ainsi.
Je suis élu d’une zone urbaine et je sais que, dès que la wifi ne fonctionne pas bien, comme c’est parfois le cas aussi au Sénat, je râle. La télédéclaration, le prélèvement et tout ce qui passe par internet supposent d’avoir une connexion rapide et suffisante. Or, tant que cela n’est pas garanti dans les zones blanches, la confiance, c’est de voter notre amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je voterai évidemment l’amendement présenté par Gisèle Jourda. J’élargirai le propos aux risques que fait courir le tout-dématérialisation. Ce sujet a été évoqué notamment par notre collègue Michèle Meunier, mais aussi par d’autres orateurs, lors de la discussion générale. Nous sommes ici outillés, équipés, connectés, formés, mais il se trouve que, sur le territoire national, un certain nombre de Français ne sont pas dans cette situation. Ils ne sont pas formés à l’usage du numérique ou le réseau ne leur est pas techniquement accessible. Un article d’un grand journal du soir, la semaine dernière, nous informait que 13 millions de personnes dans le pays n’avaient pas un usage correct ou usuel du numérique. Pour ces gens, le tout-dématérialisation représente un risque de vraie précarité. En d’autres termes, on assiste à l’émergence d’une trappe à précarité.
Il y a l’éloignement physique ; il y a le défaut d’usage ; il y a surtout des situations très particulières où des populations en difficulté, pour bénéficier d’une aide en matière de logement ou autre, doivent avoir une adresse mail, ce qui n’est bien souvent pas le cas. La plupart du temps, ces mêmes personnes ne peuvent pas compter sur l’aide d’un tiers pour la création d’une telle adresse. Comme fait-on dans ce cas-là ?
Il y a certes un enjeu de desserte numérique, rappelé par Gisèle Jourda, mais il y a aussi tout le reste. Nous sommes tous très enthousiastes sur un certain nombre de points de la société de confiance qui nous est promise, mais prenons garde à ne pas créer des enclaves de précarité numérique dans notre société, ce qui pénaliserait des gens déjà en grande difficulté. Le numérique doit aider ces derniers et non pas les accabler.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.
Mme Josiane Costes. Je voudrais évoquer une situation qui n’a pas été prévue. Il y a des zones rurales dans lesquelles il arrive qu’il n’y ait ni téléphone fixe ni connexion internet pendant de longues périodes, alors que les gens paient un abonnement. C’est arrivé récemment dans plusieurs communes du Cantal pendant deux mois, malgré l’envoi réitéré de courriers à Orange. Je souscris par ailleurs à ce qui a été dit précédemment au sujet des couvertures fluctuantes et des populations qui ne sont pas à l’aise avec internet. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je voterai cet amendement, qui vient de la France rurale, de zones comme la Montagne noire, où la couverture numérique est loin d’être complète. C’est le cas aussi de mon département du Lot et de beaucoup d’autres. Par ailleurs, l’informatique suppose non seulement de disposer d’un réseau, mais aussi d’un savoir-faire. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas imaginer le nombre de gens qui ne savent pas remplir seuls une déclaration d’impôt par informatique et qui s’appuient sur une aide ménagère ou des voisins. Je crois que l’on peut bien pendant quelque temps faire cohabiter les deux types de déclaration. Les jeunes sont formés, mais, tant que les plus anciens sont encore là, il faut garder la déclaration d’impôt classique.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis l’élu d’un département qui va normalement avoir la fibre en 2020, mais je sais que cela sera très compliqué pour des personnes âgées. Qui peut le plus peut le moins, monsieur le secrétaire d’État. Vous nous avez rassurés, mais je voterai malgré tout cet amendement, qui est important pour les zones rurales.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Moi aussi, je vais voter cet amendement. Au-delà du problème des zones blanches se pose également un problème de liberté. À cet égard, je partage complètement le propos de notre collègue : une société de confiance ne se décline pas uniquement sous l’aspect numérique. Ce qui compte, c’est que le contribuable puisse satisfaire à son obligation de payer en temps et en heure, peu importe la méthode. Au nom de la liberté, je suivrai la proposition de Mme Jourda.
M. Michel Raison. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Monsieur Gremillet, l’amendement présenté par Mme Jourda ne tend pas à dispenser de l’obligation de télédéclaration ; il ne dispenserait que les usagers démontrant qu’ils vivent dans un territoire non couvert. Ce n’est donc pas un retour sur l’obligation de dématérialisation, comme vous semblez l’espérer – telle n’est pas l’option du Gouvernement, vous l’aurez compris !
Comme je crois voir naître un rapport de forces, je ne serai pas long, mais je veux simplement attirer votre attention sur le fait que l’exemption de l’obligation de télédéclaration en cas de mauvaise couverture existe déjà dans le droit. L’amendement que Mme la sénatrice a défendu vise à confirmer, si l’on peut dire, ou à répéter cette exemption, que le droit existant prévoit déjà non seulement pour les usagers ayant un problème de couverture ou d’accès à internet, mais aussi pour ceux qui peuvent justifier d’autres motifs, tels que le grand âge ou le handicap. C’est ce qui m’a amené, madame la sénatrice, à dire que votre amendement était satisfait par l’article 1649 quater B quinquies du code général des impôts, que j’ai rappelé. Je peux même dire que la disposition que vous nous proposez est plus restrictive en matière d’exemption que le droit existant.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
7
Adoption des conclusions de la conférence des présidents
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents.
Elles sont donc adoptées.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente, la commission spéciale ayant demandé deux heures de suspension afin de se réunir.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
État au service d’une société de confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance.
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 3 bis AA.
TITRE Ier (suite)
UNE RELATION DE CONFIANCE : VERS UNE ADMINISTRATION DE CONSEIL ET DE SERVICE
Chapitre Ier (suite)
Une administration qui accompagne
Article 3 bis AA (nouveau)
Après le premier alinéa du 3 de l’article 279-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux réduit prévu au 1 est applicable dès le premier acompte, sous réserve que les travaux et les locaux soient éligibles au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée et que l’attestation soit fournie lors de la facturation finale ou de l’achèvement des travaux. »
Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Il convient d’abord de rappeler que les mesures fiscales ont leur place en loi de finances, et non pas dans les lois ordinaires, de manière à favoriser une certaine cohérence de la politique fiscale. Aussi, à nos yeux, l’article 3 bis AA, tel qu’il est rédigé, ne relève manifestement pas du champ de la loi que nous examinons aujourd’hui.
Ensuite, sur le fond, cet article additionnel a pour objet de préciser que le taux réduit de TVA de 10 % sur les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien est applicable dès le premier acompte, sous réserve que les travaux et les locaux soient éligibles au taux réduit de TVA et que l’attestation soit fournie lors de la facturation finale ou de l’achèvement des travaux.
Cette disposition est satisfaite, puisque la doctrine fiscale prévoit déjà, « afin de garder une certaine souplesse dans les relations contractuelles entre le professionnel et le particulier qui fait réaliser les travaux et de ne pas alourdir la charge administrative pesant sur les entreprises, […] que le taux réduit de TVA s’applique dès le premier acompte, sous réserve que les travaux et locaux soient éligibles. »
Pour ces deux raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le secrétaire d’État, si vous considérez que la mesure proposée par cet article doit figurer en loi de finances, alors, la moitié des articles de ce projet de loi peut être supprimée.
Pourtant, cet article tend à introduire un vrai droit à l’erreur en inscrivant dans la loi une souplesse déjà admise par la doctrine. Il s’agit d’une mesure de sécurité juridique. Il n’y a absolument pas lieu de s’y opposer.
Pour mémoire, afin de bénéficier du taux réduit de TVA sur les travaux d’amélioration des locaux d’habitation, le client doit remettre à l’entreprise, avant le début des travaux, une attestation mentionnant que ces locaux sont achevés depuis plus de deux ans. Il est vrai qu’en pratique l’attestation est parfois remise après le début des travaux ou le versement des premiers acomptes. Cela dit, la doctrine prévoit déjà une tolérance sur ce point : « Afin de garder une certaine souplesse dans les relations contractuelles entre le professionnel et le particulier et de ne pas accentuer la charge administrative pesant sur les entreprises, il est admis que le taux réduit de TVA s’applique dès le premier acompte, sous réserve que l’attestation soit fournie lors de la facturation finale ou de l’achèvement des travaux. »
L’article 3 bis AA, introduit en commission spéciale par l’adoption d’un amendement de notre collègue Philippe Mouiller, sous-amendé par moi-même, vise à inscrire cette forme de droit à l’erreur directement dans la loi. Je suis donc défavorable à la suppression de cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 bis AA.
(L’article 3 bis AA est adopté.)
Article 3 bis A
(Non modifié)
Le 1 du I de l’article 1736 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La personne tenue d’effectuer une déclaration en application de l’article 240 peut régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l’application de l’amende prévue au premier alinéa du présent 1 lorsque les conditions suivantes sont réunies : elle présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux, à condition que le service puisse être en mesure de vérifier l’exactitude des justifications produites. Cette demande de régularisation peut avoir lieu au cours du contrôle fiscal de la personne soumise à l’obligation déclarative. » – (Adopté.)
Article 3 bis
(Non modifié)
I. – Le I de l’article 1763 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’amende n’est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission soit spontanément, soit à la première demande de l’administration avant la fin de l’année qui suit celle au cours de laquelle le document devait être présenté. »
II. – Le I du présent article s’applique aux déclarations déposées à compter de la publication de la présente loi.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme la présidente. L’amendement n° 133, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. L’article 3 bis met en question l’un des éléments essentiels de la lutte contre la fraude et la délinquance financières, puisqu’il concerne le régime des provisions comptables, qui constitue parfois un moyen efficace de dissimulation de certains résultats. La confiance n’excluant pas la vigilance, nous proposons de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet article vise à inscrire dans la loi une forme de droit à l’erreur déjà admise par la doctrine. C’est aussi une mesure de sécurité juridique à laquelle il n’y a pas lieu de s’opposer.
Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés doivent transmettre à l’administration fiscale une série de documents justificatifs : suivi des rectifications dans les groupes intégrés, suivi des plus-values latentes, tableau des provisions, etc.
En cas de défaut de transmission dans les délais ou d’inexactitude, une amende fiscale égale à 5 % des sommes omises est appliquée. Toutefois, la doctrine permet de ne pas appliquer cette amende si l’entreprise complète la transmission des documents, à condition que la démarche soit entièrement spontanée.
L’article 3 bis, adopté sur l’initiative de notre collègue députée Véronique Louwagie, vise à consacrer cette possibilité au niveau législatif, et à l’étendre aux régularisations à la première demande de l’administration. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui encouragera la confiance mutuelle entre les entreprises et l’administration. En fait, ces documents – plutôt des tableaux – sont des annexes à la liasse fiscale, donc au bilan et au compte de résultat, qui apportent un complément d’information. Il ne s’agit pas de documents permettant de calculer l’impôt.
Nous pouvons donc consacrer un droit à l’erreur en cas de correction spontanée, qui exempterait les entreprises de pénalités.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Même avis défavorable, pour les mêmes arguments que ceux évoqués par Mme la rapporteur. Nous considérons que cet article, introduit à l’Assemblée nationale, simplifie, va dans le bon sens, et permet d’établir ce lien de confiance.
Mme la présidente. L’amendement n° 164, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
A. – Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
I. – Le dernier alinéa du I de l’article 1763 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’amende s’applique au seul exercice au titre duquel l’infraction est mise en évidence. Le taux de l’amende est ramené à 1 % en cas de manquement demeuré sans incidence sur la base imposable du contribuable ou du groupe fiscal intégré, au sens de l’article 223 A, auquel le contribuable appartient. Il en est de même lorsque le manquement n’est pas relatif à l’exercice de réalisation de l’opération et que l’infraction est commise au titre d’un exercice postérieur. Lorsqu’une somme omise sur l’un des documents mentionnés ci-dessus relève du taux d’imposition de 0 % prévu par l’article 219, l’amende ne peut avoir pour base que la quote-part de frais et charges visée au même article 219.
« L’amende n’est pas applicable lorsque le contribuable a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invité par écrit à le faire par l’administration, dans le délai que celle-ci lui a indiqué. »
B. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Le I du présent article s’applique aux régularisations effectuées par les contribuables, et aux manquements notifiés aux contribuables à compter du 21 février 2018.
C. – Pour compenser la perte de recettes résultant des A et B, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Dans le but de revenir à une relation de confiance entre les contribuables et l’administration fiscale, l’Assemblée nationale, estimant que le texte du Gouvernement n’allait pas assez loin, a tenté d’amender ce texte en introduisant l’article 3 bis.
Le présent amendement a pour objet de faciliter le travail de l’administration en supprimant certaines sanctions non modulables. Il existe en effet des sanctions ou des amendes disproportionnées par rapport à la faute. C’est notamment le cas, par exemple, lorsque la taxe et la base imposable ne bougent pas, et que le montant de la taxe est nul. Certes, vous avez fait une faute, mais vous ne devez rien au fisc au titre de l’impôt ; en revanche, vous devez l’amende, que l’administration ne peut pas moduler. Ce cas de figure se présente lorsque les bases sont égales à zéro ou lorsqu’une opération vient postérieurement annuler le montant dû, un ou deux ans après la déclaration. Encore une fois, je vise bien l’hypothèse où le contribuable ne doit rien au fisc, mais où il doit payer une amende, parce qu’il lui a manqué un papier ou qu’il a dépassé les délais.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Votre amendement va sensiblement plus loin que la souplesse admise par la doctrine, et que l’article 3 bis prévoit de consacrer dans la loi.
Il s’agit de modifications très techniques, qui pourraient être justifiées sur le principe, mais dont les conséquences exactes sont difficiles à évaluer.
Nous vous proposons de retirer votre amendement, mais nous aimerions entendre l’analyse du Gouvernement sur ces dispositions.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’amende prévue par l’article 1763 du code général des impôts que vous évoquez permet d’assurer le respect de l’obligation faite aux entreprises d’établir certains documents, et notamment le registre de suivi des plus-values bénéficiant d’un report d’imposition, ce qui peut être particulièrement intéressant à suivre, en particulier dans le cadre de restructurations de grandes entreprises.
Il s’agit de régimes fiscaux favorables, dérogatoires au droit commun, et dont les enjeux fiscaux peuvent être très élevés. Il faut donc préserver la capacité de l’administration à suivre et contrôler ces dispositifs, et nous considérons que l’assouplissement adopté par l’Assemblée nationale est suffisant. Il n’y a pas lieu d’aller plus loin, comme vous le proposez. L’avis est défavorable.
M. Philippe Dominati. Je retire mon amendement, madame la présidente, mais je reviendrai sur le sujet !
Mme la présidente. L’amendement n° 164 est retiré.
L’amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
I. – Le chapitre Ier du titre II du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 62 est ainsi rédigé :
« Art. L. 62. – Si, dans un délai de trente jours à compter de la réception d’une demande mentionnée aux articles L. 10, L. 16 ou L. 23 A du présent code ou de la réception d’une proposition de rectification ou, dans le cadre d’une vérification de comptabilité ou d’un examen de situation fiscale personnelle, avant toute proposition de rectification, le contribuable demande à régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, il est redevable d’un montant égal à 70 % de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts.
« Cette procédure de régularisation ne peut être appliquée que si :
« 1° Elle ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi ;
« 2° Le contribuable dépose une déclaration complémentaire dans les trente jours de la demande de régularisation mentionnée au premier alinéa du présent article et s’acquitte de l’intégralité des suppléments de droits simples dus et des intérêts de retard calculés en application du même premier alinéa soit au moment du dépôt de cette déclaration complémentaire, soit, en cas de mise en recouvrement par voie de rôle, au plus tard à la date limite de paiement portée sur l’avis d’imposition.
« À défaut de paiement immédiat des droits simples ou, s’agissant des impositions recouvrées par voie de rôle, de paiement effectué au plus tard à la date limite de paiement portée sur l’avis d’imposition, le bénéfice de la réduction de l’intérêt de retard est conservé en cas d’acceptation par le comptable public d’un plan de règlement des droits simples. » ;
1° bis Après le premier alinéa de l’article L. 80 A, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même lorsque, dans le cadre d’un examen ou d’une vérification de comptabilité ou d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu’elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l’administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification. » ;
2° Après le 9° de l’article L. 80 B, sont insérés des 10° et 11° ainsi rédigés :
« 10° Lorsque, dans le cadre d’un examen ou d’une vérification de comptabilité et sur demande écrite du contribuable présentée conformément au 1° du présent article, avant envoi de toute proposition de rectification, l’administration a formellement pris position sur un point qu’elle a examiné au cours du contrôle ;
« 11° En matière de contributions indirectes, lorsque, dans le cadre d’un contrôle ou d’une enquête effectués par l’administration et sur demande écrite du redevable présentée conformément au 1°, avant la notification de l’information ou de la proposition de taxation mentionnées à l’article L. 80 M, l’administration a formellement pris position sur un point qu’elle a examiné au cours du contrôle ou de l’enquête. »
II. – Le 1° du I est applicable aux demandes mentionnées aux articles L. 10, L. 16 ou L. 23 A du livre des procédures fiscales envoyées ou aux propositions de rectifications adressées à compter de la publication de la présente loi et, en cas de vérification de comptabilité, d’examen de comptabilité ou d’examen contradictoire de situation fiscale personnelle, aux contrôles dont les avis sont adressés à compter de la publication de la présente loi.
Le 1° bis du I est applicable aux contrôles dont les avis sont adressés à compter du 1er janvier 2019.
Le 2° du même I est applicable aux contrôles dont les avis sont adressés à compter de la publication de la présente loi et aux enquêtes effectuées par l’administration à compter de la même date.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens à vous faire part, avec mes collègues cosignataires d’un certain nombre d’amendements, de la grande déception que nous avons éprouvée à voir lesdits amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 41 de la Constitution. Pourtant, nous pensions nous inscrire complètement dans l’esprit de ce projet de loi, qui est de faciliter les démarches administratives des usagers et de faire gagner du temps tant aux usagers qu’à l’administration grâce à une bonne information. Nous souhaitions surtout signaler aux trois millions de Français qui résident à l’étranger que l’État français ne les oublie pas. La confiance doit aussi régner avec ceux qui ont décidé de s’inscrire dans la mobilité.
Il y a 300 000 Français qui partent chaque année et 200 000 qui rentrent en France, leur pays, notre pays. Plutôt que de s’épuiser dans des démarches administratives souvent inutiles parce qu’ils ne frappent pas aux bons guichets et multiplient les démarches, il nous semble qu’il leur serait plus utile de pouvoir consacrer ce temps perdu à chercher du travail, à se réinsérer, à inscrire leurs enfants dans des écoles. Avec ces amendements, nous tentions de faciliter leur vie.
Sur cet article 4, je voulais présenter un amendement dont l’objet était d’étendre la procédure d’information de rescrit auprès de l’administration fiscale prévue aux articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales. En effet, beaucoup de nos compatriotes qui partent à l’étranger estiment à tort que leur situation fiscale à leur retour est identique à celle du moment de leur départ. Il convient de leur faire connaître les démarches éventuelles à effectuer pour se mettre en règle auprès de l’administration fiscale au moment de leur retour en France.
Mme la présidente. L’amendement n° 134, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Nous proposons de supprimer cet article, qui est pour nous la simple reformulation des alinéas 1 à 7 de l’article 62 du livre des procédures fiscales, le LPF. Il se contente en fait d’ajouter littéralement le cas des « examens de la situation fiscale personnelle » à la liste des contentieux autorisant la régularisation spontanée. Un ajout au demeurant peu dispensateur de plus-value légale, puisque l’article vise déjà l’ensemble des impôts de manière générique.
Pour mémoire, la procédure d’examen de la situation fiscale personnelle, dite ESFP, ne concerne que 4 000 contribuables par an, qui disposent d’ailleurs, bien souvent, des conseils juridiques requis.
Pour information, en 2016, les procédures concernées ont produit, en moyenne, plus de 175 000 euros de rappels d’impôt à payer et 81 000 euros de pénalités appliquées.
Par comparaison, les contrôles sur pièces consacrés à l’impôt sur le revenu ont dégagé, pour leur part, une moyenne de 3 400 euros de droits simples.
Le reste de l’article n’apporte rien de plus au cadre existant, les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales définissant le rescrit fiscal. Leur plus récente rédaction découle de la loi de finances rectificative pour 2017, promulguée en décembre dernier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’avis sera défavorable.
