M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Chasseing, en 2014, vous l’avez rappelé, la France a mis en place une évolution fondamentale de sa fiscalité énergétique en introduisant une composante carbone dans les tarifs de taxes intérieures de consommation, et notamment la TICPE.
Cette approche a été reprise et renforcée dans le cadre de la loi de finances pour 2018, en définissant une trajectoire jusqu’en 2022.
Les véhicules diesel, qui sont à l’origine de plus de pollution aux particules fines que les véhicules essence (M. Jean-François Husson s’exclame.), bénéficiaient jusqu’ici d’une fiscalité plus faible. Cette anomalie est donc progressivement corrigée avec une trajectoire fixée sur l’ensemble du quinquennat, afin de donner une bonne visibilité aux ménages et aux entreprises pour qu’ils puissent adapter leur comportement.
Par ailleurs, afin d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone issus du paquet climat adopté par l’Union européenne, le dispositif de la TGAP biocarburant permet de taxer les carburants de manière proportionnelle à un seuil d’incorporation de biocarburants. C’est un dispositif efficace, qui permet d’apporter un soutien financier assez important à la production de biocarburants pour accompagner cette transition.
Le Gouvernement veille par ailleurs à ne pas pénaliser les ménages et les secteurs économiques les plus fragiles. Ainsi, des tarifs réduits et des remboursements partiels existent sur le gazole non routier utilisé par les engins agricoles, avec un taux payé de 3,86 centimes d’euros par litre au lieu du taux normal de 59,4 centimes d’euros, pour le gaz naturel et pour le transport routier de marchandises et de voyageurs.
Le remboursement partiel de la TICPE dont bénéficient ces professionnels est par ailleurs ajusté pour compenser la hausse de TICPE intervenue au 1er janvier, ce qui leur permet de bénéficier de tarifs inchangés.
Concernant les particuliers, comme vous le soulignez, le Gouvernement a pris le parti de déployer une politique globale plus favorable au pouvoir d’achat. Ces mesures doivent être analysées non pas isolément, mais dans leur ensemble, en tenant compte, notamment, des baisses de cotisations salariales ou autres exonérations de taxe d’habitation.
Enfin, madame Borne prépare une loi sur les mobilités qui permettra aussi d’apporter des réponses adaptées à l’ensemble de nos territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’épisode de grêle qui a durement touché les vignobles de la Nouvelle-Aquitaine ce week-end, mais également le Lubéron et le Champenois la semaine dernière.
J’étais hier sur le terrain avec la profession. La situation est dramatique en Nouvelle-Aquitaine, où environ 18 000 hectares ont été touchés, soit entre 60 % et 100 % des parcelles privées de récolte pour deux années, sans compter les surfaces céréalières et arboricoles.
Les mesures mobilisables, telles que le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ou le report du paiement des cotisations sociales, demeurent indispensables. Nous ne pouvons plus rester au milieu du gué.
De nombreuses régions viticoles subissent pour la troisième année consécutive des aléas climatiques, tels que gel et grêle.
Le mécanisme existant de la déduction pour aléas n’ayant pas emporté l’adhésion des agriculteurs, la profession requiert plus que jamais un dispositif lui permettant de se constituer une réserve d’autofinancement avec les mesures fiscales idoines. En février dernier, j’ai déjà interrogé le Gouvernement, qui m’a fait alors une réponse pour le moins évasive.
Aujourd’hui, la profession agricole a besoin de visibilité. Les variations de revenus sont de plus en plus difficilement soutenables et la récurrence des aléas indique qu’il faut lui donner un outil efficace et efficient rapidement.
Vous connaissez leurs propositions en la matière, à savoir la possibilité de déduire une provision, dont le plafond serait déterminé en fonction du résultat d’exploitation. Corrélativement, un montant égal à au moins 40 % de la déduction devrait être mis en épargne financière. Ce ratio serait conservé tout au long du maintien de la provision, sous peine de réintégration, et rapporté dans un délai de dix exercices.
Le système assurantiel existe déjà et peut être complémentaire.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement envisage-t-il de reconsidérer sa position sur la possibilité ouverte par le règlement dit « omnibus » d’abaisser le seuil de déclenchement de l’assurance récolte de 30 % à 20 % ?
En conséquence, quelles sont les mesures que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, qui est retenu à l’Assemblée nationale, m’a demandé de vous répondre.
