Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Mireille Jouve, Françoise Gatel, M. Michel Raison.
2. Hommage à Serge Dassault, ancien sénateur
3. Programmation militaire pour les années 2019 à 2025. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Explications de vote sur l’ensemble
Ouverture du scrutin public solennel
Suspension et reprise de la séance
Proclamation du résultat du scrutin public solennel
Adoption, par scrutin public n° 105, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Florence Parly, ministre des armées
Suspension et reprise de la séance
4. Questions d’actualité au Gouvernement
urgences dans les hôpitaux en outre-mer
M. Guillaume Arnell ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
M. Pierre Ouzoulias ; M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du numérique.
Mme Samia Ghali ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Samia Ghali.
hausse des taxes sur les carburants
M. Daniel Chasseing ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Daniel Laurent ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
aléas climatiques pour les viticulteurs
M. Alain Cazabonne ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Alain Cazabonne.
M. Richard Yung ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
propos du procureur de la république de paris
M. Roger Karoutchi ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Roger Karoutchi.
M. Thani Mohamed Soilihi ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Jean Bizet ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Jean Bizet.
intempéries en nouvelle-aquitaine
Mme Françoise Cartron ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
6. Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme Éliane Assassi ; M. le président.
8. Nouveau pacte ferroviaire. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
9. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
10. Nouveau pacte ferroviaire. – Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) :
Motion n° 1 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi ; M. Michel Vaspart ; M. Gérard Cornu, rapporteur ; Mme Élisabeth Borne, ministre ; M. Jean-Claude Requier ; Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public n° 106.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
Amendement n° 48 de Mme Éliane Assassi
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 48 de Mme Éliane Assassi (suite). – Rejet par scrutin public n° 107.
Amendement n° 68 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 232 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 69 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 71 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 3 rectifié octies de M. Claude Malhuret
Amendement n° 70 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 183 rectifié de M. Ronan Dantec
Amendement n° 24 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 25 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 215 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 234 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 256 de la commission
Amendement n° 235 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 23 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 35 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 214 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 233 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 168 du Gouvernement
Amendement n° 236 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 237 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 129 de M. Jean-François Longeot
Amendement n° 238 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 239 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 213 de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 36 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 74 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 75 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 257 de la commission
Amendement n° 149 rectifié quinquies de Mme Marie-Noëlle Lienemann
Amendement n° 216 de M. Olivier Jacquin. – Rectification.
Amendement n° 216 rectifié de M. Olivier Jacquin
Amendement n° 150 rectifié quinquies de Mme Marie-Noëlle Lienemann
Amendement n° 151 rectifié quinquies de Mme Marie-Noëlle Lienemann
Amendement n° 77 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 78 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 76 de Mme Éliane Assassi
Amendement n° 29 de Mme Éliane Assassi
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Mireille Jouve,
Mme Françoise Gatel,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 24 mai 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Hommage à Serge Dassault, ancien sénateur
M. le président. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre des armées, se lèvent.) Madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec émotion que nous avons appris, hier après-midi, le décès de notre ancien collègue Serge Dassault, qui fut sénateur de l’Essonne durant treize années, de 2004 à 2017.
Il s’est éteint à l’âge de 93 ans, succombant à un malaise alors qu’il se trouvait, comme chaque jour, à son bureau du rond-point des Champs-Élysées-Marcel-Dassault, où il aura exercé, jusqu’à ses derniers instants, l’ensemble de ses responsabilités avec la passion qui le caractérisait.
Au moment où le Sénat s’apprête à se prononcer, cet après-midi même, sur le projet de loi de programmation militaire, il me revient de saluer la mémoire de notre ancien collègue, qui fut un grand capitaine d’industrie au service de notre défense nationale.
Après une adolescence marquée par la déportation de son père et son incarcération au fort de Montluc, Serge Dassault devint ingénieur. Diplômé de l’École polytechnique en 1946, puis de l’École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace – Supaéro – en 1951, il gravit ensuite tous les échelons au sein de l’entreprise familiale.
Directeur des essais en vol puis des exportations au sein du groupe Dassault Industries, il devint, en 1987, le président-directeur général de ce groupe fondé par son père, Marcel Dassault.
Il a, dans ces fonctions, obtenu des résultats impressionnants, non seulement dans le domaine de l’industrie militaire, mais aussi en diversifiant les activités du groupe, au travers de Dassault Systèmes et de l’aéronautique civile.
Il fut aussi, suivant là encore l’exemple de son père, un patron de presse important à la tête de la Socpresse, qui détient notamment le plus vieux quotidien de France qu’est Le Figaro.
Serge Dassault a siégé parmi nous, dans cet hémicycle, durant deux mandats consécutifs, exerçant les fonctions de doyen d’âge de notre Haute Assemblée le 1er octobre 2008. Nous nous en souvenons, et moi avec une particulière émotion.
J’ai encore en mémoire les propos de Serge Dassault lorsque, dans son allocution de doyen d’âge, il nous exhortait collectivement à « redonner à la France sa place dans le monde et aux Français, quels qu’ils soient, la croissance et les emplois dont ils ont besoin ». Cet appel est plus que jamais d’actualité ! Il avait alors conclu en ces termes : « je forme le vœu que le Sénat s’associe à cette grande ambition : promouvoir l’union nationale qui, seule, permettra d’obtenir le consensus indispensable, de la gauche à la droite, à toutes les réformes nécessaires ».
C’est cette passion pour l’entreprise qui avait conduit Serge Dassault à s’engager dans la vie de la cité. Tout d’abord, au niveau local, comme maire de Corbeil-Essonnes de 1995 à 2009, après avoir été conseiller régional d’Île-de-France, conseiller général puis conseiller départemental de l’Essonne.
Il fit son entrée au Sénat le 26 septembre 2004. Il aimait à rappeler ce parcours qu’il partageait avec son père : « Mon père et moi – disait-il – ne nous sommes engagés en politique que fort tard, non par ambition, mais par civisme, pour essayer d’apporter à l’action politique nos expériences d’industriels qui connaissent toutes les difficultés des entreprises et qui sont confrontés à la nécessité d’assurer une bonne cohésion sociale avec tous leurs salariés. »
Le sénateur que fut Serge Dassault était un parlementaire actif, qui, malgré ses multiples responsabilités, cherchait toujours à faire partager ses convictions sur toutes les travées de notre hémicycle.
Comme vice-président de la commission des finances et rapporteur spécial de cette même commission, il a constitué une vigie des finances publiques, mettant en exergue la vulnérabilité que constituait, pour l’État, le niveau de la dette.
S’il était convaincu que la relance de l’économie française passait par un allégement de la fiscalité, il n’oubliait pas que les fruits de la croissance devaient être partagés avec l’ensemble des forces productives du pays. Il a inlassablement milité pour la valorisation de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise. Il y voyait même le socle d’un nouveau contrat social.
Son action à la tête d’une entreprise de référence mondiale, avec son fleuron, l’avion Rafale, ne l’a pourtant pas éloigné du souci des autres, et particulièrement des plus vulnérables. La fondation Serge Dassault, qu’il a fondée en 1993, va poursuivre son œuvre pour accompagner les personnes handicapées et leur insertion dans la société par le travail.
Au nom du Sénat, je voudrais en cet instant assurer la famille de Serge Dassault de notre profonde sympathie, avec une pensée particulière pour notre collègue député Olivier Dassault.
En sa mémoire, je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre, observent une minute de silence.)
3
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (projet n° 383, texte de la commission n° 477, rapport n° 476, avis nos 472 et 473).
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
Je rappelle que chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Franck Menonville et Jean-Noël Guérini applaudissent également.)
M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure même où va se dérouler ici, au Sénat, le vote solennel du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, 8 000 de nos soldats sécurisent nos villes, nos gares et nos aéroports ; 20 000 autres exposent, chaque jour, leur vie pour faire gagner la paix dans les déserts brûlants du Sahel ou dans la poudrière du Moyen-Orient. Avec des moyens parfois vétustes, ils font respecter nos zones de souveraineté, la liberté de circuler dans les détroits et protègent nos intérêts vitaux. C’est à eux que nous dédions ce vote pour que, d’aussi loin qu’ils se trouvent, ils nous entendent et comprennent que la France les protège et les soutient.
Alors oui, madame la ministre, il était temps. Il était temps de mettre un terme à vingt ans d’éreintement de nos armées. Il fallait que la France consente enfin l’effort nécessaire à sa sécurité.
Autant le dire tout de suite, après le mauvais signal donné en juillet dernier, l’exécutif nous a présenté une loi de programmation qui va dans le bon sens et marque un coup d’arrêt salutaire. Un coup d’arrêt à ces régiments qui ferment, à ces 50 000 emplois supprimés en dix ans, alors que l’on a multiplié les surengagements opérationnels.
Mais hélas, selon un calendrier trop tardif et avec des insuffisances et des paris difficiles, cette loi « d’intention » nous apparaît comme bien fragile. C’était donc le rôle du Parlement, particulièrement celui du Sénat, de vous aider, madame la ministre, à tenir vos engagements.
Vos priorités, elles sont les nôtres : une amélioration des conditions de vie de nos soldats, la restauration d’une capacité opérationnelle à bout de souffle, davantage d’innovation, plus de moyens pour le renseignement et la cyberdéfense, ou encore la modernisation de la dissuasion nucléaire ; tout cela contribuera à la préservation d’un modèle complet d’armée, avec des moyens mieux adaptés. Des blindés Scorpion et des canons Caesar pour l’armée de terre, six sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda, quatre sous-marins lanceurs d’engin, huit frégates FREMM, deux frégates FTI, des patrouilleurs et des ravitailleurs pour la Marine, vingt-huit nouveaux Rafale – en cet instant, j’ai une pensée, comme vous, pour notre ami Serge Dassault –, des Mirage rénovés, des avions ravitailleurs et des drones bientôt armés pour l’armée de l’air : ce n’est pas rien et, bien sûr, nous approuvons tout cela.
Malheureusement, cette programmation souffre de fragilités qui nous inquiètent. Plutôt que d’étaler cet effort de manière continue sur la période, comme l’avaient recommandé dans un rapport nos anciens collègues Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, vous concentrez les deux tiers de la programmation sur le dernier tiers du calendrier, après 2022.
M. Charles Revet. Oui !
M. Christian Cambon. C’est d’autant plus risqué qu’une clause de « revoyure », en 2021, pourrait venir la mettre en danger.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Christian Cambon. De cette programmation trop étalée dans le temps résulteront sûrement de graves tensions sur nombre d’équipements anciens, dont certains resteront en activité encore longtemps, tels les véhicules de l’avant blindé, les hélicoptères Gazelle ou les avions de transport. Quant aux coopérations européennes, le Royaume-Uni est affaibli par le Brexit et le partenariat avec l’Allemagne fait l’objet de belles déclarations, mais bute sur une pratique opérationnelle ou industrielle bien différente.
Dès lors, madame la ministre, la mission de nos groupes au Sénat était de vous aider à tenir vos engagements. Nous l’avons fait dans six directions essentielles.
Il s’agissait, tout d’abord, de protéger les ressources de la défense. Ainsi, le service national universel ne pourra être financé ni en crédits, ni en personnels, ni en infrastructures par les ressources de la programmation militaire. C’était essentiel et vous avez pris des engagements très forts sur ce point. De même, le Sénat a instauré une clause de sauvegarde en cas de hausse des cours du pétrole. Sur les opérations extérieures, le Sénat a souhaité inclure dans leur coût l’usure accélérée du matériel en opérations. Nous avons limité la part de la défense dans le financement des surcoûts résiduels. Nous avons aussi prévu le retour intégral aux armées des produits de vos cessions immobilières : 500 millions d’euros prévus, ce n’est tout de même pas rien !
Pour améliorer les conditions de vie de nos soldats, il fallait les aider à se loger et arrêter les ventes à bas prix du prestigieux patrimoine de votre ministère, à Paris ou en province, sans un retour suffisant pour les armées. La fameuse « décote Duflot » ne s’appliquera donc que si 100 % des logements sociaux sont réservés aux militaires. De même, le Sénat souhaite garder une partie du Val-de-Grâce pour les besoins en logements des soldats de l’opération Sentinelle. (Mme Sophie Joissains applaudit.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. Christian Cambon. Nous avons été nombreux à être sensibilisés aux inquiétudes des associations de pensionnés et invalides de guerre, qui risquaient de perdre les garanties dont elles bénéficiaient devant le tribunal des pensions. Le Sénat a prévu que les tribunaux administratifs, auxquels est transféré ce contentieux, appliqueront les garanties existantes pour mieux protéger les droits des requérants.
Le statut des militaires souhaitant se présenter aux élections locales ne pouvait, bien évidemment, qu’attirer l’attention du Sénat. En assouplissant les incompatibilités et en relevant les seuils, le Sénat a évité de faire de ces futurs élus des « demi-soldes » de la démocratie locale.
Afin de favoriser l’engagement, essentiel, dans la réserve, le Sénat a relevé les conditions d’âge des préparations militaires et prévu la possibilité de dons de jours de congés à des réservistes.
Enfin, et c’était l’élément décisif pour notre groupe, le Sénat a introduit de nouveaux pouvoirs de contrôle du Parlement pour aider le Gouvernement, lors de chaque exercice budgétaire, à tenir les engagements inscrits dans ce projet de loi. Nous avons obtenu de connaître vos engagements de livraison d’équipements en 2021. C’était un « point de passage » essentiel pour nous, et je vous en remercie. Nous en contrôlerons donc scrupuleusement le respect.
En revanche, nous avons bien perçu votre hostilité à notre amendement visant à un meilleur contrôle des services de renseignement. Une fois de plus, madame la ministre, et solennellement, je veux vous assurer que les sénateurs veulent protéger les opérations qui sont en cours. Le Gouvernement pourra même s’opposer à la transmission de certains documents, car nous connaissons les compétences qui sont les siennes et nous les respectons. Nous approuvons du reste l’accroissement des personnels – 1 500 agents supplémentaires – pendant la durée d’application de la loi, ainsi que la hausse du budget, soit 4,6 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour les services de renseignement. De même, nous vous avons suivie en adoptant l’amendement du Gouvernement pour une meilleure exploitation des données par les services.
En contrepartie, madame la ministre, comment s’opposer à une meilleure information du Parlement, à l’instar de la pratique constatée dans toutes les grandes démocraties ? D’ici à la CMP, je vous propose de poursuivre nos discussions pour tenter de trouver un dispositif qui non seulement respecte l’activité des services, mais nous permette aussi d’exercer les droits du Parlement.
Vous le voyez, le Sénat s’est emparé de ce texte et l’a considérablement amélioré, pour vous aider à en faire une LPM de rupture avec le passé. Car vous le savez, si cette loi ne remplit pas ses objectifs, la désespérance de nos soldats sera grande et nous ne rattraperons jamais le retard accumulé.
Alors, bien sûr, notre groupe votera ce projet de loi, en faisant le pari de la confiance, mais aussi en exerçant un contrôle attentif et annuel sur les engagements pris. Que les dix rapporteurs budgétaires et les deux rapporteurs pour avis qui n’ont pas ménagé leur peine soient ici remerciés, car ils ont apporté une contribution remarquable à ce texte ! Permettez-moi aussi de remercier tous les groupes du Sénat, qui, au cours de la discussion, ont montré combien leur seul intérêt était celui de nos forces armées.
Pour conclure, madame la ministre, je veux vous remercier de votre engagement personnel et de votre écoute, car nous en aurons encore besoin jusqu’à la CMP. Et puis, si, d’aventure, vous voulez témoigner votre reconnaissance pour le travail que notre assemblée a accompli, je vous suggère une idée. Quand, au sein de l’exécutif, on entend poindre des doutes sur l’efficacité ou, parfois même, sur utilité du Sénat, alors vous pouvez leur répondre : « Faites donc confiance au Sénat, car il nous a bien aidés ! » (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mmes Hélène Conway-Mouret et Nelly Tocqueville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous achevons l’examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, dont les enjeux, chacun en est conscient, sont majeurs pour nos armées.
Les travaux en commission, comme en séance publique, ont été fructueux. Nous présentons aujourd’hui au vote un texte qui consacre le redressement de nos armées. Celui-ci leur donne les moyens d’aller vers l’objectif assumé du Président de la République de porter, à l’horizon 2025, notre effort de défense à 2 % du PIB.
Au-delà de l’ambition initiale, le projet de loi de programmation est un point d’équilibre entre la poursuite de la modernisation de nos armées, l’adaptation de ces dernières aux opérations extérieures que nous menons aujourd’hui, le poids de la contrainte budgétaire et la stratégie européenne de notre pays. Ainsi, il décline les engagements pris par le Président de la République à Istres, le 20 juillet 2017.
À la suite des attentats des 23 mars, à Trèbes, et 12 mai, à Paris, nos armées ont montré qu’elles sont des leviers puissants de réassurance face à la grande peur que voulaient imposer les terroristes. Nous disposons d’une armée compétente, servie par des femmes et des hommes d’un professionnalisme de qualité et admiré par tous. Il tient, à nous, de les encourager énergiquement contre des menaces devenant de plus en plus sournoises et massives.
Pour cela, ce projet de loi prévoit des moyens nouveaux.
En premier lieu, il fournit des moyens supplémentaires grâce à un effort budgétaire exceptionnel de 1,7 milliard d’euros par an, puis de 3 milliards en 2023, portant le budget des armées à 39,6 milliards d’euros par an en moyenne, hors pensions, entre 2019 et 2023, soit une augmentation de 23 %. Cet effort financier est d’autant plus crédible qu’il repose intégralement sur des crédits budgétaires pérennes, sécurisant ainsi la trajectoire financière. Concrètement, ce texte montre nos ambitions en garantissant des engagements soutenables et durables, notamment par une augmentation des effectifs sur la période, par un effort en faveur de l’entretien des matériels et des équipements individuels, et par une attention particulière accordée au quotidien des soldats et de leurs familles.
En deuxième lieu, le projet de loi renouvelle nos capacités, pour répondre aux besoins opérationnels immédiats. Il anticipe nos engagements futurs, en accélérant les principaux programmes conventionnels et en renouvelant les programmes liés à la dissuasion et à la modernisation des infrastructures de défense. En cela, ce texte garantit notre autonomie stratégique et encourage la consolidation de l’Europe de la défense, en rééquilibrant les cinq fonctions stratégiques de la doctrine française : dissuasion, connaissance et anticipation, prévention, protection, intervention. Il innove en investissant dans des capacités à forte valeur ajoutée dans les armes de demain.
Enfin, en troisième lieu, le texte nous permet de combler notre retard en matière de cyberdéfense et de lancer des programmes de prospective, notamment sur le porte-avions Charles de Gaulle.
Le projet de loi ainsi modifié sera soumis d’ici à quelques jours à une commission mixte paritaire, dont je ne doute pas de l’issue favorable.
Il restera quelques points à discuter. Le premier concerne la clause qui exclut le ministère de la défense du financement des surcoûts en matière d’opérations extérieures. Comme vous l’avez rappelé lors de la discussion des articles, madame la ministre, les dépassements de la dotation annuelle au titre des OPEX font l’objet d’un financement interministériel. Et pour des raisons évidentes de solidarité avec les autres ministères, le ministère de la défense ne saurait s’en exempter. Il s’agit de respecter un principe constitutionnel datant de la Révolution de 1789, que rien ne justifie de sacrifier aujourd’hui.
En matière de délégation parlementaire au renseignement, je pense qu’il est possible de trouver un compromis, en laissant au Parlement le soin de tirer, en 2020, les enseignements de l’évaluation de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. À cet égard, je vous invite, madame la ministre, dans la mesure du possible, à mener plus tôt qu’en 2020 l’évaluation de cette loi, ce qui faciliterait peut-être certaines choses. C’est dans ce cadre ou lors de l’examen d’un véhicule législatif dédié, plus favorable à une démarche de concertation, que la réévaluation des pouvoirs de contrôle du Parlement devra être examinée. Sur une question si sensible et technique, il serait navrant que les dispositions figurant à l’article 22 ter, non concertées avec le Gouvernement en amont, fassent échouer la commission mixte paritaire.
En conclusion, mes chers collègues, au regard de l’effort consenti à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de programmation militaire, c’est-à-dire des moyens financiers en considérable hausse, des équipements supplémentaires et plus modernes, le renforcement du lien entre armée et Nation, le groupe La République En Marche votera résolument ce texte. Nous avons déjà tous dit à plusieurs reprises combien il marque une rupture attendue non seulement par les militaires, mais aussi par la population.
Ce texte redonne de la crédibilité au politique et renforce la légitimité que requiert un effort engageant la Nation entière. Nos débats ont été le meilleur hommage que nous, parlementaires, pouvons rendre à nos armées, qui se battent, au péril de leur vie, en tous lieux et à tout instant, ici comme ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-Marie Bockel et Stéphane Artano applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Christine Prunaud. En préliminaire à mon propos, je tiens, madame la ministre, monsieur le président de la commission, à vous remercier d’avoir placé nos débats sous le signe du respect des avis et opinions parfois divergents.
Ce projet de loi de programmation militaire devait relever deux défis. Le premier, ce que le Gouvernement a appelé « la LPM à hauteur d’hommes et de femmes », devait permettre une amélioration des conditions de vie et d’exercice des militaires. Le second consistait à assurer la place et l’indépendance de la France dans le monde. Qu’en est-il aujourd’hui, après nos débats ?
Sur le premier enjeu, il y a de vrais progrès. Aussi, je me réjouis des recrutements prévus dans les services d’active, et notamment au sein du service de santé des armées, le SSA. Ce dernier fait un travail remarquable, d’excellence, malgré la diminution drastique des effectifs subie ces dernières années. Cette diminution est en partie compensée par la LPM : les arbitrages prévoient un arrêt des déflations des effectifs dès 2019, puis une augmentation sur la période 2019–2025. Idem pour les crédits d’infrastructure alloués au SSA. Pour moi, c’est une très grande avancée.
Autre point positif, la question de la réserve. Demain, à la suite de l’adoption d’un amendement du groupe CRCE, ce dont je me félicite, les réservistes seront mieux protégés des dommages physiques et psychiques qu’ils pourraient subir. Ils seront également mieux valorisés pour leurs actions, via les facilités de promotion et les autorisations renforcées d’absence professionnelle.
Sur ce dernier point, tout en notant le réel progrès apporté par l’article 10 bis, je considère que nous sommes encore au milieu du gué, malgré les 500 conventions signées par le ministère. En effet, certaines entreprises sont réticentes à libérer du temps de travail pour leurs salariés engagés dans la réserve. Ou, pire encore, il faut noter le report de la solidarité de défense sur les autres salariés, via des dons de jours de repos, plutôt que sur les entreprises.
Toutefois, sur l’enjeu de l’amélioration des conditions de vie des militaires, existe un point de désaccord : la question de l’immobilier. Sous couvert de recettes exceptionnelles au profit de l’État, la poursuite des ventes nous semble extrêmement contre-productive, tant les besoins de logements décents sont grands pour nos militaires.
Si le premier défi peut être considéré comme relevé, nous ne partageons pas les ambitions sur le second défi de cette LPM, relatif à la place de la France dans le monde.
L’ambition d’indépendance et de souveraineté pour notre pays nous semble incompatible avec une intégration toujours plus grande dans l’OTAN. L’extension des accords SOFA – Status of Forces Agreement –, s’ils ne visent au final qu’à faciliter la réalisation d’exercices multilatéraux, marque bien une volonté de renforcer notre engagement dans l’OTAN.
On ne peut pas faire comme si les États-Unis, déjà prolixes en matière de décisions contestables, ne prenaient pas un virage inquiétant avec Donald Trump à leur tête. La politique étrangère de Washington s’assimile de plus en plus à la politique du pire.
Et si l’ONU doit être réformée, elle doit avant tout être rétablie comme seule garante de la sécurité mondiale face à l’OTAN.
Comme le notait la semaine dernière Dominique de Villepin à l’occasion d’un entretien à la radio : « Nous ne sommes plus, la France, tout comme l’Europe, qu’une variable d’ajustement, calculée par les États-Unis dans un camp atlantique ».
Mes chers collègues, je me permets de citer une nouvelle fois cet ancien ministre des affaires étrangères, dont nous connaissons tous sur ces travées les positions en faveur de la souveraineté et de l’indépendance de notre pays. Son jugement mériterait d’être largement considéré.
Dans ce cadre, l’Europe de la défense, à ce stade, est loin de constituer une alternative crédible.
Autre point de désaccord : la question du nucléaire. La LPM prévoit 37 milliards d’euros consacrés à un plan de modernisation. Il faudrait, au contraire, engager un processus de diminution de l’armement nucléaire. Que la France ne puisse pas, seule, démanteler l’intégralité de son arsenal, je l’entends parfaitement. Mais nous sommes face à une impasse, puisque chaque puissance nucléaire attend qu’une autre fasse un premier pas…
Une planification de démantèlement, même partielle, aurait été un message international permettant de faire avancer les choses, sans remettre en cause notre sécurité nationale.
Dernier axe stratégique, contestable à mon sens, la question du commerce des armes. Son développement dans la dernière décennie s’est appuyé sur deux objectifs : rééquilibrer la balance commerciale et maintenir l’emploi industriel.
Sur le maintien de l’emploi industriel, la réussite est en réalité très limitée, puisque le secteur de l’industrie de l’armement a vu disparaître 44 000 emplois en dix ans.
La France ne peut pas s’exonérer de ses responsabilités dans la prolifération des armements. Sous la pression de nouveaux conflits, les États se réarment, ce qui alimente en retour les conflits. Ce cercle vicieux, loin d’assurer la sécurité de notre pays, l’éloigne d’autant plus de la culture de la paix que nous souhaitons.
C’est pour ces derniers points, madame la ministre, que notre groupe votera majoritairement contre ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi marque la remontée en puissance des moyens de nos armées après vingt ans d’attrition.
Cette inflexion était nécessaire, pour ne pas dire urgente, au regard des menaces intenses, diversifiées et durables auxquelles la France et l’Europe doivent faire face, comme l’ont montré les conclusions de la revue stratégique d’octobre dernier.
Ce projet de loi se veut d’abord « à hauteur d’homme », en donnant la priorité à la condition des personnels, à leur équipement individuel et aux familles. Je profite de cette occasion pour saluer l’engagement indéfectible de nos soldats, fortement sollicités, tant sur les théâtres d’opérations extérieures que sur le territoire national.
Ce projet entend aussi préparer l’avenir avec la modernisation des deux composantes de la dissuasion nucléaire, essentielles pour notre crédibilité stratégique.
À cela s’ajoutent un objectif de renouvellement et de modernisation des équipements sur terre, sur mer et dans les airs, ainsi qu’une volonté d’investir dans des capacités qui permettent de faire la différence, notamment dans les champs du renseignement, de la cyberdéfense et, de plus en plus, du spatial.
Les intentions de la loi de programmation sont bonnes. Celle-ci porte une vision d’autonomie stratégique, qui doit permettre à la France de se défendre, évidemment, mais aussi d’assumer sa responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et de défendre ses intérêts en pérennisant son influence diplomatique.
Toutefois, de bonnes intentions ne suffisent pas. Encore faut-il qu’elles se traduisent en actes.
Le débat en séance a permis d’apporter des réponses à certaines questions que nous posait le projet de loi.
Ainsi, pour la préparation et l’emploi des forces, la programmation qui nous était soumise ne se situait pas tout à fait au niveau espéré. Lorsque l’on s’intéresse au « cœur » de nos armées que sont la préparation opérationnelle des soldats et la disponibilité des équipements qu’ils utilisent, le projet de loi nous semblait manquer, si ce n’est d’ambition, tout au moins d’objectifs précis, fixés et quantitatifs, en d’autres termes vérifiables.
L’une des inquiétudes suscitées initialement par ce projet de loi était l’effet de ciseaux entre les moyens de l’armée française, surutilisés depuis plusieurs années, et la prise en charge du coût des opérations extérieures, les OPEX, par le ministère de la défense à lui seul, mettant fin à la solidarité interministérielle de mise jusqu’alors. Pour éviter cela, le Sénat a tenu à ce que les surcoûts non couverts fassent l’objet d’un financement interministériel.
Par ailleurs, la remontée des contrats opérationnels à hauteur des besoins constatés n’était pas prévue, alors que le niveau d’engagement des armées a été d’environ 30 % supérieur aux prévisions du Livre blanc de 2013.
C’est pourquoi le Sénat s’est assuré que tout accroissement de missions lié aux décisions prises lors des sommets de l’OTAN, organisation au sein de laquelle la France tient toute sa place aujourd’hui, ou à la conclusion de grands contrats de soutien à l’exportation, dont on ne peut que se réjouir, serait pris en compte lors de l’actualisation prévue en 2021. Cela constitue un progrès notable au regard de la précédente version.
Faisant allusion aux industries de défense, je veux ici, à mon tour, saluer la mémoire de Serge Dassault, avocat inlassable du Rafale – je peux, comme d’autres ici, en témoigner.
Le projet de loi prévoit une augmentation très importante des crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels : plus de 1 milliard d’euros supplémentaire par an par rapport à la précédente loi de programmation. Néanmoins, nous sommes tous conscients des risques de glissement des engagements, en raison des contraintes budgétaires, voire d’un report de ces derniers vers la fin de la période.
Pour pallier ce risque, le Sénat a prévu une information plus précise et annuelle sur l’état du respect des engagements pris dans la LPM. C’est un point important.
Concernant la réserve militaire opérationnelle, les améliorations obtenues lors des débats vont dans le sens d’un accroissement du vivier des réservistes, conformément au rapport sénatorial de 2016 sur la Garde nationale.
Le Sénat a également tenu à renforcer les garanties relatives au financement du futur service national universel, ou SNU : les ressources de la programmation militaire ne pourront être utilisées ni en crédits, ni en personnels, ni en infrastructures pour financer le SNU. Celui-ci bénéficiera d’un financement spécifique. Nous avons pris acte, madame la ministre, de l’engagement en ce sens du Président de la République, que vous avez bien voulu réaffirmer ici même mardi dernier.
Jean-Marc Todeschini et moi-même, corapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur ce sujet, nous en félicitons. Pour le reste, nous attendons les arbitrages du Président de la République, sur la base du rapport du général Daniel Ménaouine, afin de poursuivre notre travail. Nous espérons qu’il saura tenir compte dans ses arbitrages des recommandations – notamment les pièges à éviter, les conditions de la réussite – que nous avons formulées en avril dernier.
Je tiens par ailleurs à saluer la qualité du débat très constructif que nous avons eu tout au long de l’examen de ce texte, de même que l’implication de notre rapporteur et président de commission, Christian Cambon, et de vous-même, madame la ministre.
Je tiens aussi à saluer le travail de mes collègues du groupe Union Centriste, qui a permis d’enrichir ce texte. Je pense notamment à l’apport de Gérard Poadja relatif à la protection auditive des militaires contre les traumatismes sonores, à l’amendement d’Olivier Cigolotti relatif à un rapprochement raisonné et progressif des compétences des réservistes avec les compétences des militaires d’active et au travail du rapporteur pour avis de la commission des lois, Philippe Bonnecarrère, sur la protection des droits et libertés constitutionnels.
Enfin, le groupe Union Centriste est particulièrement attentif aux ambitions européennes de ce projet de loi.
La conscience d’intérêts de sécurité partagés progresse en Europe, tout comme l’ambition de disposer de moyens d’action plus autonomes. Pour cela, il est essentiel de renouveler notre approche des coopérations européennes, y compris dans les industries de défense.
Cependant, les partenaires européens ne poursuivent pas toujours les mêmes ambitions. Le défaut d’alignement des objectifs rend moins aisée la convergence des besoins matériels. La défense européenne reste largement à bâtir, nous le savons tous.
Notre principal partenaire en matière de défense, le Royaume-Uni, est touché par le Brexit, d’où l’importance de préserver les accords de Lancaster House. Quant à l’Allemagne, notre premier partenaire européen, le chemin à parcourir est encore long pour faire converger nos doctrines d’emploi des forces.
Soyez assurée, madame la ministre, que notre assemblée sera attentive à l’effectivité de l’application de cette loi. Le groupe Union Centriste y veillera particulièrement.
À ce titre, nous nous félicitons de l’introduction d’une évaluation qui permettra aux parlementaires un meilleur suivi du respect de la trajectoire de ce texte.
Je suis convaincu que le dialogue présent et à venir, sur un sujet aussi essentiel, sera sain et nécessaire, sans attendre le rendez-vous d’actualisation de 2021. Mais le plus important est bien entendu d’aboutir à un résultat.
Faisant ce pari lucide et exigeant, le groupe Union Centriste soutiendra à l’unanimité le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne pourrai conclure nos débats sans adresser à mon tour, au nom des membres du groupe socialiste, toutes nos pensées à nos soldats et à l’ensemble des femmes et des hommes composant nos forces de sécurité.
Cela a été dit tout au long de nos discussions, ils font preuve d’un engagement sans faille pour assurer notre défense sur les théâtres extérieur et intérieur.
Le débat qui vient de se dérouler autour de ce projet de loi de programmation militaire doit fixer la stratégie de la France pour les six prochaines années.
Cette LPM, nous en convenons toutes et tous, n’est pas désincarnée. « À hauteur de femmes et d’hommes », elle a un impact direct sur le quotidien de tous les personnels de défense. Elle établit le cadre dans lequel ils auront à mener leurs missions sous les ordres de leurs chefs, sur terre, sur mer ou dans les airs.
Qu’ils soient toutes et tous salués à travers le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre.
Je souhaite également souligner la qualité et la rigueur de nos échanges. Ils démontrent qu’un consensus traversant toutes les travées de notre assemblée est possible.
Au demeurant, ce consensus n’exclut pas des approches différentes. C’est toute la richesse de notre démocratie.
Je ne doute pas que cet exemple aura permis à l’exécutif, en pleine réflexion sur une future réforme constitutionnelle, de mesurer l’importance du Sénat et du Parlement en général dans le processus de construction de la loi.
À l’heure où la rumeur se fait l’écho de velléités hyperprésidentielles quant au rôle de la représentation nationale, nous voulons croire que le Gouvernement aura à cœur de renforcer le Parlement dans sa fonction de contrôle, sans laquelle il ne peut y avoir de démocratie parlementaire.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini. Exclu des réflexions et de la rédaction de la dernière revue stratégique, le Parlement avait été frustré de ne pouvoir apporter son regard et son expertise.
Je pourrais aussi évoquer, comme l’a fait Jean-Marie Bockel, les travaux entourant le service national universel, dans lesquels le Parlement est confiné à un rôle périphérique.
Les objectifs sont louables : intégrer nos jeunes dans une citoyenneté réelle, les sensibiliser aux questions de défense, par exemple. Mais, à ce stade, il semblerait que le groupe de travail, dont le Parlement a été écarté, accouche d’une souris, pour un coût en revanche assez lourd !
Heureusement, des dispositifs existent déjà et permettent aux jeunes de s’engager.
Je pense au service civique, une réussite à conforter mise en place lors du précédent quinquennat par notre président de groupe, Patrick Kanner, alors ministre de la jeunesse.
Nous aurons l’occasion de reparler du service national universel.
De manière générale, nul doute que les échanges constructifs que nous venons d’avoir sur cette LPM auront démontré à l’exécutif toute l’importance d’associer le pouvoir législatif à la construction de notre stratégie de défense.
Concernant le vote du groupe socialiste, je ne me lancerai pas ici dans un suspense inutile, car nous avons un devoir de clarté sur des questions particulièrement sensibles qui touchent à la sécurité de la Nation, à la vie de nos soldats, à l’avenir de notre industrie dans un contexte de fortes tensions stratégiques et budgétaires.
Notre groupe votera ce projet de loi de programmation militaire. (M. Robert del Picchia applaudit.)
Nous le voterons en responsabilité. Cela veut dire qu’il ne s’agit nullement d’un blanc-seing à l’égard du Gouvernement ou du Président de la République.
De nombreux points de ce projet de loi de programmation militaire appellent en effet notre vigilance.
Je ne reviendrai pas sur les débuts tâtonnants du quinquennat actuel en matière de défense, même si j’adresse ici mes pensées amicales au général de Villiers, homme de devoir, proche de ses hommes et avec lequel j’ai eu plaisir à travailler.
Mais je rappelle que cette loi de programmation militaire s’inscrit dans une forme de continuité avec le travail engagé sous le précédent quinquennat.
À bien des égards, et c’est en partie satisfaisant, cette loi de programmation militaire prolonge les efforts consentis sous l’impulsion du président François Hollande.
Je sais bien que cela ne fait sans doute pas assez « nouveau monde » pour certains, qui se trouvent donc dans l’obligation de qualifier à chaque sortie médiatique cette loi de programmation militaire « de rupture avec la tendance observée pendant la précédente période ».
Mais, au-delà de la communication, il y a une continuité républicaine dans la gestion des affaires de l’État.
Dès 2015, François Hollande avait pris l’engagement d’une remontée en puissance des crédits de la défense. Cela s’est traduit budgétairement dans les projets de loi de finances successifs. Cette loi de programmation militaire s’inscrit dans cette logique, en donnant plus de moyens à nos armées.
Cependant, des doutes subsistent et, même si nous voterons le texte sensiblement amélioré par le Sénat, il me revient de vous en faire part.
Nous avons des doutes sur la question des ressources humaines et des recrutements. Si nous saluons la création de 6 000 emplois, la méthode pose questions, notamment sur le rythme des recrutements, qui fera porter les trois quarts de ceux-ci sur le prochain quinquennat.
Nous avons des doutes encore sur la stratégie de la France pour une Europe de la défense, alors que nos partenaires n’ont pas toujours les mêmes analyses. Nous assistons par exemple à des formes de spécialisations industrielles.
De ce point de vue, ce texte devra nécessairement être prolongé dans les faits afin que la France puisse consolider son autonomie stratégique tout en étant le moteur de la construction d’une Europe de la défense. Celle-ci s’impose à nous dans un monde qui se réarme et où la multiplicité des menaces appelle puissance et agilité.
Nous avons des doutes, enfin, car nous restons sceptiques quant à la trajectoire budgétaire. Un effort régulier sur la période couverte par cette loi de programmation militaire sécuriserait nos infrastructures et nos équipements.
Comme l’ont fait d’autres collègues, notamment le président de la commission et rapporteur du texte, que je tiens à saluer pour la conduite des travaux, je pourrais aussi évoquer les inquiétudes sur nos lacunes capacitaires, qui ne trouveront pas de résolutions immédiates alors que les équipements vieillissent chaque année.
Nous parlons ici des VAB, des hélicoptères, de tous ces équipements dont nos soldats ont besoin pour remplir leurs missions.
Mais nous devons aussi remarquer les efforts de l’exécutif afin de rapprocher nos points de vue et intégrer les apports du Sénat dans ce texte !
Le travail de notre assemblée aura largement permis d’améliorer ce projet de loi. Les apports du groupe socialiste et du Sénat permettent d’enrichir le texte dans son ambition première d’une loi de programmation militaire « à hauteur d’homme » : en commission, où 44 amendements cosignés par des membres du groupe socialiste ont été adoptés ; en séance, ensuite, où 14 amendements ont été portés par notre groupe et adoptés.
Je ne vais pas tous les citer, mais ils permettront par exemple de renforcer le contrôle parlementaire sur les points clés de ce texte, de sécuriser les ressources pour l’approvisionnement en munitions, de mieux soutenir et protéger nos PME du secteur de la défense, d’assurer une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée et de lutter contre les discriminations ; de renforcer les dispositifs de lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein des armées. Je m’arrête là.
Entre espoir suscité par ce texte et inquiétude quant à la concrétisation des investissements, notre groupe, cohérent avec les positions qui ont été les siennes lors du précédent quinquennat, fait le choix de l’espoir.
Ce choix, nous le faisons sans candeur, car nous savons que Bercy ne manquera pas de venir mettre son nez dans cette affaire.
Alors, nous serons aux côtés de nos armées, comme nous l’avons toujours été, car elles assurent la protection de tous les Français et interviennent partout dans le monde pour faire vivre la liberté.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera le texte dans sa rédaction issue du Sénat et restera vigilant, lors de la prochaine commission mixte paritaire, afin que ces avancées soient inscrites dans le texte final. Par la suite, il exercera son pouvoir de contrôle afin que ce texte trouve une traduction dans les faits, au plus proche des besoins de nos armées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Richard Yung et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Sophie Joissains et M. Loïc Hervé applaudissent également.)
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est une chance, qui n’arrive pas souvent au cours d’un mandat, de pouvoir contribuer à la mise en œuvre de l’ambition de la France pour ses armées.
Nos débats, riches, informés, ont été à la hauteur de cette responsabilité et je tiens à remercier le président Christian Cambon pour son endurance, son écoute (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) et son souci de concilier les points de vue du Sénat et du Gouvernement.
Notre responsabilité d’assurer la protection de notre pays et de l’Europe n’a jamais été aussi lourde depuis la fin de la guerre froide. Le Président de la République l’a souligné lors de ses vœux aux armées en janvier dernier ; la revue stratégique de 2017 a fait le constat des grands bouleversements mondiaux que nous connaissons et qui font de notre effort de dépenses militaires un impératif catégorique.
Oui, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, nous sommes entrés dans une ère de fortes turbulences.
Une ère où certains États se délitent, ouvrant la porte aux mouvements terroristes qui prospèrent sur leurs décombres. Du Sahel au Moyen-Orient, nos forces sont engagées contre l’obscurantisme et la barbarie qui haïssent nos valeurs et menacent notre territoire.
Une ère où de grandes nations soumettent les relations internationales à des rapports de force qui font fi de l’État de droit et des principes moraux.
Une ère où d’autres États émergents affirment leur droit de participer au concert des puissances, en choisissant des logiques de rivalité et de compétition. La complexité grandissante des armements, de nouveaux espaces de conflit nous imposent un effort d’innovation technologique pour maintenir nos capacités d’intervention et de dissuasion intactes.
Une ère, enfin, où l’Europe de la défense est à la croisée des chemins. Pour la première fois, il y a deux ans, les chefs d’État européens ont estimé que la convergence des menaces sur l’Europe nécessitait un engagement et une stratégie commune pour notre propre sécurité.
L’administration américaine est devenue plus imprévisible que jamais, au point de renier ses propres engagements et d’ignorer l’avis de ses alliés. Dans ce contexte, la crédibilité de la défense européenne doit être une priorité. Les avancées européennes en matière industrielle sont importantes, elles méritent d’être saluées. Mais il faut aller beaucoup plus loin sur le plan opérationnel, comme l’a souligné le président Cambon.
Dans ce contexte dégradé, après vingt ans de déflation de notre modèle d’armée, cette loi de programmation militaire était celle de la dernière chance pour que la France préserve son rang dans le monde et assure elle-même sa propre sécurité. Est-elle à la hauteur de cette ambition historique ?
Au terme de nos débats, la réponse me semble être la « stricte suffisance », eu égard à l’importance des défis à relever. Si ce texte répare en partie les dégâts du passé, notre modèle d’armée n’est pas à l’abri. Une sous-exécution des objectifs, qui est possible au regard des précédentes lois de programmation, mettrait en péril tout l’édifice. C’est pourquoi, en tant que législateurs, nous avons demandé des garanties, des contrôles, des clauses de revoyure. Mais, in fine, c’est vous, madame la ministre, qui devrez faire preuve de courage et de ténacité pour en assurer l’application et la pérennité.
Des programmes d’intérêt vital, qui ne devront souffrir d’aucune restriction budgétaire, doivent être menés à bien sur la période : la modernisation de notre dissuasion nucléaire avec la préservation du tissu industriel français, la sécurisation de son approvisionnement et le maintien de compétences rares ; le lancement des études pour le ou les successeurs du Charles de Gaulle, avec la possibilité d’un chevauchement entre la durée de vie des deux porte-avions, comme vous nous l’avez promis ; le renouvellement de nos sous-marins nucléaires d’attaque, avec l’entrée en service du Barracuda ; les investissements dans les capacités de cyberdéfense comme de cyberoffense ; la priorité accordée, enfin, à l’innovation.
La défense de la France ne se résume toutefois pas à la qualité de ses matériels. Les hommes et les femmes qui l’assument chaque jour en sont les principaux artisans et ils méritent notre reconnaissance. Cette « LPM à hauteur d’homme » a fait l’objet au Sénat d’une attention scrupuleuse, pour améliorer la condition militaire.
Nos débats ont été particulièrement nourris et intenses sur ces questions humaines, fondamentales pour notre effort de défense.
Madame la ministre, les amendements du Gouvernement nous ont inquiétés quant à la sincérité et donc à la sécurisation du retour à votre ministère de l’intégralité de ses produits immobiliers, évalués à 500 millions d’euros. Or nous considérons que l’effort au profit de l’offre de logements et de l’entretien des infrastructures du ministère doit s’accentuer. Vous ne nous avez pas non plus pleinement rassurés quant au financement des OPEX.
Je voudrais revenir un instant sur l’éligibilité des militaires aux fonctions communales. Nous avons atteint un compromis avec la proposition de seuils fixés par la commission. Néanmoins, je pense que cet équilibre est précaire et qu’il faudra un jour ou l’autre y revenir. Pourquoi un seuil de 9 000 habitants pour les municipalités et de 30 000 pour les intercommunalités ? Il n’y a pas là de critères réellement objectifs indiscutables, et je pense donc que nous reviendrons sur ce point.
Madame la ministre, vous avez qualifié l’exercice de préparation et de discussion de cette loi de programmation militaire d’« enthousiasmant ». Nous partageons votre sentiment. Il est enthousiasmant de se pencher enfin sur une loi qui a d’autres ambitions que la réduction d’effectifs et la déflation des moyens.
