Sommaire
Présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann
Secrétaires :
MM. Joël Guerriau, Michel Raison.
2. Candidature à un organisme extraparlementaire
3. Nouveau pacte ferroviaire. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire
Discussion générale :
M. Gérard Cornu, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive, par scrutin public n° 124, du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
4. Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. – Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 37 rectifié quinquies de Mme Élisabeth Lamure. – Adoption.
Amendement n° 23 rectifié de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 17 rectifié bis de Mme Françoise Férat. – Adoption.
Amendement n° 18 rectifié bis de Mme Françoise Férat. – Adoption.
Amendement n° 19 rectifié bis de Mme Françoise Férat. – Adoption.
Amendement n° 15 rectifié bis de Mme Françoise Férat. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 2
Amendement n° 24 rectifié de M. Patrice Joly. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
5. Formation des ministres des cultes. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel après l’article 1er
Amendement n° 1 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet par scrutin public n° 125.
Amendement n° 5 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 16 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 15 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 18 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 9 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet par scrutin public n° 126.
Amendement n° 6 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Adoption de l’article.
Amendement n° 4 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Adoption, par scrutin public n° 127, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Suspension et reprise de la séance
6. Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. – Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 4
Amendement n° 10 rectifié bis de M. François Pillet. – Retrait.
Amendement n° 9 rectifié bis de M. François Pillet. – Retrait.
Amendement n° 48 rectifié bis de M. Michel Raison. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 20 rectifié ter de Mme Françoise Férat. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Amendement n° 2 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Retrait.
Amendement n° 1 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 3 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Adoption.
Amendement n° 42 de M. Claude Malhuret. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 8
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 9
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
7. Mise au point au sujet d’un vote
8. Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 12
Amendement n° 41 de M. Claude Malhuret. – Retrait.
Amendement n° 25 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 32 rectifié de M. Rémy Pointereau. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Articles 22, 22 bis (nouveau), 23, 24 et 25 – Adoption.
Article additionnel après l’article 25
Amendement n° 26 rectifié de Mme Gisèle Jourda. – Rejet.
Amendement n° 28 rectifié de M. Patrice Joly. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié de M. Rémy Pointereau. – Adoption.
Amendement n° 43 de M. Claude Malhuret. – Retrait.
Amendement n° 47 de M. Claude Malhuret. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 44 de M. Claude Malhuret. – Rejet.
Amendement n° 34 rectifié ter de M. Rémy Pointereau. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 51 de la commission. – Devenu sans objet.
Article additionnel après l’article 27
Amendement n° 45 de M. Claude Malhuret. – Retrait.
Amendement n° 35 rectifié de M. Rémy Pointereau. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
L’article demeure supprimé.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur de la commission des affaires économiques
Adoption, par scrutin public n° 128, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
compte rendu intégral
Présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann
vice-présidente
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein du Conseil d’orientation des retraites a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Nouveau pacte ferroviaire
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire (texte de la commission n° 561, rapport n° 560).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord à une très large majorité – douze membres sur quatorze –, ce qui témoigne d’abord d’une volonté forte, partagée au Sénat comme à l’Assemblée nationale, de faire aboutir cette réforme du système ferroviaire français, indispensable et très attendue.
Ce texte comporte plusieurs avancées que nous soutenons : il pose les conditions de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, il met fin au recrutement au statut de cheminot à compter du 1er janvier 2020 et il transforme les établissements publics qui composent le groupe public ferroviaire en sociétés anonymes.
Cet accord témoigne aussi d’un échange fructueux entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat. Je le rappelle, le projet de loi initial comportait huit articles, essentiellement des articles d’habilitation à procéder par ordonnances ; il en compte désormais trente-cinq, et les principales habilitations ont été remplacées, au cours de la navette, par des dispositions législatives modifiant directement le droit en vigueur.
Au Sénat, nous avions adopté dès le départ une attitude constructive à propos de ce texte. Je veux d’ailleurs saluer la qualité du dialogue que nous avons pu avoir avec vous, madame la ministre, pour préciser les dispositions introduites à l’Assemblée nationale et les compléter, en particulier sur le volet social ; j’y reviendrai.
Cette façon de travailler nous a permis de nous concentrer, en commission mixte paritaire, sur les quelques points de divergence subsistant entre les deux assemblées. Je veux à cet égard remercier le rapporteur de l’Assemblée nationale, Jean-Baptiste Djebbari, avec qui nous avons beaucoup échangé pour préparer cette CMP.
Je me réjouis d’autant plus de cette large majorité que le texte issu de la CMP préserve l’essentiel des apports du Sénat. Pour mémoire, nous avions enrichi ce texte selon quatre objectifs : préserver les dessertes TGV utiles à l’aménagement du territoire ; renforcer les garanties offertes aux salariés ; poser les conditions d’une ouverture réussie à la concurrence ; enfin, maintenir un haut niveau de sécurité et de sûreté au sein du système ferroviaire.
En matière d’aménagement du territoire, le texte issu de la CMP conserve l’obligation faite à l’État de conclure des contrats de service public pour préserver la desserte TGV des villes moyennes sans correspondance.
Sur le volet social, la CMP a maintenu le cadre relatif au transfert des salariés vers de nouveaux opérateurs, auquel le Sénat avait apporté des compléments significatifs. Je le rappelle, le dispositif que nous avons adopté favorise le recours le plus large possible au volontariat des salariés pour rejoindre les nouveaux opérateurs et garantit aux salariés transférés le maintien de droits sociaux substantiels.
En ce qui concerne l’effectivité de l’ouverture à la concurrence, le texte de la CMP conserve des apports majeurs du Sénat : le rattachement de Gares & Connexions sous la forme d’une filiale de SNCF Réseau disposant d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière et qui contractualisera directement avec l’État sur des objectifs propres aux gares ; l’extension du champ des informations qui devront être transmises par les entreprises ferroviaires et les gestionnaires d’infrastructure et des gares aux autorités organisatrices de transport, sur le modèle de ce que prévoyait la proposition de loi du président Maurey et de notre ancien collègue Louis Nègre ; le transfert des matériels roulants et des ateliers de maintenance aux autorités organisatrices de transport, à la demande de celles-ci ; l’encadrement de deux dérogations trop générales à l’obligation de mise en concurrence des services conventionnés.
Seuls trois sujets ont fait l’objet d’une évolution notable en commission mixte paritaire.
En ce qui concerne le transfert des salariés, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale prévoyait que le nombre de salariés à transférer soit arrêté par l’opérateur sortant. Or il nous semblait important que les régions puissent avoir leur mot à dire et demander que ce nombre soit corrigé si elles estiment qu’il ne correspond pas aux besoins d’exploitation du service ferroviaire. La CMP est parvenue à une solution de compromis : le périmètre du transfert sera arrêté d’un commun accord entre les régions et l’opérateur sortant ; en cas de désaccord, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, pourra être saisie par l’une ou l’autre des parties.
Le deuxième sujet concerne l’indépendance de SNCF Réseau. Pour que l’ouverture à la concurrence réussisse, il est nécessaire de garantir l’indépendance de SNCF Réseau, afin que l’ensemble des opérateurs aient un accès équitable aux infrastructures ferroviaires. Pour ce faire, le Sénat a renforcé le régime d’incompatibilité des fonctions de membre du conseil d’administration et de surveillance ou de dirigeant de SNCF Réseau avec l’exercice de telles fonctions au sein d’une entreprise ferroviaire.
Étant donné que SNCF Réseau restera intégré, avec SNCF Mobilités, au sein d’un même groupe, il nous est apparu nécessaire que l’indépendance de SNCF Réseau soit également assurée à l’égard de la holding SNCF. Il serait en effet inconcevable que le président de SNCF Réseau puisse continuer d’exercer des missions dirigeantes au sein de la holding.
En CMP, nous avons préservé cette indépendance du président et des membres du conseil d’administration de SNCF Réseau à cet égard de la holding. Toutefois, étant donné que cette holding exercera pour le compte de SNCF Réseau certaines missions transversales, nous avons permis que certains dirigeants de SNCF, par exemple son directeur financier, puissent siéger au conseil d’administration de SNCF Réseau.
Enfin, la CMP est parvenue à un équilibre sur la question de la tarification du réseau. Elle a supprimé l’avis conforme de l’ARAFER sur le volet tarification du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau que le Sénat avait introduit, mais elle a préservé un mécanisme incitatif pour éviter le blocage de la tarification du réseau en cas d’absence de validation de la tarification annuelle par l’ARAFER en temps utile.
SNCF Réseau devra tout d’abord présenter un nouveau projet de tarification dans un délai de trois mois, pour que le régulateur puisse à nouveau se prononcer avant le début de l’horaire de service. En cas de persistance du désaccord, le texte issu des travaux du Sénat avait prévu la reconduction de la tarification antérieure sans indexation sur l’inflation. Pour éviter de trop mettre en difficulté SNCF Réseau, nous avons finalement accepté la reconduction de la tarification indexée sur l’inflation, mais pendant une année seulement. Si le désaccord devait persister pendant plusieurs années – ce que nous ne souhaitons bien évidemment pas –, la tarification serait gelée et ne pourrait plus être indexée les années suivantes. Cela incitera donc SNCF Réseau à fournir tous les efforts requis pour présenter une tarification conforme au droit européen, et par conséquent acceptable par l’ARAFER.
Vous le voyez, mes chers collègues, l’essentiel des apports du Sénat sur ce texte a été conservé en CMP, en vue de permettre une ouverture à la concurrence ambitieuse, qui respecte les droits des salariés et qui maintient la desserte de nos territoires. Nous pouvons nous réjouir que la voix du Sénat ait été entendue sur ce texte et que cela ait permis d’enrichir cette réforme sur des points substantiels. Je forme le vœu, madame la ministre, que cette démarche d’ouverture du Gouvernement à l’égard de la Haute Assemblée se poursuive à l’avenir.
M. Charles Revet. Oui !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Pour conclure, je veux encore une fois m’adresser solennellement aux grévistes.
Désormais, la loi est votée, la grève ne sert plus à rien. Continuer la grève, c’est l’affaiblir, la banaliser. À ceux qui pensent que la grève a été utile, je dirai que ce n’est pas aux grévistes, aux syndicats de faire la loi ; c’est au Parlement. Le Parlement a beaucoup écouté les syndicats qui voulaient amender le texte. Maintenant que la loi est votée, cette grève doit cesser ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Éric Gold applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce processus parlementaire, je ne citerai ni Victor Hugo, ni Jules Renard, ni Maurice Thorez, monsieur le rapporteur (Sourires.), mais Portalis, qui veille sur la qualité des travaux de la Haute Assemblée : « Il ne faut point de lois inutiles ; elles affaibliraient les lois nécessaires. »
Vous avez, nous avons, mesdames, messieurs les sénateurs, écrit une loi nécessaire : nécessaire pour nos concitoyens, qui attendent un meilleur service public ferroviaire, au meilleur coût ; nécessaire pour donner aux régions les leviers dont elles ont besoin pour mettre pleinement le train au service des territoires ; nécessaire pour conforter le statut public de la SNCF tout en lui donnant la souplesse d’une véritable entreprise, responsable de son destin ; nécessaire enfin pour garantir aux cheminots que l’ouverture à la concurrence s’accompagnera d’un cadre social protecteur.
Depuis l’annonce du nouveau pacte ferroviaire, le 26 février dernier, j’ai mené cette réforme, tenu le cap avec détermination, dans un esprit de dialogue, fidèle à la méthode que le Premier ministre avait annoncée.
La loi que vous vous apprêtez à voter repose sur des principes structurants.
Le premier est l’ouverture à la concurrence. Cette concurrence, vous l’appeliez de vos vœux, conscients comme moi qu’elle n’est pas une menace pour la SNCF. Comme vous, j’ai confiance en la SNCF, que je sais forte de ses quatre-vingts ans d’histoire et capable des plus grandes prouesses. J’ai confiance dans les cheminots, ces 150 000 femmes et hommes dont je connais l’engagement au quotidien.
Cette concurrence, vous l’avez voulue progressive dans son calendrier et protectrice, tant pour les salariés, en cas de changement d’opérateur, que pour les territoires, en maintenant une desserte fine et pour les usagers, en restant intransigeant sur les impératifs de sécurité. Cette concurrence n’a qu’un but : donner à nos concitoyens accès à plus de trains et à des trains moins chers.
Le second principe de cette réforme est la transformation de la SNCF en société nationale à capitaux publics, pour en faire un groupe industriel performant et un champion sur ce marché. Détenue à 100 % par l’État, avec des capitaux incessibles, la SNCF est et restera publique. Il n’est pas responsable d’agiter des peurs quand, sur toutes les travées de la Haute Assemblée et sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, ce principe est unanimement partagé. C’est la plus sûre des garanties.
Cette réforme permet également de refonder le pacte social des cheminots pour l’adapter, dans une logique d’équité, à un monde ouvert à la concurrence.
En un mot, cette réforme pose les bases d’un système ferroviaire que nous souhaitons résolument tourné vers l’avenir et incarnant pleinement cette valeur fondamentale du service public qu’est l’adaptabilité aux besoins des territoires et des citoyens.
Certains voudraient agiter des épouvantails, entretenir la confusion, pour mener des combats qui ne servent ni les cheminots ni le service public ferroviaire. Je le redis, le contrat moral passé entre la SNCF et les cheminots sera respecté, et des garanties de haut niveau sont apportées aux cheminots en cas de transfert.
Enfin, le Gouvernement, prenant pleinement ses responsabilités, a présenté les leviers nécessaires pour redresser le modèle économique de la SNCF et lui donner tous les atouts pour s’engager résolument dans l’avenir.
Nous avons été, dans l’élaboration de cette réforme, fidèles à ces principes et à la méthode que nous avions annoncée afin de répondre à l’urgence de la situation. En effet, le Gouvernement a présenté un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances. Dès l’examen du texte à l’Assemblée nationale, les principales modalités de la réforme ont pu être inscrites dans le texte ; vous les avez complétées et précisées, dans un travail inédit de coconstruction.
Cette méthode, vous le savez, a permis de prendre pleinement en compte le fruit d’un dialogue structuré et permanent avec les organisations syndicales et les collectivités. Elle a fait ses preuves, et vous avez été des acteurs essentiels de sa mise en œuvre, en construisant dans cet hémicycle, au terme d’un riche débat, une majorité de projet. Vous l’avez fait en intégrant dans le texte, sans remettre en cause les principes de la réforme, les propositions issues de la concertation. Sans renier leur opposition aux fondamentaux de cette réforme, certains syndicats ont ainsi permis d’apporter aux cheminots des garanties concrètes ; sans eux, ce texte n’aurait pas été le même.
Vous avez également enrichi le texte en y imprimant la marque de votre attachement singulier, que je partage, à l’aménagement du territoire, à la qualité de sa desserte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le 5 juin dernier, vous avez refusé l’immobilisme dans lequel certains voudraient enfermer le service public ferroviaire et avez adopté un texte majeur. Cette réforme traduit un engagement sans précédent du Gouvernement en faveur du transport ferroviaire : engagement déterminé, avec le refus de la facilité d’une réforme a minima ; engagement inédit, avec la reprise, d’ici à la fin du quinquennat, de 35 milliards d’euros de dette de la SNCF ; engagement sans précédent, avec l’augmentation de 3,6 milliards à 3,8 milliards d’euros de l’investissement annuel dans le réseau ferré national.
Cet engagement ne s’arrêtera pas après le vote de ce matin. Il reste, vous le savez, au sein de la branche, un travail important à mener pour les partenaires sociaux, auxquels il revient de dessiner un cadre social commun et protecteur. Comme vous, j’en appelle à la responsabilité. La tâche est importante, le calendrier est ambitieux, mais réaliste. Je veux croire que les organisations syndicales et patronales seront à la hauteur des attentes des salariés du secteur.
Je l’ai indiqué, il n’appartient pas à l’État de se substituer aux partenaires sociaux ; pour autant, je serai particulièrement vigilante au bon déroulement de la négociation, que je relancerai, demain après-midi, en réunissant organisations syndicales et patronales au ministère des transports.
Par ailleurs, comme je m’y suis engagée, monsieur le rapporteur, vous serez étroitement associé au travail de rédaction des ordonnances techniques, pour lequel la Haute Assemblée va habiliter le Gouvernement.
Enfin, je veillerai à ce que le rapport attendu sur les « petites lignes » ne vienne pas nourrir la longue liste des rapports non remis. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) Je m’y engage personnellement, car il sera un outil important pour le Gouvernement, le Parlement et les régions.
Au terme de ce débat, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de saluer avec une particulière attention votre rapporteur, Gérard Cornu (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.), et le président de votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Hervé Maurey. (Même mouvement.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous avons travaillé dans un climat de confiance constructif. Cette confiance s’est traduite dans la qualité de nos débats, riches, passionnés mais respectueux. Ce climat a également prévalu, je le sais, dans vos échanges avec vos collègues députés issus de la majorité gouvernementale lors de la commission mixte paritaire, et je m’en félicite.
Enfin, je veux de nouveau saluer devant vous l’attention particulière portée par le président Larcher à cette œuvre commune. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc de la commission.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis est le résultat d’une ambition claire du Gouvernement, déterminé sur les principes; d’une volonté partagée de donner toute leur place aux propositions des partenaires sociaux ouverts au dialogue, d’un enrichissement permis à chacune des étapes du débat parlementaire par un dialogue permanent et exigeant entre le Gouvernement et le Parlement.
Le texte que vous vous apprêtez à voter est le premier volet d’un projet qui, vous le savez, me tient à cœur : le projet de loi d’orientation des mobilités. Je sais que celui-ci est attendu ; il traduira l’engagement du Président de la République en faveur d’une société de la mobilité ; je le présenterai cet été. Il contribuera, lui aussi, à répondre à la triple exigence que vous partagez : une exigence de justice pour nos territoires et nos concitoyens les plus fragiles ; une exigence d’efficacité, avec la loi de programmation qui traduira la priorité qui m’anime, celle d’améliorer la mobilité du quotidien ; une exigence environnementale, enfin, pour tenir nos engagements – je pense aux accords de Paris mais aussi à la santé et au bien-être de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est des moments qui comptent plus que d’autres dans une vie de parlementaire, et l’élu que je suis, qui n’en est pas encore à une année pleine de mandat, mesure toute l’importance de cet instant.
En effet, tout n’a pas été un long fleuve tranquille depuis le 26 février dernier, date à laquelle, madame la ministre, vous avez donné avec le Premier ministre le coup d’envoi de la réforme ferroviaire. Pour la première fois depuis bien des années, un gouvernement, celui que j’ai l’honneur de soutenir, décidait de mettre fin aux atermoiements, aux renoncements, et de s’attaquer frontalement à la réforme d’un système ferroviaire en bout de course.
Oui, ce que vos prédécesseurs n’ont pas voulu faire, madame la ministre, vous avez eu l’audace et le courage de l’entreprendre, pour garantir un avenir au service public ferroviaire français face à l’ouverture à la concurrence.
De l’audace, il fallait en avoir pour s’attaquer à un sommet aussi ardu que celui de la réforme du système ferroviaire. Du courage, il en fallait aussi pour bousculer ces habitudes et ces corporatismes qui caractérisent trop souvent notre système français.
Je parle d’audace, je parle de courage ; j’y ajouterai la volonté farouche et permanente de trouver la solution législative la plus efficiente et la plus pertinente pour notre modèle français.
Cette solution a été trouvée dans le cadre de ce travail de coconstruction entre le Gouvernement et nos deux assemblées, notamment le Sénat, qui a joué un rôle essentiel. C’est l’occasion pour moi de saluer une nouvelle fois le travail d’orfèvre réalisé par notre rapporteur Gérard Cornu sous la houlette bienveillante du président Hervé Maurey.
La commission mixte paritaire a permis de mesurer tout l’apport du travail sénatorial en s’accordant sur un texte parfaitement équilibré, qui fait la part belle à l’efficacité, à la modernité et à la justice sociale.
À la justice sociale, oui, car la Haute Assemblée a fait la démonstration que « penser social » n’est pas que le drapeau de quelques-uns, qui en font l’alpha et l’oméga d’un logiciel politique qu’ils peinent d’ailleurs à réinventer.
Nous avons montré notre attachement au monde cheminot au travers de dispositions fortes mettant en place des garanties sociales de haut niveau pour les cheminots qui seraient concernés par un transfert vers un nouvel opérateur. Nous avons noué avec les organisations syndicales réformistes un dialogue fécond qui a permis d’améliorer considérablement le texte, dans un travail de coconstruction de tous les instants.
La transformation de la SNCF en un groupe unifié dont les capitaux seront intégralement détenus par l’État et incessibles garantit un service public ferroviaire moderne et plus performant, et permet de mettre un terme à toutes les polémiques. L’unité sociale de ce groupe unifié est affirmée, ce qui répond aux attentes des organisations syndicales, et chacun se félicitera que ce soit au Sénat que cela a été précisé.
Non, l’ouverture à la concurrence n’est pas une fatalité pour notre service public ferroviaire ; c’est au contraire une chance pour lui de se réinventer, pour répondre à une demande forte de nos territoires et des usagers. Les dispositions du texte permettent une ouverture à la concurrence protectrice pour la desserte des territoires et garantissent la défense des intérêts des usagers, avec notamment l’institution de comités de suivi des dessertes auprès des autorités organisatrices de transport.
L’efficacité, c’est aussi le renforcement de la règle d’or, à la suite de l’annonce de la reprise progressive de la dette. Accompagnée d’un engagement fort de l’État dans le domaine de l’investissement, elle doit contribuer à sécuriser la trajectoire financière de la SNCF, et chacun ici ne pourra que s’en féliciter. N’en déplaise à certains, le Gouvernement a pris toutes ses responsabilités en matière financière pour permettre à cette octogénaire respectable et respectée qu’est la SNCF d’appréhender l’avenir.
Tous les ingrédients sont désormais réunis pour permettre une ouverture à la concurrence qui sera profitable à tous et pour permettre à notre société nationale d’écrire une nouvelle page de son histoire, de notre histoire.
Cette réforme, mes chers collègues, est d’abord et avant tout celle des mobilités ferroviaires du quotidien. Elle constitue une formidable clef d’entrée dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités que nous attendons tous, sur ces travées, avec envie et gourmandise.
C’est d’ailleurs l’occasion de tordre le cou à ce vilain canard selon lequel le timing de la réforme ferroviaire serait mauvais. Nos échanges, nos débats ont démontré l’inverse et ont permis de pointer nombre de sujets que nous aurons à reprendre lors de l’examen du projet de loi d’orientation sur les mobilités pour transformer l’essai.
Il en est ainsi du devenir des gares dans le domaine des intermodalités et d’un futur qui se doit d’être radieux. La gestion plus efficace des gares, avec la mise en place d’une filiale de SNCF Réseau, doit permettre de conforter le rôle de ces places fortes de notre système ferroviaire et d’en faire des lieux de vie incontournables dans notre paysage quotidien.
La gare est un élément essentiel de l’aménagement du territoire et la coconstruction de son avenir avec celles et ceux qui vivent autour d’elle est une condition primordiale de la réussite des mobilités de demain. « Peut-être le bonheur n’est-il que dans les gares ? », disait Georges Perec. (M. André Gattolin applaudit.) Voilà en tout cas un sujet sur lequel nous avons moult propositions à formuler.
Nous aurons aussi à reprendre le sujet de la distribution des titres de transport et à nous pencher sur celui de la numérisation, en nous inspirant sans doute d’exemples européens.
Cette réforme ferroviaire est l’acte I du grand chantier des mobilités, et nous en avons fait un atout pour les débats à venir.
Le nouveau pacte ferroviaire que nous allons adopter apporte, je le disais, des garanties fortes aux cheminots, dont on peut bien évidemment comprendre et partager les interrogations, tout à fait légitimes.
Le Gouvernement a donné par votre intermédiaire, madame la ministre, des garanties complémentaires quant aux négociations entamées dans le cadre de l’élaboration de la convention collective de la branche ferroviaire et quant au rôle que l’État entend tenir dans ces négociations.
Le moment est donc venu, Gérard Cornu le disait, de mettre un terme à une situation qui paralyse l’économie du pays et handicape considérablement celles et ceux de nos concitoyens pour qui le train est le seul moyen de se rendre sur leur lieu de travail. Le droit de grève est sans doute un droit constitutionnel,…
Mme Éliane Assassi. Pas « sans doute » : c’est un droit constitutionnel !
M. Frédéric Marchand. … mais, en l’espèce, il n’est nul besoin de pousser le mouvement plus avant, force étant désormais à la loi, sauf à imaginer, chez certains, des intentions qui n’ont que peu à voir avec la réforme ferroviaire.
Loin de moi l’idée de faire tel ou tel procès d’intention (M. Fabien Gay s’esclaffe.),…
Mme Éliane Assassi. C’est raté !
M. Frédéric Marchand. … mais cette situation n’a que trop duré, car elle fragilise davantage encore notre société nationale et celles et ceux qui en sont les acteurs, les cheminots.
Nous devrions au contraire nous satisfaire que la représentation nationale ait pleinement joué son rôle pour mettre au point un texte qui grave dans le marbre notre attachement indéfectible au service public ferroviaire. Bien évidemment, le groupe La République En Marche votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
M. Gérard Cornu, rapporteur. La tonalité du discours va changer…
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à dire quelques mots de la manière dont s’est déroulé le vote solennel de la semaine dernière.
Nous avons trouvé particulièrement honteux les propos d’un sénateur qui, pendant quatre des sept minutes de temps de parole qui lui étaient imparties, a vomi dans cet hémicycle sa haine des cheminots, des syndicalistes et des communistes.
Si nous pouvons avoir des divergences d’opinions, nous devons respecter le cadre démocratique de nos débats et accepter la confrontation d’idées, sans qu’elle donne lieu à des insultes. Ces paroles et ces actes n’honorent pas ceux qui s’y prêtent dans cette enceinte républicaine.
Cette mise au point étant faite, revenons-en à ce qui nous occupe ce matin : la clôture des débats parlementaires sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.
Cette clôture est toute provisoire, puisqu’il nous faudra ratifier l’ensemble des nombreuses ordonnances prévues par le présent texte lors de la prochaine session parlementaire. À cette occasion, je vous le dis, vous trouverez encore dans les membres de notre groupe des opposants déterminés à tout recul du service public et des garanties collectives. Notre cap –l’intérêt général et la défense des droits de nos concitoyens – ne varie pas.
Si le processus parlementaire s’achève, c’est que la commission mixte paritaire s’est entendue sur un texte de compromis. Ce n’est pas une surprise : tout au long des débats, nous avons constaté une volonté commune à la majorité présidentielle et à la majorité sénatoriale d’en finir avec la culture publique du rail dans notre pays en changeant le statut de l’opérateur national, la SNCF, et en libéralisant la quasi-totalité des transports de voyageurs.
Nous le regrettons, pour les territoires comme pour les usagers du rail, car, au-delà des discours, la libéralisation s’accompagne toujours d’une dégradation du service, de l’abandon des activités non rentables, d’un changement de logique.
Je n’en prendrai qu’un exemple, celui du gaz, particulièrement éclairant, si je puis dire… (Sourires.) Par une succession de lois, ce service public a été livré au privé. Aujourd’hui, chez Engie, société anonyme dont, à l’origine, les capitaux étaient totalement publics, le taux de redistribution aux actionnaires s’établit au niveau extraordinaire de 333 % pour les années 2009 à 2016. Cela fait beaucoup de pognon, comme dirait l’autre… (Rires.) Dans le même temps, le taux de participation des salariés était de 1 %. Quant aux tarifs, ils ont augmenté de 80 %. Nous ne voulons pas de cette voie pour la SNCF, qui doit rester la cheville ouvrière du droit à la mobilité pour tous.
Madame la ministre, que dire de plus sur cette réforme ? Peu de choses.
Le Gouvernement a misé sur une division syndicale, à la suite de l’examen du texte au Sénat : il n’en est rien. Les cheminots restent, avec lucidité et dans l’unité de leurs forces syndicales, extrêmement mobilisés pour refuser ce nouveau pacte ferroviaire. Les pseudo-garanties apportées, notamment en cas de transfert, n’auront donc pas suffi à rassurer les agents du service public.
Les amendements « très sociaux », comme les qualifiait le rapporteur, n’auront pas pu cacher le sombre dessein qui sous-tend ce projet de loi : la fin programmée du statut et le renvoi à une nouvelle convention collective, dont il n’est absolument pas évident qu’elle soit aussi favorable aux salariés.
Il s’agit là d’un mépris inacceptable quant aux conditions sociales faites aux acteurs du quotidien du service public ferroviaire ; un mépris que nous avons senti s’exprimer tout au long des débats, comme si l’enjeu de ce texte était d’en finir avec le statut des cheminots, afin d’ouvrir la voie à des régressions toujours plus fortes pour les salariés.
Nous prenons acte aujourd’hui des conclusions de la commission mixte paritaire et nous continuons de demander le retrait de ce projet de loi,…
Mme Françoise Férat. C’est un peu tard !
Mme Éliane Assassi. … qui ne répond pas aux enjeux d’un service public ferroviaire moderne et efficace.
Vous savez, madame Férat, la résistance, on connaît, chez les communistes. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Bruno Sido. Il n’y a pas que chez vous !
Mme Éliane Assassi. Nous aurons l’occasion, lors de l’examen du projet de loi sur les mobilités intérieures, de revenir sur notre vision d’une mobilité du XXIe siècle. Pour nous, l’avenir du rail, c’est bien le service public et la maîtrise publique ; les chantiers sont nombreux.
Au rebours de la transformation en société anonyme, nous entendons promouvoir la démocratisation de l’entreprise publique pour mieux prendre en compte les besoins des territoires et des usagers.
L’avenir, c’est la relance du fret ferroviaire comme outil de transition écologique, c’est le rééquilibrage modal grâce à des leviers fiscaux et sociaux, pour en finir avec l’avantage concurrentiel de la route, c’est la fin des cars Macron.
En contradiction avec ses engagements européens et internationaux, la France n’a pas respecté la trajectoire fixée pour ses émissions de gaz à effet de serre, notamment pour ce qui concerne les transports. C’est incompréhensible.
L’avenir, ce sont des trains plus nombreux, notamment des trains d’équilibre du territoire, pour lutter contre l’enclavement et la désertification rurale.
L’avenir, ce sont des trains plus sûrs et plus ponctuels. En effet, mes chers collègues, il ne faut pas imaginer une seule seconde que cette réforme va changer quoi que ce soit à la galère quotidienne des usagers. Moderniser le service, c’est moderniser le réseau et les installations, aujourd’hui vétustes et obsolètes,…
M. Gérard Cornu, rapporteur. Là, nous sommes d’accord !
Mme Éliane Assassi. … comme en témoignent les accidents, les chutes de caténaire, les pannes, à l’instar de celle qui, hier encore, est survenue à Saint-Lazare. À cela, la concurrence ne changera rien.
Ce qu’il faut, ce sont donc des financements. À cet égard, les sommes annoncées par le Gouvernement ne sont que de simples promesses, notamment pour ce qui concerne l’avenir des lignes de vie dans le cadre des contrats de plan.
Madame la ministre, nous vous proposions d’autres outils : l’instauration d’une taxe poids lourds, pour que les infrastructures routières soient financées par les usagers de la route ; l’institution d’un versement transport régional ; la baisse du taux de TVA sur les services de transports ; la renationalisation des autoroutes, dont la privatisation prive, chaque année, l’État de près de 2 milliards d’euros de ressources, qui vont dans la poche des actionnaires.
Vous n’avez pas voulu vous saisir de ces outils, préférant renvoyer ces questions à plus tard. Alors, nous prenons date, et nous reformulerons toutes ces propositions d’avenir lors de l’examen du projet de loi d’orientation sur les mobilités.
Aujourd’hui, dans la continuité de l’ensemble de nos interventions, nous voterons contre les conclusions de la commission mixte paritaire, contre ce pacte ferroviaire agité comme un trophée par tous les tenants de l’ultralibéralisme…
M. Frédéric Marchand. Oh là là…
Mme Éliane Assassi. … qui veulent danser sur la dépouille de la SNCF.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à féliciter les rapporteurs, qui ont fait un excellent travail sur ce texte, les membres de la commission mixte paritaire et, d’une façon générale, tous les acteurs qui ont contribué à l’aboutissement de ce dossier réellement difficile.
Le « pacte ferroviaire » figurera sans doute parmi les textes les plus importants du quinquennat. Qu’on le soutienne ou qu’on le combatte, son adoption laissera des traces, et l’on s’en souviendra.
Cela ne surprendra personne, les élus du groupe Union Centriste, au nom duquel je m’exprime aujourd’hui, font partie de ses soutiens – lesquels sont nombreux, à en juger par les résultats de la commission mixte paritaire.
Non seulement cette commission mixte paritaire a été conclusive, ce dont nous nous réjouissons, mais elle l’a été à une très large majorité : douze voix sur quatorze. Un consensus pourrait-il enfin se dégager sur cette réforme si clivante ?
Force est de constater, à l’issue de la discussion parlementaire de la réforme, que le débat n’a pas été confisqué par le Gouvernement. À l’origine, nous avions pourtant de bonnes raisons de le craindre.
La décision de l’exécutif de sortir la question ferroviaire du champ du projet de loi-cadre sur les mobilités et de la traiter par voie d’ordonnances, alors même que le Sénat, sous la houlette d’Hervé Maurey et de Louis Nègre, avait déjà beaucoup travaillé sur le sujet, n’était pas de très bon augure. Mais nous avons été entendus. Le texte a été débattu, travaillé, il a cheminé. Chacun a pu exprimer sa sensibilité et ses convictions : le débat parlementaire a bien eu lieu. Nous vous en remercions une nouvelle fois, madame la ministre.
Le champ des ordonnances s’est finalement restreint aux questions les plus techniques, ce qui correspond à leur raison d’être. Le législateur a pu jouer son rôle en précisant les grandes lignes de l’ouverture à la concurrence, du statut des salariés et de la prise en compte de l’aménagement du territoire. Le Sénat, en particulier, a pesé de tout son poids dans la discussion.
L’historique de cette réforme prouve une fois de plus, s’il en était besoin, l’utilité fondamentale, pour la démocratie, de la chambre haute et de ses apports.
Je n’ai pas d’observations particulières à formuler sur les trois points qui restaient à trancher en commission mixte paritaire.
Nous sommes favorables aux derniers aménagements apportés en termes de gouvernance des trois sociétés. Nous nous réjouissons que les pouvoirs de l’ARAFER en matière de tarification du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau aient été préservés. Enfin, concernant la fixation du nombre de salariés à transférer en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public, sujet qui avait suscité de vifs débats en commission et en séance, il ne nous paraissait pas très rationnel que cette tâche importante incombe au seul opérateur historique. Quand on perd un marché, on n’impose pas ses conditions au nouvel entrant ! C’est pourquoi le modus vivendi en vertu duquel le nombre de salariés à transférer en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public sera déterminé d’un commun accord par l’autorité organisatrice et par l’opérateur sortant nous convient beaucoup mieux, d’autant que cette démarche est par nature tout à fait centriste ! (M. le rapporteur sourit.)
Pour autant, là n’est pas selon nous la principale réussite de la commission mixte paritaire. Son succès, celui de ses acteurs, est d’avoir su conserver tous les apports du Sénat sur ce texte, qui ne sont pas des moindres : inscription de la lutte contre le réchauffement climatique dans les objectifs de la SNCF ; garantie de l’unité sociale par la création d’un même socle de droits au sein de l’ensemble du groupe ; extension de six à huit ans du délai durant lequel les salariés transférés aux nouveaux opérateurs pourront demander à réintégrer le statut en cas de réembauche au sein du groupe SNCF. Ce sont là des mesures qui devraient contribuer à éteindre l’incendie social et à rassurer les plus inquiets. Mais, parce que le temps législatif n’est pas toujours celui de l’acceptation sociale, nous sommes bien conscients, madame la ministre, qu’il vous faudra encore faire preuve de beaucoup de pédagogie. Une fois les écritures couchées sur le papier, il faut encore évangéliser…
Le Sénat a aussi apporté sa pierre sur des sujets plus techniques et pratiques, de la plus grande importance : le transfert des matériels roulants et des ateliers de maintenance, la vente des billets, le maintien d’un haut niveau de sécurité et de sûreté.
Mes chers collègues, j’ai gardé pour la fin le volet qui me tient le plus à cœur, et qui retient toute l’attention des représentants des territoires que nous sommes : celui de la desserte des zones rurales et de l’avenir de ce que l’on appelle « les petites lignes », au-delà des incertitudes qui pèsent sur certaines lignes TGV.
Je vous avoue avoir participé à nos discussions sans perdre de vue le risque qu’une telle réforme pouvait présenter pour la vitalité de nos territoires. L’ouverture à la concurrence, oui, mais pas à n’importe quel prix ni à n’importe quelles conditions. Il faut savoir que, quand une zone rurale perd son train, sans disposer d’une solution de rechange, elle sombre dans l’enclavement. Or l’enclavement – chacun en a bien conscience dans cet hémicycle – a des conséquences lourdes, rapides et irréversibles.
Les offres de mobilité peuvent et doivent être diverses et complémentaires, nous le savons. Mais, dans un contexte où l’avenir des lignes secondaires est incertain, l’entretien des routes problématique, les déplacements en voiture toujours plus lents et plus chers, les investissements verrouillés par des logiques comptables, les ruraux doutent désormais de tout. Comment croire que des usagers moins nombreux auront droit à la même offre, ou en tout cas à une offre adaptée et suffisante ?
Ces préoccupations ont été prises en compte dans le texte. Le Sénat a fermement réaffirmé le rôle de l’État pour préserver les dessertes d’aménagement du territoire. Ainsi, l’État pourra conclure des contrats de service public destinés à préserver les dessertes directes sans correspondance, même pour les lignes à grande vitesse. Il s’agit de garantir que l’ouverture à la concurrence dite « en open access » ne conduise pas à l’abandon pur et simple des dessertes moins rentables. De plus, les régions pourront contractualiser directement avec l’État et les opérateurs pour préserver les petites lignes. Enfin, le système de tarification est aussi conçu pour assurer une forme de péréquation entre les lignes les plus exploitées et celles qui le seront moins.
Ces garde-fous étaient indispensables. Ils sont désormais en place. Seront-ils suffisants ? Ce n’est pas certain. C’est pourquoi, à titre personnel, je m’étais abstenue sur ce texte en première lecture. Le groupe Union Centriste, quant à lui, a fait le pari pascalien d’y croire, mais croyance ne rime pas avec blanc-seing. Nous ne continuerons de croire que ce que nous verrons.
Maintenant que le temps législatif s’achève, s’annonce celui de la mise en œuvre de la réforme dans nos territoires. Si nous sommes favorables à l’ouverture à la concurrence et si nous en attendons beaucoup, nous serons cependant extrêmement vigilants à ce que la présente réforme ne se traduise pas, in fine, par un nouveau coup porté à la ruralité. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Olivier Jacquin. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous avons dit, la semaine dernière, la satisfaction que nous tirions de nos travaux parlementaires et du rôle joué par le Sénat en particulier, mais aussi la déception que nous inspirait ce projet de réforme, contre lequel nous avons voté.
Aujourd’hui, vous attendez avec impatience (Sourires.) de connaître notre position après cette commission mixte paritaire conclusive. La présente séance a précisément pour finalité l’évaluation du travail de celle-ci.
L’adoption d’un amendement du rapporteur – nous avions présenté un amendement identique – a permis d’élargir le périmètre social dans lequel s’exerce la conservation des garanties des salariés de SNCF Mobilités. C’est là une petite avancée, mais tout n’est pas rose, chers collègues, et je dois dire aussi ce que la Haute Assemblée a perdu au cours de cette commission mixte paritaire conclusive, mais surtout expéditive. En près d’une heure, introduction et conclusion comprises, la messe était dite, et une cinquantaine d’amendements ont été balayés. Nos rapporteurs avaient bien préparé la séance et se sont révélés très efficaces.
L’amendement de notre collègue Fabienne Keller, qui avait été adopté à l’unanimité et visait à garantir une desserte à grande vitesse lorsque des engagements ont été pris lors de la construction des lignes, a été conservé,…
M. Roger Karoutchi. C’est bien !
M. Olivier Jacquin. … mais pas le sous-amendement de M. Brisson, qui avait été voté presque unanimement et tendait à garantir la desserte des gares devant bénéficier du prolongement de lignes nouvelles dont la réalisation a été reportée. Au nom de quel équilibre des négociations notre rapporteur a-t-il accepté cet accord, conclu sur le dos de nos territoires fragiles ? Il en est allé de même de l’amendement de nos collègues Huré et Sido, qui visait à assurer, en cas de suppression d’un service, une information de qualité, incluant une étude de la possibilité de reprise de l’exploitation ferroviaire. Oui, il s’agit bien de nos si chères petites lignes et de l’aménagement du territoire.
M. Bruno Sido. En effet !
M. Olivier Jacquin. Dans un autre domaine, pourquoi a-t-on laissé perdre cet acquis dû à notre collègue Malhuret, dont l’amendement garantissait une information régulière et de qualité du Parlement, qui aurait permis à celui-ci d’évaluer les grandes orientations de la stratégie nationale dans le domaine ferroviaire ? Pourquoi veut-on nous priver d’une telle information ?
Enfin, la commission mixte paritaire a opéré un autre recul s’agissant de l’avis conforme de l’ARAFER sur le volet tarification ; vous y étiez pourtant attachés.
Je m’en tiendrai là à propos de cette si rapide commission mixte paritaire.
Le débat ferroviaire aurait mérité d’être prolongé, car il avait été fructueux dans l’hémicycle.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Olivier Jacquin. Ne nous félicitons pas trop que la commission mixte paritaire ait été conclusive, alors que nous nous battons pour plus de démocratie parlementaire, pour un rôle renforcé du Sénat, comme le font si bien le président Larcher et notre présidente de séance ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Olivier Jacquin. Ne nous en félicitons pas trop, car nous acceptons le recours à des ordonnances : de ce fait, beaucoup reste à écrire dans le cadre de cette réforme.
M. Charles Revet. Beaucoup trop !
M. Olivier Jacquin. Aussi, au-delà de ce qui sera désormais inscrit dans le champ législatif, nous prenons date pour la publication des ordonnances, dont nous examinerons le contenu avec beaucoup de vigilance : en l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, nous avons légiféré au doigt mouillé. (M. le rapporteur s’exclame.)
Notre vigilance portera sur les trois points suivants.
En premier lieu, à propos des articles 2, 3 et 4, nous donnons rendez-vous dans six mois : nous en saurons alors plus en matière d’aménagement du territoire et de petites lignes. Qu’en sera-t-il réellement de l’équilibre économique des dessertes, des TGV dits « déficitaires » et de l’évolution des péages ? En effet, c’est par une baisse globale des péages que vous comptez relancer la machine ferroviaire. (Mme la ministre le conteste.)
En matière d’aménagement du territoire, nous serons vigilants sur la question des petites lignes. Le traitement de ce sujet a été habilement différé par le Premier ministre, alors qu’il y a véritablement de quoi être inquiet.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Olivier Jacquin. Rappelons-nous l’approche choquante et malthusienne du rapport Spinetta, qui préconisait d’accélérer encore l’attrition du réseau…
Nous nous inquiétons également des capacités financières dont nos régions disposeront, à l’avenir, en la matière.
Un deuxième rendez-vous se tiendra dans douze mois, à propos de l’article 1er, qui porte sur la nouvelle organisation de l’entreprise, transformée en société anonyme.
Madame la ministre, vous n’avez pas su nous convaincre de la réalité de la plus-value qu’est censé apporter ce nouveau statut par rapport à celui d’établissement public à caractère industriel et commercial,…
M. Olivier Jacquin. … qui permettait d’affronter l’ouverture à la concurrence. Pour le financement de cette industrie très capitalistique, le statut de société anonyme est défavorable. L’incessibilité des capitaux est garantie… tant qu’une nouvelle loi ne reviendra pas sur ce point ; nous l’avons dit. D’ores et déjà, qu’en sera-t-il de l’incessibilité des capitaux des filiales de la SNCF, telles que Gares & Connexions ou Fret SNCF ?
À ce propos, vous nous avez annoncé en cours de débat la filialisation de Fret SNCF, sans que cette mesure soit discutée. Avez-vous conclu des préaccords avec nos amis Chinois, dont nous connaissons l’incroyable projet de routes de la soie ? (Mme la ministre rit.)
Sur cette question, je vous invite, chers collègues, à lire le rapport de Gisèle Jourda, Pascal Allizard, Édouard Courtial et Jean-Noël Guérini. Vous comprendrez alors pourquoi, depuis le début de nos débats, nous plaidons pour le fret ferroviaire : c’est le même réseau qui le porte et qui peut l’amortir. Il ne peut y avoir de nouveau pacte ferroviaire sans que cette question ait été traitée.
Depuis que le Premier ministre a annoncé la transformation de la SNCF en société anonyme, nous soupçonnons l’existence d’une volonté de privatiser tôt ou tard.
M. Roland Courteau. C’est bien cela !
M. Olivier Jacquin. Je vous renvoie à l’édition d’hier des Échos, qui fait état du projet du ministre de l’économie de vendre d’autres monopoles, celui-ci estimant que « l’État n’a pas vocation à diriger des entreprises concurrentielles ». Nous demeurons inquiets, et pour le moins perplexes.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Olivier Jacquin. En revanche, madame la ministre, j’ai été convaincu…
M. Gérard Cornu, rapporteur. Ah !
M. Olivier Jacquin. … quant à la nécessité d’une plus grande unité du système ferroviaire. Le rail doit effectivement parler au train. Il s’agit de garantir la sécurité, bien sûr, mais aussi de limiter les interfaces, aujourd’hui trop nombreuses.
Toutefois, sur ce point, vous avez reculé au profit d’approches libérales visant surtout à mieux garantir une rapide ouverture à la concurrence, au risque de perturber la mécanique complexe du ferroviaire.
Nous serons particulièrement attentifs à la manière dont vous articulerez cette volonté de séparation stricte entre SNCF Mobilités et SNCF Réseau, qui seront désormais deux filiales de la même holding, mais qui ne pourront dialoguer efficacement.
Vous avez annoncé une reprise de la dette : très bien. Merci au gouvernement précédent de vous avoir permis de le faire, en ramenant le déficit de 5,2 % en 2012 à moins de 3 % en 2017 ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. C’est sans doute de l’humour socialiste !
M. Roger Karoutchi. Il vaut mieux entendre ça que d’être sourd…
Mme Éliane Assassi. Mais ce gouvernement-là était lui aussi pour la concurrence !