Des orages de grêle ont touché la Nouvelle-Aquitaine ce week-end, affectant plusieurs milliers d’hectares dans les vignobles de Cognac et du Bordelais, ainsi que dans d’autres régions de France, le Vaucluse notamment, que vous avez cité.
Comme Stéphane Travert l’a fait à l’Assemblée nationale, je tiens à rendre hommage, au nom du Gouvernement, aux viticulteurs qui sont une nouvelle fois frappés.
Face à la recrudescence des intempéries, que vous notez à juste titre, quelles mesures pouvons-nous prendre ?
Il existe, vous le savez, des dispositifs spécifiques à la viticulture, à savoir les achats de vendanges et le volume complémentaire individuel, notamment.
Monsieur le sénateur, vous nous demandez de la visibilité. D’autres dispositifs sont également mobilisables, en particulier le recours à l’activité partielle pour les salariés des entreprises touchées, ou encore le report du paiement des cotisations sociales auprès des caisses de mutualité sociale agricole.
M. Jean-François Husson. C’est juste pour deux ans !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Par ailleurs, les cellules d’identification et d’accompagnement ont fait un travail remarquable pour accompagner les exploitants en difficulté. Ils les identifient ; ils les soutiennent. Je rappelle aussi que l’État, via le FEADER, subventionne jusqu’à 65 % du montant de la cotisation d’assurance. (MM. François Patriat et Claude Haut applaudissent.)
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas la question…
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. François Grosdidier. On aura peut-être une réponse !
M. Alain Cazabonne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, bien que mon sujet rejoigne celui qui a été évoqué par M. Daniel Laurent, je n’ai pas l’intention de parler en vain.
Ma question s’adresse à M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Samedi dernier, à la suite d’un violent orage de grêle – j’étais dessous –, qui s’est abattu sur la Gironde et sur l’ensemble du Sud-Ouest, de nombreuses parcelles viticoles ont été de nouveau durement touchées. En effet, entre 3 000 et 5 000 hectares de vignes ont été détruits, et certaines appellations, telles que les Côtes-de-Bourg ou le Blayais, sont même menacées.
Nous ne pouvons pas laisser ces acteurs économiques majeurs pour notre pays seuls face à cette situation.
Le vin français fait partie de notre patrimoine et participe fortement à notre renommée, ainsi qu’à notre rayonnement international. Il doit donc faire l’objet d’une attention toute particulière.
Cette situation concerne bien entendu la Gironde, mais également l’ensemble de nos territoires viticoles, et je suis sûr que nombre de mes collègues ici présents pourraient parler de leur terroir.
M. Bruno Sido. Oui !
M. Alain Cazabonne. Néanmoins, je suis persuadé que nous serions tous d’accord pour reconnaître que le Bordeaux est quand même le meilleur. (Exclamations amusées.) Je savais que je ferais l’unanimité. (Sourires.)
Face à ces difficultés, deux pistes semblent possibles : une incitation fiscale pour aider les agriculteurs à généraliser les protections efficaces qui existent, mais qui sont coûteuses ; l’autre est réglementaire, et consiste à aider les viticulteurs à conserver une partie des quotas de rendement sur une année pour compenser les pertes éventuelles causées l’année suivante par les aléas climatiques. C’est le cas, me semble-t-il, en Champagne et pour le Chablis, avec ce que l’on appelle le VCI, le volume complémentaire individuel.
Aussi, quelles sont les mesures incitatives ou réglementaires que le Gouvernement entend prendre pour aider nos viticulteurs à généraliser l’anticipation de ces aléas climatiques si dévastateurs pour les vignes, notre économie et notre patrimoine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire,…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Une réponse !
M. le président. … qui va pouvoir préciser ses propos.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Cazabonne, la violence des orages de grêle qui ont affecté plusieurs milliers d’hectares de vignobles dans votre région ce week-end – vous avez précisé que vous étiez dessous – nous préoccupe particulièrement. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation est, comme vous le savez, retenu à l’Assemblée nationale, et il m’a chargé de vous répondre. (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Au nom de l’ensemble du Gouvernement, je veux de nouveau rendre hommage à ces viticulteurs qui sont, une fois de plus, victimes des aléas climatiques. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Le ministère de l’agriculture et l’alimentation en a d’ailleurs discuté en détail avec le sénateur Daniel Laurent.
M. François Grosdidier. Quelle est la conclusion ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. L’année 2017 a été terrible pour nos territoires, pour nos viticulteurs. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Dans ces conditions, nous devons proposer des mesures d’envergure qui peuvent atténuer concrètement au maximum les difficultés auxquelles doivent faire face nos agriculteurs. Sachez que des dispositifs sont d’ores et déjà mobilisables.