Cet enthousiasme a nourri la qualité de nos débats de la semaine dernière. Mais il ne doit pas nous faire occulter la gravité des sujets qui nous occupent. Il y va de la vie de la Nation et de la sécurité des Français.
Comme le disait le général de Gaulle à Bayeux : « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il ne peut y manquer sans se détruire lui-même. » C’est parce que nous croyons que cette raison d’être est plus que jamais d’actualité, c’est parce que nous croyons que la France n’est plus tout à fait la même sans la noblesse de ses armées, que le groupe Les Indépendants votera, unanime, en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce texte est très bon si l’on ne regarde que l’effort de structuration des armées. Mais il faut prendre aussi en compte ce que l’on fait avec l’armée, qui recouvre la politique étrangère.
Or je considère que nos armées sont employées de manière catastrophique à l’étranger. Tous les problèmes qui se posent aujourd’hui notamment au Moyen-Orient, en Afrique dans le Sahel, proviennent de choix catastrophiques effectués par un certain nombre de pays occidentaux. Le premier aura été l’invasion de l’Irak par les États-Unis, sous couvert de la présence d’armes de destruction massive. On le sait aujourd’hui : il s’agissait d’accusations mensongères, et c’est bien l’impérialisme américain qui a voulu renverser Saddam Hussein.
Finalement, le renversement de Saddam Hussein a abouti à dix fois plus de morts en Irak et, surtout, c’est cet événement qui explique l’État islamique d’aujourd’hui. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Ceux qui ont renversé Saddam Hussein sont donc bien responsables de la génération de l’apparition de l’État islamique ! (Murmures.)
Ensuite, ce fut la Libye. Quand M. Sarkozy a renversé Mouammar Kadhafi – car c’est bien le Président Sarkozy qui est à l’origine de ce renversement –, il a préparé la diffusion du terrorisme islamique dans l’ensemble du Sahel. Toutes les armes qui se trouvaient en Libye ont permis d’y alimenter le terrorisme, notamment au profit de l’État islamique. Là aussi, en Libye, il y a finalement beaucoup plus de morts – trois, quatre, dix fois plus… – que si nous n’étions pas intervenus.
En plus, à l’heure du bilan, chacun constate aisément que nous sommes littéralement submergés par les flux de migrants, qui nous posent des problèmes inextricables. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Stéphane Ravier. Bravo !
M. Jean Louis Masson. De cela aussi, on se serait bien passé !
Mme Éliane Assassi. Il ne peut pas s’en empêcher !
M. Jean Louis Masson. Du moins, je fais partie de ceux qui disent qu’ils s’en seraient bien passés.
Autre pays : la Syrie. M. Hollande a voulu y intervenir et contribuer à renverser M. Assad. Finalement, nous avons les mêmes problèmes qu’en Libye, et certaines situations sont extravagantes : nos soldats se font tuer et nous dépensons des sommes considérables. Et ces situations engendrent, là encore, des flux massifs d’immigrés.
Enfin, quelques mots sur le Président Macron. De l’autre côté de l’Atlantique, il fait face à un président des États-Unis qui s’assoit sur les traités internationaux et dont la politique ne s’appuie que sur le rapport de force, un peu comme durant les années qui ont précédé 1940. Et que fait le Président Macron ? Il prend l’avion, traverse l’Atlantique pour caresser le Président Trump. (Sourires.) On a sûrement mieux à faire ! (Mmes Claudine Kauffmann et Évelyne Perrot, ainsi que MM. Stéphane Ravier et Jean-Marie Mizzon applaudissent.)
M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue !
M. Jean Louis Masson. Vous l’aurez compris, je suis évidemment d’accord pour conforter nos armées, mais je suis radicalement opposé à la manière dont on les utilise et à la politique étrangère qui est actuellement menée. (Mmes Claudine Kauffmann et Christine Herzog, ainsi que MM. Stéphane Ravier et Pierre-Yves Collombat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président Cambon, mes chers collègues, il est toujours difficile d’intervenir en dernier, et, surtout, après le sénateur Masson… (Sourires.) Je le dis évidemment de manière très respectueuse.
J’ai l’honneur de présenter, au nom du groupe du RDSE, l’explication de vote sur le projet de loi de programmation militaire.
S’il m’arrive, hélas, d’être parfois critique, en ce printemps, avec les propositions et choix du Gouvernement en matière de politique sociale, je me félicite, madame la ministre, de la détermination et du volontarisme du Président de la République, chef des armées, quand il incarne les fonctions qui lui incombent conformément aux articles 5 et 15 de la Constitution.
Emmanuel Macron s’inscrit dans cette perspective. Il prépare, modernise et accompagne l’armée française pour affronter les défis européens et internationaux à venir. Il le fait d’une manière déjà pensée par le président Mitterrand, lorsqu’il écrivait dans Réflexions sur la politique extérieure de la France, en 1986 : « L’Europe de la défense a plus de chances de s’incarner dans les technologies du futur que dans les manœuvres figées du passé ou la quête impossible d’une réponse commune au défi nucléaire ».
Cette réflexion est plus que jamais d’actualité. Elle résume l’enjeu du projet de loi de programmation dont nous avons eu à débattre en séance : moderniser et adapter ; dissuader et protéger ; renseigner et anticiper ; mais aussi coopérer.
Cette discussion se déroule – ne l’oublions pas ! – dans un contexte de turbulences tant à l’international, où les conflits se multiplient, que sur la scène intérieure, où nous sommes confrontés à la menace du terrorisme qui met en péril la sécurité de tous les Français et mine notre cohésion nationale.
Dans ce contexte, la sacralisation des moyens consacrés à la défense est une impérieuse nécessité.
Évidemment, nous avons des différences, qui sont parfois des différends. Nos débats, quand ils sont respectueux, sont le levain de notre vie démocratique, mais il est des moments où, face à la montée des périls, nous avons le devoir de mettre ces différends entre parenthèses.
C’est un devoir pour les Français, qui attendent à juste titre d’être protégés ; c’est aussi un devoir pour nos militaires, lesquels défendent les intérêts de la France en opérations extérieures, mais aussi dans le cadre de l’opération Sentinelle – le président Cambon l’a rappelé.
Nous ne pouvons que nous féliciter de l’effort consenti pour la défense sur la durée de la programmation : 295 milliards d’euros, dont 198 milliards investis entre 2019 et 2023. C’est une hausse non négligeable, qui permettra au budget des armées d’atteindre progressivement 2 % du produit intérieur brut, le PIB.
Les équipements des trois armées seront renforcés, 6 000 postes seront créés et le budget des opérations extérieures passera de 450 millions d’euros en 2017 à plus de 1 milliard d’euros en 2020.
En revanche, je regrette que, dans le rapport annexé, les besoins des armées soient ciblés jusqu’en 2025, alors que les ressources ne le sont que jusqu’en 2023.
Au-delà de l’augmentation du budget, je retiendrai deux points essentiels pour justifier le vote du groupe du RDSE.
D’abord, le projet de loi de programmation réaffirme le rôle substantiel et éminent du Parlement en matière de défense : consolidation du pouvoir de contrôle sur l’application et l’exécution de la loi de programmation ; reconnaissance des pouvoirs d’investigation des commissaires chargées de la défense ; présentation annuelle des principales évolutions de la programmation budgétaire ministérielle ; enfin, renforcement des moyens de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement.
Oui, mes chers collègues, nous recevrons désormais des informations afin d’évaluer et d’apprécier l’effort fait en matière budgétaire pour moderniser les équipements. Souvenons-nous que ce sont les équipements qui ont constitué, dans les précédentes lois de programmation, les variables d’ajustement grâce à des pratiques comme la réduction de cibles ou le décalage calendaire !
Ensuite, le groupe du RDSE se félicite du traitement réservé aux besoins des personnels militaires. Si la création de 6 000 emplois prévue d’ici à 2025, prioritairement pour le renseignement et la cybersécurité, est bienvenue, la reconnaissance de la Nation envers les personnels militaires est, elle, une excellente nouvelle.
Permettez-moi de citer une série d’initiatives : l’amélioration des programmes de logements sociaux en faveur des personnels ; la poursuite active de la politique de prévention, de dépistage, de suivi et d’accompagnement des syndromes post-traumatiques ; le renforcement de la politique de lutte contre les cas de harcèlement, de discrimination et de violence à caractère sexuel ; le congé de reconversion pour tous les militaires blessés en service sans condition d’ancienneté – cela me paraît essentiel.
Ces initiatives répondent à une demande de considération de nos forces armées et de nos forces de sécurité : les moyens sont certes nécessaires, sinon indispensables, mais la reconnaissance et le respect sont vitaux.
Si nous ne faisions pas vivre ces valeurs, nos discours et nos efforts seraient vains. Notre vote s’inscrit dans cette perspective et démontre le soutien que nous apportons à ces hommes et ces femmes, engagés chaque jour pour défendre notre sécurité sur les fronts extérieurs comme sur le territoire national.
Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE votera ce texte à l’unanimité, moins deux abstentions que je me permets de qualifier de positives – j’espère d’ailleurs que cette position d’abstention pourra à l’avenir évoluer… (Sourires.)
Je souhaite enfin remercier Mme la ministre, le président Cambon…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Noël Guérini. … et l’ensemble des membres de la commission, qui ont fait un travail formidable. Je remercie aussi l’ensemble des sénatrices et sénateurs d’avoir conjugué leurs efforts pour construire un budget à la hauteur de l’ambition que nous nourrissons pour notre armée et pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Bernard Lalande applaudit également.)
Ouverture du scrutin public solennel
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.
Je remercie nos collègues Françoise Gatel, Mireille Jouve et Michel Raison, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert pour une durée de vingt-cinq minutes et je suspends la séance jusqu’à seize heures trente-cinq, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 105 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 326 |
Contre | 15 |
Le Sénat a adopté, dans le texte de la commission modifié, le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous venons, ensemble, d’envoyer à nos armées un message clair : les privations sont finies, le renouveau commence. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. Roland Courteau. Quelle maladresse !
Mme Florence Parly, ministre. Et je veux, tous, vous en remercier. Oui, je souhaite vous en remercier, car vous avez su aborder ce texte en ayant à l’esprit la volonté d’améliorer collectivement le sort de nos militaires et d’agir véritablement pour la défense de notre pays.
Le Sénat a donc pleinement joué son rôle…
M. Pierre-Yves Collombat. C’est pour ça qu’il faut le supprimer ?
Mme Florence Parly, ministre. … et je suis fière d’avoir pu apporter mon soutien à nombre d’amendements présentés ici pendant ces heures de débat. C’est un signe de la qualité du travail collaboratif qui s’est instauré entre votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et le Gouvernement.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Florence Parly, ministre. Gardons cet esprit pour le reste de la mandature, gardons-le pour la commission mixte paritaire qui s’annonce ! Là encore, agissons ensemble, en pensant seulement à nos armées, à nos militaires, à la défense de la France !
Un accord en commission mixte paritaire est, je crois, à portée de main, si vous, parlementaires, vous posez la seule question qui vaille, au-delà des ego ou des querelles partisanes (Mme Catherine Procaccia s’exclame.). Cette question est la suivante : souhaite-t-on ou non donner aux armées tous les moyens dont elles ont cruellement besoin pour accomplir leurs missions, pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain ? En effet, ce qui est en jeu, ce ne sont pas des intérêts particuliers ou les pouvoirs de tel ou tel, c’est l’intérêt de notre défense nationale, de notre sécurité et de notre liberté à tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain. – M. Robert Del Picchia applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons suspendre la séance pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
J’appelle chacun de vous à respecter le temps qui lui est imparti, ainsi qu’à observer dans nos échanges cette courtoisie qui est la marque du Sénat.
urgences dans les hôpitaux en outre-mer
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, l’accès aux soins est un droit fondamental pour tout citoyen. Pourtant, dans la pratique, ce droit n’est pas garanti partout. Les déserts médicaux, tout comme les difficultés d’installation des jeunes médecins, sont une des raisons de cet état de fait, mais, aujourd’hui, je voudrais attirer votre attention sur la situation des services d’urgence et, plus particulièrement, sur celle des médecins urgentistes, et ce sur l’ensemble du territoire.
Je suis bien conscient, madame la ministre, qu’il y a d’autres professions médicales en souffrance, comme les médecins-anesthésistes.
En France hexagonale, les alertes sur ces situations, qui sont sans lien avec votre arrivée au ministère, sont nombreuses. L’Association des médecins urgentistes de France alerte régulièrement sur ces difficultés : pénurie de médecins spécialisés, manque d’attractivité de certains territoires, difficultés financières de certains établissements, conditions d’exercice de plus en plus difficiles, pour n’en citer que quelques-unes.
En outre-mer, plusieurs événements récents viennent complexifier davantage la situation : les difficultés du SAMU de la Guadeloupe, amplifiées par le problème de l’incendie du CHU ; la récente démission de 17 des 25 urgentistes de Guyane ; enfin, à Saint-Martin, le territoire que j’ai l’honneur de représenter, la situation post-Irma, qui a encore amplifié l’absence de sédentarisation des médecins. Sur 11 postes de praticien hospitalier aux urgences, seuls 5 sont pourvus, et sur les 4 en anesthésie, 1 seul est pourvu.
À Saint-Martin, à ces difficultés s’ajoutent l’absence momentanée d’attractivité du territoire, à cause notamment de l’absence de logements et d’une vie sociale dégradée, et les évacuations sanitaires, qui mobilisent les professionnels pendant plusieurs heures, impactant ainsi la qualité et la continuité des soins.
Madame la ministre, ma question est simple : quelles réponses êtes-vous en mesure d’apporter aux services des urgences et aux urgentistes, qui ne demandent qu’à exercer leur mission d’aide et d’assistance dans les meilleures conditions possible ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Merci, monsieur le président. (Mme la ministre souffrant d’une extinction de voix, on s’en amuse, en particulier sur des travées du groupe Les Républicains.) Mesdames, messieurs les sénateurs (Nouvelles réactions amusées sur les mêmes travées.),…
M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence pour encore mieux écouter. Allez-y, madame la ministre. (Sourires.)
Mme Agnès Buzyn, ministre. Merci, monsieur le président.
Monsieur le sénateur, la situation des services d’urgence en outre-mer me préoccupe, mais c’est aussi le cas de beaucoup de territoires métropolitains aujourd’hui. Dans les territoires ultramarins, ces services sont exposés en plus à des difficultés spécifiques. En effet, ils ont connu des événements particulièrement marquants ces derniers mois.
En Guyane, c’est un problème de vacance de postes qui alourdit la charge de service, avec un mouvement collectif des médecins urgentistes qui affecte le centre hospitalier de Cayenne. Nous travaillons sur ce problème avec l’ARS et nous allons envoyer la réserve sanitaire.
En Guadeloupe, vous le savez, c’est l’incendie du CHU de Pointe-à-Pitre, en novembre, qui rend nécessaire, aujourd’hui, une réorganisation complète du territoire. L’ARS est très mobilisée pour que cela n’affecte pas l’accès aux soins dans les territoires.
Quant à votre île, Saint-Martin, monsieur le sénateur, outre l’ouragan Irma, des difficultés de recrutement des médecins urgentistes y ont créé une très forte tension sur l’hôpital.
L’ensemble de ces situations fait l’objet d’une attention particulière. J’ai souhaité traiter la question de l’accès aux soins pour les territoires ultramarins dans un chapitre particulier de la Stratégie nationale de santé. J’ai d’ores et déjà programmé pour 2018 la création de 100 postes de médecins spécialistes et d’assistants spécialistes pour les territoires d’outre-mer, notamment dans les spécialités en tension, pour attirer les jeunes médecins et pour qu’ils découvrent la richesse de ces territoires. Nous allons travailler à cette attractivité tant pour les médecins que pour les équipes d’encadrement, que nous sommes en train de renouveler partiellement.
Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur ma détermination et sur mon affection pour les territoires ultramarins, que, je crois, vous connaissez. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’an passé, avec la procédure APB, la pratique illégale du tirage au sort avait touché environ 0,4 % des candidats.
Aujourd’hui, dans de nombreuses universités, les dossiers ont été sélectionnés avec des notes d’une précision allant jusqu’à six chiffres après la virgule. Le tirage au sort illégal, mais circonscrit, selon l’expression de la Cour des comptes, a été remplacé par une grande loterie au fonctionnement opaque.
L’an passé, avec la procédure APB, plus de 80 % des lycéens avaient reçu une réponse favorable à leurs vœux dès les premiers jours. Aujourd’hui, avec Parcoursup, seuls 24 % des candidats ont accepté définitivement une proposition, et 13 000 personnes ont déjà été éliminées du dispositif. Les taux d’échec importants dans les lycées des communes populaires montrent qu’une sélection sociale est à l’œuvre.
L’an passé, avec la procédure APB, environ 3 500 bacheliers n’avaient reçu aucune affectation. Aujourd’hui, avec Parcoursup, il est à craindre que leur nombre ne soit multiplié par dix, parce que vous avez fait le choix politique de ne pas augmenter à proportion les moyens budgétaires pour accueillir les 65 000 bacheliers supplémentaires.
Parcoursup oblige les lycéens, en pleines révisions, à une angoissante vérification quotidienne de leurs classements. Pis, de nombreuses familles sont choquées par le caractère souvent incompréhensible et erratique des résultats.
Monsieur le ministre, ma question est simple : à quel contrôle de légalité avez-vous soumis les procédures mises en œuvre par les universités pour sélectionner les dossiers ? Pouvez-vous garantir aux familles que les algorithmes locaux n’utilisent aucun traitement automatisé ni aucun processus aléatoire. Vous avez publié l’algorithme national Parcoursup, vous devez maintenant rendre publics ces algorithmes locaux, comme le Sénat vous l’a demandé à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du numérique.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du numérique. Monsieur le sénateur, avec Parcoursup, nous sommes dans une transition entre un système antérieur, qui était instantané, injuste et basé sur le hasard,…
M. David Assouline. Seulement 0,4 % des cas !
M. Julien Bargeton. Eh oui !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. … juste et basé sur l’analyse du parcours individuel de l’élève. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Julien Bargeton. Eh oui !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. Je me préoccupe comme vous du sort des élèves qui attendent encore. Ce matin, j’étais dans le XIXe arrondissement, un arrondissement populaire où j’ai été élu pour siéger à l’Assemblée nationale, en compagnie de lycéens de terminale : un sur deux avait déjà reçu une proposition dans la filière de son choix.
M. David Assouline. Ce n’était pas leur choix !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. Quand on regarde les chiffres au niveau national, deux élèves sur trois ont déjà reçu une proposition.
M. David Assouline. Pas sur le plan national !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. Sur ces deux tiers d’élèves, près de 200 000 ont déjà accepté et, chaque jour, de nouvelles places se libèrent.
Alors oui, ce n’est pas le même système que l’année dernière ; c’est un système différent, mais plus juste. Vous avez raison, il y a ces élèves qui préparent le baccalauréat et qui, chaque jour, attendent. Mais, à la fin, vous verrez, quand vous parlerez avec les familles une fois qu’une place aura été attribuée, et quand, culturellement, on aura tous compris et accepté ce système, quand on constatera que personne n’est laissé au bord du chemin, les familles comprendront que ce système est bien plus juste.
Vous parlez de transparence : jamais aucun gouvernement n’a été aussi transparent ! (Oh ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Plusieurs éléments vous le prouvent. Ainsi, les critères que la communauté pédagogique de chaque formation a décidé d’appliquer pour prioriser les dossiers ont été rendus publics dès la mise en ligne de Parcoursup. Ensuite, nous avons voulu rendre encore plus transparent le processus complet.
M. le président. Il faut conclure !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. C’est l’ouverture que nous avons menée.
Je le répète en conclusion : par respect pour les familles, attendons, mais, si nous regardons les chiffres dès aujourd’hui, nous voyons que les résultats sont déjà là ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
rodéos urbains
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Samia Ghali. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Comme beaucoup d’élus locaux, je m’inquiète du phénomène des rodéos sauvages, qui empoisonnent et mettent en danger la vie de milliers de personnes. Face à un arsenal juridique insuffisant pour lutter contre ce fléau, face aux humiliations récurrentes de nos forces de l’ordre sur le terrain, souvent en sous-effectif pour intervenir efficacement et en sécurité, que comptez-vous entreprendre afin que, quelle que soit la nature de l’incivilité ou du délit, force reste à la loi ?
Je ne pouvais pas intervenir aujourd’hui sans avoir une pensée pour Engin, jeune victime innocente qui a perdu la vie samedi, à Marseille, et que sa famille pleure aujourd’hui.
Je combats le cynisme de ceux qui considèrent qu’ « ils se tuent entre eux ». Je ne crois pas à la fatalité ; je crois en la République et j’espère, monsieur le ministre d’État, que, face à cette course contre la mort, nous ne serons plus seuls. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michelle Gréaume et M. Dominique Watrin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Samia Ghali, vous nous interpellez sur le phénomène des rodéos motorisés.
Vous avez, tout comme le Gouvernement, pris la pleine mesure de ces pratiques qui deviennent de plus en plus insupportables. Initialement circonscrit à certains quartiers, ce phénomène s’étend désormais en périphérie des centres urbains et sur l’ensemble du territoire national, et s’amplifie bien sûr avec l’été.
Au cours de ces rodéos, nos concitoyens sont mis en danger et les forces de l’ordre, provoquées, sans parler du sentiment d’impunité et d’insécurité, ainsi que de l’exaspération croissante de la population.
Les forces de l’ordre agissent contre ces phénomènes sur le plan tant préventif que répressif, car on ne peut tolérer l’atteinte qu’ils portent à la tranquillité et à la sécurité. Cependant, l’action des forces de sécurité en la matière n’est pas tâche aisée. C’est pourquoi, dans la logique de la PSQ, la police de sécurité du quotidien, elles ont été consultées et nous ont signifié le besoin d’une évolution du dispositif législatif, afin de faciliter leur action et de gagner en efficacité.
C’est la raison pour laquelle, sur l’initiative de parlementaires – à cet égard, je veux saluer ici l’action du sénateur centriste Vincent Delahaye (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.), ainsi que des députés Mireille Clapot, Natalia Pouzyreff et Bruno Studer à l’Assemblée nationale, qui ont déposé une proposition de loi.
Je tiens à saluer leur action collective et constructive qui a permis de faire un travail avec les services des ministères de l’intérieur et de la justice pour que, ensemble, nous puissions régler ce problème qui touche nos concitoyens dans de nombreux quartiers de nos villes.
Cette proposition permettra de disposer d’un arsenal juridique adapté et dissuasif, avec une nouvelle possibilité significative : immobiliser administrativement les véhicules impliqués.
Comme vous le voyez, Parlement et Gouvernement ont agi main dans la main pour cette proposition de loi, afin que, partout sur notre territoire, la tranquillité puisse être retrouvée, que l’État de droit soit respecté, et, comme vous l’avez dit, madame Samia Ghali, que la République soit le droit partout. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour la réplique.
Mme Samia Ghali. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J’ai cosigné la proposition de loi de mon collègue Vincent Delahaye, considérant qu’elle dépassait les clivages politiques, dont il faut parfois savoir s’affranchir. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
À titre personnel, malheureusement, j’ai vu de près ce que ces rodéos pouvaient faire : j’ai perdu une tante, fauchée par un jeune qui faisait du rodéo. C’est très violent.
Madame la ministre, une fois l’arsenal juridique mis en place, il faudra aussi prévoir les moyens policiers pour l’appliquer. J’espère que, de ce côté-là aussi, le nécessaire sera fait. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
hausse des taxes sur les carburants
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a eu une hausse considérable des taxes au mois de janvier – de l’ordre de 7,6 centimes pour le gazole et de 3,9 centimes pour l’essence –, mais il faut aussi prendre en compte la hausse du cours du baril, ce qui conduit à des prix record à la pompe et impacte durement les ménages et les entreprises en milieu rural.
Bien sûr, l’objectif de cette fiscalité est de dissuader les Français d’utiliser quotidiennement leur véhicule. C’est possible en ville, mais pas en milieu rural, où les gens n’ont pas d’autre moyen de transport que leur véhicule personnel, notamment pour aller au travail ou au centre hospitalier.
J’ajoute qu’il me paraît dommage, d’un côté, d’essayer de redonner du pouvoir d’achat aux salariés grâce aux suppressions de cotisations salariales et, d’un autre côté, de leur reprendre ce gain par cette hausse de taxes.
Cela touche aussi, bien sûr, le pouvoir d’achat des retraités, notamment les retraités agricoles, qui ont parfois de très faibles pensions, même si celles-ci devraient augmenter, le plus tôt possible, je l’espère, avec l’application de la proposition de loi de nos collègues.
Toute une économie est aussi pénalisée : les transporteurs, les taxis, les agriculteurs, qui n’ont pas d’autre solution que les moteurs à essence et gazole en milieu rural.
Si le gazole se maintient au prix actuel, je crains que ces entreprises ne soient plus rentables. C’est pourtant avec elles que nous maintiendrons la vie dans les territoires ruraux.
Monsieur le ministre, la situation est très préoccupante. Nous avons besoin non pas d’une suppression du taux réduit de TICPE pour les entreprises éligibles, comme je l’ai entendu, mais d’une augmentation de son remboursement suivant la hausse des carburants. Sinon, il n’y aura plus d’entreprises de transport en milieu rural, même en France, et nous aurons des transporteurs roumains, polonais ou espagnols pour assurer nos besoins de transport routier.
Par ailleurs, il me paraît plus raisonnable d’interrompre l’augmentation de ces taxes sur les carburants dans les prochaines lois de finances et d’harmoniser les prix du gazole en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur quelques travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Chasseing, en 2014, vous l’avez rappelé, la France a mis en place une évolution fondamentale de sa fiscalité énergétique en introduisant une composante carbone dans les tarifs de taxes intérieures de consommation, et notamment la TICPE.
Cette approche a été reprise et renforcée dans le cadre de la loi de finances pour 2018, en définissant une trajectoire jusqu’en 2022.
Les véhicules diesel, qui sont à l’origine de plus de pollution aux particules fines que les véhicules essence (M. Jean-François Husson s’exclame.), bénéficiaient jusqu’ici d’une fiscalité plus faible. Cette anomalie est donc progressivement corrigée avec une trajectoire fixée sur l’ensemble du quinquennat, afin de donner une bonne visibilité aux ménages et aux entreprises pour qu’ils puissent adapter leur comportement.
Par ailleurs, afin d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone issus du paquet climat adopté par l’Union européenne, le dispositif de la TGAP biocarburant permet de taxer les carburants de manière proportionnelle à un seuil d’incorporation de biocarburants. C’est un dispositif efficace, qui permet d’apporter un soutien financier assez important à la production de biocarburants pour accompagner cette transition.
Le Gouvernement veille par ailleurs à ne pas pénaliser les ménages et les secteurs économiques les plus fragiles. Ainsi, des tarifs réduits et des remboursements partiels existent sur le gazole non routier utilisé par les engins agricoles, avec un taux payé de 3,86 centimes d’euros par litre au lieu du taux normal de 59,4 centimes d’euros, pour le gaz naturel et pour le transport routier de marchandises et de voyageurs.
Le remboursement partiel de la TICPE dont bénéficient ces professionnels est par ailleurs ajusté pour compenser la hausse de TICPE intervenue au 1er janvier, ce qui leur permet de bénéficier de tarifs inchangés.
Concernant les particuliers, comme vous le soulignez, le Gouvernement a pris le parti de déployer une politique globale plus favorable au pouvoir d’achat. Ces mesures doivent être analysées non pas isolément, mais dans leur ensemble, en tenant compte, notamment, des baisses de cotisations salariales ou autres exonérations de taxe d’habitation.
Enfin, madame Borne prépare une loi sur les mobilités qui permettra aussi d’apporter des réponses adaptées à l’ensemble de nos territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’épisode de grêle qui a durement touché les vignobles de la Nouvelle-Aquitaine ce week-end, mais également le Lubéron et le Champenois la semaine dernière.
J’étais hier sur le terrain avec la profession. La situation est dramatique en Nouvelle-Aquitaine, où environ 18 000 hectares ont été touchés, soit entre 60 % et 100 % des parcelles privées de récolte pour deux années, sans compter les surfaces céréalières et arboricoles.
Les mesures mobilisables, telles que le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ou le report du paiement des cotisations sociales, demeurent indispensables. Nous ne pouvons plus rester au milieu du gué.
De nombreuses régions viticoles subissent pour la troisième année consécutive des aléas climatiques, tels que gel et grêle.
Le mécanisme existant de la déduction pour aléas n’ayant pas emporté l’adhésion des agriculteurs, la profession requiert plus que jamais un dispositif lui permettant de se constituer une réserve d’autofinancement avec les mesures fiscales idoines. En février dernier, j’ai déjà interrogé le Gouvernement, qui m’a fait alors une réponse pour le moins évasive.
Aujourd’hui, la profession agricole a besoin de visibilité. Les variations de revenus sont de plus en plus difficilement soutenables et la récurrence des aléas indique qu’il faut lui donner un outil efficace et efficient rapidement.
Vous connaissez leurs propositions en la matière, à savoir la possibilité de déduire une provision, dont le plafond serait déterminé en fonction du résultat d’exploitation. Corrélativement, un montant égal à au moins 40 % de la déduction devrait être mis en épargne financière. Ce ratio serait conservé tout au long du maintien de la provision, sous peine de réintégration, et rapporté dans un délai de dix exercices.
Le système assurantiel existe déjà et peut être complémentaire.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement envisage-t-il de reconsidérer sa position sur la possibilité ouverte par le règlement dit « omnibus » d’abaisser le seuil de déclenchement de l’assurance récolte de 30 % à 20 % ?
En conséquence, quelles sont les mesures que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, qui est retenu à l’Assemblée nationale, m’a demandé de vous répondre.
Des orages de grêle ont touché la Nouvelle-Aquitaine ce week-end, affectant plusieurs milliers d’hectares dans les vignobles de Cognac et du Bordelais, ainsi que dans d’autres régions de France, le Vaucluse notamment, que vous avez cité.
Comme Stéphane Travert l’a fait à l’Assemblée nationale, je tiens à rendre hommage, au nom du Gouvernement, aux viticulteurs qui sont une nouvelle fois frappés.
Face à la recrudescence des intempéries, que vous notez à juste titre, quelles mesures pouvons-nous prendre ?
Il existe, vous le savez, des dispositifs spécifiques à la viticulture, à savoir les achats de vendanges et le volume complémentaire individuel, notamment.
Monsieur le sénateur, vous nous demandez de la visibilité. D’autres dispositifs sont également mobilisables, en particulier le recours à l’activité partielle pour les salariés des entreprises touchées, ou encore le report du paiement des cotisations sociales auprès des caisses de mutualité sociale agricole.
M. Jean-François Husson. C’est juste pour deux ans !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Par ailleurs, les cellules d’identification et d’accompagnement ont fait un travail remarquable pour accompagner les exploitants en difficulté. Ils les identifient ; ils les soutiennent. Je rappelle aussi que l’État, via le FEADER, subventionne jusqu’à 65 % du montant de la cotisation d’assurance. (MM. François Patriat et Claude Haut applaudissent.)
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas la question…
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. François Grosdidier. On aura peut-être une réponse !
M. Alain Cazabonne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, bien que mon sujet rejoigne celui qui a été évoqué par M. Daniel Laurent, je n’ai pas l’intention de parler en vain.
Ma question s’adresse à M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Samedi dernier, à la suite d’un violent orage de grêle – j’étais dessous –, qui s’est abattu sur la Gironde et sur l’ensemble du Sud-Ouest, de nombreuses parcelles viticoles ont été de nouveau durement touchées. En effet, entre 3 000 et 5 000 hectares de vignes ont été détruits, et certaines appellations, telles que les Côtes-de-Bourg ou le Blayais, sont même menacées.
Nous ne pouvons pas laisser ces acteurs économiques majeurs pour notre pays seuls face à cette situation.
Le vin français fait partie de notre patrimoine et participe fortement à notre renommée, ainsi qu’à notre rayonnement international. Il doit donc faire l’objet d’une attention toute particulière.
Cette situation concerne bien entendu la Gironde, mais également l’ensemble de nos territoires viticoles, et je suis sûr que nombre de mes collègues ici présents pourraient parler de leur terroir.
M. Bruno Sido. Oui !
M. Alain Cazabonne. Néanmoins, je suis persuadé que nous serions tous d’accord pour reconnaître que le Bordeaux est quand même le meilleur. (Exclamations amusées.) Je savais que je ferais l’unanimité. (Sourires.)
Face à ces difficultés, deux pistes semblent possibles : une incitation fiscale pour aider les agriculteurs à généraliser les protections efficaces qui existent, mais qui sont coûteuses ; l’autre est réglementaire, et consiste à aider les viticulteurs à conserver une partie des quotas de rendement sur une année pour compenser les pertes éventuelles causées l’année suivante par les aléas climatiques. C’est le cas, me semble-t-il, en Champagne et pour le Chablis, avec ce que l’on appelle le VCI, le volume complémentaire individuel.
Aussi, quelles sont les mesures incitatives ou réglementaires que le Gouvernement entend prendre pour aider nos viticulteurs à généraliser l’anticipation de ces aléas climatiques si dévastateurs pour les vignes, notre économie et notre patrimoine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire,…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Une réponse !
M. le président. … qui va pouvoir préciser ses propos.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Cazabonne, la violence des orages de grêle qui ont affecté plusieurs milliers d’hectares de vignobles dans votre région ce week-end – vous avez précisé que vous étiez dessous – nous préoccupe particulièrement. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation est, comme vous le savez, retenu à l’Assemblée nationale, et il m’a chargé de vous répondre. (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Au nom de l’ensemble du Gouvernement, je veux de nouveau rendre hommage à ces viticulteurs qui sont, une fois de plus, victimes des aléas climatiques. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Le ministère de l’agriculture et l’alimentation en a d’ailleurs discuté en détail avec le sénateur Daniel Laurent.
M. François Grosdidier. Quelle est la conclusion ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. L’année 2017 a été terrible pour nos territoires, pour nos viticulteurs. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Dans ces conditions, nous devons proposer des mesures d’envergure qui peuvent atténuer concrètement au maximum les difficultés auxquelles doivent faire face nos agriculteurs. Sachez que des dispositifs sont d’ores et déjà mobilisables.
M. François Grosdidier. Lesquels ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Il faut noter que, si les dommages impactent la récolte 2019, l’exploitation passera automatiquement sous le régime des calamités agricoles, et l’exploitant pourra donc être indemnisé. (Même mouvement.)
Pour les parcelles touchées par la grêle, le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti est accessible.
L’importance du recours, pour les viticulteurs, à l’assurance récolte est essentielle.
M. Jean-François Husson. Comme toujours !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous savons que, malheureusement, le changement climatique intensifie encore les séquences de gel comme de grêle, et la répétition de ces aléas climatiques nous rappelle toute l’importance pour les viticulteurs d’avoir recours à l’assurance récolte.
Comme je le précisais précédemment, c’est un risque que l’État prend en compte, puisque je souligne de nouveau qu’il subventionne jusqu’à 65 % du montant de la cotisation d’assurance, via le FEADER. (MM. François Patriat et Claude Haut applaudissent.)
M. François Grosdidier. Et pour ceux qui n’ont pas d’assurance ? Il n’y a rien de plus !
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique, en huit secondes.
M. Alain Cazabonne. Je souhaite que l’on aborde des mesures pour le futur. Actuellement, à titre expérimental, on procède à des pulvérisations dans les nuages de gaz avec de l’iodure d’argent. Cela fonctionne assez bien, mais c’est fait artisanalement. Il y a peut-être une formule à trouver pour généraliser ce procédé avec des incitations fiscales.
situation en italie
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République en Marche. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Didier Guillaume applaudit également.)
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes nombreux ici à être inquiets de l’évolution de la situation en Italie. (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Vous le savez tous, après l’élection du mois de mars, un attelage improbable s’est mis en place, avec un parti d’extrême droite et un parti d’extrême gauche, ou en partie d’extrême gauche, quoique… (Protestations sur différentes travées.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. La proportionnelle !
M. Stéphane Ravier. Le peuple s’est exprimé !
M. Richard Yung. Cet attelage a accouché d’un programme économique pour le moins surprenant, avec une baisse significative de l’âge de la retraite, une baisse de la fiscalité et un revenu de solidarité – mesure certainement très louable –, l’ensemble de ces mesures représentant 130 milliards à 150 milliards d’euros, pour un pays qui a déjà 130 % de déficit public et dont la Constitution prévoit que la loi de finances doit être présentée en équilibre.
On voit donc que le souci de la coalition au pouvoir est moins de gérer correctement les affaires que de créer une crise institutionnelle et politique pour aller le plus rapidement possible vers de nouvelles élections législatives, la Ligue ayant, bien sûr, l’espoir d’en sortir gagnante, et même d’avoir une majorité à elle toute seule. C’est pourquoi nous avons ce déchaînement de campagne anti-européenne, anti-française. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Posez votre question !
M. Richard Yung. Vous permettez que je parle un peu, s’il vous plaît ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Pourtant, l’Italie est une grande nation. Nous devons lui tendre la main.
La question que je pose au Gouvernement est, bien sûr, celle-ci : quelle politique entendez-vous suivre vis-à-vis de l’Italie ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Richard Yung, oui, la France et l’Union européenne ont besoin de l’Italie. Nous avons tous en tête la date du 25 mars 1957. Nous nous en souvenons, c’est à Rome qu’ont été signés les traités instituant la Communauté économique européenne dont l’Italie est donc un membre fondateur et ô combien éminent. Nous avons d’ailleurs travaillé au quotidien avec elle, par exemple, pour contrôler les investissements étrangers sur le territoire européen.
Aujourd’hui, il ne nous revient certes pas d’être les arbitres des élégances entre les uns, les autres et les commentateurs de la vie politique italienne. Nous pouvons néanmoins nous asseoir sur la Constitution italienne (Rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.), nous appuyer, veux-je dire, sur la Constitution italienne. (Mêmes mouvements.)
Nous pouvons donc asseoir notre réflexion sur la Constitution italienne, laquelle prévoit, en son article 87, que le Président de la République est le garant de l’unité italienne. Il est prévu par son article 92 qu’il nomme le Président du Conseil et les ministres. Or il a fait preuve, depuis le début, d’une grande responsabilité en laissant les acteurs proposer des schémas et en ayant comme première préoccupation dans les décisions prises ces derniers jours la stabilité institutionnelle de son pays !
Le Président de la République Emmanuel Macron l’a souligné hier, en lui renouvelant son amitié et son soutien. (M. Michel Raison s’exclame.) Un gouvernement technique est donc manifestement en train d’être mis en place et la parole va être rendue au peuple d’ici au début 2019.
M. Stéphane Ravier. Il s’est déjà exprimé !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, 2019 sera une année importante pour la relation franco-italienne, 2019, c’est le 500e anniversaire de la Renaissance. Nous avons donné le coup d’envoi à 2019 à Amboise, il y a dix jours. Comme le disait Emmanuel Mounier (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.), ce philosophe qui, je crois, peut nous inspirer : « Il est temps de refaire la Renaissance ». Cela vaut pour l’Union européenne ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d’État. Comme quoi il n’est jamais bon de s’asseoir sur la Constitution ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Concomitamment, de nombreux sénateurs du groupe Les républicains se lèvent, suivis par quelques-uns de leurs collègues, sur d’autres travées.) On se donne des joies !
propos du procureur de la république de paris
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Vous avez la parole, et vous seul !
M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, le procureur Molins est un homme respecté, un homme pondéré, il n’est ni un agité, ni un démagogue.
Le procureur Molins annonce, sereinement, si je puis dire, que 20 détenus islamistes radicalisés vont être libérés en 2018 et que 20 détenus islamistes radicalisés le seront en 2019. Les 40 sont des dangers pour la société française, les 40 ! Or ils vont tous être libérés. Et ce alors que nous venons d’assister ce matin à Liège à ce que vous savez.
Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que l’arsenal pénal français doit être renforcé parce que la sécurité de nos concitoyens le vaut bien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. Michel Savin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Karoutchi, vous l’avez dit, le procureur Molins est respecté. Et il a énoncé, hier, à l’occasion d’un entretien télévisé, un certain nombre de vérités qui ne sont pas contestées et que je voudrais évoquer devant vous.
D’abord, il a dit qu’il existe en France, de manière permanente, une menace durable, endogène, diffuse, que nul ici ne songe à prendre à la légère, mais qui doit nous guider, nous alerter en permanence, à chaque moment où nous avons à prendre des décisions. Et je veux vous dire, monsieur le sénateur, sachant que vous n’en doutez pas, que tel est exactement l’état d’esprit du Gouvernement.
Vingt-trois attentats – le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a eu l’occasion de donner ce chiffre – ont été évités depuis le début de l’année 2017.
Lorsque les services de renseignement, en bonne coordination et intelligence avec les services de police et de gendarmerie, interviennent pour interdire la commission d’un attentat, ils le font en général de façon assez peu spectaculaire et, bien souvent, le grand public n’en est pas informé.
Il n’en reste pas moins que ces actes, extrêmement précis dans leur réalisation, qui sont le fruit d’un travail considérable, font honneur à nos sources de renseignements. Nous sommes, là encore, déterminés à leur donner les moyens – j’aurai l’occasion d’y revenir – pour qu’ils puissent poursuivre cette action.
Le procureur Molins a en effet indiqué qu’un certain nombre de détenus radicalisés allaient être libérés, car ils arrivaient en fin de peine. Sur les 70 000 détenus dans les prisons françaises, il en est 1 600 dont on estime qu’ils sont radicalisés, 500 – je dis bien 500 – sont détenus soit parce qu’ils sont poursuivis, soit parce qu’ils sont condamnés pour des faits liés à des actes terroristes, et 20, comme vous l’avez dit, arriveront en fin de peine en 2018, tandis que 20 autres arriveront en fin de peine en 2019.
Il faut évidemment, et telle est bien l’intention du Gouvernement, garantir un travail très étroit de coordination avec les services de renseignement pénitentiaire, avec l’ensemble des services compétents – renseignement, police, autorité préfectorale –, pour veiller à encadrer des individus qui, de par l’application de la loi, seront prochainement libérés. J’ai vu les sénateurs se lever, à juste titre, pour saluer l’attachement proclamé par le président du Sénat à la Constitution. Et j’imagine qu’ils se lèveront tout autant à l’idée qu’il appartient pour l’État, pour la justice, pour l’ensemble de nos concitoyens, de respecter la loi.
Ces individus seront donc, parce qu’ils arrivent en fin de peine, libérés, mais il va de soi que l’ensemble des services compétents maintiendra, pour des raisons évidentes, un niveau de suivi extrêmement attentif. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je pense au bureau du renseignement pénitentiaire, je pense à l’accompagnement pluridisciplinaire mis en œuvre par l’administration pénitentiaire pour essayer de déceler ou de faire décroître la radicalisation d’un certain nombre de ces détenus. Et je suis parfaitement conscient qu’en disant cela, j’énonce une vérité qui peut sembler parfois peu crédible. Toutefois, pour avoir rencontré toute une série de spécialistes intervenant dans les prisons, et qui suivent de façon spécifique les détenus radicalisés, nous savons que certaines méthodes offrent de meilleurs résultats que d’autres et qu’il serait donc peu opportun de ne pas les mettre en œuvre.
Premier élément, l’ensemble des services compétents procèdent donc à un suivi extrêmement précis et attentif des détenus.
Deuxième élément rappelé par le procureur Molins, qui l’a appelé de ses vœux, que le Président de la République a évoqué à l’occasion d’un discours prononcé à l’Élysée et dont j’ai moi-même indiqué non pas les paramètres mais les enjeux, la meilleure information des maires sur ce sujet. L’exercice est difficile. Nous le savons, la difficulté provient, d’abord, du fait que certains maires souhaitent le pratiquer et d’autres pas. La difficulté provient, ensuite, du fait qu’on ne peut pas, sans mettre en cause nos sources de renseignement, diffuser de façon trop large les éléments recueillis.
Pour donner des bons résultats, l’exercice doit donc faire l’objet de protocoles entre l’État et les maires. Il faut faire en sorte que les autorités locales, qui disposent souvent de signaux faibles, s’associent à l’État en les lui transmettant. Nous pouvons discuter avec elles pour garantir un meilleur niveau de suivi. Tel est le sens de la mesure évoquée par le procureur Molins, et je crois qu’il a raison. Je pense même que nous devons, tous ensemble, trouver les moyens de garantir l’efficacité de cet échange d’informations, lequel, je le dis encore une fois, n’a rien d’évident.
Troisième et dernier élément, monsieur le sénateur, l’engagement total du Gouvernement pour donner aux forces de l’ordre et aux services de renseignement les moyens dont ils ont besoin pour effectuer dans de bonnes conditions les missions de suivi.
J’en suis convaincu, je vous le dis, monsieur le sénateur, à vous qui avez exercé des responsabilités éminentes, en matière de sécurité, le plus utile, ce n’est ni la communication, ni même nécessairement l’arsenal législatif, c’est l’efficacité opérationnelle. Et elle passe aujourd’hui notamment par plus de moyens affectés au terrain, par plus de policiers, par plus de gendarmes, un effort de la Nation dans lequel nous sommes engagés. Il se traduira par 10 000 recrutements au cours du quinquennat, dont 1 900 serviront à étoffer les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI. L’efficacité opérationnelle, c’est un art d’exécution ; c’est un travail remarquable fait par les forces de l’ordre. Vous les soutenez, comme nous les soutenons. L’efficacité opérationnelle, c’est un suivi qui va s’affiner. Compte tenu des effectifs que j’ai mentionnés, les 20 de 2018 et les 20 de 2019, nous sommes parfaitement en mesure de fournir cet effort et d’assurer leur suivi.
