M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. On parle du glyphosate parce que c’est un produit dangereux, mais nous aurions aussi bien pu évoquer les nitrites présents dans la charcuterie.
Comme je le disais lors de la discussion générale, monsieur le ministre, trois enjeux, qui doivent être traités conjointement, sous-tendent ce texte : la santé, l’environnement et l’économie.
En vertu du principe de précaution, nous demandons l’arrêt de l’utilisation du glyphosate d’ici à 2021, voire d’ici à 2022, s’il le faut, le temps que vous trouviez, avec votre collègue Nicolas Hulot, des solutions de remplacement. Concomitamment, dans une optique de transparence et de protection de la santé du consommateur, nous réclamons un étiquetage précis des produits alimentaires, bruts ou transformés, ayant été traités par le glyphosate, que ce soit les farines, les biscuits, les pâtes… Cela vaut aussi, naturellement, pour les produits importés.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Henri Cabanel. Lorsqu’un citoyen va acheter sa baguette de pain, il doit savoir d’où vient la farine !
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je vais m’attacher, encore une fois, à montrer les incohérences du discours et, pire, les incohérences des actes !
Dans son discours à la Sorbonne, Emmanuel Macron disait : « L’exigence des Européens, c’est d’avoir aussi confiance dans les experts qui nous éclairent. Nos récents débats sur le glyphosate, les perturbateurs endocriniens montrent la nécessité d’évaluation scientifique européenne plus transparente, plus indépendante, d’une recherche mieux financée qui permet d’identifier les risques et de proposer des alternatives. C’est indispensable. Nous avons aujourd’hui des débats politiques qui, parfois, cherchent à se substituer au débat scientifique. C’est la science qui doit éclairer la dangerosité, mais qui doit ensuite, de manière indépendante, transparente, indiquer les alternatives possibles scientifiquement démontrées. En aucun cas cette science ne doit s’effacer au profit d’engagements politiques qui deviennent à ce moment des paroles de sachants ou des paroles d’autorité ni a fortiori ne doivent accepter de laisser la place à une parole publique qui est celle de lobbies, d’intérêts industriels et qui construisent l’opacité sur des décisions collectives qu’attendent nos concitoyens. »
Nous devrions, d’après ce discours, faire confiance aux scientifiques. Or, dans un entretien publié par un quotidien renommé, le directeur de l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, Bernhard Url, affirme clairement, au sujet du glyphosate : « On mélange science et politique. » Cette même personnalité défend le sérieux de l’évaluation concluant que l’herbicide n’est pas cancérigène.
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas une vraie étude !
M. Laurent Duplomb. Alors, que fait-on ? Ce ne sont pas de vraies études ? Ce ne sont pas de vrais scientifiques ? Nous en restons à des discussions de comptoir, et l’on s’apprête à faire tout et n’importe quoi !
Monsieur le ministre, je suis tout de même d’accord avec vous sur un point : vous avez raison de vous opposer à ces amendements. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. J’entends dire qu’il faut écouter les scientifiques, mais il y a scientifiques et scientifiques… (M. Laurent Duplomb s’exclame.) Il y a ceux qui, à la suite d’études scientifiques répétées, dénoncent le caractère cancérogène du glyphosate.
On nous reproche de ne pas être des scientifiques, mais on peut se faire expliquer la science ! Le glyphosate est un désherbant total, ce qui veut dire qu’il détruit tous les végétaux (Mais non ! sur des travées du groupe Les Républicains.), à l’exception de ceux qui sont résistants au glyphosate, évidemment. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Des études américaines ont démontré que la nature est si bien faite que, au fil du temps, des plantes adventices finissent par réapparaître en milieu hostile. Il faut alors, pour les éliminer, rajouter du glyphosate ou faire appel à d’autres molécules. Là, nous jouons contre la nature, et pas avec elle.
Je compte organiser à l’automne au Sénat une projection du film de Marie-Monique Robin, Le Roundup face à ses juges, en présence de l’auteur, afin que vous preniez conscience de l’importance du sujet.