M. François Grosdidier. Lesquels ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Il faut noter que, si les dommages impactent la récolte 2019, l’exploitation passera automatiquement sous le régime des calamités agricoles, et l’exploitant pourra donc être indemnisé. (Même mouvement.)
Pour les parcelles touchées par la grêle, le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti est accessible.
L’importance du recours, pour les viticulteurs, à l’assurance récolte est essentielle.
M. Jean-François Husson. Comme toujours !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous savons que, malheureusement, le changement climatique intensifie encore les séquences de gel comme de grêle, et la répétition de ces aléas climatiques nous rappelle toute l’importance pour les viticulteurs d’avoir recours à l’assurance récolte.
Comme je le précisais précédemment, c’est un risque que l’État prend en compte, puisque je souligne de nouveau qu’il subventionne jusqu’à 65 % du montant de la cotisation d’assurance, via le FEADER. (MM. François Patriat et Claude Haut applaudissent.)
M. François Grosdidier. Et pour ceux qui n’ont pas d’assurance ? Il n’y a rien de plus !
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique, en huit secondes.
M. Alain Cazabonne. Je souhaite que l’on aborde des mesures pour le futur. Actuellement, à titre expérimental, on procède à des pulvérisations dans les nuages de gaz avec de l’iodure d’argent. Cela fonctionne assez bien, mais c’est fait artisanalement. Il y a peut-être une formule à trouver pour généraliser ce procédé avec des incitations fiscales.
situation en italie
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République en Marche. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Didier Guillaume applaudit également.)
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes nombreux ici à être inquiets de l’évolution de la situation en Italie. (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Vous le savez tous, après l’élection du mois de mars, un attelage improbable s’est mis en place, avec un parti d’extrême droite et un parti d’extrême gauche, ou en partie d’extrême gauche, quoique… (Protestations sur différentes travées.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. La proportionnelle !
M. Stéphane Ravier. Le peuple s’est exprimé !
M. Richard Yung. Cet attelage a accouché d’un programme économique pour le moins surprenant, avec une baisse significative de l’âge de la retraite, une baisse de la fiscalité et un revenu de solidarité – mesure certainement très louable –, l’ensemble de ces mesures représentant 130 milliards à 150 milliards d’euros, pour un pays qui a déjà 130 % de déficit public et dont la Constitution prévoit que la loi de finances doit être présentée en équilibre.
On voit donc que le souci de la coalition au pouvoir est moins de gérer correctement les affaires que de créer une crise institutionnelle et politique pour aller le plus rapidement possible vers de nouvelles élections législatives, la Ligue ayant, bien sûr, l’espoir d’en sortir gagnante, et même d’avoir une majorité à elle toute seule. C’est pourquoi nous avons ce déchaînement de campagne anti-européenne, anti-française. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Posez votre question !
M. Richard Yung. Vous permettez que je parle un peu, s’il vous plaît ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Pourtant, l’Italie est une grande nation. Nous devons lui tendre la main.
La question que je pose au Gouvernement est, bien sûr, celle-ci : quelle politique entendez-vous suivre vis-à-vis de l’Italie ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Richard Yung, oui, la France et l’Union européenne ont besoin de l’Italie. Nous avons tous en tête la date du 25 mars 1957. Nous nous en souvenons, c’est à Rome qu’ont été signés les traités instituant la Communauté économique européenne dont l’Italie est donc un membre fondateur et ô combien éminent. Nous avons d’ailleurs travaillé au quotidien avec elle, par exemple, pour contrôler les investissements étrangers sur le territoire européen.
Aujourd’hui, il ne nous revient certes pas d’être les arbitres des élégances entre les uns, les autres et les commentateurs de la vie politique italienne. Nous pouvons néanmoins nous asseoir sur la Constitution italienne (Rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.), nous appuyer, veux-je dire, sur la Constitution italienne. (Mêmes mouvements.)
Nous pouvons donc asseoir notre réflexion sur la Constitution italienne, laquelle prévoit, en son article 87, que le Président de la République est le garant de l’unité italienne. Il est prévu par son article 92 qu’il nomme le Président du Conseil et les ministres. Or il a fait preuve, depuis le début, d’une grande responsabilité en laissant les acteurs proposer des schémas et en ayant comme première préoccupation dans les décisions prises ces derniers jours la stabilité institutionnelle de son pays !