Je veux redire ma confiance et la détermination entière du Gouvernement à soutenir les efforts des forces de l’ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, il est évident qu’ici, dans notre groupe, comme d’ailleurs dans l’ensemble de l’hémicycle, les forces de police, les forces de gendarmerie, les services de renseignement nous ont toujours trouvés à vos côtés pour faire en sorte que leurs moyens soient renforcés, et je veux leur rendre solennellement hommage.
Cependant, le problème n’est pas uniquement dans la force ou dans la présence. Il est, vous l’avez dit, aussi dans la loi. Vous nous dites : « Nous sommes ici, nous, le Gouvernement, pour appliquer la loi ». Et nous, nous vous disons, monsieur le Premier ministre : « Faites avancer la loi, faites bouger la loi ! ».
Il est évident qu’il faut bouger sur la consultation des sites djihadistes ! Il est évident qu’il faut bouger sur le fait qu’un lien avec une organisation terroriste doit être considéré comme une intelligence avec l’ennemi ! Il est évident qu’il faut que tous les Français se disent que la guerre au terrorisme, nous la menons ensemble ! Et, en tout cas, au groupe Les Républicains, nous serons, si vous avancez là-dessus, toujours à vos côtés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Joël Guerriau applaudissent également.)
séismes à mayotte
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, mes chers collègues, depuis le 10 mai, Mayotte subit ce que les spécialistes appellent un « essaim de séismes ».
Plus de 800 secousses ont été enregistrées, dont la plus importante d’entre elles et depuis trente ans, a atteint une magnitude de 5,8 sur l’échelle de Richter, le 15 mai dernier.
L’île se situe en zone sismique modérée et n’est historiquement pas une région où les séismes sont fréquents.
Aussi, cette activité, encore actuelle, continue et quotidienne, dont l’intensité et la durée demeurent incalculables, terrorise légitimement la population.
La propagation de rumeurs sur les réseaux sociaux alimente la panique générale, entraînant ainsi la saturation des standards des lignes de secours.
La population, peu informée sur la conduite à tenir en pareille situation, préfère passer la nuit dehors, en dépit des règles de sécurité habituelles.
Par ailleurs, eu égard à la précarité de l’habitat, les dégâts commencent à se faire sentir.
Au sein des bâtiments publics, tout d’abord, puisque des salles de classe, et parfois même des écoles entières, ont été, en raison de leur potentielle instabilité, temporairement fermées dans plusieurs communes.
Les habitations privées sont, elles aussi, touchées.
S’il appartient aux propriétaires de mandater un expert pour faire constater les dommages subis, peu de familles ont, en réalité, les moyens financiers de faire réaliser cette expertise et, le cas échéant, de se reloger.
Qu’entend faire le Gouvernement pour rassurer la population, non habituée à ce type de catastrophes naturelles ?
Cette situation étant inédite, dans quelle mesure pourrait-on mobiliser immédiatement des moyens exceptionnels pour mieux diagnostiquer le phénomène, accompagner les familles les plus modestes mais aussi pour que, collectivement, État, département et communes soient mieux préparés à faire face à une crise majeure ?
À l’avenir, l’ensemble des infrastructures ne devra-t-il pas respecter les normes de construction parasismiques ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le vice-président Thani Mohamed Soilihi, la région de Mayotte est actuellement touchée, il est vrai, par ce que les experts nomment « un essaim de séismes » – vous l’avez dit. Contrairement à la sismicité classique dans laquelle un choc principal est suivi de répliques de magnitude décroissante, le phénomène d’« essaim sismique » n’a pas d’événement dominant. Il est d’ailleurs à prévoir que cette activité perdure sans, à ce stade, pouvoir en donner une durée très précise.
Ce phénomène inquiète légitimement les Mahorais, qui n’en ont pas l’habitude. L’État met naturellement tout en œuvre pour informer la population en continu et de manière fiable. La préfecture diffuse quotidiennement, par voie de communiqués de presse et de messages sur les réseaux sociaux, toutes les consignes nécessaires en matière de prévention et d’anticipation en s’attachant à relayer les analyses du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM.
L’objectif est justement de prévenir tout développement de rumeurs, vous l’avez dit, ou de mauvaises interprétations d’informations collectées sur internet.
Par ailleurs, les consignes de sécurité sont, elles aussi, systématiquement transmises aux maires, aux acteurs économiques, aux agents publics et aux médias.
À ce stade, vous l’avez dit, quelques dégâts matériels font tous l’objet d’expertises, notamment dans les écoles de Dembéni et de Combani. L’État mobilise aussi l’ensemble de ses services pour y répondre.
Notre état-major de zone et de protection civile de l’océan Indien a dépêché, au cours de ces derniers jours, une mission de reconnaissance pour anticiper une éventuelle projection de renforts et préparer le plan d’intervention.
Par ailleurs, des échanges sont en cours à l’échelon interministériel pour préparer le déploiement prochain, depuis la métropole, d’une mission d’expertise interservices composée de spécialistes, notamment de la sécurité civile, et de scientifiques spécialistes en sismologie. (MM. François Patriat, Claude Haut, André Gattolin et Jean-Marc Gabouty applaudissent.)
politique agricole commune
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bizet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et a trait précisément au montant du cadre financier pluriannuel européen pour les années 2020–2027.
La récente proposition de la Commission se chiffre à hauteur de 373 milliards d’euros, c’est-à-dire 1,114 % du revenu national brut des vingt-sept États membres.
Si je me réjouis de l’augmentation importante des crédits affectés tant à la protection des frontières extérieures de l’Union qu’à la lutte contre l’immigration illégale ou à la création d’un Fonds européen de la défense ou de l’Europe de l’innovation, je suis particulièrement critique quant à la baisse annoncée des crédits de la politique agricole commune et des fonds de cohésion.
Pour la seule politique agricole commune, cela se traduira, pour le premier pilier, par une diminution des crédits de 14,7 % et, pour le deuxième pilier, par une diminution des crédits de 27,3 %.
Ma critique est plus sévère encore après avoir entendu, jeudi dernier, lors de son audition devant la commission des affaires européennes et la commission des finances, le commissaire Oettinger souligner très clairement le double langage de la France. Je m’explique : à Bruxelles, la France n’a pas suivi la proposition de l’Allemagne, qui consistait à augmenter le cadre financier pluriannuel ; à Paris, la France s’en émeut et se lamente.
Ma question est simple : quelle est la véritable position de la France sur le montant du cadre financier pluriannuel ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Jean Bizet, la France a toujours été constante : oui, il y a de nouveaux défis à relever et, de ce point de vue, certains éléments du nouveau cadre financier pluriannuel – propositions mises sur la table par la Commission – peuvent aller dans le bon sens. C’est le cas quand on parle de défense, quand on parle d’innovation, de gestion des frontières externes. Mais la France a aussi dit avec constance qu’il nous fallait préserver un certain nombre de politiques fondamentales qui font l’Europe au quotidien, dont la politique agricole commune, la PAC.
L’Europe, on s’en souvient, c’est le charbon, c’est l’acier, mais c’est aussi, dès 1957, la PAC et nous y sommes fondamentalement attachés.
La France l’a dit très clairement dès le 2 mai, elle n’acceptera pas cette baisse drastique proposée par la Commission européenne, tout simplement parce qu’elle pourrait emporter des conséquences très importantes sur la viabilité de nombreuses exploitations.
Pour la France, non, la PAC n’est pas une variable d’ajustement ! C’est clair, c’est net, c’est précis, cela a été dit et on le redit ! Stéphane Travert sera d’ailleurs, ce jeudi, à Madrid, avec un certain nombre de ses homologues, pour consolider le soutien à cette politique. Monsieur le président Bizet, nous étions ensemble à Buenos-Aires au mois de décembre, lors de la session ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC. Vous l’avez vu, la France a su, à ce moment-là, pour défendre notre agriculture, réactiver une coalition d’États membres qui avaient arrêté un certain nombre de lignes rouges en matière de négociations commerciales internationales. Nous sommes tout à fait dans cette logique de montrer notre attachement à cette politique.
Il y a d’ailleurs des marges de manœuvre : en matière de recettes, parlons des rabais qui peuvent éventuellement être supprimés plus vite que prévu ! Parlons des ressources propres ! Vous le voyez, monsieur le président, nous avons une ferme détermination à défendre, à Paris comme à Bruxelles, partout, cette politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.
M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi deux remarques.
D’abord, il ne nous reste que quelques mois – quelques mois seulement ! – pour trouver des alliés et conclure des accords. La première réunion aura lieu jeudi prochain.
Ensuite, un agriculteur français sur trois vit aujourd’hui – ou plus exactement survit – avec 350 euros par mois.
M. Jean-François Husson. C’est inacceptable !
M. Jean Bizet. Vous imaginez que toute baisse des dotations communautaires aura une répercussion humaine et territoriale dramatique, d’autant que je ne vois pas la stratégie économique agricole de ce pays.
M. Jean-François Husson. Eh oui ! C’est bien le problème !
M. Jean Bizet. Ce qui annonce le déclin de l’agriculture française, et je le redoute ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
intempéries en nouvelle-aquitaine
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Françoise Cartron. Madame la ministre, mon intervention se situe dans la continuité des interventions de mes deux collègues élus de la région Nouvelle-Aquitaine et concerne bien évidemment ce terrible épisode de grêle qui s’est abattu sur notre territoire samedi dernier. Certaines propriétés sont totalement dévastées !
En Gironde, ce sont les vignobles d’appellations dont les noms, souvent, chantent à vos oreilles – Côtes-de-Blaye, Côtes-de-Bourg, Haut-Médoc, Sud-Médoc – qui ont été dévastés, pour certains, et qui, tous, sont malheureusement concernés.
Selon les dernières estimations, près de 7 000 hectares du Bordelais ont été impactés par les violents orages, mais aussi 3 000 hectares dans le bassin Charentes-Cognac.
Cette situation est catastrophique pour les exploitants concernés et la production viticole. Elle aurait d’ailleurs, malheureusement, tendance à se répéter de façon alarmante. Pas une année sans que les volumes de récoltes soient entamés par des épisodes climatiques de grande ampleur !
Devant les vives inquiétudes des exploitants, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir préciser – en plus des dispositifs d’indemnisation envisagés précédemment évoqués – les actions de prévention que le Gouvernement serait en mesure de prendre sur le long terme afin de faire face à de futurs épisodes de ce type.
En effet, parallèlement à l’indemnisation des pertes subies – que nous souhaitons la plus rapide et la plus juste possible – se pose la question du financement d’un matériel modernisé de prévention avec l’objectif de préserver l’activité de la filière agricole dans son ensemble.
Dans mon département, il existe une structure, l’Association départementale d’études et de lutte contre les fléaux atmosphériques, qui tente d’anticiper la formation des grêlons liés à la température froide en altitude par ensemencement des masses nuageuses menaçantes, quelques heures avant le déclenchement de leur précipitation. Que pensez-vous, madame la ministre, de ce type de dispositif ?
Indemniser, oui ! Réparer, oui ! Mais, aujourd’hui, il convient aussi de mieux anticiper et de prévenir le plus possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Françoise Cartron, je vous prie à nouveau d’excuser l’absence de Stéphane Travert. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il est, vous le savez, retenu par un projet de loi particulièrement important, relatif aux états généraux de l’alimentation et il m’a donc chargé de vous répondre.
La répétition des aléas climatiques – gel en 2017 et grêle en 2018 – rappelle l’importance pour les entreprises agricoles, notamment les exploitations viticoles, de s’inscrire dans une démarche globale de gestion des risques.
L’amélioration de la résilience des entreprises est un axe de travail majeur pour le Gouvernement, comme vous le savez, madame la sénatrice. Sous l’égide du ministère de l’agriculture, une réflexion a été engagée en vue d’améliorer et de rendre l’ensemble de ces objectifs le plus cohérent possible.
Je veux attirer votre attention sur le fait que certains investissements matériels peuvent permettre aux exploitations de se prémunir contre certains risques – filet anti-grêle, dispositif d’irrigation, notamment. Dans plusieurs régions, ces investissements peuvent d’ailleurs être soutenus financièrement.
La mise en place d’une réserve de précaution est l’un des outils permettant de faire face aux aléas. Tel est le cas de la dotation pour aléas, qui fait aujourd’hui l’objet d’une réflexion dans le cadre du chantier sur la fiscalité agricole lancé par MM. Stéphane Travert et Bruno Le Maire. L’assurance multirisque climatique doit aussi être encouragée.
Enfin, le développement d’outils de gestion des risques plus performants constitue l’un des enjeux importants de la prochaine PAC. Ce sujet fait donc l’objet d’une attention toute particulière pour le ministre de l’agriculture et de l’alimentation,…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Il est où ? (Sourires.)
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. … comme pour l’ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le jeudi 7 juin, à quinze heures. Elles seront retransmises sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue André Maman, qui fut sénateur des Français établis hors de France de 1992 à 2001.
6
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
7
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste se lèvent, revêtent des gilets de sécurité au logo de la SNCF, et brandissent de petits écriteaux où figurent différents slogans : « La SNCF est notre bien commun » ; « Moins de trains, plus de pollution » ; « La SNCF n’est pas à vendre » ; « Mon train j’y tiens » ; « Concurrence = privatisation En Marche » ; « Je soutiens les cheminots ». – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 36 de notre règlement.
Le projet de loi relatif au nouveau pacte ferroviaire, qui organise – le mot n’est pas trop fort – la liquidation de la SNCF comme grande entreprise publique nationale n’est pas un simple projet de réforme économique et sociale : c’est un projet porteur d’un choix de société. C’est le choix d’une société où l’argent et ses nouveaux préceptes – la rentabilité, la productivité – prennent le pas sur les idées mêmes de service public et d’intérêt général.
Mme Fabienne Keller. C’est un refrain !
Mme Éliane Assassi. Ce projet de loi livre le service public ferroviaire au dogme de la concurrence en brisant, de fait, le principe de la desserte de tous nos territoires, villes, villages, campagnes et montagnes.
Cette dangerosité de votre projet de loi, madame la ministre, vous avez tenté de la dissimuler, de la masquer. Vous avez tenté de rendre les cheminots coupables de tous les maux, alors que, aujourd’hui, chacun reconnaît qu’ils ne sont en rien responsables des difficultés de l’entreprise, et que, bien au contraire, ils les ont subies. (M. Daniel Chasseing s’exclame.)
Vous avez truffé votre texte de recours aux ordonnances pour éviter le débat parlementaire.
Vous avez dégainé un amendement de dernière minute, en séance publique à l’Assemblée nationale, pour transformer la SNCF en société anonyme et en permettre la privatisation future, alors qu’il s’agit d’un point clé, sinon du point clé, du texte.
Monsieur le président, jugez-vous acceptable que l’avenir de notre service public ferroviaire soit, pour une large part, défini par ordonnances ? Monsieur le président, doit-on accepter l’absence d’étude d’impact sur de nombreux aspects du texte ? Le Parlement avance ainsi à l’aveuglette et à marche forcée, ce qui est bien en conformité avec les projets constitutionnels présentés par le président Macron et son gouvernement…
Nous appelons donc le Sénat à la raison parlementaire : il faut forcer le Gouvernement à respecter le Parlement !
Nous appelons aussi le Sénat à réfléchir à deux fois avant de poursuivre la déstructuration – après Gaz de France, après France Télécom, après La Poste – de la grande entreprise publique qu’est la SNCF. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Fabienne Keller. C’est un rappel au règlement, ça ? La SNCF, il faut la réformer ! La réforme, c’est sa survie !
Mme Éliane Assassi. C’est votre version, ce n’est pas la nôtre !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
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Nouveau pacte ferroviaire
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (projet n° 435, texte de la commission n° 495, rapport n° 494).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nos concitoyens et nos territoires ont besoin de mobilité. C’est un besoin vital.
C’est la première des réponses que nous avons collectivement le devoir d’apporter à celles et ceux qui se sentent encore assignés à résidence, à ces villes, ces villages et ces quartiers qui vivent l’isolement comme une relégation. Cette mobilité est aussi une réponse à la tentation du repli sur soi, terreau des populismes, face aux transformations politiques, économiques et sociales qui bouleversent notre pays.
Confortée par les échanges que nous avons déjà engagés dans cet hémicycle, je sais que nous partageons l’ambition de répondre à cette attente. Cette ambition commune est aussi celle des Assises nationales de la mobilité, qui nous ont permis de partager un diagnostic large et rigoureux.
À l’aune de ce travail riche et foisonnant, le Gouvernement s’est assigné une triple exigence à laquelle se soumettent tant le présent texte que le projet de loi d’orientation des mobilités que je présenterai dans les prochaines semaines : exigence d’efficacité, tout d’abord, pour remettre en état notre système de transport, aujourd’hui menacé par un sous-investissement chronique et insuffisamment préparé pour intégrer les nouveaux services ; exigence de justice sociale et territoriale, ensuite, afin de garantir la mobilité pour tous et dans tous les territoires ; exigence environnementale, enfin, par la création des conditions nécessaires au développement d’une mobilité plus durable et pleinement inscrite dans la transition écologique.
Répondre à cette triple exigence, c’est tirer parti de la richesse des nouvelles mobilités. Ces mobilités propres, partagées, connectées et autonomes doivent pouvoir être développées, mais aussi s’articuler avec un transport ferroviaire performant, colonne vertébrale de nos mobilités.
En effet, qui peut nier le rôle central que joue, depuis bientôt deux siècles, le transport ferroviaire dans les déplacements quotidiens de nos concitoyens, dans le développement de notre économie, dans le façonnement de nos territoires ? Qui peut nier la place centrale de la SNCF, depuis quatre-vingts ans, dans l’imaginaire collectif, depuis les trains des premiers congés payés jusqu’aux records de la grande vitesse ?
Parce que le rôle du transport ferroviaire est structurant, parce que notre attachement collectif à la SNCF est profond, nos attentes sont importantes ; c’est bien légitime.
Ces attentes sont-elles satisfaites aujourd’hui ? Je ne le pense pas, pas plus que nos concitoyens dans leurs trajets quotidiens ou plus occasionnels, pas plus que nos entreprises qui souhaitent s’appuyer sur le fret ferroviaire. Nos concitoyens et nos entreprises font un triple constat, que vous partagez tous sur ces travées et dans les territoires que vous représentez : malgré l’engagement des cheminots, la qualité de service ne répond pas aux attentes des usagers ; du fait de décennies de sous-investissement, les infrastructures se dégradent ; enfin, la dette menace dangereusement le système ferroviaire.
Face à l’urgence de la situation, le Gouvernement a engagé en février dernier une réforme d’ampleur. Celle-ci ouvre ce secteur à la concurrence, pour permettre à nos concitoyens d’avoir accès à des trains plus nombreux et circulant plus régulièrement, avec des offres tarifaires plus intéressantes.
Mme Fabienne Keller. Tout à fait !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Elle transforme la SNCF en société nationale à capitaux publics pour en faire un groupe public performant et un champion sur ce marché. Elle refonde le pacte social des cheminots pour l’adapter, dans une logique d’équité, à un monde ouvert à la concurrence. Enfin, elle consolide le modèle économique de la SNCF afin de lui donner tous les atouts pour s’engager résolument dans l’avenir.
L’objectif du pacte ferroviaire proposé est simple : il s’agit tout à la fois d’augmenter et d’améliorer l’offre de service public.
Mieux répondre aux besoins de mobilité de nos concitoyens, c’est aussi réconcilier le service public avec l’une de ses valeurs fondamentales : l’adaptabilité aux besoins des usagers et des territoires.
En ce qui concerne les territoires, et parce que je sais que l’avenir de leur desserte a pu susciter des inquiétudes à la suite de la publication du rapport de Jean-Cyril Spinetta, je veux une nouvelle fois devant vous être très claire au sujet des lignes que l’on qualifie improprement de « petites ». Parce que ces lignes sont essentielles au lien social et territorial, parce qu’elles sont indispensables au développement du fret, l’État demeurera aux côtés des collectivités pour entretenir ce maillage et respectera les engagements pris dans le cadre des contrats de plan État-régions.
L’ouverture à la concurrence, je veux le dire tout aussi clairement, peut être une chance pour ces lignes, parce que de nouvelles entreprises pourront proposer aux régions de nouvelles approches.
De même, le modèle retenu par le Gouvernement confortera la desserte des territoires par les trains à grande vitesse, les TGV, qui ne se limite pas aux grandes métropoles, mais irrigue plus de deux cent trente villes. Nous y sommes tous particulièrement attachés, et ce sera un gage de réussite de cette réforme.
À ceux qui croient, ou veulent faire croire, que cette réforme signerait un recul de l’État, je veux ici rappeler que le Gouvernement prend pleinement ses responsabilités pour donner au ferroviaire un modèle viable sur le long terme.
Cela passe par trois engagements essentiels dont la portée a été précisée vendredi dernier par le Premier ministre.
Le premier, c’est d’investir dans le ferroviaire comme aucun gouvernement ne l’a jamais fait.
M. Charles Revet. Il y a du travail à faire !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Pour permettre le développement d’une offre de qualité, il nous faut, en effet, un réseau performant.
L’effort déjà consenti est sans précédent, car ce sont près de 36 milliards d’euros que l’État s’est engagé à investir dans les dix prochaines années sur le réseau existant. Il est sans précédent, mais il n’est pas encore à la hauteur des besoins. Aussi, nous irons plus loin : dès 2022, nous investirons chaque année 200 millions d’euros supplémentaires. C’est ce qui permettra de lancer, par exemple, des projets de signalisation ferroviaire pour augmenter de plus de 20 % le nombre de trains entre Paris et Lyon ou pour réduire de moitié les incidents d’infrastructure entre Marseille et Nice.
Ces investissements sans précédent, ce sont bien des améliorations concrètes du quotidien pour que nos concitoyens bénéficient d’un réseau plus sûr et d’un service plus fiable, pour que les cheminots retrouvent la fierté d’un outil de travail à la hauteur de leurs compétences.
Deuxième engagement, pour permettre le développement de l’offre ferroviaire, le Gouvernement a également souhaité sortir du cercle vicieux de la hausse des péages, qui limitait le nombre de trains et nourrissait ainsi un déficit et une dette qu’elle était censée résorber.
Aussi, comme le Premier ministre l’a indiqué et en accord avec l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, nous limiterons la hausse des péages des TGV et du fret au niveau de l’inflation. Ce n’est pas une simple mesure technique ; c’est un levier essentiel du développement de services pour les voyageurs et de la relance du fret ferroviaire, sur lequel pesaient des hausses de péages insupportables.
Cette mesure s’inscrit dans une ambition bien plus large de développement du fret ferroviaire que je présenterai prochainement. En effet, je ne me satisfais pas d’une part modale du rail de 10 % pour les marchandises, d’autant qu’un train de fret représente cinquante camions de moins sur les routes !
Enfin, troisième engagement – je pense que, sur toutes les travées, vous pourrez le mettre à notre crédit –, le Gouvernement met un terme à des décennies de non-décision concernant la dette de la SNCF en reprenant 35 milliards d’euros de dette durant le quinquennat : 25 milliards d’euros en 2020 et 10 milliards d’euros supplémentaires en 2022. Dès 2020, la SNCF pourra ainsi se financer comme toutes les entreprises ; d’ici à la fin du quinquennat, elle sera en mesure d’investir sans creuser sa dette.
C’était un engagement fort du Président de la République : il est au cœur de ce pacte ferroviaire.
Parce que cet engagement est sans précédent, parce que cet effort demandé à nos concitoyens ne pourra être renouvelé, le Gouvernement entend se prémunir et prémunir la SNCF contre la reconstitution d’une telle dette. Aussi, je vous proposerai d’introduire dans le projet de loi une règle contraignante pour que SNCF Réseau ne puisse plus, à l’avenir, s’endetter sans que le Gouvernement prenne des mesures de rétablissement.
Par ailleurs, afin que le Parlement et, à travers lui, nos concitoyens puissent mesurer l’effort consenti pour le rétablissement de l’équilibre du système ferroviaire, le Gouvernement veillera à ce que la dette reprise soit mise en évidence dans les comptes de la Nation.
Ce sont là des garanties nécessaires au maintien dans la durée d’un équilibre enfin retrouvé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis l’annonce de ce pacte ferroviaire, le 26 février dernier, j’ai mené cette réforme avec détermination et dans un esprit de dialogue, fidèle à la méthode que le Premier ministre avait annoncée.
Pour répondre à l’urgence de la situation, nous avions présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances, qui s’est vu remplacé, avec méthode, chapitre après chapitre, par des dispositions concrètes, nourries de concertations structurées avec les organisations syndicales, et soumises au débat parlementaire.
Comme je m’y étais engagée, j’ai résolument poursuivi le dialogue avec celles des organisations syndicales qui, au-delà des divergences sur les fondamentaux de cette réforme – divergences que je respecte –, ont accepté de formuler des propositions concrètes pour enrichir le texte proposé par le Gouvernement dans l’intérêt des cheminots.
Dans cette œuvre commune, le Sénat a pris toute sa place, fidèle à son sens du dialogue. Je tiens à remercier votre rapporteur ainsi que le président et les membres de votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de la qualité de nos échanges, qui se sont tenus dans un climat de confiance réciproque.
M. Jackie Pierre. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Après son adoption, à une très large majorité, par l’Assemblée nationale, le projet de loi qui vous est présenté ressort donc enrichi des travaux de votre commission.
Reprenant – je l’en remercie – les propositions que j’avais formulées lors de mon audition le 16 mai dernier, votre commission a pleinement validé les grands axes de cette réforme.
Je pense, tout d’abord, à la transformation de la SNCF en société nationale à capitaux publics, société dont votre commission a conforté le caractère incessible du capital afin de lever les inquiétudes, peut-être sincères chez certains, que l’inscription dans la loi du caractère 100 % public de la SNCF n’avait pas encore réussi à lever.
Entreprise publique hier, entreprise publique aujourd’hui, entreprise publique demain, la SNCF pourra également, je le rappelle, s’appuyer sur le caractère inaliénable du domaine public ferroviaire.
En matière d’organisation, votre commission a précisé la répartition des missions exercées jusqu’à présent par l’EPIC de tête, parachevant ainsi la démarche de remplacement des ordonnances par des articles de loi.
Afin que les enjeux de sécurité soient pleinement pris en compte dans un monde désormais ouvert à de nouveaux acteurs, il est apparu nécessaire de créer une structure permettant de partager les expériences et de définir ensemble des procédures pour assurer un service en toute sécurité.
Le deuxième axe de cette réforme est, vous le savez, l’ouverture à la concurrence, sur laquelle nous avons eu de riches débats en mars dernier. J’observe que le principe de l’ouverture à la concurrence est accepté sur la quasi-totalité de vos travées. En effet, elle se fera au bénéfice des voyageurs, en permettant d’avoir une offre accrue et des trains au meilleur coût. (Mme Éliane Assassi proteste.)
Il ne s’agit pas d’une contrainte venue de l’extérieur ; l’ouverture à la concurrence constitue, au contraire, un choix validé lors du précédent quinquennat, attendu par les régions et assumé par ce gouvernement, qui l’a souhaitée progressive et protectrice.
Elle sera progressive : les régions pourront l’engager au rythme qu’elles souhaitent et sur le périmètre qu’elles auront défini. Trente-cinq ans après les premières lois de décentralisation, il s’agit de donner aux régions les outils d’une autorité organisatrice de plein exercice.
Votre commission a utilement enrichi sur ce point le texte adopté par les députés, en reprenant plusieurs mesures contenues dans la proposition de loi du président Maurey et de votre ancien collègue Louis Nègre concernant, notamment, le transfert des matériels roulants et des ateliers, et en confortant le rôle des autorités organisatrices dans la définition du périmètre des transferts.
Cette ouverture à la concurrence, je l’ai aussi souhaitée protectrice pour les salariés du secteur et pour les territoires.
Pour les salariés, l’essentiel des garanties de leur statut sera assuré en cas de transfert ; une « portabilité » des droits est créée pour les cheminots.
Partageant cette ambition et le souci d’enrichir le texte du résultat des concertations que j’ai menées et des échanges que vous avez vous-même eus avec les organisations syndicales, vous avez assorti le principe d’un transfert obligatoire, nécessaire à la continuité du service public, d’assurances supplémentaires quant au volontariat et au maintien de la rémunération, et vous avez ouvert un droit d’option individuel pour les cheminots revenant à la SNCF. C’est un point auquel je sais que vous êtes, monsieur le rapporteur, particulièrement attaché.
Votre commission a également adopté la date d’arrêt du recrutement au statut que le Gouvernement avait proposé de fixer au 1er janvier 2020. Elle a aussi garanti, au sein d’un périmètre ferroviaire social unifié, l’unité sociale du groupe, en permettant notamment de maintenir l’application du statut aux actuels salariés, de favoriser la mobilité professionnelle interne et d’organiser les œuvres sociales au sein de l’entreprise.
L’ouverture à la concurrence, protectrice pour les salariés, le sera également pour les territoires : en effet, le Gouvernement a veillé à ce que la desserte TGV de ces derniers ne soit pas affaiblie par l’arrivée de nouveaux opérateurs. Votre commission a adopté sur ce point un dispositif complémentaire dont j’approuve l’économie générale.
Au-delà de ce texte et des engagements financiers pris par le Gouvernement, un élément important est désormais entre les mains des partenaires sociaux pour parachever cette réforme : la négociation d’un nouveau cadre social à l’échelon de la branche.
En effet, si le Gouvernement a voulu, dès le départ, respecter le contrat moral passé entre la SNCF et ses agents, les futurs cheminots bénéficieront, à compter du 1er janvier 2020, d’un socle de droits communs à tous les salariés du secteur, dans le cadre de la convention collective qui devra être finalisée d’ici là.
Ce calendrier est ambitieux, mais il est réaliste. En effet, nous ne partons pas de rien : quatre accords, portant notamment sur l’organisation du travail et sur la formation professionnelle, ont déjà été conclus depuis le début des négociations, en 2015.
Sans se substituer aux partenaires sociaux, l’État s’engagera dans cette négociation essentielle en qualité d’observateur attentif et exigeant. À ce titre, je réunirai prochainement les organisations syndicales et l’Union des transports publics et ferroviaires, l’UTP, pour engager la relance de ce processus de négociation.
Pour la suite, et afin de s’assurer du respect du calendrier et des thèmes de négociations, le Gouvernement mettra en place un observatoire du dialogue social dans la branche, qui sera composé de Jean-Paul Bailly et d’une personnalité aux compétences reconnues dans le domaine des relations sociales. Cet observatoire suivra les négociations et pourra alerter l’État en cas de difficulté.
Enfin, parce que je sais votre attachement à la qualité de ces négociations, je veillerai à tenir régulièrement informée de l’avancement de celles-ci votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Alors que s’ouvre ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun dispose d’une vision complète de la réforme qui vous est proposée. Certains la contestent ; j’entends leurs craintes, nous sommes là pour y répondre. Nous devons aussi entendre la colère des usagers pénalisés par la grève.
M. Jackie Pierre. Oui !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Ils attendent beaucoup de ce service public.
La réforme que je vous propose va durablement transformer et refonder notre système ferroviaire, ce service public auquel chaque Français est attaché.
En ce qui concerne les régions, nous leur donnons de nouveaux outils pour les aider à remplir leurs missions d’autorités organisatrices et pour mettre le ferroviaire au service de nos territoires.
En ce qui concerne la SNCF, nous confirmons de façon indiscutable son statut public, tout en lui donnant la souplesse d’une véritable entreprise responsable de son destin.
En ce qui concerne les cheminots, nous maintenons le statut pour ceux qui en bénéficient aujourd’hui et nous dessinons un nouveau contrat social protecteur pour l’avenir.
En ce qui concerne nos concitoyens, nous remettons sur pied le système ferroviaire, pour qu’il y ait plus de trains, des trains moins chers, et une amélioration de la qualité de service qui permette au ferroviaire de jouer pleinement son rôle de colonne vertébrale d’une mobilité pour tous et pour tous les territoires.
Vous le voyez, le texte qui vous est proposé est le résultat d’une ambition claire du Gouvernement, qui est ferme sur les principes, d’une réelle négociation avec les partenaires sociaux ouverts au dialogue, d’un enrichissement apporté à chacune des étapes du débat parlementaire auquel votre commission a pris une part très active – je veux de nouveau, monsieur le président Maurey, monsieur le rapporteur, vous en remercier.
Nous sommes arrivés à un point d’équilibre qui sera, j’en suis certaine, conforté par les débats que nous engageons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc des commissions.)
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de députés de l’Assemblée nationale législative de Thaïlande, conduite par le docteur Thamrong Dasananjali, membre du comité exécutif du groupe d’amitié interparlementaire Thaïlande-France. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre chargée des transports, se lèvent.) Elle est accompagnée par notre collègue Jacky Deromedi, présidente du groupe d’amitié France-Asie du Sud-Est.
Permettez-moi de souligner aussi la présence attentive et bienveillante dans notre hémicycle de notre collègue Gérard Cornu, président délégué pour la Thaïlande, qui n’a pu se joindre à la délégation en tribune d’honneur du fait de ses obligations de rapporteur.
M. François Bonhomme. Il est partout ! (Sourires.)
M. le président. Cette visite fait suite à la mission d’une délégation du groupe d’amitié en janvier 2017.
La délégation est en France pour une visite d’étude centrée sur le développement économique, avec l’objectif d’intensifier les relations commerciales entre la France et la Thaïlande.
La délégation s’est rendue hier à Toulouse pour visiter les usines d’Airbus et d’Airbus Defence and Space. Aujourd’hui, en présence de notre collègue Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, elle a rencontré plusieurs entreprises françaises désireuses de développer leur présence en Thaïlande, en particulier dans le domaine des infrastructures, de l’agroalimentaire, des transports et de l’énergie.
Demain, la délégation visitera la Station F et le campus des start-up à Paris, vitrine de l’innovation technologique à la française, la « French Tech ».
Cette rencontre interparlementaire intervient dans le contexte d’une intensification des échanges bilatéraux, consolidant ainsi les relations d’amitié qui lient nos deux pays.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos homologues de l’Assemblée nationale législative de Thaïlande la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)
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Nouveau pacte ferroviaire
Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, permettez-moi de saluer, moi aussi, cette délégation parlementaire de Thaïlande, que j’essaierai de rejoindre à la suspension de la séance.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous : une réforme en profondeur du système ferroviaire est indispensable. Si notre système ferroviaire constitue évidemment un motif de fierté – je commence d’ailleurs par rendre hommage aux 150 000 cheminots qui s’engagent au quotidien pour le faire fonctionner –, il convient de reconnaître qu’il a atteint ses limites.
Il nous faut impérativement mettre un terme à la dérive de la trajectoire financière du gestionnaire du réseau, et réduire les coûts de production du groupe public ferroviaire. C’est aujourd’hui nécessaire pour préserver l’attractivité du rail par rapport aux autres modes de transport. Ce sera encore davantage le cas demain, lorsque le transport ferroviaire de voyageurs sera ouvert à la concurrence.
Pour conduire cette réforme, le Gouvernement a choisi de mener en parallèle les concertations avec les acteurs concernés et le débat parlementaire, sur le fondement d’un texte comportant presque exclusivement des habilitations à procéder par ordonnance. Vous l’avez souligné, madame la ministre, certaines d’entre elles ont été remplacées à l’Assemblée nationale par des dispositions législatives modifiant directement le droit en vigueur.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a ainsi dû travailler à partir d’un texte hybride et non abouti, l’Assemblée nationale n’ayant eu que peu de temps pour l’examiner.
La commission a toutefois adopté une attitude constructive, en mettant à profit le temps de la navette parlementaire pour approfondir certains sujets et consulter les parties prenantes. Je veux à cet égard, madame la ministre, saluer la façon dont vous avez travaillé avec nous, en déposant l’ensemble des amendements du Gouvernement avant le délai limite et en répondant à nos interrogations. Nous avons travaillé en confiance, et c’est très bien ainsi !
M. François Patriat. Excellente ministre ! (Sourires.)
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il était impératif de compléter le volet social du projet de loi et de lever les inquiétudes légitimes des salariés du groupe public ferroviaire. Nous avons d’ailleurs prêté une attention particulière aux attentes des syndicats ayant formulé des propositions concrètes d’amélioration du texte.
La commission s’est également appuyée sur le travail remarquable effectué dans le cadre de l’examen de la proposition de loi du président Hervé Maurey et de notre ancien collègue Louis Nègre – je le salue, puisqu’il est présent aujourd’hui dans les tribunes – et sur laquelle le Conseil d’État avait été saisi à la demande du président du Sénat, Gérard Larcher.
Cette procédure avait permis au rapporteur de la proposition de loi, Jean-François Longeot, de sécuriser plusieurs dispositions sur le plan juridique, avant l’adoption du texte par le Sénat lors de sa séance du 29 mars 2018. Nous avons réintroduit plusieurs de ces dispositifs dans le présent projet de loi.
La commission a modifié le texte en se fixant quatre objectifs.
Notre premier objectif a été de garantir la pérennité des dessertes TGV utiles à l’aménagement du territoire. Le Sénat avait déjà donné l’alerte sur le risque d’écrémage des dessertes TGV à l’occasion du vote de la proposition de loi.
Le Gouvernement propose deux dispositifs pour y répondre, mais nous ne sommes pas rassurés pour autant. Le premier consiste en une modulation des péages orientée vers l’aménagement du territoire. Néanmoins, d’après les chiffres du Gouvernement, une fois cette modulation mise en œuvre, une desserte TGV sur six resterait compromise, et encore, nous n’avons pas la totalité des informations sur les modalités pratiques de sa mise en œuvre.
Il faudra donc conclure des contrats de service public et apporter des financements publics pour assurer la viabilité de ces dessertes menacées de disparition. Le projet de loi donne cette possibilité de conventionnement tant à l’État qu’aux régions, y compris pour les services qui vont au-delà de leur ressort territorial.
Il n’est pas certain que l’État s’engage dans cette voie, alors qu’il vient tout juste de transférer aux régions une grande partie des services Intercités qu’il gérait jusqu’à présent. Or la responsabilité de la pérennité de ces dessertes ne saurait peser sur les seules régions, surtout en l’absence de financement spécifique. C’est la raison pour laquelle la commission a réintroduit, à l’unanimité, le dispositif de la proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyant la conclusion par l’État de contrats de service public pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire et préserver ainsi des dessertes directes, sans correspondance.
Notre commission a également modifié la procédure de répartition des capacités d’infrastructure, en fixant des critères de priorité en faveur des services utiles à l’aménagement du territoire en cas de saturation, et en facilitant l’attribution de sillons aux services de fret ferroviaire.
Sur le volet social, nous avons voulu renforcer les garanties des salariés, en précisant le cadre du transfert de ces derniers vers de nouveaux opérateurs. Il s’agissait de notre deuxième objectif.
Tout d’abord, nous avons souhaité confier à l’autorité organisatrice, et non plus à l’opérateur sortant, le soin de fixer le nombre de salariés à transférer, sous le contrôle de l’ARAFER, afin d’assurer que ce nombre corresponde au mieux aux besoins du service.
Ensuite, pour déterminer les transferts vers l’opérateur ayant remporté l’appel d’offres, nous avons cherché à favoriser le volontariat des salariés, en élargissant à l’ensemble des salariés de l’opérateur sortant et qui travaillent dans la région concernée la possibilité de se porter volontaires pour rejoindre le nouvel opérateur, à condition bien sûr qu’ils possèdent les qualifications professionnelles requises.
Notre commission a également renforcé les droits des salariés transférés, en complétant les éléments de rémunération qui leur seront garantis, en permettant aux salariés qui étaient régis par le statut de le réintégrer, pendant une période déterminée, s’ils sont réembauchés sur un poste vacant, ou encore en garantissant leur emploi en cas de défaillance du nouvel opérateur.
Il s’agit d’avancées sociales très importantes, de nature à rassurer les salariés sur les modalités de transfert en cas de changement d’opérateur. Je tiens à cet égard à saluer le soutien sans faille de notre président Gérard Larcher et du président de notre commission Hervé Maurey sur ce sujet extrêmement sensible.
Il était également important – c’était notre troisième objectif – de poser les conditions d’une ouverture réussie à la concurrence, qui devra se faire de manière équitable et non discriminatoire. Pour cela, nous avons cherché à lever les obstacles à une ouverture à la concurrence effective.
Dans cette optique, notre commission a précisé que le rattachement de SNCF Gares & Connexions à SNCF Réseau se ferait sous la forme d’une filiale disposant d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière, afin de préserver la capacité de l’entreprise à investir dans le développement et dans la modernisation des gares.
Nous avons également davantage échelonné le calendrier de l’ouverture à la concurrence en Île-de-France, en autorisant la mise en concurrence des services du RER E dès 2025 au lieu de 2033. Étant donné l’ampleur des services concernés par l’ouverture à la concurrence, il importe qu’Île-de-France Mobilités puisse lancer des appels d’offres de façon progressive.
En ce qui concerne les dérogations à l’obligation de mise en concurrence des services conventionnés, prévues par le droit européen, le projet de loi les autorise toutes. Nous ne sommes pas revenus sur ce choix qui laisse la liberté aux régions d’y avoir recours ou non. Nous avons en revanche soumis la mise en œuvre de deux d’entre elles, insuffisamment définies, à un avis conforme de l’ARAFER, pour sécuriser les décisions des autorités organisatrices dans ce domaine.
Nous avons également tenu à élargir le champ de l’obligation de transmission d’information aux autorités organisatrices de transport, de la part des entreprises ferroviaires, des gestionnaires d’infrastructure et des gares. En parallèle, nous avons renforcé la protection des informations couvertes par le secret industriel et commercial. Nous avons également précisé les modalités de communication des informations nécessaires aux candidats aux appels d’offres.
Nous avons autorisé le transfert à l’autorité organisatrice, sur demande de celle-ci, des matériels roulants et des ateliers de maintenance majoritairement utilisés pour des services conventionnés, comme le prévoyait la proposition de loi.
Par ailleurs, afin de donner davantage de prévisibilité aux entreprises ferroviaires et d’assurer la cohérence du système tarifaire, la commission a renforcé la dimension pluriannuelle de la tarification du réseau, et a prévu de donner à l’ARAFER un pouvoir d’avis conforme sur le volet tarifaire du contrat de performance signé entre l’État et SNCF Réseau.
Enfin, notre quatrième objectif était de maintenir un haut niveau de sécurité et de sûreté au sein du système ferroviaire. En particulier, dans la mesure où l’ouverture à la concurrence va conduire à une multiplication des acteurs, nous avons tenu à encourager la coordination entre ces acteurs en matière de sécurité. C’est pourquoi nous avons expressément autorisé la création d’un groupement d’intérêt public dans ce domaine, dans le respect, bien évidemment, des compétences de l’établissement public de sécurité ferroviaire et de SNCF Réseau.
Vous l’aurez compris, la commission a soutenu la réforme engagée par le Gouvernement, tout en souhaitant renforcer un certain nombre d’aspects, et ce dans une seule perspective : l’amélioration de la qualité du service rendu aux voyageurs et aux chargeurs, qui doivent être au cœur de nos préoccupations tout au long de l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Assassi, MM. Gontard et Bocquet, Mme Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, MM. Foucaud et Gay, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 495, 2017-2018).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au deuxième jour de la douzième séquence de grève des cheminots, nous entamons l’examen au Sénat du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.
Ce matin, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a reçu les syndicats de cheminots de la SNCF, la CGT, la CFDT, l’UNSA, SUD Rail, ainsi que ceux de plusieurs pays – l’Italie, l’Espagne, le Luxembourg, l’Allemagne, la Belgique ou encore l’Angleterre. Puis, à treize heures, nous étions présents au rassemblement de l’intersyndicale devant le Sénat, rassemblement qui montre que, à l’évidence, la mobilisation contre ce projet ne s’essouffle pas.
Que ce soit ici ou ailleurs, les cheminots ont tous un dénominateur commun : ils défendent avec détermination et courage leurs droits, leur outil de travail, et ils portent une certaine vision du service public ferroviaire.
Nous partageons cette vision fondée sur les missions d’intérêt général de l’entreprise publique et le droit à la mobilité pour tous et partout.
Il faut les entendre et ne pas balayer d’un revers de main les résultats du « vot’action » qui s’est clos la semaine dernière et qui démontre, n’en déplaise aux esprits malins, une opposition majoritaire à cette réforme. Celle-ci n’était d’ailleurs pas inscrite dans le programme du candidat Macron, mais elle a été décidée ensuite par celui-ci, une fois élu Président de la République, réalisant ainsi un vœu cher à la droite. Pour nous, ce sont les cheminots les premiers de cordée, ceux qui défendent ce que nous avons en commun : les services publics.
Avant d’en arriver au contenu du texte, je veux aborder une nouvelle fois la méthode, que nous jugeons contestable et dangereuse, je veux parler de cette méthode gouvernementale qui interroge par son peu de respect pour le Parlement et pour les parlementaires, mais également pour les forces sociales de notre pays, taxées d’être irresponsables lorsqu’elles exercent un droit constitutionnellement reconnu, celui de faire grève et de porter des revendications, voire de manifester.
Le message de fermeté envers les syndicats est inacceptable. Il témoigne d’une vision autoritaire de l’exercice du pouvoir. Si la place de chacun doit être claire, le dialogue social ne peut se résumer à des coups de menton des plus hauts responsables de l’État.
Par ailleurs, nous regrettons le choix de la commission de ne pas avoir réalisé l’audition de l’intersyndicale – j’ai bien dit « de l’intersyndicale », monsieur le rapporteur – que nous avions demandée. Les partenaires sociaux doivent être respectés !
