M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. À l’heure actuelle, s’agissant de la disposition visée par la présente modification législative, le 6° de l’article L. 313-11 6° du CESEDA prévoit qu’une carte de séjour temporaire d’un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit à l’étranger ne présentant pas une menace pour l’ordre public et ne vivant pas en état de polygamie « qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans […] ».
L’application de cette disposition se heurte cependant à une suspicion quasiment systématique des administrations préfectorales, eu égard au risque de fraude à la reconnaissance de paternité.
Si l’objectif de lutte contre la fraude paraît légitime, le I de l’article 30 introduit une nouvelle condition de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » au parent étranger d’un enfant français prévue au 6° de l’article L. 313-11 du CESEDA en imposant au parent français ayant reconnu l’enfant de démontrer qu’il contribue de manière effective à l’entretien et à l’éducation de celui-ci. Or, une telle mesure risque de porter atteinte au respect de la vie privée et familiale des personnes étrangères concernées et de constituer une violation du principe de non-discrimination en lien avec la nationalité.
De plus, le II de l’article 30 prévoit d’insérer dans le CESEDA cinq nouveaux articles qui créeraient un dispositif d’alerte du procureur de la République par l’officier de l’état civil, à l’instar de ce qui existe pour les suspicions de mariages blancs. L’officier de l’état civil serait ainsi en mesure de saisir le procureur de la République s’il existe des indices sérieux laissant présumer, au vu de l’audition de l’auteur de la reconnaissance de l’enfant, que celle-ci est frauduleuse. Néanmoins, l’absence de définition précise de la notion d’« indices sérieux laissant présumer du caractère frauduleux de la reconnaissance » est problématique, puisque ce dispositif pourrait créer des atteintes non négligeables aux droits des parents et enfants concernés. L’encadrement de cette notion permettrait d’éviter l’automaticité des signalements au parquet, notamment dans l’hypothèse où l’un des parents serait dépourvu de titre de séjour, cette circonstance étant susceptible d’induire une présomption de fraude à l’encontre des étrangers en situation irrégulière.
Ces dispositions semblent, en outre, ne pas être nécessaires au regard de l’objectif de lutte contre la fraude, puisque les dispositifs légaux actuels permettent déjà de faire obstacle aux situations de fraude par l’annulation des reconnaissances frauduleuses, le retrait des titres d’identité ou de séjour indûment délivrés et le recouvrement des prestations indues.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 21 est présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 310 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 545 rectifié est présenté par MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour défendre l’amendement n° 21.
M. Pierre Ouzoulias. L’article 30 a notamment pour objet la sécurisation des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » et la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de lien de filiation.
Cette lutte contre de telles fraudes semble curieuse, la philosophie du texte reposant en fait sur une suspicion généralisée envers les familles d’exilés.
Cette méfiance se traduit, dans le texte, par la nouvelle exigence imposée au père de prouver qu’il « contribue à l’entretien de l’enfant ». Cette condition qu’il serait nécessaire de remplir, si l’article était adopté en l’état, pour donner effet à la filiation, est, dans la pratique, particulièrement floue et difficile à établir.
En instaurant une suspicion à l’égard des couples franco-étrangers, le Gouvernement va, en fait, précariser de nombreuses familles et, par ce biais, nombre de femmes et d’enfants.
Les auteurs du présent amendement demandent la suppression de l’article 30.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 310 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Cet article est scandaleux, dans la mesure où il va à l’encontre de l’intérêt, pour tout enfant, de disposer d’une filiation. Il constitue une atteinte directe aux droits des enfants.
Les chiffres du ministère de l’intérieur font état de 400 suspicions de fraudes sur 12 000 demandes de titre, soit un taux de 3 %… Voilà ce qui justifie cet article !
Ajoutons que si la filiation est supposée frauduleuse par la préfecture, le ministère public peut la contester et demander au tribunal de grande instance de trancher, et, même s’il n’y pas eu de contestation judiciaire, la préfecture, en vertu d’une décision du Conseil d’État de 2013, peut tout à fait refuser l’établissement d’un titre de séjour. Nous n’avons donc absolument pas besoin, pour traiter les 3 % de fraudes supposées, de prévoir d’autres dispositions, dont l’introduction va aboutir à une réduction des droits des 97 % de familles qui ne fraudent pas !
Le pire, c’est qu’un certain nombre de pères, souvent en situation de vulnérabilité, pourraient renoncer à reconnaître leur enfant du fait des nouvelles règles prévues par l’article 30.
L’arsenal normatif existant permet déjà de lutter contre les déclarations frauduleuses. Pour la défense des droits de l’enfant, il est important d’adopter ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 545 rectifié.
M. Guillaume Arnell. L’article 30 généralise à l’ensemble du territoire national un dispositif qui existe aujourd’hui à Mayotte, afin de lutter contre les reconnaissances frauduleuses de lien de filiation de ressortissants français, dans les cas où un Français reconnaît l’enfant d’un ressortissant étranger.
Il est obligatoire, pour le ressortissant français, de contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant reconnu. Cela ne paraît pas aberrant. En revanche, comme l’a souligné l’Union syndicale des magistrats, la notion de reconnaissance frauduleuse mentionnée au II du présent article n’est définie nulle part, ce qui pourrait rendre délicate l’application de ces dispositions.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article, dans l’attente d’un débat plus approfondi et d’une rédaction plus aboutie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements tendent à supprimer l’article 30. Or ce dernier est absolument nécessaire pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses de filiation. Vingt et une filières de cette nature ont été démantelées en 2017. Le problème est particulièrement sérieux en Guyane, où l’on parle de « papas multiples ».
En outre, l’alinéa 2 de cet article prévoit une clause de sauvegarde : un titre de séjour pourra être délivré dans les cas les plus spécifiques, même en l’absence de preuves quant à la contribution effective du père à l’éducation de l’enfant. Cette clause pourrait notamment s’appliquer aux victimes de violences conjugales.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Un titre de séjour est délivré de plein droit aux parents d’enfants français : il suffit donc de prouver l’existence d’une filiation avec un enfant de nationalité française pour obtenir un droit au séjour.
Compte tenu de la souplesse de ce mode d’établissement de la filiation, lequel est quasiment automatique, du droit au séjour qu’il confère et de la forte vulnérabilité de ce titre de séjour au regard de la fraude, il paraît légitime d’exiger une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant par l’auteur de la reconnaissance de filiation, ce qui est d’ailleurs conforme à l’intérêt de l’enfant et est exigé de tout parent en vertu des dispositions de l’article 371-2 du code civil. La preuve peut se faire par tous moyens et à proportion des ressources de l’auteur de la reconnaissance de filiation : achats, factures diverses, visites, accompagnement scolaire, etc.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, votre argumentation me paraît assez faible…
Quelles que soient les dispositions que vous introduirez dans la loi, un Français qui se livrerait à une reconnaissance de filiation de complaisance est d’ores et déjà soumis aux obligations que vous avez rappelées. Le risque est que des parents français en situation de vulnérabilité, mais ne pouvant le prouver, ne renoncent à reconnaître l’enfant qu’ils ont eu avec un étranger ou une étrangère. Pour lutter contre les reconnaissances de complaisance, il faudrait dire et répéter que, en vertu du droit actuel, une personne qui reconnaît un enfant a des obligations envers lui.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21, 310 rectifié bis et 545 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 347 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. La mise en œuvre des dispositions de l’article 30 ferait peser de lourdes menaces sur le droit des enfants à disposer d’une filiation et aurait de graves conséquences pour les Français les plus vulnérables ayant eu un enfant avec un étranger ou une étrangère.
En fait, le Gouvernement entend généraliser à l’ensemble du territoire national l’application de dispositions qui ont été conçues pour Mayotte et dont l’efficacité n’est pas prouvée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Comme précédemment, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 347 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 348 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 24
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Étant donné la faiblesse des arguments que l’on m’oppose, je ne développerai pas. Cet amendement est défendu…
M. le président. L’amendement n° 96, présenté par M. Antiste, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 24
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Cet amendement est également défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 348 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 30.
(L’article 30 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 30
M. le président. L’amendement n° 444 rectifié bis, présenté par MM. Sueur, Iacovelli, Marie et J. Bigot, Mmes de la Gontrie, S. Robert, G. Jourda et Taillé-Polian, M. Fichet, Mmes Blondin et Harribey, M. M. Bourquin et Mme Meunier, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° À l’étranger qui réside habituellement en France depuis au moins cinq ans et dont la mesure d’éloignement n’a pas pu être exécutée, sans que cette impossibilité soit de son fait ou lorsque la décision fixant le pays de renvoi a été annulée par un juge administratif. »
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement vise à remédier à la situation inadmissible des étrangers qui, bien que résidant en France depuis plusieurs années, sont contraints de vivre en situation irrégulière alors même qu’ils ne peuvent être éloignés du territoire.
Ce statut de « ni-ni », c’est-à-dire ni régularisables ni expulsables, concerne aujourd’hui plusieurs milliers de personnes en France. Souvent déboutées du droit d’asile, elles ne peuvent pas être régularisées, mais ne peuvent pas non plus être renvoyées dans leur pays, parce que ce dernier les refuse. Il faut sortir de cette situation totalement kafkaïenne.
Ces personnes se trouvent dans des conditions d’extrême dénuement. Elles vivent à la rue, à l’hôtel ou dans des centres d’hébergement, et ne peuvent accéder à l’emploi ou au logement.
Il paraît indispensable de leur permettre de bénéficier, passé le délai de cinq ans, d’un droit au séjour temporaire les autorisant à travailler, à sortir de l’hébergement d’urgence et, ainsi, à accéder à un cadre de vie décent, à l’autonomie, à l’intégration.
Ces personnes ne peuvent pas être renvoyées chez elles et, pour autant, elles n’ont pas le droit de rester dans notre pays. Nous ne pouvons pas laisser perdurer ces situations inhumaines, qui confinent à l’absurde.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Si l’on adoptait cette proposition, il suffirait aux étrangers en situation irrégulière de tout faire pour se maintenir sur notre territoire pendant un délai de cinq ans pour obtenir de fait un titre de séjour. Cela reviendrait à inscrire dans la loi la circulaire prise par M. Valls en novembre 2012.
Mme Catherine Procaccia. Exactement !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Tous les efforts accomplis pour essayer de mettre de l’ordre dans les politiques migratoires seraient rendus vains ! La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le préfet dispose d’un pouvoir de régularisation, dont la procédure a été formalisée dans le CESEDA. L’admission exceptionnelle au séjour répond à des conditions fixées par la jurisprudence, au demeurant rappelées au préfet. L’un des critères essentiels est la durée de la présence sur le territoire, sachant que la décision doit se fonder sur un examen global de la situation de l’étranger.
Ainsi, l’admission exceptionnelle au séjour permet de prendre en compte la situation de personnes ne remplissant pas les conditions de délivrance d’un titre de séjour sans être pour autant expulsables. De telles situations, dont je n’ignore pas la réalité, appellent un examen au cas par cas par les préfets, qui peuvent user de la souplesse permise par le pouvoir d’admission exceptionnelle dont ils disposent. Le Gouvernement n’entend pas que cette admission soit de plein droit.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 444 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 393 rectifié ter, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Allizard, Babary et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Chevrollier, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne, Dumas et Duranton, MM. B. Fournier et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Gremillet, Mme Gruny, M. Guené, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Kennel, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, MM. Laufoaulu et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. de Legge, Le Gleut, Leleux et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paul, de Nicolaÿ, Pemezec, Piednoir, Pierre et Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 175-2 du code civil, les mots : « peut saisir » sont remplacés par le mot : « saisit ».
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. De très nombreux maires, en particulier en Île-de-France, sont aujourd’hui confrontés à des mariages dits « blancs », liés à l’absence de titre de séjour pour l’un des deux mariés. Afin de lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière et, plus particulièrement, contre les mariages blancs, les auteurs de cet amendement souhaitent obliger les élus à signaler au procureur de la République tout mariage d’un étranger en situation irrégulière. Aujourd’hui, il ne s’agit que d’une faculté. (M. Pierre Charon applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le code civil comporte un dispositif de lutte contre les mariages frauduleux : en cas d’indices sérieux, l’officier de l’état civil peut saisir le procureur de la République, qui dispose alors d’un délai de quinze jours pour se prononcer, délai auquel s’ajoute éventuellement une période de sursis. Le procureur peut s’opposer au mariage, et les intéressés peuvent bien sûr former un recours devant le tribunal de grande instance.
En outre, les mariages dits « blancs » sont passibles d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il convient d’être extrêmement vigilant en la matière : en 2016, plus de 40 000 personnes ont reçu un titre de séjour en faisant valoir leur qualité de conjoint ou d’enfant de Français.
Cet amendement vise à renforcer la procédure en vigueur en transformant en obligation la faculté, pour l’officier de l’état civil, de saisir le procureur de la République en cas de doute sur un mariage.
Je constate d’ailleurs que cette rédaction a été retenue par le Gouvernement à l’article 30, pour ce qui concerne les reconnaissances frauduleuses de nationalité.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je peine à comprendre l’intérêt de cet amendement. L’officier de l’état civil, en cas de doute, saisira le procureur. Mais comment contrôlera-t-on que cette obligation de saisine a bien été respectée ?
M. Alain Richard. Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne vois pas très bien comment un tel mécanisme pourrait fonctionner… Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Il s’agit là d’un amendement assez étonnant. Ses dispositions témoignent d’une grande méfiance envers les élus locaux, en particulier envers les officiers de police judiciaire…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je tiens à rappeler les dispositions de l’alinéa 9 de l’article 30, qui est relatif aux reconnaissances frauduleuses : « Lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition par l’officier de l’état civil de l’auteur de la reconnaissance de l’enfant, que celle-ci est frauduleuse, l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République et en informe l’auteur de la reconnaissance. » C’est exactement le dispositif que nous souhaitons instaurer pour les mariages qualifiés de « blancs ».
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Exactement !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. En tant que maire, il m’est arrivé de célébrer des mariages à l’évidence blancs. À l’époque, on ne pouvait rien dire. Aujourd’hui, une procédure permet d’émettre des doutes.
Certes, madame la ministre, on peut se demander comment le respect de l’obligation de saisine du procureur de la République sera contrôlé, mais il s’agit d’envoyer un signal aux officiers de l’état civil. Cette mesure n’est qu’une extension du droit actuel.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 30.
L’amendement n° 49 rectifié ter, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Mouiller, Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, MM. Mayet, Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mmes Deseyne et Lassarade, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché et Delmont-Koropoulis, MM. Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Vogel et Cardoux et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport présentant les statistiques relatives aux projets de mariage signalés aux procureurs de la République par les officiers d’état civil comme présumés frauduleux et les décisions prises en conséquence.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, je ne doute pas que le Gouvernement émettra un avis favorable sur cet amendement ! (Sourires.)
Pour sortir du non-dit, du doute permanent, je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le nombre d’élus locaux ayant réellement saisi le procureur pour suspicion de mariage blanc. Le Gouvernement et le Parlement seront alors en mesure de déterminer s’il est nécessaire de légiférer ou non. Nous parlons tous de mariages blancs, de mariages gris, mais nous n’avons pas de chiffres. Or j’imagine que tous les signalements aux procureurs sont comptabilisés.
M. Roger Karoutchi. Eh bien si le Gouvernement le sait, qu’il nous le dise.
M. Bruno Sido. Voilà ! C’est le bon sens !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les annulations de mariage font l’objet d’une enquête, menée sur la base du répertoire général civil, mais cela relève du ministère de la justice. On dénombre environ un millier d’annulations de mariage par an. Dans deux affaires sur trois, l’annulation est demandée sur la base d’une suspicion de mariage de complaisance, la preuve étant alors rapportée dans 63,9 % des cas. Il ne paraît guère utile d’inscrire dans la loi la remise d’un tel rapport. J’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. Bruno Retailleau. Nous l’entendons comme un avis de sagesse ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne vois pas l’utilité d’un tel rapport, les chiffres sont déjà connus !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Cet amendement vise non seulement les mariages qui ont été annulés, mais aussi les projets de mariage qui ont donné lieu à suspicion et à saisine du procureur de la République par les officiers de l’état civil. Ce n’est pas tout à fait la même chose ! Je doute que vous soyez en mesure de nous donner des chiffres à ce sujet, madame la ministre…
M. Philippe Dallier. Alors, donnez-les-nous ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 30.
Article 31
(Non modifié)
Le 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après la troisième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Sous réserve de l’accord de l’étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l’office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l’accomplissement de cette mission. » ;
2° Avant la dernière phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l’autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. »