M. Olivier Jacquin. Vous imposez des efforts colossaux de productivité à SNCF Réseau : dont acte, mais l’application d’une règle d’or renforcée risque d’attenter au développement du réseau, sans que nous ayons de visibilité sur les incidences de cette décision.
Madame la ministre, à propos de cet article 1er, je dois vous rendre hommage.
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Olivier Jacquin. Il me semble que votre vision a permis d’éviter une libéralisation trop sauvage, à l’anglaise, et le dynamitage de l’opérateur historique, que certains, ici ou là, promouvaient.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Ah bon ?
M. Olivier Jacquin. Il n’y a pas de « mais » dans cet hommage, madame la ministre. (Sourires.)
Un troisième rendez-vous aura lieu dans six mois, au sujet de l’article 5 bis, des conditions de négociation de la convention collective et du transfert des personnels. Là, il y a des « mais » !
Nous y voilà : on veut la fin du mythique statut, la tête des cheminots. Quelle méthode, quel gâchis ! Pourquoi avoir ainsi brutalisé les cheminots et déclenché l’une des plus grandes grèves de la SNCF, qui n’est pas finie ? Madame la ministre, que de temps perdu ! Vous le savez, nous sommes favorables à l’ouverture maîtrisée à la concurrence. À ce titre, nous avions engagé d’importantes réformes en 2014 et voté le quatrième paquet ferroviaire en 2016.
Les négociations sur la nouvelle convention collective du ferroviaire avaient été lancées en 2014. Pourquoi ne pas avoir pris le relais dès votre arrivée aux responsabilités ? Vous connaissiez pourtant bien le dossier ! Je m’interroge sur la gestion de ce volet de la réforme. Le surcoût du statut est estimé à environ 10 millions d’euros par an ; pour la SNCF, dont le chiffre d’affaires annuel dépasse les 31 milliards d’euros, le seul coût direct de la grève s’élève à 400 millions d’euros.
J’ai rappelé à plusieurs reprises que seulement quelques centaines de personnels seraient concernés par un transfert d’ici à cinq ans ; en tout cas, leur nombre sera inférieur à 1 000. C’est ce qui bloque la négociation. Il s’agit de définir les futures conditions de travail des 130 000 cheminots. On comprend leur anxiété, pour peu qu’on veuille bien la comprendre !
Nous aurions pu limiter encore, par le débat, le champ de cette cinquième ordonnance relative au transfert de personnels et au flou persistant.
Depuis le début, nous défendons une logique de mieux-disant social, dont la mise en œuvre aurait permis un dialogue construit entre les opérateurs et les salariés. Le ferroviaire est non délocalisable : nous n’avons donc pas à craindre un quelconque dumping social.
Nous comptons beaucoup sur la réunion tripartite de demain, qui rassemblera, sous votre égide, les représentants patronaux et ceux des salariés du secteur ferroviaire. Vous avez encore les moyens de faire cesser la grève.
Ce projet de loi n’est donc en rien la révolution ferroviaire annoncée.
Premièrement, nous n’avons à ce jour pas de visibilité financière sur un nouveau modèle industriel et pérenne de relance du ferroviaire.
Deuxièmement, rien n’est dit du fret.
Troisièmement, il s’agit d’une réforme du XXe siècle, car il n’y a pas d’ambition de relever le défi de la mutation écologique, conformément à l’engagement européen et mondial que nous avons pris au travers du plan Climat, en utilisant le potentiel de massification du rail, son rendement énergétique exceptionnel, en mettant à profit la révolution numérique pour moderniser plus encore le secteur ferroviaire.
Quatrièmement et enfin, c’est une réforme à l’envers. Nous l’avons déjà dit, bien des débats ont été tronqués : l’examen du projet de loi sur les mobilités aurait dû intervenir bien avant.
En définitive, madame la ministre, vous avez mené deux réformes, centrées l’une sur le ferroviaire – je viens de réitérer mes critiques et mes interrogations à son sujet –, l’autre sur le champ social, avec la suppression brutale du statut des cheminots. Il y a confusion des genres. Ce nouveau pacte ferroviaire est aussi un nouveau pacte Les Républicains –En Marche, conclu sur le dos des cheminots. Madame la ministre, mes chers collègues, nous voterons contre les conclusions de cette CMP, et nous vous donnons rendez-vous pour les prochaines étapes : on ne gouverne pas la France comme on dirige une start-up ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le président de la commission, M. Maurey, et le rapporteur, M. Cornu, de l’excellent travail qu’ils ont accompli – comme d’habitude, dirai-je – en commission mixte paritaire pour défendre les apports du Sénat sur ce texte.
Le projet de loi que nous étudions aujourd’hui est, par deux aspects, décisif pour l’avenir de ce pays.
En premier lieu, il trace la route de l’avenir ferroviaire français en programmant l’ouverture à la concurrence et en en fixant les modalités pratiques.
En second lieu, il donne à la SNCF les armes dont elle a besoin pour demeurer un champion national dans un marché ouvert aux compagnies étrangères.
Le texte issu de la commission mixte paritaire est le fruit de trois négociations menées avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
Premièrement, il prévoit que le nombre de salariés à transférer en cas de changement d’attributaire d’un contrat devra être déterminé d’un commun accord. C’est une mesure qui satisfera les nouveaux entrants sur le marché, mais il faudra que l’ARAFER prenne toute la mesure de son rôle de garant de ces accords, pour que les employés du rail ne soient jamais lésés.
Deuxièmement, l’avis conforme de l’ARAFER sur le volet tarification du contrat de performance est supprimé. Là encore, si le Sénat a manifesté son ouverture d’esprit, il faut que les garde-fous prévus par le texte puissent être effectivement utilisés.
Troisièmement et enfin, le texte maintient le régime d’incompatibilité de fonctions entre SNCF Réseau et l’EPIC de tête SNCF. Le Gouvernement souhaitait revenir sur cette mesure, mais un compromis a pu être trouvé, en limitant le champ de ce régime d’incompatibilité aux mandataires sociaux. Avec cette solution, nous restons au milieu du gué. S’il faut s’en satisfaire dans l’immédiat, dans la mesure où elle permet d’avancer, les discussions devront être relancées rapidement. En effet, il est nécessaire de continuer à travailler sur cette problématique. (Mme la ministre acquiesce.) Je sais, madame la ministre, que vous êtes d’accord avec nous sur ce point.
La lutte contre le changement climatique a été évoquée par Mmes Assassi et Sollogoub. À cet égard, je salue le fait que l’amendement du groupe Les Indépendants – République et Territoires relatif à cette problématique ait été conservé dans cette version finale du texte.
M. Gérard Cornu, rapporteur. En effet !
M. Alain Fouché. Il avait été adopté à l’unanimité en séance. Son dispositif, intégré à l’article 1er, fixe un cap clair et à l’énoncé simple : la transformation des transports ne peut se faire qu’en accord avec une politique globale de développement durable et de préservation de l’environnement. Ce point est essentiel.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront en faveur de l’adoption de ce texte. Ils veulent croire qu’il marquera, à l’instar de la pose du dernier boulon d’or, le début d’une nouvelle aventure ferroviaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Frédéric Marchand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que nous abordons la dernière étape de nos débats sur la réforme du système ferroviaire, permettez-moi de revenir quelques instants sur la genèse de ceux-ci.
Adopté par le Parlement européen en décembre 2016, le quatrième paquet ferroviaire prévoit l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs en Europe. Je tenais à mentionner de nouveau ce fait, car beaucoup de nos concitoyens l’ignorent encore. Ce projet de loi vise, en premier lieu, à donner un cadre légal à l’ouverture à la concurrence des systèmes ferroviaires européens.
Des inquiétudes légitimes ont pu apparaître : il est question de libéraliser un service public, de transformer une entreprise nationale et de modifier les conditions de recrutement et de travail de ses agents. Les Français sont attachés à la SNCF et au service rendu chaque jour par les quelque 150 000 cheminots. Ils ont raison.
Profondément européen, le groupe du RDSE s’est toujours montré, dans sa grande majorité, favorable à cette ouverture à la concurrence, aujourd’hui inéluctable et souhaitée par la plupart de nos concitoyens. Les conséquences en sont pour l’heure inconnues ; c’est la raison pour laquelle nous devons rester vigilants. Mais les défaillances du système actuel appellent une refonte en profondeur du rail français pour préserver son attractivité face aux autres modes de transport. Il s’agit d’un enjeu crucial en termes à la fois d’aménagement du territoire et de respect de l’environnement.
Je ne reviendrai pas en détail sur les enjeux de ce projet de loi ; nous avons eu de nombreuses occasions d’en débattre. J’aurais souhaité davantage de garanties s’agissant des petites lignes qui maillent notre territoire. Il appartiendra aux autorités organisatrices, avec les moyens dont elles pourront disposer, de rassurer usagers et élus sur ce point.
En ce qui concerne l’avenir du groupe SNCF, je crois que le travail parlementaire a pu répondre à un certain nombre d’inquiétudes, notamment en inscrivant dans la loi le caractère incessible du capital de la nouvelle société nationale SNCF. Cette précision aura le mérite de mettre fin à certaines rumeurs de privatisation imminente.
Pour ce qui est de la question du transfert des salariés de la SNCF vers un nouvel opérateur en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public, le Sénat avait apporté des garanties sociales, en concertation avec les syndicats. Ces garanties ont été maintenues en commission mixte paritaire ; nous nous en réjouissons. La SNCF se verra dans l’obligation de proposer un reclassement dans la région ou, à défaut, sur le territoire national aux salariés consacrant moins de 50 % de leur temps de travail à un marché perdu qui refuseraient d’être transférés à un nouvel opérateur. J’aurais souhaité des garanties géographiques plus fermes afin d’éviter une situation déstabilisante pour le salarié et sa famille. Je note néanmoins avec satisfaction la volonté du Gouvernement et du Parlement de favoriser le plus possible le volontariat en cas de transfert.
D’autres points ont fait l’objet d’une modification en commission mixte paritaire.
Le nombre de salariés à transférer sera déterminé d’un commun accord par l’autorité organisatrice et l’opérateur sortant, avec possibilité de saisine de l’ARAFER en cas de différend. Ce compromis semble convenir au plus grand nombre.
Un consensus a également pu être trouvé avec les députés sur le régime d’incompatibilité des fonctions de dirigeant de SNCF Réseau et de la holding SNCF, ainsi que sur la tarification du réseau.
Le groupe du RDSE approuve le travail réalisé en bonne intelligence par les rapporteurs et les présidents de commission. Il a notamment permis de préserver le rôle joué par l’ARAFER et les autorités organisatrices.
La commission mixte paritaire a conservé en grande majorité les dispositions du texte issu des travaux du Sénat, lequel a pu, cette fois, prendre toute sa place dans le travail législatif. Ayant hérité d’un texte non abouti, mêlant habilitations à légiférer par ordonnances et dispositions modifiant directement le droit en vigueur, les sénateurs ont fait le choix de la transparence, en instaurant, au bénéfice des salariés, des collectivités et des usagers, des garanties fermes sur de nombreux plans.
Le Gouvernement, de son côté, s’est montré inflexible sur les grands principes de cette réforme, mais a su apporter certaines clarifications, voire accepter certaines avancées, au gré des concertations qu’il a menées et du travail parlementaire. L’annonce de la reprise partielle de la dette et le retour à des investissements massifs dans la maintenance me semblent des pas importants pour l’avenir du ferroviaire : c’est sur ces points que doivent désormais se concentrer nos efforts.
Le groupe du RDSE, satisfait d’avoir pu enrichir le projet de loi de certains de ses amendements, votera en grande majorité en faveur de l’adoption du texte. Toutefois, il restera vigilant quant au contenu des décrets à venir et au rôle joué par l’État dans les négociations de branche qui s’annoncent. Les rencontres tripartites qui débutent seront l’occasion, pour le Gouvernement, d’agir en faveur de l’instauration d’un socle commun de droits pour tous les salariés du nouveau système ferroviaire français. C’est en tout cas le souhait du groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Alain Fouché applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Pemezec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, nous approchons du terme de nos débats sur un texte qui doit être le socle d’un nouveau pacte ferroviaire, le départ d’une réforme du groupe SNCF, à l’aube de l’ouverture du secteur du transport de voyageurs à la concurrence.
Nous sommes extrêmement satisfaits que l’Assemblée nationale et le Sénat soient parvenus à un accord en commission mixte paritaire. Permettez-moi de vous dire ma satisfaction, en tant que membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, membre suppléant de la commission mixte paritaire, mais également petit-fils de cheminot. N’en déplaise à Mme Duflot, on peut être descendant de cheminot – cégétiste de surcroît – et considérer que, à un certain moment, il faut savoir terminer une grève, comme disait quelqu’un dont je préfère oublier le nom… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. – Marques d’agacement sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Pas la peine d’en rajouter !
M. Philippe Pemezec. Je tiens à souligner que l’accord obtenu en commission mixte paritaire reprend les positions défendues par le Sénat en vue de donner des garanties aux personnels transférés de la SNCF vers d’autres entreprises et de faire en sorte que leur intégration se fasse dans les meilleures conditions, de préserver un réseau de desserte TGV qui irrigue l’ensemble de notre territoire, notamment les villes moyennes, d’assurer une ouverture à la concurrence équilibrée entre l’opérateur historique et les potentiels nouveaux entrants. Sur ce dernier point, le Sénat a fait entendre sa voix et a repoussé des tentatives gouvernementales d’introduire des dispositions qui auraient été un frein à une réelle mise en concurrence.
Madame le ministre, monsieur le président de la commission, nous en avons fait l’expérience grandeur nature : le Parlement est capable, sans contrainte, sans empêcher le Gouvernement d’agir, de voter dans les temps requis une réforme importante pour une entreprise nationale, son personnel et l’ensemble de nos concitoyens.
Contrairement au recours aux ordonnances, la voie parlementaire est un gage de débat démocratique, et donc de solidité pour l’avenir. Les sénateurs ont siégé vingt-six heures en séance publique, les députés près de vingt-cinq heures. Quelque 600 amendements ont été déposés à l’Assemblée nationale, et 441 au Sénat ; les députés ont adopté 82 amendements, les sénateurs 145.
La loi aura été votée en trois mois, chacun ayant été en mesure de s’exprimer. Reconnaissez, madame le ministre, que les apports du Sénat à ce texte ont été essentiels. Le Sénat n’est pas aussi inutile que certains de vos amis se plaisent à le dire et à l’écrire…
M. Roland Courteau. Ça, c’est juste !
M. Philippe Pemezec. Cette loi donnera au Gouvernement les moyens d’agir pour ouvrir à la concurrence les services nationaux de transport de voyageurs dans le respect des directives européennes, d’une part, et pour adapter le groupe public SNCF à cette nouvelle donne, d’autre part.
Avec ce texte, le Parlement donne au Gouvernement une base juridique, financière et comptable nouvelle qui doit permettre à la SNCF de s’adapter à l’ouverture du secteur à la concurrence, de montrer toutes ses capacités d’adaptation et de révéler son potentiel de productivité, qui lui permettra de rester une entreprise compétitive.
Conscients des enjeux et misant sur la réussite de l’entreprise et de son personnel, nous avons d’ailleurs adopté le calendrier le plus souple possible. Il devrait permettre au groupe SNCF de relever ce défi.
C’est une première étape, mes chers collègues, car il reste au Gouvernement à résoudre plusieurs questions déterminantes pour l’avenir du groupe SNCF et la garantie d’une véritable ouverture à la concurrence.
Comment le Gouvernement entend-il traiter, dans les prochains mois, ces questions, tout aussi importantes que le texte que nous nous apprêtons à voter ?
Premièrement, le Gouvernement s’est engagé à ce que l’État reprenne 35 milliards d’euros de dette de la SNCF. Même si, d’un point de vue comptable, il finira sans doute par obtenir que cette reprise de dette ne soit pas prise en compte pour le calcul du déficit public de la France, il n’en reste pas moins que le contribuable français devra payer, ainsi que les régions, selon toute vraisemblance. C’est la raison pour laquelle nous aimerions avoir des précisions sur les conditions de la reprise de dette en deux étapes et son « alignement » sur la productivité de l’entreprise.
Deuxièmement, le changement de statut et la transformation de SNCF Mobilités en société anonyme ne doivent pas nous tromper : cette transformation restera accessoire si elle ne s’accompagne pas d’une réforme de structure et de management pour combler le déficit annuel d’exploitation, puisque la SNCF ne pourra plus bénéficier ni de la garantie implicite de l’État ni de sa notation en matière de dette. Il s’agit d’un vrai défi pour l’entreprise : être compétitive et se développer en réduisant son déficit d’exploitation, qui était de 2,5 milliards d’euros par an ces dernières années.
Troisièmement, sur la question de l’avenir des personnels et de l’adaptation de leur statut, très spécifique, un point d’équilibre doit être trouvé, sans que cela aboutisse à handicaper les potentiels entrants. Cela vaut pour les prochaines négociations collectives de la branche ferroviaire et pour la réforme du régime de retraites que le Gouvernement promet d’intégrer dans la réforme globale à venir de notre système de retraites. Sur ces deux sujets, les enjeux sont réels. Le point d’aboutissement déterminera des règles, équitables ou pas, pour l’ouverture à la concurrence.
Enfin, en tant qu’élu francilien, je ne peux m’empêcher d’évoquer la question du service minimum, notamment sur le réseau d’Île-de-France.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Philippe Pemezec. Il est dommage que le texte n’évoque pas cette question. Les utilisateurs des transports au quotidien y auraient été sensibles. (M. Roger Karoutchi marque son approbation.)
Ce texte, loin de marquer un aboutissement, n’est donc qu’un point de départ pour la SNCF et l’avenir du ferroviaire dans notre pays.
En conclusion, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.
Je terminerai en saluant le remarquable travail de notre rapporteur, Gérard Cornu, et son implication pour enrichir ce texte sensible qui satisfait la grande majorité d’entre nous. Je salue également l’investissement de notre président de commission, M. Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire
Article 1er A
I. – Le livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 2101-1 est remplacé par dix alinéas ainsi rédigés :
« La société nationale à capitaux publics SNCF et ses filiales constituent un groupe public unifié qui remplit des missions de service public dans le domaine du transport ferroviaire et de la mobilité et exerce des activités de logistique et de transport ferroviaire de marchandises, dans un objectif de développement durable, de lutte contre le réchauffement climatique, d’aménagement du territoire et d’efficacité économique et sociale. La société nationale SNCF peut également exercer, directement ou à travers ses filiales, d’autres activités prévues par ses statuts.
« Le capital de la société nationale SNCF est intégralement détenu par l’État. Ce capital est incessible.
« La société nationale SNCF est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes.
« La société nationale SNCF détient l’intégralité du capital de la société SNCF Réseau mentionnée à l’article L. 2111-9 et de la société SNCF Mobilités mentionnée à l’article L. 2141-1. Le capital de ces deux sociétés est incessible.
« Sous réserve des dispositions prévues par la loi, la société nationale SNCF définit l’organisation du groupe public qu’elle constitue avec ses filiales afin d’assurer ses missions.
« Au sein du système de transport ferroviaire national mentionné à l’article L. 2100-1, le groupe public est notamment chargé :
« 1° D’exploiter et de développer, de façon transparente et non discriminatoire, le réseau ferré national conformément aux principes du service public et dans le but de promouvoir le transport ferroviaire en France ;
« 2° D’exploiter et de développer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs et d’autres installations de service reliées au réseau ferré national ;
« 3° D’exercer des missions transversales nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national au bénéfice de l’ensemble des acteurs de ce système, notamment en matière de préservation de la sûreté des personnes, des biens et du réseau ferroviaire ;
« 4° D’assurer des services de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises, nationaux et internationaux. » ;
1° bis Après le mot : « applicable », la fin de la première phrase du second alinéa du même article L. 2101-1 est ainsi rédigée : « à la société nationale SNCF et à ses filiales » ;
1° ter L’article L. 2101-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2101-2. – I. – La société nationale SNCF et les sociétés relevant des activités exercées au 31 décembre 2019 par le groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … pour un nouveau pacte ferroviaire emploient des salariés régis par un statut particulier élaboré dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et des salariés sous le régime des conventions collectives.
« II. – Sans discrimination liée à leur statut d’emploi ou à leur origine professionnelle, les salariés des sociétés relevant du champ mentionné au I peuvent occuper tout emploi ouvert sur ce périmètre, avec continuité de leur contrat de travail. » ;
1° quater Après le même article L. 2101-2, il est inséré un article L. 2101-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2101-2-1. – La création de filiales par la société nationale SNCF ou ses filiales dans le champ du I de l’article L. 2101-2 ne porte pas atteinte à l’application du statut mentionné au même article L. 2101-2 aux salariés précédemment régis par celui-ci.
« Cette création ne porte pas davantage atteinte, pour l’ensemble des salariés compris dans le champ du I dudit article L. 2101-2, au maintien des conventions et accords collectifs qui leur étaient applicables ainsi que des dispositions réglementaires propres au groupe public et des dispositions propres à toute société du groupe public unifié mentionné à l’article L. 2101-1 ayant pour effet d’accorder un avantage à tout ou partie des salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2261-14, L. 2261-14-2 et L. 2261-14-3 du code du travail. » ;
2° L’article L. 2111-9 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La société SNCF Réseau a pour mission d’assurer, de façon transparente et non discriminatoire, directement ou par l’intermédiaire de filiales, conformément aux principes du service public et dans le but de promouvoir le transport ferroviaire en France dans un objectif de développement durable, d’aménagement du territoire et d’efficacité économique et sociale : » ;
b) Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° La gestion unifiée des gares de voyageurs, à travers une filiale dotée d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière ; »
c) Après le même 5°, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« 6° La gestion et la mise en valeur d’installations de service ;
« 7° Des missions transversales nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national, au bénéfice de l’ensemble des acteurs de ce système, notamment en matière de gestion de crise et de coordination des acteurs pour la mise en accessibilité du système de transport ferroviaire national aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ;
« 8° Des missions répondant aux besoins de la défense dans le cadre de la stratégie de sécurité nationale.
« La société SNCF Réseau est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes.
« À l’exception de la couverture de leurs besoins propres, la société SNCF Réseau et ses filiales ne peuvent assurer d’activités de transport ferroviaire. » ;
2° bis Après l’article L. 2111-9, sont insérés des articles L. 2111-9-1, L. 2111-9-2 et L. 2111-9-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 2111-9-1. – La filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 a pour mission d’assurer, conformément aux principes du service public, la gestion unifiée des gares de voyageurs. À ce titre, elle est notamment chargée :
« 1° D’assurer aux entreprises de transport ferroviaire un service public de qualité en leur fournissant, de façon transparente et non discriminatoire, les services et prestations en gares mentionnés à l’article L. 2123-1 ;
« 2° De favoriser la complémentarité des modes de transports individuels et collectifs ainsi que leur coopération, conformément à l’article L. 1211-3 ;
« 3° De contribuer au développement équilibré des territoires, notamment en veillant à la cohérence de ses décisions d’investissement avec les politiques locales en matière d’urbanisme et en assurant une péréquation adaptée des ressources et des charges entre les gares qu’elle gère.
« Elle est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes.
« Art. L. 2111-9-2. – Les redevances perçues pour la fourniture aux entreprises de transport ferroviaire de services en gare incitent le gestionnaire des gares à améliorer ses performances. Elles peuvent être établies sur une période pluriannuelle ne pouvant pas excéder cinq ans.
« Art. L. 2111-9-3. – La gestion des grandes gares ou ensembles pertinents de gares de voyageurs est suivie par un comité de concertation. Ce comité est notamment composé de représentants du gestionnaire des gares, des autorités organisatrices de transport concernées, des autorités organisatrices de la mobilité et des autres collectivités territoriales concernées, des entreprises de transport ferroviaire et des usagers. Il est notamment consulté sur les projets d’investissement dans et autour de la gare, les services en gare, la coordination des offres et la multimodalité, l’information des voyageurs, la qualité de service et, de façon générale, sur toute question relative aux prestations rendues dans la gare.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret. » ;
2° ter Après l’article L. 2111-10, il est inséré un article L. 2111-10-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 2111-10-1 A. – La filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 conclut avec l’État un contrat pluriannuel. Ce contrat détermine en particulier les objectifs assignés au gestionnaire de gares en matière de qualité de service, de trajectoire financière, d’accès des entreprises ferroviaires aux gares, de sécurité, de rénovation et de propreté des gares et de développement équilibré des territoires.
« Le projet de contrat et les projets d’actualisation sont soumis pour avis à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
« Le projet de contrat et les projets d’actualisation ainsi que l’avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières sont transmis au Parlement.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret. » ;
3° L’article L. 2141-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-1. – La société SNCF Mobilités exploite, directement ou à travers ses filiales, des services de transport ferroviaire et exerce d’autres activités prévues par ses statuts.
« Elle exploite, dans ce cadre, les services de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national, sous réserve du second alinéa du II de l’article 1er ter de la loi n° … du … pour un nouveau pacte ferroviaire.
« La société SNCF Mobilités est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes. » ;
4° L’article L. 2101-5 est ainsi modifié :
a) Les I et II sont ainsi rédigés :
« I. – Un accord collectif négocié au niveau du comité de groupe mentionné au III peut définir les conditions d’exercice du dialogue social au sein d’un périmètre regroupant tout ou partie des sociétés du groupe public unifié défini à l’article L. 2101-1 qui appliquent la convention collective de branche mentionnée à l’article L. 2162-1 en vue d’un socle de droits communs à l’ensemble de ces sociétés.
« II. – L’accord mentionné au I du présent article peut définir les attributions d’une instance commune dont la composition et les moyens de fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d’État. Par dérogation aux articles L. 2312-78 à L. 2312-81 et L. 2316-23 du code du travail, la gestion d’une part substantielle des activités sociales et culturelles peut être assurée par cette instance. L’accord précité en définit alors les conditions de contrôle et de mutualisation. » ;
b) Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – À défaut de conclusion de l’accord prévu au I du présent article dans un délai de six mois à compter de la constitution du groupe public unifié défini à l’article L. 2101-1 du présent code, les modalités prévues aux I et II du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État et s’appliquent sur le champ du I de l’article L. 2101-2. » ;
5° L’article L. 2101-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2101-6. – La condition d’audience prévue à l’article L. 2122-1 du code du travail est déterminée, pour l’instance mentionnée au I de l’article L. 2101-5 du présent code, en additionnant les suffrages exprimés dans le périmètre prévu au même article L. 2101-5.
« Les négociations obligatoires prévues par le code du travail se déroulent soit au niveau du périmètre défini au I dudit article L. 2101-5 du présent code pour l’ensemble des sociétés qui le composent, soit au niveau de chacune d’entre elles.
« La répartition des thèmes de négociations en tout ou partie entre les niveaux prévus au deuxième alinéa du présent article, selon que les mesures envisagées concernent une ou plusieurs des sociétés, est fixée par voie d’accord conclu dans les conditions fixées à l’article L. 2232-33 du code du travail au niveau du périmètre défini au I de l’article L. 2101-5 du présent code. À défaut d’accord, cette répartition est effectuée chaque année, en tenant compte de la portée des mesures envisagées pour la ou les sociétés concernées, par décision unilatérale de la direction de la société nationale SNCF après avis de l’instance prévue au I du même article L. 2101-5.
« Les accords collectifs négociés au niveau de l’ensemble des sociétés sont soumis au régime des accords d’entreprise. »
II. – Les statuts initiaux de la société nationale SNCF, de la société SNCF Réseau, de sa filiale chargée de la gestion unifiée des gares de voyageurs mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du code des transports et de la société SNCF Mobilités sont fixés par décret en Conseil d’État. Ils sont par la suite modifiés selon les règles prévues par le code de commerce.
III. – Les I et II du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2020.
Les modifications de l’organisation du groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 du code des transports, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, rendues nécessaires par la mise en œuvre des dispositions prévues au présent article au 1er janvier 2020 ne portent pas atteinte aux dispositions législatives, réglementaires ou contractuelles régissant les situations des personnels employés à cette date par les établissements publics SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités.
IV. – À compter du 12 décembre 2020, le deuxième alinéa de l’article L. 2141-1 du code des transports, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est ainsi rédigé :
« Elle exploite, dans ce cadre, les services publics de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national. »
V. – À compter du 25 décembre 2023, le deuxième alinéa de l’article L. 2141-1 du code des transports, dans sa rédaction résultant du IV du présent article, est supprimé.
Article 1er BA
I. – L’article L. 2111-10-1 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 2111-10-1. – I. – La situation financière de SNCF Réseau est appréciée au regard du ratio entre sa dette financière nette et sa marge opérationnelle, défini sur le périmètre social de SNCF Réseau. À partir du 1er janvier 2027, ce ratio ne peut dépasser un plafond fixé dans les statuts de la société SNCF Réseau approuvés avant le 31 décembre 2019.
« À partir du 1er janvier 2027, les règles de financement des investissements de SNCF Réseau sont établies en vue de lui permettre de maîtriser sa dette, dans le respect du plafond, selon les principes suivants :
« 1° Le montant des investissements à la charge de SNCF Réseau ne peut conduire à ce que le ratio prévu au premier alinéa dépasse le plafond applicable. SNCF Réseau s’assure de ce respect lors de l’élaboration du contrat mentionné à l’article L. 2111-10 et de ses budgets annuels. En cas d’écart constaté en cours d’exécution du budget annuel, SNCF Réseau prend toute mesure lui permettant de respecter ce plafond l’année suivante ;
« 2° Pour tout projet d’investissement de renouvellement, de modernisation ou de développement du réseau ferré national réalisé sur demande de l’État, des collectivités territoriales ou de tout autre tiers, SNCF Réseau détermine sa part contributive dans le financement de ce projet de manière à ce que le taux de retour sur cet investissement soit au moins égal au coût moyen pondéré du capital de SNCF Réseau pour ce même investissement après prise en compte des risques spécifiques à l’investissement.
« II. – Pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2026, les statuts de l’entreprise approuvés avant le 31 décembre 2019 fixent les modalités de convergence afin que le ratio atteigne le plafond mentionné au I du présent article le 31 décembre 2026 au plus tard. Tant que le ratio n’a pas atteint le plafond mentionné au même I, les règles de financement des investissements de SNCF Réseau respectent en outre les principes suivants :
« 1° Pour tout projet d’investissement de renouvellement ou de modernisation du réseau ferré national réalisé sur demande de l’État, des collectivités territoriales ou de tout autre tiers, SNCF Réseau détermine sa part contributive dans le financement de ce projet de manière à ce que le taux de retour sur cet investissement soit au moins égal au coût moyen pondéré du capital de SNCF Réseau pour ce même investissement après prise en compte des risques spécifiques à l’investissement ;
« 2° SNCF Réseau ne peut contribuer au financement d’investissements de développement du réseau ferré national.
« III. – La contribution de SNCF Réseau au financement des investissements au sens du présent article s’entend quels que soient le montage juridique et financier retenu et la nature de la contribution de SNCF Réseau, y compris lorsque celle-ci revêt la forme d’une garantie, d’une prise de participation ou d’une avance.
« IV. – Pour chaque projet d’investissement dont la valeur excède un seuil fixé par décret, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières émet un avis motivé sur le montant global des concours financiers devant être apportés à SNCF Réseau et sur la part contributive de SNCF Réseau. Cet avis porte notamment sur la pertinence des prévisions de recettes nouvelles, en particulier au regard de leur soutenabilité pour les entreprises ferroviaires, ainsi que sur l’adéquation du niveau de ces recettes avec celui des dépenses d’investissement projetées.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret. »
II. – Le début du deuxième alinéa du I de l’article L. 2111-3 du code des transports est ainsi rédigé : « Les 1° et 2° du II de l’article L. 2111-10-1 ne sont pas applicables à la participation … (le reste sans changement). »
Article 1er B
La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités peuvent procéder jusqu’au 31 décembre 2019 à des recrutements de personnels soumis au statut mentionné à l’article L. 2101-2 du code des transports.
Article 1er C
Le titre VI du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 2161-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « aux établissements publics constituant le groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 » sont remplacés par les mots : « à la société nationale SNCF et aux sociétés relevant du champ mentionné au I de l’article L. 2101-2 » ;
b) Les mots : « ou d’une attestation de sécurité délivrés » sont remplacés par le mot : « délivré » ;
c) Après le mot : « voyageurs, », le mot : « et » est supprimé ;
d) Sont ajoutés les mots : « et aux entreprises dont l’activité principale est la maintenance, hors réparation, des matériels ferroviaires roulants ou l’exercice des tâches et des fonctions de sécurité ferroviaire » ;
2° L’article L. 2162-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 » sont remplacés par les mots : « de la société nationale SNCF et des sociétés relevant du champ mentionné au I de l’article L. 2101-2 » ;
b) Les mots : « ou d’une attestation de sécurité délivrés » sont remplacés par le mot : « délivré » ;
c) Après le mot : « voyageurs, », le mot : « et » est supprimé ;
d) Sont ajoutés les mots : « et aux entreprises dont l’activité principale est la maintenance, hors réparation, des matériels ferroviaires roulants ou l’exercice des tâches et des fonctions de sécurité ferroviaire ».
Article 1er
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour assurer la transformation du groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 du code des transports, ainsi que des filiales des entités constituant celui-ci, en un groupe public unifié tel qu’issu de l’article L. 2101-1 du même code modifié par la loi n° … du … pour un nouveau pacte ferroviaire à compter du 1er janvier 2020, dans le contexte de l’achèvement de l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire et dans le respect des engagements de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique et à ce titre :
1° Fixer les conditions de création du groupe public constitué par la société nationale SNCF et ses filiales, en prévoyant notamment :
a) L’attribution aux sociétés SNCF, SNCF Mobilités, SNCF Réseau et, le cas échéant, à leurs filiales, chacune selon son objet, ou le retour à l’État, de tout ou partie des biens, droits et obligations des établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial constituant le groupe public ferroviaire au sens de l’article L. 2101-1 du code des transports dans sa rédaction antérieure à la présente loi ;
a bis) Des mesures d’application aux sociétés mentionnées au a de la législation applicable aux établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial, ou d’adaptation de cette législation, notamment en matière de protection de l’environnement, d’urbanisme, de maîtrise d’ouvrage et de commande publique ;
b) Les conditions dans lesquelles certaines missions de la société nationale SNCF sont assurées au sein du groupe public ;
c) Les conditions dans lesquelles les contrats de travail se poursuivent pour assurer la mise en œuvre du groupe public et les effets en résultant sur le droit social applicable ;
d) La réunification de la gestion des gares de voyageurs ;
e) Les modalités transitoires de gestion des sociétés composant le groupe public constitué par la société nationale SNCF et ses filiales jusqu’à l’installation des différents organes prévus par leurs statuts ;
f) Les mesures transitoires ou, le cas échéant, dérogatoires à l’application des dispositions du code de commerce relatives aux sociétés anonymes durant les premiers exercices suivant la date de constitution de la société nationale SNCF et de ses filiales ;
1° bis Fixer les conditions de fonctionnement du groupe public constitué par la société nationale SNCF et ses filiales, en prévoyant notamment :
a) Les modalités de sa gouvernance, en veillant à garantir la représentation adaptée des acteurs du système ferroviaire et notamment une représentation des collectivités territoriales concernées, des usagers ainsi que des salariés, dans le respect de l’article 7 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ;
b) Les garanties propres à assurer l’indépendance de SNCF Réseau, dans le respect des exigences de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, en veillant à l’introduction d’un avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières sur la nomination, le renouvellement et la révocation de son dirigeant afin de garantir son indépendance à l’égard des entreprises exerçant, directement ou par l’intermédiaire d’une filiale, une activité d’entreprise ferroviaire ;
b bis et c) (Supprimés)
d) Les modalités de contractualisation entre l’État et tout ou partie des entités du groupe public unifié, en veillant à prendre en compte, en particulier, les objectifs assignés à la gestion de l’infrastructure ;
1° ter Déterminer le régime des biens dont le groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 du code des transports dans sa rédaction antérieure à la présente loi est propriétaire ou affectataire, dans le respect du caractère public des biens affectés à des missions de service public ;
2° Fixer les conditions de recrutement, d’emploi et de représentation du personnel ainsi que de la négociation collective au sein des sociétés composant le groupe public.
Article 1er bis
L’article L. 2111-25 du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le calcul des redevances d’infrastructure mentionnées au 1° de l’article L. 2111-24 tient notamment compte du coût de l’infrastructure, de la situation du marché des transports et des caractéristiques de l’offre et de la demande, des impératifs de l’utilisation optimale du réseau ferré national et de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale ; il tient également compte de la nécessité de tenir les engagements de desserte par des trains à grande vitesse pris par l’État dans le cadre de la construction des lignes à grande vitesse et de permettre le maintien ou le développement de dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire ; enfin, il tient compte, lorsque le marché s’y prête, et sur le segment de marché considéré, de la soutenabilité des redevances et de la valeur économique, pour l’attributaire de la capacité d’infrastructure, de l’utilisation du réseau ferré national et respecte les gains de productivité réalisés par les entreprises ferroviaires. Tant que le coût complet du réseau n’est pas couvert par l’ensemble de ses ressources, SNCF Réseau conserve le bénéfice des gains de productivité qu’il réalise. Les principes et montants des redevances peuvent être fixés de façon pluriannuelle, sur une période ne pouvant excéder cinq ans. » ;
2° Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« En vue d’assurer les dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire, le niveau des redevances ne saurait exclure l’utilisation de l’infrastructure sur certains segments de marché par des opérateurs qui peuvent au moins acquitter le coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire sur ces segments, plus un taux de rentabilité si le marché s’y prête.
« Pour les services de transport ferroviaire faisant l’objet d’un contrat de service public, la soutenabilité des redevances est évaluée selon des modalités permettant de prendre en compte les spécificités de tels services, en particulier l’existence d’une contribution financière des autorités organisatrices à leur exploitation, en vue d’assurer, le cas échéant, que les majorations sont définies sur la base de principes efficaces, transparents et non discriminatoires. »
Article 1er ter A
Après le mot : « saturées », la fin du dernier alinéa de l’article L. 2122-4-1 du code des transports est ainsi rédigée : « , en particulier celles dont bénéficient les services assurant des dessertes pertinentes en matière d’aménagement du territoire, ainsi que les modalités de prise en compte des besoins de capacités des services de fret ferroviaire dans le cadre du processus de répartition des capacités de l’infrastructure. »
Article 1er ter
I. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° L’article L. 2121-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-12. – Les entreprises ferroviaires peuvent assurer des services de transport ferroviaire dans les conditions prévues au présent article et aux articles L. 2122-9 et L. 2133-1.
« Lorsqu’un candidat, au sens de l’article L. 2122-11, a l’intention de demander des capacités d’infrastructure en vue de l’exploitation d’un nouveau service de transport de voyageurs, il le notifie aux gestionnaires d’infrastructure concernés et à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, dans des conditions fixées par voie réglementaire. L’autorité publie sans délai cette notification. » ;
2° Le I de l’article L. 2122-9 est ainsi modifié :
a) Les mots : « autorisées à exploiter des services de transport » sont supprimés et les mots : « sans discrimination » sont remplacés par les mots : « non discriminatoires » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L’exercice de ce droit d’accès peut être limité ou interdit, dans les conditions définies à l’article L. 2133-1. » ;
3° L’article L. 2133-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2133-1. – Sur saisine de l’autorité ou de l’une des autorités organisatrices ayant attribué le ou les contrats de service public, de l’entreprise chargée de l’exécution de ce ou de ces contrats de service public, de l’État ou du gestionnaire d’infrastructure, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières peut limiter ou interdire l’exercice du droit d’accès mentionné au I de l’article L. 2122-9 aux nouveaux services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs entre un lieu de départ donné et une destination donnée si l’exercice de ce droit est susceptible de compromettre l’équilibre économique d’un ou de plusieurs contrats de service public couvrant le même trajet ou un trajet alternatif.
« L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières est saisie dans un délai d’un mois à compter de la publication de la notification mentionnée à l’article L. 2121-12. Elle rend sa décision dans un délai de six semaines à compter de la réception de toutes les informations utiles à l’instruction, sur la base d’une analyse économique objective et de critères préétablis, et notifie cette décision au demandeur. Lorsqu’elle décide que le service de transport de voyageurs envisagé est susceptible de compromettre l’équilibre économique d’un contrat de service public, elle indique les changements qui pourraient être apportés à ce service afin que les conditions d’octroi du droit d’accès au réseau ferroviaire soient remplies.
« L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières précise les conditions dans lesquelles l’autorité organisatrice qui a attribué le ou les contrats de service public, l’entreprise ferroviaire qui exécute ce ou ces contrats de service public, l’État, le gestionnaire d’infrastructure ou l’entreprise ferroviaire ayant déclaré son intention d’assurer le service faisant l’objet de la décision peuvent demander le réexamen de ladite décision dans un délai d’un mois après sa notification.
« La décision de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières est susceptible de recours devant le Conseil d’État. » ;
4° Le 8° de l’article L. 1263-2 est ainsi rédigé :
« 8° À la création de services de transport de personnes librement organisés en application de l’article L. 2121-12 ; »
5° Après le mot : « réserve », la fin du 1° de l’article L. 2141-1 est ainsi rédigée : « du second alinéa du II de l’article 1er ter de la loi n° … du … pour un nouveau pacte ferroviaire ; ».
II. – Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2019 en tant qu’il concerne les demandes d’accès au réseau ferroviaire pour les services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs en vue de leur exploitation à compter du 12 décembre 2020.
Les articles L. 1263-2, L. 2121-12 et L. 2133-1 du code des transports, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, continuent à s’appliquer aux services de transport ferroviaire de personnes mentionnés à l’article L. 2121-12 dans sa rédaction antérieure à la présente loi et effectués jusqu’au 11 décembre 2020.
Article 1er quater
Le livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° L’article L. 2100-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il effectue un suivi des aspects économiques du système de transport ferroviaire, notamment de l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire. » ;
b) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut rendre des avis ou adresser des recommandations au ministre chargé des transports à son initiative ou sur saisine de celui-ci. » ;
c) Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut demander des travaux de recherche et des études socio-économiques relevant de son domaine de compétence aux organismes placés sous la tutelle des ministres chargés des transports, de l’environnement et de l’aménagement du territoire. » ;
2° L’article L. 2133-1-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières établit chaque année un état des lieux de l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire. »
Article 1er quinquies
(Supprimé)
Article 1er sexies
L’article L. 2100-4 du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des représentants de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières et du ministre chargé des transports peuvent participer, en qualité d’observateurs, aux réunions du comité des opérateurs du réseau. » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « du réseau », sont insérés les mots : « contribue à la réalisation des objectifs énoncés à l’article L. 2100-2. Il » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il peut être saisi par le ministre chargé des transports de toute demande d’avis ou d’étude technique en rapport avec la réalisation des objectifs énoncés à l’article L. 2100-2. » ;
3° La première phrase du quatrième alinéa est ainsi modifiée :
a) Après les mots : « et les », il est inséré le mot : « autres » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , ainsi que la réalisation des objectifs mentionnés à l’article L. 2100-2 ».
Article 2
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour assurer la transposition de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, dans sa rédaction résultant de la directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 modifiant la directive 2012/34/UE en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire.
Article 2 bis
La section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre II de la première partie du code des transports est complétée par un article L. 1241-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1241-7-1. – I. – Pour les services de transport ferroviaire de voyageurs mentionnés à l’article L. 1241-1 créés entre le 3 décembre 2019 et le 24 décembre 2023, le Syndicat des transports d’Île-de-France peut, par dérogation à l’article L. 2141-1 :
« 1° Fournir lui-même ces services ou attribuer des contrats de service public relatifs à ces services dans les conditions prévues au 2 de l’article 5 du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n° 1191/69 et (CEE) n° 1107/70 du Conseil ;
« 2° Attribuer des contrats de service public relatifs à ces services après publicité et mise en concurrence.
« Toute convention conclue entre le Syndicat des transports d’Île-de-France et SNCF Mobilités avant le 25 décembre 2023 en application de l’article L. 2141-1 se poursuit jusqu’au terme qu’elle a fixé, sa durée ne pouvant excéder dix ans.
« II. – (Supprimé)
« III. – L’exécution des services de transport ferroviaire de voyageurs mentionnés à l’article L. 1241-1 créés avant le 3 décembre 2019 se poursuit dans le cadre des conventions en cours et conformément aux règles applicables à cette date.
« Elle se termine :
« 1° Pour les services de transport ferroviaire qui ne font pas partie du réseau express régional, à une date fixée par décision du Syndicat des transports d’Île-de-France, comprise entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2032 ;
« 2° Pour les services de transport ferroviaire qui font partie du réseau express régional, à l’exception des services de transport ferroviaire empruntant pour une partie de leur parcours les mêmes lignes que les services de transport guidé mentionnés au 3° du II de l’article L. 1241-6, à une date fixée par décision du Syndicat des transports d’Île-de-France, comprise entre le 1er janvier 2033 et la date mentionnée au même 3° ;
« 2° bis Par dérogation au 2° du présent article, pour les services mentionnés au même 2° opérés sur des lignes dont l’infrastructure a fait l’objet d’une extension mise en service à compter du 1er janvier 2018, à une date fixée par décision du Syndicat des transports d’Île-de-France, comprise entre le 1er janvier 2025 et la date mentionnée au 3° du II de l’article L. 1241-6 ;
« 3° Pour les services de transport ferroviaire qui font partie du réseau express régional empruntant pour une partie de leur parcours les mêmes lignes que les services de transport guidé mentionnés au 3° du II de l’article L. 1241-6, à la date mentionnée au même 3°.
« IV. – (Supprimé)
« V. – L’application des dispositions prévues aux I à III du présent article relatives aux conditions de poursuite et d’extinction des droits exclusifs attribués à SNCF Mobilités ne donne lieu au versement d’aucune indemnité.