J’en viens maintenant au parcours de ce projet de loi, parcours pour le moins curieux. Madame la ministre, votre gouvernement, en s’appuyant sur un rapport d’expert – le rapport Spinetta –, a fait le choix de forcer le passage par la voie des ordonnances, jugées plus rapides et plus efficaces. Votre modernité, c’est aussi cela : recentrer les pouvoirs au risque de rompre l’équilibre des pouvoirs. Drôle de conception de la démocratie parlementaire…
En tacticien maladroit qui cherche à affirmer sa posture idéologique, ce même gouvernement a indiqué aux syndicats que, s’ils étaient constructifs, des mesures plus précises seraient directement insérées dans la loi. C’est le cas, mais seulement sur des sujets connexes puisque, d’après le Premier ministre lui-même, sur le « dur », rien n’est négociable.
Quant à l’incessibilité, elle a été introduite, à la suite de l’engagement du Gouvernement, au travers d’un amendement du groupe La République En Marche, qui a été adopté en commission. Toutefois, la vigilance s’impose, car, vous le savez comme moi, mes chers collègues, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire ! (Mme la ministre sourit. – M. le rapporteur lève les bras au ciel.) Nous aurons d’ailleurs des propositions pour renforcer cette incessibilité.
En revanche, le Gouvernement a annoncé, sans concertation, au cours de l’examen du texte, la fin du statut de cheminot pour 2020 et la filialisation du fret. Il s’agit là d’une véritable provocation. Résultat, le texte a triplé de volume lors de son passage à l’Assemblée nationale et s’est encore épaissi après son examen par la commission du Sénat.
Nous nous retrouvons dans une situation incroyable : le texte qui nous est soumis n’a fait l’objet ni d’une étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’État, puisque son contenu est issu très largement d’amendements du Gouvernement.
Pourtant, la portée de ces amendements est majeure. En effet, c’est par un simple amendement que le statut de la SNCF a été transformé, ce qui ouvre la voie à sa privatisation, comme cela a été le cas pour toutes les entreprises publiques qui ont vu leur statut modifié – GDF, EDF ou France Télécom, par exemple.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Cette méthode du Gouvernement, qui devient une habitude, est peu conforme aux règles constitutionnelles qui définissent l’exercice du pouvoir législatif par le Parlement.
Venons-en au contenu.
Nous abordons le texte avec un sentiment de déjà-vu, puisque nous avons débattu de ces enjeux lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre, qui était prête – faut-il le rappeler ? – depuis plusieurs mois, mais qui a été opportunément ressortie (M. le président de la commission arbore une moue dubitative.) pour signifier au Gouvernement que le Sénat refuse un passage par la voie d’ordonnances de la réforme ferroviaire.
Toutefois, il s’agit d’un refus de pure forme, car, sur le fond, les différences d’appréciation ne sont pas fondamentales. Soyons clairs, le Gouvernement et la majorité sénatoriale partagent l’idée qu’il n’y a pas d’autre horizon que l’ouverture à la concurrence à plus ou moins brève échéance !
Nous ne partageons pas cette idée puisque, contrairement à ce que nous entendons, l’Europe laisse aux États des marges de manœuvre suffisantes pour ne pas appliquer le quatrième paquet ferroviaire voulu par vos prédécesseurs, madame la ministre, que ce soit au travers du règlement OSP – le règlement sur les obligations de service public – ou de la reconnaissance des services publics par le traité de Lisbonne. L’Europe n’impose pas davantage le changement de statut de l’entreprise publique.
En revanche, l’Europe impose le respect de normes en matière de pollution de l’air, mais, apparemment, votre gouvernement fait son marché dans les règlements : il y a ceux qu’il décide de suivre et ceux qu’il décide de ne pas suivre. Nous en reparlerons…
Partout où la libéralisation du ferroviaire a été mise en œuvre, les conditions de transport des usagers se sont dégradées, que ce soit en raison de l’état des infrastructures, des tarifs ou encore de la sécurité. L’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, aucun de ces pays ne peut être érigé en modèle, et vous le savez bien !
En France également, l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire a conduit à réduire encore plus sa part modale, et a justifié une gestion d’entreprise tournée vers la rentabilité, ce qui a conduit à l’abandon d’un certain nombre de dessertes.
Comme l’ensemble des textes qui nous sont présentés depuis des décennies, ce projet de loi nous semble symptomatique de l’approche désormais privilégiée lorsque l’on parle du rail, une approche purement comptable et gestionnaire d’un secteur d’activité et d’une entreprise publique que l’on voudrait faire « entrer au forceps » dans le moule libéral, paquet ferroviaire après paquet ferroviaire.
Or cela n’est pas si simple parce que, justement, nous parlons d’un secteur dont l’intérêt général résulte de trois grandes caractéristiques.
Premièrement, son réseau structure l’aménagement de notre pays et constitue sa colonne vertébrale, un atout indéniable pour la compétitivité de notre économie.
Deuxièmement, son développement constitue une alternative crédible et efficace à la route et à l’aérien pour la transition énergétique et le passage à une économie décarbonée, comme nous y appellent les accords de Paris et le Grenelle de l’environnement. La dette environnementale n’est pas négociable et elle est bien plus lourde que la dette ferroviaire !
Troisièmement, enfin, son existence contribue à l’exercice du droit à la mobilité pour nos concitoyens. À l’heure où, sur les réseaux d’information, tout se mesure en nanoseconde, il est nécessaire que nos concitoyens puissent, eux aussi, se déplacer facilement.
Les politiques, menées les gouvernements successifs, d’assèchement des ressources, d’endettement massif de l’opérateur et d’absence d’investissement public à la hauteur des besoins font peser un doute réel sur la viabilité du système ferroviaire et sur l’avenir du service public. Il y a donc effectivement urgence à légiférer !
Le problème, c’est que votre projet de loi n’a qu’une boussole, l’ouverture à la concurrence, et, de facto, il n’établit aucun principe directeur en faveur d’une politique de la mobilité favorisant coopération, interconnexion et complémentarité ; il ne prévoit aucun financement nouveau.
Quant à la reprise de la dette par l’État à hauteur de 35 milliards d’euros, ce n’est pas un cadeau fait aux cheminots, c’est une stricte obligation comptable. C’est le prix à payer pour préparer la privatisation de l’entreprise historique ! Soyons précis, une société anonyme ne peut pas être endettée à un niveau supérieur à deux fois le montant de ses fonds propres qui, pour SNCF Réseau, sont estimés à 7 milliards d’euros. Donc, 50 milliards d’euros de dette dont on soustrait deux fois 7 milliards d’euros – 14 milliards d’euros –, cela fait 36 milliards d’euros. Le compte est bon…
Je le redis, tant ce texte est transparent en la matière, le seul objectif de cette réforme est la concurrence et l’arrivée de nouveaux opérateurs qui seraient, on ne sait par quel miracle, plus performants que la SNCF, laquelle a pourtant déjà fait d’importants progrès de productivité.
Toutefois, vous connaissez l’adage, qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ; c’est exactement ce qui arrive à la SNCF et, plus largement, au système de service public ferroviaire. Cette politique n’est pas nouvelle. Elle se place dans la continuité de toutes les politiques menées depuis trente ans, qui créent les conditions du dépérissement du service public ferroviaire par l’instauration d’une concurrence déloyale et font du service ferroviaire un service déficitaire, sous-utilisé et sous-financé.
On connaît déjà la prochaine étape : préparer la vente à la découpe de l’opérateur public par le changement de statut et la filialisation. Comment comprendre cette non-préservation des intérêts publics ? Excusez-moi, mais cela ressemble à du sabotage !
Il faut en finir avec ces recettes libérales. Nous aurons l’occasion dans le débat, via nos amendements et nos interventions sur les différents articles, d’être plus explicites sur ces sujets.
Si nous avons déposé cette motion, c’est non pas pour clore le débat, mais pour affirmer publiquement que votre réforme n’est pas bonne, madame la ministre, car, loin de moderniser et de développer le service public ferroviaire, vous préférez le livrer aux appétits du privé, qui en fera ce qu’il voudra là où cela rapporte et l’abandonnera là où cela ne rapporte pas, au nom de la rentabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Esther Benbassa. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, contre la motion.
M. Michel Vaspart. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ont présenté une motion tendant à opposer la question préalable. Vous ne serez pas surpris que, au nom du groupe Les Républicains, je vous annonce que nous voterons contre. Permettez-moi de rappeler tout d’abord que la motion tendant à opposer la question préalable aboutit à une absence de discussion sur le texte proposé.
Le quatrième paquet ferroviaire européen, adopté en décembre 2016, ouvre le réseau de la SNCF à la concurrence à partir de 2020. Nous devons prendre des mesures de transposition avant la fin de cette année, pour une ouverture à la concurrence des services conventionnés – TER, Transiliens ou Intercités – à partir du 3 décembre 2019, et des services commerciaux dès le mois de décembre 2020.
Cette nécessaire adaptation de la SNCF à la concurrence est un révélateur qui nous oblige à nous pencher sur la situation globale de notre système ferroviaire. Il apparaît clairement que les performances de la SNCF sont insuffisantes et nécessitent modernisation et adaptation de l’entreprise. Son statut actuel n’est pas compatible avec le nouveau paysage ferroviaire européen. Notre système ferroviaire n’est toujours pas prêt pour la concurrence.
La dette du gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, a atteint 46,6 milliards d’euros à la fin de l’année 2017 et poursuit une trajectoire particulièrement inquiétante. Elle augmente chaque année de deux à trois milliards d’euros, sans que le service soit vraiment satisfaisant.
Ce rythme n’est clairement pas supportable. L’écart entre les coûts de production de notre groupe public ferroviaire et les autres entreprises ferroviaires a été estimé à près de 30 % dans le rapport de Jean-Cyril Spinetta. Ce manque de compétitivité ne sera pas soutenable dans un contexte d’ouverture à la concurrence.
La perte d’attractivité du rail par rapport aux autres types de transport témoigne aussi de cette inadaptation : sa part modale a été réduite, passant de 10 % en 2011 à 9,2 % en 2016, alors qu’elle augmente chez nos voisins européens.
Pour le fret, les chiffres sont encore pires, avec une part modale passant de 15 % en 2001 à moins de 10 % aujourd’hui.
Le projet de loi, dont nous souhaitons poursuivre l’examen, ne se limite pas aux questions d’ouverture à la concurrence, mais traduit une réforme plus globale de l’organisation du système ferroviaire français. C’est l’une des voies qu’avaient proposées notre collègue Hervé Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre dans la proposition de loi que nous avons débattue en mars dernier.
Le présent projet de loi laisse en suspens un certain nombre de questions, comme les conditions de transfert des salariés ou les garanties d’aménagement du territoire. Notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, soucieuse que la réforme du système ferroviaire fasse l’objet d’un véritable débat parlementaire, a très largement complété le projet de loi en adoptant des amendements substantiels et attendus.
Elle a également tenu à préciser les demandes d’habilitation en vue de fixer un cadre plus exigeant pour les ordonnances que le Gouvernement prendra et de les orienter en fonction des priorités du Parlement.
Nous avons ainsi permis de dessiner plus précisément les contours de la réforme ; le texte issu des travaux de notre commission complète très largement celui qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.
Notre objectif a été de proposer une organisation plus efficiente de la SNCF. Je pense notamment à la transformation des établissements publics de la SNCF en sociétés anonymes à capitaux publics, et à la filialisation de SNCF Gares & Connexions vis-à-vis de SNCF Réseau. De plus, dans le cadre des négociations en cours, nous avons introduit dans le présent texte le caractère incessible du capital de ces trois entités. Cette disposition devrait rassurer celles et ceux qui craignaient une privatisation du groupe ou de ses filiales.
En matière financière, la reprise de 35 milliards d’euros de dette vient d’être annoncée par le Gouvernement. Cette somme sera, in fine, payée par le contribuable. C’est pourquoi il est non seulement normal, mais même absolument indispensable, que cet effort soit lié à un engagement de la part de l’entreprise et de ses personnels.
Nous avons entendu les préoccupations des salariés de SNCF Mobilités quant aux conditions de leur transfert à de nouveaux opérateurs. Le texte de notre commission propose un cadre sécurisé pour les salariés transférés.
Nous avons souhaité que le nombre de salariés à transférer soit arrêté par les régions, et non pas par l’opérateur sortant.
Nous avons également souhaité que, en cas de reprise par les autorités organisatrices de transport, les coûts liés aux matériels roulants soient équitablement répartis.
Nous avons enfin souhaité préserver l’intégralité des dessertes TGV, dans un souci d’aménagement du territoire.
Madame la ministre, les villes moyennes ont besoin de dessertes directes ; il y va de l’aménagement du territoire lui-même. Or le système de modulation des péages proposé dans le texte du Gouvernement faisait courir un risque à la desserte TGV directe des villes moyennes, dans un contexte d’ouverture à la concurrence : nous ne l’avons donc pas retenu.
À nos yeux, la responsabilité du maintien de ces dessertes directes ne saurait peser uniquement sur les régions. En l’absence de financement spécifique pour ces collectivités territoriales, nous avons introduit la possibilité, pour l’État, de conclure des contrats de service public – M. le rapporteur l’a rappelé précédemment – pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire et, ainsi, préserver des dessertes directes, sans correspondance.
Dans un contexte de concurrence intermodale forte et de perte d’attractivité du mode ferroviaire, il nous est apparu primordial que l’État garantisse le maintien des dessertes directes. Nous pensons avec force que l’ouverture à la concurrence doit se traduire par une amélioration du service rendu aux voyageurs, et non par une offre réduite. Les dessertes TGV ne peuvent être limitées aux seules métropoles.
Mes chers collègues, cette nouvelle réforme du système ferroviaire français semble donc plus que nécessaire.
L’ouverture à la concurrence – nous en sommes convaincus – permettra de renforcer la compétitivité de l’opérateur historique et, je l’espère, de le sauver. Elle sera également positive pour les usagers du transport ferroviaire. C’est en tout cas ce que l’on constate dans beaucoup de pays qui ont mis en œuvre cette réforme avant nous.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons soutenir cette motion de procédure marquant le refus de poursuivre l’examen d’un projet de loi qui est, selon nous, essentiel pour notre pays.
J’ajoute que le travail effectué par le Sénat, par notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, notamment par notre rapporteur, Gérard Cornu, rappelle et démontre à ceux qui en douteraient encore tout l’intérêt du bicamérisme.
Sur ces sujets, le Sénat aura travaillé en anticipation, avec la proposition de loi Maurey-Nègre, et il aura largement contribué à l’amélioration de la rédaction de la loi, malgré les délais fort contraints qui nous ont été imposés.
Le Sénat va même permettre au Gouvernement de sortir de l’impasse où il se trouve : il a considérablement amélioré ce texte en tenant compte à la fois d’un certain nombre de demandes et de souhaits des partenaires sociaux et des amendements déposés au nom du Gouvernement.
Voilà, s’il en était besoin, la preuve de l’intérêt d’un équilibre des pouvoirs, non seulement entre les deux chambres du Parlement, mais aussi entre l’exécutif et le législatif. J’espère que, pour d’autres textes, pour d’autres propositions de loi émanant de la Haute Assemblée, le Gouvernement saura enfin nous écouter.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les membres du groupe Les Républicains voteront contre cette question préalable, pour que le débat démocratique ait bien lieu au sein de la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Madame Assassi, vous le savez très bien, si nous ne défendons pas les mêmes convictions, je respecte la constance de votre engagement et le travail que vous avez effectué, au sein de la commission, avec M. Gontard ; les nombreux amendements que vous avez déposés en sont la preuve.
Cela étant, pour des raisons évidentes, j’adhère complètement aux propos de M. Vaspart. Vous comprendrez donc que j’émette un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame Assassi, j’ai bien relevé les points que vous avez soulevés, qu’il s’agisse de la méthode ou du fond.
Je vous rappelle que la méthode a été annoncée dès le départ par le Gouvernement ; elle a été choisie pour laisser la plus large place à la concertation…
Mme Éliane Assassi. Non !
Mme Élisabeth Borne, ministre. … et au débat parlementaire.
Je l’ai donc indiqué dès l’origine, lors du conseil des ministres du 14 mars dernier, le texte alors présenté, à savoir un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances, avait vocation à être remplacé par des articles au fur et à mesure de l’avancée des concertations menées avec l’ensemble des parties prenantes – à savoir les représentants des régions, des usagers et, naturellement, des organisations syndicales.
On ne peut pas nier que le débat parlementaire a toute sa place dans la construction de ce projet de loi. D’ailleurs, plusieurs orateurs l’ont souligné, le texte déposé à l’Assemblée nationale n’est pas celui qui sortira du Sénat, et pour ma part je m’en réjouis.
À la fin du mois de mars dernier, nous avons déjà consacré deux jours de débats à ce sujet, en examinant la proposition de loi présentée par le président Maurey. En avril, l’Assemblée nationale a consacré trente-trois heures de discussions à ce projet de loi, et elle a étudié quelque 500 amendements en séance publique. J’ai été auditionnée devant votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a accompli un important travail : elle a examiné de nombreux amendements, dont plus de 100 ont été adoptés.
Aussi, nous sommes, au contraire, face à l’excellent exemple d’un projet mené dans la concertation, d’une coconstruction assurée par le Gouvernement et par le Parlement.
Sur le fond, madame Assassi, on ne peut pas affirmer que ce projet de loi est un simple texte de transposition du quatrième paquet ferroviaire. La réforme défendue par le Gouvernement vise à assurer l’avenir de notre système ferroviaire, auquel les Français sont attachés, en offrant un meilleur service, au meilleur coût, en préparant l’ouverture à la concurrence et, dans le même temps, en donnant tous les atouts à la SNCF pour réussir dans ce contexte de concurrence.
Non, ce projet de loi ne porte pas le germe d’une privatisation. Toutes les garanties sont inscrites dans le texte qui vous est présenté ; en tout cas, elles seront adoptées à l’issue de ce débat.
Certes, ce qu’une loi fait, une autre loi peut le défaire ; mais l’unanimité qui s’est manifestée sur les bancs de l’Assemblée nationale et qui, je n’en doute pas, s’exprimera également sur les travées de la Haute Assemblée pour défendre le caractère public de la SNCF est sans doute la meilleure assurance dont on peut disposer pour l’avenir. J’espère que cette unanimité permettra de dissiper vos craintes.
Non, ce projet de loi ne met pas à mal le droit à la mobilité pour tous ni le maillage du territoire. Vous le savez, la défense de ce droit est au cœur de la politique des mobilités que je mène depuis que je suis au Gouvernement.
Nous aurons prochainement l’occasion d’examiner le projet de loi d’orientation des mobilités, qui donnera de nouveaux outils pour répondre aux besoins de tous les citoyens, dans tous les territoires. En ce qui concerne les dessertes ferroviaires, demain comme aujourd’hui, ce sont bien les régions qui définiront les dessertes, les fréquences et les tarifs pour les services régionaux conventionnés.
Par ailleurs, les dispositions, que M. le rapporteur a rappelées, relatives à la modulation des péages ont été complétées par des possibilités de conventionnement pour les TGV. Ainsi, le maintien de la desserte dans tous les territoires sera garanti.
À mon sens, on ne peut pas parler de « casse » du service public ni de désengagement de l’État, à l’heure où nous nous apprêtons à investir plus que jamais dans le système ferroviaire : un investissement de 36 milliards d’euros au cours des dix prochaines années, c’est 50 % de plus que ce qui a été fait au cours des dix dernières années.
Nous irons encore plus loin en ciblant les investissements de modernisation, qui permettront d’améliorer l’offre rapidement, de manière tant qualitative que quantitative. Ainsi la capacité de la ligne Paris-Lyon sera-t-elle accrue de 20 %.
S’y ajoutera un effort considérable, qui concerne tous les Français, à savoir la reprise de la dette. On en parlait depuis des décennies : le Gouvernement le fait, et, à l’échelle du quinquennat, il assurera cette reprise de dette à hauteur de 35 milliards d’euros. En agissant ainsi, il adresse un véritable message de confiance à notre système ferroviaire, à la SNCF et aux cheminots.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les cheminots et, plus largement, l’ensemble des Français attendent ce débat. Bien sûr, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les élus du groupe du RDSE ne voteront pas cette motion, et pour cause : nous sommes, par principe, hostiles aux questions préalables. (M. le rapporteur opine.)
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. En effet, nous sommes pour le débat, pour la discussion et, le cas échéant, pour la confrontation : discutons, étudions ce texte, et, à la fin, nous voterons et la majorité l’emportera. C’est tout simplement la démocratie.
Voilà pourquoi nous souhaitons prendre le train de la discussion, qui devrait nous conduire à bon port mardi prochain. Peut-être le trajet sera-t-il un peu cahoteux, mais nous ne souhaitons pas faire dérailler le convoi avant le départ ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur Vaspart, monsieur le rapporteur, vous ne cessez de répéter que cette motion aurait pour vocation de clore le débat. C’est assez osé, alors que vos amis députés ont accepté sans broncher que le Gouvernement dépose des amendements sur des sujets cruciaux de cette réforme, comme le statut de la SNCF !
Oui, c’est assez osé de nous dire aujourd’hui que nous refusons le débat !
Monsieur le rapporteur, vous l’avez relevé, nous avons été partie prenante du débat en commission, tout en exposant les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à ce texte.
Je ne peux donc pas accepter cette litanie : à chaque fois qu’une motion est déposée en séance, on nous reproche de vouloir rejeter le débat. Au contraire, nous voulons le débat. D’ailleurs, pour ma part, je regrette qu’il n’y ait pas plus d’amendements que les quelque deux cent cinquante qui sont à examiner en séance.
J’ai suivi les débats à l’Assemblée nationale. Sur les bancs de la droite et de La République En Marche, tous les députés étaient favorables à ce texte, mais il y a eu, sur les mêmes bancs, une multitude d’interventions d’élus pour dire qu’il ne fallait pas toucher à telle ligne de leur département ou de leur circonscription.
Mme Éliane Assassi. Pourtant, in fine, ils ont voté le projet de loi comme un seul homme !
Mme Éliane Assassi. Certes, madame la ministre, c’est cohérent – tout dépend comment on comprend les choses… Pour résumer, les élus en question sont pour le texte, mais ils sont contre la fermeture des petites lignes. Il y a quand même un léger souci dans le raisonnement !
Pour notre part, nous ne baisserons pas la garde. Nous avons déposé une centaine d’amendements, et vous pouvez compter sur nous pour les défendre…
M. Gérard Cornu, rapporteur. Bec et ongles !
Mme Éliane Assassi. … autant qu’il est possible de le faire dans cet hémicycle,…
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Alors, il faut rejeter la question préalable !
Mme Éliane Assassi. … dans le respect de chacune et de chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 327 |
Le Sénat n’a pas adopté. (M. Jackie Pierre applaudit.)
Discussion générale (suite)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’histoire du rail français fait partie intégrante de l’histoire de France. Il s’agit d’un patrimoine national, de ceux qui font la grandeur de notre pays, de ceux auxquels les Français sont particulièrement attachés.
De fait, notre système ferroviaire a toujours compté parmi les meilleurs au monde. Par son maillage extrêmement dense, il est un facteur essentiel d’égalité entre les citoyens et d’unité territoriale. Il assure tant la vitalité des territoires que la cohésion du pays.
Alors que la fracture territoriale et la transition écologique comptent parmi les défis majeurs du siècle, il est primordial de préserver notre réseau et notre excellence ferroviaire.
Pourtant, ce projet de loi est synonyme de retour en arrière. En effet, il y a plus de quatre-vingts ans, la SNCF a été créée pour remédier aux difficultés d’investissements et d’organisation du secteur ferroviaire.
En 1937, pour mettre un terme à la myriade inopérante de petites compagnies privées, le Front populaire décide d’unifier celles-ci en une seule compagnie nationale. Cette décision historique a permis à la SNCF non seulement d’atteindre l’excellence, notamment avec la création du TGV, mais aussi d’achever le maillage du territoire en assurant une nécessaire péréquation entre les lignes rentables économiquement et les lignes rentables socialement.
C’est aujourd’hui précisément cela que menace ce paquet ferroviaire, qui obéit à la délétère idéologie néolibérale. Mais non content de répondre aux exigences européennes d’ouverture à la concurrence, ce projet de loi fait du zèle ! En effet, il n’était nullement besoin de transformer la SNCF en société anonyme. L’opération n’a qu’un seul objectif : permettre demain, par un second texte de loi, l’ouverture du capital de la SNCF et sa privatisation progressive.
Vous ne tromperez personne, cette méthode bien connue a déjà été utilisée pour Renault, France Télécom, EDF-GDF, et j’en passe.
M. Gérard Longuet. Et ça marche bien ! Voyez le résultat !
M. Guillaume Gontard. Même le président de l’ARAFER, instance chargée de superviser la mise en concurrence de l’activité ferroviaire, a reconnu que ce changement de statut n’était pas nécessaire. La seule vertu – si j’ose dire – de ce changement est qu’il oblige le Gouvernement à s’intéresser enfin à la dette de SNCF Réseau, pour ne pas tuer dans l’œuf la future société anonyme.
Cette dette, largement imputable à une stratégie étatique mal pensée du tout LGV, obère toute capacité de rénovation et de modernisation de notre réseau ferré. Or la vétusté de ce dernier est telle que l’on peut s’estimer heureux qu’il n’y ait eu, à ce jour, qu’un seul Brétigny-sur-Orge !
Cités en exemples, l’Allemagne et le Japon ont assumé la reprise de la dette ferroviaire et déployé des investissements massifs dans leur réseau avant la mise en concurrence. Cela aurait dû être le cœur de la réforme : au lieu d’anticiper l’explosion future de la dette, le Gouvernement en éponge le minimum vital tout en contraignant drastiquement les capacités d’investissement de SNCF Réseau.
À ce sujet, il faudra donc nous contenter d’une promesse insuffisante : avec 36 milliards d’euros en dix ans, on est loin des 40 milliards d’euros que l’Allemagne a investis en cinq ans sur son réseau avant d’ouvrir son rail, loin des besoins de nos infrastructures !
Il n’y a d’ailleurs aucun exemple d’ouverture à la concurrence qui ne soit pas un échec sans investissement public massif dans les infrastructures. Plus que le dogme concurrentiel bruxellois, c’est l’investissement public qui explique que les modèles ferroviaires allemand et suédois n’aient pas suivi complètement le catastrophique exemple britannique.
Madame la ministre, pour nous répondre, vous nous direz d’attendre le projet de loi de programmation des infrastructures, mais ce texte est renvoyé aux calendes grecques, tout comme le projet de loi d’orientation des mobilités, alors que nous aurions dû consacrer un débat global aux transports du XXIe siècle !
Oui, la création d’un véritable service public ferroviaire méritait une réforme d’envergure. Or, dans une stratégie bien connue d’écran de fumée, le Gouvernement a préféré concentrer le débat sur le statut des cheminots, une paille qui permettra à la SNCF d’économiser 10 millions d’euros, 15 millions d’euros au mieux ; en revanche, ses agents s’en trouveront un peu plus précarisés… Quelle mesquinerie ! Qu’il est commode de tenter de dresser les Français les uns contre les autres pour démanteler sans bruit le service public, patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
À rebours d’un enjeu comptable, rappelons que ces agents dévoués assurent une mission de service public et ne sauraient être des épouvantails masquant les difficultés de la SNCF. À l’opposé des attaques inacceptables que contient ce projet de loi, les cheminots doivent être confortés dans leur statut. Notre rapporteur lui-même l’a reconnu : loin d’être des privilèges, leurs acquis sociaux devraient être la norme pour tous les travailleurs de ce pays.
Nous remercions les cheminots d’avoir, par le sacrifice d’un mois de salaire, empêché le Gouvernement d’aller au bout de sa logique initiale : la privatisation de la SNCF par ordonnances. Grâce à leur engagement, la potion qui sortira du Sénat sera, je l’espère, un peu moins amère.
Néanmoins, selon une logique libérale bien connue de privatisation des profits et de socialisation des pertes, c’est tout le réseau secondaire qui restera à la charge du contribuable. En reportant le problème sur les régions sans accroître les moyens de ces dernières, on menace de disparition progressive des milliers de kilomètres de lignes.
En Allemagne, ce sont ainsi 10 000 kilomètres de lignes, soit 20 % du réseau, qui ont disparu en vingt ans. En France, Spinetta nous en promet 9 000 !
Une telle perspective est plus qu’alarmante (M. Jean-Paul Émorine acquiesce.) quand on examine les enquêtes d’opinion qui, en France, aux États-Unis ou en Autriche, établissent une corrélation irréfutable entre l’éloignement d’une gare et le vote d’extrême droite. Ce constat a d’ailleurs été relevé il y a quelques instants : supprimer une gare, supprimer une ligne, c’est renforcer ce sentiment d’abandon qui mine la concorde nationale.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Guillaume Gontard. Enfin, deux ans après la signature de l’accord de Paris, comment peut-on encore envisager de remplacer des trains par des cars, des trains de fret par des camions ? Comment peut-on envisager d’accroître nos émissions de gaz à effet de serre ?
La réflexion sur l’avenir de la SNCF doit partir des besoins et non des moyens ; du besoin de mobilité de tous nos territoires et du besoin impérieux de transition écologique.
Chers collègues, vous l’aurez compris, de notre point de vue, ce projet de loi n’apporte pas de solutions aux problèmes actuels du rail français ; pis encore, il les aggravera. Nous sommes loin d’un grand service public du ferroviaire. Partout en Europe, l’ouverture à la concurrence, vendue comme une potion magique, a systématiquement entraîné une augmentation des tarifs, des suppressions de lignes au détriment des territoires, une baisse des services et de la sécurité, ainsi qu’un allongement des trajets.
Madame la ministre, affirmer qu’il en ira différemment chez nous relève du dogmatisme et non du pragmatisme dont vous vous prévalez. Pour toutes ces raisons, vous l’imaginez bien, les élus du groupe CRCE ne voteront pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, contre toute attente, le Sénat aura fini par apporter sa pierre, et peut-être une pierre angulaire, à l’édifice de la réforme ferroviaire.
Cette réforme, la Haute Assemblée l’avait anticipée de longue date. Dès après l’adoption du quatrième paquet ferroviaire, en décembre 2016, nos travaux ont débouché sur une proposition de loi, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur et que le Sénat a adoptée il y a deux mois. Je saisis cette occasion pour féliciter les auteurs de ce texte, Hervé Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre, qui est présent dans les tribunes, pour l’excellence de leur travail, que j’ai tâché de compléter en tant que rapporteur.
Le choix gouvernemental de réformer le ferroviaire par ordonnances a pu faire craindre que tout cela ne demeure platonique. Mais force est de constater qu’il n’en est rien : le Gouvernement a accepté de restreindre le champ des ordonnances pour donner au Parlement la place qui lui revient.
Merci, madame la ministre, de votre capacité d’écoute, qui aura, en particulier, permis de tenir compte de nos travaux puisque, en concertation avec vous, notre commission a enrichi le texte d’amendements directement issus de notre proposition de loi.
L’un de ces amendements est clef. Son adoption permet de réaffirmer le rôle de l’État pour préserver les dessertes d’aménagement du territoire : en vertu de ces dispositions, l’État conclura des contrats de service public pour préserver les dessertes directes, sans correspondance, même pour les lignes à grande vitesse. Il s’agit de garantir que l’ouverture à la concurrence dite « en open access » ne conduira pas à l’abandon des dessertes moins rentables.
Nous avons également repris l’article 7 de notre proposition de loi, relatif à la transmission obligatoire des informations nécessaires aux autorités organisatrices. Sans transmission d’information, il n’y aura pas d’ouverture à la concurrence. Mais cette obligation doit être conciliée avec le secret industriel et commercial. Nous prévoyons donc que la liste des données devant être nécessairement transmises soit fixée par décret en Conseil d’État pris sur avis de l’ARAFER.
Enfin, l’adoption de deux autres amendements a permis de reprendre des dispositions de notre proposition de loi sur des sujets plus techniques et plus pratiques, mais qui ne sont pas anecdotiques pour autant. Il s’agit du transfert des matériels roulants, des ateliers de maintenance et de la vente des billets.
Premièrement, le texte issu de nos travaux prévoit le transfert de la propriété des matériels roulants et des ateliers à l’autorité organisatrice compétente, à la demande de celle-ci.
Deuxièmement, dans la rédaction que nous avons adoptée, ce projet de loi permet à l’usager d’acheter un billet unique, même lorsque la prestation de transport est assurée par plusieurs opérateurs.
Comme je le disais lors de la discussion générale de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, le 28 mars 2018, je suis convaincu que nous transformerons cette ouverture à la concurrence, obligation européenne, en opportunité pour nos transports ferroviaires. Je suis également certain des effets positifs de l’ouverture à la concurrence sur la qualité du service, la fréquentation ou encore la réduction des coûts au profit des usagers. C’est pourquoi nous soutenons, sur le fond, cette réforme.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’ancien rapporteur de la proposition de loi Maurey-Nègre que je suis ne peut que se réjouir de voir ses travaux aboutir. Je veux, à cette occasion, saluer le travail remarquable réalisé par notre rapporteur, Gérard Cornu.
Dans ces conditions, le groupe Union Centriste, que je représente aujourd’hui, soutiendra le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on nous annonçait une révolution ferroviaire, nous avons pour l’instant un beau désordre dans le pays, avec une grève historique qui pénalise tout le monde – les cheminots en premier lieu, mais également les usagers, qu’ils soient voyageurs ou qu’ils aient besoin dans leur activité économique du fret ferroviaire. Profitons de ce débat pour apporter les solutions permettant de sortir de ce conflit par le haut ; c’est possible !
Madame la ministre, je crains que les Français ne soient déçus au lendemain du vote, car le temps ferroviaire est long, très long dans cette industrie lourde, très lourde. Même en 2022, il n’y aura pas beaucoup de signes des changements induits par votre réforme.
En effet, l’offre ferroviaire, bien qu’imparfaite dans notre pays, est abondante, et nos tarifs plutôt faibles – les études réalisées au sein des pays de l’OCDE le montrent. Rien ne dit que l’usager verra les tarifs diminuer, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays ; mais peut-être ciblait-on le contribuable plutôt que l’usager ?
Surtout, la réforme est menée à l’envers. Nous aurions pu avoir une grande loi sur les mobilités, complète et cohérente, qui aurait permis de fixer une trajectoire, notamment financière, au ferroviaire, lequel tient une place cruciale dans la chaîne des mobilités, mais vous mettez la charrue avant les bœufs en commençant par le ferroviaire, le projet de loi d’orientation sur les mobilités, ou LOM n’étant prévu que pour… plus tard !
Quant à la façon de légiférer, cette méthode hétérodoxe ne saurait nous satisfaire. Vous deviez aller très vite et, par ordonnances, décider, imposer et dépasser le temps parlementaire dans une fulgurance jupitérienne, mais depuis les premières annonces vous n’avez fait que reculer.
Premièrement, le Premier ministre, fort du surprenant rapport Spinetta, a eu vite fait de différer la question des petites lignes. Prudence, mes chers collègues, car elles ne sont pas sauvées pour autant…
Deuxièmement, nouvelle reculade, il avait annoncé une nouvelle organisation autour de sociétés anonymes, mais, dès lors que la presse a eu révélé une réunion secrète avec la SNCF ouvrant la brèche à une possible privatisation, le Gouvernement a amendé le texte et a proposé l’incessibilité, alors même que vous aviez émis, madame la ministre, un avis défavorable sur un amendement ayant le même objet à l’Assemblée nationale. Donc prudence encore, mes chers collègues.
Dans le même sens, vous annoncez que, dorénavant, une règle d’or sera observée, mais vous ne faites en réalité qu’améliorer celle qui a été créée avec raison par Frédéric Cuvillier en 2014. Tant mieux !
De même, quant aux ordonnances, le projet de loi comportait huit articles en arrivant à l’Assemblée nationale, et nous voilà au Sénat face à vingt-quatre articles, ce qui donne l’impression de légiférer au doigt mouillé, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État. S’il y a des marges de concertation, c’est sans aucun doute grâce à la pression démocratique…
Enfin, la brutalité des mots du Président de la République et du Premier ministre à l’encontre des cheminots a provoqué, humilié et menacé injustement ces derniers. Les voilà dans la rue, et même devant le Sénat ! Vous êtes les responsables, madame la ministre, du désordre qui règne en ce moment dans le pays.
Pourquoi avoir mis ainsi le feu et avoir voulu le scalp des cheminots et de leur statut, sinon pour anticiper d’autres réformes dans les services publics et préparer la réforme des retraites en tentant de désespérer les résistances à venir ?
M. Jean-Marc Todeschini. Oui !
M. Olivier Jacquin. Avec la réforme de 2014 et le vote du quatrième paquet ferroviaire, l’ouverture à la concurrence était sur de bons rails – la discussion de la proposition de loi Maurey-Nègre l’a montré –, nous n’avions plus besoin que de trois éléments : les dates et le mode d’ouverture à la concurrence et les conditions de transfert du personnel.
Profitons donc de ce débat au Sénat pour sortir au plus vite de ce conflit, en respectant les cheminots, les usagers et les Français. Il suffit pour cela, mes chers collègues – nous avons une proposition –, d’adopter notre amendement visant à conditionner le recrutement au statut à la signature de la convention collective ferroviaire nationale, dont les chapitres étaient pour moitié signés avant le début de cette réforme.
Sachez en effet que, dans les cinq ans à venir – cela va peut-être en surprendre certains –, sur les 130 000 salariés de SNCF, quelques centaines d’agents seulement seront concernés par des transferts ; il y en aura dans tous les cas moins de 1 000, et même, probablement, je le répète, quelques centaines, dont seulement quelques dizaines refuseront un transfert vers un nouvel opérateur. Or la question de ces transferts est la raison de l’acharnement du Gouvernement à brutaliser aussi rapidement les cheminots et leur statut, les faisant ainsi sortir dans la rue.
Le temps ferroviaire est long. Ainsi, en Allemagne, l’ouverture à la concurrence a eu lieu en 1994. Aujourd’hui, vingt-quatre ans après, la Deutsche Bahn conserve la quasi-intégralité des grandes lignes et les trois quarts du marché régional. Nous pouvons donc lever la contrainte qui pèse sur ce débat. Soyons raisonnables, mes chers collègues, adoptons cet amendement et laissons la négociation avancer ; c’est du bon sens.
Par ailleurs, avec la même énergie que pour réformer le statut des cheminots, vous voulez mieux unifier encore le groupe ferroviaire ; c’est bien. Cela prolongerait la réforme de 2014, qui avait notamment permis de mettre fin à la partition stérile qui existait entre Réseau ferré de France, ou RFF, et SNCF.
Vous souhaitez transformer la SNCF en société anonyme, mais, pour cela, il faut désendetter la SNCF et transférer la dette à l’État, c’est la règle. C’est ce que les socialistes n’ont pas fait durant le précédent mandat, ai-je déjà entendu dire par les uns ou les autres. Pourtant, bien des solutions avaient été imaginées. Pourquoi n’avons-nous pas pu reprendre cette dette ? Tout simplement parce qu’il n’était pas possible de le faire. La France avait, début 2012, un déficit public de 5,2 % du PIB, et avait subi un déclassement de sa note par les agences de notation, tout le monde s’en souvient.
Il fallait rétablir les comptes publics, nous l’avons fait et, aujourd’hui, sur la base du budget pour 2017, la France est sortie la procédure européenne de déficit excessif pour la première fois depuis dix ans, ce qui rend possible ce désendettement.
Vous annoncez une reprise de dette à hauteur de 35 milliards d’euros ; c’est un montant tout à fait significatif, mais nous attendons des précisions, et surtout, nous souhaitons que cela soit consigné par écrit parce que d’ici à 2020 et à 2022, de l’eau aura coulé sous les ponts. Qui nous dit en effet que vous ne diminuerez pas alors d’autres contributions de l’État – les liens financiers entre l’État et la SNCF sont nombreux – pour combler la reprise de dette ? Il conviendrait donc d’écrire un protocole d’accord et de définir une nouvelle trajectoire financière sur le long terme, ainsi qu’un nouveau contrat de performance.
Rien ne nous dit d’ailleurs que cette réforme permettra de sortir de la logique malthusienne qui prévaut dans le rail français depuis des décennies. On coupe de petites lignes, on réduit des vitesses de circulation, on supprime certains services et, ainsi, on limite l’offre. Le rapport Spinetta expliquait bien cette logique selon laquelle on suggère de compenser une dette et des pertes d’un côté par, de l’autre côté, une suppression du réseau, 30 % de celui-ci ne supportant que 2 % des voyageurs. À Bercy, dans un tel cas, on coupe ; Spinetta le proposait aussi.
C’est cela, la logique malthusienne.
En agissant ainsi, on limite l’effet de réseau du rail ; quand on réduit le service à l’extrémité d’une ligne, parce qu’il est moins fréquenté, on n’incite pas le recours au train sur le début du parcours, parce qu’on provoque une rupture de charge. On entre alors dans une spirale infernale…
Ceux qui ont vu l’effet du cadencement réussi, dans certaines régions, sont étonnés : avec une augmentation de l’offre, il est possible de diminuer les coûts unitaires. C’est ainsi dans les industries de réseau, plus la voie est utilisée, plus il y a de passages de trains – fret ou voyageurs –, plus les coûts unitaires baissent, car on travaille, in fine, au coût marginal. C’est mathématique. C’est possible, certains pays y parviennent.
Le Gouvernement nous vante souvent le modèle allemand, mais, si on l’observe bien – je me suis rendu outre-Rhin –, je ne suis pas sûr qu’il mérite tant d’éloges. J’aurais préféré que votre réforme soit inspirée du modèle suisse – je suis également allé en Suisse –, un modèle d’intermodalité, de ponctualité et de complémentarité entre le transport de voyageurs et le fret. Mais voilà, la Suisse est un pays trop petit, trop montagneux et trop riche, me dit-on. Pourtant, elle représente, avec le Japon, où je ne me suis pas encore rendu (Sourires.), un modèle ferroviaire extrêmement pointu. Dans les deux cas, il y a un État stratège fort, qui a une programmation financière de long terme, et qui s’y tient, et un réseau en bon état parce qu’il a beaucoup investi.
Oui, il est possible de porter une ambition pour le ferroviaire et pour les mobilités dans un pays développé, c’est une question de volonté politique ; nous n’en voyons pas de telle ici. En effet, votre projet de loi – c’est sa faiblesse – ne prévoit pas de résoudre l’inégalité de traitement que subit le transport ferroviaire, pourtant vertueux et dans lequel l’usager paie l’infrastructure, par rapport aux modes routier ou aérien.
Seul le report modal permettra de relever le défi climatique et d’atteindre l’objectif qu’une autre loi de votre gouvernement nous a fixé pour 2030.
Seul le report modal permettra de mieux organiser le flux routier en traitant la question du fret, bien trop peu abordée dans le présent texte. Quand il est moins cher de traverser le pays en avion ou en bus qu’en train, il faut se poser des questions !
Je conclus en vous rappelant les trois axes de progrès qui guident les travaux du groupe socialiste et républicain.
Le premier axe est celui de l’aménagement du territoire et de la poursuite de la décentralisation. Cette réforme doit permettre plus d’égalité entre les hommes et entre les territoires, car il n’y a pas de petit territoire. Ces aspects sont encore insuffisamment garantis du point de vue tant des moyens financiers que de la définition fine des petites lignes.
Le deuxième axe est le respect des cheminots et des travailleurs des transports.
Enfin, troisième axe, nous nous battrons pour conserver une maîtrise publique des services publics. Pas question de brader au plus offrant notre patrimoine commun !
Madame la ministre, mes chers collègues, tous ensemble, dynamisons le ferroviaire, ne dynamitons pas la SNCF ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aujourd’hui la question de l’avenir du rail français est sur toutes les lèvres.
Il y a quatre-vingt-quatre ans, la SNCF était créée avec la volonté d’organiser le maillage du territoire. Ce formidable système a vieilli, il s’est dégradé. Il faut donc le réformer. Le présent projet de loi entend répondre à cette nécessité.
Le réseau ferroviaire français souffre d’un sous-investissement depuis la fin des années soixante-dix en raison d’arbitrages budgétaires politiques – de tous les horizons ! – et qui ont favorisé, au détriment de l’entretien du réseau existant et des petites lignes, la construction de lignes à grande vitesse, car chacun voulait la sienne. Ayant siégé pendant quatre ans au conseil d’administration de RFF, j’ai vu comment les choses se passaient…
Le réseau classique souffre aujourd’hui « des prémices d’une dégénérescence ». Quelque 25 % des voies ont dépassé leur durée de vie normale, et l’effort de rénovation coûterait à lui seul 3 milliards d’euros.
À ce double constat de dégradation et de baisse de la qualité de service s’ajoute une troisième inquiétude : l’ouverture à la concurrence prévue par les textes européens. La SNCF devra se moderniser pour ne pas rester 30 % plus chère que ses concurrents étrangers.
Le Gouvernement, avec ce texte, se fixe aujourd’hui quatre objectifs.
Le premier objectif est la remise à niveau du réseau pour améliorer la ponctualité des trains. C’est le fameux engagement de plusieurs millions d’euros investis tous les jours pendant dix ans. C’est un effort sans précédent, de 50 % supérieur à celui qui a été consenti au cours de la décennie précédente.
Le deuxième objectif est l’ouverture à la concurrence, qui vise à favoriser la baisse des prix. L’État se fonde sur des exemples étrangers qui ont montré que l’ouverture à la concurrence occasionnait une baisse des prix des billets.
Le troisième objectif est la nouvelle configuration du champion français, réorganisé en un seul groupe uni. Il est toutefois hors de question de privatiser la SNCF, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable l’a d’ailleurs confirmé à l’unanimité.