L’article 4 contient plusieurs des principales dispositions fiscales du texte : la réduction de 30 % de l’intérêt de retard en cas de régularisation par le contribuable au cours d’un contrôle fiscal pour l’ensemble des procédures de contrôle et l’inscription dans la loi de la procédure de rescrit fiscal en cours de contrôle. Je veux surtout mentionner la « garantie fiscale », que les députés ont introduite et que la commission spéciale a préservée, en vertu de laquelle tous les points examinés lors d’un contrôle fiscal et n’ayant pas fait l’objet de rehaussement seront considérés comme tacitement validés par l’administration.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission spéciale tient absolument à cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement tient lui aussi beaucoup à l’article 4, qui renforce les garanties accordées au contribuable et concourt directement à l’objectif qu’il s’est fixé dans le cadre de ce projet de loi.
Tout d’abord, il prévoit de réduire de 30 % le montant dû au titre de l’intérêt de retard en cas de régularisation par le contribuable au cours d’un contrôle fiscal pour l’ensemble des procédures de contrôle.
Ensuite, il vise à inscrire dans la loi la procédure de rescrit fiscal en cas de contrôle.
Enfin, il prévoit que les points examinés par l’administration lors d’un contrôle fiscal, sur lesquels elle a pu prendre position en toute connaissance de cause, lui soient opposables.
Il s’agit pour nous de véritables avancées pour les contribuables. J’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. L’amendement n° 205, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 8 et 9
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
1° bis Après le 1° de l’article L. 80-B, sont insérés un 1° bis et un 1° ter ainsi rédigés :
« 1° bis Lorsque, dans le cadre d’un examen ou d’une vérification de comptabilité et dès lors qu’elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l’administration a pris position sur les points examinés lors du contrôle, lesquels sont communiqués au contribuable selon les modalités fixées au second alinéa de l’article L. 49 ;
« 1° ter En matière de contributions indirectes, lorsque, dans le cadre d’un contrôle ou d’une enquête et dès lors qu’elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l’administration a pris position sur les points examinés lors du contrôle ou de l’enquête, lesquels sont communiqués au contribuable selon les modalités fixées par l’article L. 80-M ; »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je disais à l’instant, me prononçant sur l’amendement n° 134, que le Gouvernement tenait à l’article 4. Et nous tenons à ce que ledit article soit parfaitement applicable, permettant de mettre en place le système de la garantie fiscale dans de bonnes conditions pour que les bénéfices qui en sont attendus soient véritablement au rendez-vous.
Comme je viens de le dire, cet article renforce la sécurité juridique des contribuables en rendant opposables à l’administration fiscale les conclusions, même tacites, de tout contrôle fiscal externe.
Cette garantie ne vaut naturellement que pour les situations de fait identiques, à droit constant, et seulement pour des contribuables de bonne foi, qui ne se sont livrés à aucune dissimulation ou manœuvre frauduleuse.
Cette garantie n’empêche pas l’administration de changer de position, mais ce changement, du fait de la garantie, ne vaut que pour l’avenir, conformément à l’esprit du projet de loi.
Il est toutefois nécessaire de clarifier le texte, car il reste, en l’état, imprécis quant au champ sur lequel porte la garantie, ce qui risque d’introduire des effets pervers. Je pense au risque de pousser les vérificateurs à des investigations toujours plus exhaustives de peur de délivrer une garantie sans avoir suffisamment approfondi le contrôle, ce qui irait à rebours de la philosophie même du texte. Autre risque, celui de générer un contentieux quant à l’identification des points sur lesquels porte effectivement la garantie.
Afin de lever toute ambiguïté quant à la définition des points du contrôle sur lesquels l’administration a pris position, même tacitement, il est donc proposé que le vérificateur liste les points examinés lors de ce contrôle, y compris ceux sur lesquels l’administration a conclu qu’ils ne comportaient ni erreur, ni inexactitude, ni omission, ni insuffisance dans le calcul des droits et taxes éligibles mentionnés par la proposition de rectification ou l’avis d’absence de rectification pour clarifier la portée des conclusions de l’administration fiscale.
En cohérence, l’amendement n° 205 du Gouvernement déposé à l’article 4 bis A introduit par Mme la rapporteur vise à modifier les articles L. 49 et L. 80 M du livre des procédures fiscales.
Par ailleurs, afin de compléter ce dispositif de sécurité juridique, il est proposé de l’appliquer également en matière de contributions indirectes et, par suite, de le recodifier au bon article du livre des procédures fiscales, soit l’article L. 80 B.
Dans le cadre d’un contrôle d’enquêtes en matière de contributions indirectes, les points contrôlés seront mentionnés, selon le cas, lors de l’information orale ou dans la proposition de taxation écrite.
Enfin, cette mesure n’a pas la même portée s’agissant de l’examen de la situation fiscale des particuliers, les points examinés présentant souvent un caractère ponctuel, par exemple la déductibilité d’une dépense d’équipement de chauffage ou les modalités d’imposition d’une prime exceptionnelle. Dans ces cas, la garantie prévue par cet article 4 ne trouve pas réellement à s’appliquer, alors qu’elle a, en revanche, tout son intérêt pour les contrôles de comptabilité des professionnels, lesquels portent, quant à eux, sur des points de méthode récurrents, comme la durée des amortissements ou la politique des prix de transfert. Telle est la raison pour laquelle le présent amendement resserre le champ de la garantie sur les professionnels dans le cas d’une vérification ou d’un examen de comptabilité.
Je dirai, en guise de synthèse, que nous apportons des précisions sur les conditions dans lesquelles la garantie est applicable pour éviter des incertitudes et faire en sorte que les vérificateurs de l’administration ne soient pas pris en défaut ou manquent d’ambition dans la délivrance des garanties. Nous resserrons le dispositif sur les entreprises et non pas sur les particuliers, considérant que l’intérêt réel porte sur la situation et le développement des entreprises. Enfin, nous proposons, par cet amendement, d’élargir le dispositif au secteur des douanes et des droits indirects, qui, à l’heure actuelle, n’est pas inclus dans la garantie fiscale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à remettre en cause la « garantie fiscale » insérée par nos collègues députés à l’article 4, en vertu de laquelle tous les points examinés lors d’un contrôle fiscal et n’ayant pas fait l’objet d’une rectification seraient considérés comme tacitement validés par l’administration fiscale.
Cela pourrait sembler la moindre des choses, mais il se trouve que tel n’est pas le cas aujourd’hui : le fait qu’un vérificateur examine un point sans rien trouver à y redire ne garantit nullement qu’un prochain contrôle sur les mêmes exercices aboutisse à la même conclusion.
La commission spéciale est très attachée à la « garantie fiscale », qui est sans doute la disposition la plus importante du volet fiscal de ce texte. Cette garantie est, pour le coup, un véritable gage de confiance mutuelle entre l’administration et les contribuables.
L’amendement du Gouvernement est présenté comme un simple aménagement de la « garantie fiscale » : les particuliers en seraient exclus, ce qui peut se comprendre, et le dispositif serait, en contrepartie, étendu aux contributions indirectes.
La réalité, c’est que le cœur de la mesure disparaît, puisque le principe d’approbation tacite serait remplacé par un principe d’approbation expresse, limité à certains des points contrôlés et laissé à la discrétion de l’administration.
La mesure serait ainsi largement vidée de sa substance par cet amendement, car il supprime le principe que nous défendons : à l’issue d’un contrôle, tout point examiné, à condition bien sûr que ce soit en toute connaissance de cause, doit être soit contesté, soit validé.
Ce que demandent les contribuables, à juste titre, c’est une sortie de l’ambiguïté. Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets, au nom de la commission spéciale, un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Mme la rapporteur me pardonnera d’insister sur les arguments du Gouvernement.
Pour nous, il s’agit non pas de remettre en cause le principe de la « garantie fiscale », mais de faire en sorte qu’elle soit appliquée de la manière la plus efficace possible.
Vous partagez, comme nous, l’objectif de resserrer le dispositif sur les entreprises plutôt que sur les particuliers. En effet, nous en avons tous conscience, c’est principalement sur les méthodes d’élaboration et les processus récurrents que le principe même de la garantie trouve à s’appliquer.
J’ai cru comprendre – c’est en tout cas ce que j’ai déduit de votre silence ou de votre approbation tacite, pour le coup (Sourires.) – que l’élargissement aux droits indirects et au secteur des douanes irait aussi dans le sens recherché par la commission spéciale de votre assemblée.
Peut-être avons-nous une divergence, laquelle est apparue – et vous me pardonnerez cette nouvelle taquinerie – lors de l’adoption de l’article additionnel que vous avez proposé à la commission spéciale, visant à amener le ou les vérificateurs à dresser la liste des points examinés et considérant ainsi que celle-ci valait garantie tacite pour l’ensemble des points ayant fait l’objet d’une vérification.
Nous considérons, en tout cas dans un premier temps, que les services de la DGFiP, qui sont principalement mobilisés pour ces travaux d’inspection et de vérification, doivent être en capacité de lister les points ayant fait l’objet d’une vérification en cohérence et en conformité avec les dispositions de l’amendement que vous avez proposé et fait adopter par la commission spéciale.
Toutefois, nous considérons aussi que ce même vérificateur doit être en capacité de dire, parmi les points vérifiés, ceux qui font l’objet de l’application de la garantie parce que ce sont ceux-ci qui ont été examinés en toute connaissance de cause et avec la garantie que le vérificateur ait pu aller au bout de ses opérations de contrôle.
Il faut avoir en tête que, dans d’autres dispositions du projet de loi que nous vous proposons et qui ont recueilli un avis favorable, d’abord, de l’Assemblée nationale, puis de la commission spéciale, nous envisageons de limiter à neuf mois sur trente-six la durée de contrôle auquel sont soumises les entreprises, notamment les PME, auxquelles ce dispositif sera appliqué à titre expérimental. Cela signifie que nous avons aussi pour objectif de réduire le temps pendant lequel ces contrôles auront lieu. Un certain nombre de points peuvent, par conséquent, faire l’objet de vérifications qui, aux yeux du vérificateur, ne seraient pas suffisamment complètes pour l’amener à délivrer cette garantie.
Nous avons donc véritablement cet objectif d’efficacité : il s’agit, en effet, de passer de la garantie tacite à la garantie explicite afin non seulement de sécuriser le vérificateur, mais aussi de faire en sorte de réduire le plus possible les contentieux sur l’interprétation faite de la garantie.
Je suis désolé, madame la présidente, d’avoir été un peu long, mais je tenais vraiment à souligner que, si nous sommes attachés à ce principe de garantie, la recherche d’efficacité sur ledit principe nous amène à proposer les aménagements contenus dans cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je vais maintenir l’avis que j’ai exprimé. J’entends bien que la tâche des contrôleurs n’est pas toujours facile, mais l’administration fiscale peut traiter – en langage informatique, on dirait « mouliner » – le fichier des écritures comptables des entreprises pour faire sortir énormément de points.
Je pense donc sincèrement que l’on peut maintenir la rédaction que nous proposons pour cet article. Je conçois que vous vouliez, monsieur le secrétaire d’État, le resserrer sur les entreprises et l’élargir aux contributions indirectes, mais il vous sera possible d’inclure ces éléments dans un autre article du texte.
Quoi qu’il en soit, la commission spéciale reste défavorable à votre amendement.
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement prend bien évidemment acte du vote du Sénat. Dans la poursuite de cette discussion sur l’article 4 et la garantie, nous avons déposé à l’instant – et vous pardonnerez, je l’espère en tout cas, cette façon peut-être un peu cavalière de procéder –, un amendement de repli. (L’amendement est distribué.)
Il vise, dans un premier temps et pour rejoindre l’un de nos points d’accord, à élargir le champ de la garantie aux droits indirects, et donc au secteur des douanes. Nous pourrons ainsi, à l’occasion de cette séance et au-delà de la petite divergence que nous avons, faire évoluer malgré tout la rédaction de cet article sur la question des droits indirects, comme je l’ai dit en défendant l’amendement n° 205.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 216, présenté par le Gouvernement, ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En matière de contributions indirectes, il en est de même lorsque, dans le cadre d’un contrôle ou d’une enquête, et dès lors qu’elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l’administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement. » ;
Cet amendement vient d’être présenté par M. le secrétaire d’État.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Comme le texte de cet amendement vient juste de nous être distribué, je ne peux pas donner l’avis de la commission spéciale et m’exprimerai à titre personnel.
Je ne peux être favorable à cet amendement s’il s’insère dans la rédaction que nous proposons pour l’article 4, que nous souhaitons maintenir en l’état. Nous suggérons qu’il figure dans le projet de loi sous la forme d’un article additionnel. Je le répète, je ne souhaite pas que l’article 4 soit modifié.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, il faut que vous vous exprimiez sur cette demande de la commission spéciale, qui supposerait que le Gouvernement procède à une rectification de son amendement.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement dépose cet amendement de repli à l’article 4, car il vise strictement le même objet. L’article 4 définit le périmètre auquel s’applique la garantie fiscale. Il nous semble, par conséquent, tout à fait logique de faire figurer la question des droits indirects à l’article 4.
Je ne souscris pas, ce que vous me pardonnerez, madame la rapporteur, à l’argument selon lequel il faudrait créer un article additionnel. L’article 4 porte sur la définition de la garantie fiscale. Nous élargissons son périmètre, conformément aux attentes exprimées à de nombreuses reprises, tant par la commission spéciale que par un certain nombre de députés et de fonctionnaires de la direction générale des douanes et des droits indirects. Sa place logique est donc bien au cœur de l’article 4, qui définit le régime de la garantie.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Je pense que l’avis de Mme la rapporteur, prononcé un peu à l’improviste, ne peut pas être tout à fait complet. L’amendement est en effet rédigé pour s’insérer dans le déroulement de l’article 4. On ne peut pas en faire un article spécifique, parce qu’il faudrait le réécrire.
Monsieur le secrétaire d’État, ne serait-il pas préférable de réserver un moment ce point et de le réexaminer un peu plus tard, laissant aux services de la commission le temps d’en vérifier l’impact ?
Mme la présidente. Mme le rapporteur peut s’exprimer, mais il me semble qu’il faut procéder au vote de l’amendement.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures, est reprise à vingt-deux heures dix.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Nous restons sur notre position : nous sommes d’accord avec ce que vous voulez mentionner, monsieur le secrétaire d’État, mais à condition que cela figure dans un article additionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’entends la position de la commission, mais au-delà de la conviction sur le fond que ce que nous proposons relève véritablement de l’article 4 et que cela nous paraît devoir figurer au cœur de celui-ci, il faut aussi avoir en tête une question de légistique et d’écriture législative.
Le Gouvernement propose un amendement qui intervient après l’alinéa 8 de l’article 4, l’alinéa 8 ayant pour objet de modifier l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Quant à l’alinéa 10, qui vient juste après, il modifie l’article L. 80 B.
Mme la rapporteur souhaite que soit introduit un article additionnel après l’article 4, ce qui reviendrait à viser une deuxième fois l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans un article qui viendrait après l’article 4 et après que nous ayons visé, au dixième alinéa, l’article L. 80 B.
En matière légistique, la logique veut – ce qui me paraît reconnu et partagé – que les articles du code que nous sommes amenés à modifier le soient dans l’ordre.
Dans la mesure où cette modification porte sur l’article L. 80 A, nous devons l’introduire par amendement avant les dispositions concernant l’article L. 80 B, c’est-à-dire entre l’alinéa 8 et l’alinéa 10 de l’article 4.
C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement sur l’article 4, à l’alinéa que j’ai mentionné.
Mme la présidente. Pour résumer, madame le rapporteur, l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 216 tel qu’il est présenté et ne serait favorable que si cet amendement tendait à insérer un article additionnel. Est-ce bien cela ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. D’un point de vue légistique, trois articles du texte visent les procédures douanières et les intérêts de retard. Alors, monsieur le secrétaire d’État, à votre argument selon lequel cet amendement doit rester dans le cadre de l’article 4, car il se réfère aux procédures douanières, je vous rétorque qu’il peut prendre la forme d’un article additionnel, après l’article 4. On peut trouver d’autres exemples dans ce même texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je maintiens, madame la présidente, que nous modifions l’article L. 80 A, ce qui nécessite de le faire dans l’ordre et, donc, de maintenir l’amendement à l’endroit du texte où nous l’avons proposé, après l’alinéa 9. Il s’agit de respecter un principe légistique reconnu. En termes de lisibilité et donc d’intelligibilité de la loi, y compris au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il est extrêmement important, à notre sens, de respecter l’ordre des articles du livre des procédures fiscales que nous examinons.
J’appelle aussi l’attention des uns, ou des unes, et des autres sur ceci : ce que nous proposons, après avoir pris acte de la position de la commission spéciale, qui a refusé des modifications plus importantes à l’article 4 que nous lui soumettions, va à la fois dans le sens du travail de la commission et, surtout, dans le sens de l’intérêt des contribuables.
Avec cet amendement, nous ne visons qu’un objectif : faire en sorte que la garantie fiscale qui s’applique aux impôts directs s’applique aussi aux impôts indirects. L’extension du champ ainsi proposée correspond parfaitement aux souhaits de la commission spéciale.
Je vous invite à adopter cet amendement, qui permettra aux entreprises, et aux particuliers, de bénéficier d’une garantie fiscale tant sur les impôts directs que sur les impôts indirects. Je rappelle que la légistique nous impose véritablement de maintenir cet amendement à cet endroit du texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller et Gremillet, Mmes Lamure et Garriaud-Maylam, MM. Pillet, D. Laurent, Pellevat, Bonne et Henno, Mme Eustache-Brinio, MM. Longeot, Kern, Mandelli, Rapin, Daubresse, Brisson, Chaize et Paccaud, Mme Lavarde, MM. Cuypers, Morisset, Saury et Milon, Mme Dumas, MM. Revet et Pointereau, Mmes Imbert, Malet et Canayer, M. Forissier, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Bazin et Leroux, Mme Morhet-Richaud, MM. Karoutchi, Savary, Canevet, Mayet et H. Leroy, Mmes L. Darcos et Renaud-Garabedian, MM. Bansard, Bonhomme, Savin, Gilles, Perrin et Raison, Mme Billon, MM. Chatillon, Frassa et Reichardt, Mmes Duranton, Deroche et Férat et M. Kennel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le troisième alinéa de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, pour les entreprises de moins de vingt-et-un salariés, le débiteur qui n’a pas encore engagé de poursuite judiciaire est dispensé de constituer des garanties sur le montant des droits contestés. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement concerne les entreprises de moins de vingt et un salariés. En cas de procédure fiscale à la demande du comptable du Trésor public, le réclamant, pour pouvoir bénéficier effectivement du sursis de paiement qu’il a demandé, doit constituer des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor, sous forme de cautionnement, d’hypothèque, ou encore de nantissement, et ce que l’on soit ou non en phase contentieuse.
Ces garanties sont très coûteuses pour les petites entreprises et obèrent leur capacité de financement. Cette situation force certaines entreprises à choisir entre la poursuite d’un contentieux ou le développement de leur activité.
De fait, quand bien même le contribuable serait de bonne foi, il est tenu de constituer des garanties lorsque celles-ci lui sont demandées.
De plus, aux termes de l’article R. 277-1 du LPF, une entreprise de moins de vingt et un salariés de bonne foi qui veut se prévaloir du sursis de paiement peut se retrouver dans une situation préjudiciable si le comptable public refuse ses propositions de garanties. En effet, dans ce cas, l’entreprise se retrouvera de facto privée du droit au sursis de paiement.
Nous demandons donc par cet amendement une dispense totale de constitution de garantie en cas de sursis de paiement, et ce uniquement pendant la phase non contentieuse de la procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement.
Nous sommes bien conscients qu’il peut être très difficile de constituer des garanties pour un redevable qui sollicite un sursis de paiement. Cela dit, supprimer cette obligation ferait courir un risque trop important, non seulement au Trésor public, bien sûr, mais surtout à l’entreprise elle-même si la réclamation venait à être rejetée. Au final, cette disposition risquerait d’aboutir à une hausse des défaillances d’entreprises, à l’inverse de l’intention de ses auteurs.
Par ailleurs, rappelons que les garanties ne sont pas nécessairement constituées en espèces : il peut s’agir de marchandises, de titres, ou encore d’une caution bancaire.