« Sauf stipulation contraire prévue par la convention, dans l’hypothèse où le Syndicat des transports d’Île-de-France souhaite en remettre en cause soit la durée, soit le périmètre, SNCF Mobilités est indemnisé de plein droit pour la résiliation de tout ou partie de cette convention. »
Article 2 ter
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° L’article L. 2121-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-1. – L’État est l’autorité organisatrice compétente pour l’organisation des services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt national et les services de transport routier effectués, le cas échéant, en substitution de ces services ferroviaires. » ;
1° bis Après l’article L. 2121-1, il est inséré un article L. 2121-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-1-1. – Pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire et préserver des dessertes directes sans correspondance, l’État conclut des contrats de service public pour l’exploitation de services de transport ferroviaire de personnes pouvant inclure des services à grande vitesse. Les services faisant l’objet du contrat peuvent comprendre des services couvrant leurs coûts et des services ne couvrant pas leurs coûts. » ;
2° L’article L. 2121-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La région est l’autorité organisatrice compétente pour l’organisation des services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional. À ce titre, elle est chargée de l’organisation : » ;
b) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Des services publics de transport ferroviaire de voyageurs exécutés dans son ressort territorial ou desservant son territoire ; »
c) (Supprimé)
3° Après l’article L. 2121-4-1, il est inséré un article L. 2121-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-4-2. – Lorsqu’une région conclut un contrat de service public avec une entreprise offrant un service de voyageurs librement organisé pour qu’elle adapte les conditions d’exploitation du service dans son territoire ou qu’elle autorise la montée à bord de voyageurs régionaux, elle peut saisir l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières pour avis sur le contrat de service public. Cet avis a pour objet de vérifier que les conditions financières du contrat correspondent bien au coût imputable aux modifications de services demandées par la région ou aux voyageurs additionnels montant à bord. »
II. – À partir du 25 décembre 2023, à la première phrase de l’article L. 2121-4-2 du code des transports, après la première occurrence du mot : « public », sont insérés les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 2121-14 ».
Article 2 quater
I. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° Après le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER BIS
« Règles applicables aux contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs
« Art. L. 2121-13. – Le présent chapitre est applicable aux contrats de service public relatifs à des services de transport ferroviaire de voyageurs attribués par les autorités organisatrices mentionnées au chapitre Ier du présent titre.
« Section 1
« Passation et exécution des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs
« Art. L. 2121-14. – Les contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs sont attribués après publicité et mise en concurrence, sous réserve des possibilités d’attribution directe prévues à l’article L. 2121-15.
« Art. L. 2121-14-1. – L’autorité organisatrice de transport communique aux opérateurs économiques participant à la procédure de passation d’un contrat de service public les informations utiles pour préparer une offre dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, détermine les catégories d’informations concernées et les conditions dans lesquelles des informations couvertes par le secret des affaires peuvent, si cela est strictement nécessaire pour éviter des distorsions de concurrence, être communiquées, de façon à en protéger la confidentialité.
« Art. L. 2121-15. – I. – Par dérogation à l’article L. 2121-14, l’autorité organisatrice peut attribuer directement un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs dans les conditions prévues aux 2, 4, 4 ter et 5 de l’article 5 du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n° 1191/69 et (CEE) n° 1107/70 du Conseil.
« Toute personne à qui la décision est susceptible de faire grief peut demander à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières d’évaluer, préalablement à l’attribution du contrat, la décision motivée prise par l’autorité organisatrice d’attribuer un contrat de service public en application du 4 ter de l’article 5 du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 précité. Cette évaluation donne lieu à un avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
« II. – Par dérogation à l’article L. 2121-14, l’autorité organisatrice peut, après avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières rendu dans les conditions fixées au III du présent article, attribuer directement un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs dans les conditions prévues aux 3 bis et 4 bis de l’article 5 du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 précité.
« III. – L’autorité organisatrice de transport saisit l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières de son projet de décision motivée d’attribuer directement un contrat de service public dans les conditions prévues au 3 bis ou au 4 bis précités. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières émet un avis sur ce projet dans un délai de deux mois à compter de la réception de la saisine.
« IV. – Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
« Section 1 bis
« Transmission aux autorités organisatrices des informations relatives aux services faisant l’objet d’un contrat de service public
« Art. L. 2121-16. – Les entreprises fournissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs, les gestionnaires d’infrastructure et les exploitants d’installations de service transmettent à l’autorité organisatrice de transport compétente, à sa demande, toute information relative à l’organisation ou à l’exécution de ces services et aux missions faisant l’objet du contrat de service public, sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires. Les entreprises, les gestionnaires d’infrastructure et les exploitants d’installations de service indiquent quelles informations ils estiment relever du secret des affaires.
« L’article 226-13 du code pénal s’applique à la divulgation, à toute personne étrangère aux services de l’autorité organisatrice responsables de la passation et du suivi de l’exécution du contrat de service public ou n’ayant pas été chargée par l’autorité organisatrice d’exercer ces missions en tant que prestataire, des informations transmises en application du premier alinéa du présent article relevant du secret des affaires, à l’exception de la communication des informations effectuée en application de l’article L. 2121-14-1 du présent code.
« L’autorité organisatrice établit un plan de gestion des informations couvertes par le secret des affaires, qui définit des mesures d’organisation interne pour assurer le respect par son personnel et par toute personne travaillant pour son compte de l’interdiction de divulgation de ces informations.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, détermine les conditions d’application du présent article. Il établit notamment une liste de catégories d’informations devant être regardées, de manière irréfragable, comme remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article, ainsi que les délais dans lesquels ces informations sont transmises. » ;
2° Le titre VI du livre II de la première partie est ainsi modifié :
a) Après le 8° de l’article L. 1263-2, il est inséré un 9° ainsi rédigé :
« 9° Aux règles relatives à la communication d’informations aux autorités organisatrices de transport ou aux entreprises ferroviaires prévues aux articles L. 2121-14-1 et L. 2121-16. » ;
b) L’article L. 1264-7 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Le manquement aux obligations de transmission d’informations aux autorités organisatrices prévues à l’article L. 2121-16. »
II. – Le présent article s’applique aux contrats de service public en cours d’exécution au lendemain de la publication de la présente loi. Toutefois, sous réserve des dispositions relatives aux modalités d’exécution des services ferroviaires mentionnés à l’article L. 1241-1 du code des transports attribués à SNCF Mobilités, les articles L. 2121-14 et L. 2121-15 du même code, dans leur rédaction résultant du présent article, entrent en vigueur le 25 décembre 2023.
Article 2 quinquies A
La section 1 du chapitre Ier bis du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code des transports, telle qu’elle résulte de l’article 2 quater de la présente loi, est complétée par un article L. 2121-15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-15-1. – L’exécution du service de transport ferroviaire de voyageurs prévu dans un contrat de service public est assurée par une entreprise titulaire des autorisations délivrées en application de l’article L. 2221-1 et dont l’activité principale est le transport ferroviaire. »
Article 2 quinquies
I. – Le chapitre Ier bis du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code des transports, tel qu’il résulte des articles 2 quater et 2 quinquies A de la présente loi, est complété par une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Changement d’attributaire d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs
« Art. L. 2121-17. – Lorsque survient un changement d’attributaire d’un contrat de service public portant sur un service ou une partie de service de transport ferroviaire de voyageurs ou sur des activités participant à sa réalisation, les contrats de travail en cours depuis au moins six mois des salariés concourant à l’exploitation et à la continuité du service public concerné sont transférés au nouvel employeur, dans les conditions définies aux articles L. 2121-18 à L. 2121-21. Le cas échéant, il en est de même des contrats de travail des salariés du cédant défini à l’article L. 2121-18 assurant des activités de gestion ou d’exploitation des gares de voyageurs à l’occasion de leur intégration dans le périmètre des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs.
« La condition de durée minimale des contrats de travail mentionnée au premier alinéa du présent article ne s’applique que pour le premier changement d’attributaire.
« La poursuite des contrats de travail s’accompagne du transfert des garanties prévues aux articles L. 2121-22 à L. 2121-24 ainsi que du maintien de l’application à ces salariés des dispositions de la convention collective mentionnée à l’article L. 2162-1.
« Les dispositions du présent article s’appliquent également lorsque l’autorité organisatrice décide :
« 1° De fournir elle-même un service public de transport ferroviaire portant sur un service ou une partie de service de transport ferroviaire de voyageurs ou d’en attribuer l’exécution à une entité juridiquement distincte sur laquelle elle exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ;
« 2° D’attribuer directement à un opérateur un contrat de service public portant sur un service ou une partie de service de transport ferroviaire de voyageurs.
« Art. L. 2121-18. – Un décret en Conseil d’État, pris après consultation des autorités organisatrices, des représentants des organisations professionnelles et des organisations syndicales représentatives au niveau de la convention collective de la branche ferroviaire, détermine :
« 1° Les informations transmises aux salariés et à leurs représentants par leur employeur, désigné “cédant”, et, le cas échéant, par le nouvel attributaire, désigné “cessionnaire”, durant les différentes phases d’attribution du contrat de service public portant sur un service ou une partie de service de transport ferroviaire ;
« 2° Les modalités selon lesquelles les informations mentionnées au 1° sont transmises ;
« 3° Les modalités d’accompagnement individuel et collectif mises en place pour les salariés mentionnés à l’article L. 2121-17 ;
« 4° Les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices intègrent des clauses sociales dans les contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs.
« Art. L. 2121-19. – Le nombre de salariés dont le contrat de travail se poursuit auprès du nouvel employeur est fixé d’un commun accord par le cédant et l’autorité organisatrice au jour de la publication de l’avis d’appel à la concurrence pour l’attribution du contrat ou de la décision manifestant l’intention de l’autorité d’attribuer directement le contrat ou de fournir elle-même le service. Ce nombre est arrêté sur la base des éléments transmis par le cédant dans les conditions prévues à l’article L. 2121-16 dans un délai de six mois à compter de la notification au Journal officiel de l’Union européenne du lancement de la procédure de mise en concurrence ou de l’attribution directe du contrat. Il est calculé à partir de l’équivalent en emplois à temps plein travaillé, par catégorie d’emplois, des salariés concourant directement ou indirectement à l’exploitation du service concerné, à l’exception des missions réalisées par le service interne de sécurité mentionné à l’article L. 2251-1-1 et des services d’exploitation des installations d’entretien affectées à des opérations de maintenance lourde, selon des modalités d’application précisées par décret en Conseil d’État.
« En cas de différend entre l’autorité organisatrice de transport et le cédant, l’une ou l’autre partie peut saisir l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières dans les conditions fixées aux articles L. 1263-1 et L. 1263-2. La décision de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières s’impose aux parties.
« Art. L. 2121-20. – Un accord de branche étendu ou, à défaut, un décret en Conseil d’État fixe :
« 1° Les modalités et critères de désignation des salariés mentionnés à l’article L. 2121-17, par catégorie d’emplois. Ces critères comprennent notamment le taux d’affectation du salarié au service concerné, le lieu d’affectation, le domicile et l’ancienneté dans le poste ;
« 2° Les conditions dans lesquelles il est fait appel prioritairement au volontariat, parmi les salariés affectés au service concerné ou ceux concourant à l’exploitation d’un autre service attribué par la même autorité organisatrice possédant les qualifications professionnelles requises ;
« 3° Les modalités et les délais selon lesquels le cédant établit et communique la liste des salariés dont le contrat est susceptible d’être transféré ;
« 4° Les modalités et les délais suivant lesquels le cédant informe individuellement lesdits salariés de l’existence et des conditions du transfert de leur contrat de travail.
« Art. L. 2121-21. – I. – Le cédant informe, individuellement et par tout moyen conférant date certaine, le salarié dont le contrat de travail doit être transféré au plus tard douze mois avant la date prévue pour le changement effectif d’attributaire. Le cédant indique les conditions du transfert du contrat de travail ainsi que les conséquences de son refus pour le salarié.
« II. – Le salarié dont le contrat de travail doit être transféré peut faire connaître son refus par écrit à son employeur dans un délai de deux mois. À défaut de réponse dans ce délai, le salarié est réputé avoir accepté le transfert de son contrat de travail.
« III. – Le refus du salarié mentionné au I, dont le taux moyen d’affectation au service concerné sur les douze derniers mois est supérieur à 50 %, constitue le motif de la rupture de son contrat de travail, qui est prononcée par le cessionnaire et prend effet à la date effective du changement d’attributaire. Le cessionnaire notifie au salarié la rupture de son contrat de travail et son motif par tout moyen conférant date certaine dans un délai d’un mois à compter de la date effective du changement d’attributaire. Le salarié a droit à une indemnité versée par le cessionnaire dont le taux et les modalités de calcul sont déterminés par décret en Conseil d’État. Les articles L. 1234-19 et L. 1234-20 du code du travail s’appliquent.
« IV. – Lorsque le salarié mentionné au I, dont le taux moyen d’affectation au service concerné sur les douze derniers mois est inférieur à 50 %, refuse le transfert de son contrat de travail, le cédant lui présente dans un délai d’un mois à compter de son refus une offre d’emploi disponible situé dans la même région ou, à défaut, situé sur le territoire national dans l’entreprise, relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent, par tout moyen conférant date certaine. Le salarié peut faire connaître son refus par écrit au cédant dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’offre lui a été présentée. L’absence de réponse au cédant dans ce délai vaut acceptation de l’offre proposée. Le refus du salarié constitue le motif de la rupture de son contrat de travail, qui est prononcée par le cédant et prend effet à la date effective du changement d’attributaire. Le cédant notifie au salarié la rupture de son contrat de travail et son motif par tout moyen conférant date certaine dans un délai d’un mois à compter de la date effective du changement d’attributaire. Le salarié a droit à une indemnité versée par le cédant dont le taux et les modalités de calcul sont déterminés par décret en Conseil d’État. Les articles L. 1234-19 et L. 1234-20 du code du travail s’appliquent.
« V. – La rupture du contrat de travail des salariés est en outre soumise aux règles procédurales spécifiques prévues à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV de la deuxième partie du code du travail.
« VI. – Lorsque le transfert du contrat de travail entraîne pour le salarié mentionné au I le déplacement de son lieu principal d’affectation dans une autre région, celui-ci peut refuser le transfert. Par dérogation au II, il est tenu d’informer son employeur de son refus dans un délai d’un mois. À défaut, il est réputé avoir accepté le transfert. Le refus du salarié n’emporte aucune conséquence sur la poursuite de son contrat de travail par dérogation aux III et IV.
« VII. – Le cédant est tenu d’informer sans délai le cessionnaire, par tout moyen conférant date certaine, de la décision des salariés mentionnés au I.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 2121-22. – Le changement d’attributaire du contrat de service public portant sur un service ou une partie de service public de transport ferroviaire de voyageurs entraîne, à l’égard des salariés mentionnés à l’article L. 2121-17, le maintien des conventions et accords collectifs qui leur sont applicables, ainsi que des dispositions réglementaires propres au groupe mentionné à l’article L. 2101-1 du présent code, à l’exception du statut et des dispositions prises pour son application, ayant pour effet d’accorder un avantage à tout ou partie des salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 2261-14, L. 2261-14-2 et L. 2261-14-3 du code du travail.
« Art. L. 2121-23. – I. – Les salariés employés par le groupe public mentionné à l’article L. 2101-1 dont le contrat de travail se poursuit auprès d’un nouvel attributaire bénéficient des garanties suivantes :
« 1° Le niveau de leur rémunération ne peut être inférieur au montant annuel, pour une durée de travail équivalente, correspondant à l’ensemble des éléments de rémunération, comprenant la rémunération fixe, les primes, indemnités, allocations et gratifications, versés lors des douze mois précédant la date de changement effectif d’employeur, hors éléments exceptionnels. Ce montant correspond au montant net de cotisations salariales. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent 1° ;
« 2° Le régime prévu à l’article L. 2121-22 est applicable aux dispositions du statut mentionné à l’article L. 2101-2 relatives à la rémunération et aux conditions de classement en position ainsi qu’aux dispositions à caractère réglementaire et aux usages propres au groupe mentionné à l’article L. 2101-1 ayant le même objet ;
« 3° Les salariés dont le contrat de travail était régi par le statut mentionné à l’article L. 2101-2 avant d’être transférés dans les conditions mentionnées aux articles L. 2121-17 à L. 2121-21 peuvent opter pour l’application dudit statut en cas de réembauche sur un poste vacant au sein de la société nationale SNCF ou ses filiales dans le champ du I de l’article L. 2101-2 entre la troisième et la huitième année qui suit la première attribution du contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs après mise en concurrence. Les conditions d’application du présent 3° sont fixées par décret en Conseil d’État ;
« 4° Si l’attributaire du contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs rencontre des difficultés d’exploitation susceptibles de rendre impossible la continuité de l’exécution du contrat de service public, l’autorité organisatrice est tenue, en cas de réattribution du contrat de service public, de veiller à ce que les contrats de travail des salariés ayant fait l’objet d’un transfert en application de l’article L. 2121-17 se poursuivent avec le nouveau titulaire du contrat dans les conditions prévues aux articles L. 2121-22 à L. 2121-24. À défaut de réattribution du contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs, les contrats de travail se poursuivent auprès de l’autorité organisatrice dans les mêmes conditions.
« II. – Les salariés qui ne sont pas mentionnés au I du présent article bénéficient des garanties prévues à l’article L. 2261-13 du code du travail.
« Art. L. 2121-24. – Un accord de branche précise les garanties autres que celles prévues aux articles L. 2121-22 et L. 2121-23 dont bénéficient les salariés dont le contrat de travail se poursuit auprès du nouvel attributaire ou d’un autre employeur.
« Art. L. 2121-25 et L. 2121-26. – (Supprimés) » ;
II. – L’accord de branche mentionné à l’article L. 2121-20 du code des transports dans sa rédaction résultant du présent article est conclu dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. À défaut d’accord conclu dans ce délai, les dispositions prévues par le même article L. 2121-20 sont fixées par décret en Conseil d’État dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi.
III. – L’accord de branche mentionné à l’article L. 2121-24 du code des transports dans sa rédaction résultant du présent article est conclu au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.
Article 2 sexies A
La section 7 du chapitre II du titre préliminaire du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est complétée par des articles L. 2102-22 et L. 2102-23 ainsi rédigés :
« Art. L. 2102-22. – En cas de changement d’employeur, les salariés précédemment employés par le groupe mentionné à l’article L. 2101-1 et régis par le statut mentionné à l’article L. 2101-2 conservent le bénéfice de la garantie d’emploi selon les motifs prévus par ce même statut et continuent, ainsi que leurs ayants droit, de relever du régime spécial de sécurité sociale dont ils bénéficiaient au titre des pensions et prestations de retraite, dès lors que leur contrat de travail continue d’être régi par la convention collective mentionnée à l’article L. 2162-1. Leur employeur s’acquitte des cotisations correspondantes.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 2102-23. – (Supprimé) ». ».
Article 2 sexies
I. – La ou les conventions conclues entre l’État et SNCF Mobilités avant le 25 décembre 2023 en application de l’article L. 2141-1 du code des transports se poursuivent jusqu’au terme qu’elles ont fixé, leur durée ne pouvant excéder dix ans.
II. – Entre le 3 décembre 2019 et le 24 décembre 2023, l’État peut, par dérogation à l’article L. 2141-1 du code des transports, attribuer des contrats de service public relatifs à des services de transport ferroviaire de personnes d’intérêt national après publicité et mise en concurrence.
III. – L’application des dispositions du présent article relatives aux conditions de poursuite et d’extinction des droits exclusifs attribués à SNCF Mobilités ne donne lieu au versement d’aucune indemnité.
Sauf stipulation contraire prévue par la convention, dans l’hypothèse où l’État souhaite en remettre en cause soit la durée, soit le périmètre, SNCF Mobilités est indemnisé de plein droit pour la résiliation de tout ou partie de cette convention.
Article 2 septies
I. – À compter du 25 décembre 2023, l’article L. 2121-4 du code des transports est abrogé et le second alinéa de l’article L. 2121-6 du même code est supprimé.
I bis. – À compter du 25 décembre 2023, le début du dernier alinéa de l’article L. 2121-7 du code des transports est ainsi rédigé : « Une convention… (le reste sans changement). »
II. – Les conventions conclues avant le 25 décembre 2023 en application des articles L. 2121-4 ou L. 2121-6 du code des transports se poursuivent jusqu’au terme qu’elles ont fixé, leur durée ne pouvant excéder dix ans.
III. – Entre le 3 décembre 2019 et le 24 décembre 2023, les régions peuvent, par dérogation aux articles L. 2121-4, L. 2121-6 et L. 2141-1 du code des transports :
1° Fournir elles-mêmes des services publics de transport ferroviaire de personnes d’intérêt régional ou attribuer des contrats de service public relatifs à ces services dans les conditions prévues au 2 de l’article 5 du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n° 1191/69 et (CEE) n° 1107/70 du Conseil ;
2° Attribuer des contrats de service public relatifs à des services de transport ferroviaire de personnes d’intérêt régional après publicité et mise en concurrence.
IV. – L’application des dispositions du présent article relatives aux conditions de poursuite et d’extinction des droits exclusifs attribués à SNCF Mobilités ne donne lieu au versement d’aucune indemnité.
Sauf stipulation contraire prévue par la convention, dans l’hypothèse où la région souhaite en remettre en cause soit la durée, soit le périmètre, SNCF Mobilités est indemnisé de plein droit pour la résiliation de tout ou partie de cette convention.
Article 2 octies
I. – Après l’article L. 2101-1 du code des transports, il est inséré un article L. 2101-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2101-1-1. – Un membre du conseil de surveillance, du conseil d’administration ou un dirigeant de SNCF Réseau ou de sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 ne peut être simultanément membre du conseil de surveillance, du conseil d’administration ou dirigeant mandataire social d’une entreprise exerçant, directement ou par l’intermédiaire d’une de ses filiales, une activité d’entreprise ferroviaire ou d’une entreprise filiale d’une entreprise exerçant une activité d’entreprise ferroviaire. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2020.
Article 2 nonies
I. – Les matériels roulants utilisés pour la poursuite des missions prévues par un contrat de service public attribué en application de l’article L. 2141-1 du code des transports, dans sa rédaction antérieure au 25 décembre 2023, sont transférés à l’autorité organisatrice concernée, à sa demande.
Ce transfert se fait moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable, nette de toutes subventions. Il ne donne lieu à aucun versement de salaire ou honoraires, ni à aucune perception ou régularisation d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit.
L’autorité organisatrice prend en charge les coûts de démantèlement des matériels roulants qu’elle ne reprend pas à proportion de la durée d’utilisation de ces matériels dans le cadre des contrats de service public de son ressort, déduction faite des provisions qui lui auraient été déjà facturées.
II. – Les ateliers de maintenance majoritairement utilisés pour l’exécution de services faisant l’objet d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs attribué en application de l’article L. 2141-1 du code des transports, dans sa rédaction antérieure au 25 décembre 2023, ainsi que les terrains y afférents sont transférés à l’autorité organisatrice concernée, à sa demande.
Ce transfert se fait moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable, nette de toutes subventions, pour les ateliers de maintenance et à la valeur vénale, nette de toutes subventions, pour les terrains y afférents. Elle ne donne lieu à aucun versement de salaire ou honoraires, ni à aucune perception ou régularisation d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit.
III. – L’article L. 2121-4-1 du code des transports est abrogé.
IV. – Au premier alinéa de l’article L. 2121-9 du code des transports, les mots : « des articles L. 2121-4-1 et » sont remplacés par les mots : « de l’article ».
Article 3
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé, pour assurer la continuité et améliorer la qualité, l’efficacité et la performance des services publics de transport ferroviaire de voyageurs et en assurer l’ouverture à la concurrence, à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour :
1° (Supprimé)
2° Compléter et préciser l’application des dispositions du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n° 1191/69 et (CEE) n° 1107/70 du Conseil en ce qui concerne les conditions dans lesquelles les autorités compétentes en matière de service public de transport ferroviaire de voyageurs définissent les spécifications des obligations de service public ainsi qu’en ce qui concerne les conditions et procédures de passation et d’exécution des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs ;
2° bis, 3° et 4° (Supprimés)
5° Préciser les modalités de transfert aux autorités organisatrices de transport des matériels roulants et des installations de service, en prévoyant notamment le transfert des éléments nécessaires à l’exploitation de ces biens, à l’appréciation de leur état et de leur valeur, dont les carnets d’entretien à jour, et déterminer le devenir des autres biens matériels ou immatériels reçus, créés, acquis ou utilisés par SNCF Mobilités pour l’exécution d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs attribué avant le 25 décembre 2023 ;
5° bis Déterminer les exceptions aux règles applicables aux services publics de transport ferroviaire de voyageurs concernant le devenir des biens employés par une entreprise pour l’exécution d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs concourant également à l’exploitation de services de transport ferroviaire de voyageurs librement organisés ;
6° et 7° (Supprimés)
8° Prendre toute autre mesure nécessaire pour assurer la conformité de la législation au règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 précité dans sa rédaction résultant du règlement (UE) 2016/2338 du Parlement Européen et du Conseil du 14 décembre 2016 modifiant le règlement (CE) n° 1370/2007 en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer.
Article 3 bis A
La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4
« Comités de suivi des dessertes
« Art. L. 2121-9-1. – Sont institués auprès des autorités organisatrices de transport ferroviaire des comités de suivi des dessertes permettant l’association des représentants des usagers, des associations représentant les personnes handicapées ainsi que des élus des collectivités territoriales concernées dont la composition, le fonctionnement et les missions sont fixés par décret. Ces comités sont notamment consultés sur la politique de desserte et l’articulation avec les dessertes du même mode en correspondance, les tarifs, l’information des voyageurs, l’intermodalité, la qualité de service, la performance énergétique et écologique et la définition des caractéristiques des matériels affectés à la réalisation des services. »
Article 3 bis B
I. – L’article L. 2121-2 du code des transports est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les régions, départements et communes concernés par la création, la suppression ou la modification d’un service d’intérêt national au sens de l’article L. 2121-1 sont préalablement consultés par l’État, dans des conditions fixées par décret. » ;
2° (Supprimé)
II. – L’article L. 2121-12 du code des transports, tel qu’il résulte de l’article 1er ter de la présente loi, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’État, ainsi que les régions, départements et communes concernés par la modification de la consistance d’un service librement organisé par une entreprise ferroviaire assuré dans leur ressort territorial, sont préalablement informés par l’entreprise de cette modification, dans des conditions fixées par décret. »
Article 3 bis
I. – Le chapitre unique du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2151-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 2151-4. – Des tarifs sociaux peuvent être fixés par voie réglementaire. Ils s’appliquent à certaines catégories de voyageurs ferroviaires, pour tous les services ou certaines catégories de services assurés sur le territoire national. Les régions sont consultées dans le cadre de la fixation de ces tarifs. La mise en œuvre de ces tarifs fait l’objet d’une compensation visant à couvrir l’incidence financière pour les opérateurs. Pour les services d’intérêt national et les services librement organisés, la compensation est établie par l’État et versée aux opérateurs de manière effective, transparente et non discriminatoire. Pour les services d’intérêt régional, la compensation est versée par les autorités organisatrices de transport dans le cadre du contrat de service public conclu avec l’attributaire.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
II. – Le I entre en vigueur le 3 décembre 2019.
Article 3 ter
Le premier alinéa de l’article L. 2251-1-1 du code des transports est ainsi rédigé :
« Le service interne de sécurité de la SNCF réalise cette mission au profit des gestionnaires d’infrastructure, des exploitants d’installations de service, des autorités organisatrices de transport ferroviaire, des entreprises ferroviaires utilisatrices du réseau ferré national ainsi que de leurs personnels, à leur demande et dans un cadre formalisé, dans le respect des principes d’équité et de non-discrimination. »
Article 3 quater
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation des lignes les moins circulées du réseau ferré national, en vue d’établir une classification actualisée au regard de l’état des infrastructures, du nombre de circulations et de voyageurs empruntant chaque ligne, de leur utilité collective et de leur contribution à l’aménagement du territoire, en concertation avec les autorités organisatrices et en tenant compte des variations saisonnières de fréquentation.
Article 4
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, pour adapter le système ferroviaire dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de :
1° Définir et harmoniser les contraintes d’exploitation des services de transport ferroviaire de voyageurs ainsi que, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 précité, les règles générales, applicables à toutes les entreprises de transport ferroviaire, fixant des obligations de service public visant à établir des tarifs maximaux pour l’ensemble des voyageurs ou pour certaines catégories d’entre eux, les modalités de consultation des régions lors de la définition de ces tarifs, ainsi que les modalités de compensation de ces obligations de service public ;
2° Préciser les règles en matière de vente de titres de transport, d’information, d’assistance, de réacheminement et d’indemnisation des voyageurs ferroviaires, en vue notamment de permettre la commercialisation et la distribution des titres de transport dans des conditions garantissant une concurrence libre et loyale entre les entreprises de transport ferroviaire de voyageurs ;
3° Déterminer le cadre d’exécution des prestations de services ferroviaires successifs par une ou plusieurs entreprises de transport ferroviaire ;
4° Compléter et renforcer les modalités de régulation, de gestion et d’exploitation des installations de service reliées au réseau ferroviaire et des prestations fournies par leurs exploitants, ainsi que les modalités d’accès à ces installations et à ces prestations ;
5° Modifier les modalités de gestion et d’exploitation des gares de voyageurs utilisées principalement par des services publics de transport ferroviaire, en permettant notamment aux autorités compétentes d’inclure, à leur demande, dans le périmètre des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs tout ou partie des prestations de gestion ou d’exploitation de gares ;
6° Définir les conditions de fourniture ainsi que les principes et le cadre de régulation de prestations rendues par les entités du groupe public ferroviaire au bénéfice des acteurs du système de transport ferroviaire national.
Article 4 bis
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Vente des billets
« Art. L. 2121-12-1. – L’État peut imposer aux entreprises ferroviaires exploitant des services de transport de personnes de participer à un système commun d’information des voyageurs et de vente de billets, dans des conditions garantissant une concurrence libre et loyale, définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Cette obligation s’impose alors à toutes les entreprises ferroviaires exploitant des services de transport de personnes. »
Article 5
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour assurer la transposition de la directive (UE) 2016/797 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à l’interopérabilité du système ferroviaire au sein de l’Union européenne et de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire ainsi qu’à prendre les mesures d’adaptation et de simplification de la législation liées à cette transposition afin de favoriser le développement du transport ferroviaire de voyageurs comme de marchandises et à intégrer dans la législation les modifications et mesures d’adaptation rendues nécessaires par le règlement (UE) 2016/796 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et abrogeant le règlement (CE) n° 881/2004.
Article 5 bis A
Le chapitre Ier du titre II du livre II de la deuxième partie du code des transports est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Coopération en matière de sécurité ferroviaire
« Art. L. 2221-13. – Les entreprises ferroviaires, les gestionnaires d’infrastructure, les exploitants d’installations de service, les organismes de recherche, les autorités organisatrices de transport, l’établissement public de sécurité ferroviaire et les autres acteurs de la sécurité ferroviaire veillent à la coordination de leurs actions pour assurer un haut niveau de sécurité du système de transport ferroviaire.
« À cette fin, ils peuvent créer, dans les conditions prévues par le chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, un groupement d’intérêt public pour conduire, en matière de sécurité ferroviaire, des missions transversales utiles au bon fonctionnement du système ferroviaire, dans le respect des prérogatives et des missions de l’établissement public de sécurité ferroviaire et de SNCF Réseau. »
Article 5 bis
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de favoriser le développement de la négociation collective au sein de la branche ferroviaire et de tirer les conséquences de l’absence de conclusion d’accords collectifs dans un délai déterminé.
Article 6
I. – L’article L. 2133-8 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai dont dispose l’autorité pour rendre son avis à compter de la transmission d’un projet de texte, pouvant être réduit à titre exceptionnel et sur demande du Premier ministre, est fixé par décret en Conseil d’État. »
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour :
1° Modifier les modalités, les critères et la procédure de fixation des redevances d’infrastructure liées à l’utilisation du réseau ferré national, en prévoyant le cas échéant leur pluriannualité ;
2° Mieux coordonner l’élaboration et la révision du contrat mentionné à l’article L. 2111-10 du code des transports avec la procédure de fixation de ces redevances ;
3° Renforcer les modalités d’association et de consultation de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières lors de l’élaboration et de la révision du contrat de performance mentionné au même article L. 2111-10 ;
3° bis Préciser les modalités de consultation de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières lors de la fixation des redevances d’infrastructure ainsi que les règles et critères que l’autorité prend en compte pour émettre un avis conforme sur ces redevances ;
4° Définir la procédure permettant au gestionnaire d’infrastructure de lever les réserves partielles ou totales de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières sur ses propositions de redevances d’infrastructure, notamment le délai qui lui est imparti pour saisir l’autorité d’un nouveau projet, qui ne peut excéder trois mois à compter de l’avis de l’autorité, ainsi que les règles applicables en matière de tarification dans le cas où il n’aurait pu obtenir un avis conforme de l’autorité en temps utile avant le début de l’horaire de service concerné, l’évolution du montant des redevances par rapport à la dernière tarification ayant fait l’objet d’un avis conforme ne pouvant, dans ce cas, être supérieure à la hausse de l’indice des prix à la consommation prévue pour l’année suivant l’horaire de service de cette dernière tarification approuvée.
Article 7
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure de coordination et de mise en cohérence relevant du domaine de la loi rendue nécessaire par les dispositions de la présente loi et par les ordonnances prises sur le fondement des articles 1er, 2, 3, 4, 5, 5 bis et 6 de la présente loi afin d’harmoniser l’état du droit, d’assurer la cohérence des textes, d’abroger les dispositions devenues sans objet et de remédier aux éventuelles erreurs.
Article 8
Pour chacune des ordonnances prévues aux articles 1er, 2, 3, 4, 5, 5 bis, 6 et 7 de la présente loi, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Articles 9 et 10
(Supprimés)
Article 11
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de cinq mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant et analysant, notamment en termes de coûts, l’intégration d’indicateurs dits « évènementiels » au sein de la réglementation relative aux nuisances sonores des infrastructures ferroviaires et permettant de retranscrire l’exposition de la population à des sources de bruit présentant un caractère évènementiel (pics de bruit).
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour saluer le travail et l’implication remarquables du rapporteur, que j’ai vu œuvrer au quotidien. Je salue également le travail accompli, à ses côtés, par les administrateurs de la commission. (Applaudissements.)
Je remercie Mme la ministre d’avoir fait preuve d’un grand esprit d’ouverture et de dialogue ; ce n’est pas si fréquent parmi les membres du Gouvernement. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je voudrais aussi souligner le très fort soutien que nous a apporté le président du Sénat, qui s’est beaucoup impliqué, notamment, sur le volet social. Cela nous a été extrêmement précieux.
Je félicite le Gouvernement et le Président de la République d’avoir tenu bon face à la rue et aux syndicats, ce qui mérite d’être souligné. Ils ont démontré leur capacité à mener à bien cette réforme nécessaire pour le pays.
Les choses n’avaient pas bien démarré, mais nous sommes parvenus à conduire le processus à son terme dans de bonnes conditions. Retenons, pour l’avenir, que nous le devons à une volonté de coconstruire le texte entre Parlement et Gouvernement, à la concertation avec les syndicats menée par Gérard Cornu, qui a abouti à l’élaboration d’un volet social très satisfaisant, justifiant pleinement que les salariés reprennent le travail, aux travaux préparatoires réalisés par le Sénat au titre de l’élaboration d’une proposition de loi sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, qui nous a permis d’obtenir un avis du Conseil d’État d’autant plus utile que le texte du Gouvernement en était dépourvu, à l’esprit pluraliste qui anime le Sénat et qui ne prévaut pas forcément dans toutes les assemblées parlementaires. Sur ce dernier point, je rappelle que le rapporteur a donné des avis favorables à des amendements issus de tous les groupes politiques et que nous avons voté en séance publique à l’unanimité une amélioration du dispositif social. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Cela méritait d’être souligné.
En définitive, nous avons enrichi le texte. La rédaction issue des travaux du Sénat a représenté un point d’équilibre, comme l’a souligné Mme la ministre. La commission mixte paritaire l’a d’ailleurs très peu modifiée, y compris sur des points où elle n’allait pas dans le sens initialement souhaité par le Gouvernement.
Ce texte prend pleinement en compte, je le crois, trois objectifs que nous nous étions fixés.
Premièrement, en matière d’aménagement du territoire, je suis très heureux que nous ayons pu réintroduire les contrats de service public, dont Louis Nègre et moi-même avions souhaité la mise en œuvre. J’en profite pour rappeler à Mme la ministre son engagement de nous présenter le schéma national des services de transport, qui définira les dessertes à maintenir. Il s’agit d’une attente très forte de notre part. Nous espérons que ce schéma répondra à nos vœux.
Deuxièmement, les conditions de l’ouverture à la concurrence ont été l’objet d’une grande vigilance de notre part. Certains désaccords sont apparus sur ce sujet. Nous voulions un régulateur fort et indépendant : le président de SNCF Réseau ne pourra pas siéger au sein de la holding. Par ailleurs, l’opérateur historique devra transmettre à l’autorité organisatrice de transport toutes les informations nécessaires. L’expérience a montré qu’il fallait insister sur ce point.
Enfin, le troisième objectif était d’apporter des garanties aux personnels transférés.
Pour conclure, je tiens à souligner l’attitude tout à fait constructive du Sénat. Nous aurions pu verser dans la politisation, dans le tricotage, dans la surenchère : nous avons fait le choix de la responsabilité, afin que ce texte puisse être élaboré dans de bonnes conditions.
Je crois, madame la ministre, que vous avez pu mesurer l’importance d’un dialogue bicaméral équilibré. J’espère que cette pratique inspirera vos collègues et que cette manière de travailler entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat pourra faire jurisprudence, notamment – mais pas seulement – pour l’examen du projet de loi d’orientation sur les mobilités. J’ai bien noté votre engagement d’associer les rapporteurs à l’élaboration des ordonnances. Ce point nous paraît extrêmement important.
Comme l’a souligné le rapporteur, toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour que cette grève qui n’a que trop duré pour les Françaises et les Français, pour l’économie française et pour la société historique cesse. Le présent texte justifie pleinement, à mon sens, que les salariés de la SNCF reprennent le travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, fidèle à mes convictions, et même si je salue le travail du rapporteur et de la commission, je voterai contre ce texte.
Depuis de nombreuses années, nous assistons à des fermetures de lignes, qu’il s’agisse du transport de voyageurs ou du fret, et à la diminution constante des moyens humains, par exemple avec la suppression des contrôleurs sur certaines lignes de TER. Il y va pourtant de la sécurité des usagers. Ces évolutions m’amènent à être extrêmement prudent. Je suis un défenseur du service public et du monde cheminot, et par là même de nos territoires.
En dépit des efforts des collectivités territoriales, notamment des régions, beaucoup d’investissements restent à consentir pour améliorer l’état du réseau. Au regard des enjeux du développement durable, le rail, moyen de transport très sûr, doit être conforté.
De trop nombreuses incertitudes et menaces subsistent, notamment en ce qui concerne le devenir des petites lignes. Je reste très réservé sur ce texte ; dans un esprit de défense des usagers et du monde cheminot, je voterai contre.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe La République En Marche, l’autre du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 124.
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l’adoption | 245 |
Contre | 82 |
Le projet de loi est adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous venez donc d’adopter à une très large majorité le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Je remercie tous ceux d’entre vous qui ont ainsi apporté leur soutien à une réforme indispensable, qui vise à rénover en profondeur notre système ferroviaire pour apporter un meilleur service aux Français et à renforcer la SNCF, par un engagement sans précédent en termes d’investissements.
Au fil d’un débat de fond, parfois tonique, qui a permis d’aborder tous les sujets de manière précise, nous avons réalisé un travail de coconstruction, dans un climat de confiance. Je pense que nous pouvons être fiers de ce que nous avons construit ensemble. En tout cas je veux de nouveau vous en remercier et je vous donne rendez-vous pour l’examen du projet de loi d’orientation sur les mobilités. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires. du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
4
Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs
Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises, de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présentée par MM. Rémy Pointereau, Martial Bourquin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 460, texte de la commission n° 549, rapport n° 548, rapport d’information n° 526, avis nos 500 et 543).
Dans la discussion du texte de la commission, nous reprenons, au sein du chapitre premier, l’examen de l’article 1er.
Chapitre Premier (suite)
Définition des centres-villes et centres-bourgs pouvant bénéficier des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation « OSER »
Article 1er (suite)
Définition des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation des centres-villes et centres-bourgs dites « OSER »
La préservation de la vitalité des centres-villes et centres-bourgs constitue une obligation nationale qui justifie des mesures dérogatoires ciblées sur les territoires en difficulté ainsi qu’un effort particulier pour y garantir la sécurité publique.
I. – Les centres-villes et centres-bourgs affectés par une forte vacance commerciale ou artisanale, un déclin de leur attractivité touristique ou de leurs animations culturelles, une décroissance démographique ou une dégradation de l’habitat peuvent faire l’objet d’opérations de sauvegarde économique et de redynamisation visant à préserver, renforcer ou ranimer leur tissu urbain, économique et commercial. Ces opérations peuvent aussi être engagées de manière préventive.
II. – La décision d’engager une opération de sauvegarde économique et de redynamisation et la délimitation de son périmètre et sa durée, qui ne peut excéder cinq années renouvelables deux fois, font l’objet d’une même délibération motivée, prise par le conseil municipal de la commune et par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune, sur la base d’une analyse de la situation du logement, du commerce et de l’artisanat dans le périmètre projeté. Elle fait l’objet d’un avis, qui est rendu public, du représentant de l’État dans le département.
III. – Le périmètre de l’opération de sauvegarde est caractérisé par au moins deux des éléments suivants :
1° Une forte densité commerciale, exprimée par tout indicateur pertinent intégré à la base de données mentionnée à l’article L. 751-9 du code de commerce, et d’entreprises de l’artisanat commercial ou de service, mesurée grâce aux informations détenues par l’INSEE ou les réseaux consulaires ;
2° La présence d’un ou plusieurs monuments remarquables ouverts au public illustrant une centralité par leur fonction administrative, économique ou culturelle ;
3° Une forte densité d’un habitat ancien antérieur au vingtième siècle.
Il s’étend sur une surface inférieure à 4 % de la surface urbanisée de chaque commune concernée. Ce pourcentage est majoré, pour les communes de moins de 10 000 habitants, de 2 % par tranche de 1 000 habitants selon la séquence suivante : 6 % entre 9 000 et 10 000 habitants, 8 % entre 8 000 et 9 000 habitants, 10 % entre 7 000 et 8 000 habitants, 12 % entre 6 000 et 7 000 habitants, 14 % entre 5 000 et 6 000 habitants, 16 % entre 4 000 et 5 000 habitants, 18 % entre 3 000 et 4 000 habitants, 20 % entre 2 000 et 3 000 habitants, 22 % entre 1 000 et 2 000 habitants et 24 % en dessous de 1 000 habitants.
IV. – Chaque opération de sauvegarde économique et de redynamisation fait l’objet d’une convention signée par le maire de la commune, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune et le représentant de l’État dans le département. La région, le département et les autres acteurs peuvent y être associés.
V. – Le périmètre de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation est un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité au sens de l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme.
VI. – L’opération de sauvegarde économique et de redynamisation fait l’objet d’un bilan annuel présenté au conseil municipal de la commune et à l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et d’une évaluation complète tous les cinq ans qui présente les résultats de l’opération dans le périmètre concerné en termes de construction et de réhabilitation de logements, de résorption de la vacance commerciale ou artisanale et de développement de l’offre commerciale, artisanale, culturelle ou touristique, d’amélioration du cadre et de la qualité de vie, de préservation et d’implantations d’équipements et services publics. Cette évaluation expose aussi les conséquences de l’opération pour les ressources de la commune et de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le représentant de l’État dans le département est informé par l’autorité compétente au moins deux mois à l’avance de la date de la réunion du conseil municipal de la commune ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au cours de laquelle cette évaluation est présentée. Il transmet son avis sur les résultats de l’opération au moins quinze jours avant cette réunion.
Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié quinquies, présenté par Mme Lamure, MM. Paul, Brisson et J.M. Boyer, Mme Chauvin, M. Paccaud, Mme Bruguière, M. Panunzi, Mmes Di Folco et Micouleau, MM. Joyandet, Bouchet et Milon, Mme Lopez, MM. Dufaut, Grosdidier et Chatillon, Mme Lassarade, MM. Huré, Vaspart, Mayet, Genest, Forissier et B. Fournier, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Kennel et Pierre, Mmes Deseyne et Deromedi, M. Vogel, Mme Imbert, M. Guené, Mme Duranton, M. Savary, Mme Garriaud-Maylam, M. Babary, Mme Lherbier, M. Revet, Mme A.M. Bertrand, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme F. Gerbaud, MM. Bonne, Sido, Perrin, Raison et Laménie, Mmes de Cidrac, Lanfranchi Dorgal, Deroche et Thomas et MM. de Legge, Daubresse et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Pour les communes de moins de 10 000 habitants, ce pourcentage est défini par les élus, dans la limite de 20 % de la surface urbanisée.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Dans le texte de la proposition de loi, les périmètres « OSER » – opération de sauvegarde économique et de redynamisation –, sont fixés à 4 % de la surface urbanisée de la commune concernée.
M. le rapporteur a pris en compte, à juste titre, les petites communes, celles de moins de 10 000 habitants, mais en créant des strates de population avec plusieurs seuils pour étendre ces périmètres.
Compte tenu de la grande diversité de nos communes françaises, cet amendement prévoit, pour les communes de moins de 10 000 habitants, de confier aux élus le soin de définir le périmètre de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation de leur centre-ville ou centre-bourg. Nous proposons toutefois de plafonner ce périmètre à 20 % de la surface urbanisée, pour aller dans le sens de M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur de la commission des affaires économiques. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. L’article 1er vise à établir les périmètres « OSER », qui font écho, comme l’a rappelé M. Jacques Mézard hier soir, aux périmètres de revitalisation prévus dans le projet de loi ÉLAN portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
Dans ce projet de loi, nous avons retenu une approche extrêmement souple pour la définition des périmètres, puisqu’aucun critère n’est prévu, hormis l’inclusion du centre-ville dans le périmètre.
C’est dans cette logique que nous avons commencé à travailler. M. Mézard vous l’a dit, les premières conventions ont été signées. Nous privilégions donc une souplesse totale, plutôt que l’instauration de critères qu’il nous semble difficile de quantifier précisément.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiens cet amendement. Il s’inspire vraiment du terrain et ne soulève aucune difficulté. Donner un peu de pouvoir aux maires, à qui on en a enlevé beaucoup, est une très bonne idée.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement, adopté en commission à l’unanimité, va dans le bon sens. Il vise à offrir aux élus une marge de manœuvre en matière d’établissement du périmètre. Il est selon moi indispensable de définir un périmètre et de maintenir une centralité, pour éviter que cela ne soit n’importe quoi sur les territoires. Je ne comprends donc pas la position du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié quinquies.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Iacovelli et P. Joly, Mme Artigalas, M. Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot et Sueur, Mme Blondin, M. Botrel, Mme Espagnac, M. Fichet, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 8
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
III bis. – Par exception au III, le périmètre de l’opération de sauvegarde peut s’apprécier à l’échelle d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de moins de 15 000 habitants, si au moins deux communes portent un projet commun de revitalisation de leur centre.