Enfin, le quatrième objectif est la modernisation de la SNCF pour la préparer au monde de demain. Il faut l’armer, et chacun devra faire des efforts : au Gouvernement, la reprise de 70 % de la dette du groupe ; à la SNCF, la fin du statut des cheminots pour les nouveaux entrants.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires défendra une quinzaine d’amendements au cours des débats. Nous avons notamment tenu à inscrire le respect des engagements de lutte contre le changement climatique dans cette modernisation, à assurer une juste représentation des usagers et des associations environnementales dans les instances décisionnelles, à rendre transparente la vente des billets via le contrôle de l’ARAFER, à soumettre à l’avis des collectivités la création ou la suppression de dessertes sur leur territoire, à instaurer une représentation des usagers et des associations agréées au sein de l’ARAFER.
Tous ces engagements s’inscrivent dans l’objectif de la réussite de l’ouverture à la concurrence, qui ne pénalise ni l’aménagement du territoire, ni nos politiques de préservation de l’environnement, ni la qualité de service public attendu par nos compatriotes. C’est la raison pour laquelle nous espérons que nos amendements seront adoptés pour améliorer le texte.
Quoi qu’il en soit, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi qui a tant fait parler de lui ne saurait masquer davantage une grande duperie. C’est le pyromane qui appelle au feu, dirait-on au café du commerce : ceux-là même, qu’ils fussent socialistes ou membres des Républicains, qui votèrent au Parlement européen l’ouverture de la SNCF à la concurrence européenne, prévue depuis 2005, sont aujourd’hui obligés, après avoir été ripolinés « En Marche », de reconnaître leur forfaiture.
Ils sont dès lors responsables et coupables, ces politiques au pouvoir depuis vingt ans, tous fidèles agents de la Commission européenne, qui dicte ses lois ultralibérales et brise les monopoles d’État, comme c’est le cas de la SNCF.
Ce qui est en route, mes chers collègues, c’est bien la privatisation du rail. Ce gouvernement de la basse besogne européiste se charge de démanteler les derniers services publics au nom de la loi suprême de la concurrence libre et non faussée.
Or, derrière ce verset de la religion laïque et obligatoire de l’ultralibéralisme, apparaît ce dont les Français ne veulent pas : la dérégulation sauvage, la mobilité forcée, le déracinement économique et social.
M. Raymond Vall. Un verset laïque ?
M. Stéphane Ravier. Seniors responsables de la dette, fonctionnaires qui seraient des privilégiés, étudiants qui s’accrochent à leur allocation pour le logement, l’APL, « mâles blancs » qui n’ont plus droit de cité, ou encore cheminots qui auraient endetté la SNCF : cette méthode utilisée par le Gouvernement qui consiste à culpabiliser les Français, à les dresser les uns contre les autres, est tout bonnement insupportable.
Vos maîtres mots, ou plutôt devrais-je dire, les mots de vos maîtres, sont efficacité, rentabilité et profit, quand l’aménagement du territoire et l’égalité entre les citoyens riment avec mobilité, solidarité et proximité.
Pour faire vivre équitablement et durablement la France dans toute sa diversité territoriale, nous avons besoin de petites lignes ferroviaires, quitte à ce qu’elles soient déficitaires. Le service public n’est issu ni d’un ancien ni d’un nouveau monde : il est intemporel car universel. Il est le garant de l’égalité, et son unique profit réside dans le bien-vivre partout où l’on se trouve sur le territoire national. C’est une tradition, un art de vivre à la française qui ne correspond évidemment pas à votre logiciel, madame la ministre.
Par votre réforme, vous approfondissez encore un peu plus la fracture territoriale et, par là même, la fracture entre les Français. La grande grève n’a que deux conséquences néfastes : prendre en otage les Français qui travaillent, et faire passer le Gouvernement pour un grand réformateur, alors que celui-ci ne répond absolument pas aux problèmes de la SNCF.
L’État reprendrait la dette à son compte en échange de l’abandon du statut de cheminot et de l’adoption des autres modalités du démantèlement pur et simple de la SNCF. Non, définitivement non, cela ne nous semble pas adapté, comme ne sont plus adaptés ni plus crédibles ces syndicats qui voudraient incarner une opposition à Emmanuel Macron alors qu’ils se sont époumonés il y a une année à peine pour que ce même Macron puisse devenir, réforme de la SNCF sous le bras, le locataire de l’Élysée.
Mme Éliane Assassi. C’est toujours la même litanie !
M. Stéphane Ravier. Camarades du Sénat, le banquet à l’Élysée, vous l’avez voulu,…
Mme Éliane Assassi. Nous ne voulions pas du vôtre !
M. Stéphane Ravier. … eh bien, vous l’avez désormais ! Et nous l’avons pour cinq ans ferme, car je crains que la peine ne soit pas réduite.
À l’inverse de cette réforme, mes chers collègues, nous devons reprendre le contrôle de la SNCF et investir massivement dans le secteur ferroviaire, pour les voyageurs comme pour le fret.
M. le président. Veuillez conclure.
M. Stéphane Ravier. À cette privatisation rampante, nous opposons l’État stratège, le patriotisme économique et social et l’égalité entre les Français.
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Il a bien déraillé !
M. le président. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, après plusieurs semaines de discussions et de tension, et avec une grève en pointillé qui se poursuit, le Sénat se réunit aujourd’hui pour entamer l’examen d’un projet de loi majeur qui doit permettre de réformer en profondeur le deuxième plus grand réseau ferré d’Europe.
Quel en est l’enjeu principal ? Il est de rendre plus efficace, plus pérenne, plus performant, plus attractif notre système ferroviaire.
Cette réforme intéresse nos concitoyens en tant qu’usagers d’abord, car ils ont conscience de l’importance du train en termes de lien social et de maillage territorial, et en tant que contribuables ensuite, puisque 13 milliards d’euros de dépenses publiques sont alloués chaque année au ferroviaire. À ce tarif, et compte tenu de l’importance du train dans la vie de bon nombre de Français, ils sont en droit d’exiger un service complet et de qualité.
Il s’agit effectivement d’une mission de service public vitale, du point de vue de l’accès de tous au transport, de la réduction des gaz à effet de serre et du maillage territorial. Il est donc essentiel d’aborder cette discussion sous l’angle de l’aménagement du territoire. J’ai la conviction qu’un tel service peut aller de pair avec une gouvernance plus efficace et des finances assainies.
Je partage sur ce point avec le Gouvernement le souhait que la nécessaire reprise de la dette de la SNCF s’accompagne d’efforts substantiels, notamment d’organisation, pour une trajectoire financière durablement équilibrée.
Nous avons donc pour mission cette semaine de tenir nos engagements envers nos concitoyens : bâtir le rail du XXIe siècle en défendant les territoires et en garantissant la continuité d’un service public essentiel.
L’une des raisons qui nous amènent à débattre de ce projet de loi, hormis la définition d’un cadre nécessaire à l’ouverture à la concurrence, est l’absence totale d’État stratège depuis plus de trente ans dans le domaine de l’aménagement du territoire, que ce soit en matière de choix de desserte ou de financement des infrastructures. Des investissements massifs ont été réalisés sur les lignes à grande vitesse au détriment des trains du quotidien et de ceux qui maillent les territoires.
Or, vous l’avez vous-même rappelé, madame la ministre, nous devons nous astreindre à une exigence de justice territoriale. Sur les travées de la Haute Assemblée et dans chaque région et chaque département de France, ce nouveau pacte ferroviaire fait l’objet d’un examen particulièrement attentif, car les grandes et les petites lignes, quelles qu’elles soient, sont essentielles au lien territorial et social.
En ce qui concerne les TGV, c’est le principe de l’open access qui a été choisi pour s’appliquer à partir de décembre 2020. Les TGV desservent plus de deux cent trente villes avec un certain nombre de sillons peu ou non rentables. Considérant que la modulation des péages à elle seule ne suffirait pas à maintenir les dessertes actuelles, la commission a introduit dans le texte la possibilité pour l’État de conclure un contrat de service public afin de sécuriser l’engagement des opérateurs sur les liaisons déficitaires. Est également proposée la remise d’un rapport au Parlement sur la classification des lignes les moins circulées du réseau.
Afin de compléter ces mesures et d’établir un état des lieux fondé sur des réalités concrètes, le groupe du RDSE a déposé un amendement visant à faire établir par SNCF Mobilités une comptabilité analytique par liaison de l’ensemble des services non conventionnés, car un travail régulier d’actualisation doit être fait.
Plusieurs dispositions ont été adoptées en commission pour permettre aux régions d’être davantage consultées, par exemple dans le cas de la définition des tarifs maximaux ou de la transmission des informations, pour des appels d’offres plus proches des besoins et des réalités.
Nous souhaitons aller plus loin et répartir la charge du démantèlement du matériel entre SNCF Mobilités et les autorités organisatrices de transport. Il serait incompréhensible de faire peser ce surcoût sur les seules collectivités.
J’en viens aux mesures qui concentrent une bonne partie des crispations des représentants du personnel, les mesures relatives à l’avenir des salariés de la SNCF. Madame la ministre, vous avez indiqué que la question du recrutement au statut de cheminot dans un monde ouvert à la concurrence se posait naturellement. Si je partage sur ce point votre désir de cohérence et d’équité, il ne faut pas laisser penser que c’est ce statut qui expliquerait la dette abyssale de la SNCF.
Une convention collective sera conclue d’ici au 1er janvier 2020 pour fixer les conditions communes à l’ensemble des personnels recrutés après cette date dans le secteur du transport ferroviaire. Le groupe du RDSE restera vigilant quant à l’engagement de l’État dans cette phase.
Pour ce qui concerne le personnel transféré dans le cadre d’un changement d’opérateur, le projet de loi transmis au Sénat ne permettait pas d’obtenir des garanties suffisantes. Les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont donc choisi de préciser les conditions de transfert, de favoriser le volontariat en l’étendant à l’ensemble de la région et de confier à l’ARAFER la gestion des différends dans ce domaine.
Étant élu d’une région particulièrement étendue, je souhaite toutefois que soient limitées au département et aux départements limitrophes les offres d’emploi proposées aux salariés en cas de refus d’un transfert.
J’aimerais terminer en revenant à ceux que j’évoquais en commençant, les usagers, car ils sont au cœur de cette réforme. La garantie d’un service public fiable et de qualité doit être notre priorité. En ce sens, le groupe du RDSE est bien évidemment favorable à l’inscription dans la loi du caractère incessible des capitaux de la SNCF ; cette belle entreprise nationale doit rester dans le giron de l’État !
Nous sommes également favorables à la création d’un système commun d’information des voyageurs et de vente de billets ; l’usager doit rester au centre de l’organisation du ferroviaire sans pâtir de la multiplication des acteurs. Il doit pouvoir acheter un billet unique même lorsque la prestation de transport est assurée par plusieurs opérateurs.
De la même façon, la proposition de création d’un groupement d’intérêt public pour coordonner les actions des opérateurs en matière de sécurité nous semble être une bonne garantie.
Je souhaite enfin saluer le travail constructif réalisé en commission, qui a permis d’enrichir considérablement le texte puisqu’une centaine d’amendements ont été adoptés. Nous espérons que les échanges se poursuivront en séance publique. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Bories. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Bories. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à féliciter, au nom du groupe Les Républicains, notre rapporteur, Gérard Cornu, pour la qualité de son travail et sa très grande implication sur un projet de loi pour le moins technique et particulièrement délicat.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Pascale Bories. Nous le savons tous, la France, qui a une longue tradition de monopole, n’a jamais manifesté une ferveur excessive face à la libéralisation du transport ferroviaire.
L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs est toutefois devenue inéluctable depuis l’adoption du quatrième paquet ferroviaire en décembre 2016. Cet ensemble de textes européens impose dès le 3 décembre 2019 l’ouverture à la concurrence des services conventionnés, à savoir, en France, les TER et les trains d’équilibre du territoire.
Concernant les services commerciaux – les TGV –, cette libéralisation devra être prévue par la loi à compter du 1er janvier 2019 pour une application effective dès le 14 décembre 2020 et un début de l’horaire de service en 2021.
Aussi était-il impératif de définir au plus vite le cadre de cette réforme majeure pour permettre aux différents acteurs, mais surtout à l’opérateur historique, de s’y préparer dans les meilleures conditions. À défaut, c’est tout notre système ferroviaire qui serait fragilisé.
Le groupe Les Républicains est bien évidemment favorable au principe d’une réforme de notre système ferroviaire, ainsi qu’à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs. En effet, loin de représenter une contrainte, nous pensons que cette obligation de mise en concurrence doit être vue comme une formidable opportunité.
Nous ne pouvons ignorer que, si la concurrence progresse partout en Europe sur le trafic intérieur des États membres, la France ne pourra pas rester isolée et se targuer d’une sorte d’exception française de moins en moins facile à défendre, a fortiori lorsque la SNCF opère déjà sur des marchés étrangers.
Nous le savons bien, cette concurrence sera sans doute limitée et progressive ; mais la prudence et la lucidité obligent tous les opérateurs à s’y préparer.
Le travail en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a permis d’enrichir et de renforcer le texte transmis par l’Assemblée nationale : désormais, le projet de loi prévoit toutes les conditions d’une ouverture réussie à la concurrence.
D’abord, une nouvelle organisation de la SNCF. Je pense notamment à la transformation des établissements publics du groupe public ferroviaire en sociétés anonymes à capitaux publics, ainsi qu’à la filialisation de Gares & Connexions au sein de SNCF Réseau, avec incessibilité des titres du capital, comme le propose la commission.
Ensuite, le renforcement des garanties offertes aux salariés. Nous avons, bien sûr, entendu les inquiétudes légitimes des salariés de SNCF Mobilités quant aux conditions de leur transfert à de nouveaux opérateurs. Le cadre du transfert de personnel a ainsi été sécurisé, et les droits garantis aux salariés transférés, renforcés.
Par ailleurs, le maintien d’un haut niveau de sécurité et de sûreté au sein de notre système ferroviaire a été abordé.
Enfin, le projet de loi prévoit la préservation des dessertes TGV utiles à l’aménagement du territoire. Sénatrice du Gard, représentant les territoires, je serai très attentive au maintien de dessertes directes vers les villes moyennes, mais aussi des lignes secondaires, qui feront l’objet de futurs débats.
Je citerai l’exemple de la nouvelle gare TGV Nîmes-Pont du Gard, dont les travaux ont débuté en 2017, pour un coût de 95 millions d’euros, dont 22 millions financés par la région et 8 millions par la métropole de Nîmes.
À cela s’ajoutent deux projets de réouverture de ligne, particulièrement attendus par la population et les élus et déjà engagés financièrement par la région Occitanie : la ligne de la rive droite du Rhône, qui desservira non seulement le premier bassin industriel du Gard, mais aussi les points touristiques importants entre la Drôme et Nîmes, en passant par Villeneuve-lès-Avignon et le pont du Gard, pour plus de 2 600 voyageurs estimés par jour ; et la ligne Alès-Bessèges, suspendue en 2012 par manque de rénovation et qui était très utilisée, notamment par les lycéens.
Par ailleurs, je tiens à saluer la décision du conseil régional d’Occitanie de maintenir sa confiance à notre opérateur historique en signant, en avril dernier, une nouvelle convention pour les huit années à venir.
Ces exemples, madame la ministre, sont la preuve que nos collectivités territoriales savent s’engager dans des projets structurants pour nos territoires, mais aussi auprès de notre opérateur national.
Mes chers collègues, au-delà des moyens financiers nécessaires pour maintenir notre patrimoine ferroviaire et le moderniser, nous devons avoir une véritable vision pour notre système ferroviaire. Cette vision doit, nous en sommes convaincus, passer par un assainissement financier de SNCF Réseau et par l’ouverture à la concurrence pour stimuler la SNCF, afin d’améliorer sa compétitivité, mais aussi de rendre un meilleur service aux usagers.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera le projet de loi.
Madame la ministre, vous avez souligné que notre commission avait utilement enrichi ce texte. Je tiens à vous en remercier. Nous espérons que vous saurez convaincre nos collègues députés, afin que nous aboutissions à une commission mixte paritaire conclusive ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Michèle Vullien et M. Yves Détraigne applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. René Danesi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. René Danesi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis que la réforme ferroviaire est en marche, nous entendons que l’ouverture à la concurrence détruirait un service public de qualité. Le Royaume-Uni est le contre-exemple abondamment cité par le chœur des pleureuses. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Je m’attacherai à remettre quelques pendules à l’heure,…
M. Roland Courteau. Ah !
M. René Danesi. … à l’aide d’un rapport officiel, présenté en mars dernier et passé sous silence. En effet, il va à l’encontre de toutes les contrevérités propagées.
Je veux parler du rapport de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER. Cette autorité a dressé un panorama objectif des effets de l’ouverture à la concurrence dans les douze pays européens où elle a déjà été réalisée.
En quatre minutes, je ne pourrai pas parler des douze pays ; je limiterai donc mes comparaisons au Royaume-Uni, si souvent cité, et à l’Allemagne, avec seulement quatre critères d’analyse.
Premier critère : la sécurité. De ce point de vue, l’Allemagne comme le Royaume-Uni affichent moins d’accidents de trains que la France, relativement au niveau de leur trafic ferroviaire.
Deuxième critère : la fréquentation. Avec l’ouverture à la concurrence, elle a plus que doublé au Royaume-Uni entre 1994 et 2015, avec une hausse moyenne annuelle de 6 %. En Allemagne, elle s’est accrue de 29 % sur la même période.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
M. René Danesi. En France, dans le même temps, alors que l’évolution générale de la mobilité aurait dû se traduire par une hausse de la fréquentation, celle-ci a baissé au profit des autres moyens de transport : voitures particulières, autocars Macron et avions, notamment.
Troisième critère : la ponctualité. Arrivent à l’heure, 90 % des trains britanniques, contre 78 % avant l’ouverture à la concurrence dans ce pays. Du côté de la SNCF, en 2016, le pourcentage de retard moyen des TER était de 10 % ; pour les TGV, il était de 18 % en moyenne, mais atteignait 25 % lors de la pointe du vendredi après-midi. Au total, 11 % des trains ont accusé un retard supérieur à six minutes.
Quatrième critère : les coûts d’exploitation. Ils ont baissé de 20 à 30 % en Allemagne entre le début de la libéralisation et 2015, sans que le niveau de service s’en ressente, au contraire. En revanche, en Grande-Bretagne, il faut constater que les coûts d’exploitation ont effectivement progressé de 25 %. En effet, la façon désordonnée dont la libéralisation a été menée a conduit à mettre en concurrence l’opérateur historique avec un trop grand nombre de sociétés privées, permettant ainsi aux cheminots, plus particulièrement aux conducteurs de train, trop peu nombreux, de monnayer leurs services au plus offrant.
En définitive, et malgré tout ce qu’on lit à propos de la Grande-Bretagne, l’indicateur trimestriel de l’autorité de régulation britannique fait apparaître un taux de satisfaction des usagers de 83 % en 2017.
La conclusion de l’ARAFER est la suivante : « Lorsque les pays européens ont utilisé l’ouverture à la concurrence comme un instrument visant à relancer le transport ferroviaire de voyageurs, cet instrument a porté ses fruits. Il a contribué à une amélioration parfois spectaculaire de l’offre, des performances, de la qualité de service et du prix payé par l’usager. »
C’est la raison pour laquelle nous voterons ce projet de loi, que le Sénat va encore améliorer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Annick Billon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer l’action du Gouvernement, qui a engagé une réforme ambitieuse et trop longtemps attendue pour préparer l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire.
Cette réforme est nécessaire pour préparer la SNCF à l’ouverture du marché. Comme le pointe le rapport de Jean-Cyril Spinetta, l’entreprise publique ne répond pas, en l’état actuel, aux critères de compétitivité. Or nous avons besoin de cette compétitivité pour offrir à nos compatriotes, par la réduction des coûts d’exploitation, plus de trains et plus de services, avec des billets à prix raisonnable.
Chers collègues du groupe communiste, nous souhaitons, comme vous, un avenir pour la SNCF : nous pensons qu’il passe par une réforme et un ajustement indispensables !
Mme Éliane Assassi. Une réforme, oui, mais pas celle-ci !
Mme Fabienne Keller. Des efforts sont donc à mener, mais tout ne doit pas reposer sur cette logique financière, notamment en ce qui concerne le volet social et l’aménagement du territoire.
Pour ce qui est du volet social, je tiens, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, à saluer le travail de la commission, qui, en étroite coopération avec le Gouvernement, madame la ministre, a apporté des garanties supplémentaires aux cheminots qui quitteront le statut ou souhaiteront y revenir.
Nous en parlerons en détail dans la discussion du texte de la commission, mais je veux dès à présent souligner la compétence et l’engagement remarquables des cheminots ; je pense notamment à ceux qui travaillent dans des conditions contraintes, sur les chantiers de modernisation de nos gares et de nos réseaux.
En matière d’aménagement du territoire, la vigilance fait partie de l’ADN du Sénat. Cela m’amène à parler des petites lignes et des dessertes TGV.
Le texte qui nous est soumis ne traite pas directement des petites lignes, mais, nous le savons, celles-ci sont de plus en plus menacées par un manque d’investissement, donc d’entretien.
Ces lignes moins rentables, ce sont avant tout des dessertes des territoires ruraux. J’aime à citer la liaison Strasbourg–Saint-Dié-des-Vosges, qui permet le désenclavement de toute une vallée et comporte des ouvrages d’art remarquables ; elle relève d’un service public qu’il est indispensable de préserver.
L’article 3 quater du projet de loi prévoit justement que le Gouvernement remette au Parlement une évaluation de ces lignes. Je propose, madame la ministre, d’aller un peu plus loin, en prévoyant l’établissement d’une typologie tenant compte de l’état physique, de la fréquentation et du nombre de voyageurs de chaque ligne, en plus de leur contribution à l’aménagement du territoire, déjà inscrite dans le texte. La comptabilisation du nombre de voyageurs devrait tenir compte de la saisonnalité éventuelle : certaines lignes importantes pour des territoires sont utilisées à différentes périodes de l’année.
Madame la ministre, l’État doit apporter des garanties quant au maintien de ces lignes. Ce sont certes les régions qui ont compétence pour les exploiter, mais l’État doit assurer, au moins en partie, le financement des investissements. Je crois que vous l’avez vous-même dit, madame la ministre : l’État a trop souvent fait défaut dans la mise en œuvre des contrats de plan successifs, ce qui a entraîné – plusieurs d’entre nous le savent trop bien – la baisse des vitesses maximales de circulation, donc l’augmentation des temps de transport sur de trop nombreuses sections.
Je souhaite dire un mot des gares, car ce sont des lieux de vie précieux à toutes les échelles. Elles pourraient être de nouveaux cœurs de ville dans les petites villes, les villes moyennes et les métropoles. Je forme le vœu que nous promouvions tous ensemble une vision ambitieuse des gares, nouveaux centres-villes. Nous en parlerons à l’article 4.
Enfin, j’en viens à la desserte fine des territoires par les TGV.
Une part importante des deux cent trente villes actuellement desservies ont été pointées comme non rentables par le rapport Spinetta. Je n’accepte pas cette qualification. Ces dessertes ont souvent été la contrepartie des financements apportés par les collectivités publiques aux lignes à grande vitesse ! (Mme Marie-Thérèse Bruguière opine.)
M. Michel Vaspart. Exactement !
Mme Fabienne Keller. Je présenterai donc un amendement tendant à faire de cet engagement un critère pour l’adaptation des péages ferroviaires, afin d’assurer la desserte de ces villes.
J’ai entendu qu’étaient envisagés des contrats spécifiques, mais j’ai une forme de prudence à l’égard de tels contrats. On a vu ce qu’il est advenu des Intercités, qui ont été, voilà de longues années, la contrepartie de la mise en service des lignes TGV.
Tout l’enjeu est de permettre l’irrigation de nos territoires par les TGV. On sait bien que, pour les villes qui disposent d’un arrêt TGV, cette liaison est tout à fait stratégique en termes d’image et de qualité de desserte.
Madame la ministre, j’invite donc le Gouvernement à s’engager fermement pour la préservation des petites lignes et le maintien de l’ensemble du maillage TGV ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur, ainsi que MM. Alain Richard et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues :
« Il est facile de prendre un train, encore faut-il prendre l’bon
« Moi je suis monté dans deux-trois rames, mais ce n’était pas l’bon wagon
« Car les trains sont capricieux et certains sont inaccessibles
« Et je ne crois pas tout le temps qu’avec la SNCF c’est possible ».
Cet extrait des Voyages en train de Grand Corps Malade résume assez bien le lien si étroit, si particulier, qui unit notre pays avec le ferroviaire.
Car nous entamons l’examen d’un projet de loi dont l’aspect emblématique n’échappe à personne, ne serait-ce qu’au regard du mouvement social inédit que traverse notre pays depuis plusieurs semaines et de l’attente très forte de nos concitoyens de voir la réforme ferroviaire menée à son terme.
À ce stade, je veux réaffirmer notre attachement profond et sincère à celles et ceux qui sont les artisans de notre grand service public ferroviaire et qui le font vivre chaque jour : je veux bien évidemment parler des cheminots.
Mais, nous le savons bien, notre système ferroviaire est aujourd’hui en bout de course. L’ouverture à la concurrence qui se profile à l’horizon nous donne une occasion unique de repenser complètement, de refonder intégralement notre logiciel ferroviaire, dans un souci d’efficacité, de modernité et de justice sociale.
Efficacité, car celle-ci est aujourd’hui remise en cause par les usagers ou par telle ou telle autorité organisatrice de transport avec laquelle nous avons pu échanger ces dernières semaines.
Modernité, car la SNCF ne peut pas faire l’économie d’une refondation globale dans un monde en perpétuel mouvement.
Justice sociale, car ici nous sommes toutes et tous attachés à notre grand service public ferroviaire et aux conditions de travail des cheminots.
Tous ces défis se retrouvent dans le texte qui nous est proposé, un texte qui est le fruit d’une volonté collective.
Je tiens, madame la ministre, à saluer votre volonté, votre engagement de mener cette réforme dans un souci de dialogue et d’écoute permanent. Je ne saurais passer sous silence l’engagement personnel du Premier ministre dans ce dossier, qui témoigne de la dimension collective qui anime le Gouvernement.
Je veux aussi saluer notre président de commission, Hervé Maurey, et notre rapporteur, Gérard Cornu, qui ont mis toute leur énergie et tout leur savoir-faire au service de l’élaboration d’un texte qui donne toutes ses chances à la réforme.
Je veux, enfin, saluer toutes celles et tous ceux qui se sont associés au travail collectif : la SNCF, bien sûr, les opérateurs, les usagers, les collectivités territoriales et les organisations syndicales qui ont accepté le dialogue et la confrontation des idées.
La concrétisation de ce travail, c’est ce projet de loi : il fera date, j’en suis convaincu, car il marque le début d’une ère nouvelle pour le ferroviaire et pour notre grande Société nationale des chemins de fer.
Je dis bien : « nationale », pour m’inscrire en faux contre celles et ceux qui ont agité et agitent encore le chiffon rouge de la privatisation. Oui, la SNCF restera bien publique, avec un capital intégralement détenu par l’État et incessible ! Si les mots ont un sens, ceux-ci sont clairs et sans ambages, n’en déplaise aux dogmatiques et censeurs de tout poil et de tous horizons.
Dans ce cadre, l’ouverture à la concurrence est bien une chance pour notre grande SNCF, qui, en revisitant son modèle, va sans conteste ouvrir de nouvelles voies.
L’ouverture à la concurrence, ce n’est pas ce que certains, là aussi, nous ont présenté de manière souvent caricaturale. La concurrence a été un aiguillon positif, qui nous a permis de repenser encore et encore le groupe : voilà ce que m’ont dit hier les nombreux collaborateurs de la Deutsche Bahn que j’ai pu rencontrer à l’occasion d’un déplacement à Berlin avec mon collègue de l’Assemblée nationale Jean-Baptiste Djebbari.
M. Fabien Gay. Nous n’avons pas dû rencontrer les mêmes !
M. Frédéric Marchand. Parmi les principaux enseignements de cette ouverture, nous notons que, partout où elle a été réalisée, la fréquentation ferroviaire a augmenté, et la société nationale s’en trouve confortée.
Mme Éliane Assassi. C’est faux !
M. Frédéric Marchand. Mais l’ouverture à la concurrence n’est pas cette baguette magique qui réglera, d’un coup d’un seul, une situation qui s’est dégradée pendant plusieurs années et dont nous portons collectivement la responsabilité, par les choix d’investissement qui ont été faits.
Oui, l’ouverture à la concurrence doit permettre de mieux irriguer nos territoires, comme il a été dit, et de redonner à l’État et aux collectivités territoriales un rôle éminemment stratégique. C’est ce qui est proposé dans le projet de loi, pour ne laisser aucun territoire à quai ou au bord du chemin.
L’ouverture à la concurrence doit être bénéfique pour toutes et pour tous, notamment pour les usagers, pour qui le ferroviaire est un enjeu essentiel dans le domaine des mobilités du quotidien. Du reste, bien des aspects sont repris dans le texte pour associer davantage les usagers.
L’ouverture à la concurrence doit être bénéfique aussi pour les collectivités territoriales, notamment pour les régions, qui sont déjà des acteurs des mobilités du quotidien et dont le rôle va s’accroître avec cette ouverture. Là aussi, le nouveau pacte ferroviaire apportera des garanties fortes.
L’ouverture à la concurrence doit être bénéfique, enfin, pour cette grande dame qu’est la SNCF. Tous les ingrédients sont réunis dans le projet de loi pour ouvrir une nouvelle page de la vie de l’entreprise. La transformation en SA, les garanties sur la reprise de la dette et la trajectoire financière du groupe et les garanties sociales apportées aux cheminots sont autant d’éléments essentiels.
Sans doute pourrions-nous même aller plus loin, en imaginant, en préambule de la future loi PACTE, que la SNCF soit la première entreprise à responsabilité sociale élargie.
L’État s’engage aussi pour accompagner les négociations relatives à l’élaboration de la convention collective avant le 1er janvier 2020, date de l’arrêt du recrutement au statut. Cet engagement est l’affirmation d’une volonté forte : un État acteur, et non pas simple spectateur !
Enfin, dans ce formidable édifice qui se profile, un sujet doit retenir toute notre attention : les gares.
Comme nombre de mes collègues, je suis de ceux qui partagent la conviction qu’elles doivent jouer, demain, dans ce nouveau cadre, un rôle encore plus important qu’aujourd’hui, qu’il s’agisse des intermodalités ou de l’aménagement de nos territoires urbains ou ruraux. Imaginer de faire des gares de véritables maisons de service public contribuant à la redynamisation de nos bourgs, voilà un beau projet collectif !
Ce nouveau pacte ferroviaire donne le coup d’envoi d’un nouvel âge ferroviaire partagé entre toutes celles et tous ceux qui en sont les acteurs. Il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres, mais de les unir dans une communauté de destin : notre destin, notre grand roman national qui fait ce que nous sommes et que nous sommes regardés et attendus, en France mais aussi en Europe.
Les ingrédients sont sur la table, et nos débats devraient permettre d’en ajouter d’autres. Je ne doute pas un seul instant que le Sénat saura répondre à l’injonction lancée en son temps par Victor Hugo : « Sénateurs, montrez que vous êtes nécessaires ! » Oui, nous le sommes, et nous allons collectivement en faire la démonstration !
Mme Éliane Assassi. Ce qu’il faut, c’est être utile !
M. Frédéric Marchand. Cette nécessité va de pair avec la volonté qui anime le groupe La République En Marche : elle nous conduira à voter en faveur de ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Franck Menonville et Didier Guillaume applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Jean-François Longeot, orateur du groupe Union Centriste, qui a bien voulu me laisser un peu de son temps de parole. En effet, les présidents de commission n’ont malheureusement plus la parole dans la discussion générale, ce que je regrette.
Madame la ministre, voilà deux mois, jour pour jour, que le Sénat a adopté la proposition de loi dont Louis Nègre, que je salue, et moi-même étions à l’origine. Je ne puis que regretter de nouveau que cette proposition de loi n’ait pas été, comme prévu, le véhicule législatif de la réforme ferroviaire. Nous aurions incontestablement gagné du temps et nous ne serions pas réunis aujourd’hui pour débattre à nouveau de dispositions qui, pour certaines, ont déjà été examinées.
La méthode originale que vous avez choisie a été soulignée par les différents orateurs. Elle présente, il est vrai, des inconvénients, à commencer par l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, mais je dois reconnaître que, finalement, comme l’on dit en Normandie, elle est moins pire que ce qui était initialement prévu… En effet, il est quand même mieux de débattre au fond que sur une autorisation donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnance.
Je dois admettre en outre, madame la ministre, que vous avez fait en sorte de nous consulter, de nous associer et que nous avons pu avoir avec vous un dialogue tout à fait constructif. Je le dis d’autant plus volontiers qu’il n’est pas si fréquent avec ce gouvernement que nous ayons le sentiment d’être écoutés, a fortiori entendus.
Néanmoins, madame la ministre, il ne faut pas se voiler la face : nous ne sommes pas d’accord sur tout ! Vous avez parlé de point d’équilibre par rapport au travail du Sénat : j’en suis très heureux, mais, malheureusement, vous avez déposé hier un certain nombre d’amendements visant à revenir sur des dispositions adoptées par la commission qui, loin d’être anodines, sont pour nous essentielles à la réussite de l’ouverture à la concurrence.
En particulier, vous entendez réduire le rôle de l’ARAFER en matière de contrats de performance, de dérogations et de tarification. Vous voulez aussi limiter l’autonomie de Gares & Connexions, que nous avons inscrite dans le texte, ainsi que l’incompatibilité des fonctions de responsabilité entre SNCF Réseau et la holding de tête. Vous souhaitez également modifier le dispositif que nous avons adopté pour le transfert d’informations par SNCF Mobilités à l’autorité organisatrice.
Ces points ne sont pas mineurs, ce qui prouve que, malheureusement, le point d’équilibre auquel vous pensez n’est pas celui de la commission. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Permettez-moi d’insister à mon tour sur les apports du Sénat à ce projet de loi, fruits du travail remarquable du rapporteur.
Sur le volet social, la commission et son rapporteur ont montré que nous avions une approche pragmatique, humaine et responsable. Ce n’est pas parce que l’on revient sur le statut qu’il ne faut pas être humain. Au contraire, il est primordial que le transfert de personnel ait lieu dans de bonnes conditions.
Nous avons voulu aussi conforter le dispositif en matière d’aménagement du territoire, parce que nous pensons que le système de modulation de péage que vous avez fait adopter à l’Assemblée nationale, madame la ministre, n’est pas suffisant. D’ailleurs, le père de cette suggestion, le président de l’ARAFER lui-même, l’a dit voilà une semaine devant notre commission : ce dispositif est certainement utile, mais insuffisant. Aussi avons-nous jugé nécessaire d’inscrire dans le projet de loi un système de conventionnement destiné à préserver les dessertes directes et sans correspondance.
Je me félicite que d’autres dispositions de notre proposition de loi aient été reprises, s’agissant du matériel roulant, de la maintenance et de la vente des billets.
Pour conclure, madame la ministre, je dois dire que je suis assez fier du travail accompli par notre commission et par son rapporteur. Je pense que, après-demain, quand nous aurons achevé l’examen de ce projet de loi, nous pourrons, collectivement, être fiers du travail accompli par le Sénat.
Il faudra s’en souvenir : chacun aura pu constater que le Sénat ne pratique pas une opposition stérile, mais que nous adoptons une approche constructive et pragmatique. À l’approche de la réforme constitutionnelle, il est important que chacun ait bien à l’esprit le rôle essentiel du Sénat et du bicamérisme dans nos institutions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Gérard Cornu, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais, en réponse aux orateurs, préciser la position du Gouvernement.
Monsieur le sénateur Gontard, je vous confirme qu’il s’agit bien d’une réforme globale, et pas simplement de la transposition d’une directive européenne. Oui, le Gouvernement croit utile et nécessaire d’ouvrir à la concurrence, pour proposer à nos concitoyens plus de trains et des trains moins chers et pour faire des régions qui le demandent des autorités organisatrices de plein exercice.
Le Gouvernement entend réaliser cette ouverture en donnant tous les atouts à la SNCF ; tel est bien le sens de la nouvelle organisation proposée pour une SNCF plus efficace, plus réactive et plus responsabilisée.
Nous proposons aussi, en effet, un nouveau cadre social pour les futurs embauchés, à travers une convention collective de haut niveau qui s’appliquera à tous les salariés de la branche.
Je ne pense pas vous convaincre de l’intérêt de ces mesures, mais je m’interroge : alors que des assurances ont été données, pourquoi inquiéter les cheminots en laissant croire que l’intention du Gouvernement et du Parlement serait de privatiser la SNCF ? (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui les inquiétez !
M. Dominique Watrin. Oui, c’est vous !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je pense que ni le Gouvernement ni personne sur les bancs de l’Assemblée nationale ou les travées du Sénat ne veut privatiser la SNCF ! (Protestations redoublées sur les mêmes travées.)
Mme Éliane Assassi. Vous, si !
M. Dominique Watrin. Pourquoi recourir à des ordonnances, alors ?
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, seule Mme la ministre a la parole.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je le redis : pourquoi inquiéter les cheminots, en parlant d’un désengagement, au moment où le Gouvernement propose d’investir plus qu’on ne l’a jamais fait dans le ferroviaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Yves Bouloux applaudit également. – Mme Éliane Assassi s’exclame.) On peut ne pas être d’accord, mais décrivons au moins la réalité telle qu’elle est !
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Pourquoi procéder par ordonnances ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Monsieur le sénateur Longeot, je partage votre conviction que cette réforme permettra des avancées pour nos territoires et pour nos concitoyens, grâce à un meilleur service public ferroviaire.
Je me félicite de la méthode proposée par le Gouvernement : elle a permis de tirer parti du travail accompli par votre assemblée dans le cadre de la proposition de loi de M. Maurey, dont vous étiez le rapporteur.
Monsieur le sénateur Jacquin, il ne m’a pas échappé que le ferroviaire, c’est souvent du temps long ; mais je ne pense pas que cela justifie de différer les réformes. On peut même penser qu’il aurait été utile de démarrer plus tôt…
Je pense que nous nous sommes mal compris sur la méthode : il ne s’agissait pas de faire une réforme ignorant les concertations, les partenaires sociaux et le Parlement. Dès le départ, le Gouvernement a indiqué que nous choisissions cette réforme précisément pour donner du temps à la concertation et toute sa place au débat parlementaire. Je pense que, à la fin de ce débat, nous aurons démontré que c’est bien ce que nous avons fait !
Vous parlez de recul ; je parle, moi, de choix. Ainsi, dès le départ, le Gouvernement a fait le choix d’écarter les propositions de Jean-Cyril Spinetta en ce qui concerne les petites lignes. Je l’ai dit, je le répète : je pense que ces petites lignes sont essentielles pour nombre de nos concitoyens, et le Gouvernement, ainsi qu’il l’a toujours indiqué, continuera d’accompagner les régions pour leur remise à niveau.
J’en viens à l’incessibilité et aux mails qui auraient pu circuler. Je n’ai pas changé d’avis : le texte présenté à l’Assemblée nationale donnait bien les garanties nécessaires, mais, puisque certains veulent agiter les peurs,…
Mme Élisabeth Borne, ministre. … il est utile de dire et de redire que nous voulons tous une SNCF 100 % publique.
Je ne partage pas votre description de l’ouverture à la concurrence, notamment le rythme.
À mes yeux, les mots ont un sens. D’aucuns évoquent la brutalité dont on ferait preuve vis-à-vis des cheminots en ce qui concerne les transferts. Je répète que les cheminots qui sont aujourd’hui à la SNCF garderont leur statut. Ceux qui seront transférés et repris par un autre opérateur emporteront avec eux l’essentiel des garanties du statut : la garantie d’emploi, le régime de retraite, la rémunération – des garanties supplémentaires ont été apportées par votre commission sur le maintien intégral de la rémunération.
Le volontariat – un volontariat encore élargi dans le cadre des travaux de votre commission – est privilégié. Ainsi, les cheminots bénéficieront, s’ils reviennent à la SNCF, d’une possibilité d’opter pour ce statut.
Voilà pourquoi j’ai du mal à accepter le terme de « brutalité ».
Les raisons que vous avez avancées concernant la dette sont sans doute bonnes, mais il en est de même d’autres raisons qui ont pu être développées. Reste que ce gouvernement prend ses responsabilités, au travers d’une reprise de dette de 35 milliards d’euros. Nous faisons ce que nous avons dit, mais nous pourrons évidemment inscrire cette reprise de dette et la future trajectoire financière dans un nouveau contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau.
Monsieur le sénateur Fouché, je vous confirme que l’ambition de cette réforme, c’est bien un meilleur service, un bon aménagement du territoire ou le respect de l’équilibre de nos territoires et, bien sûr, la lutte contre le changement climatique.
Monsieur le sénateur Éric Gold, personne n’a prétendu que le statut expliquait la dette de 45 milliards d’euros de la SNCF. Le Gouvernement a toujours indiqué qu’en cette matière les responsabilités étaient partagées et que ce n’était pas la SNCF qui avait choisi de réaliser des lignes à grande vitesse ayant augmenté son endettement, au détriment d’ailleurs de l’entretien et de la modernisation du réseau, lequel supporte tous les transports du quotidien, essentiels pour la vie de nos concitoyens.
Nous choisissons, pour l’avenir, de proposer un cadre social de haut niveau pour tous les cheminots de la branche.
Madame la sénatrice Keller, je connais votre attachement et votre intérêt pour le rôle essentiel que jouent les gares dans notre système de mobilité. Nous avons vous comme moi une vision ambitieuse. D’ailleurs, le projet de loi d’orientation des mobilités ira dans ce sens, mettant l’accent sur la place centrale des gares et des pôles d’échanges multimodaux pour la qualité de la mobilité de nos concitoyens.
Ce texte comporte des avancées très importantes, avec une réunification des actifs qui sont aujourd’hui partagés entre SNCF Réseau et SNCF Mobilités, ce qui rend très compliquée pour les cheminots sur le terrain la réponse en cas d’incident. Nous allons donc simplifier ce cadre.
Le texte adopté par votre commission prévoit aussi d’associer toutes les parties prenantes à la gouvernance des gares. C’est un enjeu majeur, car les gares constituent non seulement un élément essentiel du système ferroviaire, mais aussi un élément majeur dans la politique de mobilité et, souvent, un élément majeur de développement et d’aménagement urbains.
S’agissant des petites lignes, je ne peux que rappeler l’engagement du Gouvernement au côté des régions pour en assurer la pérennité et garantir l’exécution des contrats de plan, telle que nous nous y sommes engagés.
Monsieur le sénateur Marchand, je vous remercie d’avoir proposé en commission cet amendement sur l’incessibilité. Malheureusement, il n’a pas l’air de rassurer ceux qui ne souhaitent sans doute pas l’être.
Mme Éliane Assassi. Oh !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Monsieur le président Maurey, je me réjouis qu’il y ait encore de la place pour un débat sur ces sujets. Je ne doute pas qu’il sera passionnant. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.
Je rappelle que la discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire
Article 1er A
I. – Le livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 2101-1 est remplacé par dix alinéas ainsi rédigés :
« La société nationale à capitaux publics SNCF et ses filiales constituent un groupe public unifié qui remplit des missions de service public dans le domaine du transport ferroviaire et de la mobilité et exerce des activités de logistique et de transport ferroviaire de marchandises, dans un objectif de développement durable, d’aménagement du territoire et d’efficacité économique et sociale. La société nationale SNCF peut également exercer, directement ou à travers ses filiales, d’autres activités prévues par ses statuts.
« Le capital de la société nationale SNCF est intégralement détenu par l’État. Ce capital est incessible.
« La société nationale SNCF est soumise aux dispositions du code de commerce relatives aux sociétés anonymes, aux autres lois générales qui les régissent ainsi qu’aux autres dispositions particulières prévues par la loi.
« La société nationale SNCF détient l’intégralité du capital de la société SNCF Réseau mentionnée à l’article L. 2111-9 du présent code, ainsi que de la société SNCF Mobilités mentionnée à l’article L. 2141-1. Le capital de ces deux sociétés est incessible.
« Sous réserve des dispositions prévues par la loi, la société nationale SNCF définit l’organisation du groupe public qu’elle constitue avec ses filiales afin d’assurer ses missions.
« Au sein du système de transport ferroviaire national mentionné à l’article L. 2100-1, le groupe public est notamment chargé :
« 1° D’exploiter et de développer, de façon transparente et non discriminatoire, le réseau ferré national conformément aux principes du service public et dans le but de promouvoir le transport ferroviaire en France ;
« 2° D’exploiter et de développer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs et d’autres installations de service reliées au réseau ferré national ;
« 3° D’exercer des missions transversales nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national au bénéfice de l’ensemble des acteurs de ce système, notamment en matière de préservation de la sûreté des personnes, des biens et du réseau ferroviaire ;
« 4° D’assurer des services de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises, nationaux et internationaux. » ;
1° bis (nouveau) À la première phrase du dernier alinéa du même article L. 2101-1, les mots : « aux trois établissements du groupe public ferroviaire » sont remplacés par les mots : « à la société nationale SNCF et à ses filiales » ;
1° ter (nouveau) L’article L. 2101-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2101-2. – I. – La société nationale SNCF et les sociétés relevant des activités exercées au 31 décembre 2019 par le groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … pour un nouveau pacte ferroviaire emploient des salariés régis par un statut particulier élaboré dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et des salariés sous le régime des conventions collectives.