Certains diront que, sans glyphosate, on ne peut rien faire. Pourtant, il y a eu un avant-glyphosate : l’agriculture arrivait à produire sans cette substance. Le glyphosate et le soja transgénique sont apparus en même temps. Il faut le savoir, une partie importante des paysans sud-américains ont été écartés de leurs terres pour laisser la place à la culture intensive de soja transgénique et contraints d’aller vivre dans des bidonvilles. On a aussi déforesté. En important du soja transgénique, nous contribuons à créer cette situation terrible, inadmissible !
Le moment est important.
M. le président. Il faut conclure !
M. Joël Labbé. Voter ces amendements, c’est garantir que, dans trois ans, avec, certes, des dérogations, le glyphosate sera interdit sur notre territoire.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. À vous entendre, monsieur le ministre, plus aucune date n’est prévue, pour l’heure, pour que la France cesse la production et l’utilisation de ce produit hautement toxique qu’est le glyphosate. Il s’agit là d’un recul regrettable, sur un sujet qui mériterait que l’exécutif n’ait pas la main qui tremble.
Il y a de cela quelques mois, le débat, dans notre pays, tournait autour de la date et du délai jugés les plus judicieux pour l’interdiction du glyphosate. Aujourd’hui, nous en sommes finalement à déterminer si, oui ou non, il est scientifiquement prouvé que ce produit est néfaste pour la santé et s’il faut réellement songer à l’interdire…
J’entends déjà les commentaires, mes chers collègues : nous sommes des législateurs, ne nous enfermons pas dans un débat technico-scientifique. Nous pouvons tous invoquer des études scientifiques sur le sujet, mais allons jusqu’au bout, en indiquant qui les finance. Quel est le degré d’indépendance de certaines d’entre elles ? Évitons les discussions de comptoir. Si les études scientifiques doivent nous éclairer, nous devons aussi entendre cette envie qui s’exprime fortement dans la société de sortir d’une agriculture productiviste qui détruit aujourd’hui l’environnement et qui détruira, dans les années à venir, la planète.
Monsieur le ministre, vous nous dites que si nous votons ces amendements, ce sont les agriculteurs qui paieront demain, mais soit on admet que l’enjeu est tel en termes de santé publique qu’il faut interdire le glyphosate, en accompagnant nos agricultrices et nos agriculteurs dans cette voie, y compris financièrement, s’il le faut, par de la formation, pour qu’ils puissent sortir de ces pratiques agricoles dévastatrices pour eux-mêmes, pour les autres et pour la planète, soit, parce que l’on refuse de payer, on décide que la situation n’est pas si grave et on continue de s’empoisonner les uns les autres : à la vôtre, on se reverra dans quelques années !
En tout cas, nous devons avoir ce débat. Nous avons déposé une demande de vote par scrutin public sur notre amendement, parce qu’il est de notre responsabilité à toutes et à tous de nous positionner publiquement sur cette question devant les Françaises et les Français.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je souhaite revenir sur deux ou trois arguments qui me surprennent. Assurément, le glyphosate élimine les plantes, mais il y a des plantes résistantes. C’est comme les antibiotiques : ils combattent les microbes, mais, quand ils sont mal utilisés, des résistances au traitement apparaissent. Faut-il pour autant supprimer les antibiotiques ?
M. Joël Labbé. Leur usage systématique, oui !
Mme Cécile Cukierman. Leur emploi n’est pas automatique !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, seul M. Savary a la parole !
M. René-Paul Savary. Le tout est qu’ils soient bien utilisés, précisément. Il faut être modéré dans l’argumentation.
Par ailleurs, c’est vrai, on mélange science et politique. Dans les Hautes-Alpes, un tract indiquant que « manger de la viande tue » a été distribué dans les collèges et les lycées. (« Eh oui ! » sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Joël Labbé. On n’a jamais défendu cette position !
M. René-Paul Savary. On y mélange les problèmes : délocalisation des populations, appauvrissement, chômage, bidonvilles… On retrouve d’ailleurs les arguments avancés par M. Labbé. Parler de bidonvilles dans une discussion sur le glyphosate…
M. Joël Labbé. J’ai parlé des bidonvilles d’Amérique du Sud, et c’est une réalité !
M. René-Paul Savary. On voit bien qu’une pression médiatique s’exerce au sujet de certains produits ou de certaines substances, et l’on en vient presque à se sentir coupable si l’on veut réfléchir à ces questions.
Monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous : un groupe de suivi doit être mis en place. Les agriculteurs ont déjà fait des propositions tout à fait intéressantes. Ils n’ont pas attendu que nous ayons ce débat ! (M. le ministre acquiesce.) Ils travaillent sur ce sujet depuis un certain nombre d’années, et ils vous ont proposé de cosigner des contrats de solutions, qui présentent un certain nombre d’innovations en termes de pratiques culturales, pouvant constituer la réponse à notre préoccupation unanime de faire en sorte que, dans le cadre d’une stratégie agricole bien définie, l’on parvienne, à terme, à cesser d’utiliser certaines molécules.
Je soutiendrai, là encore, la position de Mme le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Ce débat quelque peu déraisonnable est emblématique de la volonté de certains d’en finir avec une agriculture moderne, en oubliant les progrès permis, par exemple, par l’agriculture sans labour en termes de stockage de carbone dans le sol ou d’enrichissement du sol. Madame Cukierman, il est permis de raconter des bêtises, mais sachez que le Roundup permet de maintenir tout le carbone en surface du sol et d’enrichir celui-ci. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) Allez voir des experts comme Lucien Séguy, allez voir les agriculteurs qui font la démonstration de tout cela depuis trente ans !
Je n’essaierai pas de convaincre…
Mme Cécile Cukierman. Non !
M. Pierre Louault. … ceux qui s’attachent à des symboles et qui n’ont pas envie d’entendre.
Mme Cécile Cukierman. Tous les sachants ne sont pas de votre côté !
M. Pierre Louault. Le Président de la République et le Gouvernement ont pris l’engagement de réduire puis de supprimer l’utilisation du glyphosate. Cela se fera peut-être un peu plus en douceur que ne le voudraient ceux qui s’opposent mordicus au glyphosate, mais cela se fera dans la raison, en permettant, je l’espère, aux agriculteurs de trouver des techniques alternatives, et non des produits chimiques de remplacement. Je vous le garantis : si l’on interdit aujourd’hui le glyphosate, demain c’est toute une chimie alternative qui émergera, sans doute beaucoup plus polluante et nocive que le glyphosate.
Dans tout ce débat, l’agriculture est aussi un peu un symbole. On ne s’inquiète pas des dégâts causés par le tabac, le téléphone portable, la malbouffe, les gaz d’échappement des automobiles. Il a été question cet après-midi d’interdire le traitement des terres agricoles à une certaine distance des habitations. Pour ma part, j’aimerais qu’il en aille de même pour la circulation des voitures, qui provoque des dégâts encore plus importants.
Soyons raisonnables, dépassionnons un peu le débat, et nous verrons que, demain, les choses iront progressivement en s’améliorant. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je suis d’accord pour dépassionner le débat, car il faut sortir des caricatures. Monsieur le ministre, je vous crois sincère, de même que Nicolas Hulot. J’ai même envie de croire le Président de la République sincère…
Monsieur le ministre, parce que je vous crois sincère, je ne vous comprends pas. Vous dites qu’il faut mettre fin à l’utilisation du glyphosate d’ici à trois ans : eh bien, inscrivons-le dans la loi, mettons en œuvre la sortie du glyphosate sur ces trois années et passons à autre chose ! J’espère vraiment que c’est à cela que nous allons aboutir.
De temps en temps, il faut aussi écouter les sages. Nous en avons quelques-uns dans notre pays. Hubert Reeves nous dit que les décisions que nous prenons aujourd’hui vont influer sur l’avenir de l’humanité. Cela fera rire certains, mais, en l’occurrence, il parle non pas des abeilles, mais des vers de terre. Mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez déjà mis un coup de bêche dans un champ traité au glyphosate.
M. Pierre Louault. Oui, et je vous y emmène quand vous voulez ! (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. Guillaume Gontard. Dans un tel champ, il n’y a plus de vers de terre !
M. Pierre Louault. C’est faux !
M. le président. Mon cher collègue, je vous en prie, seul M. Gontard a la parole !
M. Guillaume Gontard. Des études le montrent, il n’y a plus un seul ver de terre, plus un seul insecte. Cette disparition des vers de terre, des insectes, de la biodiversité est aussi grave que le réchauffement climatique. À un moment, il faut savoir passer à autre chose.
Je suis le premier à dire qu’il ne faut pas opposer un type d’agriculture à un autre. Ce n’est absolument pas le but. Il faut accompagner les agriculteurs dans cette transition, en y mettant les moyens nécessaires. Ce délai de trois ans permettait à cet égard de fixer un véritable objectif. On a parlé de la formation, on sait vers quel type d’agriculture il convient d’aller. Maintenant, il y faut de la volonté politique ! J’en appelle à votre sincérité, monsieur le ministre, et j’espère que vous irez dans cette direction.
S’agissant des ravages du glyphosate, je voudrais vous parler, au-delà des études, du cas de la famille Grataloup, dans mon département, l’Isère.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Guillaume Gontard. Elle vient de porter plainte contre Monsanto, qu’elle rend responsable de la malformation d’un enfant qui a déjà subi de nombreuses opérations. Les méfaits du glyphosate, on les connaît !
M. le président. Mes chers collègues, j’appelle chacun d’entre vous à bien respecter son temps de parole. Vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer. Si nous voulons terminer la discussion de ce texte ce soir, il faut faire cet effort. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques et M. le rapporteur pour avis applaudissent.)
La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Il n’y a pas, d’un côté, les pollueurs, et, de l’autre, les naturels.
Si, aujourd’hui, on supprime le glyphosate, une autre molécule sera, dès demain matin, mise sur le marché et vendue à un prix plus élevé.
Monsieur le ministre, je voudrais vous livrer un chiffre : en 2016, cinquante publications de l’INRA, soit 1 % du total, portaient sur l’agriculture bio. Voilà un chiffre assez révélateur !
Monsieur le ministre, il faut une volonté politique. C’est vous qui pouvez donner l’orientation nécessaire à l’INRA, en lui enjoignant d’accompagner les agriculteurs et de promouvoir une autre agriculture. Si les recherches n’aboutissent pas rapidement, on laissera les agriculteurs au milieu du gué, en leur imposant une sortie du glyphosate sans leur proposer des alternatives validées scientifiquement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Ce débat sur le glyphosate est passionné ; le contraire eût été étonnant. Personnellement, cela fait plus d’un an que je travaille sur le dossier. J’ai rédigé un premier rapport au nom de la commission des affaires européennes, à la suite de la « crise » du glyphosate, dont nous avons pu apprécier les dégâts. Il y a eu une véritable crise de confiance de l’opinion publique à l’égard d’agences telles que l’ANSES, l’EFSA ou l’ECHA.
Je le disais en préambule, il y a un temps pour tout : un temps pour les inquiétudes, pour la peur, un temps pour retrouver sérénité et lucidité. Je travaille avec notre collègue Pierre Ouzoulias dans le cadre de l’OPECST, qui a été saisi par les commissions des affaires économiques et des affaires européennes de l’Assemblée nationale. Nous allons produire un rapport en octobre. Je le redis, plus la littérature s’accumule sur le sujet, moins je suis convaincu du caractère cancérigène du glyphosate…
Faisons un peu l’historique de ce dossier. Les gros problèmes que nous avons connus étaient dus non pas spécifiquement au glyphosate, mais à des spécialités contenant du glyphosate et un coformulant, la tallowamine, qui est un tensioactif à pouvoir mouillant, dont la fonction est d’augmenter l’absorption du produit par les feuilles. Cette substance s’est révélée être un redoutable toxique en milieu aquatique, pour toutes les espèces. Elle a fait d’énormes dégâts dans le golfe du Mexique, au Laos, au Cambodge, en Thaïlande, où les gens puisent l’eau dans les rizières. L’ANSES et d’autres agences dans le monde ont interdit toutes les spécialités contenant de la tallowamine.
S’agissant du glyphosate proprement dit, je reçois quantité d’études réalisées dans le monde entier : aucune, à part celle du CIRC, ne démontre une quelconque dangerosité ou cancérogénicité du glyphosate, dans n’importe quelles conditions d’utilisation. Si l’on me pose la question de savoir si le glyphosate est cancérigène, je réponds donc clairement « non ». Telle est la conclusion à laquelle aboutissent les études menées par l’ANSES, l’INSERM, le CNRS et nombre d’agences étrangères.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, il faut conclure.
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis. Tout le monde se demande comment sortir du glyphosate. Pour ma part, je pose la question suivante : pourquoi en sortir ? Écoutons cette agence extraordinairement performante qu’est l’ANSES. Personne n’a été en mesure de produire une étude montrant la cancérogénicité du glyphosate. Je pense donc que nous ne nous posons pas la bonne question.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je vais ramener un peu de bonne humeur, parce qu’il en faut, en me référant à la discussion que j’ai eue avec Daniel Gremillet la semaine dernière. Notre collègue avait raison sur un point : nous ne sommes pas des scientifiques. Tout le week-end, j’ai donc relu les avis émis par les agences, qui ne sont pas tous convergents, monsieur Duplomb.
Ainsi, la seule agence à déclarer le glyphosate comme probablement cancérigène est le CIRC. D’autres agences, telles que l’OMS, l’ECHA ou l’EFSA, ont pris la position inverse. Toutes se sont fondées sur des compilations d’études. Les ONG, quant à elles, continuent de nous alerter. Dans ces conditions, comment y voir clair ? J’ai identifié quelques problématiques.
Concernant les études sur lesquelles sont fondés ces avis, quatre-vingt-seize scientifiques indépendants reprochent à l’EFSA de prendre en compte des études financées par des industriels, dont seuls les résultats sont accessibles. Or, si l’on ne connaît pas la méthodologie d’une étude, il est impossible de savoir si elle est solide, si elle comporte des biais, quels seuils de significativité ont été retenus. C’est pourtant nécessaire, d’autant plus si elle a été financée par un industriel intéressé aux résultats.
Se pose également la question des risques et des niveaux d’exposition pour les agriculteurs et ceux qui vivent à proximité de leurs champs, lesquels ne sont pris en compte ni par l’OMS ni par l’ECHA.
Enfin, nous ne pouvons pas écarter, me semble-t-il, les révélations du Monde d’octobre 2007 sur les pratiques de ghostwriting de Monsanto, consistant à écrire en interne des études ou des articles affirmant que le glyphosate n’est pas toxique et à les faire signer, contre rémunération, par des scientifiques reconnus.
Voilà où j’en suis ! Pour conclure, je citerai l’avis de l’OMS sur le glyphosate, car il me semble éclairant pour nos débats. L’OMS souligne qu’il est « peu probable qu’il pose un risque cancérigène pour les humains via l’alimentation ». Or l’alimentation n’est pas le seul facteur d’exposition, le cancer n’est pas la seule pathologie humaine et l’humain n’est même pas seul concerné, puisque la toxicité du glyphosate pour les animaux a été montrée par diverses études.
Surtout, « peu probable » ne veut pas dire « certain ». « Peu probable », cela sous-entend qu’il y a un fort risque. Dès lors, en vertu du principe de précaution, nous ne pouvons pas laisser sur le marché de tels produits, à propos desquels de sérieux doutes persistent.
M. le président. Merci de conclure, cher collègue.
M. Fabien Gay. Aucun consensus scientifique ne s’étant fait jour, respectons le principe de précaution.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Chacun y va de ses études. Ces six dernières années, sept agences internationales en ont réalisées. En termes de risque cancérigène, nous sommes effectivement passés de « probable » à « peu probable », et le directeur général de l’ANSES a dernièrement fait la déclaration suivante : « En l’état actuel des connaissances, nous ne disposons d’aucun élément qui pourrait permettre un retrait immédiat des AMM des formulations à base de glyphosate. »
Je tenais à citer ces propos, puisque chacun se réfère volontiers à l’ANSES quand ses conclusions confortent ses convictions. Je crois savoir que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a organisé une table ronde au Sénat voilà à peu près un mois, au cours de laquelle le directeur général de l’ANSES a même exclu que l’on parle encore, à propos du glyphosate, de substance « peut-être » ou « probablement cancérigène ».
Par conséquent, je rejoins la position de notre rapporteur. Partons des informations que nous apportent des scientifiques neutres, tels que les experts de l’ANSES. Si l’ANSES avait affirmé que le glyphosate posait un problème, personne ici n’aurait hésité, je le crois, à demander l’interdiction immédiate du cette substance, sans attendre 2021. Soyons clairs : on ne joue pas avec la santé, avec la sécurité.
Aujourd’hui, tels ne sont pas les éléments dont nous disposons. En l’état actuel du débat, ce serait une erreur terrible de prendre une décision d’interdiction, qui incombe d’ailleurs à l’Union européenne et à elle seule. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Pierre Louault et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 194 rectifié et 373 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 184 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 301 |
Pour l’adoption | 115 |
Contre | 186 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je mets aux voix l’amendement n° 564 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 478 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 232 rectifié, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Afin de préserver la biodiversité et les insectes pollinisateurs, les dernières lignes directrices produites par l’autorité européenne compétente et les protocoles internationaux pour mesurer l’impact des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles doivent être appliqués dans le cadre des procédures d’homologation des substances actives, adjuvants et phytoprotecteurs, ainsi que des produits finis, comme établi par les règlements européens. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Avant d’être autorisé, un produit phytosanitaire doit passer un certain nombre de tests réglementaires attestant de sa sûreté pour la santé et l’environnement. Dès lors, c’est l’intégrité des procédures d’évaluation du risque présenté certains pesticides pour les abeilles que nous souhaitons renforcer par cet amendement. En effet, ces protocoles ont été conçus par des groupes d’experts noyautés par l’industrie agrochimique. Deux ONG ont passé en revue douze méthodes ou pratiques standards utilisées par les agences d’expertise publiques pour évaluer les risques sanitaires ou environnementaux présentés par les produits phytosanitaires : dans 92 % des cas examinés, les techniques en question ont été codéveloppées par les industriels concernés, directement ou indirectement.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en 2013 l’EFSA a produit, à la demande de la Commission européenne, des lignes directrices afin d’évaluer l’impact des pesticides sur les abeilles selon un protocole plus indépendant. Dans le même temps, l’OCDE a produit une série de nouveaux protocoles, validés internationalement, pour évaluer plus en détail l’impact des produits phytopharmaceutiques sur les insectes pollinisateurs. Toutefois, la France utilise encore des protocoles antérieurs, qui ne permettent pas d’évaluer l’impact effectif des pesticides.
L’importance de la pollinisation, au cœur de la nature et de ses processus de reproduction, et le rôle joué par les abeilles et autres pollinisateurs pour l’équilibre des écosystèmes ne sont plus à démontrer. C’est pourquoi il est important de suivre toute recommandation européenne ou internationale en la matière, en mettant notre législation en phase avec celle-ci.
Nous souhaitons ainsi compléter l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, qui interdit l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits, en spécifiant que les dernières lignes directrices produites en matière de préservation de la biodiversité et des insectes pollinisateurs, au niveau européen et international, doivent être prises en compte et appliquées dans le cadre des procédures d’homologation des substances actives, adjuvants et phytoprotecteurs.