II. - Après l’alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’opération de sauvegarde dont le périmètre est défini en application du III bis fait l’objet d’une convention signée par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et les maires concernés. La région, le département et les autres acteurs peuvent y être associés.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Je me fais ici le porte-parole de mon collègue Franck Montaugé.
Comme nous l’avons rappelé hier soir, les très petites communes doivent avoir toute leur place dans le pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.
Nous souhaitons attirer l’attention sur les critères retenus dans la proposition de loi pour la création d’un périmètre « OSER ». Même s’il est possible de ne satisfaire qu’à deux critères sur trois, nous craignons que les communes rurales ne soient finalement exclues du dispositif. Les territoires ruraux ne sont pas systématiquement confrontés à la problématique du centre et de la périphérie. Les petites communes rurales peuvent fonctionner en réseau pour animer un territoire rural.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons d’instaurer un régime spécifique pour toutes les petites communes rurales, afin qu’elles puissent bénéficier du dispositif OSER, notamment lorsqu’elles se regroupent pour porter un projet commun de revitalisation. Dans ce cas, nous proposons que le projet soit porté par l’EPCI, plus à même de mobiliser des financements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. Le texte de la commission prévoit un régime particulier pour les communes de moins de 10 000 habitants ; nous partageons donc le même objectif, mon cher collègue.
Pour autant, cet amendement vise à introduire un mécanisme dont je ne suis pas certain qu’il apporte un plus. En effet, en prenant comme base une population de 15 000 habitants, un plafond de 4 % de la surface urbanisée s’appliquera pour la définition du périmètre, alors qu’il est prévu, pour les communes de moins de 10 000 habitants, de fixer ce plafond à 20 %.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. L’objectif des auteurs de cet amendement est totalement partagé par le Gouvernement. Il s’agit de limiter la concurrence territoriale et de développer des synergies entre collectivités, et de définir un projet de territoire cohérent, sous l’égide de l’EPCI.
Dans la mesure où le dispositif proposé est similaire à celui qui est prévu dans le projet de loi ÉLAN, je vous suggère, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d’État, votre propos est similaire à celui que vous avez tenu sur l’amendement précédent : il y a la loi ÉLAN, donc la loi ÉLAN, par conséquent la loi ÉLAN…
Nous sommes ici pour débattre d’une proposition de loi qui a été élaborée de manière très méritoire par des collègues appartenant à divers groupes politiques et dont nous voudrions qu’elle puisse être adoptée. Qu’il y ait des initiatives gouvernementales, c’est très bien, mais nous vous demandons de bien vouloir prendre en compte, en tant que tel, ce texte issu de travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je suivrai la commission, qui a donné un avis défavorable à cet amendement, mais j’insiste sur le fait, madame la secrétaire d’État, que le projet de loi ÉLAN n’a pas encore été voté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.) Il a été adopté, modifié, par l’Assemblée nationale, mais il n’est pas encore venu en discussion au Sénat.
M. Xavier Iacovelli. Très bien !
Mme Sophie Primas. Je suis désolée d’avoir à vous le faire observer, mais le Sénat a encore son mot à dire, quelles que soient les grandes manœuvres en cours ! Il examinera, le moment venu, le projet de loi ÉLAN dans un esprit bienveillant et constructif, mais, aujourd’hui, nous exerçons nos responsabilités de parlementaires en débattant de cette proposition de loi. Chaque chose en son temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis tout à fait favorable à cette proposition de loi de consensus, issue d’une réflexion transpartisane. Le dispositif « OSER » est en fait complémentaire de celui du texte de Jacques Mézard, qui concerne 222 villes.
On peut espérer que la loi ÉLAN reprendra nombre des propositions formulées par le Sénat. En attendant, il importe que toutes les petites villes, tous les petits bourgs-centres, qui sont à la base du maintien de la vie dans les territoires ruraux excentrés, puissent recevoir une aide pour réhabiliter des logements, revitaliser leur centre.
Dans cette perspective, je voterai cet amendement, même si je comprends la position de M. le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je fais miennes les observations de Mme Primas. Il convient en effet de respecter le Sénat et son rôle.
Concernant cet amendement, que des communes d’une même intercommunalité puissent s’associer pour conduire un projet risque d’être davantage source de problèmes que de solutions. La mise en œuvre de ce dispositif risquerait d’engendrer des distorsions entre communes au sein des intercommunalités, pas une émulation.
Le texte proposé par la commission me semble préférable. Je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. À nos yeux, cet amendement est essentiel pour les petites communes. Le groupe Les Indépendants le votera.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Regrouper plusieurs communes au sein d’un périmètre « OSER » permettrait d’éviter une concurrence entre territoires. Si deux communes voisines soutiennent chacune de leur côté l’installation d’une poissonnerie sur leur territoire, les deux commerces mourront. L’idée est ici de favoriser l’émergence de projets cohérents à l’échelle des EPCI ruraux, en ouvrant la possibilité de définir des périmètres « OSER » discontinus, étendus à plusieurs communes.
Mme la secrétaire d’État estime que cet amendement est satisfait par le projet de loi ÉLAN, mais je ne le retirerai pas. Selon nous, il a toute sa place dans le dispositif de cette proposition de loi.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Chapitre II
Renforcer l’attractivité des centres pour les habitants
Article 2
Création de l’Agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs (ANCC) et extension du champ d’intervention de l’EPARECA dans les périmètres des conventions OSER
I. – Il est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé Agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs.
Cet établissement a pour mission de contribuer, dans un objectif de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, à la réalisation des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la présente loi en accordant des concours financiers aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents et aux organismes publics ou privés qui y conduisent des actions. Il est partie aux conventions relatives à ces opérations.
L’agence est financée notamment par la contribution pour la lutte contre l’artificialisation des terres ainsi que par la taxe sur les livraisons liées au commerce électronique.
Les concours financiers de l’agence sont destinés à des opérations qui visent à dynamiser le logement, l’artisanat et le commerce dans le périmètre des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation. Ils contribuent également aux actions visant à résorber les friches commerciales ou artisanales. Ils visent à renforcer l’ingénierie des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et à soutenir l’assistance à la maîtrise d’ouvrage des opérations concernées.
Le conseil d’administration de l’agence est majoritairement composé de représentants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre parmi lesquels son président est désigné. Il comporte aussi des représentants de l’État et des organismes publics ou privés qui participent à des opérations de sauvegarde économique et de revitalisation.
Un décret fixe les modalités d’application du présent I.
II. – Après la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 325-1 du code de l’urbanisme, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’établissement intervient également pour favoriser l’aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans le périmètre des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. »
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, cet article vise, d’une part, à créer une agence dédiée aux centres-villes et centres-bourgs, dotée du statut d’établissement public national à caractère industriel et commercial, et, d’autre part, à étendre la compétence de l’établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA, aux périmètres des opérations de sauvegarde et de redynamisation des centres-villes et centres-bourgs.
Je considère, à titre personnel, que cet article est d’une importance considérable relativement au sujet de la proposition de loi. En effet, il semble que l’Agence nationale pour la cohésion des territoires, l’ANCT, « mobilisera et coordonnera les moyens en ingénierie et en financements au profit des collectivités bénéficiaires ». Elle « aura vocation à donner davantage de lisibilité et d’efficacité à l’intervention de l’État dans les territoires » et permettra d’accompagner « en priorité dans leur démarche de réflexion stratégique et de montage de projet les territoires les plus en difficulté […] ».
Or, à l’heure actuelle, nous sommes très éloignés d’une finalisation de la mise en place de cette agence, la lettre de mission indiquant que l’ANCT devra être opérationnelle, « au moins dans une première phase, à l’été 2018 ». Dès lors, créer une agence nationale des centres-villes et centres-bourgs, qui deviendrait à terme une entité relevant de l’ANCT, semble une solution de bon aloi.
De plus, l’extension de la compétence de l’EPARECA aux centres-villes faisant l’objet d’une convention « OSER » ne peut qu’être bénéfique pour les territoires, dans la mesure où cela implique un renforcement certain de ses effectifs et, surtout, de ses moyens.
Il convient de rappeler que l’EPARECA n’a aucun projet en cours ni à venir sur le territoire martiniquais, et plus globalement dans les outre-mer, en dépit des programmes de rénovation urbaine menés notamment à Fort-de-France. Cet état de fait limite considérablement les moyens d’action pour maintenir et développer l’activité de nos centres-villes et centres-bourgs.
Je tiens à rappeler également que la chambre de commerce et d’industrie de la Martinique sollicite une intervention de l’EPARECA depuis 2016. C’était l’une des recommandations du schéma directeur d’urbanisme commercial qu’elle a réalisé et qui a été validé par toutes les collectivités locales partenaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.
M. Xavier Iacovelli. L’examen de cet article est l’occasion de mettre en avant le travail de l’EPARECA, dont la vocation est de favoriser le développement économique, la cohésion et la mixité sociales dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. J’ai pu constater que cet établissement était parfois peu connu, ce qui est regrettable, puisqu’il ne peut agir que si les maires ou les EPCI le sollicitent. Il agit comme opérateur et, en tant que tel, prend des risques, y compris en matière de loyers impayés.
Je tiens à appeler l’attention sur les problèmes de dotation dont l’établissement fait les frais et qui rendent difficiles son action dans les centres-villes. L’EPARECA dispose d’un budget annuel de seulement 30 millions d’euros, dont une subvention de l’État s’élevant à l’insuffisante somme de 5,7 millions d’euros.
Si Bercy, à défaut de lever son verrou, pouvait déverrouiller les financements de l’EPARECA, l’attractivité de nos quartiers et de nos centres-bourgs ne pourrait que s’en trouver à terme renforcée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. Je disais hier que cette proposition de loi constituait une bonne boîte à outils. La mise en place d’une agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs et le renforcement des actions de l’EPARECA viennent illustrer mon propos. Je soutiendrai jusqu’au bout ce texte, dont le caractère pragmatique et concret mérite d’être souligné.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par Mmes Férat et Goy-Chavent, MM. Kern et Henno, Mmes N. Goulet et Loisier, M. Canevet, Mmes Vullien et Doineau, MM. Savary, L. Hervé et Détraigne, Mme Gatel, M. Delcros et Mme de la Provôté, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Remplacer les mots :
pour les centres-villes et centres-bourgs
par les mots :
pour la cohésion des territoires
2° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Cet établissement a notamment pour mission de contribuer au développement équilibré des territoires à travers la mise en œuvre d’un plan national pour la cohésion territoriale dont les objectifs sont : revitaliser, désenclaver et développer les zones rurales et périphériques ; redynamiser les villes moyennes et leurs centres-villes. Les représentants des élus locaux et les collectivités territoriales sont associés localement et nationalement aux orientations et aux politiques engagées.
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps les trois amendements suivants.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion ces trois amendements.
L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par Mmes Férat et Goy-Chavent, MM. Kern et Henno, Mmes N. Goulet et Loisier, M. Canevet, Mmes Vullien et Doineau, MM. Savary, L. Hervé et Détraigne et Mmes Gatel et de la Provôté, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un décret en Conseil d’État détermine l’organisation et le fonctionnement de cette agence, ainsi que ses missions, les conditions dans lesquelles elle les exerce et la constitution de ses recettes.
L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mme Férat, M. Bonnecarrère, Mme Goy-Chavent, MM. Kern et Henno, Mmes N. Goulet et Loisier, M. Canevet, Mmes Vullien et Doineau, MM. Savary, L. Hervé et Détraigne et Mmes Gatel et de la Provôté, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Cette agence se fondra dans la future Agence nationale de cohésion des territoires dans les conditions définies par décret.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par Mmes Férat et Goy-Chavent, MM. Kern et Henno, Mmes N. Goulet et Loisier, M. Canevet, Mmes Vullien et Doineau, MM. Savary, L. Hervé et Détraigne et Mmes Gatel et de la Provôté, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – En concertation avec les représentants des collectivités territoriales, un décret fixe les conditions de regroupement avec d’autres agences ou organismes (ANAH, CGET, CEREMA…) pour à terme les intégrer.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Françoise Férat. Aux termes de l’article 2 de la proposition de loi, « il est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé Agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs ».
Je ne le cache pas, je ne suis pas vraiment favorable à la création d’une telle agence. Les amendements nos 17 rectifié bis, 18 rectifié bis et 19 rectifié bis visent à ouvrir de nouvelles pistes. Nous avons adopté hier un texte créant une agence nationale pour la cohésion des territoires : celle-ci pourrait tout à fait prendre en charge les problématiques des centres-bourgs.
Quant à l’amendement n° 15 rectifié bis, il tend à regrouper des agences telles que l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, ou le CEREMA, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. Cela permettrait d’optimiser l’emploi des moyens et de procéder à une rationalisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. Cette série d’amendements appelle deux observations préalables.
Pour la commission des affaires économiques, l’objectif essentiel est de soutenir l’ingénierie des territoires qui en ont le plus besoin. Pour atteindre cet objectif, on peut envisager plusieurs modalités d’organisation.
Les auteurs de l’amendement n° 17 rectifié bis défendent l’idée que la revitalisation des centres-villes n’est qu’une composante de la cohésion des territoires. Nous sommes tout à fait d’accord sur le principe. D’ailleurs, le texte de la commission préfigure de façon assez méticuleuse la création d’une agence à l’action ciblée sur les centres-villes qui ont vocation à s’intégrer dans un ensemble plus vaste.
L’amendement n° 18 rectifié bis est satisfait dans son principe, puisqu’un décret est prévu par le texte de la commission.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces quatre amendements. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Je suis ici pour travailler avec vous et vous écouter, mais aussi pour vous apporter des informations sur les initiatives et l’approche du Gouvernement concernant des thèmes qui font l’objet du présent débat.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous l’avons compris !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Jacques Mézard l’a déjà souligné, il existe une convergence d’objectifs, d’intérêts, de sujets et de thématiques. J’essaie de mettre mes prises de position en perspective et en cohérence avec le travail que nous avons commencé et qui sera bien sûr soumis au Sénat.
En l’occurrence, je voudrais remercier Mme Férat de cette initiative, qui vise à rapprocher les mesures de la proposition de loi que nous examinons des grands chantiers lancés par le Gouvernement. Une préfiguration de l’agence nationale de la cohésion des territoires est effectivement en cours. Le préfigurateur, qui est par ailleurs commissaire général à l’égalité des territoires, rendra ses conclusions dans quelques jours. Elles nourriront la discussion sur le périmètre de la future agence nationale de la cohésion des territoires.
Dans cette attente, je sollicite le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il y a, sur nos territoires, une déperdition d’énergie, due au fait que trente-six agences font trente-six choses différentes, avec la réunionite que cela suppose !
À cet égard, l’amendement n° 15 rectifié bis, qui vise à regrouper différentes agences, a tout de même le mérite de la cohérence et de l’efficience. C’est très bien de créer des agences, mais c’est encore mieux d’en regrouper, comme le proposent les auteurs de cet amendement, pour fédérer les projets et les énergies sur des territoires épuisés. Il faudra ensuite envisager l’instauration d’un guichet unique, quand nous aborderons le volet financier.
Je voterai ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Au Sénat, nous essayons également de mettre les choses en perspective. Cette proposition de loi a été conçue en cohérence avec la vraie vie et le terrain, madame la secrétaire d’État. Sans attendre des préconisations venues d’en haut, nous allons à la rencontre des acteurs de terrain. C’est la réalité, finalement, qui nous éclaire et nous a permis d’élaborer ces amendements, dans un souci, qui est aussi le vôtre, me semble-t-il, d’efficacité et de sobriété budgétaire. Outre que ces propositions pleines de bon sens collent aux préoccupations des acteurs de terrain, elles sont en parfait accord avec votre démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. La multiplication des agences n’est certainement pas une fin en soi. Rationaliser les structures pour que nous soyons le plus efficaces possible avec le peu d’argent public qu’il nous reste, c’est une volonté que je peux partager.
Pour autant, j’appelle l’attention sur le fait qu’il est utile que certaines agences soient très spécialisées. La création de l’ANRU avait une motivation bien spécifique. La question s’était posée d’étendre son champ de compétence à toute la politique de la ville, aux problématiques de l’éducation et de l’emploi, par exemple. Finalement, on ne l’a pas fait, et sans doute a-t-on eu raison de ne pas le faire. Il en va de même de l’EPARECA, qui intervient essentiellement pour la redynamisation commerciale des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
L’objet de l’amendement n° 15 rectifié bis est de regrouper l’ANAH et un certain nombre d’autres agences. Attention à ne pas créer des espèces de monstres qui s’occuperaient de tout ! Je vois que Mme la présidente Lienemann semble partager mon point de vue ! (Sourires. – Mme la présidente se récrie.) La spécialisation des agences est aussi un gage d’efficacité, même si elle a un coût.
Ce qui manque dans ce texte, c’est le cadrage financier. On peut donner toutes les missions que l’on veut à telle ou telle agence, définir des périmètres d’intervention, mais combien cela va-t-il coûter ? De quels moyens disposera-t-on ? C’est tout de même une question essentielle. La commission des finances ne manquera pas, en fin de compte, de nous renvoyer à la loi de finances.
S’agissant des agences, de grâce, allons-y avec précaution ! Il ne faudrait pas noyer des instances qui fonctionnent sous un ensemble de tâches qui nuiraient à leur efficacité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je suis assez d’accord, dans l’esprit, avec les auteurs de ces amendements. Il n’est pas question de multiplier les agences, au moment où l’on s’efforce de rationaliser l’organisation des services publics.
À titre personnel, sur les amendements nos 17 rectifié bis, 18 rectifié bis et 19 rectifié bis, je n’ai pas d’états d’âme pour émettre un avis de sagesse bienveillante.
En revanche, je rejoins Philippe Dallier à propos de l’amendement n° 15 rectifié bis. Une mission de préfiguration de la future agence nationale de la cohésion des territoires a été confiée par le ministre Mézard au préfet Morvan. Veillons à ne pas perturber la bonne organisation et le fonctionnement d’un certain nombre d’agences existantes en multipliant les initiatives. Sur cet amendement, j’émettrais plutôt un avis de sagesse retenue, comme dirait le président Larcher !
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Le groupe Les Indépendants est plutôt favorable aux amendements nos 17 rectifié bis, 18 rectifié bis et 19 rectifié bis, qui vont dans le bon sens, celui d’une rationalisation des actions menées sur les territoires.
En revanche, en ce qui concerne l’amendement n° 15 rectifié bis, la réflexion doit certainement se poursuivre, en attendant de connaître les conclusions du travail engagé par le Gouvernement. Il sera alors possible d’arrêter un choix, en prenant en compte toutes les préconisations. Créer une grande agence fourre-tout ne serait pas sans risques, mais peut-être pourrait-on au moins envisager la mise en place d’un guichet unique dans les territoires. Cela faciliterait les choses pour les usagers des services publics.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. Je me tourne vers mon collègue Philippe Dallier. L’amendement n° 15 rectifié bis a pour objet de procéder à une certaine rationalisation. J’entends ce que vous dites à propos de l’ANRU, mon cher collègue ; sans doute les structures visées par cet amendement sont-elles mal choisies, j’en conviens.
J’ai été très sensible aux propos de Mme Primas. Prenant la mesure du travail qui est mené actuellement, je retire l’amendement n° 15 rectifié bis. (M. Pierre Louault applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. Dans l’esprit, je suis favorable à l’ensemble de ces amendements, y compris à celui qui vient d’être retiré, mais je pense que la véritable question que nous devons nous poser est de nature juridique : la future agence aura-t-elle une dimension « in house », si j’ose dire ? Le champ d’intervention d’un organisme peut se borner à la seule assistance technique, ou s’étendre à la prise en charge de maîtrises d’œuvre. Il faut s’interroger sur ce point avant d’envisager de regrouper des agences.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Le groupe socialiste s’abstiendra sur les trois amendements restant en discussion, notamment parce qu’il est utile que certaines agences aient des missions bien spécifiques, comme l’a souligné à juste titre M. Dallier. En l’occurrence, celle dont la proposition de loi prévoit la création interviendrait spécifiquement dans les centres-villes et les centres-bourgs et les périmètres « OSER ».
En outre, je rappelle que l’EPARECA est non pas une agence, mais un opérateur de différentes agences, notamment de l’ANRU. Nous proposons qu’il devienne également un opérateur de l’agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs, l’ANCC.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Je suis tout à fait d’accord, évidemment, pour dire qu’il faut essayer de rationaliser et éviter de multiplier les agences.
Toutefois, je rappelle que certaines recettes seront fléchées vers les centres-villes et les centres-bourgs. Il faut éviter qu’elles soient versées dans un pot commun et que l’on en vienne à perdre de vue leur origine et leur destination. Je suis d’accord pour que l’on crée, éventuellement, une sorte de filiale de l’agence nationale pour la cohésion des territoires, mais à condition que les recettes en question restent bien ciblées sur les centres-bourgs et les centres-villes. Il faut éviter le mélange des genres. Je rejoins notre collègue Philippe Dallier : les spécificités des différentes structures ne doivent pas être remises en cause sans précautions.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. C’est la réalité du terrain : les gens habitent dans un territoire. Lorsqu’ils vivent en milieu rural, ils se rendent au bourg-centre pour accéder à des services. Leurs enfants y fréquentent le collège, puis ils rejoignent le lycée de la ville la plus proche, avant d’aller étudier, le cas échéant, à l’université de la métropole. De même, quand ils vieillissent, les habitants des zones rurales peuvent être accueillis dans des structures d’hébergement pour personnes âgées, qui se trouvent souvent dans les bourgs-centres.
Il n’y a pas d’un côté les gens des villes, de l’autre les gens des campagnes : il y a complémentarité des territoires. Nos concitoyens doivent être replacés au centre de la politique d’aménagement du territoire, ce que permettrait précisément la création d’une agence généraliste. À défaut, mes chers collègues, on en restera à une organisation pour initiés. Par exemple, lorsque, dans mon département, nous avons essayé de mettre sur pied, avec l’aide du CEREMA, une application pour mesurer les différences d’intensité du signal en matière de haut débit mobile, personne, au sein de l’assemblée départementale, ne connaissait cet organisme. Et c’est normal, tant ses missions sont spécifiques !
On en arrive à perdre de vue les préoccupations du citoyen, pour raisonner en silos, ce qui présente aux yeux de certains l’avantage – Bercy le sait bien – d’éviter que tout l’argent disponible soit dépensé ! Les silos, en effet, sont étanches. Il me semble important d’adopter au contraire une vision globale.
M. Rémy Pointereau. Oui !
M. René-Paul Savary. On pourra créer des filiales, des annexes, comme on voudra, en s’efforçant de cibler les différents financements, mais il faudra en tout cas veiller à ne pas opposer les gens des villes aux gens des campagnes. (Mme Véronique Guillotin et MM. Daniel Chasseing et Pierre Louault applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.
M. Mathieu Darnaud. Je souscris à ce que vient de dire mon collègue René-Paul Savary.
Je pense qu’il est nécessaire de promouvoir des convergences entre les agences ; c’est selon moi un gage d’efficience. Je pense notamment à l’agence nationale pour la cohésion des territoires : elle sera nécessairement saisie de sujets qu’il conviendra d’aborder de façon conjointe avec d’autres structures.
Cependant, comme l’ont souligné Philippe Dallier et Rémy Pointereau, il faudra tout de même veiller à ce que cette mise en cohérence ne se heurte pas à une trop grande disparité des missions et des approches fonctionnelles.
Le risque majeur que présenterait à mes yeux la fusion d’un trop grand nombre d’agences tient aux modalités opérationnelles et à la gouvernance de la structure ainsi créée. Nous voulons que les agences soient opérationnelles et surtout qu’elles interviennent au plus près des problématiques des territoires. Une telle fusion ne doit pas déboucher sur une recentralisation, assortie d’une perte d’opérabilité.
Mme Catherine Conconne. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Pillet, Bizet, J.M. Boyer, Brisson, Bouchet, Cardoux, Chaize, Chatillon, Cuypers, Danesi et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. Détraigne et Dufaut, Mmes Duranton, Férat et Estrosi Sassone, MM. Genest, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Joissains, M. Kennel, Mmes Lassarade et Lherbier, MM. Longeot, Louault, D. Laurent, Lefèvre, Longuet et Magras, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Paul, Pierre, Revet, Savary, Sido, Vial, Guené et Babary, Mme F. Gerbaud, MM. Hugonet, Laménie et B. Fournier, Mme Berthet et MM. Bonhomme, Buffet, Gilles, Priou, Mandelli, Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la construction et de l’habitation est complété par un livre … ainsi rédigé :
« LIVRE …
« MESURES VISANT À FAVORISER L’OCCUPATION DES LOGEMENTS DANS LES PERIMETRES DES OPERATIONS DE SAUVEGARDE ECONOMIQUE ET DE REDYNAMISATION
« TITRE IER
« BAIL À RÉHABILITATION AVEC OPTION D’ACHAT
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 742-1. – Est qualifié de bail à réhabilitation avec option d’achat et soumis aux dispositions du présent chapitre le contrat par lequel une personne s’engage à réaliser dans un délai déterminé des travaux d’amélioration sur l’immeuble du bailleur et à le conserver en bon état d’entretien et de réparations de toute nature en vue de disposer sur le bien d’un droit d’usage et d’habitation pendant toute la durée du bail.
« Le contrat indique la nature des travaux, leurs caractéristiques techniques et le délai de leur exécution. Il précise également la valeur du bien avant travaux.
« Le bail à réhabilitation est consenti par ceux qui ont le droit d’aliéner et dans les mêmes conditions et formes que l’aliénation. Il ne peut se prolonger par tacite reconduction.
« Le présent article s’applique aux immeubles soumis ou non au statut de la copropriété prévu par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, situés dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, et dont la construction est achevée depuis au moins quinze ans. Dans le cas d’un immeuble soumis au statut de la copropriété, il peut s’appliquer à un ou plusieurs lots.
« Art. L. 742-2. – Par dérogation à l’article 23 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée, si le bail à réhabilitation porte sur un ou plusieurs lots dépendant d’un immeuble soumis au statut de la copropriété, le preneur est de droit le mandataire commun prévu au second alinéa du même article. Par dérogation au troisième alinéa du I de l’article 22 de la même loi, ce preneur peut recevoir plus de trois délégations de vote des bailleurs.
« Le preneur du bail à réhabilitation supporte seul, pendant la durée du bail, toutes les provisions prévues aux articles 14-1 et 14-2 de ladite loi.
« Le preneur mandataire commun doit disposer d’un mandat exprès du bailleur avant de voter sur les décisions relatives à des travaux de toute nature qui ne sont pas mis à la charge du preneur par le contrat de bail à réhabilitation et dont la prise en charge n’est pas prévue dans le bail à réhabilitation ou dont le paiement n’incombera pas à titre définitif au preneur.
« Le bail à réhabilitation précise la répartition des charges en fin de bail et le sort des avances et provisions appelées pendant la durée du bail à réhabilitation ainsi que des régularisations de charges intervenant après la fin du bail. Ces clauses sont inopposables au syndicat des copropriétaires.
« Art. L. 742-3. – Le preneur est titulaire d’un droit réel immobilier. Ce droit peut être hypothéqué ; il peut être saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce droit est cessible nonobstant toute convention contraire.
« Art. L. 742-4. – Six mois avant l’expiration du bail à réhabilitation, le preneur fait savoir au bailleur s’il souhaite acquérir à l’issue du bail la propriété du bien au prix prévu au contrat.
« Si le preneur ne souhaite pas acquérir le bien, il est déchu de tout titre d’occupation sur le logement à l’expiration du bail à réhabilitation, nonobstant la possibilité pour les parties de conclure d’un commun accord un contrat de bail d’habitation portant sur l’immeuble.
« TITRE II
« BAIL VIAGER
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 742-5. – Constitue un contrat dénommé “bail viager” le bail par lequel une personne relevant des dispositions de l’article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales consent à un preneur, pour un montant forfaitaire, un droit d’usage et d’habitation viager sur un logement dont elle est propriétaire.
« Le bail viager est régi par les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, à l’exception de celles relatives à la durée du contrat de location et au paiement du loyer.
« Art. L. 742-6. – Un arrêté du ministre chargé du logement détermine à titre indicatif les taux de pondération applicables à la valeur vénale de référence du logement en fonction de l’âge du preneur et, le cas échéant, de son conjoint, à la date de prise d’effet du contrat.
« Art. L. 742-7. – Sauf raison impérieuse d’intérêt général, le bail viager ne peut être résilié par anticipation qu’à la demande du preneur.
« Toute demande de résiliation est notifiée à l’autre partie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifiée par acte d’huissier ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Le délai de préavis applicable à la résiliation est de trois mois lorsque la demande émane du preneur et de douze mois lorsqu’elle émane de la collectivité propriétaire du logement. Il court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en main propre.
« La résiliation entraîne le remboursement au preneur d’une partie du montant forfaitaire qu’il a acquitté, calculée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, notamment en fonction de la durée entre la date de prise d’effet du contrat et celle de sa résiliation. Ce décret prévoit également les conditions dans lesquelles peut s’ajouter une indemnisation du preneur et les modalités de son calcul, lorsque la résiliation intervient à l’initiative du bailleur. »
La parole est à M. François Pillet.
M. François Pillet. Cet amendement, dont les dispositions reprennent celles d’une autre proposition de loi visant elle aussi à préserver le tissu social des centres-villes, a simplement pour objet de compléter la panoplie des mesures envisagées au travers de cet excellent texte.
Il s’agit de créer deux outils juridiques, sans aucune conséquence financière ou budgétaire au détriment des communes, des départements ou de l’État. Leur instauration est nécessaire du fait que, en matière de baux d’habitation, il existe des dispositions d’ordre public qui interdiraient de créer ces contrats de manière purement consensuelle.
Le premier de ces outils, dénommé « bail à réhabilitation avec option d’achat », permettrait à des personnes de s’installer dans un logement ancien nécessitant des travaux, qu’elles s’engageraient à réaliser en contrepartie d’un loyer dont le montant serait réduit au regard de ce qu’il aurait pu être dans le cadre d’un bail traditionnel. La durée du bail serait évidemment déterminée en fonction du montant de ces travaux, afin de garantir au preneur l’amortissement des dépenses engagées à ce titre. Le preneur disposerait en outre d’un droit d’option lui permettant d’acquérir la propriété à l’expiration de la durée du bail.
Le second outil est un « bail viager », qui serait pour l’heure réservé, en ce qui concerne le bailleur, aux personnes publiques. Ce contrat courrait en principe jusqu’au décès du preneur. Il donnerait lieu non pas à loyer, mais à versement d’un montant forfaitaire, évidemment très faible au regard de l’état du logement.
Afin que le preneur ne se trouve pas prisonnier d’un logement que, pour des raisons qui lui seraient propres, il souhaiterait un jour quitter, il disposerait d’un droit de résiliation, contrairement au bailleur – en l’espèce il s’agirait, je le redis, d’un bailleur public.
Il s’agit simplement de trouver des outils juridiques susceptibles d’aider à sauver tout ce patrimoine, toutes ces petites maisons inoccupées sur lesquelles fleurissent, en campagne, en ville, en milieu périurbain, des panneaux « à vendre » eux-mêmes complètement décrépis…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. Cet amendement tend à créer deux outils innovants, qui peuvent en effet largement contribuer au repeuplement des centres-villes et à la réhabilitation des logements. La jurisprudence admet d’ores et déjà le bail viager, mais les dispositions de cet amendement l’encadrent de façon beaucoup plus nette.
Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Nous avons, avec les services de Jacques Mézard, examiné ces dispositions.
Il s’agit tout d’abord de permettre à des personnes de s’installer dans un logement ancien nécessitant des travaux qu’elles s’engageraient à réaliser en échange d’un loyer réduit. J’ai été saisie d’un certain nombre de remarques sur les difficultés que pose le dispositif en matière de sécurisation juridique de l’opération et du preneur.
Il en va de même pour le bail viager, par lequel une collectivité consentirait à un preneur, pour un montant forfaitaire, un droit d’usage et d’habitation jusqu’à son décès. Là aussi, les services de Jacques Mézard ont émis des remarques sur la sécurisation juridique du dispositif, pour le preneur et pour la collectivité : des risques financiers pourraient peser sur les deux parties.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, mais je vous invite, monsieur le sénateur Pillet, à vous rapprocher des services de Jacques Mézard pour approfondir la réflexion sur les présents dispositifs en vue des prochaines lectures de cette proposition de loi et/ou du projet de loi ÉLAN.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’ai cosigné cet amendement, dont tout le mérite revient à M. Pillet. Les dispositifs juridiques proposés sont innovants. L’objectif, qui s’inscrit naturellement dans le cadre de cette proposition de loi, est de faire vivre les centres-villes et les centres-bourgs, d’encourager l’activité économique et, plus largement, l’activité humaine. Ces dispositions vont dans le bon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je remercie mon collègue Pillet de proposer d’innover. Si l’on veut faire en sorte que ces logements soient occupés, en effet, il faut prendre un peu de risques et proposer des solutions nouvelles.
C’est surtout la seconde formule qui me paraît intéressante. Je serai le rapporteur du projet de loi de réforme des retraites. Nous y travaillons déjà, et nous voyons bien que se pose, pour les personnes âgées, le problème de la mobilisation du patrimoine, et en particulier celui du viager. Si le recours à cette solution n’est guère envisagé, c’est parce qu’il engage le bien, sous la responsabilité des personnes concernées. Il faut donc trouver un système permettant que le risque lié au viager ne soit pris ni par le locataire ni par le loueur. La piste du viager « intermédié » mérite à cet égard d’être explorée.
Il y aurait là, également, un moyen de compléter les retraites. On sait que 70 % des personnes âgées possèdent un bien. Ce bien est souvent une source de revenus supplémentaires, mais il peut être aussi un fardeau pour les familles, parce qu’il faut l’entretenir.
La formule de bail viager présentée au travers de cet amendement pourrait constituer une solution dans un certain nombre de situations. C’est pourquoi j’engage mes collègues à voter cet amendement, que j’ai cosigné.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. J’apporte moi aussi mon soutien à cet excellent amendement, qui ouvre la voie à des innovations juridiques pour le bien de nos centres-villes et de nos concitoyens.
J’ai bien entendu les réserves de Mme la secrétaire d’État. Ces deux dispositifs ne sont peut-être pas parfaits, mais rien ne nous empêche de les inscrire dans la proposition de loi : ils pourront toujours être affinés dans une deuxième étape – idéalement, une discussion du texte à l’Assemblée nationale, plus vraisemblablement une intégration au projet de loi ÉLAN.
L’adoption de cet amendement permettrait, d’ores et déjà, d’ouvrir la porte. J’y suis extrêmement favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souscris à tout ce qui vient d’être dit. Il faut en effet multiplier les dispositifs. Nos communes comptent bien des logements complètement obsolètes. Les outils proposés seront très utiles.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Article 3
Allégement de la fiscalité sur les logements dans les périmètres des conventions OSER
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24 rectifié, présenté par M. P. Joly, Mme Conconne, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Montaugé, Tissot et Sueur, Mme Blondin, M. Botrel, Mme Espagnac, M. Fichet, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au 2 de l’article 278-0 bis A, après les mots : « dérogation au 1 », sont insérés les mots : « en dehors du périmètre des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs » ;
2° Après l’article 278 sexies A, il est inséré un article 278 sexies B ainsi rédigé :
« Art. 278 sexies B. - Le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée est celui mentionné au 2° de l’article 278 sexies-0 A pour les livraisons d’immeubles, situées dans le périmètre d’une opération de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnée à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs et comprenant au moins 10 % de logements sociaux à usage locatif mentionnés aux 2 à 4 et 6 à 8 de l’article 278 sexies et 25 % de logements destinés à être loués à des personnes physiques dont les ressources à la date de conclusion du bail ne dépassent pas les plafonds fixés par le décret prévu à la seconde phrase du premier alinéa du III de l’article 199 novovicies. Le loyer mensuel de ces logements ne dépasse pas les plafonds mentionnés au premier alinéa ou, le cas échéant, au second alinéa du même III. » ;
3° Le a de l’article 296 bis est complété par la référence : « et à l’article 278-0 bis A » ;
4° Au 2 de l’article 279-0 bis, après les mots : « dérogation au 1 », sont insérés les mots : « en dehors du périmètre des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs » ;
5° Après le IV de l’article 199 novovicies, il est inséré un paragraphe bis ainsi rédigé :
« … - La réduction d’impôt s’applique aussi aux logements situés dans le périmètre de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnée à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs dans la limite d’un nombre de logements et d’une superficie globale de plancher fixés par le représentant de l’État dans le département, sur proposition de la commune signataire de la convention relative à l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation, et en fonction de la situation locale du marché du logement et des perspectives de redynamisation du centre-ville. »
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. La revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs passe par le retour de la population qui les a désertés au cours des dernières décennies.
Pour que cette population revienne, il faut qu’elle puisse disposer de logements aux standards actuels de confort. Cela passe par la rénovation de bâtiments anciens, de logements construits il y a plusieurs dizaines d’années, voire plusieurs siècles. Or ces rénovations sont très coûteuses. Dès lors, il convient, pour permettre à ceux qui les réalisent de bénéficier d’un semblant de retour sur investissement, de mettre en place un certain nombre d’allégements fiscaux.
Les allégements de TVA prévus dans la rédaction initiale de la proposition de loi ont malheureusement été supprimés par la commission des finances. Il est donc proposé ici de rétablir ces mesures d’allégement fiscal.
L’amendement vise en outre à permettre aux propriétaires qui réalisent des investissements locatifs dans les centres-villes et les centres-bourgs de bénéficier des dispositifs de défiscalisation qui sont généralement réservés aux zones dites « tendues », sachant que le caractère « détendu » des zones rurales tient moins à la faiblesse de la demande locative qu’à l’inadaptation de l’offre au regard des standards actuels de confort. Là encore, il s’agit de revenir au texte initial de la proposition de loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. Pointereau, M. Bourquin, Courtial et Joyandet, Mme Harribey, MM. Cuypers, Houpert, Todeschini et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis et Chain-Larché, M. Magras, Mme Thomas, MM. Pemezec, Pierre et Fouché, Mmes Deromedi, L. Darcos et Bruguière, MM. Paccaud, Brisson et H. Leroy, Mme Berthet, M. Henno, Mme Di Folco, MM. Morisset, Guerriau, Lalande, de Nicolaÿ, Charon et Vogel, Mmes Raimond-Pavero et Imbert, M. Courteau, Mmes Joissains, Bonfanti-Dossat, Espagnac et Lamure, M. Dufaut, Mme Vullien, MM. Allizard, Chatillon, Daudigny et Kennel, Mme Kauffmann, MM. P. Joly, Savary et Pillet, Mmes Gruny, Duranton et Dumas, MM. Antiste et Lefèvre, Mme Guillemot, MM. Cabanel et Chasseing, Mme Perol-Dumont, MM. Saury, Perrin, Milon, Ginesta, D. Laurent et Revet, Mme Lassarade, M. Hugonet, Mmes Deseyne et de Cidrac, MM. Babary, B. Fournier, Laménie, Bouchet, Poniatowski, Bonhomme, Priou et Mandelli, Mme Deroche, M. Vaugrenard, Mme Artigalas, MM. J.M. Boyer, Guené et Wattebled, Mmes Canayer et Chauvin, MM. Chevrollier et Manable, Mmes Lopez et Herzog, M. Daubresse et Mmes Meunier, Bories, Garriaud-Maylam et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 2° du 2 du I de l’article 257 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, la proportion mentionnée aux a à d du présent article est portée au deux tiers. » ;
2° Après l’article 278 sexies A, il est inséré un article 278 sexies B ainsi rédigé :
« Art. 278 sexies B. – La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne les livraisons de logements neufs et de logements, issus de la transformation de locaux à usage de bureaux, considérés comme neufs au sens du 2° du 2 du I de l’article 257, soit à des organismes mentionnés au 4° du 1 de l’article 207 ou soumis au contrôle, au sens du III de l’article L. 430-1 du code de commerce, de la société mentionnée à l’article L. 313-20 du code de la construction et de l’habitation, soit à des personnes morales dont le capital est détenu en totalité par des personnes passibles de l’impôt sur les sociétés ou des établissements publics administratifs, qu’elles destinent à la location à usage de résidence principale dans le cadre d’une opération de construction ayant fait l’objet d’un agrément préalable entre le propriétaire ou le gestionnaire des logements et le représentant de l’État dans le département, qui précise le cadre de chaque opération et porte sur le respect des conditions prévues aux a à c du présent article.
« Pour l’application du premier alinéa, les logements doivent :
a) Être implantés sur un terrain situé dans le périmètre d’une opération de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnée à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs ;
« b) Être intégrés dans un ensemble immobilier comprenant au minimum 15 % de surface de logements mentionnés aux 2 à 6, 8 et 10 du I de l’article 278 sexies, sauf dans les communes comptant déjà plus de 50 % de logements locatifs sociaux, au sens de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, et dans les quartiers faisant l’objet d’une convention prévue à l’article 10-3 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ;
« c) Être destinés à être loués à des personnes physiques dont les ressources à la date de conclusion du bail ne dépassent pas les plafonds fixés par le décret prévu au premier alinéa du III de l’article 199 novovicies du présent code. Le loyer mensuel de ces logements ne dépasse pas les plafonds visés au premier ou, le cas échéant, au second alinéa du même III. » ;
3° Le 2 de l’article 278-0 bis A, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, la proportion mentionnée au b du présent article est portée à 20 %. »
4° Après le IV de l’article 199 novovicies, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
«… – La réduction d’impôt s’applique aussi aux logements situés dans le périmètre de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnée à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs dans la limite d’un nombre de logements et d’une superficie globale de plancher fixés par le représentant de l’État dans le département, sur proposition de la commune signataire de la convention relative à l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation, et en fonction de la situation locale du marché du logement et des perspectives de redynamisation du centre-ville. » ;
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. La commission des finances nous a alertés sur le fait que le dispositif initial n’était peut-être pas conforme au droit européen. Avec Rémy Pointereau, nous avons revu notre copie en rédigeant un amendement qui vise à ouvrir le bénéfice du taux réduit de TVA de 10 % aux opérations mixtes de logement social et intermédiaire. Nous avons donc retiré du champ de notre dispositif les logements purement privés, comme cela était demandé.
Dès lors, les opérations concernées doivent se situer dans un périmètre « OSER » et s’insérer dans un ensemble immobilier comprenant au minimum, en surface, 15 % de logements sociaux.
Il s’agit notamment d’ouvrir le champ du dispositif de défiscalisation des investissements locatifs aux zones détendues, dès lors qu’elles se trouvent dans un périmètre « OSER ». En effet, cela a été souligné lors de la conférence de consensus sur le logement organisée par le Sénat, il existe de vrais besoins de logement dans ces zones, où l’absence de tension tient souvent non pas à un manque général de demande locative, mais à l’état dégradé et vieillissant du parc immobilier.
Pour éviter les abus, qui ont pu consister à bâtir des logements dans des zones où la demande était faible, la mise en œuvre de réductions d’impôt serait strictement encadrée. Elle serait réservée, donc, aux périmètres « OSER », et limitée à un nombre de logements et à une superficie de plancher compatibles avec les capacités d’absorption par le marché local et fixés par le préfet. Le volume de logements acceptés tiendrait compte, en outre, de la situation actuelle du marché.
Ces dispositions, très attendues par les élus locaux, ont fait l’objet d’une appréciation positive dans l’étude d’impact indépendante qui accompagne la proposition de loi. Mes chers collègues, si nous n’amenons pas des habitants dans les centres-villes et les centres-bourgs, tout ce que nous faisons ici ne servira à rien !
Nous avons tenu compte de l’importante remarque de la commission des finances sur la compatibilité de ces dispositions avec le droit européen. Attachons-nous à peupler nos centres-villes, nos centres-bourgs, pour y faire vivre les commerces et les services ! (Mme Sonia de la Provôté et M. Xavier Iacovelli applaudissent.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pour éclairer cette matière un peu ardue, je rappellerai que la très grande majorité des travaux de rénovation sont déjà concernés par des taux réduits de TVA : de 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique et de 10 % pour tout ce qui est rénovation et non pas restructuration lourde – le taux normal de 20 % s’appliquant dans ce dernier cas de figure, comme pour la production d’un immeuble neuf.
Sur l’amendement n° 24 rectifié, qui vise à rétablir la version initiale du texte, la commission des finances a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 30 rectifié bis, plus complexe, comprend trois parties. Il tend à rétablir de manière partielle l’article 3, qui avait été supprimé par la commission des finances.
Cet amendement a été rectifié de manière importante mercredi en début d’après-midi, après que la commission des finances se fut réunie pour déterminer son avis.
S’agissant du 1° et du 3°, les auteurs de l’amendement reprenaient des dispositions, rejetées lors de l’examen en commission, qui appliquaient un taux réduit de TVA aux travaux réalisés dans le parc des logements privés, même lorsque ces travaux conduisent à rendre l’immeuble comme neuf. Cela est malheureusement exclu par la directive relative au système commun de TVA du 28 novembre 2006, qui limite l’application d’un taux réduit à la « rénovation » et à la « réparation » de logements privés, soit un niveau d’intervention moins important que celui qui est assimilable à la livraison d’un immeuble neuf.
Afin de répondre à cette objection, les auteurs de l’amendement ont rectifié celui-ci afin de modifier la définition même d’un « immeuble considéré comme neuf ». La rectification porte donc sur l’article 257 du code général des impôts. Si je la comprends bien, le taux réduit de TVA pourrait s’appliquer, par exemple, si l’on modifie les deux tiers des fondations, contre la moitié aujourd’hui.
Il est difficile de dire si un grand nombre de projets seraient concernés hors périmètres « OSER », et plus encore de mesurer les faits déclencheurs.
À défaut de pouvoir donner l’avis de la commission des finances, celle-ci n’ayant pas examiné cette rectification, je livrerai quelques observations rapides.
Tout d’abord, l’article 257 du code général des impôts joue un rôle central dans la fiscalité des immeubles. Il y est fait référence dans plusieurs dizaines d’autres articles du code général des impôts ou d’autres codes. Il est donc impossible, dans les délais impartis, d’évaluer les conséquences de sa modification.
Or, il est délicat d’accepter de tels dispositifs dérogatoires, dont la mise en œuvre pourrait par exemple créer une situation dans laquelle un taux de 5,5 % s’appliquerait dans une rue au motif qu’elle aurait été classée en périmètre « OSER » par la commune, alors que le taux de 20 % prévaudrait, pour des travaux analogues, dans une rue voisine présentant les mêmes caractéristiques, mais extérieure à ce périmètre.