« II. – Sans discrimination liée à leur statut d’emploi ou à leur origine professionnelle, les salariés des sociétés relevant du champ mentionné au I peuvent occuper tout emploi ouvert sur ce périmètre, avec continuité de leur contrat de travail. » ;
1° quater (nouveau) Après l’article L. 2101-2, il est inséré un article L. 2101-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2101-2-1. – La création de filiales par la société nationale SNCF ou ses filiales dans le champ du I de l’article L. 2101-2 ne porte pas atteinte à l’application du statut mentionné au même article L. 2101-2 aux salariés précédemment régis par celui-ci.
« Cette création ne porte pas davantage atteinte, pour l’ensemble des salariés compris dans le champ du I dudit article L. 2101-2, au maintien des conventions et accords collectifs qui leur étaient applicables ainsi que des dispositions réglementaires propres au groupe public et des dispositions propres à toute société du groupe public unifié mentionné à l’article L. 2101-1 ayant pour effet d’accorder un avantage à tout ou partie des salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2261-14, L. 2261-14-2 et L. 2261-14-3 du code du travail. » ;
2° L’article L. 2111-9 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La société SNCF Réseau a pour mission d’assurer, de façon transparente et non discriminatoire, directement ou par l’intermédiaire de filiales, conformément aux principes du service public et dans le but de promouvoir le transport ferroviaire en France dans un objectif de développement durable, d’aménagement du territoire et d’efficacité économique et sociale : » ;
b) Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° La gestion unifiée des gares de voyageurs, à travers une filiale dotée d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière ; »
c) Après le 5°, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« 6° La gestion et la mise en valeur d’installations de service ;
« 7° Des missions transversales nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national, au bénéfice de l’ensemble des acteurs de ce système, notamment en matière de gestion de crise et de coordination des acteurs pour la mise en accessibilité du système de transport ferroviaire national aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ;
« 8° (nouveau) Des missions répondant aux besoins de la défense dans le cadre de la stratégie de sécurité nationale ;
« La société SNCF Réseau est soumise aux dispositions du code de commerce relatives aux sociétés anonymes, aux autres lois générales qui les régissent ainsi qu’aux autres dispositions particulières prévues par la loi.
« À l’exception de la couverture de leurs besoins propres, SNCF Réseau et ses filiales ne peuvent assurer d’activités de transport ferroviaire. » ;
2° bis (nouveau) Après l’article L. 2111-9, sont insérés trois articles L. 2111-9-1, L. 2111-9-2 et L. 2111-9-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 2111-9-1. – La filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 a pour mission d’assurer, conformément aux principes du service public, la gestion unifiée des gares de voyageurs. À ce titre, elle est notamment chargée :
« 1° D’assurer aux entreprises de transport ferroviaire un service public de qualité en leur fournissant, de façon transparente et non discriminatoire, les services et prestations en gares mentionnés à l’article L. 2123-1 ;
« 2° De favoriser la complémentarité des modes de transports individuels et collectifs ainsi que leur coopération, conformément à l’article L. 1211-3 ;
« 3° De contribuer au développement équilibré des territoires, notamment en veillant à la cohérence de ses décisions d’investissement avec les politiques locales en matière d’urbanisme et en assurant une péréquation adaptée des ressources et des charges entre les gares qu’elle gère.
« Elle est soumise aux dispositions du code de commerce relatives aux sociétés anonymes, aux autres lois générales qui les régissent, ainsi qu’aux autres dispositions particulières prévues par la loi.
« Art. L. 2111-9-2. – Les redevances perçues pour la fourniture de services en gares aux entreprises de transport ferroviaire incitent le gestionnaire des gares à améliorer ses performances. Elles peuvent être établies sur une période pluriannuelle ne pouvant pas excéder cinq ans.
« Art. L. 2111-9-3. – La gestion des grandes gares ou ensembles pertinents de gares de voyageurs est suivie par un comité de concertation. Ce comité est notamment composé de représentants du gestionnaire des gares, des autorités organisatrices de transport concernées, des autorités organisatrices de la mobilité et des autres collectivités territoriales concernées, des entreprises de transport ferroviaire et des usagers. Il est notamment consulté sur les projets d’investissement dans et autour de la gare, les services en gare, la coordination des offres et la multimodalité, l’information des voyageurs, la qualité de service et, de façon générale, sur toute question relative aux prestations rendues dans la gare.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret. » ;
2° ter (nouveau) Après l’article L. 2111-10, il est inséré un article L. 2111-10-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 2111-10-1 A. – La filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 conclut avec l’État un contrat d’une durée de cinq ans. Ce contrat détermine en particulier les objectifs assignés au gestionnaire de gares en matière de qualité de service, de trajectoire financière, d’accès des entreprises ferroviaires aux gares, de sécurité, de rénovation et de propreté des gares et de développement équilibré des territoires.
« Le projet de contrat et les projets d’actualisation sont soumis pour avis à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
« Le projet de contrat et les projets d’actualisation ainsi que l’avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières sont transmis au Parlement. » ;
3° L’article L. 2141-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-1. – La société SNCF Mobilités exerce, directement ou à travers ses filiales, des services de transport ferroviaire et d’autres activités prévues par ses statuts.
« Elle exploite, dans ce cadre, les services de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article L. 2121-12.
« La société SNCF Mobilités est soumise aux dispositions du code de commerce relatives aux sociétés anonymes, aux autres lois générales qui les régissent ainsi qu’aux autres dispositions particulières prévues par la loi. » ;
4° (nouveau) L’article L. 2101-5 est ainsi modifié :
a) Les I et II sont ainsi rédigés :
« I. – Un accord collectif négocié au niveau du comité de groupe mentionné au III peut définir les conditions d’exercice du dialogue social au sein d’un périmètre regroupant tout ou partie des sociétés du groupe public unifié défini à l’article L. 2101-1 qui appliquent la convention collective nationale mentionnée à l’article L. 2162-1.
« II. – L’accord mentionné au I peut définir les attributions d’une instance commune dont la composition et les moyens de fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d’État. Par dérogation aux articles L. 2312-78 à L. 2312-81 et L. 2316-23 du code du travail, la gestion d’une part substantielle des activités sociales et culturelles peut être assurée par cette instance. L’accord précité en définit alors les conditions de contrôle et de mutualisation. » ;
b) Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – À défaut de conclusion de l’accord prévu au I du présent article dans un délai de six mois à compter de la constitution du groupe public unifié défini à l’article L. 2101-1 du présent code, les modalités prévues aux I et II sont fixées par décret en Conseil d’État et s’appliquent sur le champ du I de l’article L. 2101-2 du même code. » ;
5° (nouveau) L’article L. 2101-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2101-6. – La condition d’audience prévue à l’article L. 2122-1 du code du travail est déterminée, pour l’instance mentionnée au I de l’article L. 2101-5 du présent code, en additionnant les suffrages exprimés dans le périmètre prévu au même article L. 2101-5.
« Les négociations obligatoires prévues par le code du travail se déroulent soit au niveau du périmètre défini au I dudit article L. 2101-5 du présent code pour l’ensemble des sociétés qui le composent, soit au niveau de chacune d’entre elles.
« La répartition des thèmes de négociations en tout ou partie entre les niveaux prévus à l’alinéa précédent, selon que les mesures envisagées concernent une ou plusieurs des sociétés, est fixée par voie d’accord conclu dans les conditions fixées à l’article L. 2232-33 du code du travail au niveau du périmètre défini au I de l’article L. 2101-5 du présent code. À défaut d’accord, cette répartition est effectuée chaque année, en tenant compte de la portée des mesures envisagées pour la ou les sociétés concernées, par décision unilatérale de la direction de la société nationale SNCF après avis de l’instance prévue au I du même article L. 2101-5.
« Les accords collectifs négociés au niveau de l’ensemble des sociétés sont soumis au régime des accords d’entreprise. »
II. – Les statuts initiaux de la société nationale SNCF, de la société SNCF Réseau, de sa filiale chargée de la gestion unifiée des gares de voyageurs mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du code des transports et de la société SNCF Mobilités sont fixés par décret en Conseil d’État. Ils sont par la suite modifiés selon les règles prévues par le code de commerce.
III. – (Non modifié) Les I et II du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2020.
Les modifications de l’organisation du groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 du code des transports, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, rendues nécessaires par la mise en œuvre des dispositions prévues au présent article au 1er janvier 2020 ne portent pas atteinte aux dispositions législatives, réglementaires ou contractuelles régissant les situations des personnels employés à cette date par les établissements publics SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités.
IV. – À compter du 12 décembre 2020, le deuxième alinéa de l’article L. 2141-1 du code des transports, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est ainsi rédigé :
« Elle exploite, dans ce cadre, les services publics de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national. »
V. – (Non modifié) À compter du 25 décembre 2023, le deuxième alinéa de l’article L. 2141-1 du code des transports, dans sa rédaction résultant du IV du présent article, est supprimé.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, le Gouvernement auquel vous appartenez opère aujourd’hui une mutation importante de la SNCF par le changement de statut des trois EPIC du groupe public ferroviaire. Il y aura toujours un avant et un après. J’espère me tromper, mais je ne peux m’empêcher de penser que ce gouvernement, ou la prochaine majorité, pourrait procéder à une privatisation en recourant à une augmentation du capital.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Ce n’est pas possible…
M. Guillaume Gontard. Je me répète, mais l’argument de la dette qui devrait être reprise par l’État, sans qu’aucune modalité de reprise ne soit évoquée mis à part un « on va se débrouiller » peu rassurant, serait un alibi parfait pour détruire le service public ferroviaire et le privatiser.
C’est d’ailleurs très exactement ce qui a été fait pour France Télécom : transformation en SA en 1996, ouverture du capital en 1997, privatisation partielle en 2004 et fin de la minorité de blocage de l’État en 2007. Une décennie, c’est tout ce qu’il a fallu pour passer d’un organe public à un organe privé, mettant fin à cent quinze ans de téléphonie publique. Et quand on voit les inégalités de couverture téléphonique entre les territoires et la qualité du service, l’argent public déboursé pour pallier les manquements du privé, il y a de quoi être nostalgique…
Madame la ministre, au regard du passif, vous comprendrez aisément que le blanc-seing que vous nous demandez est inacceptable à nos yeux.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, depuis que cette réforme est sur la table et sur la place publique, une question me taraude, que j’aimerais vous poser pour que vous puissiez m’apporter une réponse : pourquoi voulez-vous transformer les trois EPIC en société anonyme ? Les Françaises et les Français, les usagers, ne le demandent pas : ils veulent que leurs trains arrivent à l’heure, que l’on investisse, que l’on ait une vision claire, notamment en matière d’écologie – à ce titre, il faut investir dans le ferroviaire pour limiter le nombre de camions.
Je ne comprends toujours pas votre décision. Dans une interview, vous avez affirmé que ce système fonctionnait mal et était trop cloisonné. Sur ce point, vous avez raison : il est vrai que le cloisonnement a commencé en 1996, avec la vente par produit, et a été acté lors de la précédente réforme de 2014 avec la transformation d’un EPIC en trois EPIC. Nous en avons l’exemple avec le TER et d’autres services. Dans ces conditions, vous pourriez modifier cette situation, créer un autre EPIC et réfléchir à une nouvelle organisation.
À mon avis, la transformation en société anonyme cache un autre but. Personne ne cherche ici à affoler les cheminots. D’ailleurs, ils n’ont pas besoin des sénatrices et sénateurs du groupe CRCE pour être dans cet état ; on l’a vu lors du « vot’action » la semaine dernière : 95 % des votants sont contre cette réforme.
Mon collègue Guillaume Gontard a cité l’exemple de France Télécom, mais il est d’autres précédents, notamment GDF, dont les titres étaient il est vrai incessibles. Qu’a-t-on fait ? On n’a pas augmenté le capital, on a accolé une entreprise privée, EDF est devenue GDF Suez, aujourd’hui Engie, et l’État est devenu minoritaire : il ne détient aujourd’hui que 24 % des parts et reverse 22,7 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires. Que s’est-il passé pendant cette période ? Les dividendes ont explosé, les conditions des salariés ont été dégradées et le prix du gaz a augmenté de 40 % en dix ans.
Ce n’est donc pas une crainte. C’est une réalité, car il existe des précédents.
Par conséquent, madame la ministre, vous devez nous dire quel est votre véritable projet. Si c’est celui-là, il faut le mettre sur la table dès maintenant. Dans le cas contraire, il ne faut pas transformer les trois EPIC en société anonyme.
Qui plus est, vous savez que, le lendemain même de cette transformation en SA, la dette s’accentuera, car vous emprunterez sur les marchés financiers avec une note dégradée, la dette n’étant plus gagée par l’État.
Voilà la véritable question, voilà le véritable débat, madame la ministre !
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Fabien Gay. C’est de cela qu’il faut parler maintenant, et non plus seulement de quelques slogans.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, sur l’article.
M. Jacques-Bernard Magner. Madame la ministre, vous participez à un gouvernement qui a engagé une importante réforme du rail et vous voulez aller vite.
Certes, les objectifs affichés pour cette réforme ferroviaire sont ambitieux. En même temps, il s’agit de repenser l’organisation actuelle de la SNCF, d’améliorer son efficacité industrielle, de réduire ses coûts et de préparer l’entreprise publique à l’ouverture à la concurrence. Sur de nombreux points, ce nouveau pacte ferroviaire est issu des recommandations contenues dans le rapport que M. Spinetta a remis au Premier ministre le 15 février dernier.
Élu du Puy-de-Dôme, je ne puis qu’exprimer mon inquiétude sur l’une des conclusions du rapport de M. Spinetta, celle qui concerne le déficit des lignes moins fréquentées. La tendance est claire : les lignes à grande vitesse vont continuer à être privilégiées au détriment des lignes qui constituent pourtant des éléments essentiels de l’aménagement du territoire.
Aujourd’hui, l’Auvergne est toujours la seule région de France à n’être pas reliée à Paris par un train à grande vitesse. Longtemps, il a été promis la création d’une ligne à grande vitesse qui relierait Clermont-Ferrand à Paris en passant par Orléans et à destination de Lyon.
Dans cette attente, les travaux pourtant nécessaires pour l’amélioration de la ligne Intercités ont été différés, les tronçons de ligne à plus de 200 kilomètres par heure prévus dans les contrats de plan successifs n’ont jamais été réalisés, si bien qu’il faut encore plus de trois heures – parfois trois heures vingt – pour parcourir les 400 kilomètres qui séparent Clermont-Ferrand de Paris.
Malheureusement, on sait maintenant – cela a été annoncé – que le projet de ligne à grande vitesse est abandonné au moins jusqu’en 2030. À l’instar du maire de Clermont-Ferrand, président de la métropole, madame la ministre, je vous demande ici, ce soir, de veiller à ce que l’Auvergne, à l’avenir, ne reste pas un territoire enclavé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, même si elle accepte le principe de l’ouverture à la concurrence dont j’aurai l’occasion de parler à d’autres moments, rien n’oblige la France à transformer les trois EPIC en sociétés anonymes. Absolument rien. (Marques d’approbation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Ce choix apporte-t-il quelque chose de positif à la SNCF ? Nullement, puisque, à partir du moment où ces structures sont des SA, fussent-elles de capitaux publics, elles sont liées à l’accès au marché dans des conditions où l’État n’est plus garant de leur dette et, par conséquent, elles empruntent plus cher.
M. Fabien Gay. Tout à fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. De fait, cela ne représente pas un avantage réel pour la Société.
Hélas, il existe quelques précédents qu’ont rappelés les membres du groupe CRCE, qui étaient accompagnés des mêmes formules : « Ne vous inquiétez pas, c’est seulement un changement de statut – on en voit mal la finalité –, cela va rester public. » La réalité, c’est qu’il existe de nombreuses méthodes permettant de détourner cette philosophie : filialiser, ouvrir le capital au prétexte qu’il n’y aurait pas assez d’argent public pour investir, procéder à des fusions avec d’autres structures qui auront été plus ou moins préparées à cet effet…
L’incessibilité des actions, pour intéressante qu’elle puisse être, n’est absolument pas une garantie dans la durée, d’une part, parce que la loi peut changer, d’autre part, parce que, par des mécanismes divers, ces actions peuvent devenir minoritaires.
On perd donc la logique de la structure publique.
Par ailleurs, cette transformation présente plutôt des inconvénients. Certes, fort heureusement, le Gouvernement annonce la reprise de dette, mais j’aimerais bien que cela soit inscrit dans le texte. Puisqu’il s’agit d’un paquet, à tout le moins que tout figure !
Le montant de la prise en compte par l’État de la dette a été choisi de telle sorte que la SNCF se retrouve juste au niveau où elle n’est pas en faillite, une fois qu’elle deviendra SA. Si toute la dette avait été transférée à la SA, celle-ci serait en faillite : on l’a juste mise « hors d’eau », si je puis dire.
Ce faisant toutefois, on freine ses capacités d’investissement et on nous expliquera ensuite que, pour investir, il faut aller chercher de l’argent ailleurs. Où ? Dans le secteur privé. Ainsi, la boucle est bouclée. Boucle négative : nous avons besoin d’un service public fondé sur une entreprise totalement publique, car aucun profit dans les transports ferroviaires ne doit aller ailleurs qu’au transport ferroviaire : péréquation tarifaire, aménagement du territoire, avenir de la SNCF.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a, par un simple amendement adopté à l’Assemblée nationale, organisé le passage en société anonyme de la SNCF, de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités et, à la suite du passage de ce texte en commission au Sénat, de SNCF Gares & Connexions.
Nous sommes opposés à ces changements de statut qui ouvrent la voie à la privatisation de la SNCF, et ce malgré toutes les subtilités d’écriture, quand bien même on indique que le capital est détenu intégralement par l’État et, par un ajout en commission, qu’il est incessible. En effet, si ces précautions sont bienvenues, elles ne changent rien sur le fond.
L’ouverture du capital sera de toute manière toujours possible par le recours à une augmentation du capital et l’émission de nouveaux titres. La privatisation sera, de fait, facilitée par ce changement de statut, puisqu’une simple loi pourra revenir sur ces engagements de maîtrise à 100 %.
En outre, on connaît la chanson, si j’ose dire ! Trop d’entreprises publiques ont été, comme la SNCF, changées en sociétés anonymes, éclatées, puis démantelées : EDF, GDF, France Télécom… Les managements ont évolué, pour se tourner vers les techniques du privé : rentabilité, clients, retour sur investissement… tout un vocabulaire qui a accompagné la dégradation des services publics. Nous ne voulons pas d’un dessein identique pour l’opérateur ferroviaire.
En quoi la forme d’EPIC serait-elle un obstacle à l’exercice des missions de l’opérateur public ? C’est tout l’inverse : elle permet aujourd’hui l’existence de prérogatives de puissance publique, par exemple l’insaisissabilité des biens ou encore, par la garantie de l’État, le recours à des taux intéressants, parfois même négatifs.
La réforme menée en 2014 a conduit à préconiser un cadre, compatible avec les injonctions européennes, dans lequel la forme publique des entreprises pouvait être préservée. Pourquoi y revenir aujourd’hui ?
Aujourd’hui, la seule question qui vaille est celle de l’intégration de l’entreprise publique, que l’on a découpée en deux en 1997, puis en trois en 2014. Vous préparez la possibilité de la découper en quatre ou en cinq. Pour les usagers, quel sera l’intérêt d’une myriade de sociétés anonymes, où les responsabilités sont diluées ?
Nous pensons au contraire qu’il convient, au regard de la nature même des missions d’intérêt général qui incombent au système ferroviaire, de travailler aux complémentarités et à une intégration plus grande garantissant totalement et de manière pérenne le caractère public de l’opérateur au travers d’un statut spécifique.
Pour cette raison, nous vous proposerons des amendements visant à supprimer ce passage en société anonyme, délétère et dangereux pour l’avenir du service public ferroviaire dans l’ensemble de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Nous ouvrons le débat par la question de savoir ce que sont le bien public et le service public. Il se trouve que j’ai commencé ma vie politique à Nantes, au milieu des années quatre-vingt, dans un territoire qui allait très mal : fermeture des chantiers navals, ville en grande difficulté…
À partir de 1989, les choses ont commencé à changer doucement. Certes, nous avions changé de majorité, la gauche avait repris la ville, mais, surtout, 1989, c’est l’arrivée du TGV à Nantes et cela correspond à la création progressive de cette métropole, qui est aujourd’hui l’une des plus attractives de France et d’Europe.
Le TGV a profondément modifié le territoire français. Il a permis un début de rééquilibrage par rapport à ce que l’on appelait « Paris et le désert français ».
La société française a une dette vis-à-vis du TGV ; ce n’est pas la SNCF qui a une dette vis-à-vis du TGV. Qu’aujourd’hui l’État français paye sa dette à la SNCF est tout à fait normal. Évidemment, on peut considérer que l’on aurait pu le faire avant, mais on sait très bien pourquoi il n’en a pas été ainsi. Le décider aujourd’hui est une excellente chose et c’est l’un des points positifs des engagements pris, même s’il s’agit de déterminer dans quelles conditions.
Aujourd’hui, nous sortons de ce temps de la métropole comme seul moyen de rééquilibrage du territoire, même si on voit encore avec l’arrivée du TGV à Bordeaux à quel point cela modifie le territoire. Ce qui se joue maintenant, ce sont les territoires autres. Dans ces territoires autres, le train jouera probablement le même rôle de rééquilibrage. Par conséquent, il faut non pas se priver de la capacité d’aménagement du territoire qu’est la SNCF – aucune autoroute, aucun aéroport n’a eu autant d’impact sur le territoire que le train –, mais garder la capacité d’équilibrage du territoire. C’est ce qui se joue dans ce débat.
Madame la ministre, ce que nous voulons, c’est avoir la garantie que nous garderons cet outil. Avoir transféré aux régions la compétence des TER et une dotation ne vaut pas solde de tout compte. Il faut que la solidarité nationale continue à jouer, non seulement sur les investissements, mais aussi sur les coûts de fonctionnement. C’était d’ailleurs le problème du rapport Spinetta : c’est aberrant en termes de passagers, mais cela ne l’est pas en termes de perception des territoires.
Je ne développe pas davantage au regard du bref temps de parole qui m’est imparti. J’insiste toutefois sur le fait que ce que nous cherchons à avoir ce soir et dans les jours qui viennent, c’est l’engagement de l’État que nous garderons la SNCF et le rail comme un puissant aménageur du territoire français.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons l’examen de ce texte important, qui succède à la réforme ferroviaire du 4 août 2014, dont notre ancien collègue Michel Teston était rapporteur et qui avait aussi donné lieu à des débats particulièrement intéressants dans cet hémicycle.
L’article 1er A a trait à la gouvernance. Sur ce sujet, pour s’y retrouver, ce n’est pas simple, car il faut distinguer le groupe SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités.
Pour ma part, je peux comprendre les interrogations et les craintes de beaucoup de membres du personnel de la SNCF, pour lesquels, cela a été rappelé dans la discussion générale, nous avons beaucoup de respect. Elles sont légitimes, puisqu’il est question de passer du statut d’établissement public à celui de société anonyme. On parle de capitaux publics, mais de quoi s’agit-il ? La question de la gouvernance suscite naturellement des inquiétudes.
Par ailleurs, je salue le travail du rapporteur et de l’ensemble de ses collègues au sein de la commission. Le rapport est très dense, il contient énormément d’éléments d’information qui nous éclairent. Là aussi, on peut parler de transparence et de communication.
Rattacher SNCF Gares & connexions à SNCF Réseau, comme l’a décidé la commission, soulève des inquiétudes – à titre personnel, j’en ai –, même si cela paraît cohérent : les bâtiments, c’est important, mais il faut les faire vivre ; malheureusement et on peut le regretter, on trouve de moins en moins de personnels dans les gares.
Sur les capitaux publics, il faut vraiment des garanties et vous vous êtes engagée sur ce point, madame le ministre. Dans tous les cas, la confiance reste primordiale, car il faut rassurer.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la répétition est l’un des piliers de la pédagogie.
L’article 1er A prévoit le passage en société anonyme à capitaux publics de SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Il remet donc en cause l’équilibre négocié par les syndicats et entériné par la loi du 4 août 2014 portant réforme du ferroviaire, qui a fait de l’État-stratège un acteur central et a constitué un groupe public ferroviaire indissociable et solidaire.
L’argument consistant à expliquer que l’État doit se protéger de lui-même en limitant sa capacité à imposer des choix politiques coûteux à la SNCF a peu de portée. Celui qui prône une plus forte intégration du groupe ne vaut pas davantage.
Quand bien même vous affirmerez le contraire, madame le ministre, vous n’empêcherez pas que l’on considère que la nature juridique d’une société anonyme en fait un outil au service éventuel d’une libéralisation du service public ferroviaire français, bien au-delà des exigences européennes. La création par la loi de 2014 d’un groupe ferroviaire unifié composé de trois EPIC traduisait un compromis à la fois juridique et social, en accord avec les règles européennes.
Oui, le statut de SA est la forme juridique la mieux adaptée pour une entrée en bourse. Il ouvre la possibilité d’une privatisation. GDF ou France Télécom en sont des illustrations.
Comment ne pas imaginer demain un argumentaire fondé sur l’impossibilité de rechercher de nouveaux financements auprès du contribuable conduisant à demander ceux-ci à la bourse ? L’incessibilité des parts ne résistera pas.
Par ailleurs, un passage d’EPIC en SA entraînera une dégradation de la part des agences de notation. La société anonyme est solidaire de ses dépenses excessives, à concurrence des capitaux propres de la société. Sans garantie de l’État, la nouvelle société n’aura pas les mêmes capacités d’endettement, les emprunts seront plus difficiles à lever et plus coûteux. La transformation en 2004 d’EDF en SA n’a pas empêché la dette de la nouvelle SA de déraper.
À tout le moins et pour conclure, madame la ministre, quel intérêt à transformer en société anonyme SNCF Réseau, qui, par nature, ne peut qu’être en situation de monopole ? L’exemple du Royaume-Uni, qui a renationalisé pour des exigences de qualité et de sécurité, devrait vous inspirer au moment de proposer ce passage en société anonyme ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Martial Bourquin. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. J’entends que l’on puisse vouloir parler d’une autre réforme que celle que l’on est en train de mener. Néanmoins, il faudra prendre le temps de parler aussi de la réforme que le Gouvernement a proposée.
Mme Éliane Assassi. Elle n’est pas bonne !
M. Fabien Gay. On en parle assez !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Une autre réforme de privatisation et de démantèlement, une autre réforme de désengagement de l’État ? Ce n’est pas cette réforme qui est proposée par le Gouvernement !
Vous posez la question de la transformation des EPIC en SA.
M. Fabien Gay. C’est la question !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cette transformation est la condition pour constituer un groupe unifié, auquel, je pense, les cheminots sont attachés. (Non ! sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) Les Français ne savent même pas qu’il y a trois structures et trois dirigeants à la SNCF.
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Il faut un groupe unifié !
Mme Fabienne Keller. Chut !
Mme Élisabeth Borne, ministre. A-t-on aujourd’hui une unité industrielle à la SNCF ? A-t-on une unité économique ?
M. Fabien Gay. Ce n’est pas la faute des cheminots !
Mme Élisabeth Borne, ministre. L’objectif du Gouvernement, c’est d’avoir un groupe véritablement unifié avec une unité économique, sociale et industrielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai envie de vous demander : qu’est-ce qui pose problème dans le statut de société anonyme ? (M. Guillaume Gontard s’exclame.)
M. Fabien Gay. On vous l’a dit !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vous rappelle que c’était le statut de la SNCF de 1937 à 1982. La transformation en EPIC a-t-elle conduit à une avancée pour le transport ferroviaire depuis 1982 ? (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Éliane Assassi s’exclament.) Regardez les chiffres ! Regardez les courbes ! C’est précisément à partir de ce moment-là que la dette de la SNCF a commencé à augmenter. Si la SNCF avait eu un autre statut, personne n’aurait pu se permettre d’en laisser filer ainsi la dette.
C’est à partir de ce moment-là, aussi, que l’on a commencé à abandonner le réseau classique, celui qu’empruntent la plupart de nos concitoyens pour leurs transports de la vie quotidienne.
Donc, la transformation en EPIC a-t-elle été une réussite ? Je ne le pense pas !
Alors, on nous parle d’augmentation de capital… Mais je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à relire le texte voté à l’Assemblée nationale : il y est question de titres « intégralement » détenus. Je voudrais que l’on m’explique comment on peut, tout à la fois, procéder à une augmentation de capital au bénéfice d’un autre que l’État et affirmer que ce dernier détient intégralement les titres.
M. Alain Richard. Il faut lire !
M. Fabien Gay. Nous vous avons donné l’exemple de GDF.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Non, veuillez m’excuser, il n’a jamais été fait mention d’un capital « intégralement détenu par l’État », ni pour La Poste, ni pour GDF. Cette rédaction empêche toute augmentation de capital.
D’ailleurs, si l’on parle d’augmentation de capital, c’est qu’on nous soupçonne de vouloir livrer la SNCF aux acteurs privés, tout en nous suspectant de ne pas faire le nécessaire pour rétablir sa situation financière. Je trouve cela un peu paradoxal : quel acteur privé, en effet, voudrait investir dans une société qui ne serait pas à l’équilibre ?
Je le redis, non seulement il sera désormais inscrit dans la loi que le capital de la SNCF est intégralement détenu par l’État et que la société nationale détient intégralement SNCF Réseau et SNCF Mobilités, mais pour éviter les rumeurs et les suspicions quant à une éventuelle privatisation, il sera aussi précisé que les titres sont incessibles.
Mme Éliane Assassi. Cela ne suffit pas !
M. Fabien Gay. Non, cela ne suffit pas !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Pour moi, c’est « ceinture et bretelles » ! Je pense même que la rédaction initiale est la plus protectrice qui soit.
Mais si l’on me dit maintenant que ce qui est voté dans la loi n’a pas de valeur…
Mme Cécile Cukierman. Personne n’a dit ça, madame la ministre !
M. Fabien Gay. Nous n’avons rien dit de tel !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je trouve un peu curieux d’entendre affirmer sur les travées de cette assemblée que les assurances données dans la loi n’ont pas de portée. Certains seront peut-être rassurés de constater, comme moi, qu’aucun groupe à l’Assemblée nationale et, je pense, ici, au Sénat, n’envisage une privatisation de la SNCF.
M. Guillaume Gontard. Alors, pourquoi passer en SA ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je peux reprendre mes explications au début, monsieur Gontard.
Il est très clairement indiqué, dans le projet de loi, que les titres sont détenus en intégralité par l’État et incessibles.
Le Gouvernement, j’y insiste, a pour projet d’améliorer l’organisation de la SNCF, grâce à unité sociale, économique et industrielle.
Mme Éliane Assassi. Si cela fonctionne si bien, pourquoi l’incessibilité ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Pensez-vous qu’aujourd’hui, madame Assassi, on peut se satisfaire de la situation actuelle ? J’entends le sénateur Dantec expliquer à quel point il est formidable d’avoir réalisé des TGV… Mais, dans le même temps, on a abandonné le réseau des transports de la vie quotidienne.
M. Jean-Paul Émorine. Tout à fait !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Si tout fonctionnait aussi bien, nous n’aurions pas 5 000 kilomètres de lignes connaissant des ralentissements – justement les lignes entre Limoges et Paris, entre Nantes et Bordeaux, entre Caen et Paris –, auxquelles s’ajoutent toutes les lignes menacées de fermeture.
M. Guillaume Gontard. La question de l’investissement sur le réseau n’a rien à voir avec le présent débat !
Mme Élisabeth Borne, ministre. À nouveau, le Gouvernement porte une réforme ambitieuse, visant à développer le service public ferroviaire, à en améliorer la qualité, et ce avec un engagement qu’aucun autre gouvernement n’a jamais pris à cette hauteur.
Tel est le sens de la réforme que je défends. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché applaudit également.)
Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
M. Alain Fouché. Encore ?
Mme Éliane Assassi. J’entends bien ce que vous dites, madame la ministre, mais vous ne répondez pas sur un certain nombre de sujets. Nous reviendrons dans le débat, par exemple, sur l’incessibilité des titres, que vous venez d’évoquer. Si tout fonctionne, pourquoi avoir besoin de l’inscrire dans la loi ? (Mme la ministre s’esclaffe.) Vous nous dites tout et son contraire !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Pour ma part, je n’en voulais pas !
Mme Éliane Assassi. Donc, vous n’êtes pas d’accord, monsieur le rapporteur. Il faut oser dire les choses haut et fort dans cet hémicycle !
Comme nous l’avons souligné dans plusieurs de nos interventions sur l’article, le passage au statut de SA est l’aboutissement logique de la succession de réformes imposées au rail français au cours des dernières années, sous couvert de le rendre plus performant : privatisation du fret ; mise en concurrence du trafic de voyageurs ; découpe de la SNCF en une myriade de filiales de droit privé, qui, souvent, se concurrencent ; recours à des personnels sous-payés, subissant les mêmes entorses au droit du travail que les salariés de Veolia Cargo ou d’Euro Cargo Rail, filiale de la Deutsche Bahn.
Malgré vos dénégations, madame la ministre, le scénario est assez clair, et la rédaction de cet article 1er A ne manque pas de sel.
Ainsi, outre le passage au statut de SA, vous renforcez sous couvert d’unification la filialisation du groupe SNCF, filialisation qui transformera in fine la SNCF en coquille vide : tous les actifs seront transférés vers les filiales. Dès lors, la règle de l’incessibilité de son capital n’est qu’un leurre !
De même, vous énoncez, toujours à l’article 1er A, que la création de filiales par la SNCF ne portera pas atteinte à l’application du statut, ainsi que des accords et conventions collectives.
Pourtant, la SNCF compte plus de 1 000 filiales, lui ayant permis de supprimer plus de 30 000 emplois sous statut depuis 2002. Plus d’un quart de ces suppressions d’emplois ont concerné la gestion de la maintenance des infrastructures ferroviaires, soit l’équivalent de 30 usines Molex et de 8 usines Continental, d’après ce qu’ont calculé tous les syndicats. Que dire, en outre, des 3 000 emplois de cheminots menacés par la filialisation annoncée de Fret SNCF !
Cet article prépare donc la privatisation de la SNCF, et vous comprendrez bien, madame la ministre, que nous en demandions la suppression. (M. Fabien Gay applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, ai-je envie de dire !
Je constate, eu égard aux déclarations qui viennent de se succéder, que nous avons manifestement un désaccord complet, désaccord avec le groupe CRCE et avec certains de nos collègues qui ne veulent pas de l’ouverture à la concurrence et de la fin du statut de cheminot. Pour ma part, je l’assume !
J’assume vouloir et l’ouverture à la concurrence et la fin du statut de cheminot. Donc, oui, nous ne sommes pas d’accord !
Mme Éliane Assassi. La chose est dite, c’est bien !
Mme Fabienne Keller. Chut, madame Assassi !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Madame Assassi, au Sénat, on se parle… et on s’écoute ! Je ne vous ai jamais interrompue,…
Mme Fabienne Keller. Très bien !
M. Gérard Cornu, rapporteur. … et je n’ai interrompu aucun des orateurs. Je crois que le Sénat mérite un débat digne. Bien que nous ne soyons pas d’accord, respectons-nous ! Vous l’avez toujours fait en commission. Il faut, me semble-t-il, que vous conserviez cette attitude digne dans l’hémicycle.
M. Alain Fouché. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas parce que l’on n’est pas d’accord que l’on ne se respecte pas !
M. Gérard Cornu, rapporteur. C’est aussi respecter l’ensemble des sénateurs et rendre possible un débat de qualité. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)
Cela étant dit, j’en viens à l’amendement n° 48.
Pour faciliter le débat, je ferai une réponse qui vaudra pour la batterie d’amendements, dont celui-ci n’est que le précurseur, qui tendent à supprimer les articles du projet de loi.
Vous êtes tout à fait dans votre logique, madame Assassi. Respectant les positions de chacun, je respecte les vôtres. Mais ce ne sont pas les miennes et, donc, je donnerai un avis défavorable à chacun de ces amendements de suppression.
Au-delà de ce préambule, sur la question précise de l’incessibilité, accordez-moi le fait que, en ma qualité de rapporteur, je n’ai pas porté l’amendement visant à l’inscrire dans le texte. J’estimais que le texte de l’Assemblée nationale suffisait et, surtout, que le point important était la détention de l’intégralité du capital par l’État.
Je l’ai dit très clairement, nous avions les bretelles et, quand M. Frédéric Marchand a présenté son amendement relatif à l’incessibilité et que tout le monde, ai-je cru comprendre, s’est accordé pour le voter, nous avons eu la ceinture. Ceinture et bretelles, donc !
Pour ma part, je le répète, le texte de l’Assemblée nationale était suffisant.
Reconnaissez-moi donc ceci : je n’étais pas forcément favorable à l’inscription de l’incessibilité ; je l’ai acceptée, car il était important de rassurer tout le monde et de faire taire cette petite musique de la privatisation, alors même que, j’y insiste, personne n’en veut.
Nous voulons que ce très grand groupe qu’est la SNCF soit entièrement détenu par l’État. Nous ne souhaitons absolument pas le privatiser.
Pour rassurer, j’ai accepté, en tant que rapporteur, cette mention de l’incessibilité et – c’est un peu désolant – j’entends maintenant qu’elle ne sert plus à rien !
Mais, madame Assassi, si elle ne sert plus à rien, réunissons la commission pour cinq minutes et retirons l’incessibilité ! (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-François Longeot s’exclame également.)
Si vous la considérez inutile, je suis d’accord avec vous pour la retirer.
M. Pascal Savoldelli. Pas étonnant !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Mais, si vous pensez qu’elle sert à quelque chose… (Brouhaha sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Un peu de respect ; nous sommes au Sénat !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas une question de respect !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Ne m’interrompez pas constamment ! Je vous dis que, si vous estimez que l’incessibilité ne sert à rien, je suis d’accord avec vous et nous pouvons la retirer ; si vous estimez important de la laisser dans le texte, nous la laisserons ! (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Mais ne brandissez pas systématiquement des accusations de privatisation ! Personne, dans cet hémicycle, ne veut privatiser la SNCF !
Mme Éliane Assassi. Mais si !
M. Gérard Cornu, rapporteur. J’ai pris mon temps pour donner l’avis de la commission ; il sera, bien sûr, défavorable. Permettez que, pour les autres amendements de suppression d’article, je me contente d’un simple « Avis défavorable ».
Mme Éliane Assassi. Puisque vous voulez le débat !
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, j’ai souhaité vous laisser le temps de formuler l’ensemble de ces explications.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. On pourrait aussi porter au crédit du Gouvernement, lorsqu’il veut quelque chose, de le dire clairement : nous voulons l’ouverture à la concurrence, nous l’avons dit ; nous voulons changer l’organisation et les statuts de la SNCF, nous l’avons dit, je pense, clairement ; nous voulons arrêter le recrutement au statut, nous l’avons dit tout aussi clairement.
Manifestement, cela ne suffit pas pour éviter les procès d’intention.
S’agissant de cet amendement de suppression, la nouvelle organisation de la SNCF, avec son nouveau statut, fait partie des éléments essentiels de la réforme, qui ne se réduit pas à l’ouverture à la concurrence, mais vise aussi à donner à la SNCF tous les atouts pour gagner dans ce nouveau contexte. Donc, évidemment, l’avis sera défavorable.
Je voudrais ajouter une précision, madame Assassi, au regard de votre remarque concernant un possible envoi des actifs dans les filiales.
Rappelons ceci : nous traitons du domaine public ferroviaire et il existe un principe de niveau constitutionnel selon lequel le domaine public appartient à une personne publique.
Voilà encore un procès inutile : le domaine public appartient à une personne publique ; ça tombe bien, puisque la SNCF est une société publique !
M. Jean-François Longeot. Exactement !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Vous voulez le débat, nous avons le débat !
Mme la présidente. Madame Assassi, je vous en prie, c’est M. Savoldelli qui a la parole, et lui seul.
M. Pascal Savoldelli. Je poserai juste une question très apaisante. Nous venons d’avoir un échange sur le caractère incessible des titres. Vous nous proposiez, monsieur le rapporteur, de prendre cinq minutes pour revenir sur cette précision dans le texte et je me permettais de vous faire remarquer que le fond revenait à la surface. Ce n’est pas correct, je le comprends bien.
Une seule question, donc. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous dire si tout ce qui relève du réseau est inaliénable ?
M. Pascal Savoldelli. Vous répondrez publiquement. Comme ça, nous aurons la trace de nos échanges.
Il n’est nul besoin de créer des polémiques pour des polémiques. Nous venons de débattre de l’incessibilité ; je vous demande de préciser, sur la partie réseau, s’il y aura inaliénabilité du patrimoine. Si vous me répondez par l’affirmative, tout le monde l’aura entendu ici et nous en prendrons acte devant l’Histoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Devant l’Histoire et devant cette assemblée, je peux vous confirmer, monsieur Savoldelli, que le réseau ferré national appartient au domaine public. En tant que tel, il est incessible, inaliénable, et le restera. (M. Alain Fouché applaudit.)
M. Alain Richard. C’est le droit existant !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Pour continuer nos échanges, madame la ministre, nous avons été nombreux, dans cet hémicycle, à vous demander pourquoi transformer trois EPIC en SA.
Vous avez apporté une première réponse : « C’est pour unifier ». Mais nous vous avons signalé qu’il existait une autre façon de le faire : avoir un seul EPIC !
Dès lors que vous pourriez réunifier en créant un EPIC et que vous faites un autre choix, nous alertons : il y a potentiellement risque de privatisation. Personne ne souhaite affoler personne, mais, chacun et chacune, nous avons donné des exemples de service public ayant vécu l’ouverture à la concurrence, puis la privatisation. C’est ce que nous souhaitons éviter !
Je n’ai pas suivi de grands cours d’économie, mais il existe au moins trois façons d’éviter la privatisation.
Sur la première, vous avez répondu : il suffit de prévoir l’incessibilité. Cela évitera que vous ne vendiez les titres, comme vous allez le faire, par exemple, pour la Française des jeux ou Aéroports de Paris. Bruno Le Maire a annoncé ces privatisations par vente de titres voilà quelques semaines et, a-t-il précisé, ce n’est pas fini… Mais nous aurons un débat sur ces autres cas.
La deuxième façon passe par l’augmentation de capital. Nous vous avons soumis une question sur l’inaliénabilité, qui peut apporter une solution partielle.
Pour la troisième façon, madame la ministre, permettez-moi d’observer que je vous ai donné un exemple et que vous n’avez pas répondu.
On peut toujours prévoir l’incessibilité des titres et l’inaliénabilité du patrimoine – c’était le cas pour GDF… Mais, je le redis devant tout le monde, bien que GDF ait été incessible à 100 %, il a suffi qu’on l’accole à une entreprise privée, Suez, pour que cela donne Engie !
On n’a jamais vendu un titre, il n’y a eu aucune augmentation de capital et, aujourd’hui, c’est une entreprise privée, dont l’État n’est plus actionnaire qu’à 24 % et qui, en dix ans, a versé 22,7 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires ! Le secteur privé, en effet, a vocation à servir non pas les besoins humains, mais des intérêts privés. Le service s’est donc dégradé, ainsi que les conditions de travail des salariés, et les prix ont explosé, 40 % en dix ans.
C’est ce que nous voulons éviter.
Mais, comme vous ne répondez pas sur cet exemple, il y a débat !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émorine. Je vous rappelle, monsieur Gay, que nous sommes là pour débattre et que, pour être en mesure de le faire, nous devons avoir des avis différents.
J’étais président de commission au moment où est intervenue la fusion entre GDF et Suez, que vous évoquiez à l’instant. Il s’agissait bien d’une privatisation, puisque l’État était représenté, dans le cadre d’une golden share, à 36 %, ce qui lui conférait un droit de veto.
Je ne partage pas votre analyse sur l’évolution de GDF Suez. Aujourd’hui, le groupe Engie est présent non seulement en France, mais aussi à l’étranger.
Le deuxième exemple que je voulais vous donner est celui de La Poste.
Pendant 68 heures au banc des commissions, j’ai entendu les mêmes discours ! Ceux-ci relèvent des sensibilités politiques, c’est tout à fait naturel.
Pour La Poste, on dénonçait une privatisation. Mais nous avons réussi, aussi, à en faire une SA avec 100 % de capitaux d’État. Ce qui a fait évoluer la situation, c’est tout simplement l’entrée au capital de la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 25 %.
La Caisse des dépôts et consignations est-elle privée ? À ce jour, je crois que c’est encore une caisse de l’État !
J’ajoute que l’État, au travers de la CDC, a refinancé La Poste à hauteur de 2,7 milliards d’euros, justement pour lui permettre de s’adapter à la nouvelle demande de services et à la concurrence qu’elle avait à affronter.
Le projet de loi que nous sommes en train d’examiner n’est pas un projet de loi de privatisation, mes chers collègues, Mme la ministre se tue à vous le dire ! Il s’agit d’une transformation en SA !
Bien sûr, la SNCF est notre réseau national, mais pour en avoir été administrateur pendant trois ans, je peux vous dire qu’elle est intéressée, aussi, par la conquête de marchés à l’étranger. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Par ailleurs, vous l’avez vous-même dit, madame Assassi, il y a 920 filiales à la SNCF. Ces filiales évoluent, et le droit n’est pas le statut des cheminots ! La SNCF est tout de même le premier transporteur routier !
Donc, nous pouvons avoir des philosophies différentes. Mais aujourd’hui, le projet de loi qui nous est présenté permet une adaptation au contexte européen et au contexte du XXIe siècle. Je voterai, bien sûr, contre cet amendement. (MM. René Danesi, Alain Fouché et Franck Menonville applaudissent.)
