M. Guillaume Arnell. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre d’État, alors que la Haute Assemblée examine le projet de loi Immigration, droit d’asile et intégration, une véritable crise européenne s’est ouverte sur le sujet, à la suite de plusieurs évènements récents.
D’une part, le refus total du nouveau gouvernement italien d’accueillir les 629 migrants de L’Aquarius.
D’autre part, l’ultimatum posé par le ministre de l’intérieur allemand, Horst Seehofer, à la chancelière Angela Merkel, lui intimant de réduire substantiellement le nombre de migrants accueillis en Allemagne, sous peine de refouler aux frontières ces mêmes migrants.
M. Stéphane Ravier. Bravo ! Il a bien fait !
M. Guillaume Arnell. Cette crise politique interne pourrait avoir des conséquences importantes sur la politique migratoire européenne.
Nous savons, monsieur le ministre d’État, que vous avez participé avec le Président de la République à un conseil des ministres franco-allemand, ce mardi, pour trouver un consensus et arrêter une position commune. De même, sur invitation du président Jean-Claude Juncker, M. Emmanuel Macron participera, ce dimanche, à une réunion de travail, certes informelle, sur le sujet, pour débloquer la situation en amont du Conseil européen des 28 et 29 juin.
Ce conseil s’annonce déjà difficile, la Commission européenne proposant de réformer le règlement de Dublin, en instaurant notamment une répartition automatique des demandeurs d’asile dans l’Union européenne en période de crise comparable à celle de 2015.
Monsieur le ministre d’État, nous le savons tous, les réponses apportées à la question migratoire ne peuvent qu’être européennes.
Dans ce contexte tendu, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la situation politique en Allemagne et sur l’avenir de la politique migratoire européenne ? Pouvez-vous nous assurer que la France fera tout pour parvenir à un accord acceptable et respecté par tous les États membres ?
Sinon, il est à craindre un affaiblissement de l’Union européenne, que nous avons mis tant de temps à construire. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Vous avez raison, monsieur Guillaume Arnell, l’Europe connaît aujourd’hui une grave crise.
Pourtant, lorsque l’on examine les chiffres, l’on s’aperçoit que l’Europe avait vu 1,8 million d’entrées régulières en 2015 et qu’elle en recense seulement 205 000 en 2017. Pourquoi cette baisse ? Elle s’explique par des accords que nous avons passés avec un certain nombre de pays, qu’il s’agisse de pays de transit ou de pays d’origine.
Je citerai d’abord l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie, qui a évidemment fait baisser de manière considérable les entrées par la voie orientale. Or, je le rappelle, la Turquie abrite encore, sur son territoire, 3,5 millions de réfugiés.
Je mentionnerai ensuite les accords signés entre la France et le Niger, ayant permis la fermeture progressive aux passeurs, grâce aux autorités nigériennes, de la route d’Agadez, par laquelle des centaines de milliers de personnes traversaient le Sahara, puis la Méditerranée.
J’évoquerai enfin les mesures prises par l’ancien ministre de l’intérieur italien, M. Marco Minniti, en collaboration avec certaines autorités libyennes, pour que les passeurs soient arrêtés. Et c’est la première fois depuis un an et demi que l’on voit de nouveau des bateaux chargés de migrants !
Oui, vous avez raison, la solution sera européenne. Nous allons y travailler. Le Président de la République y œuvrera dimanche prochain, afin de trouver un accord européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
contractualisation entre l’état et les collectivités
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Pour amplifier la contribution des collectivités locales à la réduction des déficits publics, le Président de la République et le Gouvernement ont clairement changé de méthode, mais pour atteindre le même objectif !
Ainsi, monsieur le ministre d’État, c’est à 13 milliards d’euros que s’élève le montant de la nouvelle réduction des dépenses utiles que vous avez décidé d’imposer aux services publics locaux d’ici à 2022, après les 11 milliards d’euros de baisse de dotations du précédent quinquennat.
Vous avez mis en place un outil redoutable, au nom pour le moins abusif : les contrats État-collectivités.
Oui, ce nom est abusif, parce que ces contrats sont construits sur des principes décidés par une seule des parties, à savoir l’État, et n’engageant en vérité que l’autre, les collectivités territoriales. Quid de la légitimité des élus locaux ? Quid des programmes démocratiquement décidés par les populations ?
Ce nom est également abusif, parce que le système est punitif pour les collectivités qui ne se plieraient pas au 1,2 % d’évolution des dépenses de fonctionnement. Et, à ce titre, il est contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités.
