M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Pierre Méhaignerie m’a dit un jour : « Pour faire une bonne politique du logement, il faut créer de la confiance. » La rapporteur au fond de ce projet de loi l’a rappelé : les derniers chiffres connus montrent une baisse significative des permis de construire et des constructions neuves au premier semestre, baisse qui se poursuivra d’ici à la fin de l’année et qui marque le début de cette crise de confiance après les annonces fiscales et financières qu’a faites le Gouvernement l’an dernier.
Tous les indicateurs nous laissent à penser que nous allons connaître dans les deux ans qui viennent non pas un choc de l’offre, mais un choc sur l’offre de logements.
Plusieurs gouvernements ont tenté de combattre cette fameuse crise du logement, due à des problèmes essentiellement démographiques. Ceux qui y ont réussi partiellement le doivent souvent à des questions de méthode. Ce fut le cas pour la loi de cohésion sociale, présentée il y a quelques années par Jean-Louis Borloo, dans un contexte de chômage aussi important qu’aujourd’hui, qui a permis d’augmenter de 50 % le nombre des constructions et de tripler le financement du logement social. Ce fut le cas également lorsque Mme Pinel proposa des mesures pragmatiques de relance du logement. Il n’y a donc pas de fatalité à la crise du logement.
Sous l’impulsion du président du Sénat, Gérard Larcher, et de vous-même, monsieur le ministre, le processus d’élaboration de ce texte a été enrichi par une démarche originale à travers la conférence de consensus, bonne initiative ayant permis d’engranger beaucoup de bonnes propositions que nous ne retrouvons pas dans les textes et les prises de position du Gouvernement.
Le président Larcher l’a dit : il faut adopter une approche pragmatique qui prenne mieux en compte les besoins et les spécificités des contraintes de tous les territoires, et il y a urgence à simplifier les nouveaux dispositifs.
Force est de constater que le projet de loi n’est pas un texte de décentralisation – notre excellente rapporteur au fond l’a dit –, puisque, dès ses premiers articles, il prévoit de créer de nouveaux outils permettant de dessaisir le maire de ses prérogatives et d’introduire le préfet quasiment à tous les niveaux dans le cas de grandes opérations d’urbanisme, dont l’utilité reste à démontrer après l’échec retentissant des opérations d’intérêt national.
Plusieurs autres articles dénotent une méfiance certaine du Gouvernement vis-à-vis des élus locaux, en particulier des maires. Il y a donc une nécessité impérative pour le Sénat de réintroduire le rôle du maire, qui est central dans tout ce qui touche à l’utilisation et à la régulation du droit du sol.
Le projet de loi n’est pas non plus un texte de simplification, puisque, comme vous l’avez vous-même dit, il s’est encore alourdi, dépassant désormais les 200 articles après avoir commencé à 55 articles. Si on les regarde bien dans le détail, on s’aperçoit qu’aucun ne crée de nouveaux outils plus efficaces que les anciens – ils sont même toujours plus complexes –, sans même qu’on ait bien utilisé ces derniers.
Enfin, ce texte ne s’attaque pas vraiment aux deux contraintes majeures qui contrarient l’augmentation de la construction dans le pays : la contrainte financière, qui a fait l’objet de discussions dans la loi de finances, qui privilégie les zones tendues au détriment des villes moyennes et des territoires ruraux ; la contrainte urbanistique, j’y insiste au nom de tous ceux qui sont en train d’élaborer des PLU ou des SCOT, de plus en plus enserrés, obérés par des prescriptions environnementales toujours plus lourdes qui raréfient considérablement le foncier disponible. Certes, on peut faire du renouvellement urbain, mais cela a des limites. Il y a donc une contradiction entre vouloir construire plus et ne pas simplifier ces règles d’urbanisme.
Malgré une saisine au périmètre très large – 71 articles –, la commission des lois a fait le choix de déposer seulement 34 amendements, là aussi pour des raisons d’efficacité et de simplification.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par nos excellents collègues Dominique Estrosi Sassone, Patrick Chaize et Jean-Pierre Leleux et insisterai sur les aspects majeurs de ce texte nous concernant.
Lorsqu’on touche au droit de la copropriété, au pouvoir de police du maire, pour ne prendre que ces exemples, il n’est pas sain, monsieur le ministre, de procéder par ordonnance et de priver ainsi le Parlement de son pouvoir législatif, alors qu’il est le garant de l’équilibre des territoires et des relations entre les propriétaires et les locataires.
En outre, nous avons proposé un amendement visant à expérimenter une mutualisation intercommunale – notre collègue Dominique Estrosi Sassone l’a fait pour l’échelle communale – pour atteindre les objectifs de la loi SRU. Il ne s’agit en rien de la détricoter, puisque l’objectif de 25 % de production de logements locatifs sociaux assigné à chaque commune continuera de s’appliquer sur le stock ; il s’agit de la rendre plus efficiente pour qu’on n’en fasse pas un épouvantail. Nous vous proposerons des dispositifs sur lesquels nous espérons avoir votre écoute.
En conclusion, je dirai que ce texte comprend plusieurs points positifs pour accélérer la construction, notamment la lutte contre les recours abusifs et la lutte contre l’habitat indigne, mais il manque un ingrédient essentiel – je l’ai dit au début, et j’en termine par là – : la confiance dans les territoires, la confiance dans les élus locaux, que nous proposons de réintroduire par plusieurs amendements, alors même que plusieurs gouvernements précédents s’étaient appuyés avec succès sur cette confiance pour réussir à résoudre la crise du logement. Mais, c’est vrai, c’était dans l’ancien monde… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Gay, Mmes Cukierman, Gréaume, Assassi, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Gontard et Bocquet, Mme Cohen, MM. Collombat, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (n° 631, 2017-2018).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Fabien Gay, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, 900 000 personnes sont privées de logement personnel ; 4 millions de personnes sont mal logées ; 12 millions de personnes sont fragilisées par rapport au logement, par le surpeuplement, les impayés, l’insalubrité ou la précarité énergétique. Ce sont les chiffres du rapport de la fondation Abbé-Pierre. Rappelons-nous que, derrière ces chiffres, il s’agit quand même de 15 millions de nos concitoyens.
Le Président lui-même l’a dit : personne ne peut supporter aujourd’hui, dans notre pays, que des gens dorment et meurent dans la rue. Nous ne supportons pas non plus, pour notre part, que reprenne chaque 1er avril le ballet des expulsions locatives sans relogement pour des personnes toujours plus fragilisées et précarisées, prises dans la spirale infernale du déclassement et de l’exclusion. Cela ne va nullement s’arranger avec votre politique générale.
Avec l’emploi, l’éducation et la sécurité, le logement est une priorité de nos concitoyens, du fait de la cherté et du manque de logement. Face à ce défi du mal-logement, qui ronge notre pacte républicain, il faut des réponses fortes, globales et structurantes de la part des pouvoirs publics. À l’inverse, nous avons là un texte qui prône la dérégulation, la déréglementation et la privatisation du patrimoine de la Nation.
Sur la forme, nous pouvons regretter un texte lourd, véritable patchwork de mesures, sans autre fil directeur que celui du désengagement de l’État de ce secteur d’intérêt général répondant à un droit constitutionnel.
De 66 articles initialement, ce texte a triplé à l’Assemblée nationale, et le Sénat ne l’a pas allégé. Il est aujourd’hui plus épais que le code du travail. Il est d’ailleurs à noter que, lorsqu’il s’agit de protéger les salariés, vous trouvez le code du travail trop volumineux, archaïque, alors qu’il est l’héritage d’un siècle de luttes et de conquêtes sociales. En revanche, lorsqu’il s’agit de casser notre modèle du logement unique en Europe en quelques semaines, la complexité n’est étrangement plus un problème insurmontable pour vous, l’épaisseur est même moderne, car elle est l’un des outils au service de votre politique de casse sociale.
Monsieur le ministre, reprenons en quelques mots le chemin de croix que va affronter un futur demandeur de logement social.
Une fois qu’un demandeur aura accès à un logement – sept ans en moyenne aujourd’hui à Paris –, il lui sera plus difficile de s’y maintenir par la procédure de réexamen de sa situation tous les six ans. Certes, la mobilité ne sera pas imposée, mais il sera facile de faire pression sur les locataires.
Pour les jeunes, ce sera le bail mobilité, appelé bail précarité par les associations tellement l’équilibre dans les relations entre bailleurs et locataires sera défavorable. Quel avenir pour ces jeunes qui auront disposé d’un bail mobilité de un à dix mois ? Les enchaîner pendant toutes leurs études ? Retourner chez leurs parents ? Aller engraisser les marchands de sommeil ?
Pour les personnes en situation de handicap, ce seront seulement 30 % des nouveaux logements qui seront accessibles au lieu des 100 % prévus actuellement par la loi. Pourquoi ? Pour rogner quelques mètres carrés pour des logements toujours plus petits ? Nous avons déjà perdu dix mètres carrés en dix ans.
Par contre, pour les promoteurs et autres bailleurs, c’est Noël avant l’heure. La loi MOP est largement contournée, le concours d’architecture supprimé, la loi Littoral malmenée. L’avis des architectes des Bâtiments de France est rendu simplement consultatif.
Pour faire vite, toute entrave à la construction, à la production de béton est levée par ce projet de loi, indépendamment des objectifs environnementaux, de préservation du foncier et de la qualité du bâti. Pourtant, mes chers collègues, le beau, ce doit être aussi pour le logement social, qui a été le lieu de toutes les innovations architecturales.
Vous vouliez « construire mieux, plus et moins cher ». En réalité, vous construirez moins, en plus laid, pour enrichir toujours les mêmes !
Monsieur le ministre, le logement, en France, repose sur deux jambes : l’une privée, l’autre publique. Ce modèle est unique en Europe, depuis que Mme Thatcher en a détruit la version anglaise. C’est grâce à cette jambe publique que nous avons pu répondre à l’appel de l’abbé Pierre en 1954, ou encore qu’en 2008, pendant la crise des subprimes, près de 50 000 logements ont été déstockés par les bailleurs sociaux auprès des promoteurs pour qu’ils ne mettent pas la clé sous la porte.
Votre projet de loi ampute cette jambe publique. Pourtant, pour marcher, il faut les deux jambes !
Votre projet de société, c’est la précarité de la naissance à la mort ; votre devise, c’est « la France, une chance pour chacun », comme l’a dit le Président de la République lors de l’enterrement de première classe du plan Borloo. Mais, comme quand on signe un contrat, il ne faut pas oublier de lire les petits caractères en bas : une chance pour chacun, oui, surtout, si vous êtes bien né ; pour les autres, ce sera la galère à vie !
Monsieur le ministre, la France est un pays qui a une histoire, et cette histoire se respecte. On peut être de droite ou de gauche, mais on s’inscrit dans cette histoire. Nous avons un modèle social unique, que le monde entier nous envie, héritage de luttes sociales et de compromis entre différentes forces politiques, syndicales et sociales. Nous devons en être fiers ! On peut vouloir réformer, innover, mais la France a cette histoire singulière et ne se dirigera jamais comme une start-up de la Silicon Valley.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Fabien Gay. En réalité, votre projet de loi apporte sa pierre à un édifice construit depuis les années soixante-dix et les lois Barre de marchandisation du logement.
Après la dernière loi de finances, qui a privé les bailleurs sociaux de près de 1,5 milliard d’euros, vous portez le coup de grâce au tissu d’HLM en les obligeant à vendre leur patrimoine, par lots, à la promotion privée.
Pour favoriser cette gestion déshumanisée du patrimoine, vous les obligez dans la droite ligne de la loi ALUR à se regrouper, portant une atteinte forte à l’impératif de proximité. Or, nous le savons toutes et tous dans nos territoires, avec les politiques de logement, c’est cette proximité, ce lien avec les populations qui est fondamental.
Vous encouragez cette vente par le décompte de ces logements pendant dix ans au titre de la loi SRU, renvoyant aux prochains mandats les nécessaires efforts de construction.
Vous supprimez la taxe d’habitation et réduisez les dotations aux collectivités, qui se trouvent aujourd’hui dans l’impossibilité de mener des politiques audacieuses en matière d’habitat.
Vous créez les conditions d’une explosion prochaine du mal-logement, en affaiblissant l’offre publique de logement déjà saturée. Près de 2 millions de personnes en attendent un aujourd’hui !
Mes chers collègues, le passage en commission au Sénat du projet de loi a permis une avancée et donné lieu à un recul : une avancée sur le rôle des maires, que ce soit en matière d’urbanisme ou d’avis pour la vente des logements sociaux sur leur territoire ; mais un recul majeur, celui du détricotage de la loi SRU. Droit dans les yeux, je vous le dis : nous ne vous laisserons pas faire ! Il est usant de devoir rappeler que la loi SRU a permis la construction de plus de 500 000 logements depuis près de vingt ans.
Ici, la majorité de droite ne veut pas parler de détricotage, alors elle emploie le mot « expérimentation ». Pourtant, la loi SRU et les obligations qui en découlent doivent être respectées. Nous ne pouvons accepter que certains élus fassent du non-respect de cette loi un argument de campagne politique, souhaitant protéger les ghettos de riches des « hordes » de pauvres.
M. Philippe Dallier. Ces élus sont très peu nombreux !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Oui, c’est un peu excessif !
M. Fabien Gay. Dois-je vous rappeler que, suivant le dernier décompte, 1 152 communes étaient concernées et que 649 n’ont pas rempli leur objectif, seulement 269 étant carencées ? On est donc bien loin encore d’avoir atteint les objectifs initiaux !
L’obligation républicaine de solidarité doit être respectée. La mixité et le partage des espaces sont les conditions du vivre ensemble et d’une société apaisée.
Nous souhaitons faire des propositions d’avenir pour que le logement public reste le creuset de l’égalité républicaine, l’outil de la réalisation du droit au logement et à la ville.
Premièrement : interdire les expulsions sans relogement, pratique barbare, et mettre en place une sécurité sociale du logement pour apporter de la sécurité aux locataires comme aux bailleurs.
Deuxièmement : renforcer la régulation des loyers dans le secteur privé comme public. Il faut maintenir l’encadrement des loyers, mais en permettant leur baisse effective.
Troisièmement : en finir avec les surloyers qui excluent, en relevant les plafonds d’accès au logement social pour diversifier les publics, et aussi redonner des marges de manœuvre financières aux organismes d’HLM.
Enfin, nous accordons une attention spécifique à la question foncière, obstacle majeur à la construction.
Nous proposons la création d’une agence foncière pour le logement, qui serait le support d’un domaine public du logement. L’État, garant du droit au logement, en serait propriétaire, et l’usufruit serait confié aux bailleurs. Ce patrimoine serait inaliénable et aurait vocation à reprendre du terrain sur le secteur marchand.
Pour mener ces politiques, nous souhaitons que l’État se réengage dans les aides à la pierre en réorientant l’argent des niches fiscales, qui portent le nom de tous les ministres de la ville successifs et pèsent 2 milliards d’euros dans le budget de l’État et qui sont même contestées par la Cour des comptes.
Nous souhaitons que les employeurs contribuent plus encore aux bonnes conditions par un retour du 1 % à son taux initial.
Nous voulons enfin que les maires disposent financièrement et en droit de tous les outils leur permettant de répondre à l’urgence sociale.
Avant de voter cette motion tendant à opposer la question préalable, méditons sur cette phrase de l’abbé Pierre : « Chaque fois que l’on refuse 1 milliard pour le logement, c’est 10 milliards que l’on prépare pour les tribunaux, les prisons et les asiles de fous. » (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Serge Babary. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Républicains est contre la motion présentée par les sénateurs du groupe CRCE tendant à opposer la question préalable.
Nous partageons certaines remarques et regrettons certains aspects du projet de loi, par exemple le contournement du rôle des maires au profit des intercommunalités. Nous regrettons également que, loin de provoquer un « choc de construction », les premières décisions du Gouvernement en matière de logement ont conduit à l’effet inverse : la baisse des aides personnalisées au logement dans le logement public et la réduction de loyer de solidarité créée pour la compenser ont eu pour résultat l’abandon de projets de construction et de rénovation sur tout le territoire.
Cela étant, la commission s’est attachée à corriger le texte initial et à lui redonner du souffle. La commission des affaires économiques a ainsi rétabli le rôle du maire, a apporté des aménagements concernant la restructuration du secteur du logement social et l’attribution de logements, a introduit de nombreux dispositifs concernant la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, a amélioré les conditions d’accessibilité des logements neufs, a renforcé la régulation des meublés de tourisme.
Sur la simplification des documents d’urbanisme, de nettes améliorations ont été apportées.
Sur le numérique, le texte a également été enrichi pour atteindre les objectifs de couverture du territoire.
La commission a également introduit des dispositifs sur des sujets totalement absents du texte, mais pourtant essentiels pour le logement : c’est l’exemple des relations entre bailleurs privés et locataires ou des aménagements nécessaires à la loi SRU pour que les maires atteignent dans de bonnes conditions les 25 % de logements sociaux.
Il est donc nécessaire d’examiner le projet de loi et de continuer, à travers nos débats, à l’améliorer, d’autant plus que la conférence de consensus a permis à l’ensemble des acteurs du logement de travailler et d’être associé à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Deux jours après le 14 juillet, je viens d’entendre un feu d’artifice de contradictions. Mais bon, c’est l’usage… Au demeurant, c’était très intéressant.
Bien sûr, la situation politique a évolué depuis un an, mais je me suis bien gardé de faire le procès des gestions antérieures.
M. Xavier Iacovelli. Pour une fois !
M. Jacques Mézard, ministre. Si vous voulez, on peut reparler de la réforme territoriale, monsieur le sénateur… Reste que j’ai l’habitude d’écouter et de ne pas interrompre, contrairement à vous, parce que, manifestement, vous n’acceptez pas le débat démocratique. À chaque fois, c’est pareil avec vous !
M. Claude Malhuret. Très bien !
M. Jacques Mézard, ministre. Si la situation du logement était parfaite, cela se saurait ! Les problèmes que rencontre le logement dans notre pays ne datent pas d’un an. Je ne dis pas cela pour ne pas assumer mes responsabilités, parce que j’ai habitude de les assumer. Simplement, je considère qu’un certain nombre de sujets ont été partiellement traités : certaines mesures ont conduit à des résultats positifs, d’autres n’ont pas fonctionné. J’ai donc essayé de formuler des propositions pragmatiques et équilibrées.
On me dit que ce texte contient de plus en plus d’articles. Je constate que l’Assemblée nationale en a inséré un certain nombre et que vous en faites autant. C’est cela le débat parlementaire ! Si l’on en était resté au corpus du texte initial du Gouvernement, on m’aurait dit, à juste titre, qu’il n’y a plus de débat parlementaire, que ce n’est plus la peine de se réunir, etc. Oui, le texte a connu des évolutions, l’Assemblée nationale ayant adopté des amendements émanant de tous les groupes ! Je pense que c’est une bonne chose.
La situation politique a changé, c’est une réalité, mais, ce qui n’a pas encore changé, c’est la situation du logement de nos concitoyens dans ce pays. Je ne me réfère pas constamment à l’abbé Pierre, dont on sait l’importance qu’il a eue, mais, c’est un fait, depuis longtemps, les difficultés sont nombreuses en matière de logement dans notre pays et dans d’autres pays d’ailleurs. Pour y faire face, il faut prendre un certain nombre de dispositions.
On nous dit que nous avons restructuré le logement social, que des ponctions ont été effectuées sur les bailleurs sociaux. Pour avoir siégé un certain nombre d’années ici, j’ai souvent entendu parler des actifs de certains d’entre eux… Nous y reviendrons.
J’ai entendu et lu que le budget du nouveau programme national de renouvellement urbain était bloqué. Nous sommes en train de le débloquer, et il va passer de 5 milliards à 10 milliards d’euros. C’est acté, c’est signé, c’est une réalité !
Quant au plan Villes moyennes, il a permis de flécher avec nos partenaires – Action logement, l’Agence nationale de l’habitat et la Caisse des dépôts et consignations –, 5 milliards d’euros vers le logement. Au-delà des textes, nécessaires, il faut aussi dégager de nouveaux moyens en faveur du logement. Je fais des propositions pour aujourd’hui et demain, non pour hier.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique traduit la stratégie quinquennale en matière de logement annoncée par le Gouvernement en septembre 2017.
Le Sénat n’a pas attendu que le texte arrive aux portes du Palais du Luxembourg pour se saisir de la question du logement. Dès l’été 2017, la conférence de consensus, initiée par Gérard Larcher, a invité l’ensemble des acteurs du secteur à se prononcer sur les principaux axes de la réforme : la place des collectivités dans la politique du logement, l’accélération de la construction, la simplification normative, la réforme du logement social, la cohésion territoriale et le dynamisme des centres-villes.
Par ailleurs, une large majorité de sénateurs a soutenu la proposition de loi initiée par Rémy Pointereau et Martial Bourquin pour lutter contre la dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.
Issu d’un long travail de concertation, le texte gouvernemental comptait à l’origine 65 articles ; nous en sommes aujourd’hui à 234, qu’il nous faudra examiner, avec plus de 1 000 amendements, en l’espace de sept jours pour simplifier et libéraliser le secteur du logement.
Tout au long des discussions, le groupe Les Indépendants sera particulièrement attentif à l’équilibre qu’il nous faut trouver entre libéralisation du secteur et progrès social et environnemental. À ce titre, notre groupe a porté une disposition, adoptée en commission, qui prévoit de recueillir l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sur les dérogations à la loi Littoral. Nous veillerons également à ce que l’autorité des maires soit préservée en matière de politique du logement afin de respecter la diversité locale.
Pour faire face à la crise du logement, il s’agit d’abord d’aligner la stratégie de construction sur les besoins des populations et des territoires.
À travers ce texte, le Gouvernement entend maintenir le rythme de production de logements pour permettre au parc d’absorber les évolutions démographiques, en particulier dans les zones tendues. Le secteur doit faire face, si l’on y ajoute les demandes locatives et d’acquisition, à une demande d’environ 2,7 millions de logements par an. À cet effet, les grandes opérations d’urbanisme et les contrats de projet partenarial d’aménagement représentent des outils intéressants.
Nous saluons la volonté de la commission des affaires économiques du Sénat de maintenir l’avis conforme du maire comme préalable à tout transfert de compétence en matière de délivrance d’autorisation d’urbanisme.
Par ailleurs, le texte propose plusieurs dispositifs visant à lutter contre la vacance, qui renchérit le coût des logements. Il entend faciliter la conversion de bureaux en habitations et la mise à disposition de logements vacants, tout en encadrant plus strictement les modalités de réquisition des bâtiments à des fins de logement d’urgence pour préserver le droit de propriété.
Ce texte vise également à simplifier les normes applicables en matière de logement. Le Gouvernement a ainsi proposé d’instaurer un gel normatif sur la durée du quinquennat pour la construction, à l’exception du champ de la sécurité.
L’une des principales mesures de simplification prévoyait une baisse drastique des taux d’accessibilité dans l’habitat collectif neuf. Nous avions proposé de relever ce taux à 25 % en commission, mais avons été devancés par une proposition de la rapporteur allant dans le même sens. Ces redressements sont importants, non seulement pour favoriser l’inclusion sociale des personnes porteuses d’un handicap, mais aussi pour préparer la société aux conséquences sur le logement du vieillissement de la population. Il s’agit également d’accélérer les procédures de contentieux, nombreuses en matière d’urbanisme.
Les règles concernant les autorisations délivrées par les architectes des Bâtiments de France ont également été légèrement remaniées en ce qui concerne l’implantation d’antennes relais et la rénovation d’habitats insalubres ou en ruine. C’est un difficile équilibre qui a été trouvé entre la commission des affaires économiques et la commission de la culture, comme sont parfois – et non pas souvent – difficiles les relations entre maires et ABF. Mais nous savons tous qu’il y a des maires démolisseurs et des ABF butés.
Autre dimension du texte : la refonte profonde du secteur des habitations à loyer modéré contribuera à leur équilibre économique. Une nouvelle dynamique devrait voir le jour dans les parcours résidentiels sociaux, avec l’allongement de la durée de décompte dans les quotas de la loi SRU des logements sociaux vendus.
En janvier 2017, le taux de mobilité était de 6,8 % en Île-de-France, contre une moyenne nationale de près de 10 %. La baisse de la mobilité résidentielle s’est accentuée, en lien avec la crise économique, en particulier dans les grandes agglomérations. La création d’un bail mobilité devrait contribuer au développement d’une offre de logements adaptés à la diversité des situations vécues.
Troisième dimension du texte, l’amélioration du cadre de vie passe par la rénovation des passoires thermiques.
Dans le parc ancien, les réhabilitations nécessaires du chauffage ou de l’isolation sont coûteuses, notamment pour les logements datant des années soixante. Nous défendrons un amendement visant à valoriser les actions d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments prises de façon pionnière par les acteurs du secteur tertiaire.
À travers ces dispositions, le projet de loi est un pas vers l’adaptation de notre politique de logement aux grandes évolutions de la société. Nous espérons qu’il sera, à l’issue des discussions, à la hauteur des attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)