M. Alain Fouché. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je pense que vous n’avez pas lu le texte sorti de l’Assemblée nationale et je ne suis pas sûre que vous écoutiez mes réponses.
Dans le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale, il est écrit que la SNCF est intégralement détenue par l’État. « Intégralement », cela signifie à 100 % ! Il n’est pas possible que l’État détienne 99 %, 75 % ou 52 % des titres. C’est 100 % !
Dès lors, les schémas qui sont évoqués, notamment celui de La Poste, ne sont pas possibles. Une fusion qui déboucherait sur une détention partielle du capital, même majoritaire, est inenvisageable puisque, de nouveau, 100 % du capital doit être détenu par l’État.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne s’appellera plus la SNCF !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne suis pas persuadée que vous cherchiez à être rassurés. En tout cas, je pense vous avoir donné tous les éléments permettant d’affirmer, très solennellement, que ce texte porte le projet d’une entreprise intégralement détenue par l’État, ce qui exclut clairement tous les schémas précédemment évoqués. (M. Alain Fouché opine.)
Mme Fabienne Keller. C’est clair !
Mme Éliane Assassi. Non, ça ne l’est pas !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je me permets de rappeler, mes chers collègues, que nous avons près de 250 amendements à examiner. De vraies questions se posent – j’en ai rappelé certaines lors de mon intervention en discussion générale. Nous pouvons avoir des points de discussion, voire de désaccord, mais sur de vrais sujets, et je trouve un peu dommage que nous passions un temps fou à discuter de problèmes qui n’existent pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché applaudit également.)
Gardons notre énergie, gardons notre temps pour aller au fond des choses ! Cela a été dit et redit, par Mme la ministre et par Jean-Paul Émorine, qui présidait la commission des affaires économiques – un grand président – au moment où ces sujets étaient en discussion.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas pour cela qu’ils ont raison !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Aujourd’hui, on nous propose un texte dans lequel l’État est actionnaire à 100 %. À quoi jouez-vous, chers collègues du groupe CRCE ?
Mme Éliane Assassi. Pardon de ne pas être d’accord ! Nous pouvons partir !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Vous jouez à essayer de vous faire peur, de nous faire peur. Si demain, un gouvernement voulait privatiser la SNCF, ou même ouvrir un tant soit peu son capital – 1 % ou 2 % –, il ne le pourrait pas avec le texte proposé aujourd’hui. Il faudrait qu’il dépose un autre projet de loi. À ce moment-là, vous pourriez monter aux créneaux, et vous nous trouveriez d’ailleurs sans doute à vos côtés.
Mais là, la question ne se pose pas.
Cela me rappelle tout à fait l’exemple évoqué par le président Émorine. J’étais jeune sénateur au moment de l’examen du projet de loi qui portait réforme de La Poste. Vos amis faisaient déjà signer des pétitions dans la rue contre sa privatisation. Dix ans après, où en est la privatisation de La Poste ? Pourtant, ce qui avait été voté à l’époque était beaucoup moins protecteur que les mesures proposées aujourd’hui, puisque La Poste devait être détenue à 100 % par des capitaux publics, et non à 100 % par l’État, d’où l’entrée au capital de la Caisse des dépôts et consignations.
Une fois de plus, il n’y a pas de sujet ! Il n’y a pas de débat ! Il est clairement indiqué que la SNCF est une société détenue à 100 % par l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Il ne faut pas s’étonner, je crois, de la gravité et de la passion que suscite l’examen de cet article 1er A. Quoi de plus naturel ! Nous parlons de la SNCF, entreprise historique, du chemin de fer qui a accompagné l’industrialisation de notre pays et permis le déplacement de nos compatriotes durant des décennies.
Je comprends tout à fait qu’il y ait de la passion, et une profonde gravité dans le moment que nous vivons.
Pourquoi ? De trois EPIC, on fait une SA. Or on sait très bien qu’avec une SA, la situation peut évoluer.
Que signifie « évoluer » ? Nous avons des précédents ! Je ne doute pas que M. le rapporteur croit profondément à ce qu’il dit. Mais dans quelques mois ou dans quelques années, d’autres personnes seront là ; il y aura une ou un autre ministre. Qui peut dire, ici, ce qu’il adviendra de la SA ? Que s’est-il passé avec Aéroports de Paris ? Avec EDF-GDF ? Avec la Française des jeux ? Ce sont des vraies questions !
Inutile d’essayer de rassurer : la SA ouvre une possibilité !
Par ailleurs, on nous explique que le cas de La Poste avait suscité des remarques de la Commission européenne, qui souhaitait son changement de statut en SA. Je vous signale quand même que la Commission européenne avait exigé de l’Allemagne qu’elle ouvre son service de l’eau à la concurrence et que celle-ci a refusé. Ce sont donc des régies publiques qui gèrent ce service de l’eau, y compris au détriment des groupes français qui voulaient s’installer outre-Rhin.
Cela signifie que l’on peut engager un bras de fer sur ce type de questions.
Enfin, on nous vante une grande politique pour la SNCF. Ce n’est pas vrai ! Pour l’essentiel, le rapport Spinetta comprend deux mesures : la fin du statut pour les nouveaux entrants et le changement de statut de l’entreprise.
Voilà ce qui est visé, dans la droite ligne du libéralisme débridé que le Gouvernement met en œuvre depuis un an. La grève coûte très cher, mais on ne veut pas céder, comme pour le reste, et j’y insiste, ce n’est pas une grande politique.
Une vraie grande politique pour la SNCF consisterait à opérer un basculement de la route vers le rail, au niveau tant du fret que du transport de voyageurs. Si on nous proposait une telle démarche, nous pourrions discuter. Mais on ne nous la propose pas ! (Mmes Angèle Préville et Michelle Meunier applaudissent. – Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.
M. Frédéric Marchand. J’entends les mots « passion », « gravité »,… Je vous en conjure, mes chers collègues, ni excès, ni caricature, ni chiffon rouge !
Je voudrais attirer l’attention de la représentation nationale sur le fait que nous sommes attendus, je l’ai dit il y a quelques instants dans la discussion générale. Nous sommes attendus et nous sommes regardés. Par les cheminots. Par les usagers. Par les collectivités territoriales.
Alors, de grâce, évitons les débats qui n’en sont pas, les postures démagogiques et politiciennes !
Mme Éliane Assassi. Nous allons sortir de l’hémicycle ! Nous n’allons pas vous déranger plus longtemps !
M. Frédéric Marchand. Je ne vous demande pas de sortir, madame Assassi. Je vous demande de respecter la nature des débats et de contribuer à l’élaboration d’un texte qui, comme je l’ai souligné tout à l’heure, fera date.
À nouveau, nous sommes attendus et regardés. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Donc, s’il vous plaît, respectons-nous les uns les autres ! Faisons en sorte d’avancer pour garantir ce qui est notre bien commun : le service public ferroviaire à la française. C’est ce qui nous anime ce soir.
Mme Éliane Assassi. Blabla ! Blabla ! Blabla !
M. Frédéric Marchand. Voilà pourquoi nous voterons contre cet amendement n° 48.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’entends bien l’argumentaire de certains collègues, pour qui nous nous faisons peur alors que toutes les garanties possibles nous ont été fournies.
En particulier, je comprends tout à fait que mes collègues du groupe Les Républicains adoptent cette stratégie. J’ai relu intégralement les débats de 2006, dans lesquels M. Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre de l’économie, expliquait à la gauche qu’elle n’avait rien compris. Celle-ci dénonçait un risque d’ouverture du capital de GDF, mais il avait donné plein de garanties et elle lui faisait des procès d’intention !
Donc je comprends bien, mes chers collègues du groupe Les Républicains, que vous ne soyez pas plus inquiets aujourd’hui que vous ne l’étiez à l’époque !
La construction d’Engie, qui ne s’appelle plus GDF, vous a peut-être permis de créer une belle entreprise, mais pas d’améliorer le service public du gaz dans ce pays, en particulier au regard du prix du gaz, et ce indépendamment de l’évolution des cours mondiaux. L’association UFC-Que choisir a mené des études très pointues sur le sujet.
C’est très facile de nous dire aujourd’hui : « vous jouez avec le feu ». Mais le passé a son poids et l’expérience doit nous être utile !
Si encore, madame la ministre, un argumentaire précis nous était présenté, montrant qu’un changement de statut en SA aux capitaux entièrement publics – tout ce que vous avez dit – offre véritablement des capacités d’emprunt et d’investissement supérieures, ainsi qu’une amélioration des conditions de réalisation du service public, cela pourrait se discuter. Mais tel n’est pas le cas !
Car votre seul argument, madame la ministre, c’est la fusion des trois structures !
Je n’ai a priori aucune philosophie en la matière. Est-ce mieux d’avoir une seule structure ou trois connectées ? Je n’en sais rien et, à la limite, je peux vous faire confiance sur un projet d’unification. Mais dans ce cas, faites un EPIC unique !
Dès lors, nous pouvons penser que soit vous considérez les structures publiques lourdes et inopérantes par nature – vous voudrez donc les changer à terme –, soit vous êtes en train de nous expliquer que le choix de la société anonyme vous donne des libertés pour l’avenir, et c’est bien ce qui nous fait peur !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en fait, vous voulez faire sauter le verrou du statut d’établissement public pour pouvoir privatiser dans un second temps. Souffrez que nous ne soyons pas d’accord. Souffrez que nous ayons d’autres propositions à soumettre au débat, ici, au Sénat. Nous sommes le Parlement ; nous avons la possibilité et le droit d’exprimer des points de vue divergents de ceux qui peuvent paraître aujourd’hui dominants.
Monsieur le président de la commission, vous nous dites en substance : circulez, nul besoin de débat ! Et vous, monsieur le rapporteur, vous vous adressez d’emblée à nous, sénatrices et sénateurs du groupe CRCE, en prenant d’ailleurs un air désolé, pour nous annoncer votre décision de considérer que tous nos amendements de suppression à venir ne mériteront pas de débat.
Dès lors, madame la présidente, je demande en cet instant une suspension de séance, pour permettre à mon groupe d’établir à son tour une stratégie au regard de ce qui vient d’être dit par le rapporteur et le président de la commission.
Mme la présidente. Je vous accorde cinq minutes de suspension, madame Assassi.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote sur l’amendement n° 48, tendant à la suppression de l’article 1er A.
M. Olivier Jacquin. Je précise tout d’abord à M. Marchand que je n’ai nulle intention de retirer l’ensemble de mes amendements.
Sur cet amendement n° 48, nous avons une position proche de celle que défendent ses auteurs, à ceci près que, en supprimant l’article, on laisserait Gares & Connexions dans l’EPIC SNCF Mobilités, ce qui ne nous convient pas. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Il ne faut pas s’étonner que le débat prenne cette tournure après tout ce que l’on a lu ou entendu, tant dans le rapport Spinetta qu’en ce moment même, en termes de risque de privatisation, du moins de suspicion de privatisation.
Mes chers collègues, je veux attirer votre attention sur un autre point. Madame la ministre, vous dites qu’un des avantages du statut proposé serait de conférer plus d’unité à l’ensemble de l’entreprise ferroviaire ainsi constitué. Je partage cet argument. En effet, ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent des dégâts qu’a causés une trop forte séparation entre RFF et SNCF voilà quelques années : cela s’est vraiment révélé négatif pour l’activité ferroviaire.
Cependant, je sens poindre une contradiction entre ceux qui, d’un côté, veulent plus d’unité et ceux qui, de l’autre, plaident pour des filialisations nombreuses, pour rendre étanches les liens entre, par exemple, Gares & Connexions et SNCF Réseau. J’ai entendu le rapporteur valider ce projet de société anonyme et donc, en quelque sorte, l’argument en faveur de plus d’unité. Mais, tout à l’heure, il va certainement plaider pour des filiales relativement étanches des entreprises mères. Il y a là une contradiction, que l’on a aussi retrouvée lors de l’audition extrêmement intéressante du président de l’ARAFER. Lui plaide pour moins d’unité, puisque, pour une réelle ouverture à la concurrence, il faut effectivement que le réseau soit véritablement neutre.
C’est cette position de neutralité du réseau que nous défendrons. Voilà pourquoi il sera proposé, dans le cadre d’un certain nombre d’amendements de repli, que SNCF Réseau puisse connaître un destin différent de SNCF Mobilités.
Par conséquent, madame la ministre, je voudrais vous entendre sur ce point, sachant qu’existe la tentation, d’un côté, d’aller vers plus d’unité pour l’activité ferroviaire, ce qui est compréhensible, et, de l’autre, d’isoler les structures les unes des autres.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le président Maurey, avec ce débat préalable nous ne perdons en réalité pas de temps ; au contraire, nous en gagnons. Il nous permet en effet de poser un certain nombre de fondamentaux.
Il ne faut pas l’oublier, je m’en suis moi-même rendu compte en allant à la manifestation organisée à l’occasion des 80 ans de la SNCF, cette dernière est, d’une certaine façon, le symbole de la France depuis 1937. Elle est le symbole des congés payés, de la Résistance, avec notamment la bataille du rail. Elle est aussi le symbole de l’aménagement du territoire, avec ces magnifiques photographies qui ornaient nos manuels de géographie quand nous étions jeunes ; je me souviens encore, pour ce qui me concerne, de la photographie du Capitole. Elle est encore le symbole de la performance technologique ces dernières années, avec le TGV. La SNCF est ainsi liée à de nombreux souvenirs personnels.
Face à cela, c’est vrai, le débat a été amorcé avec une sorte de défiance, qui résulte de la méthode employée par le Gouvernement et par vous, madame la ministre. Ce fut, dans un premier temps, ne l’oublions pas, la mise à l’écart de la proposition de loi sénatoriale. Ce fut aussi le régime des ordonnances, qui, d’une certaine façon, a pu créer de la suspicion. Ce fut encore le rapport Spinetta, qui a pu être perçu comme un brûlot, une provocation, un ballon-sonde lancé sans doute pour faire bouger les lignes. Ce fut, enfin, et ça l’est encore, un certain nombre d’annonces, distillées au compte-gouttes. D’où la nécessité de rétablir la confiance. À ce titre, il est vrai que les mots ont tout leur poids : dans l’expression « établissement public » figure le terme « public » ; derrière l’expression « société anonyme », apparaît peut-être le risque de privatisation. D’où la nécessité, je le répète, au cours de ces quelque soixante-douze heures de débat, d’apporter des garanties aux usagers, aux cheminots et aux autorités organisatrices.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 48.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 107 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 265 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 250 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de trente-six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 68, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Vous l’aurez compris, il s’agit encore, bien sûr, d’un amendement tendant à nous opposer au changement de statut. Sont ici visés les alinéas 2 à 13 de l’article 1er A. Certes, on nous a expliqué qu’il n’était nul besoin de débattre sur ce type d’amendements, qu’il ne s’agissait que d’un point de détail. Selon moi, la grève en cours depuis plusieurs semaines et les inquiétudes exprimées montrent, au contraire, toute l’importance du sujet. Quand on est obligé de mettre une ceinture et des bretelles, c’est qu’il y a un loup quelque part et que l’on peut se poser des questions. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Madame la ministre, depuis le début, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de vous interroger en commission sur les raisons de ce passage en SA, dont tout le monde nous dit qu’il n’est pas nécessaire pour l’ouverture à la concurrence, ouverture que vous-même, je l’ai bien compris et j’en prends acte, souhaitez. Le passage en SA n’a donc aucun caractère obligatoire, ce que nous a confirmé le président de l’ARAFER, toujours en commission, plaidant même plutôt pour l’inverse.
Si tout cela n’est pas fait dans l’idée d’unifier, idée que, pour ma part, je ne comprends pas trop, le seul avantage à passer en SA est de pouvoir augmenter le capital. Mais comment ? On peut se poser des questions sur la suite. En tout cas, je ne vois pas d’autre raison. J’aimerais tout de même avoir, à un moment donné, une réponse assez claire sur les raisons précises du passage en SA.
Mme la présidente. L’amendement n° 232, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
1° Première phrase
Remplacer les mots :
La société nationale à capitaux publics SNCF et ses filiales
par les mots :
Les établissements publics à caractère industriel SNCF, SNCF Réseau, SNCF Mobilités et leurs filiales
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
société nationale
II. – Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les attributions dévolues à la SNCF par le présent code à l’égard de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités sont identiques à celles qu’une société exerce sur ses filiales, au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce.
IV. – Alinéas 13 à 19
Supprimer ces alinéas.
V. – Alinéa 22
Supprimer les mots :
la société
VI. – Alinéa 24
Remplacer le mot :
filiale
par les mots :
direction dédiée
VII. – Alinéas 29 à 64
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Par cet amendement, nous souhaitons nous aussi nous opposer fermement à la transformation des établissements publics à caractère industriel et commercial SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités en sociétés anonymes.
Si le projet de loi prévoit que le capital social de la SNCF sera détenu intégralement par l’État et incessible, nous avons de bonnes raisons de penser que l’abandon du statut d’EPIC ne constituera qu’une première étape vers une ouverture ultérieure du capital des nouvelles SA. Souvenons-nous, mes chers collègues, de ce qui s’est passé dans d’autres secteurs économiques, comme ceux des télécommunications ou, cela a été rappelé, de l’énergie.
Nous estimons donc que le statut d’EPIC constitue le meilleur rempart contre une privatisation éventuelle. Il nous prémunit ainsi contre toute ouverture de capital. Il interdit le versement de dividendes aux actionnaires, en l’occurrence, à l’État. Il offre la garantie illimitée de pouvoir recourir à des emprunts à des taux d’intérêt bas, bien inférieurs à ceux qui sont pratiqués sur les marchés financiers.
L’enjeu, madame la ministre, est de pérenniser la maîtrise publique du service public des transports, de maintenir Gares & Connexions dans le giron de SNCF Réseau et d’empêcher la filialisation, à terme, de cette activité.
Mme la présidente. L’amendement n° 69, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
1° Première phrase
Remplacer les mots :
La société nationale à capitaux publics
par les mots :
L’établissement public industriel et commercial
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
société nationale
II. – Alinéa 4, première phrase, alinéa 6, première phrase, alinéa 7, alinéa 15, alinéa 18, alinéa 57, seconde phrase, alinéa 59, première phrase
Supprimer les mots :
société nationale
III. – Alinéas 5,13, 29, 36 et 47
Supprimer ces alinéas.
IV. – Alinéas 22 et 45
Remplacer les mots :
La société
par les mots :
L’établissement public industriel et commercial dénommé
V. – Alinéa 59, première phrase
Remplacer la seconde occurrence des mots :
la société
par les mots :
l’établissement public industriel et commercial dénommé
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. L’argument consistant à dire que la transformation des trois EPIC structurant aujourd’hui la SNCF en société nationale ne conduira pas à la privatisation de la SNCF ne nous convient pas. D’autant qu’il ne s’agit pas là d’une innovation et que nous avons la preuve, par l’histoire, que cela ne se fera pas dans le sens de l’amélioration du service des usagers ni de la santé économique de l’entreprise. En effet, comme nous l’avons indiqué dans l’objet de notre amendement, le mouvement de transformation des EPIC nationaux en sociétés anonymes remonte déjà aux années soixante-dix : ce fut notamment le cas, à l’époque, de l’ERAP, l’Entreprise de recherches et d’activités pétrolières, devenue Elf Aquitaine, société d’abord publique, puis privatisée et absorbée par Total en 1994. Plus révélateur encore de la pente abrupte vers la privatisation et de la casse sociale annoncée, on peut citer l’exemple de l’ancienne entreprise publique SEITA, fondée en 1926, devenue EPIC en 1959, puis société nationale en 1980, avant d’être privatisée en 1995, entraînant une série de fermetures d’usines avant son rachat par Imperial Tobacco, dont elle est devenue filiale avec, à la clé, un plan social de grande ampleur et la suppression de 2 440 emplois en Europe.
Je ne reviendrai pas sur les autres transformations en société anonyme que nous avons déjà évoquées : TDF, La Poste, France Télécom, ou encore GDF, EDF et, bientôt, Aéroports de Paris.
L’argument expliquant cette évolution est bien connu, à force d’avoir été répété : ces établissements paraissent de nos jours atteints d’une malformation congénitale, leur caractère trop public, qui les rendrait inadaptés au secteur d’activité dans lequel ils évoluent, soit parce qu’ils sont gênés par les pesanteurs administratives, soit parce qu’ils tirent de leur attachement à l’État des avantages économiques à l’égard de leurs concurrents.
Permettez-nous de vous rappeler la définition d’un EPIC, afin de préciser de nouveau en quoi il est absolument nécessaire de conserver ce régime juridique pour ce secteur d’activité essentiel qu’est le ferroviaire : que ce soient des créations pures ou des nationalisations anciennes, comme c’est le cas pour la SNCF, la personne morale de droit public que représente l’EPIC a pour but la gestion d’une activité de service public, dont le bon fonctionnement est essentiel ; compte tenu de la spécificité du service public à assurer, une entreprise industrielle ou commerciale privée soumise à la concurrence ne peut pas être aux manettes. C’est la raison même de l’existence des EPIC.
Mme la présidente. L’amendement n° 71, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
remplit des missions de service public dans le domaine du transport ferroviaire et de la mobilité
par les mots :
concourt au service public ferroviaire et à la solidarité nationale
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. La vocation de cet amendement tient en un rappel.
Le rail, tout comme son caractère public, est le garant d’un maillage territorial efficace et remplit aujourd’hui un rôle tout aussi social qu’économique, lui permettant de concourir à la solidarité nationale. Avec la libéralisation et le changement de statut, c’est la nature même du service public qui est mise en cause.
Un rôle social, car le rail est un rappel de l’État dans des zones qu’il a parfois abandonnées. Quand vous habitez dans un territoire enclavé, le train constitue souvent le dernier service public accessible et le moyen de se rapprocher des zones les plus denses. En cela, le réseau ferré est un outil structurant du territoire de la République.
Un rôle social, aussi, car le rail constitue, pour de nombreuses personnes, le seul moyen de locomotion possible. L’avion est beaucoup plus cher et d’un accès plus éloigné, et la voiture demande des investissements importants. Il ne reste alors plus que le train.
Un rôle économique, enfin, car les entreprises ont tout intérêt à avoir un réseau ferré efficace, faisant l’objet d’un investissement public massif, pour transporter facilement et de manière performante leurs salariés et leurs marchandises.
Outre ces éléments, on ne peut omettre les enjeux environnementaux du réseau ferré. Le Grenelle de l’environnement verra-t-il ses objectifs suivis par la France en matière de part modale du non-routier et du non-aérien ? Alors que, d’après un rapport de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, 45 000 personnes meurent chaque année, en France, de l’exposition à l’ozone et aux particules, il est urgent de revaloriser le moyen de transport le moins polluant dans notre pays.
De par son rôle structurant et son caractère universel, le rail doit faire l’objet d’un fort investissement public, mais il est nécessaire de rappeler qu’il est l’affaire de toutes et de tous, et un acteur majeur de la solidarité nationale. Quand nous entendons des éditorialistes avancer, sans aucun recul, que « la SNCF coûte 1 000 euros à chaque Français, même ceux qui ne prennent pas le train », je me demande si leur position est la même en ce qui concerne l’éducation nationale, la sécurité sociale, les aides à la presse, pour celles et ceux qui ne scolarisent pas leurs enfants, ne sont pas malades et ne lisent pas cette même presse.
C’est pour lutter contre ce genre d’arguments totalement fallacieux que cet amendement vaut la peine d’être adopté. Il importe de se rappeler que seul le service public est un garant social dans notre République.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié octies, présenté par MM. Malhuret, Fouché et Laménie, Mme Goy-Chavent, MM. Piednoir, Babary, Kern, Longeot et Moga, Mmes C. Fournier et Bruguière, MM. L. Hervé et Gremillet, Mmes Bories et Garriaud-Maylam, MM. Dennemont, Mizzon, Delcros, Savin, Dantec et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
durable
insérer les mots :
, de lutte contre le réchauffement climatique
La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Cet amendement vise à compléter la liste des objectifs de la SNCF précisés à l’article L. 2101-1 du code des transports. Il s’agit ainsi d’inscrire l’action du groupe en matière de développement durable, sujet qui nous est très cher, notamment à mon collègue Ronan Dantec, dans la lignée des engagements de la France dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique.
La part modale du ferroviaire dans le transport de marchandises est en effet passée de 10,6 % en 2015 à 9,6 % en 2017. Au regard de ces chiffres inquiétants, le développement du transport ferroviaire demeure un enjeu considérable et nécessite qu’une stratégie de promotion des modes de transport verts soit inscrite dans le droit.
Le verdissement de nos modes de transport est un objectif de court terme, essentiel à nos politiques de développement durable et de préservation de l’environnement. C’est un sujet sur lequel nous nous battons tous depuis un certain nombre de mois.
Mme la présidente. L’amendement n° 70, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
développement durable,
insérer les mots :
de transition écologique,
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Notre amendement est très proche du précédent et nous partageons l’objectif qui vient d’être rappelé. Notre volonté – Martial Bourquin a bien précisé la problématique – est de faire, demain, de la SNCF et du ferroviaire un outil à la disposition de la transformation climatique de notre pays, par une moindre consommation des énergies fossiles. Nous souhaitons donc ajouter une précision dans l’article 1er A, pour prendre en compte l’objectif de transition écologique.
Madame la ministre, vous nous avez indiqué être pleine d’ambition pour la future SNCF. Je vous pose la question, à la suite de mes deux collègues : comment comptez-vous mettre la SNCF et son développement au service de la transition écologique, dont notre pays a absolument besoin pour respecter les accords conclus dans le cadre de la COP21 ?
Mme la présidente. L’amendement n° 183 rectifié, présenté par MM. Dantec, Corbisez, Gold, Léonhardt, Fouché, Longeot, Gontard, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Menonville, Requier et Vall et Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
développement durable,
insérer les mots :
de réduction des émissions de gaz à effet de serre,
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Les amendements nos 3 rectifié octies, 70 et 183 rectifié sont de même nature.
Le libellé actuel de la première phrase de l’alinéa 3 de l’article 1er A est assez déséquilibré. On fait souvent du développement durable un marqueur environnemental, alors qu’il vise à répondre aux besoins des générations actuelles sans obérer la capacité des générations futures de satisfaire les leurs.
La rédaction insiste sur le développement durable, l’aménagement du territoire, l’efficacité économique et sociale, mais elle oublie l’environnement, notamment les émissions de gaz à effet de serre, volet sur lequel le rail et la SNCF ont le plus d’impact.
Aujourd’hui, 31 % de ces émissions sont liées au transport ; celles-ci augmentent et, au regard des chiffres de 2017, la France ne pourra pas tenir les objectifs fixés dans l’accord de Paris. Or si tel est le cas, les autres pays, par effet d’entraînement, ne les tiendront pas non plus.
Quelque chose d’essentiel se joue donc ici et il paraît assez aberrant de ne pas viser les émissions de gaz à effet de serre dans ce paragraphe relatif aux objectifs essentiels assignés à la SNCF.
Le développement durable peut faire office de chapeau englobant un marqueur environnemental, le climat, suivi d’un marqueur d’aménagement du territoire et de marqueurs économiques et sociaux. L’ajout proposé permettrait donc de rééquilibrer le texte.
Les amendements susmentionnés nous laissent le choix entre trois libellés : lutte contre le réchauffement climatique, transition écologique ou réduction des émissions de gaz à effet de serre. Évidemment, je préfère la dernière formulation, plus technique, moins politique. Elle établit un lien plus direct avec la stratégie nationale bas carbone et impose à la SNCF de nous expliquer demain comment elle compte réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il vous reste à exprimer votre préférence entre ces trois formules. Les deux amendements restants seront vraisemblablement retirés sans grande difficulté.
Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
À l’exception des activités déjà exercées par elle-même, par SNCF Réseau ou par SNCF Mobilités, la société nationale SNCF…
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai simultanément l’amendement n° 25.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 25, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les filiales mentionnées précédemment doivent avoir un objet connexe et complémentaire aux missions de l’ensemble du groupe public ferroviaire.
Vous avez la parole pour présenter ces deux amendements, mon cher collègue.
M. Fabien Gay. Par ces deux amendements, nous souhaitons affirmer qu’il convient que la SNCF, groupe public ferroviaire réunifié et intégré, cesse la balkanisation de ses activités.
En effet, depuis plusieurs années, nous assistons à une externalisation des activités stratégiques en dehors de l’EPIC. On dénombre ainsi, non pas 900 filiales, monsieur Émorine, mais plus de 1 000 dans le groupe à statut de société commerciale. Une telle situation affaiblit l’opérateur public et contribue à son éclatement.
Plus grave, un certain nombre de filiales créées concurrencent aujourd’hui directement des branches ou secteurs d’activité de l’EPIC. Si nous comprenons la volonté de croissance de la SNCF, voire d’une diversification de ses activités, cette dernière ne peut s’entendre que par la volonté de renforcer l’offre aux usagers, et non de mettre en place une concurrence intragroupe.
Ainsi, à l’heure actuelle, si des filiales peuvent venir concurrencer l’activité principale de la SNCF, de SNCF Réseau ou de SNCF Mobilités, cela ne semble pas cohérent, y compris au regard de l’importance des missions de service public remplies par la SNCF en termes d’aménagement du territoire ou de transition écologique.
Nous demandons donc, non pas d’interdire la possibilité pour la SNCF, SNCF Réseau ou SNCF Mobilités de créer des filiales, mais simplement d’en limiter le champ aux activités qui ne sont pas du ressort des trois sociétés constituant le groupe ferroviaire, afin d’éviter une concurrence intragroupe.
Nous proposons également, dans le même sens, de restreindre la faculté de création de filiales aux activités non ferroviaires ayant un objet connexe et complémentaire aux missions de l’ensemble du groupe ferroviaire.
Ces deux amendements que nous vous soumettons, mes chers collègues, permettent simplement de clarifier les modalités de recours à la filialisation, qui a d’ores et déjà lourdement pénalisé l’activité ferroviaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 215, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, ainsi que l’ensemble des filiales que ces entités détiennent directement ou indirectement et qui exercent sur le territoire français une activité de transport ferroviaire de voyageurs ou de marchandises ainsi que toute activité liée aux gares, constituent le « groupe public ferroviaire unifié » au sein du système ferroviaire national. Ce groupe d’entreprises a un caractère indissociable et solidaire.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. L’organisation interne du groupe public ferroviaire peut être amenée à évoluer, notamment avec la création de filiales. On peut imaginer la création de filiales régionales si une autorité organisatrice l’exige dans le cadre d’attributions directes ou de mises en concurrence.
Dès lors, pour assurer la cohérence sociale du groupe public ferroviaire, en particulier une politique de gestion des ressources humaines dynamique, offrant des possibilités de parcours professionnels attractifs, il apparaît essentiel d’anticiper ces possibles évolutions, et de prévoir que les filiales ferroviaires ainsi créées restent dans le périmètre du groupe public ferroviaire.
Telles sont les raisons qui justifient le dépôt de cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 234, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6,
1° Première phrase
Supprimer les mots :
de la société SNCF Réseau mentionnée à l’article L. 2111-9 du présent code, ainsi que
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
ces deux sociétés
par les mots :
cette société
II. – Alinéa 13
Avant les mots :
à la société
insérer les mots :
à l’établissement public à caractère industriel et commercial SNCF Réseau,
III. – Alinéa 22
Remplacer les mots :
La société
par les mots :
L’établissement public à caractère industriel et commercial
IV. – Alinéa 24
Remplacer le mot :
filiale
par les mots :
direction dédiée
V. – Alinéas 29 et 59
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Cet amendement de repli, très important, porte sur SNCF Réseau, le gestionnaire de l’infrastructure, c’est-à-dire de ce grand patrimoine public composé de 30 000 kilomètres de lignes, dont 2 600 à grande vitesse.
Nous considérons que ce patrimoine public, constitué en plus de cent cinquante ans, doit demeurer sous EPIC.
Certaines de ses spécificités justifient en outre que le gestionnaire de réseau conserve ce statut. Il constitue notamment un monopole naturel en raison du droit d’entrée élevé d’infrastructures lourdes nécessitant de gros investissements et la réalisation d’économies d’échelle.
Ce statut est essentiel pour protéger le gestionnaire d’une infrastructure clé, garantir son indépendance et assurer la maîtrise publique du réseau ferroviaire.
Dans d’autres secteurs comme ceux de l’énergie ou des télécommunications, le même processus de transformation s’est traduit in fine par l’ouverture du capital des EPIC transformés en SA, à l’exemple de la filiale gestionnaire des infrastructures de transport d’électricité à haute tension, RTE. Nous avons de bonnes raisons de craindre une évolution similaire.
Nous nous opposons ainsi à la transformation de SNCF Réseau en société anonyme soumise au droit commun des sociétés.
Mme la présidente. L’amendement n° 256, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
du présent code, ainsi que
par le mot :
et
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. L’amendement n° 235, présenté par M. Jacquin, Mme Lienemann, MM. Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mme de la Gontrie, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La part publique du capital des filiales de la société nationale SNCF, de la société SNCF Réseau et de la société SNCF Mobilités est également incessible.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit, là encore, d’un amendement de repli. Nous ne sommes pas favorables à la transformation de l’EPIC en SA, mais, si tel était le cas, nous souhaiterions que toutes les structures de la SNCF soient composées d’actions incessibles, y compris ses filiales.
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 15
1° Après les mots :
d’État et
insérer les mots :
, de manière dérogatoire,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces dérogations sont soumises à l’avis conforme de la commission nationale mixte instituée par l’arrêté du 12 décembre 2000.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. L’objectif du Gouvernement, non négociable si j’ai bien compris, est la fin du statut des cheminots à l’horizon 2020.
Prévoyant initialement de procéder par ordonnance, le Gouvernement, sentant une unanimité naissante contre ce procédé, a finalement changé de stratégie pour intégrer cet élément au projet de loi.
Selon ses premiers chiffrages, cette suppression ferait économiser à l’entreprise 100 millions d’euros. J’ai entendu que ce serait moins, finalement. Me le confirmez-vous, madame la ministre ? En tout cas, les parlementaires n’ont eu connaissance d’aucune étude sérieuse venant étayer cette estimation.
Vous le savez, madame la ministre, les syndicats ne partagent pas votre optimisme. Ils soulignent très justement le moindre coût du statut de cheminot sur nombre de points non négligeables. Il va falloir nous expliquer en quoi le droit privé est préférable pour ce qui concerne le travail de nuit, le travail du week-end… Autant d’éléments à prendre en compte avant de jeter le statut aux orties.
On n’arrête pas d’entendre sur certaines travées de cet hémicycle : « Ça va mal ! » Mais entre 2007 et 2017, alors que 25 000 emplois étaient supprimés à la SNCF, le taux de productivité des cheminots a augmenté de 35 % – je parle sous votre contrôle, madame la ministre ! Que l’on ne dise pas ensuite que les cheminots ne sont pas attachés à leur entreprise et qu’ils n’ont pas contribué à ce qu’est la SNCF aujourd’hui !
Voilà quand même un sujet sérieux ! On assiste en réalité à une attaque en règle contre les salariés du public, accusés de tous les maux. On a parlé du statut au début, pour finalement en venir à la dette – on reviendra ultérieurement sur cette question.
Si le problème ne vient pas de la contribution des cheminots, il faut maintenir le statut. Avec 35 % de productivité de plus en dix ans – c’est généralement un argument qui porte auprès de mes collègues du groupe Les Républicains –, quel serait l’intérêt de changer le statut ? Ou alors il faut nous donner des arguments sérieux, même s’ils viennent du monde de l’entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 24
Après le mot :
voyageurs
supprimer la fin de cet alinéa.
II. – Alinéas 32 et alinéa 41, première phrase
Remplacer les mots :
La filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9
par les mots :
SNCF Réseau
III. – Alinéa 59, première phrase
Supprimer les mots :
, de sa filiale chargée de la gestion unifiée des gares de voyageurs mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du code des transports
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Par cet amendement, nous nous opposons à la filialisation de Gares & Connexions, qui est aujourd’hui une direction intégrée à l’EPIC SNCF Mobilités. La question de la filialisation ou de la privatisation des gares n’est pas nouvelle.
Gares & Connexions, c’est la gestion et la rénovation d’un patrimoine de près de 3 000 gares sur le territoire national, la gestion de revenus immobiliers, le premier accès à la ville, la garantie d’une desserte fine de notre territoire. Gares & Connexions représente aussi des enjeux de mobilité, de fluidité, de sécurité.
Ce n’est pas une vue de l’esprit : le démantèlement des gares de proximité constitue l’un des effets concrets de la privatisation du secteur ferroviaire menée à l’échelle européenne depuis un quart de siècle.
D’autres choix que la filialisation sont possibles. Ainsi, le rapport précise qu’il serait envisageable de rattacher Gares & Connexions à SNCF Réseau sous forme de direction dédiée, ce qui « aurait l’avantage de simplifier la gestion patrimoniale des gares en réunissant l’exploitation des bâtiments des gares et celle des quais, et de créer un guichet unique pour l’accès des entreprises ferroviaires aux gares ». Ce serait un choix de bon sens.
Il n’est pas acceptable que la privatisation de Gares & Connexions repose sur des considérations dénuées de tout fondement autre qu’idéologique.
Le choix de la filialisation, c’est le démantèlement du patrimoine ferroviaire, commun à tous nos concitoyens. En effet, la transformation de Gares & Connexions en société anonyme à capitaux publics, indépendante du groupe public ferroviaire, nécessiterait que lui soient affectés les bâtiments des gares et certains actifs de SNCF Réseau. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition.
Mme la présidente. L’amendement n° 214, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Remplacer les mots :
à travers une filiale dotée d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière
par les mots :
; cette activité est exercée directement par SNCF Réseau dans des conditions définies par décret en Conseil d’État propres à garantir l’indépendance des fonctions essentielles du gestionnaire de gares et l’autonomie de son activité.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai simultanément l’amendement n° 233.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 233, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Alinéas 24, 32, 41 et 59
Remplacer le mot :
filiale
par les mots :
direction dédiée
Vous avez la parole pour présenter ces deux amendements, mon cher collègue.
M. Olivier Jacquin. Mme la ministre a insisté pour une meilleure unité du groupe public ferroviaire. Or les activités du gestionnaire de gares et de SNCF Réseau sont intimement liées et doivent marcher main dans la main. Au nom de cette cohérence à retrouver entre ces deux activités, il nous semble qu’une filialisation de Gares & Connexions risque de l’éloigner de SNCF Réseau.
On en a compris la raison dans l’exposé des nouvelles potentialités des gares, présentées comme les nouveaux cœurs de villes, des espaces urbains à forte valeur ajoutée, avec une crainte que les gains créés par ces gares ne soient dilués dans l’activité de SNCF Réseau.
Mais la position de direction dédiée rattachée à SNCF Réseau nous semble offrir des garanties publiques suffisantes et la cohérence nécessaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 168, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Après le mot :
filiale
insérer les mots :
dont elle exerce le contrôle
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Il s’agit d’apporter une précision sur l’autonomie de la filiale « gares ».
Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est favorable à la réunification, au sein d’une seule entité, des activités et des actifs dispersés pour l’heure entre SNCF Mobilités et SNCF Réseau, de façon à avoir une meilleure coordination au sein des gares et à ne plus s’interroger pour savoir si un réseau électrique appartient à l’une ou l’autre entité.
Par ailleurs, compte tenu de la spécificité de l’activité de Gares & Connexions, qui doit vraiment être la porte d’entrée d’un système de transport multimodal, qui contribue par ailleurs au développement et à l’aménagement urbain et qui est en capacité d’interagir avec l’ensemble des acteurs extérieurs au système ferroviaire, le Gouvernement est favorable à ce que cette réunification se fasse dans le cadre d’une filiale.
Votre commission a voté en faveur d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière. Le Gouvernement partage cet objectif, à condition que cela n’éloigne pas trop Gares & Connexions de SNCF Réseau et que la synergie recherchée ne soit pas atténuée par la mise en œuvre de ce principe.
L’objet de cet amendement est de préciser qu’il y aura bien un contrôle exercé par SNCF Réseau et un maintien de la synergie entre les activités d’exploitation ferroviaire et celles de Gares & Connexions.
Mme la présidente. L’amendement n° 236, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par les mots :
et dont le capital est intégralement détenu par des capitaux publics
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Sur l’initiative de son rapporteur sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté un amendement visant le rattachement de Gares & Connexions à SNCF Réseau sous la forme d’une « filiale dotée d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière ».
Nous sommes opposés à cette filialisation et nous avons déposé des amendements en ce sens, qui n’ont malheureusement pas été adoptés.
En effet, en droit des sociétés, une filiale est définie comme une société dont le capital est détenu à plus de 50 % par la société mère. Il y a donc, a priori, constitution d’un capital.
MM. Maurey et Nègre, auteurs de la proposition de loi sur la transposition du quatrième paquet ferroviaire que nous avons examinée voilà quelques semaines, prévoyaient que le capital de Gares & Connexions serait composé majoritairement de capitaux publics.
Nous souhaitons, par précaution, que le capital de cette nouvelle filiale soit détenu intégralement par des capitaux publics de l’État, et – pourquoi pas ?– des collectivités territoriales, parties prenantes à l’avenir des gares.
Mme la présidente. L’amendement n° 237, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Siègent au conseil d’administration de cette filiale des représentants des collectivités territoriales, des organisations syndicales représentatives et des associations agrées d’usagers des transports. Leur nombre et répartition sont fixés par décret.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Sur l’initiative du rapporteur, le projet de loi prévoit désormais que Gares & Connexions sera rattachée à SNCF Réseau sous la forme d’une filiale disposant d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière.
Le rapporteur a également conforté l’autonomie décisionnelle de Gares & Connexions en prévoyant un contrat entre la nouvelle filiale et l’État d’une durée de cinq ans, lequel portera en particulier sur divers objectifs de qualité de service, de trajectoire financière et d’investissement dans les gares.
Vous avez aussi souhaité, monsieur Cornu, renforcer l’association des collectivités territoriales à la gouvernance des gares. C’est une bonne chose, et nous nous en félicitons. Nous souhaitons toutefois que, au sein du conseil d’administration de la filiale Gares & Connexions, figurent toutes les parties prenantes, qui pourront dès lors peser sur les orientations et décisions relatives à la gestion des gares. Cela nous semble indispensable si l’on filialise cette activité.
Mme la présidente. L’amendement n° 129, présenté par M. Longeot, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Compléter cet alinéa par les mots :
, visant en particulier à assurer la prise en compte de ses états comptables dans ceux de SNCF Réseau selon la méthode de la mise en équivalence
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à préciser les conditions d’autonomie financière de la filiale Gares & Connexions, chargée de la gestion des gares.
Ces dernières sont les portes d’entrée des villes et sont des lieux de vie. Quand on rénove une gare, c’est un quartier de ville qui se reconstruit. Des études ont montré que les investissements dans les gares créeraient des investissements supplémentaires grâce au travail partenarial avec les villes, les intercommunalités, les métropoles et les régions.
En moyenne, un euro investi dans une gare entraîne quatre euros d’investissement dans le quartier de celle-ci. Il y a donc un effet de multiplicateur économique.
Aujourd’hui, Gares & Connexions a prévu d’investir 1,5 milliard d’euros d’ici à 2020. Il faut non pas casser cette dynamique, mais au contraire l’accélérer. Il est nécessaire, dans le cadre de la réforme, de donner les moyens à la nouvelle filiale SNCF Réseau d’avoir les capacités d’investir davantage dans les gares et territoires.
Gares & Connexions est une petite structure agile, peu endettée, dont l’activité est bénéficiaire.
L’objet de cet amendement technique est de préciser que les comptes de SNCF Gares & Connexions seront mis en équivalence et non consolidés dans les comptes de SNCF Réseau. Cela signifie que les dettes de SNCF Réseau et de Gares & Connexions ne seront pas mélangées.
En effet, la consolidation des comptes empêcherait Gares & Connexions de poursuivre la dynamique d’investissements dans les gares, car sa dette serait agrégée avec celle de SNCF Réseau, laquelle restera importante malgré le désendettement partiel. Réciproquement, les emprunts nécessaires au financement des gares alourdiraient inutilement la dette de SNCF Réseau.
Si cet amendement est adopté, chacun sera entièrement responsable de sa dette et financera selon sa réelle capacité à rembourser, sans que l’un soit pénalisé par l’autre.
Mme la présidente. L’amendement n° 238, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 38
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 crée une société de gestion pour gérer les espaces commerciaux des grandes gares, des représentants des collectivités territoriales, des organisations syndicales représentatives et des associations agréées d’usagers des transports siègent à son conseil d’administration. Leur nombre et répartition sont fixés par décret.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Dans le même sens, au vu des nouvelles potentialités des gares dans les grandes villes – ces espaces devront conjuguer le ferroviaire, l’intermodalité et peut-être d’autres fonctions de service ou de commerce –, il nous semble intéressant d’élargir le conseil d’administration de ces gares.
Nous proposons donc que les collectivités territoriales – villes, agglomérations, métropoles, régions –, mais aussi les usagers et les organisations syndicales puissent avoir un droit de regard sur les décisions relatives à la gestion et à l’aménagement des espaces commerciaux des grandes gares, en permettant à leurs représentants de siéger dans leurs conseils d’administration. Il est également proposé que le Gouvernement en fixe le nombre et la répartition par décret.
Mme la présidente. L’amendement n° 239, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 38
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les gares, des espaces destinés à des activités à but non lucratif sont réservés aux collectivités territoriales.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à mettre en place un droit d’option des collectivités territoriales sur l’usage des espaces des gares potentiellement destinés au commerce.