Les collectivités territoriales assurent également une grande part de l’investissement public. Elles ne votent pas de budget en déficit.
M. André Reichardt. Elles n’en ont pas le droit !
M. Pascal Savoldelli. Leurs services publics demeurent parfois les seuls dans certains de nos quartiers et de nos campagnes désertés par l’État.
Les collectivités font également face à d’immenses besoins sociaux, en lieu et place de l’État, qui s’est délesté sur elles de compétences non financées. L’État est ainsi redevable de plus de 1,3 milliard d’euros au département du Val-de-Marne, au seul titre du revenu de solidarité active, le RSA, de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, depuis 2002, soit l’équivalent d’un budget annuel de fonctionnement.
Monsieur le ministre d’État, quels sont précisément les bénéfices attendus de ces contrats imposés aux collectivités, pour les populations et pour les territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Pascal Savoldelli, entre ce qui s’est passé les dernières années (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) et ce qui se passe aujourd’hui (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.), permettez à l’ancien gestionnaire de collectivités locales que je suis…
M. Roger Karoutchi. Défroqué !
M. Gérard Collomb, ministre d’État. … de vous le dire, il y a une grande différence ! (Oh ! et sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Vous étiez où, il y a trois ans ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Elle se traduit dans les chiffres. La baisse de 11 milliards d’euros des dotations de fonctionnement aux collectivités locales avait eu comme résultat une diminution de l’investissement de 8 % en 2014, de 8 % en 2015, du fonctionnement de 0,2 %. (Brouhaha sur de nombreuses travées.)
M. le président. Mes chers collègues, maîtrisez votre enthousiasme !
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Aujourd’hui, l’investissement des collectivités locales – regardez les chiffres ! – est en train de reprendre, en hausse de 6 %. (M. François Patriat applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela signifie qu’il s’agit non pas d’une baisse, mais d’une moindre hausse (Marques d’ironie sur diverses travées.), limitée à 1,2 %. Croyez-moi, nous avons fait les calculs pour les différentes strates de collectivités, et c’est pour cela que 60 % des collectivités vont signer le pacte que nous leur proposons. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien applaudit également. – Huées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Nadine Grelet-Certenais, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
À l’heure où le Président de la République s’insurge contre le « pognon de dingue » versé à nos concitoyens les plus modestes et en appelle à « la responsabilisation des pauvres », je souhaiterais vous interroger sur ce sujet, car il est grave et mérite mieux que des formules aussi scandaleuses que dangereuses pour notre contrat social.
Cette musique droitière, nous la connaissons. Vous cherchez à démontrer que les minima sociaux ne « fonctionnent pas » en vue de préparer les coupes budgétaires à venir, évaluées à 7 milliards d’euros par Bercy : c’est le montant des cadeaux fiscaux aux plus fortunés.
D’autres acteurs, plus responsables, en prise avec les réalités de notre pays, imaginent les solidarités de demain. Je pense notamment aux treize départements socialistes qui ont mis sur pied un projet d’expérimentation d’un revenu de base. Leur proposition est simple : offrir aux citoyens vivant sous le seuil de pauvreté une allocation qui fusionnerait le RSA, la prime d’activité et potentiellement les aides au logement.
Ce projet présente l’avantage de traiter la question majeure du non-recours aux aides sociales, de simplifier le système de prestations et de lutter efficacement contre la précarité. Bien sûr, ce programme d’éradication de la grande pauvreté ne pourra se faire sans argent public pour être expérimenté à grande échelle.
Madame la ministre, êtes-vous prête à soutenir cette initiative originale lors de l’examen des projets de loi de finances ? Vous semblez déjà évoluer vers un renforcement de l’expérimentation « territoires zéro chômeur » lancée sous le précédent quinquennat. En sera-t-il de même pour cette nouvelle expérimentation ambitieuse ? Avez-vous pris la mesure de « l’urgence à agir » en matière de lutte contre la pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Nadine Grelet-Certenais, nous avons suivi très attentivement les débats relatifs au revenu de base et au projet d’expérimentation porté par ces treize départements. Effectivement, ce projet pose des problèmes que nous avons remarqués, qui correspondent aux priorités de la stratégie « pauvreté » sur laquelle nous travaillons.
Il s’agit d’abord de lutter contre le non-recours – je rappelle que cela représente 30 % pour le RSA – et de porter une attention particulière à la pauvreté des jeunes.
Cependant, ces expérimentations ne posent pas les bonnes questions. Leur objectif notamment nous interroge : voulons-nous attribuer à chaque personne en situation de pauvreté une allocation monétaire pour solde de tout compte ?
Le projet du Gouvernement est totalement différent : il est global pour mieux prendre en compte la situation réelle des personnes. Nous voulons travailler sur la question des freins périphériques au retour vers l’emploi et renforcer le rôle incitatif des prestations.
Aujourd’hui, nous le savons, nos aides sociales sont inéquitables, différentes selon le statut et selon l’âge, illisibles – c’est un maquis, aucun d’entre nous, aujourd’hui, ne sait les citer –, insuffisamment tournées vers l’accompagnement.
Notre souci, c’est de prévenir la pauvreté à toutes les étapes de la vie, de l’enseignement primaire – c’est ce que fait Jean-Michel Blanquer avec le dédoublement des classes de CP, le plan Mercredi, le plan Devoirs faits – jusqu’à l’insertion sur le marché du travail, à laquelle Muriel Pénicaud travaille avec la réforme de la formation professionnelle. La première arme de lutte contre la pauvreté, c’est l’accès à un diplôme, à une qualification.
Nous voulons mettre un terme au déterminisme social, aux situations qui enferment les personnes dans l’inactivité ou la sous-activité. Nous ne voulons plus nous contenter d’une politique d’insertion qui ne permet qu’à 10 % des allocataires du RSA de retrouver une activité chaque année.
Notre projet, c’est bien l’efficacité et l’investissement humain, dans lequel nous misons toutes les forces de la Nation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Emmanuel Capus et Dominique Théophile applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour la réplique.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Madame la ministre, sans les transferts sociaux et fiscaux, notre pays compterait 5 millions de pauvres supplémentaires. La redistribution est au cœur de notre fraternité et fait la force de notre modèle social.
Après un an d’exercice du pouvoir, le résultat de votre politique s’avère foncièrement injuste.
Vous parlez d’émancipation sociale, mais, en catimini, vous baissez une nouvelle fois les APL pour les plus pauvres. Vous vantez les modèles allemand et britannique alors que leur taux de pauvreté est bien supérieur au nôtre.
Le revenu de base est un bon outil pour lutter contre l’exclusion sociale, saisissez-le ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
calendrier du grand paris express et logement en île-de-france
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Cette question est un cri d’alarme.
En 2010, la loi sur le Grand Paris a défini un objectif très ambitieux de production de 70 000 logements par an en Île-de-France.
Pour atteindre cet objectif, le triptyque logement-développement économique-transports était le fondement du contrat de confiance liant l’État et les collectivités territoriales. En confiance donc, les collectivités ont rempli leur part du contrat. Le département des Yvelines, que vous connaissez bien a ainsi produit de façon volontariste 12 000 logements par an depuis dix ans. Oui, nos maires sont tous des bâtisseurs !
De son côté, l’État s’était engagé à construire des infrastructures de mobilité : des routes, des parkings de rabattement, le Grand Paris Express, la ligne Eole pour la partie ouest. Où sont les promesses de l’État ?
Les infrastructures de mobilité sont tellement saturées qu’un léger dysfonctionnement fait basculer en enfer la matinée de millions de travailleurs pendulaires. La semaine dernière est emblématique : A 13 fermée car inondée ; gare Saint-Lazare en total black-out ; RER A en panne ; RER B déraillé ; grèves de la SNCF…
Mais cette situation est en réalité notre quotidien : un simple accrochage sur l’autoroute ou un incident voyageur débouche sur une thrombose généralisée. Pourtant, nous devons continuer à construire, sans faiblir, sans solution de mobilité.
Alors, monsieur le Premier ministre, je ne vous rends naturellement pas coupable ou responsable de ce chaos. Mais vous incarnez l’État et êtes aujourd’hui comptable de ses engagements. Vous avez pris la décision de retarder la réalisation de grandes infrastructures de mobilité, alors allez jusqu’au bout et revoyez avec les élus le calendrier de leurs obligations à construire.
Je vous le demande sans esprit de polémique mais fermement, car ajouter la thrombose à la thrombose conduit à l’incompréhension, à la désespérance et peut-être à la révolte de nos concitoyens ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Rachid Temal s’exclame également.)
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Primas,…
M. Jean-François Husson. Sophie Primas !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. … je réponds au nom de mon collègue Jacques Mézard, qui ne peut malheureusement être ici aujourd’hui. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Permettez-moi de rappeler que ce gouvernement s’est donné les moyens à la fois financiers et opérationnels de rendre possible ce futur métro.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Ils y croient !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. La confiance entre l’État et les collectivités, c’est se donner un calendrier qui soit réaliste et tenir les promesses, mais les tenir avec sincérité. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le Premier ministre a confirmé l’intégralité du tracé du Grand Paris Express : ce sont donc 200 kilomètres de lignes automatiques et soixante-huit gares qui vont doubler le maillage de l’actuel métro en Île-de-France, sans passer par Paris, et ainsi permettre de désenclaver de nombreux quartiers.
Le Gouvernement souhaite également s’assurer du financement de ce projet majeur. À ce titre, il a confié une mission au député Carrez pour stabiliser les recettes de la Société du Grand Paris, maître d’ouvrage des opérations.
M. Roger Karoutchi. C’est nous qui payons !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Enfin, notre gouvernement a aussi pris le parti du réalisme en tenant compte des retards inéluctables dans le cours des opérations de construction. Ce réalisme participe de la confiance entre les parties. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Vous évoquez également la question du logement. Le Grand Paris Express est un acteur majeur de la transformation urbaine : il doit participer à la mutation des quartiers et à la production des logements en Île-de-France. Ainsi, ce sont 600 000 mètres carrés de bâti qui sont prévus ou à l’étude autour des gares.
Mais, pour autant, à date, seuls huit projets immobiliers liés directement aux gares étaient déjà attribués. De nombreux autres projets sont à l’étude (Mme Laure Darcos s’exclame.) et seront installés autour des infrastructures que nous bâtissons.
M. Philippe Dallier. Et tout le reste ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Comme je vous le disais en introduction, madame la sénatrice, le recalage du calendrier n’implique aucun abandon de desserte de métro. De la même manière, les projets de logements accompagneront ce nouveau calendrier. (Applaudissements sur quelques travées du groupe La République En Marche.)
M. François Bonhomme. Ce n’est pas la bonne fiche !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.
Mme Sophie Primas. Madame la Première ministre (Rires.), je vous remercie de cette réponse, qui montre le mépris que vous avez pour les élus locaux. Vous répondez totalement à côté de la question ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
représentation parlementaire ultramarine
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ‘ia ora na !
Monsieur le Premier ministre, consultée le 7 juin, l’Assemblée de Polynésie française a émis à l’unanimité des courants politiques un avis défavorable sur le futur volet organique et ordinaire de la réforme des institutions.
D’une part, la réduction du nombre de parlementaires a été jugée inefficiente en Polynésie du fait de notre configuration géographique ; d’autre part, la limitation dans le temps de l’exercice des fonctions exécutives locales réservée aux communes de plus de 9 000 habitants a été considérée comme une restriction qualifiée d’entrave à l’exercice de notre démocratie locale.
Il s’agit, à mon sens, et je pèse mes mots, d’une régression, voire d’un muselage démocratique. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Et que dire de nos frères calédoniens ?
Votre projet de réforme passe mal, car nos collectivités présentent des particularités qui n’existent ni en France métropolitaine ni dans les DOM, et parce que le droit permet une adaptation des dispositions législatives et réglementaires précisément pour prendre en compte nos spécificités. Étant donné leur situation géographique, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ne peuvent se réduire uniquement à des considérations d’ordre démographique !
Je tiens à rappeler les enjeux géopolitiques stratégiques de la zone Pacifique, que le Président de la République a bien voulu signifier lors de son dernier passage en Australie et en Nouvelle-Calédonie, qualifiant la France de grande puissance de l’Indo-Pacifique à travers ses collectivités ultramarines, où la représentation nationale doit être privilégiée et consolidée dans l’intérêt de notre nation.
Ainsi, pourriez-vous me rassurer sur la prise en compte de nos spécificités géographiques, afin de représenter au mieux les intérêts de la République française dans notre région du Pacifique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, la prise en compte des particularités de chaque territoire d’outre-mer est une priorité du Gouvernement. (Marques d’ironie sur diverses travées.)
C’est le sens du droit à la différenciation voulue par le Président de la République, c’est le sens de la révision de l’article 73 de la Constitution proposée par le Gouvernement, c’est le sens de l’accompagnement des évolutions statutaires souhaitées par plusieurs territoires et par le ministère des outre-mer, et la Polynésie française est concernée. Tous ces éléments seront rappelés dans le livre bleu des outre-mer, qui sera rendu public jeudi.
Mais certains principes, certains engagements politiques ne peuvent faire l’objet de dérogations territoriales, parce que cela aboutirait tout simplement à les remettre en cause.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous y voilà !
Mme Annick Girardin, ministre. Les contraintes spécifiques, madame la sénatrice de la Polynésie française, sont prises en considération dans l’ensemble des politiques publiques.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Ah bon ?
Mme Annick Girardin, ministre. Le Premier ministre l’a rappelé il y a quelques jours, par exemple en confirmant l’engagement fort du Gouvernement pour la santé des Polynésiennes et des Polynésiens. Il l’a aussi rappelé en évoquant un signe fort qui vient d’être donné en faveur du développement du numérique, qui est une réponse particulièrement adaptée à l’étendue de votre territoire.
Mme Lana Tetuanui. Cela n’a rien à voir !
Mme Éliane Assassi. Répondez à la question !
Mme Annick Girardin, ministre. Nous nous attachons, et vous le savez, avec le Pays, avec les parlementaires, à entretenir un dialogue de confiance (Mme Lana Tetuanui est dubitative.), un dialogue constant.
Mme Éliane Assassi. Blablabla…
Mme Annick Girardin, ministre. Mais l’engagement du Président de la République pour une démocratie représentative, efficace et responsable concerne l’ensemble des parlementaires, dont le nombre diminuera dans chaque assemblée de 30 %.
M. Roger Karoutchi. Le texte n’est pas encore voté !
Mme Annick Girardin, ministre. S’il est mis en œuvre partout, le projet de loi contient des garanties permettant une représentation juste des territoires. D’ailleurs, il sera bien sûr contrôlé par le juge constitutionnel.
Ainsi, le projet de loi assure un socle minimal d’un député et d’un sénateur… (Marques d’ironie sur diverses travées.)
M. Philippe Dallier. Génial…
Mme Annick Girardin, ministre. … pour chaque département ou collectivité territoriale relevant des articles 73 ou 74 de la Constitution. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
En outre, les critères de redécoupage de 2009 sont repris et même renforcés.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Annick Girardin, ministre. Madame la sénatrice, parce que les Français en ont exprimé la volonté, une modernisation de nos institutions et de nos pratiques politiques sera faite sur tout le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
suppression de l’« exit tax »
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Monsieur le ministre, le 1er mai dernier, le Président de la République a annoncé la suppression prochaine de l’exit tax.
Celle-ci cible depuis 2012 les contribuables qui seraient tentés de s’exiler fiscalement afin de vendre leur société ou leurs participations sans s’acquitter d’un impôt sur la plus-value.
Les personnes détenant au moins 50 % d’une société ou 800 000 euros de titres et se domiciliant fiscalement hors de France sont visées. Quinze années après leur départ, elles ne seront plus assujetties à la taxe. Avant cette échéance, la valeur prise par leur patrimoine entre son acquisition et leur départ de l’Hexagone fera l’objet d’une imposition en cas de cession.
Le Président de la République, pour justifier son choix, a notamment mis en avant le faible rendement de l’impôt. Mais l’exit tax est un impôt dissuasif. Et si son rendement est faible, c’est justement parce qu’il remplit son objectif !
Le coût « véritable » de l’extinction de cette taxe – le manque à gagner pour l’État en cas de cession à l’étranger – serait de 2,5 milliards d’euros selon le Gouvernement. Ce chiffre a été revu fortement à la hausse la semaine passée par le responsable de la direction de la législation fiscale, qui l’estime désormais à 6 milliards d’euros.
Monsieur le ministre, la suppression de l’exit tax ne nous paraît pas souhaitable. Il s’agit de l’une des rares barrières mise en œuvre pour limiter l’optimisation fiscale. Sa suppression pourrait engendrer un appel d’air de départs à l’étranger pour vente de titres, dont les conséquences pourraient être beaucoup plus coûteuses pour l’État que les chiffres évoqués précédemment.
Le chef de l’État a déclaré qu’il était « pour l’idée de pouvoir se marier et d’être libre de divorcer ». Mais, monsieur le ministre, un entrepreneur doit aussi juger la réussite de son entreprise à l’aune de l’environnement économique et social que lui offre son pays.
Nos compatriotes ne sauraient concevoir que le profit qui découle en partie de cet environnement puisse échapper ainsi à la solidarité nationale.
Monsieur le ministre, comptez-vous toujours supprimer l’exit tax à compter de l’année prochaine ? (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)