Le Président de la République Emmanuel Macron l’a souligné hier, en lui renouvelant son amitié et son soutien. (M. Michel Raison s’exclame.) Un gouvernement technique est donc manifestement en train d’être mis en place et la parole va être rendue au peuple d’ici au début 2019.
M. Stéphane Ravier. Il s’est déjà exprimé !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, 2019 sera une année importante pour la relation franco-italienne, 2019, c’est le 500e anniversaire de la Renaissance. Nous avons donné le coup d’envoi à 2019 à Amboise, il y a dix jours. Comme le disait Emmanuel Mounier (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.), ce philosophe qui, je crois, peut nous inspirer : « Il est temps de refaire la Renaissance ». Cela vaut pour l’Union européenne ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d’État. Comme quoi il n’est jamais bon de s’asseoir sur la Constitution ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Concomitamment, de nombreux sénateurs du groupe Les républicains se lèvent, suivis par quelques-uns de leurs collègues, sur d’autres travées.) On se donne des joies !
propos du procureur de la république de paris
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Vous avez la parole, et vous seul !
M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, le procureur Molins est un homme respecté, un homme pondéré, il n’est ni un agité, ni un démagogue.
Le procureur Molins annonce, sereinement, si je puis dire, que 20 détenus islamistes radicalisés vont être libérés en 2018 et que 20 détenus islamistes radicalisés le seront en 2019. Les 40 sont des dangers pour la société française, les 40 ! Or ils vont tous être libérés. Et ce alors que nous venons d’assister ce matin à Liège à ce que vous savez.
Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que l’arsenal pénal français doit être renforcé parce que la sécurité de nos concitoyens le vaut bien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. Michel Savin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Karoutchi, vous l’avez dit, le procureur Molins est respecté. Et il a énoncé, hier, à l’occasion d’un entretien télévisé, un certain nombre de vérités qui ne sont pas contestées et que je voudrais évoquer devant vous.
D’abord, il a dit qu’il existe en France, de manière permanente, une menace durable, endogène, diffuse, que nul ici ne songe à prendre à la légère, mais qui doit nous guider, nous alerter en permanence, à chaque moment où nous avons à prendre des décisions. Et je veux vous dire, monsieur le sénateur, sachant que vous n’en doutez pas, que tel est exactement l’état d’esprit du Gouvernement.
Vingt-trois attentats – le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a eu l’occasion de donner ce chiffre – ont été évités depuis le début de l’année 2017.
Lorsque les services de renseignement, en bonne coordination et intelligence avec les services de police et de gendarmerie, interviennent pour interdire la commission d’un attentat, ils le font en général de façon assez peu spectaculaire et, bien souvent, le grand public n’en est pas informé.
Il n’en reste pas moins que ces actes, extrêmement précis dans leur réalisation, qui sont le fruit d’un travail considérable, font honneur à nos sources de renseignements. Nous sommes, là encore, déterminés à leur donner les moyens – j’aurai l’occasion d’y revenir – pour qu’ils puissent poursuivre cette action.
Le procureur Molins a en effet indiqué qu’un certain nombre de détenus radicalisés allaient être libérés, car ils arrivaient en fin de peine. Sur les 70 000 détenus dans les prisons françaises, il en est 1 600 dont on estime qu’ils sont radicalisés, 500 – je dis bien 500 – sont détenus soit parce qu’ils sont poursuivis, soit parce qu’ils sont condamnés pour des faits liés à des actes terroristes, et 20, comme vous l’avez dit, arriveront en fin de peine en 2018, tandis que 20 autres arriveront en fin de peine en 2019.
Il faut évidemment, et telle est bien l’intention du Gouvernement, garantir un travail très étroit de coordination avec les services de renseignement pénitentiaire, avec l’ensemble des services compétents – renseignement, police, autorité préfectorale –, pour veiller à encadrer des individus qui, de par l’application de la loi, seront prochainement libérés. J’ai vu les sénateurs se lever, à juste titre, pour saluer l’attachement proclamé par le président du Sénat à la Constitution. Et j’imagine qu’ils se lèveront tout autant à l’idée qu’il appartient pour l’État, pour la justice, pour l’ensemble de nos concitoyens, de respecter la loi.
Ces individus seront donc, parce qu’ils arrivent en fin de peine, libérés, mais il va de soi que l’ensemble des services compétents maintiendra, pour des raisons évidentes, un niveau de suivi extrêmement attentif. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je pense au bureau du renseignement pénitentiaire, je pense à l’accompagnement pluridisciplinaire mis en œuvre par l’administration pénitentiaire pour essayer de déceler ou de faire décroître la radicalisation d’un certain nombre de ces détenus. Et je suis parfaitement conscient qu’en disant cela, j’énonce une vérité qui peut sembler parfois peu crédible. Toutefois, pour avoir rencontré toute une série de spécialistes intervenant dans les prisons, et qui suivent de façon spécifique les détenus radicalisés, nous savons que certaines méthodes offrent de meilleurs résultats que d’autres et qu’il serait donc peu opportun de ne pas les mettre en œuvre.
Premier élément, l’ensemble des services compétents procèdent donc à un suivi extrêmement précis et attentif des détenus.
Deuxième élément rappelé par le procureur Molins, qui l’a appelé de ses vœux, que le Président de la République a évoqué à l’occasion d’un discours prononcé à l’Élysée et dont j’ai moi-même indiqué non pas les paramètres mais les enjeux, la meilleure information des maires sur ce sujet. L’exercice est difficile. Nous le savons, la difficulté provient, d’abord, du fait que certains maires souhaitent le pratiquer et d’autres pas. La difficulté provient, ensuite, du fait qu’on ne peut pas, sans mettre en cause nos sources de renseignement, diffuser de façon trop large les éléments recueillis.
Pour donner des bons résultats, l’exercice doit donc faire l’objet de protocoles entre l’État et les maires. Il faut faire en sorte que les autorités locales, qui disposent souvent de signaux faibles, s’associent à l’État en les lui transmettant. Nous pouvons discuter avec elles pour garantir un meilleur niveau de suivi. Tel est le sens de la mesure évoquée par le procureur Molins, et je crois qu’il a raison. Je pense même que nous devons, tous ensemble, trouver les moyens de garantir l’efficacité de cet échange d’informations, lequel, je le dis encore une fois, n’a rien d’évident.
Troisième et dernier élément, monsieur le sénateur, l’engagement total du Gouvernement pour donner aux forces de l’ordre et aux services de renseignement les moyens dont ils ont besoin pour effectuer dans de bonnes conditions les missions de suivi.
J’en suis convaincu, je vous le dis, monsieur le sénateur, à vous qui avez exercé des responsabilités éminentes, en matière de sécurité, le plus utile, ce n’est ni la communication, ni même nécessairement l’arsenal législatif, c’est l’efficacité opérationnelle. Et elle passe aujourd’hui notamment par plus de moyens affectés au terrain, par plus de policiers, par plus de gendarmes, un effort de la Nation dans lequel nous sommes engagés. Il se traduira par 10 000 recrutements au cours du quinquennat, dont 1 900 serviront à étoffer les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI. L’efficacité opérationnelle, c’est un art d’exécution ; c’est un travail remarquable fait par les forces de l’ordre. Vous les soutenez, comme nous les soutenons. L’efficacité opérationnelle, c’est un suivi qui va s’affiner. Compte tenu des effectifs que j’ai mentionnés, les 20 de 2018 et les 20 de 2019, nous sommes parfaitement en mesure de fournir cet effort et d’assurer leur suivi.
Je veux redire ma confiance et la détermination entière du Gouvernement à soutenir les efforts des forces de l’ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, il est évident qu’ici, dans notre groupe, comme d’ailleurs dans l’ensemble de l’hémicycle, les forces de police, les forces de gendarmerie, les services de renseignement nous ont toujours trouvés à vos côtés pour faire en sorte que leurs moyens soient renforcés, et je veux leur rendre solennellement hommage.
Cependant, le problème n’est pas uniquement dans la force ou dans la présence. Il est, vous l’avez dit, aussi dans la loi. Vous nous dites : « Nous sommes ici, nous, le Gouvernement, pour appliquer la loi ». Et nous, nous vous disons, monsieur le Premier ministre : « Faites avancer la loi, faites bouger la loi ! ».
Il est évident qu’il faut bouger sur la consultation des sites djihadistes ! Il est évident qu’il faut bouger sur le fait qu’un lien avec une organisation terroriste doit être considéré comme une intelligence avec l’ennemi ! Il est évident qu’il faut que tous les Français se disent que la guerre au terrorisme, nous la menons ensemble ! Et, en tout cas, au groupe Les Républicains, nous serons, si vous avancez là-dessus, toujours à vos côtés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Joël Guerriau applaudissent également.)
séismes à mayotte