S’agissant du 2°, c’est-à-dire de l’application du taux réduit de 10 % pour des travaux réalisés dans un ensemble de logements partiellement social, la modification va dans le sens de ce qui avait été demandé par la commission. Elle nous paraît donc acceptable, puisque ne sont plus visés que le logement social et le logement intermédiaire, et non le logement privé.
S’agissant de l’ouverture du bénéfice du dispositif Pinel, la commission des finances a émis un avis défavorable, dans la mesure où elle avait approuvé le recentrage de ce dispositif lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018.
En conclusion, la commission des finances avait émis, avant sa rectification, un avis défavorable sur l’amendement n° 30 rectifié bis. Elle eût été prête à s’en remettre à la sagesse du Sénat si le 1°, le 3° et le 4° avaient été supprimés. Tel n’ayant pas été le cas, l’avis de la commission des finances reste défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Nous avions également relevé les problèmes de compatibilité avec le droit européen qui grevaient ces dispositions.
La position du Gouvernement est que les mesures fiscales ont vocation à être discutées en loi de finances.
En l’état actuel des choses, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je soutiens les efforts des deux coauteurs de la proposition de loi pour essayer d’instaurer un droit à dérogation adapté à des situations qui méritent des mesures exceptionnelles. Quand des centres-bourgs meurent, s’étiolent, il faut apporter des réponses !
On nous oppose en permanence le droit européen, le droit ceci, le droit cela !
M. Philippe Dallier. Ça existe…
Mme Catherine Conconne. Je peux le comprendre, mais, sans mesures audacieuses, ce pacte de revitalisation n’aura aucune portée. Le mot « pacte » suppose un accord sur une intention ! Il faut trouver des solutions pour motiver des dérogations. Les dérogations, on les compte déjà par centaines ! La jurisprudence fait florès en la matière.
Je soutiens donc les efforts des deux coauteurs, dont je salue l’esprit de concertation pour essayer jusqu’au bout de trouver des accords. Si la boîte à outils que nous avons souhaité mettre en place par le biais de ce texte ne contient pas une batterie de mesures audacieuses pour motiver des propriétaires à faire des travaux dans des endroits où la désespérance s’est déjà installée, l’effet de levier que nous appelons de nos vœux ne jouera pas. Nous trouverons les solutions ! (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je pense que l’on peut régler un premier problème, celui de l’élargissement du champ des allégements de TVA consentis pour les travaux de rénovation. Le mécanisme que nous proposons consiste simplement à modifier légèrement les critères du code général des impôts, pour qu’il y ait davantage de travaux de rénovation lourde dans les périmètres « OSER ». Il s’agit de sauver le patrimoine et de promouvoir sa valorisation.
Mes chers collègues, nous discutons là d’un des points durs de la proposition de loi. Si l’on ne repeuple pas les centres-villes, tout ce que nous faisons ici sera voué à l’échec. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. –Mme Sonia de la Provôté et MM. Max Brisson et François Pillet applaudissent également.)
Nous devons faire preuve d’imagination et de volontarisme. Il faudra parfois démolir et reconstruire, parfois rénover et mettre en valeur le patrimoine existant. C’est ainsi que nos centres-villes retrouveront une esthétique, que nous redonnerons l’envie d’y habiter.
Le dispositif Pinel serait coûteux et inefficace, ai-je entendu dire, mais si l’on ne peut y recourir dans certaines villes, le résultat sera désastreux, parce qu’il offre des possibilités extraordinaires en matière de construction. Cet outil est indispensable au renouvellement urbain. Si on le réserve aux seuls secteurs tendus, nous ne pourrons pas rénover et requalifier nos centres-villes. Si l’on ajoute la suppression de l’APL accession pour les ménages modestes, cela fait beaucoup ! La Fédération française du bâtiment m’a fait part de ses vives inquiétudes ; il y a une baisse très sensible de la construction. La question du logement doit être posée dans d’autres termes.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Que les choses soient claires : la commission des finances ne s’est pas prononcée sur l’opportunité de la mesure, qui fait l’objet, me semble-t-il, d’un large consensus ; elle a simplement émis un avis technique et rappelé l’état du droit, s’agissant notamment de la directive TVA.
Permettez-moi d’apporter quelques éléments de contexte dont nous avons eu connaissance assez récemment. Tandis que la Commission européenne envisagerait de laisser plus de liberté aux États membres en matière de taux réduits de TVA – pour l’instant, ce n’est qu’une intention –, le Gouvernement a exprimé, par la voix du ministre Le Maire, sa volonté de revenir sur certains allégements de TVA. Il est donc un peu difficile de savoir dans quelle direction nous allons…
En ce qui concerne le dispositif Pinel, la commission des finances a le souci de protéger les épargnants qui seront démarchés par des agents chargés de placer des produits pour le compte de promoteurs. Cela étant, j’ai bien noté que votre dispositif prévoyait un encadrement assez fort : le préfet fixerait le nombre de logements et la superficie globale éligibles en fonction de la capacité d’absorption du marché local. À mes yeux, cela représente un garde-fou important.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Ces débats sont extrêmement utiles. Ils mettent en lumière la nécessité d’un financement spécifique solide.
Compte tenu des délais et de l’agenda législatif, l’objectif aujourd’hui est d’ouvrir le maximum de pistes pour enrichir techniquement le projet de loi ÉLAN. Celui-ci n’est effectivement pas, madame la secrétaire d’État, un projet de loi de finances, mais le présent débat nous permet précisément de roder nos arguments en vue de la discussion budgétaire, quand il s’agira d’instituer les dispositifs propres à financer les mesures que nous appelons de nos vœux. Nous serons ainsi prêts à mettre les bons outils aux bons endroits. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Il est nécessaire d’adopter ces amendements, dans un souci de cohérence globale du dispositif de la proposition de loi. Il est normal que la collectivité compense les surcoûts liés aux rénovations dans les centres-villes, qui, à la différence des constructions en périphérie, n’induisent pas la création d’infrastructures, d’équipements ou de réseaux supplémentaires. Cela étant dit, je retire mon amendement au profit de celui de mes collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin.
Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 3 est rétabli dans cette rédaction.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Formation des ministres des cultes
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d’une formation les qualifiant à l’exercice de ce culte, présentée par Mme Nathalie Goulet, M. André Reichardt et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 30, texte de la commission n° 538, rapport n° 537).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, il est un peu dommage que ce débat ne mobilise guère les foules, car le sujet est intéressant ! Ce texte a au moins le mérite d’exister, même s’il n’est pas exempt de critiques.
Mme Esther Benbassa. N’est-ce pas ?
Mme Nathalie Goulet. Je sais que vous vous tenez en embuscade, madame Benbassa !
Passant récemment devant la pyramide du Louvre sous une pluie battante, j’ai constaté que l’arrosage automatique fonctionnait à plein, noyant des fleurs déjà détrempées, qui n’en demandaient pas tant !
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas très écologique…
Mme Nathalie Goulet. C’est une image de notre incapacité à nous abstraire des mécanismes, des habitudes, des rituels. Quelles que soient les circonstances, on objecte que c’est difficile, compliqué, stigmatisant, que ce n’est pas le bon texte, pas le bon jour, que le Gouvernement va faire des annonces, qu’une loi-cadre va arriver et que, en prime, c’est inconstitutionnel…
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. C’est bien résumé !
Mme Nathalie Goulet. Ces réflexes d’autocensure sont encore beaucoup plus marqués quand on aborde la question des religions. L’objet de la proposition de loi dont nous allons discuter aujourd’hui va faire débat. Cela tombe bien, parce que c’est le but !
Parler des ministres des cultes, de leur formation ou des associations cultuelles ? J’entends déjà les commentaires : nous ne sommes plus au temps de Napoléon, ne stigmatisons pas les musulmans et l’islam, le texte est inconstitutionnel…
Je pense que personne dans cet hémicycle ne doute que nous ayons une vision totalement républicaine de l’islam. Les membres de la mission d’information sur l’islam ici présents peuvent en témoigner.
Le débat sur les questions religieuses est tendu et délicat. Il est néanmoins de notre responsabilité politique de l’aborder. C’est ce que fait le groupe Union Centriste, qui a décidé d’inscrire à son ordre du jour réservé une proposition de loi déposée par André Reichardt au nom du groupe Les Républicains.
Dans sa rédaction initiale, comme beaucoup de propositions de loi, ce texte comportait des dispositions d’appel et d’autres perfectibles, mais les objectifs sont clairs. Madame le ministre, nous vous l’avons soumis dès le mois de janvier, afin que vous nous livriez votre analyse, vos critiques, vos commentaires.
À ce stade, je voudrais remercier notre rapporteur de ses efforts pour obtenir un vote favorable de la commission des lois, après avoir taillé à la serpe druidique bretonne un texte qui, encore une fois, était perfectible.
J’approuve totalement l’intitulé de la proposition de loi tel qu’il résulte des travaux de la commission des lois : « proposition de loi relative aux conditions d’exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain ».
Notre texte répond en partie à de vraies préoccupations. Il se heurte d’ailleurs aux mêmes obstacles que ceux que vous aviez rencontrés à propos d’un texte relatif au contrôle des écoles hors contrat, madame le rapporteur.
Mon collègue André Reichardt, auteur de cette proposition de loi, évoquera plus longuement l’aspect constitutionnel. Pour ma part, je consacrerai mon propos aux questions de fond.
Le premier sujet est celui de l’alignement des statuts des lois de 1901 et de 1905.
Contraindre les associations gestionnaires de cultes à adopter un statut, celui prévu par la loi de 1905, serait inconstitutionnel, nous dit-on. Autrement dit, nous entretenons le doute, nous continuons le jonglage entre les statuts fixés par les lois de 1901 et de 1905 et les latitudes de gestion afférentes.
La commission ayant supprimé l’article 1er du texte, nous avons déposé un amendement visant non pas à contraindre l’adhésion au statut de 1905, mais à aligner les obligations financières et de transparence des deux statuts. Cette mesure avait été adoptée dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, dont Françoise Gatel était déjà le rapporteur. Elle est aujourd’hui prônée par l’Union des mosquées de France, qui demandait expressément, dans un document publié le 18 mars dernier, le placement des associations gestionnaires de mosquées sous le régime de la loi de 1905. L’autre option serait d’imposer aux associations régies par la loi de 1901 les mêmes exigences en matière de gestion et de transparence que celles qui s’appliquent aux associations régies par la loi de 1905. Nous ne demandons pas autre chose.
Notre proposition de loi reprend donc des mesures prônées par les musulmans eux-mêmes. Je ne vois pas quels autres cultes pourraient être opposés à une telle disposition.
Le deuxième sujet, également très important, est celui de la formation des ministres du culte.
L’an dernier, lors du dîner du Conseil français du culte musulman, le CFCM, le président Macron s’est exprimé sur ce sujet dans les termes suivants : « Notre […] combat, c’est celui de la formation des imams et des enseignants. […] L’enjeu est simple : il importe de former les imams sur le sol français et de façon adaptée aux valeurs de la République. »
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’instituer une formation civique obligatoire. D’ailleurs, aux termes de la proposition n° 10 du document publié le 18 mars dernier par l’Union des mosquées de France, il faut veiller à la « complémentarité entre la formation théologique dispensée par les instituts musulmans » et « la formation profane des diplômes universitaires sur 1’interculturalité, les principes et les institutions de la République ». Il est donc extrêmement important que ces deux formations soient dispensées de manière concomitante. Pour l’instant, ce n’est pas obligatoire.
Je voudrais m’arrêter maintenant sur la loi de 1905 et sur les conventions signées entre nos ministres français et les ministres du culte de pays étrangers pour la formation théologique des futurs imams de France et la politique officielle des imams détachés.
La déclaration conjointe franco-marocaine, que j’ai entre les mains, est tout de même un modèle du genre. Signée par Laurent Fabius et par le ministre marocain des affaires islamiques – quel formidable signe de respect de la laïcité… –, elle rappelle « la volonté des autorités françaises d’accompagner la formation d’un islam pleinement ancré dans les valeurs de la République, […] dont les imams seront à terme formés en France ». Il y est indiqué plus loin qu’« une formation académique supplémentaire est dispensée en France selon les modalités arrêtées par les autorités françaises » – mais on ignore quelles sont ces modalités – et qu’un comité bilatéral assurera la coordination régulière entre la formation profane et la formation religieuse, dont on a bien compris qu’il n’était pas question dans ce débat.
Si cette déclaration conjointe est conforme aux principes de laïcité, notre simple proposition d’aligner les statuts des lois de 1901 et de 1905 et de rendre obligatoire une formation civique de l’ensemble des ministres des cultes l’est tout autant !
Dans la période très difficile que nous traversons, nous ne pouvons pas laisser le débat sur les cultes aux extrêmes. Il est impératif de définir avec les représentants de tous les cultes un modus operandi, un socle de notre vie républicaine. C’est exactement ce que propose Françoise Gatel, en s’inspirant du modèle britannique de conseil consultatif des cultes. Je pense que c’est une excellente initiative, et j’espère que la Haute Assemblée votera ce dispositif.
Notre pire ennemi est l’ignorance. Il faut former les cadres religieux en France conformément aux principes de la République. Il faut absolument que l’enseignement du bloc de légalité soit formalisé et obligatoire. C’est une partie fondamentale de la proposition de loi que je défends aujourd’hui. Il faut sortir de la crainte révérencielle du hashtag #pasdamalgame. N’abandonnons pas ce débat aux moins républicains d’entre nous…
Madame le ministre, utilisez le travail parlementaire que nous avons fait pour éclairer les annonces attendues du Président de la République. Notre conviction est que l’ordre public républicain s’applique à tous et à toutes partout sur le territoire de la République. C’est aux religions de s’adapter à la République et à l’état de droit, et certainement pas à la République de s’adapter aux pratiques religieuses des uns et des autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, déposée par nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt pour faire suite à leur excellent rapport rédigé au nom de la mission d’information sur l’islam en France, la présente proposition de loi aborde un sujet à la fois épineux du fait de sa complexité juridique et incontournable en raison de sa résonance avec le pacte républicain.
Je tiens à remercier le président du groupe Union Centriste, Hervé Marseille, d’avoir inscrit l’examen de cette proposition de loi dans l’espace réservé à son groupe. Je remercie également M. Philippe Bas, président de la commission des lois, d’avoir soutenu les évolutions que j’ai proposées, en accord avec les auteurs du texte.
Le sujet est délicat, voire inflammable, mais j’affirme très posément, avec conviction, que, au Sénat, ce haut lieu de la démocratie, « gardien des libertés », pour reprendre une expression de notre éminent collègue François Pillet, nous devons pouvoir débattre des sujets qui tourmentent notre société.
J’affirme avec conviction et force le respect des centristes pour la laïcité et la liberté de conscience.
J’affirme avec conviction que le législateur, vivant au cœur de la société, ne peut ni ne doit éviter, esquiver, taire les réalités, a fortiori quand celles-ci troublent la société.
J’affirme tout aussi posément qu’il ne s’agit nullement de stigmatiser un culte, mais de reconnaître l’importance d’une religion qui compte 6 millions de fidèles dans notre pays, de la respecter et de préserver les musulmans eux-mêmes de l’opprobre qui peut naître de la peur et de la crainte de la diffusion du fanatisme, du repli identitaire.
Mes chers collègues, qui peut occulter ou nier ces questions urgentes et complexes que sont la structuration du culte musulman, la transparence des financements, la lutte contre la dérive radicale et la formation des imams ? Il n’est de jour sans débat ou article sur la laïcité et l’exercice du culte dans un cadre républicain.
Le ministre de l’intérieur, qui est chargé des cultes, a lui-même déclaré mardi, lors d’un dîner de rupture du jeûne du ramadan, que les enjeux sont trop importants pour que l’État s’en désintéresse.
Le texte que nous examinons aujourd’hui répond à deux objectifs principaux : rendre obligatoire l’organisation sous le régime de la loi de 1905 de toute association assurant l’exercice public d’un culte ou la gestion d’un lieu de culte, en supprimant ainsi la possibilité d’opter pour le régime plus souple de la loi du 1er juillet 1901 ; restreindre, sous peine de sanctions pénales, l’exercice de la faculté de célébrer publiquement un culte aux seuls ministres du culte ayant reçu une formation délivrée par une instance cultuelle à la représentativité reconnue par l’État.
Mais cette version initiale du texte se heurtait au cadre juridique très contraignant qui régit cette question et porte atteinte à plusieurs principes constitutionnels majeurs : la liberté de culte, la liberté d’association, la légalité et la nécessité des délits et des peines.
C’est pourquoi, en accord avec les auteurs, j’ai proposé des évolutions, qui ont été approuvées par la commission des lois. Elles sont le fruit d’une navigation délicate et serrée entre de grands monuments législatifs : la Constitution, les lois de 1905 et de 1907 sur la séparation de l’Église…
Mme Françoise Laborde. « Des » Églises !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … et de l’État, la loi de 1901 sur la liberté d’association.
Ces lois sont de grandes œuvres législatives, du travail d’orfèvre. Elles ont permis à notre pays de traverser le XXe siècle dans un climat de paix sociale et religieuse qui honore encore les auteurs.
Toutefois, du haut de ces monuments législatifs, plus d’un siècle nous contemple, et force est de constater que la réalité de ce XXIe siècle suscite de nouvelles interrogations.
Parlons maintenant du texte.
Instaurer l’obligation, pour les associations ayant une activité cultuelle de se soumettre au régime de 1905, constitue une ingérence dans l’organisation d’un culte et se heurte au principe de liberté d’association. Or le Conseil constitutionnel a toujours veillé à ce que les associations puissent se « constituer librement », en application d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République. La commission des lois a donc, dans sa sagesse, supprimé toute disposition portant atteinte à ce principe.
Instituer l’obligation de la formation des ministres du culte reviendrait à réglementer l’accès à la fonction de ministre du culte, mais également la célébration du culte elle-même, qui ne pourrait pas avoir lieu en l’absence de ministre formé. La désignation par décret en Conseil d’État d’une instance suffisamment représentative de chaque culte reviendrait en outre à ce que l’État détermine lui-même quelles sont les instances représentatives.
Mettre en œuvre ces propositions constituerait une immixtion très forte dans l’organisation et la célébration des cultes, en complète contradiction avec le principe selon lequel l’État ne reconnaît aucun culte, et contreviendrait au principe constitutionnel de libre exercice des cultes.
Vous le savez, il ne peut pas être dérogé à ces principes que pour des raisons d’ordre public. Or, de telles obligations ne sont pas directement justifiées par un motif d’intérêt général, relevant de l’ordre public, de sorte que cette ingérence de l’État dans le libre exercice des cultes ne trouve pas de justification constitutionnelle.
La neutralité de l’État à l’égard des religions est telle que, de façon remarquable, il n’existe pas de définition juridique du culte. S’agit-il d’un flou volontaire, de la part du législateur, pour préserver la liberté de conscience ou d’une identification évidente des cultes existants dans notre pays en 1905 ?
Cette absence de définition juridique se double parfois d’une absence de signification dans certaines religions. Ainsi, chaque fidèle de l’islam est un ministre du culte en puissance, puisqu’il peut diriger la prière commune. Qui plus est, il n’existe pas aujourd’hui dans l’islam d’organisation formelle et hiérarchique telle qu’il en existe dans d’autres religions.
Appliquer ces dispositions initiales pourrait aussi créer une inégalité entre les citoyens dans l’exercice de leur religion, et plus largement entre les religions, selon qu’un culte disposerait ou non de la capacité à former des ministres du culte sur le territoire français. La commission a, de ce fait, supprimé ces dispositions.
Toutefois, la commission des lois a prévu d’instaurer une formation obligatoire civile et civique pour les aumôniers –ceux-ci étant rémunérés et recrutés par l’État – intervenant dans les établissements pénitentiaires, les centres hospitaliers et les armées, dans le respect du principe de liberté de culte pour des publics empêchés. Cette disposition reprend le contenu du décret du 3 mai 2017 de Bernard Cazeneuve, alors ministre. Ce décret fait actuellement l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, avec une possibilité d’annulation, notamment pour incompétence du pouvoir réglementaire sur le sujet.
La commission des lois propose en outre d’instaurer un conseil consultatif des cultes placé auprès du ministre de l’intérieur pour favoriser le dialogue entre les pouvoirs publics et les représentants des cultes. « Nous devons progresser ensemble », a d’ailleurs déclaré cette semaine le ministre de l’intérieur, lors du dîner de rupture du jeûne du ramadan que j’évoquais à l’instant.
Enfin, la commission des lois a écarté toute redondance avec des infractions existantes, mais assorties de peines différentes et inférieures, au profit de la création d’une circonstance aggravante pour les délits de provocation à la discrimination ou à la violence à caractère racial, de provocation ou d’apologie du terrorisme, lorsque ces délits sont commis dans le cadre d’une réunion pour la célébration d’un culte. Cette circonstance aggravante se justifie par l’influence qu’exerce un ministre du culte ou tout animateur d’un culte sur les fidèles.
Cette proposition de loi ne représente pas le Grand Soir au regard de la loi de 1905.
Mme Françoise Laborde. Voire !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Elle nomme les choses, sans doute de manière incomplète, mais elle a le grand mérite d’amorcer un débat sur des interrogations qui troublent et hantent parfois notre société.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ces troubles et ces peurs conduisent à une laïcité parfois militante et exacerbée, voire radicale et accusatrice, contraire à l’esprit de la loi de 1905, qui définit une laïcité de neutralité.
Le Président de la République lui-même a clairement exprimé sa volonté de sortir d’une crise de confiance par l’émergence d’un islam de France structuré.
En débattant de ce texte, le Sénat s’inscrit dans cette exigence, largement partagée, car elle traverse notre société. Tel un premier de cordée, il ose ouvrir un chemin de crête entre liberté et respect de la République, pour retrouver l’esprit initial de la laïcité, celui de la paix religieuse et sociale. Ce chemin, c’est celui de l’exercice de la liberté de culte dans l’espace républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les conditions d’exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain – pour reprendre le nouvel intitulé de la proposition de loi adopté par la commission des lois – sont au cœur des préoccupations de nos concitoyens.
À vrai dire, ces préoccupations, et celles qui ont motivé, chère Nathalie Goulet, cher André Reichardt, les auteurs de cette proposition de loi, sont, pour l’essentiel, plus précises : elles concernent la place de l’islam au sein de la société française, sa place comme culte parmi d’autres cultes en France, soumis aux mêmes principes constitutionnels de laïcité, de liberté d’opinion et de culte, d’égalité devant la loi, mais aussi les défis que des expressions radicales, violentes, dévoyées de l’islam font peser sur notre cohésion nationale.
Face à ces défis, le Président de la République a, vous le savez, engagé une réflexion visant à poser, dans les prochains mois, les jalons d’une réforme de l’islam de France et des conditions d’exercice du culte.
La philosophie de cette réforme est claire ; le Président de la République l’a rappelée au mois de juin 2017.
D’une part, chaque Français de confession musulmane a le droit de vivre paisiblement sa foi, comme tous les autres Français, dans le respect du principe de laïcité. Cela signifie que chaque Français, partout en France, est libre de croire ou de ne pas croire, libre de pratiquer un culte ou de n’en suivre aucun. Le Gouvernement n’acceptera jamais que ce principe fondateur soit attaqué, remis en cause ou instrumentalisé. Il le fera respecter sans outrance et sans provocation, mais avec la ferme conviction que la laïcité est constitutive de ce que nous sommes : la France.
D’autre part, les Français musulmans ont à mener, avec l’ensemble de la société française et avec l’État, un combat commun essentiel, consistant à faire reculer les idées radicales, en particulier chez les jeunes.
Ce constat, vous le faites tous comme moi : si la grande majorité des musulmans français adhèrent pleinement aux idéaux républicains et aspirent à vivre dans la concorde, ils ne sont pas, tant s’en faut, les plus entendus ; les idées radicales progressent, allant du djihadisme meurtrier le plus abject à la volonté de vivre de façon séparée, voire ségréguée, selon des règles distinctes de celles de la société française. Nul ne peut nier que leur poids, sur internet, dans certains quartiers, mais aussi dans certains lieux de culte, est excessif.
Devant cette prédominance des idées radicales, le Gouvernement et le Président de la République refusent tout fatalisme, car c’est notre rôle de protéger l’ordre public et de préserver la cohésion nationale. Il est donc essentiel d’engager la réflexion, comme vous l’avez fait dès 2016 avec un rapport faisant désormais référence, intitulé « De l’islam en France à un islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés ».
Vous aviez déjà pointé, à cette occasion, les principaux chantiers à ouvrir en la matière : la formation des ministres du culte, le financement et l’encadrement juridique du culte musulman, la représentation de celui-ci. La réflexion est donc ouverte autour du Président de la République, et le Gouvernement partage à cet égard l’ensemble des interrogations que vous avez soulevées.
Instaurer une obligation de formation pour tous les ministres du culte ne peut être, nous le croyons, une solution conforme au principe de libre organisation du culte, qui est le pendant de la laïcité, mais nous partageons intégralement votre diagnostic : structurer une offre de formation des imams en France est indispensable.
Il en va de même s’agissant des obligations de transparence du financement du culte. Ces obligations, vous le savez, pèsent aujourd’hui sur les associations qui bénéficient de plus de 153 000 euros de dons ; elles pèseront demain sur toutes les associations cultuelles si l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance aboutit.
À cet égard, nous partageons largement les préconisations que vous formulez à propos de l’extension de ces obligations à toutes les associations au sein desquelles s’exerce le culte, y compris lorsqu’elles sont, comme c’est le cas de bon nombre de lieux de culte musulmans, organisées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901, même s’il nous semble qu’elles doivent être affinées techniquement pour pouvoir être pleinement applicables.
En clair, nous convergeons sur les constats, les interrogations, mais, malheureusement, le calendrier de ces réflexions, comme vous l’avez vous-même relevé, chère Nathalie Goulet, s’avère peu compatible avec l’examen aujourd’hui de cette proposition de loi : le Gouvernement ne saurait préempter la réflexion actuellement menée avec le Président de la République.
Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement ne peut être favorable à l’examen de la proposition de loi en l’état, sous quelque forme que ce soit. Il me paraîtrait préférable à cet égard que ce texte soit retiré.
Néanmoins, je puis vous assurer que nous avons pleinement entendu tant les préoccupations que vous avez exprimées que votre volonté d’être associés aux réflexions en cours. Cela me paraît utile, voire nécessaire ; je ne manquerai pas de le faire valoir dans la suite des discussions avec le Président de la République et le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel.
M. Michel Amiel. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la loi de 1905 était une loi de compromis entre, d’un côté, la condamnation par l’Église de la séparation de l’Église et de l’État – confer « la France, fille aînée de l’Église » –, et, de l’autre, le projet d’Émile Combes, qui visait à empêcher l’Église de fonctionner selon ses propres règles.
La loi de 1905 sauvegarde la liberté de chacun. Son article 1er dispose que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »
La liberté de conscience est la liberté la plus fondamentale qui soit, déjà posée par l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »
Mais quelle est la philosophie de la loi de 1905 et quelles étaient les intentions de ses pères fondateurs ?
Au-delà du cadre juridique, il existe, me semble-t-il, une ambition morale de concourir à former des « consciences autonomes ». Ainsi, selon Charles Renouvier, philosophe de la République du XIXe siècle, aujourd’hui totalement oublié, « la République n’était pas autre chose que la cité des consciences autonomes », ce que Clemenceau résumera d’une de ces formules lapidaires dont il avait le secret : « l’homme enfin seul » !
Les républicains qui feront la loi de 1905 prendront bien garde à ne pas s’engouffrer dans cette voie, en reconnaissant que la liberté de culte est le prolongement et la condition de la liberté individuelle de conscience pour les croyants.
Est-il nécessaire de rappeler que, à l’époque de l’élaboration tumultueuse de la loi de 1905, le culte musulman était inexistant en France ? Aujourd’hui, l’islam est la deuxième religion pratiquée sur notre territoire, et ses dérives ne vont pas sans poser problème, au point que les réflexions qui tournent autour de cette religion, y compris, bien évidemment, celles du législateur, tendent à en diminuer les effets collatéraux, voire pervers, tout en essayant de la faire cadrer avec l’esprit républicain.
C’est dans cet esprit que nous avons publié le rapport d’information intitulé « De l’islam en France à un islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés ». Corinne Féret était la présidente de cette mission d’information, dont les rapporteurs étaient Nathalie Goulet et André Reichardt. J’ai moi-même activement participé à ses travaux. L’idée qui nous guidait n’était pas de donner à la République la tâche de réformer l’islam – cela dépasserait le cadre de la laïcité –, mais d’inscrire l’avenir de ce culte dans la nation française en faisant en sorte qu’il ne dépende plus du monde arabo-musulman – Maroc, Algérie, Turquie, monarchies du Golfe – pour le financement des mosquées et des associations cultuelles, voire culturelles, ainsi que pour la formation des imams.
Mais venons-en au texte qui nous est soumis.
La proposition de loi du sénateur André Reichardt répond à un double objectif : d’une part, l’unification sous le seul régime des associations cultuelles, tel que défini par le titre IV de la loi du 9 décembre 1905, de toutes les associations chargées de l’exercice public d’un culte ou de la gestion d’un lieu de culte ; d’autre part, la création d’une qualification cultuelle des ministres des cultes et l’instauration de l’obligation, pour les associations cultuelles, de ne recruter leurs ministres que parmi les personnes titulaires de cette qualification.
La question qui se pose est la suivante : est-il possible d’imposer à une association dont l’objet est l’exercice public du culte de s’organiser sous la forme juridique exclusive de l’association cultuelle établie par la loi de 1905 ?
Ce texte déroge à deux principes : celui de la liberté de religion, car son application empêcherait certaines associations d’organiser des rites et cérémonies cultuels dès lors qu’elles ne se conformeraient pas aux termes de la loi de 1905, et celui de la liberté d’association, en ce sens que, l’objet social d’une association relevant du régime de la loi de 1901 pouvant n’être que partiellement cultuel, la réduire au régime de la loi de 1905 limiterait son champ d’activité.
Quant à l’épineuse question de la formation des ministres du culte, on ne peut la réduire, du moins juridiquement, à celle de la formation des seuls imams…
La proposition de loi prévoit la création d’une « qualification cultuelle reconnue » qui recouvrirait une formation « théologique » portant sur la connaissance et la pratique du fait religieux – textes, rites, etc. – et une formation civique et civile centrée sur la connaissance des lois et règles de notre République, avec comme finalité, disons-le, l’inscription de la pratique religieuse dans le cadre républicain, en particulier celui de la laïcité. Cette qualification serait délivrée par une « instance suffisamment représentative ».
Ce second point contrevient au principe constitutionnel de neutralité, dont découle celui de libre organisation des cultes, puisque, dans cette hypothèse, l’État interviendrait dans la reconnaissance d’une instance cultuelle, ce qui va à l’encontre du principe de séparation des Églises et de l’État.
De plus, la fonction de ministre du culte n’a jamais été clairement définie et varie considérablement selon les religions pour ce qui est de la lecture ou de l’interprétation des textes sacrés, mais aussi pour ce qui est des comportements à adopter dans la vie de tous les jours en fonction des prescriptions religieuses. Ainsi, si la séparation de l’Église chrétienne et de l’État est déjà en germe dans les paroles du Christ – « il faut rendre à César ce qui est à César » –, comme le démontre brillamment Marcel Gauchet dans Le Désenchantement du monde : une histoire politique de la religion, il en va tout autrement dans l’optique d’une lecture littérale de l’islam, puisque cette religion règle, par la charia, la vie civile.
L’enfer est pavé de bonnes intentions : pour les raisons de non-constitutionnalité que j’ai évoquées, nous ne pourrons voter cette proposition de loi. Elle aura néanmoins eu l’immense mérite d’ouvrir un débat qui est loin d’être clos. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, l’organisation des cultes a préoccupé les pouvoirs publics dès le lendemain de la Terreur. Le Concordat de 1801 et les articles organiques de 1802 ont ainsi soumis catholiques et protestants à une réglementation officielle.
Quant aux juifs, ce n’est que le 17 mars 1808 que trois décrets les concernant sont finalement promulgués. Les communautés juives autonomes sont remplacées par un consistoire central et des consistoires départementaux composés de laïcs et de religieux. Portés par cet élan et convaincus que leur modernisation passera par la formation de leurs ministres du culte, les juifs inaugureront en 1830 à Metz une école rabbinique, qui sera transférée en 1859 à Paris, où elle prendra le nom de Séminaire israélite de France. Cette école existe encore aujourd’hui ; elle est située à proximité du Sénat.
Je me suis permis ce petit préambule, chers collègues, pour vous rappeler que le souci de la formation des ministres des cultes minoritaires ne date pas d’hier, mais aussi qu’il s’est passé quelque chose en 1905 : la fin du Concordat, hors Alsace-Moselle, et la promulgation de la loi de séparation des Églises et de l’État, promouvant une laïcité sans excès. C’est en effet la version la plus libérale de cette séparation qui a gagné : celle d’Aristide Briand, et non celle du « petit père Combes », adversaire déterminé de la religion.
Notre laïcité garantit la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, ce que certains ont, hélas ! parfois tendance à oublier lorsqu’il s’agit de l’islam.
Les auteurs de la présente proposition de loi estiment nécessaire de s’ingérer dans le fonctionnement du culte musulman, au motif que la loi de 1905 aurait été rédigée à une époque où le territoire national ne comptait que peu de musulmans, et que seuls les cultes chrétiens et juif avaient fait l’objet, en amont, d’une adaptation aux lois de la République. C’est aller un peu vite, chers collègues : nos colonies, que je sache, étaient soumises au droit colonial, tiré pour beaucoup des lois républicaines appliquées en métropole, et si leurs habitants n’étaient pas, hélas ! des citoyens français, ils n’en étaient pas moins des sujets de droit, qui ont vu leurs pratiques culturelles et religieuses évoluer, elles aussi. L’islam ne nous est pas si « étranger » que certains le soutiennent !
Auteure, avec Catherine Troendlé, d’un rapport sur la déradicalisation, je suis consciente des conséquences néfastes des replis identitaires ou du développement des thèses salafistes dans certains quartiers abandonnés par les pouvoirs publics. Ces phénomènes ne touchent pourtant pas l’ensemble des musulmans, qui aspirent à vivre leur foi dans la sérénité.
Former les ministres du culte musulman est certes une urgence, mais cela ne nous autorise pas à déroger à nos principes laïques. L’initiative doit venir de l’intérieur du groupe concerné si l’on veut qu’elle ait quelque impact. Les possibilités sont nombreuses, il n’est nul besoin d’imposer un modèle unique. Le cas d’autres religions n’ayant pas de clergé en témoigne.
L’impuissance des pouvoirs publics face aux financements opaques, notamment étrangers, des édifices cultuels musulmans interpelle davantage. Ils favorisent le développement d’influences fondamentalistes dans certaines mosquées, ainsi que la prolifération de prêches et discours ultra-rigoristes, inspirés par des lectures non contextualisées des textes scripturaires. C’est cet endoctrinement qui doit retenir notre attention, même si les candidats au djihadisme, finalement, fréquentent très peu les mosquées.
Un contrôle de la formation des aumôniers, qui sont rémunérés par l’État, est certes possible et nécessaire.
Le texte issu des travaux de la commission se focalise en revanche sur la création d’un « conseil consultatif des cultes » ayant, entre autres missions, celle de « contribuer à la réflexion sur les conditions de la formation des cadres religieux et ministres du culte » et de « favoriser le dialogue interreligieux ». Y siégeraient deux sénateurs et deux députés.
L’ingérence des pouvoirs publics dans l’exercice des cultes préconisée au travers de la proposition de loi contrevient clairement aux principes posés par la loi de 1905, qui sépare strictement les domaines politique et spirituel. La création d’un tel conseil irait à l’encontre de l’esprit même de la laïcité à la française. Je crains que les musulmans, qui pourraient y voir une mise sous tutelle, ne s’en trouvent à juste titre froissés. La mise en œuvre d’une telle disposition pourrait également déstabiliser les autres religions, d’autant qu’existe déjà, depuis 2010, la Conférence des responsables de culte en France, la CRCF, où siègent deux responsables par culte, y compris le culte bouddhiste, et qui se réunit tous les deux à trois mois.
Chers collègues, restons dans notre rôle. Nous sommes des législateurs, non des organisateurs ou réorganisateurs des cultes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Françoise Laborde et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, j’espère qu’en examinant cet après-midi la présente proposition de loi nous ne raviverons pas les débats du début du siècle précédent, sur un sujet extrêmement difficile.
La France a-t-elle aujourd’hui un problème avec l’islam comme elle a pu en avoir un avec la religion catholique ? Faut-il relancer cette guerre d’un État contre des pratiques religieuses ? Un certain nombre d’entre nous ont participé à la mission d’information qui a abouti au rapport présenté par Mme Goulet et M. Reichardt. L’objectif, à l’origine, au-delà de l’établissement d’un diagnostic, était de parvenir à formuler des propositions d’organisation. Mes chers collègues, vous avez dû faire le constat, comme d’autres avant vous, notamment les gouvernants, que cela était bien difficile ; j’y reviendrai.
Lorsque la France a eu un problème avec la religion dominante, qui était alors religion d’État, c’est avec un autre État qu’elle a signé le Concordat, toujours en vigueur dans nos trois départements d’Alsace-Moselle, l’Allemagne ayant considéré qu’elle pouvait fort bien s’accommoder de ce texte de droit français organisant les trois cultes qu’elle aussi reconnaissait.
L’Allemagne a d’ailleurs également essayé d’organiser culte musulman ; elle n’a pas mieux réussi que nous. C’est à ceux qui pratiquent un culte de l’organiser. De ce point de vue, faisons très attention à ce que nos débats ne fustigent pas nos concitoyens musulmans, en donnant l’impression que c’est parce que les imams ne sont pas correctement formés ou parce qu’ils viennent de pays étrangers que le terrorisme se développe sur notre territoire. Nous savons bien que, pour l’essentiel, le salafisme est propagé, dans certains lieux de culte, par des imams de nationalité française qui prêchent en français ! Et en même temps, comme dirait le Président de la République (Sourires.), la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme permet de fermer des lieux de culte si l’on y prononce des prêches contraires à l’ordre public. C’est ce dispositif du droit commun qu’il faut utiliser en cas de dérives.
En ce qui concerne la formation des ministres des cultes, vous-mêmes écriviez dans votre rapport d’information, madame Goulet, monsieur Reichardt, que « le ministère du culte relevant de chacun des cultes et, dans la religion musulmane sunnite, relevant même du choix de la communauté des fidèles, l’État ne peut en aucun cas conditionner l’exercice de l’imamat à tel ou tel niveau de formation, ni religieuse ni laïque ».
Dès lors, il nous faut parvenir à convaincre nos compatriotes musulmans de s’assurer que leurs imams puissent bénéficier d’une formation. Mais peut-on l’imposer ? Si l’on veut s’engager dans cette voie, il faudra instaurer les mêmes obligations pour tous les cultes. À cet égard, il est intéressant d’observer que le décret sur la formation des aumôniers exerçant dans les armées, les prisons ou les hôpitaux est attaqué devant le Conseil d’État non par des responsables du culte musulman, mais par l’épiscopat !
Mmes Nathalie Goulet et Françoise Laborde. Eh oui !
M. Jacques Bigot. Cela prouve que la question doit être traitée pour l’ensemble des cultes.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Bien sûr !
M. Jacques Bigot. Nous ne devons donc pas donner l’impression que seul l’islam serait concerné par notre débat.
Mme Françoise Laborde. Absolument !
M. Jacques Bigot. Or il me semble que certains articles du texte risquent d’être perçus comme visant spécifiquement l’islam.
Interrogeons-nous sur la manière dont nous pouvons faire respecter la laïcité. Le Président de la République y réfléchit, après d’autres gouvernants ; cela reste extrêmement compliqué. Est-il utile de créer un conseil consultatif des cultes qui viendrait s’ajouter aux instances déjà existantes ?
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
M. Jacques Bigot. Vous nous donnerez votre sentiment sur ce point, madame la ministre. Il me semble qu’un précédent ministre de l’intérieur, M. Joxe, avait déjà souhaité en créer un… Je ne suis pas sûr, pour ma part, que ce soit bien utile. Du moins avez-vous bien voulu, madame la rapporteur, exclure que ce conseil consultatif organise le dialogue interreligieux. Il appartient aux religions de le faire, et elles le font.
Mme Françoise Laborde. C’est de l’œcuménisme !
M. Jacques Bigot. Abandonnons cette idée que l’on puisse, sur ce sujet, imposer quoi que ce soit : vous l’avez vous-mêmes écrit, madame Goulet, monsieur Reichardt, dans votre rapport ; comment pouvez-vous aujourd’hui nous proposer le contraire au travers de ce texte ? Je n’ose croire que c’est pour susciter un nouveau débat ou pour fustiger l’islam !
Madame la rapporteur, je vous remercie de votre objectivité et du travail que vous avez réalisé. Cependant, vous auriez dû aller jusqu’au bout et avoir le courage de demander, comme Mme la ministre l’a fait, le retrait de cette proposition de loi ou, à défaut, la suppression de tous ses articles. Au lieu de quoi, vous essayez de la sauver en en maintenant certains points.
Attendons que le Conseil d’État se prononce sur le décret que j’évoquais à l’instant, l’épiscopat ayant sans doute soulevé d’autres motifs. À mon avis, cette question relève du niveau réglementaire, mais si tel n’est pas le cas, il faut effectivement que la loi intervienne. Quelle est votre opinion à ce sujet, madame la ministre ?
Concernant toujours la création de ce conseil consultatif, la rédaction issue des travaux de la commission peut donner à entendre que l’on envisagerait de remettre sur le métier la loi de 1905 et d’organiser de façon différente les rapports entre l’État et les religions. J’espère, madame la ministre, que telle n’est pas l’intention du Président de la République. Cela permettrait peut-être de résoudre la question du financement des cultes, mais c’est un chantier difficile et complexe. Si l’on devait l’ouvrir, il nous faudrait prendre le temps de longs débats, madame la ministre.
En tout état de cause, en aucun cas ces débats ne devront être aussi tendus qu’ont pu l’être ceux qui ont abouti à la loi de 1905. Laissons la situation s’apaiser. Tous nos concitoyens, musulmans ou non, le veulent. Ce sera la fierté de la France que de pouvoir continuer à dire que la République est laïque, une et indivisible. Gardons en permanence à l’esprit, dans ce débat, l’article 1er de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d’une formation les qualifiant à l’exercice de ce culte déposée par nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt fait suite à la mission commune d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’islam en France et de ses lieux de culte.
Cette proposition de loi répond à deux objectifs principaux.
Tout d’abord, elle tend à rendre obligatoire l’organisation sous le régime de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État de toute association assurant l’exercice public d’un culte ou la gestion d’un lieu de culte, en supprimant la possibilité d’opter pour le régime plus souple de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
Ensuite, cette proposition de loi vise à restreindre, sous peine de sanctions pénales, l’exercice de la faculté de célébrer publiquement un culte aux seuls ministres du culte ayant reçu une formation délivrée par une instance cultuelle dont la représentativité serait reconnue par l’État. Elle rend ainsi obligatoire la formation des ministres des cultes, afin de préciser le champ d’application des obligations ainsi posées.
Par ailleurs, le dispositif de cette proposition de loi a vocation à s’appliquer dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle pour les cultes ne relevant pas du régime concordataire, c’est-à-dire, en premier lieu, l’islam.
Enfin, elle prévoit l’instauration d’infractions pénales sanctionnant la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère ethnique, national, racial ou religieux, ainsi que les agissements visant à inciter à la commission d’actes de terrorisme.
Si l’objet de cette proposition de loi est effectivement de remédier à des difficultés réelles, pouvant amener des dérives au sein de l’islam, force est de constater qu’elle se heurte à des obstacles, d’un point de vue tant constitutionnel que pratique.
Je tiens à saluer la qualité des travaux du rapporteur, notre collègue Françoise Gatel, qui s’est attachée à dégager des solutions alternatives, tout en répondant à l’intention des auteurs de cette proposition de loi.
En premier lieu, la commission a supprimé les dispositions du texte posant des difficultés d’ordre constitutionnel au regard des principes de liberté d’association et de liberté de culte. Elle a toutefois maintenu l’extension, prévue par le texte, de la réglementation relative à la célébration des cultes aux locaux loués par une association cultuelle, et pas seulement aux locaux dont cette dernière est propriétaire ou qui sont mis à sa disposition.
En deuxième lieu, la commission a décidé d’instaurer un conseil consultatif des cultes, placé auprès du ministre chargé des relations avec les cultes et comprenant des parlementaires, afin de favoriser le dialogue entre les pouvoirs publics et les représentants des cultes, ainsi que de contribuer à la réflexion sur l’exercice de la liberté de culte et sur la formation des cadres religieux et des ministres des cultes.
En troisième lieu, la commission a décidé d’instituer une formation obligatoire civile et civique, sans dimension religieuse et dans le respect du principe de liberté de culte, pour les aumôniers intervenant dans les établissements pénitentiaires, les centres hospitaliers et les armées.
En dernier lieu, la commission a modifié le volet pénal du texte, qui pose une difficulté au regard des principes constitutionnels de nécessité des peines et de légalité des délits et des peines, car il prévoit, pour les infractions qu’il crée, des sanctions différentes de celles qui sont prévues pour des infractions identiques existant déjà.
La commission a ainsi prévu la création, pour les délits visés par la proposition de loi et pour des délits connexes, d’une circonstance aggravante s’ils sont commis dans le cadre d’une réunion pour la célébration d’un culte, justifiée par l’influence qu’exerce un ministre du culte ou tout animateur d’un culte sur les fidèles. Sont ainsi concernés les délits de provocation ou d’apologie du terrorisme, ainsi que les délits de provocation à la discrimination, à la haine ou la violence, les délits de diffamation et les délits d’injure en raison de l’ethnie, de la nation, de la race ou de la religion.
Madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat a la mission fondamentale de garantir nos libertés. Aussi, je souscris pleinement aux modifications apportées par la commission, qui visent à trouver un point d’équilibre entre les libertés, d’une part, et la sécurité, d’autre part.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc en faveur de cette proposition de loi, ainsi modifiée par la commission, qui a cherché à respecter les intentions des auteurs du texte, tout en retenant d’autres dispositifs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les auteurs de la présente proposition de loi, nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt, ont choisi de traduire dans ce texte une partie des recommandations qu’ils avaient formulées en 2016, dans le cadre des travaux de la mission sur la place du financement de l’islam en France et ses lieux de culte.
Si nous pouvons souligner la qualité des travaux de cette mission pour éclairer nos débats, les membres du groupe du RDSE et moi-même n’approuvons pas le texte qui s’en inspire, que ce soit dans sa version initiale ou dans sa rédaction issue de son examen en commission.
En effet, vous le savez, notre groupe est fondamentalement attaché à la loi de 1905 et à ses 44 articles visant à organiser la séparation des églises et de l’État dans notre pays. Les dispositions que vous nous proposez d’adopter aujourd’hui relèvent, pour nous, d’un esprit concordataire que nous ne saurions cautionner.
Toute modification de la loi de 1905 risquerait de nous entraîner vers des évolutions inutiles et non maîtrisées. C’était d’ailleurs le cadrage retenu par la mission d’information : « La loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905. »
Premier écueil, l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale vise explicitement l’organisation d’un culte en particulier, à savoir le culte musulman. C’est contraire à l’esprit républicain et à l’esprit de neutralité et de séparation. L’État traite tous les cultes avec la même neutralité et considère tous les citoyens à égalité, qu’ils aient ou non une croyance religieuse, qu’ils la pratiquent ou non.
De surcroît, nous devons faire face à une situation paradoxale. Alors qu’une étude de l’INED, l’Institut national d’études démographiques, réalisée en 2016 démontre le recul de la pratique religieuse en France, une petite minorité s’attache à pratiquer son culte de façon plus dogmatique, voire radicale. Vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, des manifestations et processions à genoux, devant le Sénat, au moment où nous votions la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Les questions relatives à l’organisation des cultes relèvent du ministre de l’intérieur. C’est lui qui est compétent pour faire respecter les lois si un quelconque trouble à l’ordre public intervient dans ce cadre.
Ces dernières années, nous avons été amenés à nous interroger sur la bienveillance, à l’égard des associations cultuelles impliquées dans la vie communale, de certains élus qui pratiquent des accommodements déraisonnables pour raisons électorales, tels que les prêts de locaux municipaux et autres financements indirects.
La question centrale à laquelle nous renvoie l’examen de ce texte, c’est d’abord celle de l’application pleine et entière des lois de la République et des moyens que, collectivement, nous y consacrons.
Si nous sommes opposés à l’esprit de ce texte, il n’en reste pas moins que des problèmes bien réels se posent et que notre pays doit y apporter des réponses concrètes, mais ce n’est pas la politique concordataire que vous nous proposez qui les résoudra. Elle n’aboutirait qu’à créer davantage de situations discriminantes, d’incompréhensions et de sources de contentieux.
Juridiquement, nous ne sommes pas désarmés. Les articles du titre V de la loi de 1905 concernant la police des cultes doivent être appliqués fermement. Je pense aux articles 25, 26, 34, 35 et 36.
La loi sanctionne tout citoyen appelant à l’exclusion, au communautarisme, ou encore au meurtre. Plutôt que de choisir l’angle privilégié par les auteurs de la proposition de loi, il aurait été plus acceptable, à mon sens, pour rester conforme à l’esprit républicain, de rappeler la pertinence de ces articles de la loi de 1905, qui contiennent déjà des dispositions d’ordre sécuritaire. Mes chers collègues, je vous donne lecture de deux de ses articles.
L’article 35 dispose que « si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile. »
Aux termes de l’article 36, « dans le cas de condamnation par les tribunaux de police ou de police correctionnelle en application des articles 25 et 26, 34 et 35, l’association constituée pour l’exercice du culte dans l’immeuble où l’infraction a été commise sera civilement responsable. »
Le texte initial de la proposition de loi a été complètement réécrit en commission. Concernant la formation des ministres des cultes, je vous rappelle que celle-ci existe déjà sous forme de diplômes universitaires, dont le contenu des enseignements dispensés n’est, hélas, ni homogène sur l’ensemble du territoire ni certifié d’un point de vue républicain.
Ces formations donnent une caution aux ministres des cultes sans pour autant garantir une réelle appropriation des lois de la République. Dans la pratique, je me demande comment les dispositions de votre texte pourraient s’appliquer aux ministres des cultes autoproclamés, comme il peut en exister, par exemple, dans l’église évangélique.
Pour conclure, je voudrais revenir sur la création par l’article 3 d’un conseil consultatif des cultes, placé auprès du ministre en charge des relations avec les représentants des cultes. Une fois de plus, dans la logique de la séparation, les membres du groupe du RDSE estiment qu’il n’appartient pas à l’État de favoriser un tel dialogue : l’œcuménisme revient au religieux.
Quant aux structures existantes, telles que l’Observatoire de la laïcité, il pourrait être utile de les renforcer dans leur compétence de lanceurs d’alerte, qu’elles n’assument pas suffisamment, éludant une partie de la réalité, la plus conflictuelle, et se gardant bien de donner des recommandations audacieuses. Elles pourraient réaliser un relevé exhaustif des situations contrevenant à la loi de 1905, en ce qui concerne l’exercice des cultes, le statut des ministres des cultes ou encore dans le domaine des relations avec les collectivités territoriales.
Compte tenu de ces éléments, notre groupe votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – MM. Éric Jeansannetas et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour, en qualité de coauteur de cette proposition de loi, de rappeler que celle-ci est née de la réflexion menée sur l’islam par la mission d’information sénatoriale, voilà moins de deux ans, dont le rapport portait le titre suivant : « De l’islam en France à un islam de France ».
Ses deux objectifs ayant été abondamment rappelés par les orateurs précédents, je n’y reviens pas. Je souhaiterais toutefois préciser qu’elle a été cosignée par plus de cinquante sénateurs et sénatrices des seuls groupes Les Républicains et Union Centriste, que j’ai bien voulu solliciter. Je voudrais tout particulièrement remercier ce dernier groupe, l’Union Centriste, d’avoir bien voulu inscrire dans un de ses créneaux de la semaine dite sénatoriale.
Je voudrais également remercier Mme Françoise Gatel, issue de ce même groupe, d’en avoir fait le rapport, tout en m’excusant auprès d’elle de l’importance du travail que cela lui a causé.
À ce stade, force est néanmoins de constater que ce texte ne correspond naturellement plus du tout à notre intention initiale. Au sortir de la commission des lois, le texte que nous examinons aujourd’hui est entièrement vidé de son sens.
L’article 1er concernant le recours au régime de l’association cultuelle de la loi de 1905 a été supprimé, de même que l’article 4 relatif à l’obligation de formation des ministres des cultes. S’y substitue un article 3 bis instituant un conseil consultatif des cultes, placé auprès du ministre en charge des relations avec les représentants des cultes.
Il va de soi que cette situation ne saurait me convenir, vous l’aurez compris, non pas par orgueil personnel, étant l’auteur du texte d’origine, mais parce que je pense sincèrement que le Sénat rate ici une occasion de faire réellement œuvre utile. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé des amendements visant à rétablir le sens de la proposition de loi initiale, non sans avoir tenu compte de certaines observations de Mme la rapporteur.
Ma préoccupation essentielle concerne la nécessité de rendre obligatoire pour les cadres religieux et les ministres des cultes une formation spécifique leur assurant une connaissance des principes civils et civiques, des rites de leur confession et de la langue française.
Mes chers collègues, la raison en est évidente : il s’agit bien entendu d’éviter que, faute de formation suffisante, des ministres du culte diffusent des messages contraires à la tolérance et au respect des valeurs républicaines. Au-delà, il s’agit également, grâce à cette formation, comprenez-le bien, de permettre à ces « porteurs de la parole » de contribuer à l’organisation, à terme, dans notre pays, d’un véritable islam de France.
Je suis en effet personnellement convaincu que c’est par la formation du plus grand nombre que pourront être endiguées les dérives et les politiques opaques mises au jour dans le rapport de la mission sénatoriale précitée. Pour en avoir parlé abondamment autour de moi, je relève que nombreux sont ceux qui sont du même avis.
L’opposition à cette mesure se fonde, non pas sur l’inopportunité de l’objectif visé, mais sur son éventuel caractère inconstitutionnel. À cet égard, je me suis personnellement autorisé à saisir de la question deux éminents constitutionnalistes, dont les études, sous réserve de leur accord, pourraient bien entendu être rendues publiques. Leurs conclusions sont moins radicales que les sentences prononcées ici ou là et que j’ai encore entendues à l’instant.
Je me permets ici de m’inspirer des analyses de l’un et l’autre de ces deux juristes concernant tout particulièrement le concept de l’ordre public, sur le fondement duquel des restrictions au libre exercice du culte peuvent être apportées, au sens de l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, d’une part, et de l’article 1er de la loi de 1905, d’autre part.
En l’absence de définition de la notion d’ordre public, il convient de se référer à la décision du Conseil d’État du 28 avril 2004, qui a proposé de retenir, pour l’application de la loi du 9 décembre 1905, une acception large de la notion d’ordre public, « recouvrant non seulement, comme en matière de police générale, la sécurité publique, la tranquillité publique et la moralité publique, mais aussi la prévention des activités pénalement sanctionnées ».
Le rapport Stasi de 2003, à l’origine de la loi du 15 mars 2004, qui a encadré, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires, soulignait également que, « aujourd’hui, la question n’est plus la liberté de conscience, mais l’ordre public », remis en cause par « les tensions et les affrontements dans les établissements autour de questions religieuses ».
Quant à la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, dont l’objet est la prohibition du port du voile intégral par les femmes musulmanes, son fondement dans l’ordre public a même été entendu au sens immatériel des exigences fondamentales du « vivre ensemble » dans la société française. L’ordre public, mes chers collègues, peut donc s’accorder avec la recherche de l’harmonie, éloignée d’une conception répressive.
Partant, une telle définition large de la notion d’ordre public, dans son application au champ religieux, et en particulier à l’islam, est de nature, selon les deux éminents juristes précités, à justifier une conception extensive, sinon instrumentale de celui-ci. Et ils considèrent dès lors que la proposition de loi que, avec d’autres, j’ai déposée intéresse bien l’ordre public, au sens où son objet est d’empêcher la propagation de doctrines religieuses radicales incompatibles avec les lois de la République, de la part d’imams autoproclamés, qui échappent au contrôle de la communauté et qui nourrissent naturellement le terrorisme islamique.
S’il s’agit, bien entendu, d’une intrusion dans la libre organisation des religions, cette restriction est on ne peut plus « nécessaire, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et libertés d’autrui », au sens de l’article 9, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Les deux juristes ajoutent que, comme toujours lorsqu’il s’agit de concilier deux exigences constitutionnelles ou conventionnelles – la liberté religieuse, d’une part, et la sauvegarde de l’ordre public, d’autre part –, il appartiendra au juge, qu’il soit national ou européen, d’apprécier la proportionnalité et les justifications mises en avant par le législateur pour adopter une loi plus restrictive ou imposer de nouvelles obligations, le législateur étant naturellement compétent, aux termes de l’article 34 de la Constitution, pour « fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».
Mes chers collègues, compte tenu de l’absence de précédents significatifs, de la part tant du Conseil constitutionnel que de la Cour européenne des droits de l’homme, l’un des deux constitutionnalistes dont je viens de parler en arrive à la conclusion qu’« il est particulièrement délicat d’anticiper une quelconque réponse dans un sens ou dans l’autre ».
L’autre juriste indique, quant à lui, que la proposition de loi « peut éventuellement trouver sa justification dans l’ordre public, même si la distance apparaît importante entre les dispositions organiques proposées et l’objectif de police poursuivi. »
Au vu de certaines dérives sectaires et radicales, je pense pour ma part qu’il est urgent de trouver un moyen de former les cadres religieux et les ministres des cultes, afin que tous les citoyens puissent exercer leur liberté religieuse dans le respect de nos valeurs républicaines.
C’est bien là tout l’objet de ce texte. Les mesures répressives, comme on en voit à longueur de textes, ne suffisant pas, il nous faut un « rocher » préventif, « un rocher contre lequel se briseraient toutes les tentatives centrifuges des citoyens, des groupes sociaux et du communautarisme au sein de la société », pour reprendre à mon compte les propos tenus par le doyen Jean Carbonnier à la fin du XXe siècle.
Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention, en espérant sincèrement que cette proposition de loi ouvre enfin la voie à un vrai débat, à la fois politique et juridique, car je crois que notre rôle n’est pas de rester les bras croisés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Charles Revet. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, voilà un débat passionnant et animé. Je dois vous avouer que, en écoutant les uns et les autres, j’ai plusieurs fois raturé le texte de mon intervention.
Plus de cent dix ans après le vote de la loi consacrant la séparation des Églises et de l’État, la question de la laïcité et du lien entre l’État et les religions fait toujours débat. La preuve en est apportée aujourd’hui.
Les tribunes dans les grands quotidiens nationaux s’enchaînent, chacun pensant avoir la bonne vision de ce qu’est un État laïc. Encore la semaine dernière, M. Jean Louis Bianco, président de l’observatoire de la laïcité, me disait, à l’occasion d’un échange, qu’il sentait dans notre pays une sensibilité toujours très forte sur toute situation qui touche à la laïcité, aux cultes et au fait religieux – une sensibilité peut-être même trop forte.
Après l’intense émotion suscitée par les différents attentats de ces dernières années, il faut distinguer entre deux niveaux de problèmes : d’abord ce qui relève, au sens strict, de la laïcité, par exemple le non-respect de la neutralité d’un service public, un problème qui reste heureusement assez marginal dans notre pays ; ensuite le radicalisme violent ou le terrorisme, qui se combattent, bien sûr, sur le terrain de la laïcité, mais aussi sur celui de la sécurité et de l’ordre public. C’est en partie l’objet de ce débat.
Aussi loin que remonte notre passé, vous le savez, le fait religieux a pu entraîner chez certaines minorités une forme de dogmatisme et d’extrémisme. Le phénomène n’est pas nouveau, et il suffit de s’intéresser à l’histoire pour constater que nous avons déjà pu vivre de telles situations. Cela touche les plus fragiles, ceux qui sont en quête de sens après des moments de vie souvent difficiles et qui se laissent endoctriner par toutes sortes de prêcheurs.
Nous le savons pertinemment, certains de nos compatriotes peuvent être manipulés par des personnes dangereuses, qui profitent de leurs faiblesses. C’est le rôle de la République de protéger chacun contre ce risque. À cet égard, je voudrais saluer le travail effectué par nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt. Ils connaissent ce sujet, et il est bon que nous ayons ce débat. Ils nous ont permis, avec ce texte, de débattre sur un sujet essentiel, à savoir la question de la radicalisation.
Cela dit, la religion relève de la conscience, et la question posée est la suivante : peut-elle être prêchée par tous ? La République doit être capable, effectivement, de proposer un cadre qui limite les dérives. Cependant, l’État ne peut pas non plus tout contrôler. Il s’agit ici non pas uniquement de légiférer, mais de s’assurer de la capacité de l’État à rendre effective cette loi, sans limiter les libertés de chacun.
Je regardais, il y a quelques jours, un film fameux, que j’adore, La Séparation, du réalisateur François Hanss. C’était une bonne révision avant nos débats ! Comme cela a été dit, il faut bien avoir conscience que la loi de 1905, comme celle de 2001, d’ailleurs, fut un travail d’orfèvre. J’ai pour ma part la conviction, pour reprendre une formule de Montesquieu, que nous ne devrions y toucher que d’une main tremblante.
Ces lois doivent-elles aborder les questions tenant à l’ordre public ? Je n’en suis pas tout à fait certain. En tout cas, c’est tout l’enjeu du débat.
Il faut se rappeler que la loi de 1905 a été pensée dès l’origine comme universelle, s’appliquant à la métropole, mais aussi à l’Algérie, aux croyants de toutes confessions, chrétiens, juifs, musulmans, et, bien sûr, aux non-croyants. C’est à Aristide Briand, qui était, non pas le ministre, mais le rapporteur de cette loi – cela tend d’ailleurs à grandir la fonction de parlementaire ! –, que l’on doit un tel équilibre.
Notre pays doit, bien sûr, faire face aujourd’hui à certaines menaces : le terrorisme, qu’il ne s’agit pas de nier, la radicalisation d’une forme de l’islam ou l’émergence de nouvelles sectes qui mettent en danger notre République. Nous devons être capables de répondre à ces menaces sans remettre en cause ce principe de liberté.
Mes chers collègues, il faut avoir le courage de la vérité, et Mme la ministre a eu le courage de dire tout à l’heure que nous débattions aujourd’hui pour répondre à l’interrogation d’un certain nombre de nos compatriotes sur les relations entre un certain islam – j’insiste sur cette restriction – et les valeurs de la République.
Il ne s’agit surtout pas de considérer que l’islam est incompatible avec les valeurs de la République. Nous devons essayer de comprendre comment le lien peut se forger et se renforcer. Et en arrière-plan, on ne peut pas ignorer qu’il s’agit aussi de s’interroger sur la capacité de la France à assimiler des personnes d’origines culturelles et cultuelles diverses.
Voilà pourquoi nous ne pouvons ni imaginer ni tolérer que l’enseignement d’un islam radical soit admis dans notre pays. C’est l’absence de cette limite au quotidien qui met en danger nos jeunes et qui crée le terreau d’une certaine forme d’extrémisme religieux dans notre pays. L’islam de France doit être capable de se structurer, mais ce n’est pas à l’État d’imposer cette structuration. L’État doit se contenter de poser la limite du cadre républicain.
La conception de la laïcité française est celle d’une République qui ne se mêle pas de l’organisation interne des religions. L’État ne doit pas aller plus loin que de proposer des formations profanes, qui accompagnent ceux qui veulent parler ou prêcher et qui partagent l’histoire, les valeurs et les principes de la République, ainsi que notre langue française, bien évidemment.
À cet égard, je tiens à saluer les propos de Mme la rapporteur, François Gatel, dont on connaît l’engagement. Doit-on parler d’une serpe bretonne ou plutôt d’une plume vive et souple ? (Mme la rapporteur s’esclaffe.) Peut-être les deux…
Notre rôle de parlementaire est de garantir à chacun non seulement la liberté de croire ou non, mais aussi l’exerce de sa croyance. L’État doit ignorer les cultes, tout en permettant le libre exercice des cultes et la pratique religieuse de chacun.
L’historien Patrick Weil a écrit, dans une très belle tribune parue dans le journal Le Monde voilà quelques semaines, que « la laïcité, c’est d’abord la liberté de conscience. » Je crois, comme lui, que la liberté de conscience de chacun est au cœur de la loi de 1905. Cette liberté est, aujourd’hui encore, le meilleur moyen de lutter contre la radicalisation religieuse ; elle est au cœur de notre Constitution.
Pour conclure, je veux saluer la qualité de ce débat et confirmer que le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons à la fin de la discussion générale, et bien des choses ont déjà été dites. La place de l’islam dans notre société ?… Vaste débat !
« Ouvrir une école, c’est fermer une prison. » Cette formule, souvent prêtée à Victor Hugo, est probablement, en réalité, de l’éditeur Louis-Charles Jourdan. Mais qu’importe, car le message est clair et intemporel : la science et la connaissance contre l’obscurantisme et l’ignorance ; l’esprit critique et le libre arbitre contre l’endoctrinement et le déterminisme.
La réalité, néanmoins, est un peu plus complexe que cela, et cette phrase pose deux problèmes au moins : il n’y a jamais eu en France autant d’écoles qu’aujourd’hui, et, pourtant, le nombre de prisons n’a pas diminué pour autant, loin de là ; délinquance et criminalité des jeunes explosent ; il n’y a plus seulement que les adultes qui passent à l’acte.
L’école et l’enseignement ne font pas tout. La présente proposition de loi tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d’une formation les qualifiant à l’exercice de ces cultes, défendue par mes collègues Nathalie Goulet et André Reichardt, prévoit, aux articles 3 et 4, un contrôle par l’État de la définition de la formation et de la qualification des ministres des cultes.
Dans le contexte que nous connaissons, l’idée est notamment de remédier au recrutement d’imams étrangers, rémunérés par des pays tiers, véhiculant les thèses d’un islam radical, prêchant en langue étrangère, poussant à la haine et encourageant les pratiques discriminatoires sur notre sol. Il s’agit de combattre le phénomène pernicieux des imams autoproclamés.
Or ces formations proposées à des radicalisés ne les « déradicaliseront » pas forcément. C’est là un premier écueil.
Si vous considérez que des imams manquant de qualification pourraient tirer quelque bénéfice de ce type de formation, ayez ceci en tête : il existait déjà l’an dernier pas moins de quatorze diplômes universitaires de formation sur le fait religieux et la laïcité, offrant une formation au contexte sociohistorique, au droit et aux institutions de la France, à la gestion d’institutions cultuelles et à une approche universitaire du fait religieux, mais les imams étrangers ne s’y sont inscrits qu’en très petit nombre. C’est là un second écueil.
Dans la mesure où elle touche au contenu même de la pratique religieuse, je suis rassurée sur le fait que ladite « qualification cultuelle reconnue », dont devront justifier les ministres des cultes, relèvera non pas du domaine de la loi, mais bien de chaque confession, selon des modalités dont celle-ci sera seule juge.
Je suis convaincue en effet que l’État n’a pas vocation à contrôler les instituts de formation théologiques, et encore moins à déterminer le programme de leur enseignement. Ainsi, l’idée de créer une faculté de théologie musulmane au sein de l’université publique, comme il est proposé en application du droit local alsacien-mosellan, ne me paraît pas être une bonne idée.
Si le problème des imams étrangers radicaux doit, bien sûr, être réglé, l’on se trompe peut-être de cible ; ou du moins, l’on se trompe d’urgence. En effet, ils ne sont pas le canal principal de la peste islamiste qui ravage le monde et notre pays. M. Amir Amghar, sociologue spécialiste du salafisme et de l’orthodoxie en islam, explique ainsi que ce n’est plus uniquement dans les mosquées que l’on se radicalise aujourd’hui, mais par des rencontres entre individus par interfaces interposées. Les fidèles sont de plus en plus jeunes et sont en recherche d’informations sur l’islam par d’autres moyens, internet notamment. Là est aussi l’un des chantiers principaux.
Le problème de la radicalisation et de la violence des jeunes n’est pas uniquement un problème de jeunes. La vraie question est la suivante : pourquoi notre génération d’adultes rencontre-t-elle plus de mal que celle d’hier à apprendre à l’enfant qui grandit à gérer sa frustration, à maîtriser son agressivité et à découvrir d’autres modes de résolution des conflits que le recours à la violence ? Les bébés du XXIe siècle ne naissent pas plus violents que ceux des siècles précédents. Le problème central est celui de l’éducation, qui est l’apanage des parents.
La formation, l’instruction, si elles peuvent aider à l’insertion dans la société par une accumulation de compétences, ne remplaceront jamais la transmission donnée par le cadre familial, qui, seule, peut marquer durablement un individu et en faire quelqu’un de bon et d’impliqué pour le bien commun.
La formation des imams est utile, certes, mais il ne faudrait pas surestimer ses effets. Il convient de garder à l’esprit qu’elle ne constitue pas uniquement la solution ultime au mal du siècle. Ce sont des structures sociales, la prévention et l’accompagnement des familles – tout ce qui peut recréer le lien social – qu’il faudrait développer davantage.
Je voterai ce texte, car j’estime qu’il va dans le bon sens. Il est une première pierre, certes imparfaite, mais une première pierre tout de même à l’édifice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je tiens tout d’abord à remercier tous les intervenants de leur expression modérée.
Je veux ensuite répondre à l’intervention de Jacques Bigot, pour son information. Monsieur le sénateur, depuis le vote de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la loi SILT, nous avons fermé quatre mosquées. Pendant l’état d’urgence, dix-neuf avaient été fermées.
Sachez aussi que le rapporteur public au Conseil d’État, qui a pris position hier sur la requête dirigée contre ce décret, a confirmé la compétence du pouvoir réglementaire. Naturellement, nous allons attendre l’avis définitif.
M. Charles Revet. Des textes comme celui-là, cela concerne aussi les parlementaires !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative aux conditions d’exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain
Chapitre Ier
(Division et intitulé supprimés)
Article 1er
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par M. Reichardt, Mmes N. Goulet et Lopez, MM. del Picchia, Danesi et Kern, Mmes Goy-Chavent et Lassarade, MM. Laménie, Mandelli, Cardoux, Joyandet et Delahaye, Mme Imbert, MM. Revet, Dufaut, Lefèvre, Mayet et Rapin, Mme Berthet, M. Daubresse, Mmes Deroche et Lherbier, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Savin et Mme Keller, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La seconde phrase de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est complétée par les mots : « et notamment le respect des principes fondamentaux et des valeurs de la République ».
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. C’est un amendement très important que celui que je me permets de présenter en cet instant. En effet, il vise à compléter la seconde phrase de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Celle-ci indique : « La République garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après, dans l’intérêt de l’ordre public ».
Je propose d’ajouter après « ordre public », les mots « et notamment le respect des principes fondamentaux et des valeurs de la République ». En effet, la notion d’ordre public, dans son application au champ religieux, n’a jamais été définie avec précision, ni dans la loi de 1905, ni dans les discussions parlementaires.
Malgré plusieurs sollicitations des parlementaires de l’époque, Aristide Briand, qui fut le rapporteur de la loi de 1905, s’est toujours refusé à définir l’ordre public. Et ce dernier public n’a été défini dans aucun autre texte depuis lors.
Faut-il considérer que la notion d’« ordre public » concerne exclusivement une conception matérielle, laquelle inclut le bon ordre, la sécurité, la sûreté, la salubrité publique ? Ou faut-il l’entendre aussi au sens immatériel des exigences fondamentales du « vivre ensemble » dans la société française ? C’est ce point qu’il faut trancher !
Je pense, pour ma part, que les libertés individuelles – a fortiori, la liberté religieuse – trouvent une limite, non seulement pour éviter qu’elles n’aboutissent au désordre et à l’insécurité, mais aussi pour préserver une éthique commune du « vivre ensemble » à l’ensemble du peuple français. Et cela s’appelle les valeurs de la République ! Tel est l’objet de mon amendement.
Bien sûr, j’entends déjà qu’il ne faut pas toucher à la loi de 1905. C’est un totem.
Mme Esther Benbassa. Non, c’est un tabou ! (Sourires.)
M. André Reichardt. Eh bien, elle a déjà été modifiée quatorze fois ! Pour ma part, il me paraît justifié d’inscrire à l’article 1er de la loi de 1905 que la liberté religieuse s’exerce, naturellement, en respectant les principes fondamentaux et les valeurs de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement défendu par notre collègue Reichardt vise à préciser une composante de la loi de 1905, bien que cela n’ait pas une valeur juridique absolument indispensable.
Après que la commission a examiné cette proposition, j’émets un avis favorable.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement, cela va de soi, est attaché au plein respect des principes fondamentaux et des valeurs de la République. Toutefois, il s’agit ici de modifier l’article 1er, qui est symbolique et fondateur en matière de laïcité et dont la rédaction est restée inchangée depuis 1905 – je parle ici de l’article 1er, bien évidemment.
L’ajout proposé apparaît comme purement déclamatoire.
Mme Esther Benbassa. C’est évident !
M. Charles Revet. Cela va sans dire, mais c’est mieux en le disant !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. On voit mal les conséquences qui pourraient être tirées concrètement de cet ajout.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Esther Benbassa. Nous sommes tous ici pour le respect des valeurs de la République !
M. André Reichardt. Disons-le, alors !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Bien sûr, comme l’a dit Mme la ministre, nous sommes toutes et tous respectueuses et respectueux des valeurs de la République. Sauf que votre amendement, monsieur Reichardt, est une tautologie : ce que vous écrivez là figure déjà dans le texte, puisque c’est la liberté du culte et le respect des cultes qui nous mènent au vivre ensemble.
Je ne sais pas pourquoi vous vous ingéniez à réécrire une loi,…
M. Philippe Pemezec. Il faut le faire !
Mme Esther Benbassa. … qui est non pas un totem, mais un tabou.
J’espère que ce texte restera un tabou et que l’on n’y touchera pas, parce que notre vivre ensemble en dépend !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous allons soutenir cet amendement, au demeurant largement cosigné, parce que je ne vois pas en quoi le respect des règles de la République empêche le vivre ensemble. Je considère, au contraire, qu’il le renforce et qu’il en est le b.a.-ba !
M. Arnaud Bazin. Il en est même la condition !
Mme Nathalie Goulet. Quant à l’objection du Gouvernement, qui consiste à dire que la modification proposée n’a finalement guère d’importance et ne mérite donc pas d’être votée, je la retournerai, chère madame la ministre, en incitant la Haute Assemblée à la voter, précisément parce qu’elle n’a pas tellement d’importance !
Mme Nathalie Goulet. En plus, parlons en toute franchise : vous l’avez dit, cette proposition de loi ne risque pas de suivre un long cours législatif. Comme je l’ai souligné tout à l’heure, il me paraît très important de rappeler les règles fondamentales de la République.
Mme Nathalie Goulet. De plus, nous venons d’entendre une leçon magistrale de droit en ce qui concerne l’ordre public. J’espère que, à un moment ou à un autre, nous aurons l’occasion de refaire un peu de droit, au lieu de travailler dans l’urgence.
Mme Nathalie Goulet. Nous devons précisément trouver d’autres occasions que la discussion de textes répressifs pour débattre de l’équilibre entre les valeurs républicaines et l’ordre public républicain, qu’il me semble extrêmement important de définir.
Bref, nous soutiendrons cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la rapporteur, monsieur l’auteur de l’amendement, je donne raison à Mme Goulet, et je souhaite, moi aussi, que nous fassions du droit !
Or, d’un point de vue juridique, cet amendement n’apporte strictement rien. Ses dispositions ne changent rien au texte, parce que l’article 1er de la loi de 1905 est un simple article introductif : « La République assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions éditées, ci-après, dans l’intérêt de l’ordre public. »
Votre amendement, dépourvu de toute portée sur le plan juridique, est empreint d’une réflexion politique, ce qui est grave en cette période ! Vous considérez que le législateur de 1905 n’a pas écrit « les valeurs de la République » et estimez qu’il est nécessaire de faire cet ajout aujourd’hui. Et sur quoi se fonde cette nécessité ? Sur l’émergence en France, depuis 1949, d’une religion, qui est l’islam. Et vous considérez, car tel est le sens de cet amendement, que l’islam ne respecte les valeurs de la République.
Mme Nathalie Goulet. C’est vous qui le dites !
M. Jacques Bigot. Cela, c’est très grave politiquement !
Mme Esther Benbassa. Tout à fait !
M. Jacques Bigot. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, cet amendement, dont les dispositions n’apportent rien sur le plan juridique, est purement politique ! Il est grave de fustiger ainsi nos concitoyens qui pratiquent cette religion, dans le respect de l’ordre public et de notre Constitution, parce qu’ils y croient et qu’ils croient aussi, comme nous, à la laïcité et à la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Comme vous, chers collègues, je suis extraordinairement attaché aux valeurs de la République et à la liberté de conscience.
Telles sont les raisons pour lesquelles je m’interroge sur la première phrase de l’objet de votre amendement : « La laïcité, c’est la liberté, mais c’est aussi l’égalité, l’égalité entre les citoyens quelle que soit leur croyance. » J’aimerais que vous vous souveniez qu’il y a des citoyens qui n’ont pas de croyance. Ils sont aujourd’hui 60 % de la population française et ils aimeraient bien que, dans ce type de discussions, on prenne aussi en compte le fait qu’ils refusent toute croyance ! (Mme François Laborde et M. Julien Bargeton applaudissent.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er est rétabli dans cette rédaction.
Article additionnel après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifiée :
1° L’article 19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le sixième alinéa du présent article est applicable aux associations constituées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association dont l’objet ou l’activité effective relève en tout ou partie de l’entretien ou de l’exercice public d’un culte au sens de l’article 18 de la présente loi. » ;
2° L’article 21 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « chaque année », sont insérés les mots « des comptes annuels, ainsi que » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable aux associations constituées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association dont l’objet ou l’activité effective relève en tout ou partie de l’entretien ou de l’exercice public d’un culte au sens de l’article 18 de la présente loi. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Lors de la discussion générale, j’ai parlé de cet amendement qui reprend une disposition votée, ici au Sénat, dans le cadre de la loi « Égalité et citoyenneté », pour aligner les obligations comptables des statuts des lois de 1901 et 1905.
Cet amendement a fait débat en son temps. Mme Gatel, qui était alors rapporteur, nous avait incités à déposer une proposition de loi, ce qui nous donnerait l’occasion d’en reparler. Nous voici donc exactement dans cette configuration. Cette disposition, bien différente du texte de la commission, reprend une proposition de l’Union des mosquées de France, qui n’a rien d’extravagant.
Il s’agit simplement d’aligner des statuts, pour garantir la transparence des associations. Si l’Union des mosquées de France est d’accord, je ne vois pas quelle autre religion pourrait s’y opposer, à moins que votre dossier, enrichi des auditions que vous avez menées, ne fasse apparaître d’autres congrégations qui seraient beaucoup plus opposées que les musulmans, dont nous parlons beaucoup aujourd’hui, à cette transparence en matière associative.
Il est toujours très difficile pour les élus de traiter de la construction des lieux de culte et du statut de ces derniers dans les collectivités. Notre collègue Hervé Maurey a beaucoup travaillé sur ce sujet. Procéder à une clarification financière, c’est une bonne nouvelle et ce n’est pas discriminatoire à l’égard de quiconque !
Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai déposé cet amendement, qui, je le répète, a déjà été adopté par le Sénat en octobre dernier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, je reconnais bien, dans votre argumentation, votre grand professionnalisme dans la défense des causes qui vous sont chères et votre habileté d’esprit.
En 2016, j’étais en effet rapporteur de la loi « Égalité et citoyenneté ». Je me souviens fort bien avoir, comme le ministre de l’époque, émis de grandes réserves sur l’alignement que vous proposiez des obligations financières des associations régies par les lois de 1901 et de 1905. Peut-être vous ai-je dit alors qu’il conviendrait de réécrire les choses. Toutefois, si je l’avais dit, cela supposerait que j’aurais osé inviter quelqu’un à entreprendre l’escalade de la loi de 1901 et à redescendre sans parachute, ce qui m’étonne fort !
Mon avis avait été défavorable, et je n’ai pas changé d’opinion. La réponse que je vous fais aujourd’hui, qui consiste à vous demander de retirer cet amendement, sauf à émettre un avis défavorable, doit prouver à nos collègues que mon état d’esprit est très apaisé. C’est ainsi que j’ai conduit mon travail et ma réflexion en ma qualité de rapporteur, dans la discussion générale et tout au long de ce débat, sans jamais caricaturer une religion ou en ériger une en bouc émissaire.
Je pense qu’il faut que chacun d’entre nous fasse preuve de l’honnêteté intellectuelle que je vous reconnais à tous. Nous devons accepter de débattre sans accuser les auteurs de la proposition de loi et le rapporteur d’une intention quelconque qui n’est pas la sienne. Je suis ainsi en cohérence – cela m’arrive ! (Sourires.) – avec mes propos de 2016.
La commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour les raisons exposées lors de la discussion générale, l’avis du Gouvernement est naturellement défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Vous ne serez pas étonné si je soutiens cet amendement, pour les raisons déjà exposées par Mme Goulet, mais aussi pour avoir auditionné, mardi soir, le ministre de l’intérieur dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évolution de la menace terroriste. Interrogé sur les associations gérant des lieux de culte, le ministre d’État a déploré le manque de transparence dans les associations de gestion des établissements cultuels musulmans. Il a dit vouloir introduire de la transparence dans la comptabilité de ces associations gestionnaires.
C’est exactement ce que nous avions déjà dit dans le rapport de la mission d’information sur l’islam, soulignant qu’il était indispensable de mettre en œuvre, à tout le moins, une simplification des statuts des associations, sous réserve d’une dissociation entre les activités strictement cultuelles assurées par une association à objet cultuel et les autres activités exercées par une association généraliste, régie par la loi de 1901.
Nous avons bien compris qu’il n’était pas possible de placer toutes les associations gérant un lieu de culte sous le régime des associations de la loi de 1905. C’est la raison pour laquelle la proposition faite par Mme Goulet vise simplement à demander que les associations régies par la loi de 1901 remplissent les mêmes conditions que celles qui sont régies par la loi de 1905 lorsqu’elles ont un objet exclusivement cultuel.
C’est exactement – quasiment au mot près – le contenu de la proposition n° 2 de l’Union des mosquées de France, formulée à l’issue un séminaire qui s’est tenu en mars dernier et dont l’objet était l’organisation et le financement du culte musulman.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Nous sommes, par principe, contre l’ingérence dans les affaires des associations. Il serait d’ailleurs très difficile de contrôler les quelque 1 100 000 associations en activité sur notre territoire. Relevant de la loi de 1901, elles sont librement créées, par simple déclaration en préfecture.
J’ai, moi aussi, une idée fixe. (Sourires.) Récemment, on m’a opposé qu’un amendement que j’avais déposé sur les écoles privées était un cavalier. C’est le moment idéal pour moi d’en reparler ! (Nouveaux sourires.) En effet, nous proposons régulièrement que le contrôle du respect de la distinction intervienne aussi au moment de la création d’écoles privées hors contrat, qui sont souvent adossées financièrement à des associations cultuelles de fait, prenant parfois la forme d’associations régies par la loi de 1901. On ne peut pas prendre les morceaux d’un texte qui nous intéressent et laisser les autres !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons globalement contre cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 125 :
Nombre de votants | 299 |
Nombre de suffrages exprimés | 288 |
Pour l’adoption | 4 |
Contre | 284 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2
À la première phrase de l’article 25 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, après le mot : « cultuelle », sont insérés les mots : « , loués par elle ».
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 16 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guillaume, Mme Jouve et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
à une personne privée
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. La commission avait déjà modifié le texte de la première phrase de l’article 25 de la loi de 1905, en remplaçant les mots : « Les locaux appartenant à une association cultuelle » par les mots : « Les locaux appartenant, loués ou mis à disposition par une association cultuelle ».
Il nous semble important de compléter cet article, car il est hors de question que les locaux soient loués par une personne publique. Il faut être certains que nous parlons de la même chose ! Si cet amendement devait être adopté, il serait respectueux du fond de la loi de 1905.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à limiter aux seules personnes privées la possibilité de louer un local à une association cultuelle.
Si l’on se réfère à son arrêt du 19 juillet 2011, le Conseil d’État a considéré qu’il était possible à une commune de mettre un local à la disposition d’un culte dans les conditions financières de droit commun, comme pour toute association, et dans des conditions d’égalité de traitement, mais qu’il n’était pas possible de mettre à disposition, de façon pérenne et exclusive, ce local, qui deviendrait alors, de ce fait, un édifice cultuel.
Or une telle mesure risquerait de remettre en cause une situation à propos de laquelle beaucoup d’entre nous ont utilisé, depuis le début de nos débats, les termes « équilibrée et pacifiée ».
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. En premier lieu, alors que cet amendement vise à exclure la possibilité, pour les personnes publiques, de louer des locaux aux associations cultuelles, son dispositif ne permet pas d’atteindre cet objectif.
En deuxième lieu, l’objet même de l’amendement, à savoir interdire aux personnes publiques de louer des locaux à une association cultuelle, contrevient à deux libertés fondamentales : la liberté de réunion et la liberté de culte.
Mme Esther Benbassa. Bien sûr !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. En dernier lieu, la crainte, exprimée par Mme Laborde, de l’application de tarifs différenciés selon les cultes n’est pas fondée. En effet, pour toute mise à disposition de locaux communaux au profit d’associations, qui en font la demande en application de l’article L. 2144–3 du code général des collectivités territoriales, la jurisprudence constante du Conseil d’État interdit que tout avantage soit octroyé à un culte par rapport à un autre, en vertu des principes de laïcité et d’égalité.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je suis extrêmement contente d’avoir ici l’illustration de la confusion des statuts associatifs. En effet, si toutes les associations dont l’objet est le culte avaient l’obligation de se soumettre au même statut, on n’aurait pas ce type de problèmes.
On nous dit que c’est bien de laisser coexister les statuts issus des lois de 1901 et de 1905, de ne pas aligner les statuts financiers ou les obligations, de laisser de la liberté à ces associations, et, d’un seul coup, cela se révèle ennuyeux quand il s’agit d’une location par une personne privée ou une association !
J’estime que le Gouvernement est cohérent et a raison d’être défavorable à cet amendement. Je regrette seulement qu’il n’y ait pas plus de transparence quant aux obligations statutaires des associations cultuelles : cela n’a rien de stigmatisant et c’est complètement logique. Voilà en tout cas une illustration de la confusion des genres que nous entretenons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je voudrais répondre à Mme Goulet. Dans tous les cultes, au-delà de l’islam, les associations ne sont pas obligatoirement organisées sous le régime de la loi de 1905.
Pourquoi, ma chère collègue, voulez-vous aujourd’hui aligner le statut de toutes ces associations sur celui de ces associations cultuelles ? Je ne comprends pas votre logique !
M. André Reichardt. Il faut lire le rapport de notre mission d’information ! Tout y est expliqué !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. J’ai entendu les explications de Mme la rapporteur et Mme la ministre. Je souhaite à mon tour, mes chers collègues, vous expliquer ma démarche.
Nos communes et collectivités territoriales prêtent ou louent parfois des locaux, notamment pour des fêtes telles que Noël ou l’Aïd, pour l’exercice de divers cultes. En revanche, il existe certains cultes sur lesquels on peut s’interroger : s’agit-il de religions ou bien de sectes ? À l’échelon européen, certains de ces cultes, comme la scientologie, sont reconnus comme des religions.
Mme Esther Benbassa. Ou comme les témoins de Jéhovah !
Mme Françoise Laborde. Personnellement – mais ai-je le droit d’exprimer dans un tel cas mon opinion personnelle ? –, j’estime que ce sont des sectes. Or la rédaction actuelle du texte implique que nous pourrions prêter ou louer des locaux communaux à ces associations.
C’est pourquoi j’avais voulu insérer dans cet article, par le biais de cet amendement, un modeste garde-fou, qui ne me paraissait pas inintéressant. Cela dit, mes chers collègues, puisque vous n’êtes pas intéressés, j’y renonce.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
(Supprimé)
Article 3 bis (nouveau)
Un conseil consultatif des cultes, placé auprès du ministre chargé des relations avec les représentants des cultes, a pour missions :
1° D’éclairer les pouvoirs publics dans leurs relations avec les représentants des cultes ;
2° De contribuer à la réflexion sur les conditions d’exercice de la liberté de culte ;
3° De contribuer à la réflexion sur les conditions de la formation des cadres religieux et ministres du culte ;
4° De favoriser le dialogue interreligieux.
Il peut être consulté par le Gouvernement sur tout sujet relatif à la place des cultes au sein de la République. Il veille à l’association des collectivités territoriales à l’ensemble de ses travaux.
Il comprend parmi ses membres deux députés et deux sénateurs.
La composition, l’organisation et le fonctionnement du conseil sont précisés par décret en Conseil d’État.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 7 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 7.
Mme Esther Benbassa. Le présent article, inséré dans ce texte sur l’initiative de Mme la rapporteur, crée un conseil consultatif placé auprès du ministre chargé des cultes. Ce conseil vise à promouvoir le dialogue interconfessionnel, à éclairer les pouvoirs publics sur les pratiques religieuses, ainsi qu’à contribuer à la réflexion sur la formation adéquate des cadres religieux et ministres du culte. Deux députés et deux sénateurs siégeraient au sein de ce conseil consultatif.
Je souhaite tout de même rappeler l’existence de la Conférence des responsables de cultes en France, ou CRCF : il s’agit bien d’une sorte de conseil consultatif, créé en 2010, et où siègent les représentants de tous les cultes, jusqu’au bouddhisme. J’aimerais que l’on m’explique en quoi ce nouveau conseil consultatif se distinguera de la CRCF !
Quel est donc l’intérêt d’un nouveau conseil, sinon de mettre sous tutelle l’islam, tout en demandant aux autres religions, qui sont déjà organisées et n’ont donc pas besoin de ce conseil consultatif, de se montrer complices ? Vraiment, j’aimerais que l’on m’explique pourquoi ce serait nécessaire.
Ce conseil consultatif semble tout de même avoir pour principal objet l’islam : d’une part, c’est stigmatisant, d’autre part, c’est inutile. On multiplie conseils et conférences, et pour aboutir à quoi ?
En outre, on nous fait jouer le rôle de réorganisateurs des religions et du dialogue interreligieux. Franchement, il existe des associations pour cela ; quant au dialogue entre les religions, qui a été ajouté par souci cosmétique et que Mme la rapporteur, si je ne m’abuse, souhaite retirer du texte, on ne va tout de même pas s’en occuper !
Pour ma part, je suis franchement opposée à cet article. En matière de formation des imams, ce n’est pas un conseil consultatif qui va donner le la : je ne vois pas comment il pourrait le faire, puisque c’est au Conseil français du culte musulman, ou CFCM, et à d’autres organismes internes à l’islam de donner les consignes de formation ; quant aux autres religions, il existe déjà des formations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’examen de cet amendement me donne l’occasion de rappeler les deux voies qui s’offraient à nous lors du dépôt de cette proposition de loi.
Soit nous la condamnions, au sens juridique du terme, compte tenu des insatisfactions juridiques dont elle souffrait, soit nous décidions de faire évoluer ce texte et d’avoir un débat ici à son sujet. Cette seconde position me semble être courageuse – je ne parle pas du tout de moi ! –, car personne n’a jamais gagné à ignorer ou à taire les problèmes.
Nul ne peut m’accuser, je le redis, d’avoir, dans mes propos, stigmatisé une religion. À force, ce sont ceux qui nous accusent de stigmatiser qui deviennent, pour ainsi dire, des « stigmatiseurs » !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Très bien !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Pour ma part, j’aimerais que chacun reste paisible dans la défense de ses convictions.
Sur cet amendement, j’ai quelques observations à formuler. Vous avez évoqué à juste titre, ma chère collègue, la conférence des responsables de cultes en France. D’après vous, le conseil consultatif proposé par la commission des lois viendrait se confondre avec cette conférence. Or il ne s’agit pas du tout de la même chose, puisque la CRCF est un espace qui a été institué par les religions et où celles d’entre elles qui le veulent parlent de ce qui les intéresse. Il n’y a là aucun dialogue entre l’État et les religions.
Quant à ce dialogue, affirmer qu’il est nécessaire de le mener, sans que cela vienne interférer avec la loi de 1905, ce n’est que reconnaître des faits. Le ministre de l’intérieur est aussi chargé, dans la définition même de ses fonctions, des relations avec les représentants des cultes. Or, à mes yeux, toute relation suppose au moins un peu de dialogue ; le contraire serait surprenant !
En outre, chacun d’entre nous sait bien que le strict respect que tous les gouvernements ont eu, dans notre pays, pour la laïcité, n’a jamais empêché le Président de la République, quel qu’il soit, d’assister au dîner du CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France, ou de rencontrer les évêques de France ; il n’a pas empêché non plus un membre du Gouvernement de se rendre à un dîner de rupture du jeûne. Il s’agit d’espaces de discussion et d’échange, qui me semblent être de bon aloi dans un environnement républicain ; mon propos ne vise que cela.
Si, comme l’ont affirmé certains de nos collègues, nous devons encourager les religions, quelles qu’elles soient, à développer des formations et à s’inscrire dans l’espace républicain, je ne vois sincèrement pas comment les y inciter et inviter sans qu’un dialogue existe, entre l’État et elles, de manière officielle.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Aux termes de la Constitution, la France est une République laïque : son régime juridique est celui d’une stricte séparation entre l’État et les cultes. Cette séparation est consacrée par l’article 2 de la loi de 1905, qui a acquis une valeur constitutionnelle.
M. André Reichardt. C’est pour cela que l’on signe des conventions internationales pour importer des imams !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il découle de ces règles constitutionnelles plusieurs exigences : d’abord, le principe de non-reconnaissance, en vertu duquel aucun culte ne saurait disposer d’un statut de droit public, ni occuper une place dans le fonctionnement de nos institutions.
Ensuite, du principe de laïcité, ainsi que du principe constitutionnel d’égalité devant la loi, découle le principe de neutralité de l’État : celui-ci ne saurait privilégier ou défavoriser un ou plusieurs cultes.
Enfin, le principe de laïcité garantit la liberté de conscience. Les pouvoirs publics sont ainsi garants de la liberté du culte, de la liberté d’exercice des cultes, et de leur libre administration.
La création d’un conseil consultatif des cultes porterait atteinte à l’ensemble de ces principes. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression de l’article 3 bis, introduit par la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je demeurerai, dans mon propos, sur le strict plan du droit, comme nous y incite à raison Mme Gatel. Vous avez déjà compris, mes chers collègues, que je suis quelque peu extérieur au fait religieux ; je me prévaudrai donc d’une certaine neutralité.
Je voudrais vous faire remarquer que ce qui est en question ici, c’est finalement la reconnaissance par la République de la religion. On entend demander à l’État, ou plutôt, de façon très courageuse, au Conseil d’État (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), puisque c’est lui qui déterminera la composition de ce conseil consultatif, de dire ce qui, aujourd’hui, est ou n’est pas une religion, ce qui pourrait l’être demain et ce qui ne l’est plus.
Notre rapporteur nous citait tout à l’heure le cas de la Grande-Bretagne, où il n’y a pas de séparation de l’Église et de l’État. Ce modèle communautariste ne me plaît pas, madame Gatel, et je vais vous expliquer pourquoi.
Il existe aujourd’hui une religion, le pastafarisme, qui voue un culte au Monstre en spaghettis volant. (Marques d’étonnement.) N’y voyez aucune visée antireligieuse ! (Sourires.) Cette religion est reconnue par le gouvernement britannique, ainsi que par la Nouvelle-Zélande, l’État du Kansas et les Pays-Bas.
Mme Goulet, dans son intervention liminaire, a quant à elle évoqué la serpe des druides. Mes chers collègues, il existe aujourd’hui de nombreuses religions druidiques. J’ai moi-même participé à certaines agapes très agréables, autour de sangliers, et je ne parle pas là de la bande dessinée Astérix, auquel je voue un culte particulier ! (Nouveaux sourires.)
Quelle sera la position de notre docte Assemblée ou du Conseil d’État, quand, demain, une religion druidique demandera, tout naturellement, à être associée à ce conseil ? Je pense sincèrement que nous entrons là dans des discussions infinies, et qu’il vaut mieux en rester à la sagesse de 1905 : la neutralité absolue nous évite d’ailleurs de définir le concept de « religion », entreprise tout de même bien compliquée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais pour ma part soutenir Mme la rapporteur dans sa mission créative.
Au-delà de l’existence de telles institutions en Grande-Bretagne, où le statut des religions est, nous en convenons tous, complètement différent, il n’en reste pas moins, madame la ministre, que nous manquons cruellement d’espaces de dialogue et d’échange.
Cela fait extrêmement longtemps que l’instance de liaison qui avait été mise en place par Bernard Cazeneuve ne fonctionne plus, alors qu’il s’agissait selon moi d’une excellente initiative.
Je veux éviter les spaghettis violents…
M. Pierre Ouzoulias. Volants !
Mme Nathalie Goulet. … volants, pardon, même si, à l’allure où vont les choses, on aura peut-être bientôt des spaghettis radicalisés ! (Sourires.)
Nous avons tous ici conscience des limites de l’exercice que nous accomplissons aujourd’hui autour de ce texte. Nous allons essayer d’adopter le texte issu des travaux de la commission, mais il n’y a absolument aucune chance qu’il soit examiné par l’Assemblée nationale et devienne loi.
Mme Esther Benbassa. Heureusement !
Mme Nathalie Goulet. Heureusement pour certains, mais peut-être pas pour d’autres. En attendant, nous disposons d’une plateforme sur laquelle nous pouvons débattre ; cette base pourra toujours servir à d’autres choses.
C’est pourquoi, pour ma part, je suis extrêmement favorable au maintien de la position adoptée par la commission des lois et son rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je voterai cet amendement de suppression de l’article 3 bis. De toute façon, si une telle disposition n’avait pas existé, j’aurais refusé de voter cet article !
Comme nous l’avons expliqué en commission des lois, ce conseil consultatif a trois missions, qui concourent toutes à la même idée.
« Éclairer les pouvoirs publics dans leurs relations avec les représentants des cultes », qu’est-ce, sinon travailler à une évolution de la loi de 1905 ?
« Contribuer à la réflexion sur les conditions d’exercice de la liberté des cultes », définie dans cette même loi, qu’est-ce, sinon préparer une évolution de la loi de 1905 ?
« Contribuer à la réflexion sur les conditions de la formation des cadres religieux et ministres du culte », enfin, c’est l’objectif principal de cette proposition de loi, et la création de ce conseil signifie bien qu’il faut, pour ses auteurs, faire ainsi évoluer ces conditions !
Vous m’avez rassuré, madame la ministre, en affirmant que vous ne souhaitiez pas que ce conseil soit créé ; j’aurais sinon pensé que vous envisagiez une évolution de la loi de 1905. Il est certes indéniable que le Président de la République ne s’est pas encore montré, sur ce sujet, d’une clarté absolue. J’ai donc l’impression que le débat n’est pas terminé.
À ce stade, je souhaite en tout cas, madame la rapporteur, que ce conseil ne soit pas mis en place. Je ne suis pas sûr qu’un jour quelque chose se fasse, mais ce sera un autre débat.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je voudrais tout d’abord répondre à Pierre Ouzoulias.
Je crains en premier lieu, mon cher collègue, que vous ne soyez moins excellent en géographie qu’en culture générale ! Lors de mon intervention devant la commission des lois, j’ai parlé non de la Grande-Bretagne, mais de la petite Bretagne, qui est la mienne. Je n’ai pas non plus parlé de spaghettis volants,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … j’ai seulement, à un moment, évoqué les druides, pour prendre un exemple un peu neutre, qui peut certes avoir une connotation amusante, mais qui constitue aussi, pour certains, un vrai culte. Permettez-moi, mon cher collègue, cette correction.
En second lieu, le Conseil d’État a défini très précisément ce qu’est une association cultuelle dans son avis d’Assemblée du 24 octobre 1997, ce qui permet de répondre à la question très pertinente que vous avez posée.
Cher Jacques Bigot, j’apprécie moi aussi beaucoup votre entrée dans ce débat et le calme avec lequel nous le conduisons. Je n’ai pas, quant à moi, de pensées au deuxième ou au troisième degré – je n’ai pas d’arrière-pensées ! Je vous livre ma réelle conviction, avec beaucoup de sincérité et de franchise.
Je rappelle qu’il s’agit ici d’un conseil consultatif. Quand le Président de la République, quel qu’il soit, discute avec les représentants des cultes, quels qu’ils soient et où que ce soit, sans doute parle-t-il du temps qu’il fait, mais il doit bien lui arriver aussi de discuter d’autre chose !
Nous avons évoqué, y compris avec les représentants des cultes, la nécessité pour l’État de faciliter la mise en place, dans des universités, de programmes qui permettraient de former librement des ministres du culte – nous en avons des exemples. Je vous rassure donc, mon cher collègue : je ne suis mandatée par personne, mais je livre, si je puis dire, ma libre pensée !
Peut-être cette idée reviendra-t-elle d’une autre manière et par un autre canal que ma voix, mais je persiste à y croire : alors même que chacun d’entre nous ici, qu’il soit pour ou contre le texte, reconnaît qu’il est nécessaire de se respecter, de dialoguer et de permettre le libre exercice des cultes, je crois qu’il peut y avoir, dans ce pays, un espace de dialogue, qui ne serait d’ailleurs que consultatif. Reconnaissons-le, et permettons son émergence.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je ne puis qu’apprécier la position de Mme la ministre. Bien sûr, je souhaite moi aussi la suppression de cet article.
La composition, l’organisation et le fonctionnement de ce conseil consultatif devront être précisés par décret en Conseil d’État… C’est tout de même quelque peu facile !
Je voudrais aussi vous rappeler, mes chers collègues, qu’il existe un organisme, l’Observatoire de la laïcité, dont les membres sont nommés par le Premier ministre et comprennent deux députés et deux sénateurs. Ses missions, variées, permettent de nous éclairer sur de nombreux sujets.
Cette année, il a publié un rapport de 580 pages, que j’ai lu ; nous en discuterons plus tard, quand vous en aurez fait de même. J’ai été membre de cet observatoire ; quand j’ai reçu ce « pavé », j’ai eu peur, mais il est fort riche, et il n’appelle pas à la création d’un nouvel organisme nommé « conseil consultatif des cultes » !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Pardonnez-moi, mes chers collègues, de revenir à nouveau sur cette question, mais elle est très importante.
Je vois bien ce que devrait être, dans l’abstraction, un conseil consultatif des cultes, mais d’un point de vue pragmatique, c’est autre chose : les représentants de différents cultes déjà organisés, dont les ministres reçoivent déjà une formation, vont se réunir pour donner des conseils aux musulmans et leur expliquer comment organiser la formation des imams.
Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas cela !
Mme Esther Benbassa. En effet, comme je l’ai déjà dit, les juifs ont les séminaires rabbiniques, les catholiques ont leurs formations, puisqu’il existe une hiérarchie, et il en est de même pour les protestants et d’autres encore. Si ce n’est pas pour les musulmans, pour qui est-ce ? C’est une façon somme toute peu amène d’humilier les musulmans, qui viendraient recevoir des leçons des autres cultes.
Mme Nathalie Goulet. Pas du tout !
Mme Esther Benbassa. Je voudrais en revanche revenir sur la formation des imams. C’est une nécessité – tout le monde le reconnaît, il n’y a pas là de problème –, mais je suggérerai qu’il appartient soit au CFCM soit au Rassemblement des musulmans de France d’essayer de jumeler les écoles de formation d’imams qui existent déjà, que ce soit à la mosquée de Paris ou ailleurs, avec des universités, ou du moins de passer des accords pour que ces établissements puissent dispenser à leurs élèves des cours de sociologie, de civisme, de français.
Tout cela, l’université peut le faire. Seulement, parce que nous sommes dans un pays laïc, il lui est impossible d’enseigner la théologie, ce qui n’est possible que dans des établissements tels que l’Institut catholique ou les deux instituts protestants. On peut imaginer qu’un jour il existera sur ce modèle un Institut de l’islam. Pourquoi pas ? Tout cela peut se faire !
Quoi qu’il en soit, on n’a pas besoin de mettre sous tutelle l’islam, avec la complicité des autres religions, pour expliquer aux musulmans comment former leurs imams. C’est un vrai problème : il faut selon moi sortir de cette abstraction pour imaginer comment ce genre de choses peut fonctionner.
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guillaume, Mme Jouve et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Comme je pensais que l’amendement précédent serait adopté, j’ai déjà expliqué ma position dans mon explication de vote de tout à l’heure.
En conséquence, cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je tiens à saluer la cohérence de Mme Laborde sur ce texte. Ma chère collègue, c’est à mon grand regret que je vais émettre un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, vous demandez la suppression de l’une des missions du conseil consultatif des cultes, à savoir sa contribution – ce mot est important – à la réflexion sur la formation des ministres du culte. Or il vous sera impossible, au vu de votre grande rigueur et de votre capacité de réflexion, de prétendre que cela représente une ingérence des pouvoirs publics dans l’organisation des cultes.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Chère madame Laborde, le Gouvernement vous saurait gré, lui aussi, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Dites-vous bien, mes chers collègues, que les cultes eux-mêmes éprouvent des difficultés à établir en leur sein une formation commune pour leurs ministres. Tel est le cas pour bien des religions : on ne traitera jamais qu’avec une partie des musulmans ou une partie des protestants, puisqu’il existe parmi ces derniers de nombreux groupes évangélistes.
Il faudrait donc, selon moi, que les cultes fassent déjà un peu le ménage chez eux ou devant chez eux – cette expression n’est nullement péjorative dans ma bouche ! Après, nous verrons.
Cela dit, comme personne n’est prêt, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié est retiré.
L’amendement n° 18, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 du présent article : nous avons pris en compte les observations, les remarques et les suggestions des membres de la commission des lois.
Je le rappelle, nous débattons toujours du conseil consultatif des cultes, qui permettra justement d’échanger sur ce sujet et d’écouter les représentants des divers cultes. Les missions de ce conseil sont définies par la loi.
Cet amendement vise à supprimer l’une de ces missions, à savoir celle qui consisterait à favoriser le dialogue interreligieux. Nous avons en effet pris en compte l’interprétation qui a été faite de l’idée que nous avions évoquée. Il ne s’agit pas de forcer des religions à dialoguer entre elles ou à coacher l’une d’entre elles. Je rappelle que ce conseil doit être un espace de dialogue officiellement institué entre l’État et les cultes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je rappelle avant tout que le Gouvernement est favorable à la suppression complète de l’article 3 bis. En effet, nous considérons que la création d’un conseil consultatif des cultes porterait atteinte au principe de non-reconnaissance des cultes et au principe de neutralité de l’État, ainsi qu’à la liberté d’exercice des cultes et à leur libre administration, comme je l’ai dit tout à l’heure.
Néanmoins, si le Sénat décide de conserver cet article dans le texte, comme cela semble se profiler, le Gouvernement s’en remettra à sa sagesse quant à l’alinéa 5, qui prévoit que ce conseil a pour mission de favoriser le dialogue interreligieux. Une telle mission ne peut être conforme au principe de neutralité de l’État, qui interdit à celui-ci, et donc à un conseil placé auprès de lui, de s’immiscer dans la doctrine des cultes, dans leur organisation et dans les relations qui existent entre eux.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 4
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Lopez, MM. del Picchia, Danesi et Kern, Mmes Goy-Chavent et Lassarade, MM. Laménie, Mandelli, Cardoux, Joyandet et Delahaye, Mme Imbert, MM. Revet, Dufaut, Lefèvre et Mayet, Mme Bories, M. Rapin, Mme Berthet, M. Daubresse, Mmes Deroche et Lherbier, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Savin et Mme Keller, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 25 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 25-1 ainsi rédigé :
« Art. 25-1. – Les personnes exerçant en public les fonctions de cadres religieux et de ministres du culte doivent justifier d’une qualification acquise au cours d’une formation spécifique leur assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques, des rites de cette confession et de la langue française.
« La qualification et la formation exigées sont définies par la confession concernée, après consultation du comité consultatif des cultes.
« Le présent article est applicable aux associations ou groupements de personnes assurant l’exercice public d’un culte en application de l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes. »
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Cet amendement vise à rendre obligatoire, pour les cadres religieux et les ministres du culte, la justification d’une formation les qualifiant à l’exercice de ce culte. Cette qualification et la formation exigées seraient définies par la confession concernée, après consultation du conseil consultatif des cultes, introduit dans la proposition de loi à l’article 3 bis.
En effet, il ressort du rapport d’information sénatorial sur l’islam, qui a été déposé en juillet 2016, que les seuls imams exerçant en France, dont on est sûr qu’ils ont bénéficié d’une formation, sont les imams étrangers, financés par des pays étrangers sous la forme de détachements de fonctionnaires dans le cadre d’accords bilatéraux. Au passage, bravo pour la laïcité, dont on nous parle depuis le début de l’après-midi !
Au premier trimestre de l’année 2016, on comptait 301 imams financés par des États étrangers, dont 151 provenant de Turquie, 120 d’Algérie et 30 du Maroc. Rappelons que, par ailleurs, il y aurait au minimum entre 2 500 et 3 000 mosquées dans notre pays.
Tous les autres imams sont choisis par la communauté qui gère le lieu de culte, selon des critères propres à chaque communauté. Comme le soulignait à l’époque la sociologue Solenne Jouanneau, auteur d’une étude sur le sujet, auprès des rapporteurs de la mission commune d’information sénatoriale, il faut généralement faire preuve d’humilité, autant que de savoir coranique, et s’adapter aux attentes de la communauté, par exemple, s’agissant de la façon de psalmodier, pour être désigné imam et pour le rester. C’est tout un programme !
Pour moi, cette situation n’est pas acceptable et, même si l’islam sunnite, majoritaire en France, est une religion du sacerdoce universel, où chaque fidèle est un ministre du culte en puissance, ce caractère universel du sacerdoce ne doit pas remettre en question l’importance qu’il y a à disposer d’un encadrement formé, qui maîtrise à la fois la théologie musulmane et le contexte français, et qui soit en mesure de développer un contre-discours face aux discours de surenchère radicale.
Précisément parce que tout fidèle peut devenir imam, il faut que la formation des imams puisse faire émerger des cadres qui maîtrisent le texte et s’investissent dans son interprétation, adaptée au contexte français. C’est d’autant plus important que, comme le rappelle son étymologie arabe, que j’ai fini par apprendre, l’imam, c’est le guide, le chef, celui qui dirige la communauté.
M. Pierre Ouzoulias. Comme le pasteur ! (Mme Esther Benbassa approuve.)
M. André Reichardt. Il est essentiel qu’il soit formé, pour dispenser ensuite la bonne formation !
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 25 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 25-… ainsi rédigé :
« Art. 25-…. – Les associations cultuelles ne peuvent faire appel pour l’exercice public du culte qu’à des ministres du culte justifiant d’une qualification acquise au cours d’une formation spécifique leur assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques et des connaissances de la langue française. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Mon amendement est une petite variante du précédent. Je l’ai déposé dans l’hypothèse où ce dernier serait rejeté, notamment par un scrutin public.
Il tend à substituer à l’obligation faite aux cadres religieux et ministres du culte de suivre une formation spécifique leur assurant à la fois une connaissance suffisante des principes civils et civiques et une connaissance des rites de cette confession et de la langue française, prévue dans le dispositif de l’amendement de mon collègue André Reichardt, la seule obligation de suivre une formation leur assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques.
En d’autres termes, j’ai retiré l’obligation imposée à ces ministres du culte de suivre une formation religieuse, car c’est cette dimension qui pose problème.
Si le Sénat rejetait cette disposition et l’aménagement que je propose, il faudrait m’expliquer la raison pour laquelle on demande une formation civile et civique à des imams détachés, y compris des imams formés à l’étranger.
Il faut reconnaître que des diplômes universitaires ont été créés et que ces formations commencent à être mises en place. Il est également vrai que les imams ne sont pas les seuls concernés. J’ai d’ailleurs fait très attention lors de mon intervention à la tribune à ne pas parler que de l’islam, contrairement à certains de mes collègues aujourd’hui.
Je ne vois pas quelle difficulté il y aurait à imposer une formation civique et civile aux ministres du culte auxquels les associations cultuelles font appel. Il s’agit non pas d’imposer une formation religieuse – je comprends très bien les réticences de Mme la rapporteur sur le sujet –, mais de prévoir une formation civique et civile pour des personnes qui vont guider un culte et qui, à ce titre, doivent disposer d’une parfaite connaissance de notre bloc de légalité.
Franchement, je ne vois pas en quoi cet amendement pourrait être contesté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement de M. André Reichardt a pour objet de rétablir l’obligation de justifier d’une formation qualifiante afin d’assurer l’exercice public d’un culte.
Dans la discussion générale, j’ai expliqué la grande prudence qui devait être la nôtre et la difficulté à laquelle on pourrait se heurter si l’on devait demander à tous les ministres du culte de justifier d’une qualification acquise au cours d’une formation spécifique.
Cette qualification et cette formation seraient définies par la confession concernée, après consultation du conseil consultatif des cultes, et non plus par une instance insuffisamment représentative, définie par décret en Conseil d’État.
Mon cher collègue, je vois bien que vous avez effectivement tenu compte des réserves que nous avions émises. Il faut reconnaître que votre proposition est un peu meilleure. En même temps, je ne vois pas comment je pourrai revenir sur l’avis défavorable que j’entends émettre sur votre amendement, car le principe de laïcité est, à mon sens, indissociable du principe de libre exercice du culte.
Si l’État dispose de la faculté d’exercer ses pouvoirs de police administrative dans le but de prévenir les troubles à l’ordre public, ces derniers doivent être suffisamment graves pour justifier d’une telle immixtion dans l’exercice des cultes. De plus, on ne peut pas prendre a priori des dispositions pour prévenir ces troubles à l’ordre public, alors que l’on ne sait pas si ceux-ci vont se produire et que l’on dispose d’outils pour y mettre fin quand ils surviennent.
Comme je l’ai déjà indiqué, ces conditions sont loin d’être réunies : il faudrait que l’obligation de formation corresponde juridiquement à une exigence d’ordre public.
Très sincèrement, mon cher collègue, les obligations que vous proposez sont tout à fait disproportionnées. Je considère que votre amendement, en l’état, n’est pas conforme à la Constitution, et je vous demande de bien vouloir le retirer, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 6 de Mme Goulet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne répéterai pas ce que Mme la rapporteur a excellemment exposé : s’agissant de ces deux amendements, le Gouvernement est du même avis que la commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Un enseignement civil et civique est nécessaire, certes, mais il faut surtout un enseignement de la théologie distancié et contextualisé. La théologie requiert un enseignement des textes scripturaires. Ce n’est pas seulement en apprenant La Marseillaise que ces ministres du culte deviendront de vrais enseignants et les vrais cadres d’une mosquée !
Ce n’est certes pas à nous d’élaborer le programme de l’enseignement théologique, mais il ne faut pas oublier que les prêches de ces imams pèchent, si je puis m’exprimer ainsi, par un manque de contextualisation des textes enseignés. Ces imams proposent souvent une lecture linéaire des textes, où tout est pris au mot.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je suis très satisfaite des avis que viennent d’émettre Mme la rapporteur et Mme la ministre.
Les diplômes universitaires dont j’ai parlé lors de discussion générale sont, comme je l’ai indiqué, assez variés. Il en existe plusieurs en France, qui s’adressent d’ailleurs à des publics très diversifiés.
Je puis vous parler de celui de la Sorbonne ou encore de celui de Toulouse, par exemple, car des personnes qui me sont proches ont fréquenté ces formations. J’ai ainsi pu comparer les contenus et me rendre compte que la formation était trop diversifiée pour délivrer une certification.
J’ai également écrit au ministre de l’intérieur sur le contenu des enseignements du diplôme universitaire « Religions, laïcité et inclusion sociale » de l’université de Lorraine à Metz, qui porterait atteinte au principe de laïcité. Le ministre devrait se rapprocher du préfet concerné.
Je pense que ces diplômes universitaires ne sont pas encore suffisamment cadrés pour que l’on puisse les présenter comme des diplômes certifiant réellement l’acquisition de toutes les connaissances que l’on pourrait exiger à propos des lois de la République.
Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Je voterai contre ces deux amendements, même s’ils ont le mérite de soulever certains problèmes.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger. Comme André Reichardt, je suis un membre assidu de la commission d’enquête sénatoriale sur l’évolution de la menace terroriste. Avant-hier, nous avons auditionné le ministre de l’intérieur. Et j’ai bien peur que nous soyons très naïfs sur ces questions de terrorisme.
Des amendements comme ceux-là ont le mérite de soulever indirectement un ou deux des problèmes graves sur lesquels nous souhaitons attirer votre attention.
Madame la ministre, tous les salafistes ne deviennent pas des terroristes, mais tous les terroristes qui ont frappé le territoire français ces deux dernières années, à une exception près, sont des salafistes ! Je considère que nous ne sommes pas très sérieux dans la manière de traiter ce problème.
Vous avez entamé votre propos en nous informant que quatre mosquées avaient été fermées. Il s’agit selon moi d’une réponse quelque peu légère, car le problème n’est pas de former et de surveiller la formation des imams, mais de contrôler ce qui se dit dans les mosquées. Là-dessus, nous ne sommes pas bons ! Certes, il n’est pas facile de contrôler ce que les imams disent dans nos mosquées, que ce soit les imams français ou les imams étrangers qui restent un certain temps en France.
Il est difficile d’entrer dans ces lieux de culte et de les surveiller : ce ne sont pas des lieux où l’on peut facilement envoyer des policiers ou des gendarmes, qui doivent de surcroît parler la langue arabe pour comprendre ce qui se dit, ce qui est prôné et ce que l’on met dans la tête des jeunes fréquentant ces mosquées.
Je profite du débat sur ces deux amendements pour vous interroger, madame la ministre, sur un autre sujet que nous avons abordé au cours des travaux de la commission d’enquête : le fait que la venue de trois cents imams pendant la période du ramadan se justifierait, d’après l’ensemble de la communauté musulmane, par la prière du soir.
Autrement dit, on nous explique que les pauvres imams sont trop fatigués pour diriger les prières toute la journée – il est vrai que c’est tout à fait épuisant – et qu’ils ne sont pas assez nombreux pour le faire de jour et de nuit. Or cette prière du soir n’est pas obligatoire pendant la période du ramadan !
Mme Esther Benbassa. Et alors ?
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Ladislas Poniatowski. Madame la ministre, soyons un peu plus sérieux ! Il faut réfléchir à une éventuelle remise en cause de la venue de ces imams pour le ramadan. Ces imams ne sont absolument pas contrôlés : on ne sait pas qui ils sont, même si l’on sait qu’ils proviennent pour la plupart de quatre principaux pays, et on ne sait pas non plus ce qu’ils viennent prêcher !
Au demeurant, je le répète, je voterai contre ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Au moment du vote, je voudrais une nouvelle fois dire que cet amendement vise à éviter que, faute de formation, des ministres du culte véhiculent des messages contraires au respect des valeurs républicaines de notre pays. Je veux surtout insister sur le fait que c’est grâce à cette formation que l’on pourra faire en sorte que, demain, ces guides, ces chefs, ces imams portent la parole d’un islam modéré, adapté à notre pays, auprès des fidèles.
« Le texte dans le contexte », dit-on. Avec cette mesure, j’ai le sentiment que nous pourrions travailler pour l’avenir, sur le moyen, voire le long terme, à l’opposé des textes répressifs que l’on adopte malheureusement de manière ponctuelle après chaque drame.
J’ai entendu que mon amendement présentait un risque d’inconstitutionnalité. Là encore, je souhaite rappeler qu’à la lecture des études approfondies de deux éminents constitutionnalistes que j’ai consultés, ce risque n’est pas certain ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Je relis ce qu’a écrit l’un d’eux : « Il est extrêmement délicat d’anticiper une quelconque réponse, tant de la part du Conseil constitutionnel que de la Cour européenne des droits de l’homme, dans un sens ou dans l’autre ». Pour ma part, compte tenu des enjeux pour notre pays, je pense qu’il faut prendre ce risque. Le juge constitutionnel ou conventionnel appréciera ensuite, selon la règle dite « du contrôle de proportionnalité ».
Certes, une telle mesure implique du courage politique, car il faudra l’assumer, mais, dès lors que cette qualification et cette formation sont définies par les confessions concernées, mes chers collègues, l’ingérence étatique est essentiellement formelle !
Lorsque, les 17 et 18 mars dernier – c’était hier ! –, l’Union des mosquées de France, encore elle, a proposé « de travailler sur la mise en place d’un socle commun de compétences, facilitant l’évaluation et la procédure d’agrément des cadres religieux », était-on si éloigné d’un accord avec cette communauté ? Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Union des mosquées de France !
M. André Reichardt. Je persiste à le dire, je voterai avec conviction cet amendement. Il me paraît adapté à une laïcité qui, selon moi, ne doit pas être comprise comme l’interdiction faite à la sphère publique de s’occuper d’une question religieuse lorsqu’elle pose problème !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’aimerais répondre à M. Poniatowski par une comparaison, même si elle est morbide, je vous l’accorde.
En 2017, on comptabilisait quelque 11 650 morts à la suite de massacres perpétrés dans des établissements scolaires par des individus qui ont tué à l’aveugle, sans aucune justification.
M. Ladislas Poniatowski. Pas en France !
M. Pierre Ouzoulias. Cela viendra !
Avec cet exemple, je veux montrer que ces jeunes, car il s’agit généralement de jeunes, ont agi au nom d’une culture nihiliste, d’une culture de la mort, d’une négation des valeurs humanistes que nous portons. Si ces personnes avaient revendiqué leurs actes au nom de la religion, nous n’aurions pas épuisé la question de la justification de ces morts.
Pour répondre aux questions importantes que vous posez, nous devons en effet combattre les ennemis de la République, mais nous devons le faire avec les armes laïques de la République. Je ne vois pas l’intérêt qu’il y aurait à nous déporter sur le terrain de la religion pour le faire.
Des membres de ma famille ont payé de leur vie, de leur sang, la défense de nos libertés. Je serais prêt à les défendre avec la même vigueur, mais aussi avec les outils de la République. Ceux de la religion ne m’intéressent pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais rebondir un instant sur les propos que j’entends et faire de la politique.
Aujourd’hui, le groupe Les Républicains s’apprête à voter contre mon amendement et celui d’André Reichardt, alors que, demain matin, on retrouvera ses dirigeants dans la rue en train d’exiger des lois de plus en plus répressives, des mesures de plus en plus fantaisistes contre les fichés S, des dispositifs totalement extra-juridiques et sans base légale…
M. Philippe Dallier. N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Mme Nathalie Goulet. Mon cher collègue, cela s’est déjà vu !
Certes, on se situe dans un cadre un peu particulier avec ce texte. Je comprends parfaitement l’exercice contraint auquel nous nous livrons avec une proposition de loi dont la constitutionnalité est contestée. J’ai bien écouté et parfaitement compris les débats : nous avons paramétré de nouveau certaines dispositions, car, c’est vrai, le texte était perfectible, ce que j’ai du reste souligné lors de la discussion générale.
Toutefois, on a tout de même un travail important à réaliser en amont en ce qui concerne la formation des ministres du culte !
Monsieur Ouzoulias, j’ai dit à cette tribune qu’il fallait que la loi républicaine soit appliquée partout et que c’était aux religions de s’adapter à la République, non à la République de s’adapter aux religions. Je partage donc complètement votre position sur les outils républicains, dont vous assurez la promotion à juste titre. Je tiens simplement à dire que la demande d’une formation civique pour tous les ministres du culte ne me semble pas être une mesure antirépublicaine !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Les interventions des uns et des autres font rebondir le débat… Je me satisfais des avis émis à la fois par la commission et le Gouvernement. Je ne voterai évidemment pas ces amendements.
Cela étant, je tiens tout de même à le signaler aux auteurs de cette proposition de loi, qui défendent ces amendements, en exigeant une formation spécifique assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques, des rites de cette confession et de la langue française – c’est l’amendement n° 9 rectifié de notre collègue André Reichardt –, on se place sur le terrain de la formation religieuse.
Par ailleurs, laisser la confession concernée définir la qualification et la formation exigées, après consultation du conseil consultatif des cultes, l’instance dont Mme la rapporteur soutient la création, signifie que ce conseil consultatif se verrait confier une mission de contrôle : on est là bien au-delà du principe de laïcité !
Il faut non seulement revoir la loi de 1905, mais aussi revoir la Constitution. Certes, on trouvera toujours un constitutionnaliste qui estimera qu’une disposition de cette nature n’est pas forcément anticonstitutionnelle et qu’il est impossible de le savoir à l’avance. C’est en effet à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité que le Conseil constitutionnel jugera peut-être un jour qu’une telle loi ne tient pas. Mais, franchement, il faut être sérieux et ne pas se raconter d’histoire : aujourd’hui, on ne peut pas adopter de tels amendements.
Enfin, madame Goulet, vous ne pouvez pas affirmer que, grâce à la mesure sur la formation civique des ministres du culte que vous proposez, il n’y aura plus d’individus incités à devenir terroristes. Bien souvent, ceux-ci se radicalisent au contact de personnes qu’ils rencontrent là où ils sont incarcérés ou lorsqu’ils visionnent des sites internet, sans même aller dans les mosquées. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Tel est le problème !
Personnellement, même si le dispositif mériterait peut-être d’être renforcé, je préfère que l’on s’en tienne à la possibilité qui nous est donnée aujourd’hui de contrôler ce qui se dit dans les mosquées au nom de l’ordre public et d’aboutir, s’il le faut, à des fermetures de mosquées, voire à des poursuites contre ceux qui prôneraient le terrorisme. C’est là que réside la solution, et non dans les mesures qui sont en débat aujourd’hui !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 126 :
Nombre de votants | 296 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Pour l’adoption | 1 |
Contre | 295 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 6.
J’ai également été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement, madame la présidente ! On ne va pas faire d’acharnement thérapeutique… (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.
En conséquence, l’article 4 demeure supprimé.
Article 4 bis (nouveau)
Tout aumônier recruté par contrat, sur la proposition du culte dont il relève, atteste, dans les six mois suivant la signature de son contrat, d’une formation civile et civique, dès lors qu’il intervient :
1° Dans un établissement mentionné à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
2° Dans un établissement pénitentiaire mentionné à l’article 724 du code de procédure pénale ;
3° Dans les forces armées mentionnées à l’article L. 3211-1 du code de la défense.
Les aumôniers déjà en fonction lors de l’entrée en vigueur de la présente loi attestent de la formation civile et civique mentionnée au premier alinéa du présent article dans les six mois suivant la date de promulgation de la présente loi.
Les modalités de la formation civile et civique mentionnée au même premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par M. Masson.
L’amendement n° 17 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guillaume, Mme Jouve et MM. Menonville et Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 3 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Mon amendement tend à supprimer l’article 4 bis, qui traite des aumôniers et de leur formation.
J’ose espérer que les aumôniers embauchés, choisis et rémunérés par l’État respectent déjà des critères de formation bien définis, qu’ils officient dans les prisons, les hôpitaux, ou auprès des militaires français.
Mme Nathalie Goulet. Eh non !
Mme Françoise Laborde. Pourtant, ma chère collègue, il existe déjà un décret relatif à la formation civile et civique des aumôniers, le décret n° 2017-756 du 3 mai 2017.
En réalité, l’article 4 bis, qui a été introduit en commission des lois, inscrit dans la loi des dispositions proches de ce décret. Cela signifie que ce texte réglementaire, certes très récent, ne serait pas bien appliqué ou que l’on manquerait de recul pour en contrôler l’application. Quoi qu’il en soit, l’introduction de cet article me semble quelque peu prématurée.
En outre, j’ai une réserve par rapport à la formation retenue. Celle-ci dure douze mois et son contenu nécessiterait d’être évalué. En l’état actuel des choses, et compte tenu du faible recul dont on dispose par rapport au décret du 3 mai 2017, je propose la suppression de l’article 4 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous avons tout à l’heure clairement rejeté la proposition de formation des ministres du culte. Nous discutons maintenant des aumôniers qui interviennent dans les prisons, dans les hôpitaux et dans les armées, c’est-à-dire dans des lieux où les gens doivent pouvoir exercer leur liberté de culte, mais ne peuvent se rendre à l’extérieur.
L’État recrute et rémunère des aumôniers de différents cultes pour exercer dans ces lieux, qui sont sensibles. Je le rappelle, la radicalisation se fait parfois en prison. Il me paraît donc nécessaire, par précaution, de reprendre sous une forme différente le décret qu’avait signé Bernard Cazeneuve lorsqu’il était ministre, lequel, je le rappelle, prévoyait une formation diplômante.
Pour notre part, nous considérons que l’État ne peut pas imposer aux cultes une telle formation. Nous proposons donc une formation civile et civique non diplômante. Je remercie Mme la ministre de nous avoir donné des nouvelles très fraîches, si je puis dire, de l’avancement du recours qui a été fait contre ce décret. Quelqu’un a rappelé à juste titre que ce recours a été intenté non par des musulmans, mais par l’Église catholique.
À ce stade, permettez-moi de faire un aparté. Nous avons demandé aux représentants de l’Église catholique que nous avons rencontrés quels étaient les motifs de ce recours. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, les peurs qui saisissent notre société aujourd’hui conduisent au développement d’une laïcité excessive, radicale, voire hostile aux religions. L’Église catholique de France, en déposant ce recours, souhaite que les difficultés que nous rencontrons avec certaines religions ne provoquent pas de dégâts collatéraux sur les cultes qui s’exercent dans le cadre de l’espace républicain.
On ne sait pas aujourd’hui quelle sera la décision finale du Conseil d’État. Pour ma part, je propose de maintenir cet article et d’inscrire dans la loi que les aumôniers recrutés par l’État pour exercer dans des lieux très sensibles, comme les prisons, doivent suivre une formation civile et civique. Cela me paraît assez naturel.
Chère collègue, j’ai donc le regret d’émettre un avis défavorable sur votre amendement, par cohérence avec les arguments que j’avance depuis le début de ce débat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de suppression de l’article 4 bis, qui inscrit dans la loi l’obligation pour les aumôniers des forces armées, des établissements pénitentiaires et des centres hospitaliers de suivre une formation civile et civique.
Selon nous, il n’est pas nécessaire d’inscrire cette disposition dans la loi, dès lors qu’une obligation de niveau réglementaire, pour tous les aumôniers rémunérés et nouvellement recrutés à compter du 1er octobre 2017, d’obtention d’un diplôme sanctionnant une formation civile et civique agréée a été instaurée par le décret du 3 mai 2017 relatif aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires.
Une telle obligation relève, selon le Gouvernement, de ce niveau de norme, comme l’a confirmé le rapporteur public au Conseil d’État, qui a conclu hier, sur la requête dirigée contre ce décret, à la compétence du pouvoir réglementaire pour ce faire. Certes, ce n’est pas la décision définitive du Conseil d’État, mais notre avis est conforme à celui du rapporteur public.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Je suis favorable à cet amendement, car je suis quelque peu gêné par l’article 4 bis que vous avez introduit dans le texte, madame la rapporteur.
Je regrette qu’André Reichardt soit parti – il n’était pas très heureux de la manière dont sont traités ses amendements, qu’il a d’ailleurs retirés, semble-t-il…
Mme Nathalie Goulet. Il avait un train à prendre !
M. Ladislas Poniatowski. En effet, il a été comme moi un membre assidu de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens des services de l’État pour faire face à l’évolution de la menace terroriste.
Dans ce cadre, nous avons eu la chance de rencontrer et d’entendre plusieurs aumôniers pénitentiaires, un musulman et un catholique – ils ne suivent pas de formation aujourd’hui –, des hommes remarquables, effectuant un travail formidable, dans le respect de leur religion, et sachant traiter une population particulièrement difficile – ce sont quasiment des psychologues.
J’indique au passage que je suis très inquiet par ce qui va se passer lorsque certains condamnés sortiront de prison. Comme vous le savez, quelque 450 détenus radicalisés sortiront de prison d’ici à la fin de l’année 2019, puis d’autres après eux.
Je voterai l’amendement de suppression de l’article 4 bis, car les aumôniers qui sont en place et qui n’ont pas suivi la formation que vous souhaitez imposer font un travail formidable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je suis favorable à cet amendement, car un décret a été pris. La disposition qui nous est proposée est très logiquement d’ordre réglementaire. Il s’agit en effet de définir dans quelles conditions l’État contractera avec les aumôniers intervenant dans les prisons, dans les hôpitaux et dans les armées. Il est normal d’exiger d’eux un diplôme, comme pour les vacataires travaillant dans les établissements publics. Je le répète, cette disposition relève incontestablement non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Je suis content de savoir que le rapporteur public du Conseil d’État va dans le même sens. Nous verrons bien ce que décidera le Conseil d’État au final.
J’ajoute que le décret est préférable à l’article du texte, qui prévoit simplement que tout aumônier recruté par contrat devra attester dans les six mois suivant la signature de son contrat d’une formation civile et civique. Le décret prévoit quant à lui qu’un diplôme est exigé au moment du recrutement, sauf, bien entendu, pour ceux qui sont en poste. Cet article est donc à mon sens moins performant que le décret pris par Bernard Cazeneuve.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Peut-être me suis-je mal exprimée ou ai-je des difficultés de compréhension en cette fin d’après-midi…
Monsieur Poniatowski, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention. Permettez-moi de revenir sur ce que j’ai proposé pour la formation des imams. Nous avons évoqué, même si ce n’est pas directement l’objet du texte que nous examinons aujourd’hui, ces lieux de grande fragilité, en termes de radicalisation, que sont les prisons.
Je n’ai jamais porté de jugement sur la façon dont les aumôniers exercent leur profession. Je n’ai jamais critiqué non plus le recrutement par l’État d’aumôniers, afin de permettre à ceux qui sont en prison ou dans les hôpitaux de pratiquer leur culte. J’ai juste dit qu’il me semblait évident et nécessaire, dès lors que ces gens exercent une mission particulière pour le compte de l’État, de s’assurer qu’ils le font dans un cadre républicain et qu’ils connaissent nos lois.
Il me semble, monsieur Poniatowski, que j’allais là dans le sens souhaité par M. Reichardt, qui demandait même que l’obligation de suivre une formation soit étendue à tous les ministres du culte, y compris dans des sphères que l’on a qualifiées de privées.
Monsieur Bigot, je vous avoue que je n’ai pas bien compris ce que vous venez de dire, mais sans doute est-ce aussi parce que nous sommes en fin d’après-midi… Nous avons pourtant tous gardé notre calme, ce dont je suis ravie.
De manière brillante, très solide et très respectueuse, vous avez indiqué votre souci que le principe de laïcité soit respecté et qu’il n’y ait pas d’ingérence dans les cultes. Quand certains ont parlé de formation et que j’ai rejeté cette idée, il m’a semblé que nous partagions la même vision des choses.
Nous proposons une formation qui n’est pas diplômante, c’est-à-dire que l’État ne dit pas quel doit être le contenu de la formation des aumôniers, il pose simplement un cadre civique et civil. Il me semble donc que l’article 4 bis est plus en phase avec le principe de neutralité que l’idée de formation diplômante de M. Cazeneuve.
M. Jacques Bigot. Les aumôniers sont au service de l’État !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur Bigot, avec toute l’amitié, très sincère, que je vous porte, il me semble que vous évoquez un crime que je n’ai pas commis, lequel serait de toute façon bien moins grave que celui qu’aurait commis M. Cazeneuve, avec tout le respect que j’ai pour lui. Je pense d’ailleurs qu’il n’est coupable d’aucun crime !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiens absolument la position de la commission.
Pour avoir présidé la première commission d’enquête sur les réseaux djihadistes, en 2014, dans cette maison, pour avoir visité les lieux privatifs de liberté et avoir rencontré l’ensemble des aumôniers qui y travaillent, je puis vous dire que ce dont ils ont besoin, qu’ils exercent dans l’armée, dans les hôpitaux ou dans les prisons, c’est d’un statut, c’est d’être bien payés et d’avoir une formation, comme ils le demandent d’ailleurs. C’est une nécessité !
J’ai vu que vous aviez rencontré l’excellent aumônier militaire Abdelkader Arbi, qui est absolument formidable. Il fait de bons militaires et non pas de bons musulmans. Je le connais, nous l’avons auditionné plusieurs fois. Cela fait des années que nous suivons ce dossier. Esther Benbassa le connaît par cœur.
S’il est adopté, ce texte n’ira pas au-delà du Sénat, mais notre Haute Assemblée aura envoyé un signe important en insistant sur la formation non diplômante. Si le décret est confirmé, les choses avanceront telles que les a vues Bernard Cazeneuve.
Pour conclure, il faut envoyer un signal fort, car les aumôniers pénitentiaires et hospitaliers sont extrêmement importants face à des gens très fragilisés, dans des situations réellement difficiles. Il est positif d’évoquer leur cas, leur formation, leur statut et leur rémunération, qui sont, je le rappelle, au passage, tout à fait indignes du travail qu’ils accomplissent.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 bis.
(L’article 4 bis est adopté.)
Article 5
(Supprimé)
Article 6
(Supprimé)
Article 7
I. – Au deuxième alinéa de l’article 421-2-5 du code pénal, après le mot : « commis », sont insérés les mots : « dans le cadre d’une réunion pour la célébration d’un culte ou ».
II. – Le septième alinéa de l’article 24, le deuxième alinéa de l’article 32 et le troisième alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « La peine d’emprisonnement est portée à deux ans lorsque les faits ont été commis dans le cadre d’une réunion pour la célébration d’un culte. »
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
(Supprimé)
Chapitre II
(Division et intitulé supprimés)
Articles 9 à 11
(Supprimés)
Chapitre III
(Division et intitulé supprimés)
Article 12
(Supprimé)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Étant à l’origine de ce débat, je tiens à remercier les collègues qui ont bien voulu y participer.
Je remercie également Mme la ministre de sa patience sur un texte qui n’était pas inscrit à son agenda, ainsi que Mme la rapporteur de ses efforts pour aboutir à un texte dont le mérite est de poser des questions que nous aurons à retraiter à un moment ou à un autre.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. J’ai écouté religieusement les débats d’aujourd’hui. (Exclamations amusées.) S’il faut reconnaître que l’unification du régime juridique applicable aux associations cultuelles pourrait être justifiée par la volonté de tracer des lignes de démarcation plus claires entre les activités cultuelles et les activités non cultuelles, il serait à mon avis hâtif d’adopter un texte dont l’ossature contrevient manifestement à des libertés de nature constitutionnelle et conventionnelle.
Même si une solution de repli plutôt adroite a été trouvée par notre rapporteur, dont je salue le travail, pour instituer une obligation de formation pour les aumôniers intervenant dans les services publics pénitentiaires, hospitaliers et militaires, il n’est pas certain, comme l’a rappelé notre collègue Jacques Bigot, qu’elle relève de l’action du législateur.
Je me pose par ailleurs la question de l’opportunité et de la pertinence de ce texte pour les collectivités ultramarines. À Mayotte, mais également en Guyane, la loi de 1905 n’est pas appliquée. En conséquence, si la présente proposition de loi avait été adoptée dans sa version initiale, on aurait interdit aux cultes de s’organiser en loi 1901 sans leur permettre de s’organiser en loi 1905. Seul aurait été possible l’exercice des cultes et des missions religieuses des décrets-lois Mandel, ce qui est une formule peu utilisée.
J’attire solennellement l’attention de notre assemblée sur l’équilibre multiséculaire que la société mahoraise est parvenue à assurer dans notre République. Attention à ne pas rompre cet équilibre dans ce territoire où l’islam est non pas la deuxième religion, mais la première religion.
Je déplore donc que les auteurs de ce texte n’y aient pas songé, alors que, dans mon territoire, jamais la pratique de l’islam n’a posé de problème vis-à-vis des règles de la République.
C’est la raison pour laquelle je voterai contre ce texte.
Mme Esther Benbassa. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que, comme nous vous l’avions annoncé, nous voterons contre cette proposition de loi.
Je regrette que l’article 4 bis n’ait pas été supprimé. En effet, le décret du Conseil d’État doit suivre son chemin. Les dispositions prévues dans cet article ne sont pas de nature législative. Surtout, j’estime que les personnes rémunérées par l’État doivent être contrôlées par l’État. L’article 4 bis ne se justifie pas. Dans la mesure où il n’a pas été supprimé, je n’aurai aucun regret à voter contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je voterai clairement contre ce texte, ou ce qu’il en reste.
Madame la rapporteur, notre groupe n’avait qu’une envie, c’était de vous suivre sur ce texte jusqu’au bout, car vous avez effectué un travail très sérieux, très objectif et très sincère, effectué des auditions et tenté de convaincre vos collègues proches de vous politiquement. Je vous en remercie.
Nous avons un désaccord, même si, pour être clair, il n’est pas profond, sur l’article relatif au conseil consultatif. Vous avez essayé de faire une proposition. Mme la ministre a pourtant bien dit qu’elle n’en voulait pas non plus. Dès lors, à quoi bon prévoir un conseil consultatif que le ministre ne réunira jamais ?
En ce qui concerne la formation des aumôniers qui interviennent dans des établissements publics, je considère que j’ai respecté l’article 37 de la Constitution, ce qui est essentiel.
Je le répète, je voterai contre ce qu’il reste du texte, tout en vous assurant que je suis très sensible à la manière dont vous avez travaillé.
J’ajoute à l’intention de Mme Goulet et de M. Reichardt, qui est déjà parti, que je pense que la question a été largement posée dans le rapport qu’avait fait la mission d’enquête. Franchement, le débat reste entier. Il n’est pas simple de savoir ce qu’il faut faire. C’est un problème de fond, dont le Président de la République souhaite lui-même se saisir. Je pense qu’il aura du mal lui aussi à trouver une solution. Nous ne l’avons pas trouvée aujourd’hui, mais ce n’est pas surprenant.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, dans le texte de la commission, modifié.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe La République En Marche, l’autre, du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 127 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 196 |
Contre | 148 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la vice-présidente de la commission.
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. À la fin de notre débat, je tiens à remercier l’ensemble des participants de la qualité des échanges que nous avons eus, dans le respect des opinions de chacun, ce qui est important.
Je remercie également Mme la rapporteur du travail qu’elle a accompli avec justesse et finesse sur ce sujet, qui n’était pas facile.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. À mon tour, je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à ce débat. J’indique par ailleurs à Mme Goulet que mon agenda me permet toujours d’être là !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs
Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises, de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II, à l’article 4.
Chapitre II (suite)
Renforcer l’attractivité des centres pour les habitants
Article 4
Mobilisation des logements dans les immeubles à rez-de-chaussée commercial
I. – Le chapitre V du titre IV du livre Ier du code de commerce est complété par une section 10 ainsi rédigée :
« Section 10
« De l’interdiction des baux à destinations multiples
« Art. L. 145-61. – Lorsqu’un immeuble abrite un local commercial ou des locaux commerciaux et des locaux destinés à l’habitation, le bail relatif à un local commercial ne peut concerner que ce local. »
II. – La sous-section 2 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation est complétée par un article L. 111-6-1-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-6-1-4. – Sont interdits les travaux qui conduisent, dans un même immeuble, à la condamnation des accès aux locaux ayant une destination distincte. »
III. – Après l’article L. 2243-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2243-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2243-1-1. – Dans le périmètre d’une opération de sauvegarde économique et de redynamisation, l’abandon manifeste d’une partie d’immeuble est constaté dès lors que des travaux ont condamné l’accès à cette partie. La procédure prévue aux articles L. 2243-2 à L. 2243-4 est applicable. »
IV. – La section III du chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un article 233 ainsi rédigé :
« Art. 233. – I. – La taxe annuelle sur les logements vacants est aussi applicable dans les communes signataires d’une convention relative à une opération de sauvegarde économique et de redynamisation.
« II. – La taxe est due pour chaque logement situé dans le périmètre de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation vacant depuis au moins une année, au 1er janvier de l’année d’imposition, à l’exception des logements détenus par les organismes d’habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources.
« III. – La taxe est acquittée par le propriétaire, l’usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou l’emphytéote qui dispose du logement depuis le début de la période de vacance mentionnée au II du présent article.
« IV. – L’assiette de la taxe est constituée par la valeur locative du logement mentionnée à l’article 1409. Son taux est fixé à 25 % la première année d’imposition et à 35 % à compter de la deuxième.
« V. – Pour l’application de la taxe, n’est pas considéré comme vacant un logement dont la durée d’occupation est supérieure à quatre-vingt-dix jours consécutifs au cours de la période de référence définie au II du présent article.
« V bis (nouveau). – La taxe n’est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable.
« VI. – Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de la taxe sont régis comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties.
« VII. – Le produit de la taxe est versé à la commune signataire de la convention. »
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, sur l’article.
M. Rémy Pointereau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais dire quelques mots sur l’article 4 concernant la mobilisation des logements dans les immeubles à rez-de-chaussée commercial dans les périmètres OSER.
Notre objectif, vous le savez, est surtout de repeupler les centres-villes. Or, si l’on observe des locaux commerciaux vacants dans les rues commerçantes des centres-villes, on se rend compte qu’il y a aussi beaucoup de logements vacants aux premiers étages de ces immeubles. Autrefois, les commerçants habitaient au-dessus de leur commerce et ils logeaient parfois un couple ou des étudiants aux deuxième ou troisième étages. Aujourd’hui, ces logements sont souvent complètement vides.
Le cœur de la ville de Bourges, par exemple, comptait 17 000 habitants en 1975 ; ceux-ci ne sont plus que 6 000 aujourd’hui, du fait des logements vides. L’accès aux étages est parfois situé dans le magasin, ou condamné pour les premier et deuxième étages.
Il s’agit d’interdire les « baux tous immeubles », en faisant un bail commercial pour le commerce et un bail locatif à usage d’habitation pour les autres logements, d’interdire la condamnation des issues aux étages et d’appliquer une taxe sur les logements vacants, avec des taux renforcés au profit des communes concernées. La commission a souhaité ajouter, et nous en sommes d’accord, que cette taxe ne sera pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du propriétaire, par exemple du fait de l’insuffisance de la demande locale.
Cet article nous permettra de remettre sur le marché de nombreux logements aujourd’hui stérilisés au-dessus des commerces. Il ne coûte rien aux finances publiques et, de surcroît, il rapportera un peu de taxe foncière aux communes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. Pillet, Bizet, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson, Cardoux, Chaize, Chatillon, Cuypers, Danesi et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mmes Duranton, Estrosi Sassone, Férat et F. Gerbaud, MM. Genest, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Joissains, M. Kennel, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Lherbier, MM. Longeot, Longuet, Louault et Magras, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Paul, Pierre, Revet, Savary, Sido, Vial, Hugonet, Laménie et B. Fournier, Mme Berthet et MM. Bonhomme, Buffet, Gilles, Mandelli, Priou, Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 1 ter de l’article 200 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 1 … – Dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, le taux de la réduction d’impôt mentionnée au 1 du présent article est porté à 75 % pour la mise à disposition à titre gratuit d’un local, lorsqu’elle donne lieu à un contrat de location, au profit d’une personne morale mentionnée aux a, b, c, f ou g du même 1 ayant un caractère culturel. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Pillet.
M. François Pillet. Madame la présidente, m’autorisez-vous à présenter en même temps les six amendements suivants, dont les dispositions relèvent d’une philosophie commune ?
Mme la présidente. Je vous en prie, mon cher collègue.
J’appelle donc en discussion les six amendements suivants.
L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Pillet, Bizet, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson, Cardoux, Chaize, Chatillon, Cuypers, Danesi et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Férat, MM. Genest, Guené, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Joissains, M. Kennel, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Lherbier, MM. Louault, Longuet, Longeot et Magras, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Paul, Pierre, Savary et Vial, Mme F. Gerbaud, MM. Joyandet, Hugonet, Laménie et B. Fournier, Mme Berthet et MM. Bonhomme, Buffet, Gilles, Mandelli, Priou, Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 2° du 1 de l’article 50-0 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, lorsque le chiffre d’affaires provenant d’activités de la catégorie mentionnée au 1° du présent 1se rattache à la location de locaux classés meublés de tourisme, dans les conditions prévues à l’article L. 324-1 du code du tourisme, ou de chambres d’hôtes, au sens de l’article L. 324-3 du même code, l’abattement mentionné à l’alinéa précédent est porté à 80 %. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Pillet, Bizet, J.M. Boyer, Bouchet, Brisson, Cardoux, Chaize, Chatillon, Cuypers, Danesi et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Férat, MM. Genest, Guené, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Joissains, M. Kennel, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Lherbier, MM. Longuet, Louault, Longeot et Magras, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Paul, Pierre, Revet, Savary, Sido et Vial, Mmes F. Gerbaud et Bories, MM. Hugonet, Laménie et B. Fournier, Mme Berthet et MM. Bonhomme, Buffet, Gilles, Mandelli, Priou, Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 23° du II de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par un article 200 quater … ainsi rédigé :
« Art. 200 quater … – I. – Les contribuables domiciliés en France, au sens de l’article 4 B, peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour la rénovation d’un logement situé dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, dont ils sont propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit, dès lors que les conditions suivantes sont réunies :
« 1° La construction du logement est achevée depuis au moins quinze ans ;
« 2° Les dépenses sont payées entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2024 ;
« 3° Le logement est affecté à l’usage d’habitation principale du contribuable à la date de paiement des dépenses.
« II. – Un arrêté conjoint des ministres chargés du logement, de la ville et de l’aménagement du territoire précise les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt.
« III. – Pour un même logement, le montant des dépenses mentionnées au II ne peut excéder la somme de 8 000 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 16 000 € pour un couple soumis à imposition commune, sur la période mentionnée au 2° du I. Cette somme est majorée de 500 € par personne à charge, au sens des articles 196 à 196 bis, et de 250 € s’il s’agit d’un enfant réputé à charge égale de l’un et l’autre de ses parents.
« IV. – Le crédit d’impôt est égal à 15 % du montant des dépenses mentionnées au II dans la limite mentionnée au III.
« V. – Le crédit d’impôt s’applique pour le calcul de l’impôt dû au titre de l’année du paiement des dépenses mentionnées au II, après imputation des réductions d’impôt, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires prévus au présent chapitre. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué.
« VI. – Le crédit d’impôt fait l’objet d’une reprise au titre de l’année au cours de laquelle l’une des conditions mentionnées au I ou au II n’est plus respectée.
« Lorsque le bénéficiaire du crédit d’impôt est remboursé dans un délai de cinq ans de tout ou partie du montant des dépenses mentionnées au II, il fait l’objet, au titre de l’année de remboursement, et dans la limite du crédit d’impôt obtenu, d’une reprise égale au montant de l’avantage fiscal accordé à raison de la somme qui a été remboursée. Toutefois, aucune reprise n’est pratiquée lorsque le remboursement fait suite à un sinistre survenu après que les dépenses ont été payées.
« VII. – Les dispositions du présent article sont exclusives de celles mentionnées aux articles 199 sexdecies et 200 quater ou résultant d’une déduction de charge pour la détermination des revenus catégoriels du contribuable. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Pillet, Bizet, J.M. Boyer, Brisson, Cardoux, Chaize, Chatillon, Cuypers, Danesi et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Férat, MM. Genest, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Joissains, M. Kennel, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Lherbier, MM. Longeot, Louault, Longuet et Magras, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Paul, Pierre, Revet, Savary, Sido, Vial, Guené, Babary et Joyandet, Mmes F. Gerbaud et Bories, MM. Hugonet, Laménie et B. Fournier, Mme Berthet et MM. Bonhomme, Buffet, Gilles, Priou, Mandelli, Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 33° du II de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier est complété par un article 200 quaterdecies A ainsi rédigé :
« Art. 200 quaterdecies A. – I. – Les contribuables fiscalement domiciliés en France, au sens de l’article 4 B, qui acquièrent un logement dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des intérêts des prêts contractés auprès d’un établissement financier à raison de cette opération, tels que définis à l’article L. 312-2 du code de la consommation, dès lors que les conditions suivantes sont réunies :
« 1° La construction du logement est achevée depuis au moins quinze ans ;
« 2° Le prêt a été souscrit, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2024, dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, et qui satisfont à une réglementation équivalente ;
« 3° Le logement est affecté à l’usage d’habitation principale du contribuable à la date de paiement des intérêts du prêt.
« II. – Ouvrent droit au crédit d’impôt les intérêts payés au titre des cinq premières annuités de remboursement des prêts mentionnés au I, à l’exclusion :
« 1° Des intérêts des prêts affectés au remboursement en tout ou en partie d’autres crédits ou découverts en compte ;
« 2° Des intérêts des prêts affectés à l’acquisition d’un logement par l’intermédiaire d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés ;
« 3° Des frais d’emprunt et des cotisations d’assurances contractées en vue de garantir le remboursement des prêts.
« III. – Pour un même logement, le montant des intérêts mentionnés au II ne peut excéder, au titre de chaque année d’imposition, la somme de 3 750 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 7 500 € pour un couple soumis à imposition commune. Cette somme est majorée chaque année de 500 € par personne à charge, au sens des articles 196 à 196 bis du présent code, et de 250 € s’il s’agit d’un enfant réputé à charge égale de l’un et l’autre de ses parents.
« IV. – Le crédit d’impôt est égal à 40 % du montant des intérêts mentionnés au II au titre de la première annuité de remboursement et à 20 % de ce montant au titre des quatre annuités suivantes, dans la limite mentionnée au III.
« V. – Le crédit d’impôt s’applique pour le calcul de l’impôt dû au titre de l’année du paiement des intérêts mentionnés au II, après imputation des réductions d’impôt, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires prévus au présent chapitre. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué.
« VI. – Le crédit d’impôt fait l’objet d’une reprise au titre de l’année au cours de laquelle l’une des conditions mentionnées aux I ou II n’est plus respectée.
« VII. – Les dispositions du présent article sont exclusives de celles mentionnées au a du 2 de l’article 199 undecies A. » ;
2° À l’avant-dernier alinéa de l’article 193, la référence : « 200 quaterdecies » est remplacée par la référence : « 200 quaterdecies A ».
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Pillet, Bizet, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson, Cardoux, Chaize, Chatillon, Cuypers, Danesi et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Férat, MM. Genest, Guené, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Joissains, M. Kennel, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Lherbier, MM. Longeot, Louault, Magras et Longuet, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Paul, Pierre, Revet, Savary, Sido et Vial, Mmes F. Gerbaud et Bories, MM. Hugonet, Laménie et B. Fournier, Mme Berthet et MM. Bonhomme, Buffet, Gilles, Mandelli, Priou, Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le XLIX de la section II du chapitre IV du titre premier de la première partie du livre premier est ainsi modifié :
a) L’intitulé est complété par les mots : « et dans les logements anciens dans les centres-villes nécessitant d’être revitalisés » ;
b) Il est ajouté un article 244 quater X A ainsi rédigé :
« Art. 244 quater X A. – I. – Les organismes d’habitations à loyer modéré, mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses effectivement supportées pour l’acquisition ou la réhabilitation d’un immeuble situé dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, dès lors que les conditions suivantes sont réunies :
« 1° La construction de l’immeuble est achevée depuis au moins quinze ans ;
« 2° Les dépenses sont payées entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2024 ;
« 3° Dans les six mois suivant son acquisition, ou l’achèvement des travaux de réhabilitation, et pour une durée au moins égale à cinq ans, l’immeuble est donné en location nue ou meublée à des personnes physiques qui en font leur résidence principale par l’organisme mentionné au premier alinéa du présent I, ou confié en gestion à un centre régional des œuvres universitaires et scolaires pour le logement d’étudiants bénéficiaires de la bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux, selon des modalités précisées par décret.
« II. – Un arrêté conjoint des ministres chargés du logement, de la ville et de l’aménagement du territoire précise les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt.
« III. – Pour un même immeuble, le montant des dépenses mentionnées au II ne peut excéder la somme de 50 000 €, sur la période mentionnée au 2° du I.
« IV. – Le crédit d’impôt est égal à 40 % du montant des dépenses mentionnées au II, dans la limite mentionnée au III.
« V. – Le crédit d’impôt est accordé au titre de l’année d’acquisition de l’immeuble. En cas de réhabilitation d’immeuble, le crédit d’impôt est accordé au titre de l’année d’achèvement des travaux.
« VI. – Le crédit d’impôt fait l’objet d’une reprise au titre de l’année au cours de laquelle :
« 1° L’une des conditions mentionnées au I ou au II n’est plus respectée ;
« 2° L’immeuble est cédé, si cette cession intervient avant l’expiration de la période mentionnée au 3° du I.
« VII. – Les dispositions du présent article sont exclusives de celles mentionnées à l’article 244 quater X.
« VIII. – Le bénéfice du crédit d’impôt prévu au I du présent article est subordonné au respect de la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général. » ;
2° À l’article 220 Z quinquies, après la première occurrence de la référence : « 244 quater X », est insérée la référence : « ou à l’article 244 quater X A ».
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Pillet, Bizet, Bouchet, Brisson, J.M. Boyer, Cardoux, Chaize, Chatillon, Cuypers, Danesi et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Férat, MM. Genest, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Joissains, M. Kennel, Mme Lassarade, MM. P. Laurent et Lefèvre, Mme Lherbier, MM. Longeot, Longuet, Louault et Magras, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Paul, Pierre, Revet, Sido, Savary, Vial et Guené, Mme F. Gerbaud, MM. Joyandet, Hugonet, Laménie et B. Fournier, Mme Berthet et MM. Bonhomme, Buffet, Gilles, Priou, Mandelli, Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le B de l’article 1594-0 G est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Les acquisitions d’immeubles situés dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, et dont la construction est achevée depuis au moins quinze ans. » ;
2° Le III de la section I du chapitre III du titre II de la deuxième partie du livre premier est complété par un article 1594 … ainsi rédigé :
« Art. 1594 … – Le conseil départemental peut, sur délibération, exonérer de taxe de publicité foncière ou de droits d’enregistrement les acquisitions d’immeubles dont la construction est achevée depuis au moins quinze ans. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Pillet, Bizet, J.M. Boyer, Brisson, Bouchet, Cardoux, Chatillon, Chaize, Cuypers, Danesi et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Férat, M. Genest, Mme N. Goulet, MM. Guené, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Joissains, M. Kennel, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Lherbier, MM. Longeot, Longuet, Louault et Magras, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Paul, Pierre, Revet, Savary, Sido, Vial, Hugonet et Laménie, Mme F. Gerbaud, M. B. Fournier, Mme Berthet et MM. Bonhomme, Buffet, Gilles, Mandelli, Priou, Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, cette durée est fixée à six mois. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. François Pillet. L’amendement que j’ai présenté ce matin, au nom de plusieurs collègues, et cette série d’amendements visent à intégrer dans la présente proposition de loi deux propositions de loi qui avaient volontairement été scindées.
La première visait à préserver le tissu social des centres-villes et n’avait aucune incidence financière. L’amendement a été voté ce matin, sur la base de quelques créations d’ingénierie juridique… (Sourires.)
Les amendements que je vous présente cet après-midi, en revanche, sont issus de la proposition de loi portant incitation à la préservation du tissu social des centres-villes et contiennent donc des mesures ayant une incidence financière.
L’objet des amendements que je vous présente est simple ; il est exposé en quelques lignes sur chacun d’entre eux. Si ces amendements sont de portée différente, ils reposent tous sur des techniques existantes, qu’il s’agisse de réductions d’impôt ou de crédits d’impôt. Bien sûr, ils n’ont pu faire l’objet d’une étude d’impact. Je conçois donc qu’il faille en mesurer l’effet financier.
Certains de ces amendements ne tendent à poser aucun problème juridique, y compris au niveau européen, à mon avis. J’invite le Sénat à les adopter dans cette proposition de loi, pour qu’ils soient éventuellement repris dans la loi ÉLAN ou rediscutés à l’occasion de la loi de finances.
Un ou deux amendements peuvent poser un problème à l’échelon européen, me dit-on. Je ne le crois pas, mais, en ce cas, je les retirerai. Je prendrai alors la responsabilité de les réétudier et de les représenter au moment de la loi ÉLAN ou de la loi de finances.
En toute hypothèse, je vous rappelle que ces amendements visent des réductions ou crédits d’impôts qui fonctionnent dans d’autres domaines, par exemple des intérêts d’emprunts ou des dons de la valeur de la location.
Ma position est tout à fait responsable. Je vous demande de voter les amendements qui ne posent pas de problèmes juridiques. Je retirerai ceux qui invitent à une réflexion juridique, pour les présenter ultérieurement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Mon cher collègue, ces amendements auraient plutôt vocation à être examinés en loi de finances, mais nous en avons déjà débattu ce matin.
À ma connaissance, leurs dispositions ne posent pas de problème juridique particulier à l’égard des diverses réglementations existantes. Cependant, quelques considérations d’opportunité ont amené la commission des finances à se positionner. Examinons-les un par un, si vous le voulez bien.
L’amendement n° 13 rectifié bis, qui vise à augmenter de 66 % à 75 % la réduction d’impôt sur le revenu pour des particuliers qui mettraient à la disposition d’associations culturelles des locaux à titre gratuit, a fait l’objet d’un avis de sagesse de la commission des finances.
En effet, nous sommes tout à fait conscients de l’importance de l’animation culturelle pour redonner vie aux centres-villes et centres-bourgs. Il peut donc paraître opportun de soutenir la mise à disposition gratuite de locaux pour les associations culturelles. La majoration de la réduction d’impôt sur le revenu, tout en étant incitative, est suffisamment modeste pour ne pas avoir une répercussion trop grande sur les comptes publics.
L’amendement n° 10 rectifié bis est quelque peu différent, puisqu’il vise à porter à 80 % l’abattement d’impôt sur le revenu appliqué aux micro-entrepreneurs au titre de la location saisonnière dans les périmètres OSER. Cette mesure pourrait fragiliser le secteur hôtelier et favoriser la location temporaire des logements au détriment de l’habitation permanente, ce qui ne va pas dans le sens de l’animation permanente des centres-villes visée par la proposition de loi.
La commission des finances a donc émis un avis défavorable, étant entendu, je le répète, qu’il serait préférable d’examiner de telles dispositions en loi de finances.
L’amendement n° 8 rectifié bis vise à instaurer un crédit d’impôt au titre des dépenses de rénovation d’un logement situé en périmètre « OSER ». Il définit un dispositif proche du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, et l’applique à toute rénovation de logement en périmètre « OSER ».
Le plafond de dépenses est identique : 8 000 euros pour une personne seule, 16 000 euros pour un couple, avec des majorations pour personnes à charge. Le crédit est de 15 % des dépenses engagées, contre 15 % à 30 % pour le CITE en fonction du type de travaux. L’impact financier n’est pas chiffré. Cela risque de n’être qu’une nouvelle dépense « de guichet », avec un possible, et même probable, effet d’aubaine, aucune condition particulière ne venant limiter son application.
Le dispositif présente la même difficulté que les autres mesures fiscales du texte : pourquoi s’appliquerait-il dans une rue choisie par la commune et pas dans la rue voisine ? C’est là, en effet, une possible fragilité juridique. Pour ces raisons, la commission des finances a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 7 rectifié bis vise à instituer un crédit d’impôt sur le revenu au titre des intérêts des prêts contractés par l’acquisition d’un logement en périmètre « OSER ». La commission des finances y est également défavorable.
Il s’agit de remettre en œuvre un dispositif qui a existé jusqu’en 2010. La loi de finances pour 2011 a remplacé ce crédit d’impôt pour plusieurs raisons. Il présentait un fort effet d’aubaine, favorisait les ménages qui n’en avaient pas forcément le plus besoin, car il était d’autant plus élevé que le bien était onéreux, et contribuait à la hausse des prix, puisqu’il était ouvert à tous les acheteurs. On observerait probablement les mêmes effets avec le dispositif proposé, puisqu’il suit les mêmes modalités.
Enfin, et surtout, ce crédit d’impôt a été remplacé, ainsi que d’autres dispositifs d’aide, par le prêt à taux zéro, qui n’a pas les défauts que je viens d’énumérer. Si nous adoptions cet amendement, il y aurait donc, en périmètre OSER, le chevauchement de deux dispositifs, alors même qu’il ne s’agit pas nécessairement des endroits où il est le plus difficile de trouver un logement. L’avis de la commission des finances, je le rappelle, est par conséquent défavorable.
L’amendement n° 9 rectifié bis tend à instituer un crédit d’impôt pour les dépenses d’acquisition et de réhabilitation par les organismes HLM d’immeubles situés en périmètre « OSER ».
La commission des finances rappelle que les organismes HLM, de même que les autres organismes de logement social, sont déjà exonérés du paiement de l’impôt sur les sociétés pour les opérations réalisées au titre du service d’intérêt général. Cela inclut, notamment, l’acquisition et l’amélioration de logements à loyers plafonnés destinés à des personnes de condition modeste. L’avis de la commission des finances est donc défavorable.
L’amendement n° 6 rectifié bis a pour objet d’exonérer de taxe de publicité foncière et de droits de mutation les acquisitions d’immeubles situés dans les périmètres OSER. Il est rappelé que l’article 1594-0 G du code général des impôts exonère certaines opérations de taxe de publicité foncière ou de droits d’enregistrement. C’est le cas lorsque l’acquéreur s’engage à reconstruire l’immeuble, ou dans le cadre de zones à urbaniser par priorité ou de zones d’aménagement différé. Tel est le dispositif existant.
L’exonération proposée par l’amendement serait beaucoup plus large, puisqu’elle concernerait l’ensemble du périmètre des centres-villes OSER, soit au moins 4 % de la surface urbanisée et une proportion sans doute nettement plus élevée des immeubles.
Les droits de mutation sont un impôt certainement critiquable, qui a d’ailleurs été encore récemment l’objet de critiques. Ils ont sans doute un impact social, car ils rendent coûteuse la cession d’immeuble, donc le déménagement pour un propriétaire. Pour autant, leur réforme éventuelle ne peut être faite à l’occasion de cette proposition de loi et devrait intervenir dans un projet de loi de finances, dans le cadre de la réforme des finances locales annoncée par le Gouvernement.
Accessoirement, ce serait aussi une perte de recettes importante, non seulement pour la commune, mais aussi pour son département. En conséquence, l’avis de la commission des finances est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 11 rectifié bis ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur de la commission des affaires économiques. L’amendement n° 11 rectifié bis tend à porter de quatre à six mois la possibilité de location de la résidence principale dans les périmètres OSER. Cela va dans le sens du repeuplement des centres-villes dans les périmètres OSER.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les arguments du Gouvernement sont proches de ceux du rapporteur de la commission des finances sur les premiers amendements, à quelques détails près.
Les dispositions des six premiers amendements, tout d’abord, relèvent d’une loi de finances.
L’amendement n° 13 rectifié bis a pour objet l’extension du taux de la réduction d’impôt sur le revenu réservée aux dons effectués au profit d’organismes culturels dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation, dits « OSER ». Aujourd’hui, ce taux exceptionnellement favorable est réservé aux organismes d’aide aux personnes en difficulté. Il nous semble que cette spécificité doit être maintenue. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
L’amendement n° 10 rectifié bis vise l’abattement forfaitaire du régime des microentreprises. Comme votre rapporteur pour avis, nous soulignons que cette mesure extrêmement favorable s’ajouterait au régime des microentreprises qui l’est d’ores et déjà, à savoir des seuils de recettes de 170 000 euros au lieu de 70 000 euros pour les autres loueurs en meublé, un taux d’abattement forfaitaire porté à 71 %, au lieu de 50 %.
Or ce régime est un régime simplifié d’imposition et nullement un dispositif d’allégement de la fiscalité. L’abattement prévu, qui est représentatif des frais et des charges engagés par l’entrepreneur, est donc suffisant et ne saurait être étendu. L’avis du Gouvernement est par conséquent défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 8 rectifié bis, nous pointons l’effet d’aubaine pour les contribuables déjà résidents des quartiers des centres-villes, qui bénéficieraient de l’avantage fiscal. Nous soulignons également, à notre tour, la fragilité de la mesure au regard du principe d’égalité. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° 7 rectifié bis, le rapporteur pour avis l’a fort bien expliqué, vise à instaurer un dispositif qui viendrait se superposer au dispositif de prêt à taux zéro, ce qui présenterait des difficultés d’articulation. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est également défavorable.
L’amendement n° 9 rectifié bis tend à poser une difficulté au regard de la réglementation européenne en matière d’aides d’État. Les bailleurs sociaux bénéficient d’ores et déjà d’un dispositif fiscal dérogatoire, dans la mesure où les bénéfices se rapportant aux activités réalisées au titre du service d’intérêt général défini à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation sont exonérés d’impôt sur les sociétés.
Au regard de la réglementation européenne, ces exonérations constituent une compensation de service d’intérêt économique général exemptée de notification, car elles relèvent de la décision de la Commission du 20 décembre 2011.
Les compensations de service d’intérêt économique général sont exemptées de notification, car elles sont présumées compatibles avec le marché intérieur, dès lors qu’elles remplissent les trois critères suivants : l’existence d’un mandat d’exécution des obligations, les paramètres de calcul de la compensation établis préalablement et l’absence de surcompensation.
Or rien n’indique dans l’amendement proposé que la création d’un crédit d’impôt ne constituerait pas une surcompensation, fragilisant le dispositif juridique de soutien à l’activité des bailleurs sociaux. Le Gouvernement a par conséquent émis un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 6 rectifié bis, nous suivons l’avis défavorable de la commission des finances, au motif que le périmètre de l’amendement est extrêmement large et conduit à supprimer toute fiscalité sur les transactions immobilières pour tous les immeubles de plus de quinze ans, quelle que soit leur fonction.
Enfin, l’amendement n° 11 rectifié bis, qui n’est pas d’ordre fiscal, vise à porter de quatre à six mois la limite annuelle posée à la location de la résidence principale dans les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation.
Nous restons cohérents avec le souci de protéger l’habitat permanent dans toutes les villes. C’est cette préoccupation qui a conduit le Gouvernement à proposer un plafond de cent vingt jours dans le cadre de l’article 51 du projet de loi ÉLAN.
M. Rémy Pointereau. Ça recommence !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. L’occasion d’en discuter de nouveau se présentera lors du passage de ce texte au Sénat.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Pilet, ces amendements sont-ils maintenus ?
M. François Pillet. L’amendement n° 13 rectifié bis a reçu un avis de sagesse positive de la commission des finances, cela me comble et, bien évidemment, je le maintiens.
S’agissant de l’amendement n° 10 rectifié bis, en revanche, j’ai été plus largement sensible aux arguments avancés par le rapporteur pour avis : je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié bis est retiré.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. François Pillet. Je maintiens les amendements nos 8 rectifié bis et 7 rectifié bis, qui ont reçu des avis défavorables, car il faut savoir ce que nous voulons : si nous ne créons pas des incitations, éventuellement qui s’ajoutent à d’autres, nous ne parviendrons pas à revitaliser les centres-villes ! Je veux bien en reparler au moment de l’examen de la loi ÉLAN ou de la loi de finances, mais je souhaite que ces dispositions de ces amendements figurent dans ce texte, et j’invite mes collègues à les soutenir.
Je retire l’amendement n° 9 rectifié bis, pour les raisons qui ont été indiquées par Mme la secrétaire d’État et par M. le rapporteur pour avis.
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié bis est retiré.
Veuillez poursuivre et achever, mon cher collègue.
M. François Pillet. Je maintiens en revanche l’amendement n° 6 rectifié bis, malgré les avis défavorables. Certes, l’adoption de cet amendement aurait pour effet de supprimer quelques recettes de droits de mutation aux communes et aux départements, mais, là encore, voulons-nous, oui ou non, revitaliser les centres-villes, ce qui, à terme, aura un effet bénéfique sur les finances des communes et des départements ? Il faut savoir ce que l’on veut !
Enfin, l’amendement n° 11 rectifié bis a reçu un avis favorable de la commission : j’en suis ravi, et je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Mon explication de vote porte sur l’ensemble des amendements.
Effectivement, nous avons besoin de moyens, de leviers dans les périmètres « OSER », mais prenons garde, mes chers collègues, à ne pas accumuler les dispositifs de crédits d’impôt. Le Gouvernement aurait beau jeu de dire que c’est une proposition de loi fourre-tout, l’auberge espagnole de ce que nous aurions pu faire en loi de finances !
Pour notre part, nous soutiendrons les amendements nos 13 rectifié bis et 11 rectifié bis. Nous pensons notamment que le soutien à la culture par une augmentation de la réduction d’impôt sur le revenu va dans le sens de la revitalisation de nos centres-villes centres-bourgs. Nous nous abstiendrons sur les autres amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous soutiendrons l’ensemble des amendements qui ont été maintenus.
Je voudrais néanmoins faire remarquer que les auteurs et les praticiens vont devoir s’armer d’une sérieuse série de mesures de communication ! Il va falloir informer à la fois les bénéficiaires et les nouveaux acteurs des outils dont ils vont disposer. Certes, nous n’en sommes qu’à la première lecture au Sénat, et la route est encore longue, mais il faudra profiter de ce laps de temps pour faire prospérer dans les faits les dispositions qui seront votées en première lecture.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. L’amendement visant la culture me paraît important, parce que c’est un élément essentiel de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.
De surcroît, il faut le savoir, aujourd’hui, certaines régions ne mettent plus un sou dans la culture et dans les associations. Dans la région Nouvelle-Aquitaine, par exemple, M. Rousset ne s’intéresse pas à la culture. Seuls les départements et les communes continuent à la financer. Il importe donc de faire un effort pour la culture, pas seulement pour les grandes villes, mais aussi pour la ruralité.
Je voterai donc ces amendements.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Article 5
Maintien des services publics dans les centres-villes
I. – Le chapitre Ier du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 1111-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-11. – I. – Dans les communes signataires d’une convention relative à une opération de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnée à l’article 1er de la loi n° … du … portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, lorsqu’il est envisagé la fermeture ou le déplacement d’un service de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un organisme chargé d’une mission de service public situé dans le périmètre de l’opération, le représentant de l’État dans le département ou l’autorité exécutive de la collectivité territoriale, de l’établissement public de coopération intercommunale ou de l’organisme chargé d’une mission de service public communique au maire de la commune et au président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont est membre la commune toutes les informations justifiant cette fermeture ou ce déplacement, au moins six mois avant la date prévue pour sa réalisation. L’État, la collectivité territoriale, l’établissement public de coopération intercommunale ou l’organisme chargé d’une mission de service public présente les conséquences en termes de dévitalisation du centre-ville ou du centre-bourg que la décision projetée est susceptible d’occasionner et justifie qu’aucune alternative permettant de maintenir le service dans le périmètre considéré n’est possible.
« Ces informations sont également transmises à la région et au département.
« Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont est membre la commune peut demander toute information complémentaire au représentant de l’État dans le département ou à l’autorité exécutive de la collectivité territoriale, de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de l’organisme chargé d’une mission de service public, qui dispose d’un délai d’un mois pour la communiquer.
« II. – Par délibération motivée, et sauf lorsque la fermeture ou le déplacement du service résulte de l’application d’une disposition législative ou réglementaire, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut adresser au représentant de l’État dans le département ou à l’autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale ou de l’organisme chargé d’une mission de service public une motion tendant à s’opposer à la fermeture ou au déplacement du service, dans le mois suivant la notification de cette décision par le représentant de l’État dans le département ou par l’autorité compétente. Celui-ci ou celle-ci dispose d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour formuler des propositions alternatives ou compensatoires. Les collectivités territoriales disposent alors d’un délai d’un mois pour les accepter ou les rejeter.
« III. – À la suite de la fermeture ou du déplacement d’un service mentionné au I du présent article intervenu dans le périmètre d’une opération de sauvegarde économique et de redynamisation, la commune ou, à défaut, l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre, conclut avec l’État, la collectivité territoriale, l’établissement public de coopération intercommunale ou l’organisme chargé d’une mission de service public une convention de mise à disposition des locaux laissés vacants, dont l’État, la collectivité territoriale, l’établissement public de coopération intercommunale ou l’organisme chargé d’une mission de service public est propriétaire, pour une durée ne pouvant être inférieure à dix ans. Dans le cas où le propriétaire du bien décide de céder ce dernier, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dispose d’un droit de préemption. »
II. – La section 2 du chapitre V du titre III du livre IV de la première partie du code la santé publique est complétée par un article L. 1435-5-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 1435-5-6. – I. – Lorsqu’elle conclut un contrat prévu dans la présente section avec un ou plusieurs professionnels de santé libéraux qui vise à octroyer des aides financières, l’agence régionale de santé veille au maintien d’une offre médicale diversifiée au sein des périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation. Ces aides ne peuvent être destinées à financer le transfert d’un centre de santé, d’une maison de santé ou d’un site d’un pôle de santé hors de ces périmètres.
« II. – Sur le territoire d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre signataire d’une convention relative à une opération de sauvegarde économique et de redynamisation, lorsqu’elle accorde une aide destinée à faciliter la création d’une maison de santé, d’un pôle de santé, ou d’un ou plusieurs sites d’un pôle de santé, l’agence régionale de santé examine en priorité les possibilités d’implantation dans le périmètre de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation. Cette aide ne peut être accordée que si le projet permet le maintien des professionnels de santé au sein de ce périmètre, sauf accord de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou si le porteur de projet justifie que l’installation de la maison de santé, d’un pôle de santé, ou d’un ou plusieurs sites d’un pôle de santé dans ledit périmètre n’est pas possible. »
III. – L’article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Lorsqu’elles accordent une aide mentionnée au I du présent article, les collectivités territoriales et leurs groupements veillent au maintien d’une offre médicale diversifiée au sein des périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation. Lorsqu’un projet d’implantation concerne une commune ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre signataire d’une convention relative à une opération de sauvegarde économique et de redynamisation, une aide n’est accordée que si le projet permet le maintien des professionnels de santé au sein du périmètre faisant l’objet de ladite convention, sauf accord de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou si le porteur de projet justifie que le projet ne peut être réalisé dans ledit périmètre. »
IV. – Après l’article 27-2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 27-3 ainsi rédigé :
« Art. 27-3. – Sur le territoire d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre signataire d’une convention relative à une opération de sauvegarde économique et de redynamisation, une aide n’est accordée à un projet d’implantation d’une maison de services au public que s’il permet le maintien effectif de ou des services publics envisagés au sein du périmètre faisant l’objet de ladite convention, sauf accord de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou si le porteur de projet justifie que le projet ne peut être réalisé dans ledit périmètre. »
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l’article.
M. Martial Bourquin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais que l’on comprenne bien le sens de cet article. Nous devons tous, collectivités, EPCI, État, donner l’exemple pour nos centres-villes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nous avons une responsabilité collective dans leur fragilisation. Si nous voulons les revitaliser, nous devons donc changer complètement nos comportements.
L’une des difficultés majeures de nos centres-villes et de nos centres-bourgs, c’est leur abandon par les services publics qui prend une dimension extrêmement préoccupante. Il faut arrêter cette fuite en avant !
Nous proposons quatre mesures pour les services existants. La première, c’est l’obligation d’informer les élus d’un périmètre « OSER » des projets de transfert des services publics.
La deuxième obligation, c’est de justifier de l’impossibilité de maintenir le service en centre-ville.
La troisième obligation, c’est la possibilité pour la commune victime du transfert d’exprimer son refus, ce qui ouvre une phase de dialogue avec l’autorité responsable du service public.
La quatrième mesure, si ce dialogue est infructueux, c’est la possibilité pour la commune de récupérer les locaux désertés, à l’euro symbolique.
Pour les services publics à venir, nous proposons d’encourager les maisons et les pôles de santé ainsi que les maisons de service public à s’installer dans les centres-villes et les centres-bourgs. C’est le contraire de la pratique actuelle, ces services étant souvent délocalisés en périphérie.
Pour cela, les aides à l’installation ne doivent pas servir d’accord. Surtout, il faut montrer qu’il existe des impossibilités. La culture de la périphérie a gagné l’État et souvent les collectivités territoriales. On a vu des services publics, notamment les perceptions, mais aussi bien d’autres, quitter les centres-villes pour se regrouper en périphérie.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Martial Bourquin. Nous le savons tous, le départ en périphérie du généraliste ou du pharmacien signe le début de la désertification d’un centre-ville.
Mes chers collègues, voilà pourquoi cet article 5 est très important. Il faut que les choses changent de ce point de vue, et l’État doit montrer l’exemple !
Mme la présidente. L’amendement n° 48 rectifié bis, présenté par MM. Raison, Bas, Milon, Mouiller, Dallier et Longuet, Mme Vullien, MM. D. Laurent, Mizzon et Paccaud, Mme Gatel, MM. H. Leroy et Bascher, Mme Puissat, MM. Reichardt, Joyandet et Perrin, Mme Joissains, M. Dufaut, Mme Bonfanti-Dossat, M. Danesi, Mmes Deromedi, Chain-Larché, Eustache-Brinio, Imbert et Thomas, MM. de Nicolaÿ et Chaize, Mme Raimond-Pavero, MM. Longeot, Savary et Meurant, Mme Dumas, M. Vial, Mme Duranton, M. Panunzi, Mme Vermeillet, M. Morisset, Mmes Loisier et Sollogoub, M. Henno, Mmes Micouleau et Gruny, M. Chatillon, Mme Morhet-Richaud, M. Babary, Mme de Cidrac, M. Revet, Mmes Garriaud-Maylam et Lopez, MM. L. Hervé, Détraigne, Cuypers et Bonne, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. B. Fournier, Pierre et Genest, Mmes Chauvin et Canayer, MM. Bonhomme, Mandelli et Priou, Mmes Deroche et Férat, M. JM. Boyer, Mme AM. Bertrand, MM. Mayet, Cigolotti et Savin, Mme Berthet et MM. Daubresse et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« IV. – Lorsqu’il existe un ou plusieurs locaux laissés vacants dans le périmètre d’une opération de sauvegarde économique et de redynamisation, consécutivement à la fermeture ou au déplacement d’un service mentionné au I antérieurs à la délibération instituant ce périmètre, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont est membre la commune peut proposer à l’État, à la collectivité territoriale, à l’établissement public de coopération intercommunale ou à l’organisme chargé d’une mission de service public la conclusion d’une convention de mise à disposition des locaux laissés vacants dont ils sont propriétaires. Ils disposent d’un délai de trois mois pour y répondre.
« Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont est membre la commune peut demander toute information complémentaire au représentant de l’État dans le département ou à l’autorité exécutive de la collectivité territoriale, de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de l’organisme chargé d’une mission de service public, relative à l’état et à l’utilisation envisagée des locaux laissés vacants dont ils en sont propriétaires. Ils disposent d’un délai d’un mois pour la communiquer. »
La parole est à Mme Anne Chain-Larché.
Mme Anne Chain-Larché. Chacun l’aura compris, cet amendement se justifie par son texte même. Il s’agit de limiter le développement de certaines friches et de faire en sorte d’assurer un turn-over suffisamment rapide en termes de récupération de bâtiments laissés vacants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. Les auteurs de l’amendement s’inspirent d’une expérience réussie en Suisse, afin de favoriser, dans une gare qui a fermé, l’installation d’un commerçant.
La commission trouve l’idée intéressante : son avis est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le Gouvernement est absolument en phase avec l’objectif visé dans cet amendement. Il considère que la réaffectation de locaux vacants est bien évidemment à encourager.
En revanche, on me signale que cette mesure ne relève pas de la loi. Je vous invite donc, madame la sénatrice, à vous rapprocher des services de mon collègue Jacques Mézard, afin de voir comment travailler sur un support adéquat pour ce genre de mesure.
Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. J’ai trouvé les précédents propos de M. Bourquin empreints de vérité et tout à fait intéressants. À voir ce qui se passe dans les départements, je voudrais que le Gouvernement donne quelques consignes aux agences régionales de santé, les ARS, pour éviter de voir toutes ces pharmacies déménager et se retrouver adossées à des supermarchés, car c’est ce qui fait aussi que les centres-villes se vident.
Il s’agit là d’un très bon amendement. Partout, depuis un certain nombre d’années, la SNCF a laissé pourrir la situation et des gares se dégrader totalement, faute de les avoir vendues. Il y a bien eu, sous la précédente majorité, une loi portée par une ministre écologiste pour que la SNCF vende des terrains et des immeubles. Mais il est déjà trop tard, nombre d’entre eux ont été laissés à l’abandon, alors qu’ils étaient vendables, ce qui a fait perdre beaucoup d’argent.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Cet amendement est tout à fait bienvenu pour donner la main aux élus locaux dans ces démarches relatives au patrimoine appartenant à l’État.
Président d’un département pendant sept ans, je n’ai jamais réussi à faire décroiser les propriétés départementales et de l’État : les services du département occupaient des locaux appartenant à l’État, et réciproquement. Je n’avais pas l’initiative pour ce faire et les simples suggestions que j’ai pu formuler n’ont pas suffi pour avancer. Cela a conduit à une très mauvaise gestion patrimoniale, du point de vue à la fois de l’État et de la collectivité que je représentais.
Dès lors, je serai favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Madame la secrétaire d’État, peu nous importe les supports. Par cet amendement, nous défendons l’idée de laisser beaucoup plus de souplesse, d’élasticité, de facilité aux élus. Si vous connaissez le visage de ces territoires malheureusement oubliés, constellés de friches, qu’elles soient agricoles, artisanales, commerciales, vous savez à quel point il nous faut être réactifs. Nous verrons ultérieurement comment adapter le dispositif.
En attendant, je maintiens cet amen