C’est peut-être d’ailleurs là que se trouve la solution au problème que cet amendement vise à résoudre : dans l’accès des TPE et PME aux prêts et cautions bancaires. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a annoncé, pour cette année, un projet de loi portant plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, ou PACTE. Le Gouvernement a-t-il l’intention de traiter ce problème dans le cadre de ce projet de loi ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission, et pour les mêmes raisons : nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, notre avis sera défavorable.
Vous avez évoqué, madame le rapporteur, la question des cautions. Vous savez que le projet de loi PACTE est encore en élaboration. Nous sommes dans une phase de consultations et de concertation ; le texte n’a pas encore été transmis au Conseil d’État ni donc été examiné par le conseil des ministres. Dès lors, votre proposition sera évidemment transmise à mes collègues du ministère de l’économie et des finances, qui jugeront dans quelle mesure ils pourront intégrer ces dispositions dans le texte qu’ils préparent.
Mme la présidente. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 28 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Je vais le retirer. En effet, si M. le secrétaire d’État n’a pu nous donner une garantie expresse, il nous a néanmoins assuré que nous pourrions discuter de ce sujet à l’occasion du prochain projet de loi PACTE. Si tel n’était pas le cas, je serais amené à déposer un amendement similaire lors de son examen.
Quant à l’argumentaire qui m’a été opposé, je voudrais préciser que mon amendement a pour principal objet la phase non contentieuse de la procédure. Je comprends tout à fait que, une fois le contentieux enclenché, ces provisions sont une nécessité tant pour l’entreprise que pour le Trésor public. En revanche, tant qu’il n’est pas engagé, on ne sait même pas sous quel volet il le sera. J’estime que cette nuance pouvait justifier un avis favorable de la commission sur cet amendement.
En somme, j’entends les arguments qui ont été avancés, mais nous serons extrêmement vigilants au cours des débats qui auront lieu prochainement sur ce sujet.
Cela dit, je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 33 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller et Gremillet, Mmes Lamure et Garriaud-Maylam, MM. Pillet, D. Laurent, Pellevat, Bonne et Henno, Mme Eustache-Brinio, MM. Longeot, Kern, Mandelli, Rapin, Daubresse, Brisson et Chaize, Mme Lavarde, MM. Cuypers, B. Fournier, Piednoir, Morisset, Saury et Milon, Mme Dumas, MM. Revet et Pointereau, Mmes Imbert, Malet et Canayer, M. Forissier, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Bazin et Leroux, Mme Morhet-Richaud, MM. Karoutchi, Savary, Canevet, Mayet et H. Leroy, Mmes L. Darcos et Renaud-Garabedian, MM. Bansard, Bonhomme, Gilles, Perrin et Raison, Mme Billon, MM. Chatillon, Frassa, Reichardt et Paccaud, Mmes Duranton et Deroche et M. Kennel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2019 et pendant les deux premières années de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, les entreprises qui emploient moins de 250 salariés et les personnes physiques en charge du traitement ne sont pas redevables, en cas d’erreur à l’obligation d’effectuer la retenue à la source, des pénalités prévues à l’article 1759-0 A du code général des impôts, si la bonne foi est reconnue.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Le présent amendement vise à appliquer à la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu le principe du droit à l’erreur promu par le présent projet de loi, notamment en matière fiscale.
Nous proposons que, à compter de 2019 et pour les deux premières années de l’instauration du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, les entreprises qui emploient moins de 250 salariés et les personnes physiques en charge du traitement ne soient pas redevables, en cas d’erreur commise dans le cadre de l’obligation d’effectuer la retenue à la source, des pénalités prévues à l’article 1759-0-A du code général des impôts, si leur bonne foi est reconnue.
Notons d’ailleurs que, à ce jour, un certain nombre d’entreprises n’ont pas répondu à l’obligation relative aux déclarations sociales nominatives ; c’est un signe qu’il existe un risque de difficultés à venir.
Le rapport de l’Inspection générale des finances sur ce sujet soulignait d’ailleurs ces difficultés ; il proposait en outre l’instauration d’un principe de droit à l’erreur.
Mme la présidente. L’amendement n° 186 rectifié bis, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier, Arnell, Castelli, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin, Corbisez et Dantec, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2019 et pendant les deux premières années de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, les entreprises qui emploient moins de 250 salariés ne sont pas redevables, en cas d’erreur commise de bonne foi à l’obligation d’effectuer la retenue à la source, des pénalités prévues à l’article 1759-0-A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Je pourrais considérer cet amendement comme défendu, mais j’aimerais ajouter que l’instauration du prélèvement à la source, qui s’impose aux entreprises, constitue pour elles un moment très anxiogène, parce qu’elles se posent énormément de questions. Leurs salariés leur en adresseront également. En effet, ils auront des réticences à contacter l’administration fiscale pour leur faire part de leurs nombreux questionnements, parce que le numéro de téléphone mis en place à cette fin est surtaxé. Je l’évoque parce que j’avais déposé sur ce point un amendement à l’article 15 A qui a été déclaré irrecevable.
De fait, tout cela n’est pas de nature à rassurer. Si le Gouvernement pouvait accepter cet amendement, qui vise à permettre aux entreprises de moins de 250 salariés d’aborder ce grand saut dans l’inconnu dans de meilleures conditions, ce serait une preuve de confiance.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller et Gremillet, Mmes Lamure et Garriaud-Maylam, MM. Pillet, D. Laurent, Pellevat, Bonne et Henno, Mme Eustache-Brinio, MM. Longeot, Kern, Mandelli, Rapin, Daubresse, Brisson et Chaize, Mme Lavarde, MM. Cuypers, B. Fournier, Piednoir, Morisset, Saury et Milon, Mme Dumas, MM. Revet et Pointereau, Mmes Imbert, Malet et Canayer, M. Forissier, Mme Deromedi, MM. Maurey, Lefèvre, Bazin et Leroux, Mme Morhet-Richaud, MM. Karoutchi, Savary, Canevet, Mayet et H. Leroy, Mmes L. Darcos et Renaud-Garabedian, MM. Bansard, Gilles, Perrin et Raison, Mme Billon, MM. Chatillon, Frassa, Reichardt et Paccaud, Mmes Duranton, Deroche et Férat et M. Kennel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de 2019 et pendant les deux premières années de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, les entreprises qui emploient moins de vingt-et-un salariés et les personnes physiques en charge du traitement ne sont pas redevables, en cas d’erreur à l’obligation d’effectuer la retenue à la source, des pénalités prévues à l’article 1759-0 A du code général des impôts, si la bonne foi est reconnue.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Il s’agit d’un amendement de repli : nous y reprenons le dispositif de l’amendement n° 33 rectifié bis, mais en l’appliquant aux seules entreprises de moins de vingt et un salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Nous demandons le retrait des amendements nos 33 rectifié bis et 186 rectifié bis ; l’amendement n° 30 rectifié bis a en revanche reçu de la commission un avis favorable.
On sait bien que de nombreuses PME rencontrent des difficultés dans l’instauration du prélèvement à la source et, en amont, de la déclaration sociale nominative, ou DSN. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, il reste encore a priori 30 000 petites entreprises qui n’ont pas intégré la DSN.
Que ce soit pour la DSN ou pour le prélèvement à la source, j’espère que l’État sera bienveillant envers ces petites entreprises. Il nous a quand même demandé de repousser l’application de la DSN pour ses propres services ! Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d’État, un réel engagement sur ce sujet.
Il n’est toutefois pas raisonnable de supprimer purement et simplement les pénalités applicables pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés. Il ne s’agit pas uniquement de PME ; pour les plus grandes de ces entreprises, la mise en œuvre du prélèvement à la source devrait soulever moins de difficultés. Si les amendements nos 33 rectifié bis ou 186 rectifié bis étaient adoptés, comme les entreprises n’encourraient plus aucune sanction, elles attendraient le dernier moment et demanderaient un délai supplémentaire, comme le fait d’ailleurs l’État ; nous devrions alors résoudre le même problème dans deux ans. La DSN a d’ailleurs connu plusieurs fois de tels délais supplémentaires.
Nous acceptons en revanche, bien entendu, le seuil de 21 salariés, parce que les très petites entreprises ont de fait beaucoup de mal à appliquer ces nouvelles dispositions.
Pour répondre à Mme Delattre, qui s’inquiète des questions posées par les salariés, je pense pour ma part qu’il faudra les inviter à s’adresser à l’administration. En effet, des problèmes se poseront dans les entreprises ; il s’agit non seulement de questions, mais bien d’un sentiment d’agression sur les bulletins de paie. Beaucoup de salariés regardent surtout le bas du bulletin : dès le mois de janvier, ils se sentiront agressés, estimant que leur entreprise aura diminué leur salaire. L’ambiance dans les entreprises sera donc certainement elle aussi beaucoup plus difficile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Ce débat s’est déjà tenu au sein de votre commission spéciale, y compris lors de l’examen des articles de ce texte qui ont été adoptés suivant la nouvelle procédure de législation en commission. Il avait aussi eu lieu lors des débats à l’Assemblée nationale. Beaucoup d’ajustements ont été adoptés qui améliorent le dispositif.
Le Gouvernement avait reporté d’un an la mise en œuvre du prélèvement à la source, justement pour garantir les meilleures conditions techniques d’efficacité de la mise en place du dispositif.
Il faut aussi rappeler que, pour répondre aux craintes exprimées par les collecteurs, et pour tenir compte des recommandations formulées par la mission d’audit de l’Inspection générale des finances, l’article 11 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a déjà réduit de moitié, de 500 euros à 250 euros, le montant minimal de l’amende applicable en cas de défaillance déclarative du collecteur.
En outre le Gouvernement a accepté, lors de l’examen de cette même loi de finances rectificative, d’alléger la sanction pénale en cas de rétention de la retenue à la source ; cette proposition s’inspirait notamment des dispositions qui existent en matière sociale. Par rapport au dispositif initial, c’est déjà un ajustement important.
Par ailleurs, pour répondre à Mme la rapporteur, la ligne de conduite de l’administration fiscale sera dans ce domaine celle qu’elle suit chaque fois que sont mises en œuvre de nouvelles réformes d’envergure, comme l’introduction des déclarations préremplies, le lancement de la télédéclaration, ou encore la généralisation des téléprocédures aux petites entreprises, à savoir, pour les premiers mois, un simple rappel des obligations applicables sans infliger de sanction, de manière à ce que la pédagogie puisse faire effet avant que la sanction ne tombe.
Enfin, dans le cas de la mise en œuvre, pour la première fois, d’une réforme d’ampleur comme celle du prélèvement à la source, réforme qui implique une mobilisation particulière des collecteurs, on risque de menacer la collecte de l’impôt. Il faut donc aussi préserver le cadre dans lequel les mesures sont mises en œuvre. Le maintien d’un régime de sanctions, même allégé, même aménagé, même assorti de dispositions transitoires, est utile à l’efficacité et à la réalité de la mise en œuvre de la réforme.
Permettez-moi, puisque nous avons eu un échange à ce propos en commission spéciale, de vous faire savoir que le Gouvernement travaille actuellement avec l’association des éditeurs de bulletins de paie, que nous avons eu l’occasion de rencontrer. J’ai participé en début d’année à leurs travaux d’assemblée générale ; une charte a été signée tout récemment entre la DGFiP et cette association pour permettre la diffusion et la généralisation de systèmes d’édition de paie qui intègrent les modalités nécessaires au prélèvement à la source.
Nous avons par ailleurs travaillé avec cette association de manière à ce que les entreprises qui disposent de logiciels relativement récents et, notamment, celles qui sont équipées pour les déclarations sociales nominatives puissent imputer l’introduction des éléments nécessaires au prélèvement à la source sur leurs charges de maintenance : cette dépense ne sera pas considérée comme un nouvel investissement, afin que ces entreprises ne soient pas amenées à payer deux fois, pour la DSN voilà quelques mois puis, prochainement, pour le prélèvement à la source, des investissements en matière d’édition de paie. Nous travaillons donc avec cette association pour aller dans le sens que vous appelez de vos vœux.
L’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir évoqué la négociation que vous avez menée avec les éditeurs de bulletin de paie pour que les changements nécessaires à l’instauration du prélèvement à la source soient imputés sur les frais de maintenance informatique. En revanche, il faudra essayer d’en faire la publicité auprès des entreprises. En effet, puisque nous sommes ici dans un climat de confiance, accordons, peut-être, notre confiance aux éditeurs, mais une confiance toute relative ! (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 33 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Compte tenu de l’avis de la commission, qui est favorable à l’amendement n° 30 rectifié bis, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 33 rectifié bis est retiré.
Madame Delattre, l’amendement n° 186 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Je crains, madame le rapporteur, que les salariés n’éprouvent des réticences à appeler l’administration, parce que cet appel sera surtaxé. Les chefs d’entreprise devront donc, malheureusement, répondre à des questions qui ne les concernent pas. Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente, au profit de l’amendement n° 30 rectifié bis.
Mme la présidente. L’amendement n° 186 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
Article 4 bis A (nouveau)
L’article L. 49 du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont expressément mentionnés, selon le cas, sur la proposition de rectification ou sur l’avis d’absence de rectification, les points qui, ayant fait l’objet d’un examen par l’administration, à son initiative ou à l’initiative du contribuable dans les conditions des 10° et 11° de l’article L. 80 B, ne comportent ni insuffisance, ni inexactitude, ni omission et ni dissimulation au sens de l’article L. 55. »
Mme la présidente. L’amendement n° 135, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous proposons la suppression de cet article ajouté par la commission spéciale, parce qu’il n’apporte pas selon nous de réelle plus-value. Le texte de l’article L. 49 du livre des procédures fiscales, issu de la loi de finances rectificative pour 2016, promulguée il y a moins d’un an et demi, est à nos yeux suffisamment explicite.
Quelle serait, de fait, la plus-value de cet article du point de vue du contribuable ? Pourquoi alourdir le texte de l’article L. 49 du livre des procédures fiscales ? On lui ajoute des références à d’autres articles dont le contenu est moins générique et plus concret et a, par conséquent, le défaut récurrent d’une excessive précision. L’article L. 49, lui, est simple ; il traduit simplement la volonté du législateur d’indiquer que, dans la relation entre l’administration fiscale et le contribuable, celui-ci est en droit de recevoir un document établissant les résultats des contrôles effectués.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cette disposition est de nature à créer un climat de confiance entre les entreprises et l’administration ; elle n’est pas redondante par rapport au droit existant.
En effet, les prises de position formelles de l’administration lors d’un contrôle fiscal sont de facto limitées aux points faisant l’objet de rehaussements, points qui figurent sur la proposition de rectification.
Le fait que le vérificateur ne propose pas de rectification sur les autres points examinés ne signifie nullement qu’il considère ceux-ci comme conformes à la loi fiscale. Dès lors, ces points sont susceptibles d’être remis en cause en cas de contrôle fiscal ultérieur portant sur les mêmes exercices, ce qui est source d’insécurité juridique pour les entreprises.
Avec cet article, le contribuable sera expressément informé des points que l’administration considère comme conformes à la loi fiscale : il nous semble que c’est la moindre des choses, alors que le Gouvernement appelle à davantage de confiance et de transparence.
La commission est donc défavorable à cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai déjà eu l’occasion de vous faire savoir que cet article 4 bis A, né de l’adoption par la commission spéciale d’un amendement de Mme le rapporteur, recueillait l’assentiment du Gouvernement.
Certes, nous aurions préféré que les points pouvant faire l’objet d’une garantie soient énumérés par une liste explicite. Je ne veux pas relancer le débat que nous avons eu il y a un instant ; il n’empêche que, en l’état et à ce stade des discussions, le Gouvernement est toujours favorable au maintien de cet article. J’aurai par ailleurs l’occasion de vous proposer, dans un instant, un amendement de coordination sur cet article.
Par conséquent, nous sommes défavorables à cet amendement de suppression.
Mme la présidente. L’amendement n° 206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 49 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les points contrôlés mentionnés aux 1° bis et 10° de l’article L. 80 B sont indiqués au contribuable sur la proposition de rectification ou sur l’avis d’absence de rectification y compris s’ils ne comportent ni insuffisance, ni inexactitude, ni omission, ni dissimulation au sens de l’article L. 55. » ;
2° Après le I de l’article L. 80 M, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« I bis. – Sont expressément mentionnés, selon le cas, lors de l’information orale ou sur la proposition de taxation écrite, les points qui, ayant fait l’objet d’un examen par l’administration, dans les conditions des 1° ter et 11° de l’article L. 80 B, ne comportent ni erreur, ni inexactitude, ni omission, ni insuffisance dans le calcul des droits et taxes exigibles. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le vote de cet amendement aurait eu du sens si l’amendement n° 205 du Gouvernement, examiné précédemment, avait été adopté. L’adoption de cet amendement aurait permis – je le répète, peut-être, parce que je ne désespère jamais de convaincre – d’élargir le champ de la garantie aux droits indirects et à la direction générale des douanes.
Toutefois, l’amendement n° 205 ayant été rejeté, ainsi que l’amendement n° 216, le présent amendement n’a plus de sens ; par conséquent, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 206 est retiré.
Je mets aux voix l’article 4 bis A.
(L’article 4 bis A est adopté.)
Article additionnel après l’article 4 bis A
Mme la présidente. L’amendement n° 212, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du 1° de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’elle a une portée générale, la réponse de l’administration est publiée. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à faire publier les réponses de l’administration fiscale aux demandes de rescrit, dès lors que celles-ci ont une portée générale et impersonnelle.
Alors qu’elle était courante avant la mise en place, en 2012, du Bulletin officiel des finances publiques, ou BOFiP, la publication des rescrits est aujourd’hui très occasionnelle, alors qu’elle contribue à la sécurité juridique des contribuables et qu’elle réduit le risque de contentieux.
Lors de son audition par la commission spéciale, le directeur général des finances publiques a reconnu qu’un effort en la matière était nécessaire. Toutefois, la décision de publier les rescrits demeure aujourd’hui entièrement discrétionnaire, et seule une part très réduite des 18 000 rescrits traités chaque année est rendue publique.
Les prises de position formelles sur la situation spécifique d’un contribuable ne sont pas concernées par le présent amendement et ne seront donc pas publiées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage la volonté de Mme la rapporteur de voir publier les rescrits qui ont une portée générale. J’ai eu l’occasion de le dire devant votre commission spéciale, comme d’ailleurs publiquement à l’occasion de déclarations à la presse.
La direction de la législation fiscale et le service juridique de la DGFiP ont pour pratique de publier les clarifications utiles à la bonne compréhension des règles en vigueur. Nous considérons qu’il faut aller au-delà en relançant la publication des rescrits, sous forme anonymisée, bien entendu, de manière à donner aux entreprises et aux particuliers des exemples concrets illustrant l’application de la règle fiscale.
Pour autant, il n’apparaît pas utile au Gouvernement de légiférer pour atteindre cet objectif. Je prends à nouveau l’engagement devant vous, au nom du Gouvernement, de développer la publication des rescrits généraux. Cette publication fait partie des consignes données à la DGFiP pour améliorer l’information des contribuables sur les règles fiscales qui s’appliquent à leur situation.
Je puis vous annoncer, madame la rapporteur, la création dans les prochaines semaines d’une base générale des rescrits visant à amener nos services à publier plus régulièrement et plus fréquemment les rescrits de caractère général, tel que vous le demandez par cet amendement. Nous considérons véritablement que légiférer serait excessif ; il faut aussi conserver une possibilité d’appréciation. En revanche, la généralisation de la procédure et la création de la base doivent nous permettre d’être beaucoup plus efficaces en la matière. Je le répète : c’est un engagement pris devant vous.
En conséquence, je demande à Mme le rapporteur de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je maintiens l’amendement, qui a été approuvé par la commission.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4 bis A.
Article 4 bis
(Non modifié)
Le chapitre Ier titre II du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 54 B, il est inséré un article L. 54 C ainsi rédigé :
« Art. L. 54 C. – Hormis lorsqu’elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l’objet, dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai. » ;
2° (Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 136, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement de notre groupe découle lui aussi des observations que nous avons formulées sur l’article précédent et l’amendement n° 135.
Les articles L. 12, L. 13 et L. 13 G du livre des procédures fiscales portent sur les procédures de vérification générale de comptabilité, dans le cadre d’un contrôle sur place, sur les procédures d’examen de la situation fiscale personnelle et, enfin, sur les procédures de contrôle de comptabilité informatisée par voie télématique. Cela signifie que l’essentiel des procédures de contrôle fiscal externe, qui sont en quelque sorte le « dur » du travail de contrôle fiscal, est placé hors du champ d’application du présent article.
Il s’agirait donc de donner une qualité nouvelle au recours expédié à l’endroit d’un supérieur hiérarchique, immédiat ou non, d’un vérificateur, mais le tout dans le cadre d’une procédure qui n’est pas la plus traumatisante. N’oublions pas que l’article L. 54 B du LPF indique, pour sa part, que « la notification d’une proposition de rectification doit mentionner, sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix pour discuter la proposition de rectification ou pour y répondre ».
Cet article n’offre donc rien d’autre qu’un encouragement à la mise en œuvre d’une manœuvre d’attente dont les conséquences pourraient d’ailleurs s’avérer contre-productives et dont l’un des effets pourrait être d’inciter l’administration à réaliser un examen de contrôle plus approfondi que celui qui découle du simple contrôle sur pièces.
Une telle démarche, en durcissant inutilement des procédures contentieuses limitées, va sans doute à l’encontre de l’instauration d’une relation de confiance entre administration et usager.
Nous ne pouvons donc que vous inviter à voter la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il est défavorable.
Cet article inscrit dans la loi la possibilité de s’adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur dans le cadre d’un contrôle sur pièces ; c’est exactement ce qui existe actuellement en matière de contrôle sur place.
Cette garantie supplémentaire offerte au contribuable devrait contribuer à améliorer le dialogue avec l’administration dans la phase précontentieuse et à réduire ainsi le nombre de contentieux.
Je précise enfin que cette voie de recours serait exclue pour les procédures de taxation d’office, réservées à des contribuables qui ne s’acquittent pas de leurs obligations : défaut de déclaration, absence de réponse à une demande de l’administration, ou encore opposition à contrôle fiscal. Il s’agit vraiment pour nous d’offrir au contribuable les mêmes possibilités qu’il soit soumis à un contrôle sur place ou à un contrôle sur pièces.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Il est aussi défavorable, pour les raisons qu’a exposées Mme le rapporteur.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 bis.
(L’article 4 bis est adopté.)
Article 4 ter
Le chapitre III du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le 2° de la section I est complété par un article L. 112 A ainsi rédigé :
« Art. L. 112 A. – Afin de concourir à la transparence des marchés fonciers et immobiliers, l’administration fiscale rend librement accessibles au public, sous forme électronique, les éléments d’information qu’elle détient au sujet des valeurs foncières déclarées à l’occasion des mutations intervenues au cours des cinq dernières années.
« Hors le cas des informations protégées au titre du secret de la défense nationale, l’administration fiscale ne peut se prévaloir de la règle du secret. Toutefois, les informations accessibles excluent toute identification nominative du propriétaire d’un bien et ne doivent à aucun moment permettre de reconstituer des listes de biens appartenant à des propriétaires désignés.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les modalités d’application du présent article. » ;
3° (Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 176 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier et Arnell, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et M. Léonhardt, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. L’article 4 ter, introduit par l’Assemblée nationale, prévoit que les informations détenues par l’administration fiscale relatives aux valeurs foncières déclarées à l’occasion de mutations intervenues au cours des cinq dernières années soient accessibles au public.
Je souhaitais simplement signaler que, depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, cet accès a déjà été largement ouvert, notamment à des personnes publiques ou privées dans le cadre de l’exercice de leurs compétences ou de leurs activités, telles que des chercheurs, aux activités de service contribuant à l’information des vendeurs et des acquéreurs, aux établissements publics, aux agences d’urbanismes, au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, ou CEREMA, aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ou SAFER, ainsi qu’aux professionnels et aux particuliers ayant un intérêt à consulter ces données.
J’estime que l’intérêt d’offrir une totale transparence à l’ensemble des citoyens, qui ne sont pas forcément demandeurs de cette mesure, n’a pas été suffisamment démontré. On sait pourtant que cela peut comporter des risques pour la confidentialité des données.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Notre commission s’est initialement montrée très circonspecte quant à l’opportunité même de cet article ; nous pensions même le supprimer. Faut-il vraiment rendre accessible à tous sur internet des données telles que l’adresse, la surface et le prix de vente des biens immobiliers ? En vérité, ce service existe déjà : il s’appelle Patrim et est disponible sur le site impots.gouv.fr. Seulement, à l’heure actuelle, il faut s’identifier et justifier d’une raison valable pour consulter ces informations, par exemple la préparation d’une vente ou d’une acquisition.
La commission a adopté plusieurs amendements visant à encadrer strictement le nouveau dispositif et à garantir la protection de la vie privée en excluant toute identification nominative des propriétaires des biens et en prévoyant un décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Il me semble que cette approche est préférable à une suppression pure et simple de l’article, qui pourrait alors être rétabli dans sa version initiale par l’Assemblée nationale. Pour information, un article identique avait déjà été adopté au sein de la seconde loi de finances rectificative pour 2017, mais avait été censuré comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel.
Je vous demande donc, ma chère collègue, de retirer votre amendement, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Mme Delattre a rappelé que, depuis la promulgation de la loi pour une République numérique, un certain nombre d’obligations s’imposaient pour la consultation de ces données. L’Assemblée nationale a voulu répondre à cette difficulté d’accès. Il s’agit, vous l’avez dit, d’offrir cet accès à tous, y compris, d’ailleurs, aux collectivités et aux aménageurs, qui ont besoin de ces informations pour mener à bien leurs projets. Cet article additionnel adopté par l’Assemblée nationale lève ces difficultés.
La commission spéciale du Sénat a souhaité renforcer les obligations d’anonymisation des données fournies, au-delà du seul nom des propriétaires, comme le prévoyaient les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale. L’article tel qu’issu des travaux de la commission spéciale convient parfaitement au Gouvernement et nous en souhaitons donc le maintien. C’est pourquoi nous sommes opposés à sa suppression et nous vous demandons, madame la sénatrice, le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Delattre, l’amendement n° 176 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 176 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 4 ter.
(L’article 4 ter est adopté.)
Article 4 quater
L’article 440 bis du code des douanes est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – En cas de régularisation spontanée par le redevable des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, avant l’expiration du délai prévu pour l’exercice par l’administration de son droit de reprise et avant tout contrôle de cette dernière, le montant dû au titre de l’intérêt de retard mentionné au I du présent article est réduit de 50 %.
« Si le redevable demande à effectuer une telle régularisation alors qu’un contrôle de l’administration est en cours soit avant la notification de l’information ou de la proposition de taxation mentionnées aux articles 67 B et 67 D, soit après cette notification, ce montant est réduit de 30 %. Dans ce dernier cas, le redevable dispose de trente jours à compter de la notification pour demander la régularisation.
« Les réductions mentionnées au présent II ne peuvent être appliquées que si la régularisation :
« 1° Ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi ;
« 2° Est accompagnée du paiement, soit immédiat, soit dans le cadre d’un plan de règlement des droits accordé par le comptable des douanes, de l’intégralité des droits, taxes et intérêts exigibles. »
Mme la présidente. L’amendement n° 137, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …°Ne porte pas sur des produits ou services portant atteinte à la préservation de la santé publique, la sécurité des personnes et des biens, la protection de l’environnement, le respect des normes internationales et les dispositions d’ordre public du droit du travail ;
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. La rédaction de cet amendement relatif au droit à l’erreur en matière douanière, droit qui est d’ailleurs déjà existant, reprend pour une part essentielle les termes prévus par le projet de loi lui-même en matière de droit à l’erreur de manière générale.
Il convient de faire en sorte que les critères d’atteinte à l’environnement, à la sécurité et la santé publiques, ainsi que les infractions touchant aux dispositions fondamentales et d’ordre public du droit du travail soient retenus pour écarter l’application du droit à l’erreur « douanier ». Nous sommes animés par un souci de logique et de cohérence du texte. S’agissant du droit à l’erreur en matière douanière et de la faculté de transiger, l’article 350 du code des douanes fixe clairement les règles de ces transactions.
Il existe donc d’ores et déjà une gradation claire de l’action publique et de la faculté de transiger dans le domaine douanier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’article 4 quater permet de réduire l’intérêt de retard de 50 % en cas de régularisation spontanée et de 30 % en cas de régularisation en cours de contrôle, pour les droits et taxes recouvrés sur le fondement du code des douanes.
En excluant les régularisations portant sur des produits liés à la santé, à la sécurité, à l’environnement, au droit du travail et aux normes internationales, la mesure prévue par cet amendement viderait largement le dispositif de son sens. Or ce n’est pas justifié : on peut commettre une erreur de bonne foi quel que soit le type de produit concerné, puisque c’est une erreur ! En outre, la réduction des intérêts de retard ne s’applique bien sûr qu’à condition que le contribuable soit de bonne foi et qu’il régularise son erreur.
Pour les déclarations volontairement erronées, la réduction des intérêts de retard n’est de toute façon pas possible et les sanctions sont pleinement applicables.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes raisons.
J’ajoute que, en la matière, les régularisations concernées portent sur la fiscalité énergétique ou environnementale ou sur la taxe à l’essieu. Dès lors, les conditions supplémentaires proposées, qui concernent des produits portant atteinte à la préservation de la santé publique, à la sécurité des personnes et des biens ou encore à la protection de l’environnement et au respect des normes internationales ne paraissent pas pertinentes, au regard des régularisations visées par l’article.
Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8 :
Remplacer les mots :
, soit immédiat, soit dans le cadre d’un plan de règlement des droits accordé par le comptable des douanes, de l’intégralité des droits, taxes et intérêts exigibles
par les mots :
de l’intégralité des droits, taxes et intérêts exigibles, soit immédiatement, soit dans le cadre d’un plan de règlement accordé par le comptable des douanes
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Favorable !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 quater, modifié.
(L’article 4 quater est adopté.)
Article 4 quinquies (nouveau)
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au second alinéa du e l’article 787 B, les mots : « dans les trois mois qui suivent le 31 décembre de chaque année » sont remplacés par les mots : « dans le délai d’un mois à compter de la réception d’un avis de mise en demeure notifié par l’administration » ;
2° Après le premier alinéa du I de l’article 1840 G ter, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sanctions énumérées au présent I ne sont pas applicables pour les engagements prévus aux articles 787 B et C dès lors que les justifications requises sont produites dans le mois de la réception d’un avis de mise en demeure notifié par l’administration. ».
II. Le I s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 41 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 139 est présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 41.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’article 4 quinquies prévoit, pour l’application de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit, dite Dutreil, d’une part, que le contribuable ne soit tenu d’envoyer à l’administration la déclaration annuelle de suivi de son engagement de conservation des titres que sur mise en demeure de l’administration et, d’autre part, que cette exonération partielle ne soit pas remise en cause lorsque les pièces justificatives exigées – y compris les documents autres que cette déclaration annuelle – sont produites dans un délai d’un mois suivant une mise en demeure par l’administration.
Le Gouvernement considère qu’une telle disposition n’a pas sa place dans ce projet de loi. Il a en effet annoncé, dans le cadre du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, dit PACTE, son intention de proposer, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2019, des mesures fiscales tendant à favoriser davantage la transmission d’entreprises. Dans ce cadre, il pourra être amené à soumettre au Parlement un assouplissement des obligations déclaratives associées à ce dispositif. Il semble donc préférable d’envisager globalement l’ensemble des mesures touchant au dispositif Dutreil lors de l’examen parlementaire du projet de loi de finances pour 2019.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 139.
Mme Christine Prunaud. Nous voilà en présence d’un amendement déposé par notre groupe, qui est identique à celui du Gouvernement. J’avoue que c’est un plaisir. Une fois n’est pas coutume ! (Sourires.)
Faut-il le souligner, l’article 787 B du code général des impôts relatif au traitement fiscal des engagements collectifs de conservation a été profondément modifié par la loi de finances pour 2018 et a fait l’objet d’une nouvelle réécriture la semaine dernière dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce.
Si le Gouvernement est cohérent avec la position qu’il exprime dans le présent débat, il importerait qu’il procède à la suppression de l’article de cette proposition de loi, si elle est examinée à l’Assemblée nationale avant la fin du parcours législatif du projet de loi que nous discutons.
Nous ne ferons pas de longs discours ; nous relèverons simplement que l’article 787 A a perdu beaucoup de sa raison d’être avec la disparition de l’impôt de solidarité sur la fortune, dont il a pu constituer l’un des correctifs. C’est pourquoi il est temps de supprimer l’article 4 quinquies et de rendre ce projet de loi un peu plus intelligible et cohérent. On peut en effet se demander en quoi l’administration « accompagne » les administrés lorsqu’elle leur adresse des mises en demeure !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Pour bénéficier du dispositif Dutreil sur la transmission d’entreprises familiales, les repreneurs doivent transmettre chaque année une attestation certifiant qu’ils conservent toujours les parts de l’entreprise. Le simple défaut de transmission de cette attestation suffit à faire perdre le bénéfice du pacte Dutreil, ce qui paraît tout à fait disproportionné au regard du manquement.
L’article 4 quinquies, adopté par la commission spéciale, permet de conserver le bénéfice du pacte Dutreil si l’attestation est fournie dans un délai d’un mois à compter de la demande de l’administration. Il s’agit là d’une mesure de bon sens, équilibrée et, surtout, cohérente avec l’esprit du projet de loi, puisque nous sommes pleinement dans le cadre d’un droit à l’erreur.
D’après le Gouvernement, il existe en pratique une tolérance en cas de retard, mais il semble que celle-ci ne soit pas uniformément appliquée sur l’ensemble du territoire. L’inscription dans la loi permettra de régler ce problème.
Il s’agit en outre d’une simple mesure de procédure, qui n’est pas liée à la réforme de fond du dispositif promise par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi PACTE. Cet article concerne en effet seulement le droit à l’erreur et les cas d’oubli d’envoi d’une attestation.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Bien évidemment, le Gouvernement maintient son amendement.
Comme l’a rappelé Mme Prunaud, cette adéquation d’amendements n’est pas forcément chose commune, mais, à force de faire référence à cette citation célèbre depuis le début de ce débat – la confiance n’exclut pas le contrôle –, ce type d’alliance devait naître dans l’hémicycle ! (Sourires.)
Par ailleurs, et pour en revenir au fond, je répète à l’attention de Mme le rapporteur que nous préférerions largement pouvoir examiner l’intégralité des dispositions relatives au dispositif Dutreil à l’occasion de l’examen du projet de loi PACTE et du projet de loi de finances pour 2019, plutôt que de prendre le risque d’insérer des dispositions dans ce texte. Cela poserait en outre un problème de lisibilité des dispositions qui seront progressivement prises au cours de cette année.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 et 139.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 quinquies.
(L’article 4 quinquies est adopté.)
Article 5
Le II de la section IV du chapitre Ier du titre II du livre des procédures fiscales est complété par des articles L. 62 B et L. 62 C ainsi rédigés :
« Art. L. 62 B. – En matière de contributions indirectes, le redevable peut soit spontanément, avant l’expiration du délai prévu pour l’exercice par l’administration de son droit de reprise, soit à la demande de l’administration dans le délai que celle-ci lui indique régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances commises pour la première fois, au cours des six années précédant cette commission, dans les déclarations souscrites dans les délais. Les sanctions prévues aux articles 1791 à 1794, 1797 à 1798 ter et 1804 du code général des impôts ne sont pas applicables lorsque cette régularisation :
« 1° Est accompagnée du paiement des droits et taxes concernés et de l’intérêt de retard prévu, selon le cas, au V de l’article 1727 du code général des impôts ou à l’article L. 62 C du présent livre et que ce paiement est soit immédiat, soit effectué le cadre d’un plan de règlement des droits accordé par le comptable public ;
« 2° Ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi.
« Art. L. 62 C. – En matière de contributions indirectes, le montant dû au titre de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts est réduit de 30 % lorsque le redevable demande à régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, alors qu’un contrôle de l’administration est en cours, soit avant la notification de l’information ou de la proposition de taxation mentionnées au I de l’article L. 80 M du présent livre, soit après cette notification. Dans ce dernier cas, le redevable dispose de trente jours à compter de la notification pour demander la régularisation.
« La réduction mentionnée au premier alinéa du présent article ne peut être appliquée que si la régularisation :
« 1° Ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi ;
« 2° Est accompagnée du paiement, soit immédiat, soit dans le cadre d’un plan de règlement des droits accordé par le comptable public, de l’intégralité des droits, taxes et intérêts exigibles. »
Mme la présidente. L’amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
, soit immédiat, soit dans le cadre d’un plan de règlement des droits accordé par le comptable public, de l’intégralité des droits, taxes et intérêts exigibles
par les mots :
de l’intégralité des droits, taxes et intérêts exigibles, soit immédiatement, soit dans le cadre d’un plan de règlement accordé par le comptable public
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission spéciale. Favorable !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Après le chapitre VI du titre XII du code des douanes, il est inséré un chapitre VI bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI BIS
« Régularisation des obligations déclaratives
« Art. 440-1. – I. – Le redevable d’un droit ou d’une taxe recouvrés en application du présent code, à l’exclusion des ressources propres de l’Union européenne, peut soit spontanément, avant l’expiration du délai prévu pour l’exercice par l’administration de son droit de reprise, soit à la demande de l’administration dans le délai que celle-ci lui indique régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances commises pour la première fois, au cours des six années précédant cette commission, dans les déclarations souscrites dans les délais. Les sanctions prévues aux articles 410 à 412 ne sont pas applicables lorsque cette régularisation :
« 1° Est accompagnée du paiement des droits et taxes concernés et de l’intérêt de retard prévu à l’article 440 bis et que ce paiement est soit immédiat, soit effectué dans le cadre d’un plan de règlement des droits accordé par le comptable des douanes ;
« 2° Ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi.
« II. – Le présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna. »
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.
M. Éric Bocquet. Ainsi que nous avons eu l’occasion de le souligner lors de la discussion de l’amendement n° 137, le droit à l’erreur existe de longue date, autant en matière fiscale, où il procède quasiment de l’activité quotidienne des services, qu’en matière douanière. Il est même codifié dans le cadre de l’article 350 du code des douanes, dont je ne rappellerai pas ici les termes, car il est un peu long, mais que chacun a bien sûr en tête. (Sourires.)
On pourrait d’ailleurs envisager le code des douanes comme une préfiguration de l’importance donnée au droit à l’erreur et à la bonne foi du contribuable. On aura toutefois noté que l’article 350 laisse, dans certaines limites, toute latitude aux services déconcentrés pour appliquer la loi avec mesure et que le recours hiérarchique découle naturellement de l’importance de l’infraction constatée, à tel point qu’un document syndical, dont nous avons eu communication dans le cadre de la préparation de l’examen de ce texte, précise : « En matière douanière, l’article 350 du code des douanes prévoit la possibilité pour l’administration des douanes de transiger. Cette transaction a pour effet d’éteindre l’action pour l’application des sanctions fiscales douanières, ainsi que l’application des peines d’emprisonnement prévues par le code des douanes. Il convient ici de rappeler que les infractions font l’objet d’une transaction dans 99 % des cas, lesquelles aboutissent dans 20 % à la suppression totale des pénalités. »
Par conséquent, de façon très concrète, la « valeur ajoutée » de l’article 6 ne mérite même pas d’être prise en compte. C’est la raison pour laquelle nous ne le voterons pas.
Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer le mot :
six
par le mot :
trois
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le droit à l’erreur permet de ne pas appliquer les sanctions prévues par le code des douanes, soit lorsque le redevable de bonne foi rectifie de manière spontanée, avant l’expiration du délai relatif au droit de reprise de trois ans de l’administration, une déclaration qu’il a souscrite ; soit, alors qu’un contrôle de l’administration des douanes est en cours, lorsque l’erreur, l’inexactitude, l’omission ou l’insuffisance a été commise pour la première fois, au cours du délai de prescription de la poursuite de l’infraction. Pour ce qui concerne l’infraction commise de bonne foi, le délai de prescription est de trois ans, conformément à l’article 351 du code des douanes.
L’article 6 du présent projet de loi prévoit un délai de six ans. Il convient donc de ramener ce délai à trois ans, de manière à être en conformité avec le délai de prescription.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission spéciale émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 6 bis (nouveau)
Au deuxième alinéa du 3 de l’article 265 B du code des douanes, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par le mot : « et ».
Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement vise à restaurer la rédaction de l’article 265 B du code des douanes. En effet, l’amendement adopté par la commission spéciale du Sénat réduit la définition du détournement de destination privilégiée à la combinaison de la constatation d’un usage autre du produit que celui qui ouvre droit à une fiscalité privilégiée et à l’absence de justification de cet usage.
Aujourd’hui, ces conditions ne sont pas cumulatives et permettent de prendre en compte les situations où un usage non conforme à celui qui ouvre le droit à une fiscalité avantageuse a été constaté et les situations où, après que le produit qui a bénéficié d’une fiscalité avantageuse a été consommé, les services prouvent qu’aucun des justificatifs témoignant d’un usage ouvrant droit à une fiscalité avantageuse n’existe.
Les enjeux fiscaux recouverts par ces régimes sont importants. Ils représentent une dépense fiscale de 5,9 milliards d’euros. Ils justifient un suivi de ces régimes jusqu’à leur utilisation finale, ouvrant droit au taux réduit. Ce suivi est d’ailleurs similaire à celui qui s’applique à d’autres régimes d’exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE.
Les distributeurs doivent effectuer le suivi des produits jusqu’à leur livraison à l’utilisateur. L’utilisateur doit, quant à lui, s’identifier auprès de son distributeur et justifier de la destination des produits auprès de la direction générale des douanes et droits indirects. L’utilisateur est responsable de tout usage différent de celui qui est prévu par le régime privilégié dans le cadre duquel il a acheté ses produits. La répartition des responsabilités entre distributeurs et utilisateurs est ainsi cohérente et indispensable pour assurer une traçabilité jusqu’à l’utilisation.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le rétablissement de la rédaction actuelle de l’article 265 B du code des douanes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Aujourd’hui, les distributeurs de carburants sous conditions d’emploi – gazole non routier, gazole agricole, fioul domestique, etc. – peuvent faire l’objet d’un redressement fiscal s’ils ne sont pas en mesure de présenter le justificatif de destination des produits vendus, et ce même si aucun détournement n’est attesté ou s’ils ne sont ni complices ni informés du détournement.
En supprimant l’article 6 bis, adopté par la commission spéciale, nous reviendrions donc à une situation où les sanctions peuvent être disproportionnées par rapport au manquement, alors même que les distributeurs sont de bonne foi. Cela étant, les distributeurs sont tout de même responsables du suivi des produits jusqu’à leur destination et il n’est bien entendu pas anormal de leur demander un justificatif.
Plutôt que de supprimer purement et simplement cet article, monsieur le secrétaire d’État, il faudrait travailler à une solution intermédiaire, qui pourrait être examinée en commission mixte paritaire et prendre, par exemple, la forme d’une amende forfaitaire en cas de non-présentation du justificatif, amende dont le montant serait acceptable pour l’entreprise.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 bis.
(L’article 6 bis est adopté.)
Article 7
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute disposition relevant du domaine de la loi modifiant le code général des impôts ou le livre des procédures fiscales en vue de permettre aux entreprises soumises à des impôts commerciaux de demander à l’administration un accompagnement dans la gestion de leurs obligations déclaratives, notamment par un examen de la conformité de leurs opérations à la législation fiscale et par une prise de position formelle sur l’application de celle-ci, mené le cas échéant dans un cadre contractuel :
a) Au titre de l’exercice en cours et le cas échéant des exercices précédents ;
b) Dans le cadre d’un examen effectué conjointement, le cas échéant sur place, par des agents chargés de l’établissement de l’assiette et des agents chargés du contrôle ;
c) Permettant à l’entreprise de déposer, au titre de l’exercice concerné, une déclaration initiale ou rectificative ne donnant pas lieu à l’application de pénalités.
Ces dispositions fixent, aux fins d’assurer un équilibre entre l’objectif de renforcement de la sécurité juridique des entreprises, le principe d’égalité devant l’impôt, et les exigences de bonne administration, les critères objectifs permettant de définir les entreprises ou les catégories d’entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises, susceptibles de bénéficier de ce dispositif, en fonction notamment de leur taille, du caractère innovant ou complexe de leur activité ainsi que des enjeux fiscaux significatifs de leurs opérations.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de ces ordonnances.
II (nouveau). – Le Gouvernement publie, en septembre de chaque année, le nombre d’entreprises ayant bénéficié du régime mentionné au I au titre de l’année précédente, ainsi que le montant des corrections de base effectuées par les entreprises, sur proposition de l’administration, dans le cadre de ce régime.
Mme la présidente. L’amendement n° 140, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Nous proposons la suppression de cet article d’habilitation pour plusieurs raisons, qui vont au-delà de notre opposition de principe à l’application de l’article 38, utilisé plus de 500 fois durant le quinquennat précédent et déjà invoqué à 40 reprises depuis le début du quinquennat actuel. En effet, le sujet est d’importance et ne saurait à ce titre être limité à un dialogue entre le Gouvernement et les milieux de l’entreprise.
Il est ici question de la sécurité juridique des entreprises soumises à des impôts commerciaux – autant dire toutes les entreprises –, en les mettant en situation de bénéficier d’une forme d’extension du rescrit fiscal, question déjà traitée ces dernières années.
Quelques rappels s’imposent.
Tout d’abord, le délai d’habilitation ouvert est de neuf mois, ce qui, pour peu que l’on veuille ratifier l’ordonnance concernée, nous amène au-delà du 31 décembre 2018. De fait, alors que la procédure fiscale est un strict objet de discussion de loi de finances ou de loi de finances rectificative, nous allons placer des entreprises en attente de l’application d’un cadre législatif qui pourrait être défini tranquillement par la discussion budgétaire.
Par ailleurs, s’il s’agit de fixer les principes d’intervention des services déconcentrés et des directions spécialisées de l’administration fiscale, soulignons que les faits sont déjà établis et que les plus grandes entreprises constituent déjà la clientèle privilégiée de la direction des grandes entreprises, les PME et TPE constituant les sujets d’intervention des services territoriaux.
Le partage existe donc déjà et il n’est d’ailleurs pas sans poser de problèmes, puisque la qualité du contrôle fiscal notamment dépend beaucoup de l’efficacité et du travail du réseau des centres des finances publiques « à la base ». N’oublions pas, pour prendre un exemple en matière de fiscalité personnelle, que l’affaire Cahuzac fut d’abord le résultat du travail d’un inspecteur des impôts travaillant dans le centre des impôts de Villeneuve-sur-Lot.
Le Gouvernement aurait mieux fait de proposer un texte de réécriture partielle du code général des impôts plutôt qu’un article d’habilitation qui va priver le Parlement d’un débat pourtant utile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
La « relation de confiance », qui consiste à accompagner les entreprises en amont de leurs obligations déclaratives, c’est-à-dire dans une démarche de validation a priori plutôt que de contrôle a posteriori, est un élément important du projet de loi, auquel la commission spéciale est attachée. En l’espèce, l’habilitation paraît nécessaire et le délai de neuf mois semble raisonnable, compte tenu des nombreux points qui doivent encore faire l’objet de discussions avec les entreprises.
La commission spéciale a tout de même adopté plusieurs amendements tendant à restreindre le champ de cette habilitation et à garantir l’esprit d’origine de la relation de confiance, telle qu’elle a été expérimentée en 2013 et 2014, à la satisfaction des entreprises.
L’objectif est que la nouvelle relation de confiance ne se résume pas à une énième procédure de rescrit en cours d’exercice, mais qu’elle consiste bien à accompagner les entreprises en amont du dépôt des comptes, avec des agents issus de différents services et dans la mesure des moyens disponibles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement de suppression, pour des raisons extrêmement proches de celles qu’a avancées Mme le rapporteur.
Je profite de cette occasion pour souligner ou rappeler que le Gouvernement a dit être plus à l’aise avec la rédaction issue de l’Assemblée nationale qu’avec celle qui émane des travaux de la commission spéciale du Sénat. En effet, un certain nombre de dispositions qui ont été adoptées par cette dernière nous paraissent peut-être plus difficiles à interpréter.
Cela étant, et malgré cette réserve, nous tenons évidemment à l’article 7.
Mme la présidente. L’amendement n° 178 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier et Arnell, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
, mené le cas échéant dans un cadre contractuel
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. L’habilitation à légiférer par ordonnances pour expérimenter l’accompagnement d’entreprises par l’administration dans la gestion de leurs obligations déclaratives prévoit, dans sa rédaction actuelle, que cet accompagnement peut être « mené le cas échéant dans un cadre contractuel ». La portée exacte de cette précision pose question : de quelle forme de contractualisation s’agit-il ? Nous savons que la libre décision se pratique département par département. Certains agents cultivent le principe de précaution, d’autres la bienveillance.
Ce flou nous conduit donc à demander la suppression de ce passage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Cette précision a été ajoutée par la commission spéciale, sur l’initiative de votre rapporteur. L’une des grandes vertus de la relation de confiance, telle qu’elle a été expérimentée en 2013 et 2014, était précisément son caractère contractuel. Elle ne reposait sur aucune disposition législative spécifique, mais était formalisée par un « protocole de coopération » entre l’administration et l’entreprise, résiliable à tout moment, qui définissait les modalités pratiques de la revue – périodicité des interventions, interlocuteurs, composition de l’équipe – ainsi que les opérations à examiner et qui fixait les engagements respectifs de chacune des parties.
Il importe de préserver cet esprit d’origine, sauf à risquer que la relation de confiance dans sa nouvelle version ne se résume à un nouveau rescrit ou à une nouvelle forme de contrôle fiscal à la demande.
La formulation retenue demeure toutefois suffisamment ouverte, grâce à l’expression « le cas échéant », pour laisser au dispositif une certaine flexibilité en fonction des circonstances.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai souligné voilà un instant que la nouvelle rédaction de l’article 7 ne nous paraissait pas optimale au regard de son objectif, dans la mesure où elle contraint excessivement le format de la future relation de confiance que l’ordonnance aura vocation à définir.
La mention que l’amendement de Mme Delattre vise à supprimer ne nous semble pas nécessaire, d’autant qu’elle est source d’interrogations, voire d’ambiguïté. Si l’expérimentation de la relation de confiance s’est traduite par la signature de conventions, ces dernières ne peuvent bien entendu déroger aux règles sur l’assiette des impôts. Il va de soi que l’administration fiscale ne peut déroger par contrat à la loi fiscale.
Par conséquent, la proposition de contractualisation ne peut pas porter sur la teneur du droit applicable et il me semble nécessaire d’apporter une telle clarification. La modification apportée par cet amendement y participe et atteste du même sentiment que celui du Gouvernement sur la rédaction actuelle de l’article 7.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 213, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après chaque occurrence du mot :
agents
insérer les mots :
issus des services
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Madame la rapporteur, il semble que nous n’ayons pas tout à fait la même définition de la clarification ! (Sourires.)
M. Jean-François Husson, président de la commission spéciale. Pour nous, c’est lumineux ! (Nouveaux sourires.)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’entends bien, monsieur le président de la commission spéciale, que cela vous paraît lumineux, mais – et j’essaie de le dire aussi poliment que possible – l’article 7, dans sa rédaction initiale, appellerait peut-être un peu plus de lumière. Nous souhaitons y retravailler à l’occasion de la navette parlementaire.
Madame la rapporteur, si nous comprenons le sens de votre amendement, nous ne pouvons y être favorables en l’état. Pour offrir aux entreprises un accompagnement juridique de qualité, le point clef est la compétence des services. Or le texte adopté par la commission spéciale prévoit de créer de nouvelles équipes mixtes, composées de fonctionnaires issus des services de gestion des entreprises et des services de contrôle.
Cet amendement vise à préciser que les équipes dédiées à la sécurité juridique des entreprises seraient distinctes des services de contrôle et de gestion. Ce faisant, il tend à poser un principe d’organisation des services chargés d’appliquer les dispositions prévues par cet article. Or nous ne pouvons être favorables au fait de fixer dans la loi un principe d’organisation des services de l’État.
Mme la présidente. L’amendement n° 179 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier et Arnell, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
, en fonction notamment de leur taille, du caractère innovant ou complexe de leur activité ainsi que des enjeux fiscaux significatifs de leurs opérations
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Je tiens à exprimer notre surprise face au fait que certaines entreprises, celles qui sont grandes, innovantes, avec des « enjeux fiscaux significatifs », puissent être privilégiées. Voilà des précisions qui nous paraissent approximatives au regard des enjeux de ce projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Selon le directeur général des finances publiques, auditionné par la commission spéciale, pour que le dispositif de la relation de confiance soit ambitieux, il faut aussi admettre qu’il ne pourra pas être ouvert à tout le monde. De fait, il correspond plus naturellement aux grandes entreprises, dont les sujets fiscaux posent souvent des difficultés d’interprétation, ou aux PME présentant des enjeux spécifiques, par exemple en matière d’innovation – de fait, dans la mesure où il s’agit précisément d’une nouvelle activité, les textes ne sont pas toujours adaptés –, en matière de recherche et développement ou à l’international.
Compte tenu des moyens humains limités de l’administration et pour respecter le principe d’égalité devant l’impôt, il est impératif de définir ces critères de manière objective.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Autant je partageais la position de Mme Delattre sur l’amendement n° 178 rectifié, autant je me rallie à celle de Mme la rapporteur sur cet amendement.
Quelle que soit l’appréciation globale sur la rédaction de l’article 7, la mention dont nous examinons la pertinence permet de différencier les conditions dans lesquelles ces dispositions pourront être appliquées aux entreprises. On peut considérer, en matière d’entreprises, que ce n’est pas la taille qui compte et que chacun doit être en capacité d’avoir les mêmes droits. En réalité, cette mention nous permettra aussi d’affiner les dispositions que nous pourrons appliquer aux entreprises et de prévoir d’accompagner toutes les entreprises, mais avec des modalités adaptées.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Delattre, l’amendement n° 179 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 179 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article additionnel après l’article 7
Mme la présidente. L’amendement n° 166, présenté par Mme Lamure, MM. Nougein et Vaspart, Mmes Berthet et Billon, M. Cadic, Mme Canayer, MM. Canevet et Danesi, Mmes Deromedi et Estrosi Sassone, MM. Forissier, B. Fournier, D. Laurent et Meurant, Mme Morhet-Richaud et M. Pierre, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration est complété par une section … ainsi rédigée :
« Section …
« Évaluation des services de l’administration
« Article L. 114-… – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles le Premier ministre fait procéder à l’évaluation de la qualité des relations entre l’administration et les entreprises. À cette fin, ce décret fixe notamment aux administrations compétentes des objectifs d’aide et de conseil aux entreprises.
« Le Gouvernement soumet au Parlement un rapport sur cette évaluation, tous les trois ans, avant le 1er juin. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Reprenant l’une des propositions du rapport de MM. Claude Nougein et Michel Vaspart sur la transmission d’entreprise en France, cet amendement vise un changement de paradigme pour faire évoluer « l’administration-sanction » vers « l’administration-conseil », en s’appuyant sur une évaluation des services de l’administration. Ce faisant, il s’agit d’offrir une traduction concrète à la déclaration de principes figurant à l’annexe de l’article 1er de ce projet de loi, qui prévoit des évaluations régulières de l’administration associant les personnes intéressées.
L’amendement tend donc à instaurer une évaluation appelée à porter non seulement sur les services locaux de l’administration fiscale, mais également sur les services des autres administrations, dont l’action peut avoir un impact sur la vie des entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à établir par voie réglementaire un cadre d’évaluation des relations entre l’administration et les entreprises.
La forme de l’amendement pose problème. Il n’est en effet pas possible de contraindre par la loi le Premier ministre à effectuer une telle démarche. Il aurait fallu que la loi fixe un cadre aux évaluations prévues et que, en application de ces dispositions, le Premier ministre prenne des décrets d’application. Or tel n’est pas la solution retenue par les auteurs de cet amendement.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Je suis désolée, madame Lamure ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je compatis à la peine de Mme Lamure, car je subis moi-même depuis quelques heures maintenant les avis défavorables de Mme la rapporteur, à une différence près, c’est qu’elle ne m’a pas encore dit qu’elle en était désolée ! (Exclamations amusées.) Je ne désespère pas de l’entendre me le dire dans la soirée…
Plus sérieusement, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission, y compris sur les conditions d’appréciation. En outre, la stratégie nationale de l’action publique définie au début du projet de loi fixe des objectifs à l’horizon de 2022, ce qui ne permettrait pas de mettre en œuvre l’amendement que vous proposez.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Lamure, l’amendement n° 166 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Ayant bien compris que les avis défavorables étaient motivés par la forme de l’amendement, et non par le fond, j’accepte de le retirer, mais à regret.
Mme la présidente. L’amendement n° 166 est retiré.
Article 7 bis (nouveau)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 133-1, la référence « deuxième alinéa » est remplacée par les références « II ou du III ».
2° L’article L. 133-4-2 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;
– après les mots « présent article », la fin est supprimée.
c) Le troisième alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« III. – Lorsque la dissimulation est partielle ou qu’il est fait application des dispositions prévues au II de l’article L. 8221-6 du code du travail et en dehors des cas mentionnés aux deuxième à dernier alinéas du présent III, l’annulation prévue au I est partielle. Dans ce cas, la proportion des exonérations annulées correspond au rapport entre le double des rémunérations éludées et le montant des rémunérations versées à l’ensemble du personnel de l’entreprise sur la période faisant l’objet du redressement qui ont été soumises à cotisations de sécurité sociale, dans la limite de 100 %.
« Par dérogation au premier alinéa du présent III, l’annulation est totale :
« – en cas d’emploi dissimulé d’un mineur soumis à l’obligation scolaire ou d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur.
« – lorsque l’infraction mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 8224-2 du code du travail est constatée.
« – lorsque l’employeur a fait l’objet d’un redressement faisant suite au constat de l’infraction mentionnée au 1° de l’article L. 8211-1 du code du travail au cours des cinq années précédentes. » ;
d) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « IV. – » ;
– les mots : « deuxième et troisième » sont remplacés par les références : « II et III ».
3° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 133-4-5, les références : « deuxième et troisième alinéas » sont remplacées par les références : « II et III ».
II. – La perte de recettes éventuelle résultant pour les organismes de sécurité sociale du I et du II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme la présidente. L’amendement n° 180 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Requier et Arnell, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde, MM. Menonville, Vall, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet article, introduit en commission spéciale, module l’annulation d’exonérations de cotisations sociales en cas de travail partiellement dissimulé. Il n’entre pas pour nous dans le champ du droit à l’erreur, le travail dissimulé se faisant généralement en connaissance de cause. La non-déclaration de salariés par leur employeur est plus souvent le fruit d’une tentative de fraude que d’un oubli ou d’une erreur.
Compte tenu des conséquences financières et sociales néfastes pour le salarié de la non-déclaration, il est proposé de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet article nouveau résulte de nos échanges, au cours de nos auditions, avec l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui chapeaute le réseau des URSSAF, les unions de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales.
En l’état actuel du droit, lorsqu’un constat de travail dissimulé est dressé, l’employeur perd le bénéfice de toutes ses exonérations de cotisations sociales. Cette annulation s’ajoute au redressement, assorti de majorations, et, le cas échéant, à des poursuites pénales. Cette peine complémentaire traduit la volonté de lutter efficacement contre le travail dissimulé.
Toutefois, la notion de travail dissimulé recouvre des situations assez différentes. Il peut s’agir bien entendu de véritables fraudes, mais également d’un oubli portant sur quelques heures supplémentaires ou encore de la requalification en travail salarié d’une prestation de travail indépendant.
On peut s’interroger sur la pertinence de punir avec la même sévérité ces manquements de nature différente. Surtout, l’annulation totale des exonérations dont l’employeur a pu bénéficier peut apparaître excessive dans les cas où le montant des rémunérations que l’URSSAF considère comme dissimulées est dérisoire par rapport au montant dont l’entreprise s’est régulièrement acquittée.
Cette situation a tendance à renforcer la méfiance des employeurs vis-à-vis des contrôles des URSSAF.
L’article 7 bis prévoit donc une sanction complémentaire plus en rapport avec l’ampleur de la dissimulation. Il ne s’agit pas de privilégier d’éventuelles fraudes. Je vous assure que, dans certains cas, le volume d’heures supplémentaires non déclarées est faible. Quant à la requalification en travail salarié d’une prestation de travail indépendant, elle concerne souvent des personnes de bonne foi, qui ne connaissent pas l’existence de cette disposition et se retrouvent dans une situation frauduleuse vis-à-vis de l’URSSAF.
J’entends bien ce que vous dites, chère collègue, mais nous avons fait en sorte que cet article n’ouvre pas la porte aux fraudes. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de Mme Delattre.
Nous considérons, comme vous, madame la sénatrice, que, dans le cas traité par cet article, les faits constatés relèvent, pour l’essentiel, d’une tentative de fraude ou de dissimulation.
Par ailleurs, alors que nous ne cessons de dire depuis le début du débat que le droit à l’erreur ne s’applique pas lorsqu’il y a une volonté frauduleuse, nous pensons que le maintien d’une telle disposition dans le texte reviendrait à envoyer un signal incohérent et contre-productif.
Pour ces raisons, le Gouvernement souhaite que cet article soit supprimé et soutient l’amendement déposé par Mme Delattre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7 bis.
(L’article 7 bis est adopté.)
Article 8
I. – Le chapitre V du titre Ier du livre Ier de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 8115-1, après le mot : « pénales, », sont insérés les mots : « soit adresser à l’employeur un avertissement, soit » ;
1° bis L’article L. 8115-3 est ainsi modifié :
a) Le second alinéa est complété par les mots : « de même nature » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Il est majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’un an à compter du jour de la notification d’un avertissement concernant un précédent manquement de même nature. » ;
2° L’article L. 8115-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 8115-4. – Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l’autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges. » ;
3° À l’article L. 8115-6, les mots : « l’amende est prononcée » sont remplacés par les mots : « un avertissement ou une amende est prononcé ».
II. – Le 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur ; ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l’article.
Mme Françoise Férat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance est d’enclencher une dynamique de transformation de l’action publique en renforçant le cadre d’une relation de confiance entre le public et l’administration. Pour ce faire, il pose les jalons de cette relation – accompagnement, engagement et dialogue – et vise à rendre l’action publique plus efficace, plus moderne et plus simple.
L’ensemble des députés ont compris ce texte. En effet, ils ont introduit à l’article 8 une véritable mesure de simplification administrative répondant aux objectifs du présent projet de loi.
Cette mesure, très attendue par les filières agricole et viticole, qui recourent de manière importante aux contrats saisonniers, notamment lors de la récolte, permet l’émission d’un seul bulletin de salaire lorsque la durée du contrat de travail d’un saisonnier est inférieure à un mois, mais à cheval sur deux mois distincts. À titre d’exemple, je citerai le cas des vendanges en Champagne. Si un viticulteur débute ses vendanges le 31 août et les poursuit les premiers jours de septembre, il était jusqu’à présent tenu d’établir deux fiches de paie. Cet article apporte donc une réelle simplification.
Avec quelques-uns de mes collègues, j’avais déposé un amendement visant à compléter cette disposition nouvelle. Actuellement, le code rural et le code de la sécurité sociale définissent la rémunération prise en compte pour la réduction des charges patronales accordée pour l’embauche de main-d’œuvre occasionnelle. Or, dans ce cas, le calcul se fait non pas sur la totalité du contrat de travail, mais pour chaque mois civil.
En complément de la mesure adoptée à l’Assemblée nationale, notre amendement visait à prendre en compte la durée totale de travail du contrat d’un saisonnier, sans effet couperet à la fin d’un mois civil. Seulement, notre amendement a été rejeté au titre de l’article 45 de la Constitution, au motif qu’il n’aurait pas de lien, même indirect, avec le texte ! Permettez-moi de vous dire que cette décision me paraît absurde et, à l’heure où nous prônons la simplification, tout à fait regrettable.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de prendre en compte la simplification administrative que je propose, simplification que le Sénat n’est manifestement pas légitime à porter.
Mme la présidente. L’amendement n° 141, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Si l’ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail ouvre la possibilité pour la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, de prononcer des amendes administratives en cas de manquements à certaines dispositions du droit du travail, l’article 8 prévoit, lui, que ces amendes peuvent être remplacées par un simple avertissement. Il serait donc possible pour les agents de la DIRECCTE de choisir l’avertissement plutôt que l’amende administrative en cas de manquements au droit du travail.
Je tiens à rappeler de quels manquements nous parlons : il s’agit de la durée maximale du travail, du respect du repos quotidien, du salaire minimum, du respect des obligations des employeurs en matière d’installations sanitaires, de restauration et d’hébergement.
Pour notre part, nous sommes loin de considérer que ces manquements sont bénins. Les agents de contrôle font déjà grandement usage du rappel à la loi, plutôt que de l’amende. Sur 160 469 lettres d’observations rédigées par des agents de contrôle, seules 429 décisions ont abouti à une amende !
En l’état actuel du droit, l’employeur peut déjà contester la décision des contrôleurs au tribunal administratif.
En cas d’amende, le contrôleur doit prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, ainsi que ses ressources et ses charges. Il est d’ailleurs indiqué dans le rapport du Sénat que : « On peut donc considérer qu’il existe déjà en la matière une forme de droit à l’erreur pour l’employeur, qui est laissée à l’appréciation des agents de l’inspection du travail. » Par conséquent, cet article n’aurait vocation à s’appliquer que « dans les cas, rares en pratique, dans lesquels un agent de contrôle considérerait qu’un manquement est suffisamment grave pour justifier la transmission d’un rapport, mais où le DIRECCTE estimerait qu’une sanction pécuniaire n’est pas justifiée. »
Ajouter que les contrôleurs doivent prendre en compte la bonne foi de l’employeur paraît redondant avec l’article L. 8115-4, qui prévoit que « l’autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ».
Enfin, les contrôles et la sanction des fraudes sont inhérents et corrélatifs au système déclaratif et au respect de l’ordre public économique et social.
Pour toutes ses raisons, nous demandons la suppression de cet article
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission souligne dans son rapport que l’effet de l’article 8 sera limité. En effet, dans la grande majorité des cas où l’inspecteur du travail estime que le manquement qu’il a constaté justifie la transmission de son rapport au DIRECCTE, ce dernier prononce en général une amende administrative. Les avertissements ne seront prononcés que dans les cas, rares en pratique, dans lesquels le DIRECCTE juge qu’il n’est pas opportun de prononcer une amende, mais souhaite néanmoins rappeler formellement l’employeur à ses obligations. Dans ces cas, il peut être pertinent de prononcer un avertissement plutôt que de classer sans suite une saisine de l’inspection du travail.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, cette mesure est pour nous emblématique. Si l’administration, notamment l’inspection du travail, est en capacité de délivrer un « carton rouge », il faut aussi qu’elle puisse donner un « carton jaune », pour reprendre la même image.
Nous considérons véritablement qu’il y a lieu de créer ce dispositif pour rappeler un certain nombre d’entreprises à leurs obligations. Nous pensons qu’il n’est pas toujours nécessaire d’infliger une amende et qu’un avertissement est parfois suffisant du fait de la bonne foi des entreprises ou de la faible importance des faits constatés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous nous abstiendrons sur cet amendement de suppression, car nous considérons, comme cela a été dit lors de sa présentation, que, dans les faits, les contrôleurs de l’inspection du travail ou leur hiérarchie procèdent déjà à de nombreux rappels à l’ordre.
Cette mesure, dite « emblématique », est en fait un coup de communication, qui sera sans réel effet, car l’inspection du travail n’inflige pas directement une amende. Cet article n’apportera en réalité que peu d’évolutions.
Si le Gouvernement voulait adopter une véritable mesure emblématique, qui démontrerait sa volonté de faire respecter le droit du travail, ou ce qu’il en reste, il permettrait l’embauche d’inspecteurs du travail, le nombre des agents de contrôle ayant considérablement baissé. Une nouvelle baisse a d’ailleurs été enregistrée dans le projet de loi de finances de 2017. Il y a beaucoup moins de postes ouverts au concours que de départs à la retraite. Sur le terrain, c’est donc un carton rouge pour le Gouvernement sur ce sujet.
On fait de la communication en disant qu’on sera plus souple, mais on est en fait plus souple parce qu’on est moins présent sur le terrain ! Ce n’est pas un bon signal à envoyer à ceux qui souhaitent prendre des libertés avec le code du travail, lequel a déjà été bien allégé.
Mme la présidente. L’amendement n° 167, présenté par Mmes Lamure, Berthet et Billon, M. Cadic, Mme Canayer, MM. Canevet et Danesi, Mmes Deromedi et Estrosi Sassone, M. Forissier, Mme C. Fournier, MM. Labbé, D. Laurent et Meurant, Mme Morhet-Richaud et MM. Pierre et Vaspart, est ainsi libellé :
Alinéa 3 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Un amendement du groupe Nouvelle Gauche adopté à l’Assemblée nationale, sur lequel le Gouvernement s’en est remis à la sagesse des députés, a alourdi la sanction existante en cas de réitération du manquement après un avertissement, procédure que le projet de loi crée par ailleurs. Le montant de l’amende serait majoré de 50 % lorsque l’employeur a déjà reçu un avertissement au cours de l’année écoulée. En cas de récidive dans un délai d’un an, le plafond de l’amende administrative pouvant être prononcé par la DIRECCTE serait doublé.
La commission spéciale du Sénat a proposé de préciser que ces majorations ne seraient applicables qu’en cas de nouveau manquement de même nature.
Toutefois, ce message de fermeté particulière adressé aux entreprises brouille le message général de bienveillance instituant un droit à l’erreur. Cet amendement vise donc à supprimer cette disposition afin de rendre cohérente la parole publique en direction des entreprises.
M. Antoine Lefèvre. Très bon amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Contrairement à ce que semble indiquer l’objet de l’amendement, les dispositions qu’il vise à supprimer prévoient non pas une majoration du montant de l’amende, mais une majoration de son montant maximal. Il revient aux DIRECCTE de moduler ce montant en fonction des circonstances.
Je précise que le montant moyen des amendes prononcées est aujourd’hui proche de 500 euros, soit nettement en deçà du plafond de 2 000 euros par salarié concerné.
En outre, la majoration du montant de l’amende en cas de récidive semble nécessaire pour que l’avertissement ait réellement une valeur préventive.
Enfin, l’amendement vise à revenir sur une précision adoptée par la commission spéciale qui me semble utile, à savoir que la majoration des plafonds d’amende en cas de récidive s’applique dans le cas d’un nouveau manquement de même nature que le premier.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet le même avis, madame la présidente, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteur, en cohérence avec la position de l’Assemblée nationale.
Il est normal qu’une entreprise à qui l’on a donné ce que nous appelons parfois un « carton jaune » se voie infliger une sanction plus grave en cas de récidive pour des faits de même nature, puisqu’elle a déjà reçu un avertissement et une information.
Mme la présidente. Madame Lamure, l’amendement n° 167 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Compte tenu du fait que la commission spéciale a, en quelque sorte, « adouci » l’amende, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 167 est retiré.
L’amendement n° 104, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Durain, Mme Meunier, M. Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Préville, de la Gontrie et Jasmin, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Courteau, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans les douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de la création d’un service de l’inspection judiciaire du travail, composée des agents du corps des inspecteurs du travail et du corps des contrôleurs du travail, spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du travail, habilitée à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction. Le service de l’inspection judiciaire du travail aurait compétence sur l’ensemble du territoire pour rechercher et constater les infractions mentionnées aux articles L. 8112-1 et L. 8112-2 du code du travail.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous souhaitons participer à la lutte contre la fraude et le travail illégal, notamment en faisant des propositions, en particulier sur l’efficacité des services de l’inspection du travail. Nous souhaitons ainsi rendre plus efficients les dispositifs d’investigation des pouvoirs publics en la matière.
Guidés par un souci de rationalisation de l’action de l’État et de renforcement de l’efficacité de la réponse pénale à la délinquance sociale, nous proposons que soit menée une réflexion sur l’opportunité de créer un service de l’inspection judiciaire du travail.
Nous aurions pu déposer un amendement visant à créer un tel service, mais nous avons craint qu’il ne soit déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, comme de nombreux autres amendements sur ce texte. Nous avons donc préféré demander un rapport au Gouvernement sur ce sujet, même si nous savons que les rapports ne sont pas très appréciés dans cet hémicycle.
Deux exemples viennent appuyer la nécessité de mener cette réflexion. Le premier est la création du service de douane judiciaire, créé lorsque la lutte contre la contrefaçon est devenue une priorité de l’action publique. Le second, d’actualité, est l’annonce récente par le Gouvernement de la création d’un service d’enquêtes judiciaires sur les affaires de fraude fiscale, disposant d’une compétence nationale, et opérationnel d’ici à dix-huit mois.
En parallèle, nous proposons donc la création d’un service de l’inspection judiciaire du travail. Pour mener à bien ses missions, l’inspection du travail dispose d’un certain nombre de prérogatives. Néanmoins, certaines situations, notamment les plus complexes, telles que les enquêtes à la suite d’un accident grave ou mortel, les contrôles coordonnés en matière de lutte contre le travail illégal, les fraudes au détachement ou la traite des êtres humains, nécessitent souvent, lorsque l’inspection du travail est à l’initiative d’une procédure pénale, des investigations complémentaires de la part d’un service de police judiciaire.
Or ces interventions allongent les durées de traitement des procédures. Des actes d’investigation sont redondants. Parfois, les mis en cause ont disparu entre la découverte de l’infraction et la tenue d’un procès pénal.
Afin de résorber ces difficultés, on pourrait créer un service, dépendant du ministère du travail, composé d’inspecteurs et de contrôleurs du travail investis de prérogatives de police judiciaire dans le champ du droit pénal du travail, dans un schéma organisationnel proche de celui des douanes judiciaires.
Nous espérons, monsieur le secrétaire d’État, que vous prendrez en considération ces propositions, qui visent à véritablement renforcer l’efficacité des services de l’inspection du travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Conformément à la position désormais traditionnelle du Sénat, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur cette demande de rapport.
Je note par ailleurs que l’objet de l’amendement étant relativement long et détaillé, on pourrait presque considérer que les auteurs de l’amendement ont déjà rédigé le rapport qu’ils demandent au Gouvernement !
Ainsi, soit le Gouvernement est favorable à la création d’un tel service d’inspection judiciaire du travail, et il lui appartient alors de soumettre au Parlement un projet en ce sens ; soit il y est défavorable, et le rapport qu’il remettrait au Parlement serait nécessairement décevant pour les auteurs de l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. À titre personnel, en ayant en tête les dix ans que j’ai passés à l’Assemblée nationale, je partage la position du Sénat sur l’inopportunité de demander des rapports au Gouvernement. Souvent, ils ne sont pas rédigés ; et quand ils le sont, ils ne sont pas nécessairement lus !
Mme Sophie Taillé-Polian. Je vous garantis que celui-ci le serait !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je considère, madame la sénatrice, que le plus efficace est souvent que les parlementaires se saisissent de leurs prérogatives et effectuent ce travail dans le cadre d’une mission d’information ou, si nécessaire, d’une commission d’enquête.
Au-delà de cette position de principe sur les rapports, le dispositif que vous évoquez se heurte à deux difficultés.
Tout d’abord, la création d’une inspection du travail judiciaire, placée sous l’autorité des parquets, méconnaîtrait les dispositions de l’article 4 de la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, qui place l’inspection du travail sous la surveillance et le contrôle d’une autorité centrale unique, principe que le présent projet de loi renforce avec l’introduction du nouvel article L. 81-21-1 du code du travail.
Ce principe a été rappelé dans un récent avis du Conseil national de l’inspection du travail, selon lequel, si la convention n° 81 n’impose pas en elle-même un modèle d’organisation et laisse aux autorités nationales une possibilité d’adaptation de l’organisation du système d’inspection en considération des conditions de leur exercice, elle exige qu’une autorité centrale soit chargée d’assurer la surveillance et le contrôle des inspecteurs dans des conditions propres à garantir leur indépendance et le respect des dispositions de cette convention.
Par ailleurs, la proposition que vous formulez méconnaît également les dispositions de l’article 17 de la même convention relative à la liberté de suites que les inspecteurs du travail peuvent donner à leur contrôle, puisque ces suites seraient nécessairement judiciaires.
Enfin, il convient de rappeler que le lien de confiance entre l’inspection du travail et les entreprises s’explique par le fait que les inspecteurs du travail assurent un suivi global des entreprises et qu’ils ont connaissance, lorsqu’ils donnent des suites à leur contrôle, du contexte social et économique de l’entreprise, contexte dont ils tiennent largement compte pour notifier de manière privilégiée des observations, et non des sanctions. La création d’un service judiciaire d’inspection du travail, en privilégiant une approche non par l’entreprise mais par la fraude, me paraît plutôt de nature à rompre ce lien. En tout cas, il en porte le risque.
Parce que cet amendement méconnaît deux articles de la convention de l’OIT, nous ne pouvons y être favorables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je trouve dommage que la commission s’exprime uniquement sur la forme.
Monsieur le secrétaire d’État, je vais étudier de près cette convention de l’Organisation internationale du travail. En revanche, je ne comprends pas très bien ce que vous me dites sur la liberté de suites judiciaires. Lorsqu’un inspecteur du travail dresse un procès-verbal, il le transmet bien ensuite à un juge, qui prend la main.
Notre proposition permettrait d’aller bien plus vite et rendrait les procédures plus efficaces, car les inspecteurs du travail auraient d’ores et déjà des prérogatives de police judiciaire. J’avoue ne pas bien comprendre votre position.
Je reviendrai certainement, peut-être dans le cadre d’une proposition de loi, sur cette proposition, qui me semble de nature à rendre plus efficaces les services de l’inspection du travail. Il s’agit non pas de rompre un lien, mais de permettre aux inspecteurs du travail de passer tout de suite le relais dans des affaires véritablement complexes, dans des cas très lourds, et ainsi de pouvoir se consacrer pleinement à leur mission sur le terrain.
Il y a peut-être une légère incompréhension sur ce que le service que nous proposons pourrait donner sur le terrain.
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Sophie Taillé-Polian trouve dommage que la commission ne se soit exprimée que sur la forme. Je ne suis pas la commission, mais je vais lui apporter une réponse sur le fond.
Je pense qu’il y a dans cet amendement un contresens, une erreur sur le rôle de l’inspection du travail. L’inspecteur du travail, c’est celui qui veille à l’application du droit du travail dans l’entreprise, mais c’est aussi, et sans doute surtout, celui qui assiste le chef d’entreprise dans l’application de ce droit. Selon le code du travail, il a un rôle de conseil du chef d’entreprise.
Ce qui me gêne profondément dans l’amendement qui nous est proposé, c’est qu’il fait de l’inspecteur du travail non plus un partenaire de l’entreprise, quelqu’un ayant un lien de confiance avec le chef d’entreprise, mais un policier, quelqu’un dont le rôle est d’inspecter. Or on sait que les chefs d’entreprise considèrent déjà trop souvent l’inspecteur du travail comme quelqu’un qui s’immisce de façon intrusive et policière dans l’entreprise.
Cet amendement contient donc une erreur de fond sur le rôle de l’inspection du travail. Il est également une mauvaise manière faite aux inspecteurs du travail. Ce n’est pas leur rendre service que de leur donner un rôle de police judiciaire.
D’expérience, je peux vous dire que, en cas d’accident grave – c’est le type de situations visées –, deux enquêtes sont menées : l’une par l’inspection du travail, l’autre par les services de police judiciaire, les deux services travaillent main dans la main et de façon complémentaire.
Veillons donc à ne pas mélanger les genres. Le rôle de l’inspecteur du travail est de conseiller l’entreprise.
Vous l’aurez compris, je ne suis pas favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 8 bis
(Non modifié)
Au chapitre Ier du titre II du livre Ier de la huitième partie du code du travail, il est ajouté un article L. 8121-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8121-1. – L’autorité centrale de l’inspection du travail prévue par la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail du 11 juillet 1947 sur l’inspection du travail ainsi que par la convention n° 129 de l’Organisation internationale du travail du 25 juin 1969 sur l’inspection du travail veille au respect des droits, garanties et obligations des agents de l’inspection du travail placés sous sa surveillance et son contrôle. Elle détermine les règles qui encadrent l’exercice des missions et s’assure de leur respect. Elle veille à l’application du code de déontologie du service public de l’inspection du travail prévu par l’article L. 8124-1. » – (Adopté.)
Chapitre II
Une administration qui s’engage
Article 9
I. – L’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les instructions, les circulaires et les notes comportant une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ne sont applicables que si elles sont régulièrement publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. » ;
2° Au second alinéa, après le mot : « les », il est inséré le mot : « autres ».
II. – Après l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 312-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-2-1. – Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l’article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l’État et publiés sur des sites internet désignés par décret.
« Toute personne peut se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n’affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n’a pas été modifiée.
« Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement. »
III. – Les articles L. 552-8, L. 562-8 et L. 574-1 du code des relations entre le public et l’administration sont ainsi modifiés :
1° À la neuvième ligne de la seconde colonne du tableau constituant le second alinéa, la référence : « l’ordonnance n° 2015-1341 » est remplacée par la référence : « la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance » ;
2° Après la même neuvième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 312-2-1 |
Résultant de la loi n° du pour un État au service d’une société de confiance |
» |
– (Adopté.)
Article 10
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 45, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 331-20, il est inséré une sous-section 6 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 6 bis : Procédure de rescrit
« Art. L. 331-20-1 – Lorsqu’un redevable de bonne foi, avant le dépôt de la demande d’autorisation mentionnée à l’article L. 331-6 et à partir d’une présentation écrite, précise et complète de la situation de fait, a demandé à l’administration de l’État chargée de l’urbanisme dans le département de prendre formellement position sur l’application à sa situation des règles de droit prévues par la présente section, l’administration répond de manière motivée dans un délai de trois mois. » ;
2° Après l’article L. 331-40, il est inséré un article L. 331-40-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 331-40-1 – Sans préjudice de l’article L. 331-40 et dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa de cet article, un contribuable de bonne foi peut demander à l’administration de l’État chargée de l’urbanisme dans le département de prendre formellement position sur l’application à sa situation des règles de droit prévues par la présente section. L’administration répond de manière motivée dans un délai de trois mois. » ;
3° Après l’article L. 520-13, il est inséré une section 7 bis ainsi rédigée :
« Section 7 bis : Procédure de rescrit
« Art. L. 520-13-1 – Lorsqu’un contribuable de bonne foi, avant le dépôt de la demande d’autorisation mentionnée à l’article L. 520-4 ou, à défaut, le début des travaux ou le changement d’usage des locaux, et à partir d’une présentation écrite, précise et complète de la situation de fait, a demandé à l’administration de l’État chargée de l’urbanisme dans le département de prendre formellement position sur l’application à sa situation des règles de droit prévues par le présent chapitre, l’administration répond de manière motivée dans un délai de trois mois. »
II. – L’article L. 213-10 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un redevable de bonne foi, à partir d’une présentation écrite, précise et complète de la situation de fait, a demandé à l’agence de l’eau de prendre formellement position sur l’application à sa situation des règles de droit prévues par la présente section, l’agence répond de manière motivée dans un délai de trois mois. »
III. – Après l’article L. 524-7 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 524-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 524-7-1 – Lorsqu’un redevable de bonne foi, à partir d’une présentation écrite, précise et complète de la situation de fait, a demandé aux services de l’État chargés d’établir la redevance de prendre formellement position sur l’application à sa situation des règles de droit prévues par le présent chapitre, l’administration répond de manière motivée dans un délai de trois mois. »
IV. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment le contenu, les modalités de dépôt et d’avis de réception des demandes.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’article 10 du projet de loi initial introduisait une disposition ayant pour objet de permettre l’extension du mécanisme de rescrit. Il venait ainsi compléter des dispositifs relativement anciens, comme le rescrit en matière fiscale, ou plus récents, tels que les rescrits issus de l’ordonnance du 10 décembre 2015. Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, il renvoyait à un décret le soin de préciser le champ d’application de cette extension.
La commission spéciale du Sénat a supprimé cet article au motif de son inconstitutionnalité, en se fondant sur l’avis du Conseil d’État. En ne précisant pas les domaines concernés, le législateur ferait, selon la commission, œuvre d’incompétence négative.
Pour répondre à cette critique, le Gouvernement propose, par cet amendement, de ne plus opérer un renvoi à un décret, mais de procéder d’emblée à l’extension envisagée. Il prévoit ainsi d’étendre le champ du « rescrit-créance » identifié par le Conseil d’État dans son étude de 2014 intitulée Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets, c’est-à-dire le rescrit prémunissant son bénéficiaire d’une action administrative ex post, qui aurait pour effet de mettre à sa charge une somme d’argent.
Suivant notamment les préconisations du Conseil d’État, le Gouvernement développe cinq nouveaux dispositifs de rescrit afférents à la fiscalité de l’aménagement, à la taxe perçue par la région Île-de-France en application des articles L. 520-1 et suivants du code de l’urbanisme, aux redevances des agences de l’eau et à la redevance d’archéologie préventive.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 214, présenté par M. Luche, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Amendement n° 45
1° Alinéas 5, 7 et 10
Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :
La réponse est opposable par le demandeur à l’administration qui l’a émise, jusqu’à ce que survienne un changement de fait ou de droit qui en affecte la validité, ou jusqu’à ce que l’administration notifie au demandeur une modification de son appréciation.
2° Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La réponse est opposable par le demandeur à l’agence qui l’a émise, jusqu’à ce que survienne un changement de fait ou de droit qui en affecte la validité, ou jusqu’à ce que l’agence notifie au demandeur une modification de son appréciation.
3° Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La réponse est opposable par le demandeur au service qui l’a émise, jusqu’à ce que survienne un changement de fait ou de droit qui en affecte la validité, ou jusqu’à ce que le service notifie au demandeur une modification de son appréciation.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 214 et donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 45.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission spéciale. Par ce sous-amendement, la commission spéciale entend apporter un certain nombre de précisions. Prenant l’exemple des dispositions existantes en matière de rescrit ou figurant dans la première version de l’article 10 du projet de loi, ce sous-amendement tend à préciser que les réponses apportées sont opposables par le demandeur à l’administration jusqu’à ce qu’intervienne un changement de fait ou de droit, ou qu’une nouvelle position soit notifiée au demandeur. De telles conditions auraient sans doute émergé de manière prétorienne, mais les inscrire dès à présent dans la loi permet d’en clarifier le contenu.
En ce qui concerne l’amendement n° 45, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, il vise à réintroduire l’article 10, que nous avons supprimé en commission, en en modifiant sensiblement le contenu.
L’article 10 du projet examiné en commission prévoyait d’inscrire la généralisation du recours au rescrit au sein du code des relations entre le public et l’administration. Cet article renvoyait toutefois à des décrets le soin de définir non seulement ses modalités, mais également son champ d’application. Nous avons donc estimé que ces dispositions étaient entachées d’incompétence négative et les avons écartées. Nous nous sommes également interrogés, dans notre rapport, sur la pertinence de créer un régime général en matière de rescrit, alors que toutes les procédures existantes sont très spécifiques et prévues dans des textes sectoriels.
Le Gouvernement semble avoir tenu compte de nos remarques, puisque la réécriture de l’article 10 qu’il propose introduit des rescrits spécifiques dans cinq secteurs et que ces dispositions doivent directement s’insérer dans les codes concernés, à savoir le code de l’urbanisme pour la taxe d’aménagement, le versement pour sous-densité et la taxe pour la construction de certains locaux en Île-de-France, le code de l’environnement pour les agences de l’eau et, enfin, le code du patrimoine en matière de redevance d’archéologie préventive.
J’émets donc un avis favorable à l’adoption de cet amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement que j’ai présenté voilà quelques instants. Prenant l’exemple des dispositions existantes en matière de rescrit ou figurant dans la première version de l’article 10, ce sous-amendement tend donc à préciser que les réponses apportées sont opposables jusqu’à ce qu’intervienne un changement de fait ou de droit, ou qu’une nouvelle position soit notifiée au demandeur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 214 ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Effectivement, monsieur le rapporteur, le Gouvernement a tenu compte des observations et de la position de la commission spéciale du Sénat au sujet de l’article 10 dans sa rédaction initiale. D’où la présentation d’un amendement différemment rédigé pour y répondre.
Pour ce qui concerne le sous-amendement n° 214, il vise à apporter des précisions utiles, qui facilitent aussi l’intelligibilité du dispositif que nous proposons. J’émets donc un avis favorable, en me félicitant, par avance, de ce que son adoption permette le rétablissement de l’article 10.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 10 est rétabli dans cette rédaction.
Article 11
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 46, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À titre expérimental, pour certaines des prises de position formelles mentionnées à l’article 10, le demandeur peut joindre à sa demande un projet de prise de position. Celui-ci est réputé approuvé en l’absence de réponse de l’administration dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande.
L’expérimentation est mise en œuvre pour une durée de trois ans à compter de la publication du décret mentionné au dernier alinéa du présent article. Elle fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont présentés au Parlement.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Dès lors que le Gouvernement, par l’amendement n° 45 qui vient d’être adopté, propose d’introduire des dispositions créant de nouvelles formes de rescrit à l’article 10, il souhaite, corrélativement, rétablir l’article 11, qui permet d’expérimenter, pour certains des rescrits ainsi créés, un dispositif de « silence vaut accord » à l’issue d’un délai de trois ans, lorsque le demandeur présente un projet de prise de position formelle.
Une démarche de « silence vaut accord » dans le domaine du rescrit constitue, pour nous, un pas supplémentaire dans l’institution d’une relation de confiance entre usagers et administration. Si celle-ci ne répond pas à un projet de rescrit, elle est réputée l’approuver. L’expérimenter en la matière nous paraît essentiel. Tel est le sens de cet amendement de rétablissement de l’article 11.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. L’article 11 a été supprimé en commission par cohérence avec la suppression de l’article 10. Se fondant sur les dispositions de ce dernier, il prévoyait la mise en place, à titre expérimental, d’un mécanisme permettant à l’administration d’accepter tacitement une proposition de rescrit transmise par un usager.
L’amendement du Gouvernement vise, ici, à réintroduire ce mécanisme expérimental, sur la base d’un décret, dans les secteurs concernés par les procédures réintroduites à l’article 10.
Je m’interroge sur une telle manière de faire. En effet, les services concernés devront déjà se familiariser avec les nouvelles procédures prévues à l’article 10. Ils risquent donc d’éprouver certaines difficultés pour appliquer ce nouveau dispositif expérimental en même temps. Des erreurs matérielles de traitement pourraient, en outre, avoir des conséquences très dommageables, en raison du principe même de l’acceptation tacite.
Je pense qu’il est donc trop tôt pour mettre en œuvre cette procédure expérimentale. De ce fait, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 11 demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 11
Mme la présidente. L’amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, dans le cas mentionné au 5° du présent article, des décrets en Conseil d’État peuvent prévoir, dans l’intérêt d’une bonne administration et lorsque la nature des décisions en cause le permet, que le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut acceptation. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Avant de devenir le droit commun, la règle du « silence vaut acceptation » pouvait être instituée ponctuellement par voie réglementaire. L’institution du principe du « silence vaut acceptation » par la loi du 12 novembre 2013 a conduit le législateur à prévoir des exceptions, notamment dans les relations entre l’administration et ses agents.
Le principe est donc que le silence vaut rejet dans les relations entre l’administration et ses propres agents. On ne peut y déroger que par la loi. Ce dispositif, plus contraignant que le dispositif antérieur, qui permettait de déroger à la règle par voie réglementaire, conduit à des situations critiquables, dans lesquelles la simple reconduction d’une disposition réglementaire de « silence vaut accord » oblige à passer par la loi.
Pour résoudre cette difficulté relevée par le Conseil d’État, le présent amendement a pour objet de permettre de déroger, par voie réglementaire, au principe du « silence vaut rejet » dans les relations entre l’administration et ses propres agents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement est important, car il concerne la mise en œuvre du principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation. Bien sûr, tout le monde est favorable à ce principe, car il permet de simplifier les relations entre l’administration et le public. Toutefois, depuis 2013, son application est d’une complexité extrême.
En 2015, nos collègues Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli ont démontré qu’il y avait davantage d’exceptions que d’applications de la règle. De fait, les citoyens sont perdus et devraient consulter quarante-deux décrets d’application pour savoir si le silence de l’administration vaut acceptation ou rejet.
Une exception actuelle à ce principe au moins est claire : le silence gardé par l’administration dans ses relations avec ses agents vaut refus. Par cet amendement, le Gouvernement propose de créer des exceptions à cette exception. Le silence gardé par l’administration dans ses relations avec ses agents vaudrait acceptation dans certains cas et rejet dans d’autres.
Cette situation deviendrait ubuesque, voire kafkaïenne,…
M. Roland Courteau. Au minimum !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. … pour nos petites communes, qui sont déjà bien en peine de gérer toute la complexité du droit de la fonction publique et qui se sentent souvent abandonnées par les préfectures.
Il est donc proposé un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Delahaye et Mme Guidez, est ainsi libellé :
Après l’article 11 (supprimé)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque le juge administratif est saisi d’un moyen tiré de la régularité d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, il doit contrôler le respect des exigences en découlant. Néanmoins, un vice de procédure ne peut fonder l’annulation de la décision prise que s’il a privé les intéressés d’une garantie ou s’il est susceptible d’avoir exercé une influence sur le sens de cette décision.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Dans son projet de loi présenté en conseil des ministres, le Gouvernement avait décidé de procéder à l’inscription dans la loi de la célèbre jurisprudence Danthony, par laquelle le Conseil d’État établissait que tout vice de procédure dans l’élaboration d’une décision administrative n’était pas de nature à entraîner son annulation.
Pour qu’un acte administratif soit annulé pour vice de procédure, deux hypothèses sont posées : la personne intéressée par l’acte doit avoir été privée d’une garantie prévue par la procédure viciée ; ou le vice doit avoir exercé une influence sur le sens de la décision résultant de la procédure.
L’inscription de la jurisprudence Danthony dans la loi permet de donner à cette règle jurisprudentielle opportune une place durable et une sacralité évidente. Elle assure ainsi pleinement aux collectivités publiques qu’un vice mineur affectant la procédure d’élaboration de leurs décisions ne peut remettre ces dernières en cause devant le juge. Il s’agit ici d’instiller également davantage de stabilité et, donc, de confiance dans l’activité des collectivités publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement a pour objet de codifier la jurisprudence Danthony du Conseil d’État. Pour mémoire, selon cette jurisprudence, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable n’entache d’illégalité l’acte administratif en question que dans deux hypothèses : premièrement, s’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise ; deuxièmement, s’il a privé les intéressés d’une garantie.
Lors de l’examen du projet de loi par la commission spéciale, nous avons approuvé l’abrogation d’une disposition législative de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, qui était dépourvue de portée juridique depuis cette jurisprudence.
Toutefois, la commission spéciale n’a pas souhaité codifier cette même jurisprudence dans la loi, souscrivant à l’analyse du Conseil d’État formulée dans son avis sur le projet de loi, selon laquelle ce choix serait inopportun, car il priverait le juge administratif « de la possibilité de lui apporter les amendements nécessaires […] afin de prendre en compte la spécificité de certaines procédures administratives préalables sectorielles ».
Il est donc proposé un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme vient de l’évoquer M. le rapporteur, l’article 27 du projet de loi, examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission, a abrogé l’article 70 de la loi du 17 mai 2011, afin de tirer les conséquences du principe dégagé par la jurisprudence Danthony du Conseil d’État en date du 23 décembre 2011.
En cohérence avec l’analyse du Conseil d’État énoncée dans le cadre de l’examen du présent projet de loi, le Gouvernement estime, comme la commission, qu’il n’est pas nécessaire ni opportun d’aller au-delà de cette clarification du droit applicable, en consacrant par la loi l’application de la jurisprudence Danthony.
Pour nous, l’appréciation des conséquences qu’emporte un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable relève avant tout de l’office du juge, lequel nous paraît défini de manière satisfaisante par la jurisprudence administrative.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Guidez, l’amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jocelyne Guidez. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi, afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 12
I. – Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Certificat d’information
« Art. L. 114-11. – Tout usager peut obtenir une information sur l’existence et le contenu des règles régissant une activité qu’il exerce ou qu’il envisage d’exercer.
« L’administration saisie délivre à l’usager mentionné au premier alinéa un certificat d’information sur l’ensemble des règles qu’elle a mission d’appliquer. Toute information incomplète ou erronée figurant dans le certificat, à l’origine d’un préjudice pour l’usager, engage la responsabilité de l’administration. Lorsque les règles spécifiquement applicables à l’activité visée relèvent de plusieurs administrations, et au plus tard dans le mois suivant la demande, l’administration saisie oriente l’usager vers les autres administrations concernées.
« Un décret en Conseil d’État dresse la liste des activités mentionnées au même premier alinéa, le délai de délivrance du certificat d’information, qui ne saurait être supérieur à trois mois, ainsi que ses conditions et modalités de délivrance. »
II. – (Non modifié) Après la neuvième ligne du tableau constituant le second alinéa des articles L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1 du code des relations entre le public et l’administration, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 114-11 |
Résultant de la loi n° du pour un État au service d’une société de confiance |
» |
Mme la présidente. L’amendement n° 142, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 12. En effet, le problème du certificat d’information est qu’il donne une vertu législative à ce qui procède quasiment du simple document d’information administrative. En outre, ses attendus sont largement couverts, s’agissant des entreprises, par la partie réglementaire du code de commerce, portant notamment sur les centres de formalités existant dans les chambres consulaires.
L’avis du Conseil d’État est d’ailleurs négatif sur cet article 12, qui n’apporte rien à l’existant et qui fait peser une nouvelle responsabilité sur l’administration, d’une part, et empiète sur les compétences d’autres instances, d’autre part. Je cite cet avis : « Le Conseil d’État souligne l’intérêt que peuvent présenter des mesures tendant à ouvrir à toute personne le droit d’obtenir de l’administration une information exhaustive sur les normes régissant son activité économique ou sociale. Il constate cependant que le projet de loi ne permet pas de répondre à cet objectif, dès lors qu’il n’est pas dans l’intention du Gouvernement de prévoir que le certificat mentionne les règles relevant de chacune des administrations responsables, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou d’une autre personne publique. En matière de responsabilité de la puissance publique, le projet ne modifie pas l’état du droit qui prévoit déjà qu’elle peut être engagée en cas d’information erronée ou incomplète ayant créé un dommage.
« En conséquence, le Conseil d’État ne retient pas ces dispositions, qu’il n’estime pas nécessaires. Il considère que l’objectif recherché d’accessibilité de la norme comme le développement dans les différentes administrations de la mission d’information sur les normes, auxquels il souscrit pleinement, peuvent être atteints sans création de nouvelles règles, mais par l’action de ces administrations et, par conséquent, par la voie de circulaires. »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Les auteurs de cet amendement entendent supprimer le certificat d’information, au motif, je les cite, que ce dispositif « n’apporte rien à l’existant » et qu’il « fait peser une nouvelle responsabilité sur l’administration, d’une part, et empiète sur les compétences d’autres instances, d’autre part ». Comme eux, j’ai lu avec intérêt l’avis du Conseil d’État, qui considérait, en substance, qu’un tel dispositif n’apportait pas de plus-value réelle par rapport aux outils d’information existants en raison, notamment, de son manque d’exhaustivité, puisque chaque administration ne répondrait que sur les normes qu’elle a mission d’appliquer, et de l’absence d’effet de cristallisation sur les règles présentées.
Or nos collègues oublient de préciser que, depuis le texte initial, ces deux écueils ont, au moins en partie, été traités. Premièrement, à défaut de pouvoir créer, dès à présent, un guichet unique par activité, qui s’avérerait complexe à mettre en place, notre commission a introduit l’obligation pour l’administration d’orienter, si besoin, le demandeur vers d’autres interlocuteurs administratifs dans le mois suivant sa demande. Deuxièmement, en matière de cristallisation, l’Assemblée nationale a prévu, à l’article 12 bis, une expérimentation, que notre commission a assortie d’un certain nombre de garanties.
Quant aux deux autres arguments avancés, d’une part, le certificat d’information n’engagera pas de responsabilités nouvelles de l’administration, puisque, comme le citent précisément les auteurs de l’amendement, le Conseil d’État a bien rappelé qu’en matière « de responsabilité de la puissance publique, le projet ne modifie pas l’état du droit ». D’autre part, je ne saisis pas bien en quoi ce certificat empiéterait sur les compétences d’autres instances.
Bien qu’étant consciente des limites du dispositif, la commission a donc préféré l’améliorer, en l’ouvrant à davantage d’usagers et en ramenant le délai maximal de réponse à trois mois, plutôt que de le supprimer. Il est donc proposé un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet, de la même manière, un avis défavorable.
Le Gouvernement considère que le certificat d’information est utile pour le lancement de nouvelles activités, pour le développement de projets d’entreprise, en permettant aux porteurs de projets de disposer d’une information la plus complète possible sur les droits, la réglementation, les conditions à observer pour encadrer et accompagner le lancement de cette activité et, ainsi, réduire le risque qu’ils prennent de se tromper.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 12.
(L’article 12 est adopté.)
Article 12 bis
À titre expérimental, lorsqu’une demande d’autorisation ou une déclaration préalable à l’exercice d’une activité est déposée dans un délai de douze mois à compter de la délivrance du certificat d’information mentionné à l’article L. 114-11 du code des relations entre le public et l’administration, les dispositions relatives à l’exercice de cette activité, applicables à la date de délivrance du certificat, ne peuvent être remises en cause à l’exception de celles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement et sauf demande contraire de l’usager à qui le certificat d’information a été délivré.
L’expérimentation est mise en œuvre pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi. Elle fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 47 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 143 est présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 47.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je le rappelais voilà quelques instants, le certificat d’information a pour objet d’informer les entreprises sur les règles applicables à l’exercice de leur activité, et non de figer ces règles comme peut le faire le rescrit. La cristallisation, pour reprendre ce terme, du certificat d’information aurait pour effet de permettre aux entreprises de s’affranchir des évolutions juridiques postérieures à sa délivrance. L’article 12 bis crée plus de sécurité juridique pour les entreprises concernées, mais la cristallisation serait en même temps une source d’insécurité juridique pour les tiers et d’inégalités entre les acteurs économiques intervenant dans un même secteur d’activité. Les entreprises exerçant une activité de même nature sur un territoire identique se verraient appliquer des règles différentes, par cristallisation du certificat d’information délivré, et ce selon le moment auquel il aurait été délivré.
Par ailleurs, la cristallisation du certificat d’information pourrait protéger l’entreprise d’une évolution législative qu’elle considérerait comme défavorable de son point de vue, mais pourrait aussi l’empêcher d’avoir accès au bénéfice d’une évolution législative qui serait favorable au développement de son activité.
Par conséquent, si nous tenons beaucoup au certificat d’information, nous considérons que le cristalliser, comme il est proposé à l’article 12 bis, n’est pas opportun. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 143.
M. Guillaume Gontard. Dans la mesure où l’article 12 bis est un avatar de l’article 12, que nous avons souhaité supprimer, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à le supprimer également, par cohérence.
L’article 12 bis porte sur l’« expérimentation » d’une forme de durée de validité du certificat d’information, document tout de même assez proche d’une fiche de renseignements diffusée en libre accès, avec informations sommaires et liste de numéros de téléphone utiles pour renseignements complémentaires, qui n’a pas lieu d’être si l’article n’est pas introduit dans le droit positif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Les amendements nos 47 et 143 visent tous deux, pour des raisons certes différentes, à supprimer l’expérimentation d’une cristallisation des règles présentées dans le certificat d’information telle qu’introduite, sur la proposition du rapporteur, à l’Assemblée nationale.
Je dois avouer que je me suis longuement interrogé, au stade de l’élaboration du texte de la commission, sur l’opportunité de supprimer une telle expérimentation, ou au contraire de la maintenir tout en l’encadrant d’un certain nombre de garanties.
J’ai finalement proposé à notre commission, qui l’a acceptée, la seconde option pour les raisons suivantes, d’ailleurs exposées dans le rapport.
Comme rappelé par le Gouvernement dans l’objet de son amendement, la cristallisation permet, certes, de sécuriser juridiquement le détenteur d’un certificat d’information, mais comporte, il est vrai, plusieurs risques : premièrement, un risque de rupture d’égalité, selon que l’on aura demandé ou non un certificat d’information ; deuxièmement, un risque d’effet d’aubaine, si d’aventure les usagers les plus avertis multipliaient les demandes de certificat dans le seul but de figer les règles ; troisièmement, un risque de contournement de normes nouvelles et plus protectrices en matière de santé, de sécurité ou d’environnement ; voire, quatrièmement, un effet contre-productif, consistant à priver le demandeur lui-même de changements de règles qui pourraient lui être favorables.
Or, sur chacun de ces points, il m’a semblé qu’une expérimentation bien encadrée serait, malgré tout, intéressante.
D’abord, en attachant un droit nouveau au certificat d’information, elle lui confère une vraie plus-value par rapport aux outils d’information existants. Ensuite, il s’agit bien d’une expérimentation, limitée à certaines activités et dont l’évaluation permettra de tirer tous les enseignements. En outre, la cristallisation des règles existe déjà en matière de certificat d’urbanisme, pour une durée du reste plus longue que celle qui est envisagée ici, sans qu’il ait été démontré qu’elle pose problème. Enfin, la commission, pour éviter que des dispositions d’intérêt général ne puissent être méconnues et s’assurer que la cristallisation sera toujours favorable au demandeur, a prévu deux exceptions, d’une part, au profit des règles « préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement », et, d’autre part, en cas de demande contraire du détenteur du certificat qui souhaiterait se voir appliquer une règle nouvelle jugée plus favorable.
Je propose donc de maintenir le texte de la commission et de ne pas adopter ces amendements de suppression. D’où un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 143.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 12 bis.
(L’article 12 bis est adopté.)
Article 13
Le chapitre III du titre II du livre IV du code des relations entre le public et l’administration est complété par un article L. 423-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 423-2. – Lorsqu’une administration de l’État souhaite transiger, le principe du recours à la transaction et le montant de celle-ci peuvent être préalablement soumis à l’avis d’un comité dont la composition est précisée par décret en Conseil d’État. L’avis du comité est obligatoire lorsque le montant en cause dépasse un seuil précisé par le même décret.
« À l’exception de sa responsabilité pénale, la responsabilité personnelle du signataire de la transaction ne peut être mise en cause à raison du principe du recours à la transaction et de ses montants, lorsque celle-ci a suivi l’avis du comité. »
Mme la présidente. L’amendement n° 144, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement se justifie par son texte même.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La transaction est un mécanisme de règlement des différends relativement peu utilisé par les personnes publiques. Il présente pourtant de nombreux avantages et ne fait pas obstacle aux prérogatives de l’autorité chargée du contrôle financier ou à une éventuelle saisine du juge administratif garantissant l’application des règles de droit.
Or les dispositions de l’article 13 peuvent réellement favoriser le recours à la transaction en diminuant les réticences des signataires. C’est pourquoi nous avons cherché à améliorer la rédaction de cet article en commission. Il est essentiel que les agents ne se sentent pas responsables, surtout s’ils sont de bonne foi. À mon sens, ces réticences expliquent le peu d’usage fait par ceux-ci de la transaction ; il s’agit pourtant d’un outil important pour instaurer un climat de confiance et mettre en place le droit à l’erreur.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage les observations de Mme la rapporteur. À titre d’illustration, je souligne qu’en 2016 l’Agent judiciaire de l’État est intervenu dans 4 121 dossiers au total ; seulement 196 d’entre eux ont fait l’objet d’une transaction. Notre objectif est bien de développer la transaction comme modalité de règlement d’un certain nombre de dossiers.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 13 bis (nouveau)
L’article L. 59 A du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° sur l’application des majorations prévues par l’article 1729 du même code lorsque celles-ci sont consécutives à des rectifications relevant de sa compétence. » ;
2° Au dernier alinéa du II, les mots : « charges déductibles des travaux immobiliers » sont remplacés par les mots : « charges déductibles ou d’immobilisation ».
Mme la présidente. L’amendement n° 145, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. L’article 13 bis prévoit une extension du champ d’investigation des commissions des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires en leur permettant de donner un avis sur les majorations de droits découlant de l’article 1729 du code général des impôts et de la qualification de certaines dépenses de travaux.
Ces commissions sont aujourd’hui en nombre bien moins élevé qu’auparavant, avec trente-six instances au lieu de cent une. En quoi l’extension de compétences de ces commissions, dont la représentativité et la composition sont tout de même limitées, apporte-t-elle un vrai plus aux droits des administrés ? Nous pensons même, sous certains aspects, que cela peut confiner à une forme de mélange des genres qui ne semble pas souhaitable.
Un chef d’entreprise désigné par un organisme consulaire pour siéger à la commission pourrait avoir connaissance de la situation d’un de ses concurrents, avec tout ce que cela implique du point de vue de la confidentialité.
Se pose aussi un problème d’efficacité, puisque l’article 1729 du code général des impôts s’intéresse singulièrement à la « charge de la preuve » et à la « bonne foi » du contribuable, puisque les recours gracieux ou contentieux suffisent bien souvent à résoudre les problèmes posés. À ce propos, on se rappellera que l’administration traite près de 1,2 million de procédures de recours gracieux et près de 3 millions de procédures en contentieux, lesquelles consistent le plus souvent en un échange d’informations destiné à faciliter la fixation de l’imposition.
Je ne sais si les commissions ont une activité débordante, eu égard aux conditions de saisine comme aux possibilités de récusation ponctuelle de certains membres, mais il vaudrait mieux assurer, dans tous les cas, la présence d’un conseil auprès des contribuables en visite dans les centres de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, plutôt que toute autre formule, au demeurant réservée ici aux seuls contribuables déclarant des revenus d’activité non salariée – et encore, ceux qui ont quelques problèmes avec le paiement de leurs impôts…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet article, introduit par la commission spéciale, est conforme à l’esprit du projet de loi : l’application ou non des majorations est liée à la « bonne foi » du contribuable, et la qualification d’immobilisation ou de charge peut relever du « droit à l’erreur ».
Il n’y a pas de conflit d’intérêts, sauf à considérer que l’existence même de ces commissions, présidées par un magistrat et composées de représentants de l’administration et des contribuables – souvent des experts-comptables –, est en elle-même problématique.
Ces commissions ont toute leur place pour gérer le contentieux et les difficultés entre les contribuables et l’administration. Il s’agit simplement d’ajouter qu’elles peuvent se prononcer, d’une part, sur le caractère d’immobilisation ou de charge déductible et, d’autre part, sur les majorations de droits consécutives aux rectifications. Cet article s’insère bien dans le texte.
Avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Mme la rapporteur vient de le rappeler, l’article 13 bis vise à étendre la compétence des commissions des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Elles pourraient désormais se prononcer à la fois sur le caractère d’immobilisation ou de charge déductible d’une dépense pour l’ensemble des questions relevant de leur champ de compétences et sur les majorations pour inexactitude ou omission dans les déclarations consécutives à des rectifications relevant de leur compétence.
La rédaction qui a été adoptée par la commission spéciale ne recueille pas véritablement l’assentiment du Gouvernement. Si le Gouvernement doit prendre en compte le souhait des sénateurs de revoir le rôle des commissions des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, le Sénat doit aussi entendre la demande d’un certain nombre de députés de travailler dans un sens un peu différent de ce que propose ici la commission spéciale. Je souhaite donc que la navette permette d’étudier les différentes hypothèses et d’arriver à un point de consensus.
À ce stade, parce que nous ne sommes pas convaincus par la rédaction de la commission, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement de suppression, en précisant néanmoins que nous continuerons à travailler sur ce sujet au cours de la navette parlementaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 13 bis.
(L’article 13 bis est adopté.)
Article 14
I. – L’article 345 bis du code des douanes est ainsi modifié :
1° Les II et III sont ainsi rédigés :
« II. – La garantie prévue au I est également applicable lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal ; l’administration se prononce dans un délai de trois mois lorsqu’elle est saisie d’une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.
« Lorsque l’administration a pris formellement position à la suite de la demande de ce redevable en application du premier alinéa du présent II, ce dernier peut saisir l’administration dans un délai de deux mois pour solliciter un second examen de sa demande, à la condition qu’il n’invoque pas d’éléments nouveaux.
« Lorsqu’elle est saisie d’une demande de second examen, auquel elle procède de manière collégiale, l’administration répond selon les mêmes règles et délais que ceux applicables à la demande initiale, décomptés à partir de la réception de la nouvelle saisine.
« À sa demande, le redevable contribuable ou son représentant est entendu par le collège.
« La garantie prévue au I est également applicable lorsque, dans le cadre d’un contrôle ou d’une enquête effectués par l’administration, et sur demande écrite du redevable présentée conformément au premier alinéa du présent II, avant la notification de l’information ou de la proposition de taxation mentionnées aux articles 67 B et 67 D, l’administration a formellement pris position sur un point qu’elle a examiné au cours du contrôle.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent II, notamment le contenu, le lieu et les modalités de dépôt de la demande du redevable.
« III. – Les I et II du présent article ne sont pas applicables lorsque les instructions ou circulaires ou la demande d’un redevable portent sur l’application du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union et de ses règlements d’application. » ;
2° Le IV est abrogé.
II. – (Non modifié) À la fin de l’article 2 de l’ordonnance n° 2008-860 du 28 août 2008 relative à l’adaptation de la législation douanière applicable à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les références : « ses III et IV » sont remplacées par la référence : « son III ».
III. – (Non modifié) L’article 11 de l’ordonnance n° 2009-799 du 24 juin 2009 portant actualisation et adaptation de la législation financière et de la législation douanière applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – L’article 345 bis du code des douanes, à l’exception de son III, est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance. »
IV. – (Non modifié) Le 11° de l’article 6 de l’ordonnance n° 2011-1920 du 22 décembre 2011 portant adaptation du code monétaire et financier et du code des douanes à la suite du changement de statut de la collectivité de Saint-Barthélemy vis-à-vis de l’Union européenne est ainsi rédigé :
« 11° Le III de l’article 345 bis n’est pas applicable ; ».
V. – (Non modifié) Les I à IV s’appliquent aux demandes de rescrit présentées à l’administration à compter de la publication de la présente loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 207 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« III. – La garantie prévue au I est applicable lorsque, dans le cadre d’un contrôle ou d’une enquête et dès lors qu’elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l’administration a pris position sur les points examinés lors du contrôle ou de l’enquête lesquels sont communiqués au contribuable, selon les modalités fixées aux articles 67 B à 67 D-4, y compris s’ils ne comportent ni erreur, ni inexactitude, ni omission, ni insuffisance dans le calcul de l’impôt.
II. – Alinéa 9
1° Remplacer la mention :
III. –
par la mention :
IV. –
2° Remplacer les mots :
et II
par les mots :
à III
III.- Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
son III
par les mots :
son IV
V. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
son III
par les mots :
son IV
VI. – Alinéa 15
Remplacer la référence :
III
par la référence :
IV
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. À l’instar de ce qui était prévu à l’article 4 en matière fiscale et de contributions indirectes, il s’agit ici de renforcer la sécurité juridique des contribuables des taxes nationales recouvrées selon les modalités du code des douanes en rendant opposables à l’administration les conclusions, même tacites, qu’elle rend à la suite d’un contrôle.
Dans un souci de clarté sur la portée des conclusions de l’administration, il est proposé que les points examinés d’un contrôle ou d’une enquête soient communiqués aux contribuables, y compris s’ils ne comportent ni erreur, ni inexactitude, ni omission, ni insuffisance dans le calcul des droits et taxes éligibles. Cette précision a pour objet de lever toute ambiguïté sur les points de contrôle entre le contribuable et l’administration des douanes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il s’agit ici d’étendre aux droits et taxes collectés sur le fondement du code des douanes les dispositions de l’article 4 bis A introduit par la commission et qui prévoit que les points expressément validés lors d’un contrôle fiscal figurent sur la proposition de rectification.
Ce matin, la commission spéciale avait demandé le retrait de cet amendement en raison d’une ambiguïté dans sa rédaction. Après avoir échangé avec le Gouvernement, ces difficultés ont été levées. À titre personnel, j’émets donc un avis favorable et j’engage les membres de la commission à me suivre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14, modifié.
(L’article 14 est adopté.)
Article additionnel après l’article 14
Mme la présidente. L’amendement n° 208, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 67 B du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est également informé des points qui, ayant fait l’objet d’un examen par l’administration dans les conditions du cinquième alinéa du II et du III de l’article 345 bis, ne comportent ni erreur, ni inexactitude, ni omission, ni insuffisance dans le calcul des droits et taxes exigibles. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Dans la droite ligne de l’amendement qui vient d’être adopté, il s’agit de prévoir, lors de la mise en œuvre de la procédure du droit d’être entendu, à la suite d’un contrôle ou d’une enquête des douanes, que les conclusions de l’administration portent également les points qu’elle a examinés, et qui ne comportent ni erreur, ni inexactitude, ni omission, ni insuffisance dans le calcul de l’impôt.
Cette précision a pour objet de lever toute ambiguïté sur les points de contrôle entre le contribuable et l’administration.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Même argumentaire que pour l’amendement précédent et même avis favorable !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
Chapitre III
Une administration qui dialogue
Article 15 A
I. – A compter du 1er janvier 2021, les administrations au sens du 1° de l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et l’administration, à l’exception des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, ne peuvent recourir à un numéro téléphonique surtaxé dans leurs relations avec le public au sens du 2° de ce même article.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Je constate, pour m’en réjouir, que le signal envoyé par le présent article est positif, avec l’interdiction pour les administrations d’État de recourir à un numéro surtaxé.
Je constate aussi que la rédaction proposée par la commission va tout à fait dans le bon sens. Cela fait des années que j’alerte les pouvoirs publics sur la pratique des numéros de téléphone surtaxés, et plus particulièrement sur ceux qui sont à destination des services publics et des services sociaux ou qui concernent certains organismes de transport comme la SNCF. Il est dommage, d’ailleurs, que cet article ne s’applique pas aux établissements publics industriels et commerciaux.
Qu’il me soit permis de faire un bref retour en arrière sur cette question pour rappeler que, depuis une dizaine d’années, on croyait les numéros surtaxés disparus ; pourtant, depuis peu, les voilà subrepticement revenus. Chacun peut constater en effet que, si certaines surtaxes téléphoniques ont baissé ces dernières années, dans un grand nombre de cas la facturation totale de l’appel est en augmentation.
La baisse n’était donc qu’illusion, en particulier quand l’appel dépasse les deux minutes et vingt secondes. Et faites confiance à certains de ces organismes : ils s’efforcent de faire en sorte que les temps d’appel dépassent systématiquement les deux minutes et vingt secondes !
J’ai testé quelques numéros, comme ceux de certaines CAF, d’organismes d’assurance maladie ou d’assurance vieillesse. J’ai même testé le numéro de la SNCF. Mieux encore : certains CHU font des économies sur le dos des patients ou de leurs proches. « Allô service public », cerise sur le gâteau, est un numéro surtaxé. Bref, de telles pratiques constituent des abus manifestes et pénalisent les personnes de condition modeste.
Concernant plus particulièrement les services publics, le consommateur paie deux fois : une fois en qualité de contribuable et une fois en qualité d’usager. L’adoption de cet article 15 A constituera donc un réel pas en avant.
Pour mémoire, nous avions effectué un premier pas avec la loi pour la confiance dans l’économie numérique, du moins le pensions-nous. Cette loi prévoyait, dans l’un de ses articles, la gratuité des numéros à destination des services sociaux. Il a fallu sept ans pour que soit publié le décret listant lesdits services sociaux. Sept années pour faire figurer sur la liste deux numéros, et seulement deux numéros, désormais gratuits : le 115 pour le service d’urgence aux sans-abri et le 119 pour l’enfance en danger !
J’espère simplement que l’application de cet article 15 A sera bien plus rapide !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, sur l’article.
Mme Nathalie Delattre. Mes chers collègues, à l’article 15 A, j’avais proposé un amendement visant à supprimer les numéros surtaxés pour contacter des administrations.
Cet amendement tendait à faire passer l’entrée en vigueur de cette mesure attendue par nombre de Français de 2021, comme c’est actuellement prévu, au 1er janvier 2019, date qui correspond à l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, mesure qui suscitera beaucoup d’appels.
Quelle n’a pas été ma surprise d’apprendre que cet amendement est réputé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, car son adoption entraînerait une rupture anticipée des contrats passés entre l’État et les prestataires de services téléphoniques qui ne seraient plus honorés et qui donneraient donc lieu à des indemnités.
Outre le fait que de telles indemnités ne semblent pas toujours frappées d’irrecevabilité, cet article avait été inséré par voie d’amendements à l’Assemblée nationale avec un gage, sans qu’aucune étude d’impact, aucune évaluation disponible du coût de la mesure et des éventuelles indemnités ait été évoquée. Donc pas débats chiffrés des députés et pas de débat du tout au Sénat !
Il aurait pourtant été intéressant de bénéficier de l’évaluation de ces indemnités de rupture pour mesurer la pertinence d’une telle demande et le coût de sa mise en œuvre.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 60 amendements au cours de la journée ; il en reste 112.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
Ordre du jour
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 mars 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés.
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (n° 259, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Pascale Gruny et M. Jean-Claude Luche, fait au nom de la commission spéciale (n° 329, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 330, 2017-2018) ;
Douze articles font l’objet d’une procédure de législation en commission partielle selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 14 mars 2018, à zéro heure trente.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD