Présidence de M. Philippe Dallier
vice-président
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Ouverture de la session extraordinaire 2017-2018
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 18 juin 2018 et modifié par le décret du 27 juin dernier portant convocation du Parlement en session extraordinaire.
Acte est donné de cette communication.
Ce décret, qui vous a été adressé, mes chers collègues, a été publié sur le site internet du Sénat.
En conséquence, la session extraordinaire est ouverte.
3
Démission et remplacement d’un sénateur
M. le président. M. Dominique Watrin a fait connaître à la présidence qu’il se démettait de son mandat de sénateur du Pas-de-Calais, à compter du 30 juin 2018, à minuit.
En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par Mme Cathy Apourceau-Poly, dont le mandat de sénatrice du Pas-de-Calais a commencé le 1er juillet, à zéro heure.
Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à notre nouvelle collègue la plus cordiale bienvenue.
4
Élection d’un sénateur
M. le président. En application de l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du dimanche 1er juillet 2018, M. Vincent Segouin a été proclamé sénateur de l’Orne. Son mandat a débuté lundi 2 juillet, à zéro heure.
Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.
5
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (projet n° 525, texte de la commission n° 571, rapport n° 570, tomes I et II, avis n° 563).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, aux amendements tendant à rétablir l’article 14.
TITRE II (suite)
MESURES EN FAVEUR D’UNE ALIMENTATION SAINE, DE QUALITÉ, DURABLE, ACCESSIBLE À TOUS ET RESPECTUEUSE DU BIEN-ÊTRE ANIMAL
Chapitre III
Renforcement des exigences pour une alimentation durable accessible à tous
Article 14
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 195 est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 486 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec, Arnell, Artano, Corbisez, Guérini et Vall.
L’amendement n° 551 rectifié est présenté par Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, M. Houllegatte, Mmes Tocqueville et Préville, M. Fichet et Mme Blondin.
L’amendement n° 633 rectifié est présenté par Mme Rauscent, M. Théophile, Mme Schillinger, MM. Amiel, Bargeton et les membres du groupe La République En Marche.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après la section 4 du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section …
« Pratiques commerciales prohibées
« Art. L. 253-5-1. – À l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques définis à l’article L. 253-1, les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente au sens du I de l’article L. 441-6 du code de commerce ou la remise d’unités gratuites et toutes pratiques équivalentes sont interdits. Toute pratique commerciale visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l’attribution de remises, de rabais ou de ristournes sur une autre gamme de produits qui serait liée à l’achat de ces produits est prohibée. Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux produits de biocontrôle définis à l’article L. 253-6, ni aux substances de base au sens de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, ni aux produits à faible risque au sens du même règlement.
« Art. L. 253-5-2. – I. – Tout manquement aux interdictions prévues à l’article L. 253-5-1 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.
« II. – Le montant de l’amende mentionnée au I est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.
« Cette amende peut être assortie d’une astreinte journalière d’un montant maximal de 1 000 € lorsque l’auteur de l’infraction n’a pas mis fin au manquement à l’issue d’un délai fixé par une mise en demeure.
« III. – L’autorité administrative compétente avise préalablement l’auteur du manquement des faits relevés à son encontre des dispositions qu’il a enfreintes et des sanctions qu’il encourt. Elle lui fait connaître le délai dont il dispose pour faire valoir ses observations écrites et, le cas échéant, les modalités selon lesquelles il peut être entendu s’il en fait la demande. Elle l’informe de son droit à être assisté du conseil de son choix.
« La décision de sanction ne peut être prise plus d’un an à compter de la constatation des faits. Elle peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative. »
II. – L’article L. 511-12 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Les manquements aux interdictions prévues à l’article L. 253-5-1 du code rural et de la pêche maritime. »
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 195.
M. Guillaume Gontard. L’article 14, tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale, permettait une réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques, ou PPP. Il s’agissait non pas d’une interdiction directe de leur usage, qui aurait pu être contraire au droit européen, mais d’une interdiction de certaines pratiques commerciales : les remises d’unités à titre gratuit, les rabais ou les ristournes pratiqués par les vendeurs. En effet, l’étude d’impact souligne que ces pratiques auraient pour effet d’encourager l’acquisition et l’utilisation de plus de produits que strictement nécessaire pour répondre aux besoins de leurs exploitations.
L’article 14 du projet de loi marquait une avancée importante, car, aujourd’hui, nous ne pouvons plus nier que l’utilisation abusive des pesticides pose un problème de santé publique. Pour les agriculteurs et leurs proches, pour les riverains et les consommateurs, l’utilisation de ces produits se traduit par une augmentation des risques d’apparition de maladies graves, de complications dans le développement des fœtus et des très jeunes enfants exposés, sans parler des effets cumulés sur la santé de l’ensemble des expositions aux PPP, qu’on appelle « effet cocktail ».
Dès lors, nous nous interrogeons sur la position du Sénat, qui semble céder à des intérêts purement économiques de court terme, face aux enjeux immenses que l’utilisation des PPP représente en matière de santé et d’environnement. C’est pourquoi nous proposons de rétablir l’article 14 dans sa rédaction initiale. Il est impératif de réduire l’utilisation des pesticides, et ce dès maintenant.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 486 rectifié.
M. Joël Labbé. Comme vient de le dire mon collègue et ami écologiste Guillaume Gontard, cet amendement a pour objet de rétablir l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytosanitaires, telle que prévue par la rédaction de l’Assemblée nationale, qui faisait partie des nettes avancées permises par nos collègues députés.
Les produits phytosanitaires ne sont pas des produits comme les autres. Leur utilisation présente des risques importants pour les agriculteurs, dont les maladies professionnelles se développent, ainsi que pour l’environnement. De plus en plus d’études démontrent l’étendue de leur effet.
En parallèle, malgré les sommes d’argent public importantes consommées par les plans Écophyto successifs, la quantité de pesticides utilisés continue d’augmenter.
Accepter des pratiques commerciales poussant à la consommation, comme des remises et des rabais, paraît ainsi complètement inapproprié au regard de la volonté publique politique nationale.
De plus, en exemptant de cette interdiction les produits à moindre risque – je veux parler des produits de biocontrôle et des biostimulants –, les prix des alternatives aux pesticides dangereux, qui, elles, méritent rabais et ristournes, seront peut-être plus attractifs.
Cette mesure était l’une des rares avancées sur la question du nécessaire changement des pratiques agricoles. Sa suppression par le Sénat est un très mauvais signe. Là encore, j’ose le dire, on sent l’influence des groupes de pression pour que le système actuel perdure.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ça, c’est honteux !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 551 rectifié.
Mme Nicole Bonnefoy. Il s’agit d’un amendement de rétablissement d’un article, supprimé en commission, qui visait à interdire certaines pratiques commerciales se déroulant traditionnellement à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques : les « 3 R » – remises, rabais, ristournes –, les différenciations des conditions de vente en fonction des acheteurs, la remise d’unités gratuites ou des pratiques équivalentes.
Puisque nous considérons que les produits phytopharmaceutiques ne sont pas des produits comme les autres, Joël Labbé vient encore de le rappeler, en raison de leur dangerosité potentielle et avérée, il nous semble nécessaire d’adopter des comportements visant à réduire leur usage et, surtout, de ne pas les assimiler à des produits agricoles classiques qui ne présentent pas de danger pour la santé des utilisateurs ou des consommateurs finaux.
Je rappelle que la mission d’information sur les pesticides que nous avions menée ici même en 2012, dont j’étais la rapporteur et Sophie Primas la présidente, a mis en évidence, dans l’une de ses recommandations, la nécessité de ne pas opérer de ristournes ou de rabais de ce type. J’entends déjà certains de mes collègues me dire que ce n’est pas parce que les prix seront réduits qu’on utilisera davantage ces produits. Soit ! Mais il s’agit d’un marqueur : puisque ce ne sont pas des produits comme les autres, il est nécessaire de ne pas les commercialiser avec des remises, rabais ou ristournes.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 633 rectifié.
M. Dominique Théophile. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 749, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après la section 4 du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Pratiques commerciales prohibées
« Art. L. 253-5-1. – À l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques définis à l’article L. 253-1, les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente au sens du I de l’article L. 441-6 du code de commerce ou la remise d’unités gratuites et toutes pratiques équivalentes sont interdits. Toute pratique commerciale visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l’attribution de remises, de rabais ou de ristournes sur une autre gamme de produits qui serait liée à l’achat de ces produits est prohibée. Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux produits de biocontrôle définis à l’article L. 253-6, ni aux substances de base au sens de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, ni aux produits à faible risque au sens du même règlement.
« Art. L. 253-5-2. – I. – Tout manquement aux interdictions prévues à l’article L. 253-5-1 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.
« II. – Le montant de l’amende mentionnée au I est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.
« Cette amende peut être assortie d’une astreinte journalière d’un montant maximal de 1 000 € lorsque l’auteur de l’infraction n’a pas mis fin au manquement à l’issue d’un délai fixé par une mise en demeure.
« III. – L’autorité administrative compétente avise préalablement l’auteur du manquement des faits relevés à son encontre des dispositions qu’il a enfreintes et des sanctions qu’il encourt. Elle lui fait connaître le délai dont il dispose pour faire valoir ses observations écrites et, le cas échéant, les modalités selon lesquelles il peut être entendu s’il en fait la demande. Elle l’informe de son droit à être assisté du conseil de son choix.
« La décision de sanction ne peut être prise plus d’un an à compter de la constatation des faits. Elle peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative. »
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Il s’agit de rétablir la rédaction de l’article 14 relatif aux remises, rabais, ristournes pour les produits phytopharmaceutiques, telle qu’elle est issue des débats de l’Assemblée nationale.
L’article 14 a pour objectif d’éviter toute incitation commerciale à utiliser des produits phytosanitaires de manière inappropriée, alors que, pour des raisons de santé publique et de protection de l’environnement, il est essentiel de diminuer l’utilisation de ces produits, conformément aux engagements pris par le Gouvernement dans son plan d’actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides.
Cet article est analogue à l’article introduit dans le code de la santé publique par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui a interdit les remises, rabais et ristournes à l’occasion de la vente de médicaments vétérinaires contenant une ou plusieurs substances antibiotiques et qui a grandement contribué au succès du plan Écoantibio dont j’ai fait état ici même la semaine passée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, nous pouvons être en désaccord sur le fond, mais je trouve regrettable que l’on remette en cause notre intégrité (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.),…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. … d’autant que, sur ce point, la commission a estimé, au même titre que le Conseil d’État, que, en l’absence d’étude mesurant l’impact de l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques pour le monde agricole, il était difficile, voire impossible de se prononcer en toute connaissance de cause. Aujourd’hui, nous ne disposons toujours pas de ces éléments chiffrés.
L’argument qui a été avancé par le Gouvernement sur ce sujet est la mise en place d’une disposition identique, semble-t-il, à celle qui prévaut pour les médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques. Or le caractère transposable de cette mesure n’est pas convaincant. En tout état de cause, il est assez douteux ! L’usage de médicaments diffère totalement de celui des produits phytopharmaceutiques.
En outre, les professionnels de l’élevage ont indiqué à plusieurs reprises que la tendance à la baisse de la consommation était liée non pas uniquement à cet encadrement des pratiques commerciales, mais bien davantage à une adaptation des pratiques des agriculteurs eux-mêmes et à la mise en place d’une véritable politique de prévention des maladies dans les élevages.
Nous savons, monsieur le ministre, que cette volonté d’interdire les remises, rabais et ristournes se traduira par une augmentation considérable des charges des agriculteurs. Elle est donc quelque part en totale contradiction avec l’objet même de votre projet de loi, qui est d’améliorer le revenu de ces derniers. Ce texte ne saurait revenir à augmenter les revenus des agriculteurs dans leurs relations avec l’aval pour, finalement, les amener à dépenser encore davantage en intrants.
Enfin, sur la forme, cette mesure semble traduire l’idée que, si l’agriculteur utilise davantage de produits, c’est parce qu’il les achète en promotion. Je crois qu’il faut bien réaffirmer que les agriculteurs sont les premières victimes de ces produits et que c’est non pas la promotion qui fait l’usage, mais bien la nécessité et l’absence d’alternative de traitement.
Dès lors, la commission est défavorable à l’ensemble des amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Bien évidemment, je partage l’idée que l’on n’utilise jamais un produit phytopharmaceutique par plaisir. On le fait pour répondre à un certain nombre de contraintes.
Il faut pouvoir travailler sur ces contraintes. Quelles solutions innovantes, quelles pratiques, quelles solutions alternatives pouvons-nous mettre en place ? Comment, dans le même temps, pouvons-nous parvenir à atteindre notre objectif d’une réduction de 50 % de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ?
De ce point de vue, le plan Écoantibio a été une réussite : la suppression des remises, rabais, ristournes inscrite dans la loi d’avenir pour l’agriculture a permis cette baisse. Toutefois, elle ne l’a pas permise seule : cette diminution s’explique aussi par le travail extraordinaire réalisé par les éleveurs comme les vétérinaires, en milieu rural, pour limiter l’utilisation des antibiotiques dans l’élevage, au service de la qualité alimentaire des filières, ainsi que du bien-être des animaux.
Je suis bien évidemment plutôt favorable aux amendements qui ont été présentés, parce qu’ils rétablissent une disposition que nous estimons essentielle. Cependant, l’amendement du Gouvernement ne reprend pas les pouvoirs de sanction que le II de l’article 14 prévoyait d’inscrire dans le code de la consommation. Ces pouvoirs de sanction sont élargis et repris dans un autre amendement, que je vous présenterai tout à l’heure.
Par conséquent, je sollicite le retrait de ces amendements, au profit de l’amendement gouvernemental. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. « Rabais », « remises », « ristournes » seraient-ils des mots à proscrire de notre vocabulaire ? La volonté d’interdire aux agriculteurs de bénéficier de ces pratiques sur les produits phytosanitaires me conduit à formuler quelques remarques.
Tout d’abord, c’est un véritable message de mépris adressé à nos agriculteurs. Comment expliquer cette décision sans remettre en cause l’intégrité de toute une profession, qui ne se résout pas à utiliser ces produits pour faire plaisir au prétendu lobbying de Monsanto ou de Bayer ?
Ensuite, c’est une méconnaissance totale des efforts menés par toute une profession pour utiliser les meilleures techniques, afin de limiter au maximum leur emploi. Informatique embarquée, bas dosage, Certiphyto… Tous ces mots riment avec technicité, responsabilité et application.
Enfin, c’est une réelle injustice. Comment expliquer que seuls les agriculteurs seraient punis, alors que, partout ailleurs, les rabais, remises et ristournes font partie intégrante des négociations commerciales et sont les éléments clés d’une diminution des charges que toute entreprise bien gérée se doit de faire ?
Comment peut-on maintenir que cette mesure est une bonne mesure, compte tenu de l’actualité et des ristournes accordées durant la campagne du candidat Macron ? (M. Fabien Gay et Mme Catherine Procaccia s’esclaffent.)
Comment le Gouvernement pourra-t-il maintenir devant tous les agriculteurs de France qu’il rencontrera dans les jours à venir que cette mesure n’est pas le nouveau produit d’une politique du « deux poids, deux mesures » ?
Interdire 1 % de remise aux paysans, alors que notre Président de la République a bénéficié de remises pouvant atteindre 60 % à 70 %, est tout simplement indécent.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous citer la fin de la fable Le Lion et le moucheron, de Jean de La Fontaine :
« Quelle chose par là nous peut être enseignée ?
« J’en vois deux, dont l’une est qu’entre nos ennemis
« Les plus à craindre sont souvent les plus petits ;
« L’autre, qu’aux grands périls tel a pu se soustraire
« Qui périt pour la moindre affaire. »
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je suis assez d’accord avec Mme la rapporteur, même si, comme mes collègues, notamment Nicole Bonnefoy, je pense que ces produits ne sont pas comme les autres, qu’ils sont dangereux et que nous devons faire très attention à leur emploi. Mais, ne pas accorder une ristourne ou un rabais, c’est diminuer le pouvoir d’achat de l’agriculteur.
Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, ce n’est pas parce qu’on lui aura accordé une ristourne à la morte-saison que, la saison suivante, l’agriculteur emploiera une plus grande quantité de ces produits, qui sont homologués sur la base d’une dose par hectare. Pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, comme le souhaite une large majorité d’entre nous, il faut explorer d’autres pistes : réflexion sur le conseil et la vente, formation des agriculteurs, moindre diffusion des appareils de traitement, sur lesquels il faudra certainement avoir davantage de vision…
J’en suis désolé, mais, sur ce point, je ne suis pas d’accord avec certains de mes collègues. Comme Mme la rapporteur, je considère que l’interdiction des ristournes n’engendrera pas de baisse de consommation de la part de l’agriculteur : elle ne fera que diminuer son pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Le fait qu’on puisse ne pas être d’accord, c’est la base du débat démocratique. C’est pourquoi je ne voudrais surtout pas que les propos que j’ai tenus soient interprétés comme une atteinte à l’intégrité de mes collègues ou comme du mépris à l’égard des exploitants agricoles, que je respecte autant que quiconque ici.
M. René-Paul Savary. Ah bah, ça alors !
M. Joël Labbé. Il se trouve que ces produits pesticides sont toxiques pour la santé humaine comme pour l’environnement. Il se trouve également que les alternatives existent et que nous n’avons pas travaillé sur certaines de manière suffisamment approfondie.
Monsieur Duplomb, vous évoquiez le moucheron de la fable. Mais, dès qu’on veut éradiquer les moucherons avec des produits chimiques, on éradique aussi leurs prédateurs ! Travaillons sur les équilibres environnementaux. La recherche doit avancer sur ce plan. Elle est engagée, avec, déjà, une mise en application dans certains domaines. Je maintiens donc mon point de vue sur les rabais et ristournes.
On a évoqué le paiement des services environnementaux. On ne peut pas, dans le même temps, autoriser les rabais et ristournes sur les services non environnementaux. Ce serait un très mauvais signe !
Enfin, cette mesure a été adoptée à l’Assemblée nationale à une large majorité.
M. Laurent Duplomb. Et alors ?
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas un critère !
M. Joël Labbé. Je le répète, j’estime que notre rôle est d’enrichir le texte, pas de l’appauvrir.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Pour ma part, je ne crois pas qu’on appauvrisse le texte. J’ai plutôt l’impression que, une fois de plus, ce sont les agriculteurs qu’on appauvrit ! (MM. Laurent Duplomb et Jackie Pierre applaudissent.) Pourtant, l’objectif de ce texte était, me semble-t-il, de prendre en compte la situation difficile des agriculteurs.
Il a été dit qu’il y avait de plus en plus de produits phytosanitaires. Non ! C’est une contre-vérité. On utilise de moins en moins de produits phytosanitaires : la baisse a été de 40 % en vingt ans. Toutefois, leur coût est toujours plus élevé : il a augmenté de 40 % sur la même durée,…
M. Laurent Duplomb. C’est vrai !
M. Joël Labbé. Avec des concentrations plus importantes !
M. René-Paul Savary. … en raison notamment de taxes, mais aussi de la rareté des produits.
Contrairement à ce que certains pourraient laisser croire, je ne suis soumis à aucun lobby.
Je sais que la France est le pays le plus important de l’Europe en surface, mais qu’elle n’est que neuvième pour l’utilisation des produits phytosanitaires, ce qui confirme bien l’effort qui a été consenti par un certain nombre d’agriculteurs.
Je veux également rappeler que nous avons rencontré de nombreuses difficultés, en 2014 – souvenez-vous, mes chers collègues, de la discussion que nous avions eue alors –, lorsque nous avons voulu prendre des mesures concernant les produits de biocontrôle, qui constituent une alternative tout à fait intéressante.
M. Joël Labbé. Justement !
M. René-Paul Savary. Je ne suis pas sûr que ce ne soit pas dans cette direction qu’il faille aller aujourd’hui, en favorisant l’utilisation des biocontrôles et en faisant en sorte que, dans une stratégie bien définie avec les agriculteurs, conformément à ce que ceux-ci souhaitent à travers le projet de « contrat de solutions » proposé par certains, on parvienne, à terme, à utiliser moins de produits phytosanitaires.
Si tout le monde a le même objectif, il ne s’agit pas a priori de ne pas faire confiance au monde agricole et de prendre des mesures qui pénaliseront cet élan vers une stratégie définie.
Pour conclure, je veux évoquer les expériences très intéressantes qui sont actuellement menées dans mon département dans le domaine de la bioéconomie, mais également désormais dans celui des techniques de production, à travers le projet TerraLab. C’est à travers de telles innovations que nous parviendrons, tous ensemble, à ce qu’on utilise moins de produits phytosanitaires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)