Ces espaces couvrent aujourd’hui 180 000 mètres carrés accessibles dans les gares et reliés au réseau de transports multimodaux.
Nous proposons que des superficies puissent être réservées aux collectivités locales souhaitant les louer, afin de favoriser le développement d’activités à but non lucratif : maisons de service public, activités associatives reconnues d’utilité publique, crèches, salles de réunion, etc.
Les gares sont génératrices de flux de mobilité importants et sont des lieux névralgiques de passage régulier de nos concitoyens. Il est donc pertinent de réserver une partie de ces espaces publics aux collectivités territoriales. Cette zone est définie au cas par cas entre Gares & Connexions et les collectivités territoriales concernées. Il s’agit de réenchanter nos gares et de saisir l’opportunité de locaux au cœur des intermodalités qui puissent bénéficier à tous.
Les gares sont notre patrimoine commun, héritage d’un investissement public autant humain que financier. Idéalement situées, elles apparaissent souvent comme les fleurons de certaines villes, parfois même de communes rurales.
Mme la présidente. L’amendement n° 213, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour tout projet afférent à l’avenir d’une gare, les collectivités territoriales sont associées.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté plusieurs dispositions visant à renforcer l’autonomie décisionnelle des gares via une contractualisation directe entre le gestionnaire de gares et l’État relative à la gestion des gares de voyageurs. Elle a aussi conforté l’association des collectivités territoriales à la gouvernance des gares de voyageurs.
Pour autant, si les auteurs de l’amendement se félicitent de ces avancées, ils souhaitent également que les collectivités territoriales soient associées à tout projet concernant l’avenir des gares.
Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 42 et 43
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Le projet de contrat et les projets d’actualisation sont soumis pour avis à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, au Conseil économique, social et environnemental et au Parlement. » ;
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. L’ambition de Gares & Connexions, y compris du fait de sa filiale, doit faire l’objet d’une vigilance de la puissance publique.
À l’heure actuelle, seule l’ARAFER est saisie pour avis sur les projets de contrat et d’actualisation. Le Parlement, c’est-à-dire, concrètement, les représentants des citoyennes et citoyens finançant par l’impôt ces investissements, est renvoyé à un rôle subalterne.
Pis, la troisième assemblée constitutionnelle qu’est le Conseil économique, social et environnemental, n’est ni saisie ni informée. Il y a là un vrai problème démocratique.
En effet, selon l’un des axes forts présentés par le Gouvernement ces dernières semaines, cette réforme est censée sécuriser une entreprise publique centrale et stratégique. Elle est centrale, car elle fait partie du quotidien de toutes et tous. Elle est stratégique, car ses implications dans la définition de toutes les politiques sont fortes.
C’est tout le sens de cet amendement, qui vise à raffermir le contrôle de la représentation nationale sur un fleuron de notre pays.
Il est d’autant plus dommageable d’avoir exclu le CESE du processus que sa nature même nous offre un regard expert sur toutes les questions liées au développement des gares. Je pense aussi à la question environnementale, ou encore, les gares pouvant faire office de commerces ou services à proximité des habitations, à la politique d’aménagement du territoire.
Enfin, l’objet même des projets de contrat et d’actualisation nous oblige à la plus grande vigilance démocratique et à un contrôle efficace du Parlement. Il est regrettable de dénier à la représentation nationale toute intervention dans des projets de contrat définissant le paysage de nos villes et la qualité du service public national ferroviaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 74, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 45
Supprimer les mots :
, directement ou à travers ses filiales,
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Par le biais de cet amendement très simple, nous revenons sur la possibilité de créer des filiales au sein de SNCF Mobilités.
En effet, aujourd’hui encore plus qu’hier, et au regard des éléments dont nous disposons sur les intentions du Gouvernement, nous craignons l’externalisation par la filialisation d’un certain nombre d’activités au sein de SNCF Mobilités, que ce soit le fret ou les trains express régionaux.
Ce découpage de l’entreprise publique est contraire à l’idée même d’une meilleure cohérence dans le groupe ferroviaire et à une meilleure intégration.
Ainsi, vous avez annoncé, madame la ministre, alors que la réforme était en cours d’examen à l’Assemblée nationale, la volonté du Gouvernement d’aller vers la filialisation du fret. Nous considérons que cette filialisation, qui a été repoussée par tous les gouvernements depuis plus de dix ans, est de très mauvais augure pour cette activité d’intérêt général.
Vous soutenez aujourd’hui qu’elle permettrait une recapitalisation ; nous pensons au contraire que cette recapitalisation, certes utile et nécessaire, est possible sans faire de cette branche une société anonyme.
En effet, en filialisant cette activité, vous la condamnez sur le long terme à l’équilibre, ce qui n’est ni possible ni souhaitable, quel que soit le montant des péages.
Alors que le transport de marchandises par train ne représente que moins de 10 % du transport de marchandises global, nous estimons que la SNCF doit mener une politique, non pas de limitation de l’activité sur les axes les plus soutenables, mais au contraire de massification et de développement de l’offre, en relançant les triages. Comment est-il possible, par exemple, que le marché d’intérêt national de Rungis ne soit desservi aujourd’hui que par une seule ligne de fret ? Les marges de manœuvre à l’échelle du pays sont immenses !
La filialisation du fret signerait l’arrêt de mort de son développement.
Soyons clairs, cette volonté de filialisation, que nous apprenons parfois par la presse lorsque celle-ci se procure des documents confidentiels, est le signe de la volonté du Gouvernement de s’engager dans la voie d’une privatisation par petits pas de l’entreprise publique. L’éclater en plusieurs filiales, puis privatiser ces filiales et ne laisser que la holding dans les mains de l’État, cela devient possible !
Nous prônons, pour notre part, une entreprise intégrée sous le modèle d’un EPIC, car c’est la forme juridique la plus aboutie pour l’exercice de cette mission de service public.
Nous demandons donc, par cet amendement, la suppression de la possibilité de créer des filiales au sein de SNCF Mobilités.
Mme la présidente. L’amendement n° 75, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 46
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Elle exploite selon les principes du service public, les services de transport ferroviaire sur le réseau ferré national.
II. – Alinéas 62 à 64
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Notre amendement vise à réintroduire dans la loi la notion fondamentale de service public et tend à ce que la future SNCF continue d’exploiter le réseau national dans ce cadre.
Que signifie, en l’espèce, la notion de service public ? Quelque chose de très simple, qui est le fondement de notre pacte républicain : assurer de façon systématique la continuité du service sur tout le territoire. L’argent que la société gagne d’un côté doit pouvoir être investi pour maintenir des lignes moins rentables – pour reprendre un terme strictement comptable –, mais qui sont absolument fondamentales pour la survie de nos territoires.
Entre parenthèses, mes chers collègues, je m’interroge vraiment sur ce terme « rentabilité » qui a été mentionné à plusieurs reprises depuis le début de nos débats. Comment la calculer en pratique ? Comment mesurer l’intérêt d’une ligne de train pour un territoire et l’intégrer dans un bilan comptable ? Trop souvent, on prend en compte uniquement, d’un côté, ce que rapporte une ligne en billetterie et subventions et, de l’autre, ce qu’elle coûte, alors que, au fond, nous sommes incapables de définir, avec les mêmes notions comptables, ce que la gare d’Ussel, par exemple, peut apporter à la Haute-Corrèze.
Pour ce qui nous concerne, nous tenons à cette notion de service public qui exprime clairement le lien et la solidarité qui doivent exister entre tous les territoires et qu’il nous faut maintenir. Plus le réseau utilisé par la SNCF sera large et dense, mieux elle pourra réaliser la péréquation, qui est nécessaire, entre les lignes qui rapportent de l’argent et celles qui sont davantage en difficulté.
Mme la présidente. L’amendement n° 257, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 46
Après le mot :
réserve
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
du second alinéa du II de l’article 1er ter de la loi n° … du … pour un nouveau pacte ferroviaire.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. L’amendement n° 149 rectifié quinquies, présenté par Mmes Lienemann et Meunier, M. Tourenne, Mme Préville, MM. M. Bourquin, Duran et Todeschini, Mmes G. Jourda et Monier et M. Tissot, est ainsi libellé :
Alinéa 50
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« I. – Tout accord collectif négocié au niveau du comité de groupe mentionné au III s’applique dans les mêmes termes au sein des sociétés du groupe public unifié…
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. D’une manière générale, nous sommes opposés à la remise en cause du statut des cheminots et nous sommes particulièrement préoccupés par l’alinéa 50 du présent article qui ouvre la possibilité de mettre en place dans les filiales des conventions collectives différentes de celle qui sera en vigueur dans le groupe. Nous proposons au contraire que tout accord collectif négocié à l’échelon du comité de groupe s’applique dans les mêmes termes au sein des sociétés du groupe public unifié, c’est-à-dire dans les filiales.
Madame la présidente, permettez-moi de présenter dès maintenant les amendements nos 150 rectifié quinquies et 151 rectifié quinquies.
L’amendement no 150 rectifié quinquies, qui poursuit le même objectif que celui que je viens de défendre, vise à la suppression de l’alinéa 53, parce que ce dernier ouvre la possibilité, pour le Gouvernement, de statuer sur les modalités de mise en place de conventions collectives différentes au sein de filiales, si la négociation collective n’a pas abouti dans un délai de six mois.
Quant à l’amendement n° 151 rectifié quinquies, amendement de repli, il a pour objet de permettre à la négociation collective d’avoir davantage de temps pour aboutir – douze mois au lieu de six. Par ailleurs, l’intervention de l’État devrait relever, en la matière, de la responsabilité du Parlement.
Mme la présidente. L’amendement n° 216, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 50
Compléter cet alinéa par les mots :
en vue d’un large socle de droits communs à l’ensemble de ces sociétés
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Tout en laissant aux partenaires sociaux la capacité de définir contractuellement les niveaux de négociation collective adaptés aux différentes activités du groupe, cet amendement tend à conforter le principe de l’unité sociale qui consiste à garantir au sein de l’ensemble du groupe un même socle de droits.
Afin de permettre notamment la mobilité professionnelle au sein du groupe et de préserver une forme de solidarité sociale, il est important de rappeler que ce socle doit avoir une large assise sans interdire la subsidiarité nécessaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 150 rectifié quinquies, présenté par Mmes Lienemann et Meunier, M. Tourenne, Mmes Préville, G. Jourda et Monier et MM. M. Bourquin, Duran, Todeschini et Tissot, est ainsi libellé :
Alinéas 52 et 53
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° 151 rectifié quinquies, présenté par Mmes Lienemann et Meunier, M. Tourenne, Mme Préville, MM. M. Bourquin, Duran et Todeschini, Mmes G. Jourda et Monier et M. Tissot, est ainsi libellé :
Alinéa 53
Remplacer le mot :
six
par le mot :
douze
et les mots :
un décret en Conseil d’État
par les mots :
une loi votée par le Parlement
Ces amendements ont été précédemment présentés.
L’amendement n° 77, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 59, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces statuts prévoient par une clause spécifique l’inaliénabilité des actions détenues par l’État.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Par cet amendement, nous souhaitons donner de la valeur à l’engagement du Gouvernement de faire des parts des sociétés anonymes créées par le présent projet de loi, en lieu et place des EPIC, des actions réellement incessibles.
Certes, dans le texte de la commission, il est inscrit que ces actions le sont. Dont acte ! Mais nous savons tous que ce qui est fait par une loi peut être défait par une autre ! Nous y sommes d’ailleurs habitués, puisque c’est ce qui s’est passé pour les autres fleurons industriels de notre pays qui ont été progressivement ouverts à la concurrence.
Ce schéma est connu, il est simple. D’abord, la loi entérine le changement de statut, arguant de la souplesse et de la conformité au droit européen de la forme de société anonyme. À ce moment-là, le gouvernement en place promet, la main sur le cœur, que l’entreprise restera à 100 % publique. Puis, le capital est progressivement ouvert, comme cela a été le cas pour EDF, GDF ou France Télécom, ces deux dernières ayant depuis lors changé de nom pour se dépouiller totalement de leurs oripeaux publics…
Mme Fabienne Keller. Vous l’avez déjà dit !
M. Fabien Gay. Nous n’avons donc aucune foi dans vos promesses comme dans vos déclarations. Trente ans de libéralisme aveugle nous prémunissent – un peu… – contre toute naïveté.
Pour en revenir au présent amendement, nous proposons une disposition réellement sécurisante : l’intégration dans les statuts de la nouvelle société – des nouvelles sociétés, devrais-je dire, à savoir la holding de tête, SNCF Mobilités, SNCF Réseau et même la filiale Gares & Connexions – d’une clause d’inaliénabilité, afin de rendre les actions véritablement incessibles.
Vous le savez, toute société anonyme peut prévoir une telle clause pour une durée déterminée. Évidemment, cela ne nous prémunit pas contre les risques d’ouverture du capital par son augmentation, mais c’est une assurance qui serait bienvenue pour rassurer les organisations syndicales.
La clause d’inaliénabilité a pour objet d’interdire la cession ou la transmission des droits sociaux sur lesquels elle porte. Elle permet le maintien des associés ou de certains d’entre eux pour assurer la pérennité de la société.
Dans une société anonyme, une telle clause ne peut être justifiée que si elle repose sur un intérêt légitime. Nous considérons que, dans le domaine ferroviaire, le maintien d’un opérateur exclusivement public – étatique, plus exactement – constitue un intérêt légitime pour des raisons tenant à l’intérêt général que constitue le droit à la mobilité pour nos concitoyens.
Nous attendons donc un soutien du Gouvernement sur cet amendement, ce qui permettrait de clarifier ses intentions, tandis que les révélations du journal Le Parisien ont semé le doute…
Mme la présidente. L’amendement n° 78, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 59, après la première phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
Ces statuts prévoient un mécanisme d’agrément pour la cession des actions détenues par l’État. Cet agrément est donné par l’assemblée générale des sociétés anonymes.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Par le biais de cet amendement, qui se situe dans la même logique que le précédent, nous proposons de sécuriser le futur statut de l’entreprise constituée des sociétés SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau.
Certes, il est indiqué dans le projet de loi que le capital des futures sociétés anonymes sera exclusivement détenu par l’État, mais nous estimons que cette disposition n’est pas suffisante pour garantir dans le temps la pérennité de cette maîtrise publique.
Nous considérons nécessaire de verrouiller les statuts par des clauses spécifiques. Ainsi, après avoir proposé une clause d’inaliénabilité, nous proposons, par cet amendement, l’insertion dans les statuts d’une clause d’agrément.
La clause d’agrément sert traditionnellement à contrôler et à stabiliser l’actionnariat d’une société. Elle permet de contrôler l’entrée de tiers au capital et, lorsque les cessions de titres entre associés ou actionnaires déjà présents sont concernées, de contrôler aussi la répartition des titres.
Nous proposons donc, par cet amendement, d’insérer dans les statuts de ces sociétés anonymes un agrément, qui serait donné par l’assemblée générale.
Pour nous, cela suppose que la gouvernance de ces futures sociétés soit largement démocratisée et permette la représentation des intérêts non seulement du Gouvernement, mais également des territoires, des usagers et des personnels, dans des proportions telles que les représentants de l’État ne disposent pas seuls de la majorité des voix.
L’existence d’une telle clause permettrait une réelle consultation et un pouvoir de décision concret sur l’évolution du capital des futures sociétés anonymes pour tous les membres de l’assemblée générale.
Cet amendement va donc dans le sens d’un meilleur dialogue et garantit la préservation des intérêts publics au sein des entreprises dont ce projet de loi modifie le statut.
Mme la présidente. L’amendement n° 76, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 61
Supprimer les mots :
à cette date
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’alinéa 61 de l’article 1er A n’est issu d’aucune concertation, puisque le Gouvernement a proposé son ajout par la voie d’un amendement lors des débats à l’Assemblée nationale. Il porte sur le statut des cheminots et remet en cause les dispositions législatives, réglementaires ou contractuelles régissant les situations des personnels employés par le groupe SNCF après la date du 1er janvier 2020.
Or les personnels recrutés après cette date ne devraient pas être considérés comme des employés de seconde zone et le statut particulier des cheminots doit perdurer – n’en déplaise au Gouvernement et à ses considérations d’ordre idéologique !
En effet, s’il est aujourd’hui prévu d’imposer un changement de statut des personnels de la SNCF, c’est bien dans le but de servir l’ouverture à la concurrence et, à terme, nous l’avons dit, la privatisation. Le train, la technique ou le rail étant les mêmes pour tout le monde, le coût du personnel devient la seule variable d’ajustement.
C’est donc uniquement la pression sur les salaires qui permettra une différenciation. C’est pourquoi les futurs employés ne seront pas fonctionnaires, ce qui passe par la destruction du statut des cheminots, afin que les personnes recrutées après 2020 relèvent du droit commun, celui qu’a créé la loi Pénicaud qui instaure un code du travail entreprise par entreprise…
En outre, vous ne parviendrez jamais à prouver que c’est le statut des cheminots ou le manque de concurrence qui est responsable des problèmes techniques et de la dette de la SNCF depuis une vingtaine d’années. Et pour cause ! Cette situation est plutôt la résultante du partenariat public-privé, de la séparation entre rail et roulant – condamnée aujourd’hui par tout le monde et mise en place pour permettre l’ouverture à la concurrence –, du coût du capital, de celui des emprunts contractés sur les marchés financiers, ou encore, nous l’avons déjà dit, du désinvestissement de l’État.
Pour conclure, une seule voie est envisageable et il est encore temps de faire machine arrière pour maintenir et améliorer le statut des cheminots dans le cadre d’une SNCF intégrée et publique.
Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 64
Remplacer l’année :
2023
par l’année :
2033
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Avant de défendre cet amendement, je voudrais répondre à l’un de nos collègues, qui nous reprochait tout à l’heure de répéter les mêmes arguments. Pourquoi est-ce que nous le faisons ? Tout simplement parce que nos arguments ne sont réfutés par personne ! Ils sont donc justes et nous nous devons de les marteler jusqu’à obtenir une réponse du Gouvernement, nous apportant la preuve que ce que nous disons est faux. Si une réponse nous est donnée, nous passerons à la suite…
Vous semblez vraiment ennuyée, madame la ministre, de nous répondre au sujet d’Engie… Je vais donc évoquer un autre dossier : plus tard, nous parlerons de la question de l’ouverture à la concurrence et de la privatisation du transport ferroviaire, mais avant cela, il serait tout de même plus que pertinent de faire le bilan de ce qui s’est passé dans nombre de services publics, par exemple dans le secteur du fret.
En 2003, 18 % des marchandises étaient transportées par fret ferroviaire ; depuis cette date, la concurrence a été ouverte et 22 entreprises privées se sont partagé le magot. Et qui peut me dire quelle est maintenant la part du ferroviaire dans le fret ?
Mme Fabienne Keller. C’est vous qui avez la parole, mon cher collègue !
M. Fabien Gay. C’est 10 % ! Chapeau bas pour le privé et l’ouverture à la concurrence… Vous comprenez pourquoi il serait intéressant de faire le bilan de tout cela. Quand j’aurai une réponse là-dessus, nous pourrons passer à une autre série d’arguments !
En ce qui concerne plus précisément cet amendement, il vise à décaler l’ouverture à la concurrence de l’ensemble des transports conventionnés de 2023 à 2033 pour tenir compte, comme cela a été fait pour l’Île-de-France, des nécessaires efforts d’investissement et de la complexité du réseau. Ce délai permettrait à l’opérateur aujourd’hui en situation de monopole de se préparer à cette évolution défavorable.
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, il est bientôt minuit. Je vous propose de prolonger la séance jusqu’à zéro heure trente, afin d’entendre les avis de la commission et du Gouvernement sur cette série d’amendements.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Éliane Assassi. Pas globalement, mais un par un !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Madame Assassi, tout à l’heure, j’ai longuement répondu sur l’amendement de suppression de l’article 1er A, afin de parler plus brièvement sur les amendements visant à supprimer d’autres articles. Peut-être me suis-je mal exprimé à ce moment-là, mais loin de moi l’idée d’esquiver le débat !
M. Bruno Retailleau. Vous vous êtes très bien exprimé !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Et je vais tenter de répondre le plus complètement possible sur l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Gérard Cornu, rapporteur. En ce qui concerne les amendements nos 68, 232 et 69, qui visent de manière générale à supprimer la transformation de l’EPIC en sociétés anonymes à capitaux publics, l’avis de la commission est défavorable. Nous avons déjà beaucoup évoqué cette question et il ne me semble pas nécessaire de répéter les arguments.
L’amendement n° 71 tend à préciser que le groupe public unifié concourt à la solidarité nationale. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi indique que SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités remplissent des missions de service public. Cette formulation met déjà en lumière le rôle particulier de ces sociétés, qui sont des acteurs économiques agissant au profit de la collectivité nationale. Je vous propose de nous en tenir à cette rédaction, mes chers collègues.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
Les amendements nos 3 rectifié octies, 70 et 183 rectifié visent à préciser que le groupe public ferroviaire exerce ses missions dans le domaine du transport ferroviaire et de la mobilité, en poursuivant un objectif de lutte contre le réchauffement climatique – c’est l’amendement n° 3 rectifié octies –, de transition écologique – amendement n° 70 – et de réduction des émissions de gaz à effet de serre – amendement n° 183 rectifié.
Ces différentes propositions de rédaction montrent bien que l’on peut compléter à l’envi les objectifs assignés au groupe. Or les différents ajouts proposés peuvent être regroupés, à mon sens, au sein de l’objectif de développement durable, qui est déjà prévu par le texte. S’il existe un principe sur lequel nous pouvons tous ensemble nous retrouver, c’est bien celui de faire attention à ce que la loi ne soit pas trop bavarde.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Entre parenthèses, je vous le rappelle, notre commission se dénomme commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et nous y traitons de transition écologique ou énergétique et de l’ensemble des questions qui touchent à l’environnement.
L’amendement n° 24 vise à préciser que les sociétés SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités ne peuvent pas exercer d’activités qu’elles assurent déjà elles-mêmes par l’intermédiaire de filiales. Ce faisant, l’adoption de cet amendement interdirait, par exemple, à SNCF Mobilités d’exercer des activités de transport ferroviaire par le biais d’une de ses filiales comme Keolis. Ces filiales participent pourtant pleinement à la croissance des activités du groupe public unifié.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Dans la lignée du précédent, l’amendement n° 25 tend à ce que les filiales du groupe public unifié ne puissent exercer que des missions connexes et complémentaires à celles qui sont exercées par le groupe.
Avis défavorable.
L’amendement n° 215 a pour objet d’élargir le périmètre du groupe public unifié, afin qu’il regroupe SNCF, SNCF Réseau, SNCF Mobilités, ainsi que l’ensemble des filiales de ces entités qui exercent une activité de transport ferroviaire ou de marchandises ou une activité liée aux gares de voyageurs.
Actuellement, le groupe public ferroviaire regroupe SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Cela a un sens, puisque ces trois entités forment une unité sociale : elles emploient des salariés régis par le statut, dont les conditions de recrutement, de formation et d’évaluation professionnelles sont communes, et qui ont des instances représentatives du personnel qui mutualisées.
Le projet de loi conserve cette unité sur le même périmètre et il serait incohérent de l’étendre à des filiales de SNCF Réseau ou de SNCF Mobilités qui n’emploient pas de salariés sous statut et qui n’ont donc pas à être incluses dans cette unité sociale. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 234 est un amendement de repli qui vise à maintenir le statut d’établissement public de SNCF Réseau.
Avis défavorable.
L’amendement n° 235 tend à rendre impossible pour SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités de céder la part publique du capital de leurs filiales. Je rappelle que ces filiales agissent dans des domaines variés, par exemple dans les secteurs du transport par autocar, de la logistique, de la gestion de parkings… Bloquer toute possibilité d’évolution du capital de ces filiales est disproportionné et sans lien avec l’objectif poursuivi de maintenir le caractère public du groupe unifié.
C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 23 vise à préciser que l’emploi par les entités du groupe public unifié de salariés hors statut se fait à titre dérogatoire. La rédaction de l’amendement va, en fait, à l’opposé de l’intention de ses auteurs, puisqu’elle fait du statut la dérogation à la règle que constituerait l’emploi sous le régime de la convention collective… Au-delà de cette remarque de forme, cet amendement est contradictoire avec l’objectif poursuivi par le projet de loi de mettre fin au recrutement des nouveaux salariés du groupe SNCF dans le cadre du statut. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 35 a pour objet de supprimer la transformation de Gares & Connexions en filiale de SNCF Réseau.
L’avis est par conséquent défavorable. Il en est de même pour les amendements nos 214 et 233.
L’amendement n° 168 du Gouvernement (Ah ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) vise à s’assurer que, malgré la mention de l’autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière du gestionnaire de gares, SNCF Réseau exercera un contrôle sur sa filiale Gares & Connexions. Or le fait que Gares & Connexions soit une filiale implique nécessairement un contrôle de la part de SNCF Réseau. En outre, cette formule permet une exploitation unifiée des gares de voyageurs. L’ajout proposé par le Gouvernement ne me paraît donc pas pertinent.
Par ailleurs, l’autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière dont bénéficiera Gares & Connexions lui permettra de poursuive, sans contraintes excessives, ses activités de développement de gares.
L’avis de la commission est par conséquent défavorable.
L’amendement n° 236 vise à préciser que le capital de Gares & Connexions sera détenu en intégralité par des capitaux publics.
Sur la forme, cette rédaction est assez étrange : il conviendrait en effet d’indiquer que le capital est intégralement détenu par des personnes morales de droit public, et non par des capitaux publics – expression qui ne veut pas dire grand-chose.
Sur le fond, autant je suis tout à fait d’accord pour prévoir que le capital de SNCF, de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau sera intégralement public et – cela a déjà été répété… – incessible, autant cela se justifie moins pour le gestionnaire de gares qui exerce des activités de service public, comme l’accueil et l’information en gare, mais également des activités commerciales ou urbanistiques.
Afin d’encourager le développement de ces activités et de favoriser les investissements en gare, il pourrait être utile que d’autres investisseurs puissent entrer au capital de Gares & Connexions, tout en garantissant que cette entité reste une filiale détenue en majorité par SNCF Réseau.
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 237 tend à préciser la composition du conseil d’administration de Gares & Connexions, afin d’y prévoir la représentation des collectivités territoriales, des organisations syndicales et des associations d’usagers des transports.
Il est vrai que le rattachement de Gares & Connexions à SNCF Réseau nécessite de revoir entièrement ses modalités de gouvernance. D’ailleurs, la composition de son conseil d’administration devra être précisée dans ses statuts initiaux, qui seront arrêtés par décret. Il ne me paraît pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. Qui plus est, l’amendement est incomplet, puisqu’il oublie de mentionner la représentation de SNCF Réseau…
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 129, présenté par M. Longeot, est très technique ; il prévoit que les états comptables de Gares & Connexions sont pris en compte dans ceux de SNCF Réseau selon la méthode de la mise en équivalence. Selon les auteurs de l’amendement, cette méthode comptable doit permettre de faire en sorte que les emprunts nécessaires au développement des gares ne s’ajoutent pas à la dette de SNCF Réseau.
Compte tenu de la difficulté à expertiser les conséquences de l’application d’une telle méthode, je m’en remets à l’avis du Gouvernement. (Sourires au banc du Gouvernement.)
L’amendement n° 238 vise la représentation des collectivités territoriales, des organisations syndicales représentatives et des associations d’usagers au sein des conseils d’administration des sociétés créées par Gares & Connexions pour gérer les espaces commerciaux des grandes gares.
S’il me paraît nécessaire, bien sûr, d’associer les collectivités territoriales à la gestion des grandes gares sous ses différents aspects – investissements dans et autour de la gare, coordination des offres de transport, qualité de service… –, il me semble en revanche disproportionné de prévoir leur représentation au sein des conseils d’administration de toutes les sociétés de gestion des espaces commerciaux en gare.
Je vous propose d’en rester à rédaction de l’article 1er A, telle que modifiée par la commission qui, à travers la création de comités de concertation, a entendu renforcer l’association des collectivités concernées au pilotage des activités des grandes gares.
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 239 vise à réserver pour les collectivités territoriales, dans les gares, des espaces destinés à des activités à but non lucratif.
Prévoir la possibilité pour les collectivités territoriales de préempter des espaces en gare afin de développer certains services me paraît excessif. Cela pourrait conduire à désorganiser la gestion de ces espaces et à freiner le développement des recettes des gares résultant de l’installation d’activités commerciales. D’ailleurs, rien n’est précisé dans cet amendement sur les modalités d’une telle mise à disposition ni – et c’est le plus important – sur le loyer qui serait versé pour l’utilisation de tels espaces.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement, même si l’objectif visé est intéressant.
L’amendement n° 213 tend à ce que les collectivités territoriales soient associées à tout projet afférent à l’avenir d’une gare. En commission, nous avons déjà prévu que les collectivités seront associées à la gestion des grandes gares ou ensembles de gares au travers de comités de concertation. Tous les projets de développement de ces gares auront donc vocation à être présentés et débattus dans le cadre de ces instances. Prévoir l’association des collectivités aux projets de développement de toutes les gares me paraît en revanche disproportionné.
Il me semble que cet amendement est globalement satisfait par la rédaction du projet de loi adoptée en commission. C’est pourquoi je lui donne un avis défavorable.
L’amendement n° 36 tend à ce que le projet de contrat conclu entre l’État et Gares & Connexions sur des objectifs spécifiques à la gestion des gares soit soumis pour avis au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental.
Étant donné que le contrat pluriannuel qui sera conclu entre le gestionnaire de gares et l’État portera sur des objectifs relatifs à la trajectoire financière de Gares & Connexions ou aux prestations effectuées, il est indispensable qu’il soit soumis à l’ARAFER.
En revanche, l’opportunité de soumettre ce projet pour avis au CESE et au Parlement est moins évidente. Bien sûr, cela va de soi, le Parlement a son mot à dire sur les grandes perspectives de développement des gares. Toutefois, il n’y a pas besoin de formaliser cette expression en avis pour que le Parlement se saisisse du sujet.
L’article 1er A prévoit que le Parlement recevra transmission du projet de contrat et de l’avis de l’ARAFER. Libre à lui de prendre position sur ce projet par l’organisation d’un débat en commission ou en séance publique, par le biais d’une question au Gouvernement ou par tout autre moyen.
L’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 74 a pour objet de supprimer la possibilité pour SNCF Mobilités d’assurer des services de transport ferroviaire par l’intermédiaire de filiales.
L’avis est défavorable.
L’amendement n° 75 vise à rétablir le monopole d’exploitation des services de transport par SNCF Mobilités.
L’avis est défavorable.
L’amendement n° 149 rectifié quinquies tend à ce que les accords collectifs qui seront négociés par les instances communes du groupe public unifié s’appliquent à l’ensemble des sociétés du groupe. À mon sens, il convient au contraire de faire confiance aux partenaires sociaux pour déterminer par voie d’accords collectifs les conditions du dialogue social au sein du groupe public unifié, ainsi que le niveau pertinent pour organiser la négociation sociale en fonction des thèmes abordés. Certains sujets auront vocation à être négociés à l’échelon de l’ensemble du groupe public, quand d’autres pourront faire l’objet d’une négociation décentralisée auprès de chaque entité. Il reviendra aux partenaires sociaux d’en décider.
Je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 216 souhaitent préciser que la négociation collective au sein du groupe public unifié doit permettre de définir un « large » – je n’ai pas bien compris ce que cela signifiait – socle de droits sociaux communs à l’ensemble de ses sociétés. Je suis favorable à cette précision permettant de conforter la négociation sociale qui s’engagera dans les semaines à venir entre les organisations syndicales et la direction du groupe SNCF. L’unité sociale du groupe public unifié suppose en effet que les salariés de ces entités bénéficient d’un socle de droits sociaux communs. Ce qui me gêne, c’est l’adjectif « large », qui ne veut pas dire grand-chose, et que je préférerais voir abandonner.
M. Claude Bérit-Débat. Nous sommes d’accord pour le supprimer.
M. Olivier Jacquin. Tout à fait, et modifions l’amendement en ce sens.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, ainsi libellé :
Alinéa 50
Compléter cet alinéa par les mots :
en vue d’un socle de droits communs à l’ensemble de ces sociétés
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. L’amendement n° 150 rectifié quinquies vise à supprimer la possibilité pour le Gouvernement de prendre par voie réglementaire des mesures relatives aux conditions d’exercice du dialogue social au sein du groupe public unifié si les partenaires sociaux n’arrivent pas à adopter un accord collectif qui est prévu dans un délai de six mois. Pourtant, il faut quand même bien prévoir une solution en cas d’échec des négociations et d’impossibilité d’aboutir à un tel accord collectif. Cependant, sur ce sujet, comme sur d’autres, j’ai confiance en la capacité des organisations syndicales et de la direction de la SNCF à aboutir à un accord dans les temps.
L’avis de la commission est défavorable.
Je ne peux qu’être défavorable à l’amendement n° 151 rectifié quinquies, qui tend à allonger la durée dont disposent les partenaires sociaux pour conclure l’accord collectif.
J’en viens à l’amendement n° 77 : après l’incessibilité, l’inaliénabilité ! Je ne sais pas ce que l’on trouvera comme autre terme par la suite. Il faut arrêter la surenchère. Cet amendement a pour objet de rendre inaliénable le capital des sociétés du groupe public unifié. Tel qu’il est rédigé, je ne vois pas quelles garanties supplémentaires il apporte par rapport à l’incessibilité du capital de ces sociétés que nous avons déjà ajoutée avec bienveillance en commission.
Je le répète, inscrire l’inaliénabilité du capital dans le statut n’est pas plus protecteur que ce qui est prévu.
L’avis est défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 78 veulent inscrire dans les statuts initiaux des sociétés du groupe public unifié un mécanisme d’agrément pour la cession des actions détenues par l’État. Étant donné que l’article 1er A prévoit l’incessibilité des capitaux des entités du groupe, cet amendement me semble dénué de tout fondement.
L’avis est défavorable.
L’objectif poursuivi par les auteurs de l’amendement n° 76 est de maintenir les dispositions régissant le statut aux salariés employés après le 1er janvier 2020. En fait, il s’agit de s’opposer à la fin du recrutement au statut des salariés du groupe public unifié.
L’avis est défavorable.
Enfin, l’amendement n° 29 vise à reporter de 2023 à 2033 la suppression de la mention selon laquelle SNCF Mobilités exerce un service public de transport ferroviaire de voyageurs. Il s’agit de retarder la mise en concurrence.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vais tout d’abord me prononcer sur les amendements nos 68, 232 et 69, qui reviennent sur le débat que nous avons eu au sujet de la transformation d’EPIC en société anonyme. Vous ne serez pas surpris que l’avis du Gouvernement soit défavorable sur ces trois amendements.
Au sujet de l’amendement n° 232, je veux préciser que, contrairement à ce qui a été dit, les EPIC peuvent tout à fait distribuer des dividendes.
S’agissant de l’amendement n° 71, on ne peut que souscrire à l’idée que la SNCF concourt au service public ferroviaire et à la solidarité nationale, mais je pense que c’est déjà largement exprimé dans le texte issu des travaux de la commission. Je demande à ses auteurs de bien vouloir le retirer, faute de quoi j’y serai défavorable.
Les amendements nos 3 rectifié octies, 70 et 183 rectifié tendent à rappeler l’importance des objectifs de lutte contre le changement climatique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Là encore, je considère que ces éléments sont déjà largement repris dans le texte issu des travaux de la commission.
Je sollicite donc le retrait de ces amendements, faute de quoi j’y serai défavorable.
L’amendement n° 24 vise à empêcher l’exercice des activités ferroviaires par le biais de filiales, ce qui reviendrait à empêcher Keolis, par exemple, d’avoir une activité ferroviaire, ce qu’elle a d’ores et déjà, en Allemagne notamment.
L’avis est défavorable.
Même avis défavorable sur l’amendement n° 25.
Les auteurs de l’amendement n° 215 souhaitent affirmer le caractère indissociable et solidaire de SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, ainsi que de leurs filiales, dans le cadre de la nouvelle organisation. C’est une préoccupation que je partage et qui a conduit le Gouvernement à présenter devant la commission des amendements pour conforter l’unité sociale au sein d’un périmètre ferroviaire social unifié, ces dispositions visant, je le rappelle, à assurer le maintien de l’application du statut aux actuels salariés et à favoriser la mobilité professionnelle interne, ainsi qu’à organiser les œuvres sociales.
Cet amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.
L’amendement n° 234 a pour objet de revenir sur la transformation d’EPIC en SA pour SNCF Réseau. C’est contraire à l’objectif d’unité que j’ai mentionné. L’avis est défavorable.
J’émets en revanche un avis favorable sur l’amendement n° 256 présenté par M. le rapporteur.
Avec l’amendement n° 235, il s’agit de prévoir que l’ensemble des participations de la SNCF dans toute filiale serait incessible, ce qui reviendrait à figer les participations que la SNCF peut avoir dans beaucoup de filiales, dont les objets sont très variés. En suivant un tel principe, on n’aurait pas pu faire Thalys avec les chemins de fer belges ou Eurostar avec les chemins de fer anglais.
Je suis défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 23 a pour objet de faire du recrutement au statut la norme et du recrutement à la convention collective l’exception. Comme vous le savez, le Gouvernement souhaite mettre fin au recrutement au statut au 1er janvier 2020, donc je suis défavorable à cette proposition.
L’amendement n° 35 vise à faire obstacle à la filialisation des gares. J’ai indiqué qu’il était important de donner une autonomie de gestion à l’activité actuellement exercée pour partie dans Gares & Connexions et pour partie dans SNCF Réseau. L’avis est défavorable. Selon les auteurs de cet amendement, notre souhait conduirait à un démantèlement du patrimoine ferroviaire, ce qui me laisse à penser que nous ne nous sommes pas compris. Je le répète, le domaine public ferroviaire est incessible et inaliénable. C’est le domaine public ferroviaire et il le restera !
Mme Fabienne Keller. Nous, nous avons bien écouté. (Sourires.)
Mme Élisabeth Borne, ministre. Les amendements nos 214 et 233 ont pour objet de faire de Gares & Connexions une direction de réseau. Il nous semble effectivement important de réunifier les actifs, mais, compte tenu de la spécificité de cette activité de Gares & Connexions, il importe qu’elle dispose d’une autonomie au sein d’une filiale dédiée.
Je suis défavorable à ces deux amendements.
Les auteurs de l’amendement n° 236 souhaitent prévoir l’entrée de l’État, de collectivités locales ou d’autres acteurs publics dans le capital de Gares & Connexions. Cette hypothèse n’est pas envisagée par le Gouvernement, ce qui me pousse à donner un avis défavorable.
Avec l’amendement n° 237, il s’agit de préciser la composition des instances de gouvernance de Gares & Connexions. Il y a d’ores et déjà des dispositions dans le texte rédigé par la commission qui posent des principes généraux sur la participation des parties prenantes, notamment des salariés, dans les instances de gouvernance. Cette précision étant, à mes yeux, inutile, j’y suis défavorable.
Aux termes de l’amendement n° 129, le gestionnaire des gares serait sous le contrôle de son actionnaire exclusif et les comptes de la filiale seraient normalement consolidés par intégration globale dans les comptes de SNCF Réseau selon les principes comptables généraux. La loi n’a pas à prévoir de dérogation, mais je veux en revanche vous rassurer sur ce que je pense être votre préoccupation, monsieur Longeot, à savoir préserver la capacité d’investissement de la filiale chargée des gares.
Tout d’abord, l’autonomie de la filiale a été explicitée dans un amendement voté en commission. Il ne s’agira pas d’une simple direction de SNCF Réseau. Ensuite, la loi prévoit la définition d’un contrat pluriannuel conclu directement avec l’État. Enfin, la filiale n’entrera pas dans le champ de la règle d’or, qui vise à éviter un endettement excessif de SNCF Réseau. Avec ces différentes dispositions, vous avez toutes les garanties sur le fait que Gares & Connexions ne sera pas freinée dans ses besoins d’investissement, le cas échéant avec un endettement soutenable. Cette dérogation au code de commerce ne me semble pas nécessaire ni même souhaitable.
L’avis est défavorable.
L’amendement n° 238 porte également sur la gouvernance de Gares & Connexions. L’avis est aussi défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 239, autant je pense qu’il est important d’avoir une diversité de commerces et de services, notamment publics, dans les gares, autant j’estime qu’il n’incombe pas à la loi de donner ce type de précision.
L’avis est défavorable.
L’amendement n° 213 est satisfait grâce aux comités de concertation qui sont prévus dans le même article. Ils seront évidemment consultés sur les projets d’investissement dans et autour des gares.
Je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Avec l’amendement n° 36, il s’agit de prévoir un avis du Parlement ou du CESE sur le contrat entre l’État et SNCF Réseau. Comme M. le rapporteur l’a rappelé, le texte prévoit déjà un avis de l’ARAFER. Il ne me semble pas de bonne pratique de demander un avis au Parlement, qui légifère et contrôle l’action du Gouvernement, mais qui n’est pas un organe consultatif susceptible d’exprimer un avis. Par ailleurs, une consultation du CESE n’entre pas dans son champ de compétences.
Donc, l’avis est défavorable.
L’amendement n° 74 vise à empêcher toute possibilité de créer des filiales pour la SNCF. Comme je l’ai dit tout à l’heure, une telle disposition aurait fait obstacle, par exemple, à la création de filiales telles que Thalys ou Eurostar. J’y suis défavorable.
L’amendement n° 75 tend à rétablir le monopole de la SNCF. Il y a là encore un point sur lequel nous ne nous comprenons pas. Le service public, depuis la décentralisation, est organisé par les régions, et non plus par la SNCF. Je pense que c’est une bonne garantie pour avoir un service public de haut niveau qui réponde aux attentes des citoyens dans chacun des territoires. Vous vous méprenez sur le rôle des régions et sur la confiance que l’on peut leur faire s’agissant du maintien de dessertes répondant aux besoins des habitants de leurs territoires.
L’avis est défavorable.
Je suis favorable à l’amendement n° 257 présenté par M. le rapporteur.
L’amendement n° 149 rectifié quinquies a pour objet de remettre en cause la possibilité pour les partenaires sociaux d’adapter par voie d’accords collectifs les modalités du dialogue social à la nouvelle organisation du groupe SNCF. De la sorte, cet amendement les priverait de la faculté de définir le bon niveau de négociation en fonction des thèmes et en tenant compte des spécificités de chacun de ces niveaux. C’est pourtant une attente formulée par certaines organisations syndicales.
Dans ces conditions, je ne peux qu’être défavorable à cet amendement, dont l’adoption remettrait en cause la liberté de négocier des partenaires sociaux sur ce point essentiel.
Je suis favorable à l’amendement n° 216 rectifié.
Par cohérence avec leur amendement n° 149 rectifié quinquies, qui vise à supprimer la possibilité pour les partenaires sociaux d’adapter le cadre d’exercice du dialogue social, les auteurs de l’amendement n° 150 rectifié quinquies proposent de supprimer la possibilité pour le Gouvernement de prendre un décret supplétif palliant l’absence d’accord collectif.
Aussi, par cohérence avec mon argument précédent, je maintiens qu’il est indispensable de laisser aux partenaires sociaux – c’est du reste une demande forte de leur part – la possibilité de définir les conditions et le niveau de négociation les plus adaptés à la suite de la mise en place de la nouvelle organisation du groupe. Pour garantir le bon déroulement du dialogue social au sein de l’entreprise, il est nécessaire de prévoir un dispositif supplétif, de façon à inciter les partenaires sociaux à fixer les modalités de la négociation collective.
Je suis donc aussi défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 151 rectifié quinquies relevant du même esprit, l’avis est identique.
En ce qui concerne l’amendement n° 77, à supposer qu’il soit voté, je pense que vous ne seriez de toute façon pas rassurés, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRCE. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) On a maintenant écrit deux fois dans le projet de loi le principe de l’incessibilité. Vous nous avez même dit qu’il était suspect de notre part d’avoir jugé nécessaire de le faire figurer une seconde fois, alors que nous souhaitions juste vous éviter d’avoir des craintes sur nos intentions.
Dans la mesure où il s’agit cette fois d’introduire cette incessibilité non pas dans la loi, mais dans les statuts, c’est-à-dire dans un décret, ce qui ne me semble pas de nature à renforcer la loi, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 77 et 78. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. C’est purement idéologique !
M. Fabien Gay. Vous nous avez dit le contraire il y a deux heures !
Mme Élisabeth Borne, ministre. De toute façon, j’ai bien compris que cela n’irait jamais !
L’intention des auteurs de l’amendement n° 76 est de revenir sur l’arrêt du recrutement au statut au 1er janvier 2020. En réalité, vous êtes en train de perturber, si je puis dire, la clause de continuité sociale, qui est strictement celle qui avait été mise en place dans la LOTI, la loi d’orientation sur les transports intérieurs, au moment de la transformation de la société anonyme SNCF en EPIC. Nous avions trouvé qu’il était de bonne pratique de reprendre la clause de la LOTI, que vous êtes en train de proposer de modifier. Je suis défavorable à cet amendement.
De la même façon, l’amendement n° 29 a pour objet de reporter la date d’ouverture à la concurrence. Le souhait du Gouvernement étant de s’adapter au plus juste aux attentes des régions, vous ne serez pas surpris que son avis soit défavorable.
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, avec le vote des 36 amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Madame la ministre, mes chers collègues, il reste 244 amendements à examiner sur ce texte.
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 30 mai 2018, à seize heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018) ;
Rapport de M. Gérard Cornu, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 494, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 495, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 30 mai 2018, à zéro heure trente-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD