M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il est bienvenu d’appliquer les dispositions de l’article 47 bis B à l’ensemble des logements, y compris à ceux du parc social et du parc soumis à la loi de 1948. L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 47 bis B, modifié.
(L’article 47 bis B est adopté.)
Article 47 bis C
Le deuxième alinéa du I de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« Le commandement de payer contient, à peine de nullité :
« 1° La mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette ;
« 2° Le montant mensuel du loyer et des charges ;
« 3° Le décompte de la dette ;
« 4° L’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d’expulsion ;
« 5° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l’adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ;
« 6° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil. » – (Adopté.)
Article 47 bis
L’article L. 623-1 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le 1° est complété par les mots : « ainsi que dans le cadre de la location d’un bien immobilier ».
M. le président. L’amendement n° 425, présenté par M. M. Bourquin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° Au premier alinéa, après le mot : « légales », sont insérés les mots : « , relevant ou non du présent code, » ;
II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
… Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est interprétatif de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. »
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. C’est un amendement rédactionnel et interprétatif, qui vise à clarifier le périmètre de l’action de groupe.
On nous dit que l’ensemble du droit de la consommation déborde le seul code de la consommation. Il faut donc que les rapports locatifs soient concernés par l’action de groupe, comme le prévoyait la loi de 2014. Pourquoi l’action de groupe s’arrêterait-elle aux rapports locatifs ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je vais rester fidèle à ce que nous avons décidé en commission, où nous avons adopté un amendement soutenu par notre collègue Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois, qui a jugé inutile la mention que vous souhaitez rétablir.
Cela étant, j’ai bien conscience que votre amendement soulève une vraie question. Je m’interroge d’ailleurs sur ce qui a conduit la commission des lois à déclarer cette mention inutile. Un membre de cette commission pourrait peut-être nous éclairer sur cette décision et la motiver ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Pour ce qui me concerne, j’irai au-delà des interrogations exprimées par Mme la rapporteur : j’émettrai un avis favorable.
Lors de l’examen du texte en commission, l’alinéa 1° a été jugé inutile et un amendement a été adopté pour le supprimer. Or il n’est pas du tout inutile, puisque, dans deux décisions très récentes, la cour d’appel de Paris et le tribunal de grande instance de Nanterre ont considéré que le bail d’habitation, régi par la loi du 6 juillet 1989, n’entrait pas dans le champ du droit de la consommation. C’est écrit noir sur blanc !
Je cite la cour d’appel de Paris : « Il sera surabondamment relevé que le bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 n’est pas inclus dans le code de la consommation et obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte qu’il échappe à l’action de groupe ». C’est ce qu’indique la jurisprudence de manière univoque. Il est donc nécessaire de rétablir cet alinéa et de faire droit à l’amendement de M. Bourquin, qui n’est pas simplement rédactionnel puisqu’il correspond à un véritable besoin.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je vous remercie, monsieur le ministre. Cet amendement est davantage interprétatif que rédactionnel. On est un peu dans la même situation que pour l’assurance emprunteur, dont on nous disait à l’époque, y compris la Cour de cassation, qu’elle n’entrait pas dans le bloc des assurances. Le Sénat avait pris position, car nous nous étions rendu compte à la lecture de l’arrêt de la Cour de cassation qu’il convenait d’être beaucoup plus interprétatif et de préciser que l’assurance emprunteur était une assurance comme une autre. Le Conseil constitutionnel nous a donné raison, et nous avons gagné.
C’est donc à juste titre que M. le ministre a dit que le Parlement devait être plus précis. Voilà pourquoi nous devons faire entrer les rapports locatifs dans l’action de groupe, ce qui est absolument normal : cela figure dans la loi de 2014. Lorsque des locataires se sentent lésés, ils doivent pouvoir entamer une action de groupe, soit avec une association de locataires, soit surtout avec une association de consommateurs. Nous serions l’un des seuls pays européens à ne pas pouvoir le faire. Adoptons cet amendement !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Cet amendement est effectivement très bienvenu, et il me semble que nous pouvons le voter. La disposition est intéressante ; la commission des lois pourra toujours préciser sa pensée ultérieurement. Mettons donc cette disposition dans la navette.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Nous partageons le souci des auteurs de cet amendement, que nous voterons. Il y a là une lacune, qui mérite manifestement d’être comblée.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Notre groupe votera cet amendement, d’autant que l’association UFC-Que Choisir, si je me souviens bien du rapport de 2018, a été très claire. J’avoue que je suis quelque peu étonné par la position de la commission des lois.
M. le président. Je mets aux voix l’article 47 bis, modifié.
(L’article 47 bis est adopté.)
Article 48
I. – La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée est ainsi modifiée :
1° L’article 3 est ainsi modifié :
a) Le 7° est abrogé ;
b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « , aux loyers de référence » sont supprimés ;
2° Le troisième alinéa de l’article 16 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « agréés », sont insérés les mots : « , pour tout ou partie de la zone géographique qui y est mentionnée, » ;
b) La deuxième phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « L’agrément ne peut être accordé à un observatoire que si les statuts de celui-ci assurent, au sein de ses organes dirigeants, la représentation équilibrée des bailleurs, des locataires et des gestionnaires ainsi que la présence de personnalités qualifiées ou s’il existe en son sein une instance, chargée de la validation du dispositif d’observations, assurant la représentation équilibrée des bailleurs, des locataires et des gestionnaires et comprenant des personnalités qualifiées. Les modalités de consultation et de fonctionnement de cette instance sont précisées par décret. » ;
3° L’article 17 est ainsi rédigé :
« Art. 17. – I. – Les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social, sont dotées d’un observatoire local des loyers mentionné à l’article 16. Un décret fixe la liste des communes comprises dans ces zones.
« II. – La fixation du loyer des logements mis en location est libre. » ;
4° L’article 17-2 est ainsi modifié :
a) Le I est abrogé ;
b) Le premier alinéa du II est ainsi rédigé :
« Lors du renouvellement du contrat, le loyer ne donne lieu à réévaluation que s’il est manifestement sous-évalué. » ;
c) À la fin du deuxième alinéa du même II, les mots : « dans les conditions définies aux cinquième et sixième alinéas du I du présent article » sont supprimés ;
d) Après le même deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les loyers servant de références doivent être représentatifs de l’ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables, situés soit dans le même groupe d’immeubles, soit dans tout autre groupe d’immeubles comportant des caractéristiques similaires et situés dans la même zone géographique. Un décret en Conseil d’État définit les éléments constitutifs de ces références.
« Le nombre minimal de références à fournir est de trois. Toutefois, il est de six dans les communes, dont la liste est fixée par décret, faisant partie d’une agglomération de plus d’un million d’habitants. » ;
e) Aux troisième et quatrième alinéas du même II, les mots : « du présent II » sont remplacés par les mots : « du présent article » ;
5° (Supprimé)
6° L’article 25-9 est ainsi modifié :
a) Les I et II sont abrogés ;
b) (nouveau) La mention : « III. – » est supprimée.
II (nouveau). – Le 4° de l’article L. 631-15 du code de la construction et de l’habitation est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Le premier obstacle à la mobilité et à l’accès au logement, tout le monde le sait, c’est le loyer. C’est pourquoi l’encadrement des loyers est un facteur déterminant de mobilité et de sécurisation des bailleurs ainsi que des locataires dans le parc privé. C’est un dispositif qui a montré son efficacité ! Il est simplement incompréhensible de le supprimer lorsque le maître mot de l’action du Gouvernement se veut être l’efficacité.
L’encadrement limite les abus, améliore le pouvoir d’achat des ménages à un prix quasiment nul pour l’État et constitue la réponse la plus logique à l’argument du prétendu effet inflationniste des APL. Encadrer les loyers, c’est donc agir pour une bonne utilisation des deniers publics.
La loi ALUR n’est ni excessive ni confiscatoire : après une hausse de quasiment 60 % en dix-sept ans, elle ne vise que les loyers abusifs au-delà de 20 % d’une médiane avec complément de loyer possible. Nous sommes très loin de l’administration du loyer, la loi ne fait qu’imposer un minimum de raison au marché locatif privé.
J’ajoute que l’encadrement se situe à un niveau particulièrement élevé, qui exclut de l’accès au logement beaucoup trop de nos concitoyens.
Le Conseil constitutionnel en 2014 et les tribunaux administratifs en 2017, à Paris et à Lille, ont validé le principe de l’encadrement. Seule son insuffisante mise en œuvre est mise en cause. L’encadrement des loyers a donc été annulé pour une question de forme juridique et non de fond.
C’est pourquoi il n’est pas nécessaire d’abroger l’encadrement et de le remplacer par une expérimentation pour se conformer aux décisions de justice. La prise immédiate d’un décret permettrait à l’État de le mettre en œuvre progressivement, c’est-à-dire en tout ou partie pour les agglomérations concernées, en se calant sur le déploiement des observatoires locaux des loyers. C’est le sens des amendements que nous défendrons à cet article.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Les articles 48 et 49 du présent projet de loi, dont l’un supprime le dispositif d’encadrement des loyers de la loi ALUR de 2014 et l’autre réintroduit un dispositif similaire, mais temporaire et optionnel, ne constituent en fait qu’une acrobatie politique visant à inhumer progressivement l’encadrement des loyers. Le projet de loi fait prévaloir un très abscons « droit de propriété » que nous impose la doctrine du libéralisme sur le droit au logement de tous et de chacun consacré par le préambule de la Constitution de 1946.
Pour notre part, nous avions soutenu ce principe d’encadrement des loyers avec des réticences. En effet, s’il permet de réguler de manière efficace l’évolution des loyers, il ne permet cependant pas d’en réguler le niveau, ce qui était le propre du dispositif ALUR que cet article vise à supprimer. Pourtant, la cherté du logement en France conduit à des réalités socio-économiques inacceptables : 54 % des ménages consacrent plus de 30 % de leurs revenus au logement ; parmi eux, 15 % y consacrent même plus de 60 % ! La situation est en constante aggravation, avec une hausse des loyers de plus de 50 % en dix ans sur le territoire français, voire de 70 % à Lille !
Ce dont nous avons besoin, c’est d’une régulation offensive et pérenne du niveau des loyers, qui serait basée non pas sur le loyer médian comme le prévoyait la loi ALUR – puisque celui-ci incorpore des réalités très différentes du marché locatif –, mais sur un loyer qui reflète les réalités sociales et le niveau de vie des locataires.
Pour ce faire, nous devons créer un cadre juridique qui permette aux loyers actuels d’être baissés efficacement et donner une place plus importante aux associations de locataires dans le cadre des recours juridiques. Je le rappelle, à Paris, seulement une centaine de recours ont été déposés pour loyers abusifs durant toute la période de l’encadrement des loyers alors qu’environ un tiers des appartements proposés à la location ne respectait pas le dispositif. En cause, le rapport de force défavorable aux locataires, qui craignent que leur bail soit non renouvelé, leur caution conservée ou les travaux retardés.
Le pire c’est que, depuis l’abandon de ce dispositif, les prix ont largement augmenté comme en témoigne une étude de plusieurs associations.
Encadrer les loyers, c’est protéger les classes moyennes qui ne peuvent pas accéder au parc locatif social, c’est augmenter leur pouvoir d’achat et c’est donc, a fortiori, relancer la consommation et l’emploi.
La suppression de ce dispositif et son non-remplacement par un dispositif plus offensif constituent donc une aberration sociale.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. L’habitat n’est pas un simple produit de consommation, c’est un droit à garantir : celui d’avoir un toit et de pouvoir se loger décemment.
La loi ALUR, certes imparfaite et incomplète, avait au moins le mérite d’apporter une part de régulation pour lutter contre la rente immobilière. En effet, l’investissement dans la pierre est parmi les plus sûrs et les plus rentables ; c’est un objet de spéculation.
Pour lutter contre cela, l’État dispose de quelques leviers.
Pendant longtemps, le choix fait a été celui de la solvabilisation. Ce choix est aujourd’hui remis en cause par la baisse des APL.
Le deuxième levier est celui des aides à la pierre pour favoriser la construction. Avec un budget de l’État plafonnant à 60 millions d’euros, autant dire que ce n’est pas une priorité.
Enfin, il y a la réglementation du marché dit « libre » que ce soit concernant les règles de mise en location ou plus activement par un encadrement des loyers.
À l’évidence, sur ce point, il existe un consensus entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement : toute règle est considérée comme une entrave à la liberté contractuelle. Comme si le locataire ou le demandeur de logement étaient en position favorable face au loueur ! La demande est à ce point déconnectée de l’offre que le rapport entre le bailleur et le locataire est absolument déséquilibré. C’est le pot de fer contre le pot de terre !
Pour cette raison, la loi ALUR avait tenté une amorce de régulation avec un encadrement des loyers, qui a aussi vite été désavoué par le gouvernement Valls, circonscrit à Paris et aux collectivités volontaires.
Bien que favorables au principe d’encadrement, nous avions considéré que celui-ci risquait, en l’état, de bloquer les loyers à un niveau anormalement élevé. D’où nos propositions d’un moratoire dans le secteur public et d’un mécanisme dans le privé qui définisse des prix moyens à un niveau plus bas.
Quoi qu’il en soit, en supprimant ce dispositif, le présent gouvernement envoie un très mauvais signal.
M. le président. L’amendement n° 221, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’avis est défavorable.
La commission a considéré que l’encadrement des loyers tel qu’il est prévu dans le texte de loi, qui devient un dispositif expérimental, optionnel et volontaire, allait dans le bon sens. Il ne paraît donc pas nécessaire d’en revenir à un dispositif obligatoire.
Le souci n’est pas tant l’encadrement des loyers que la pénurie d’offres de logement.
M. Philippe Dallier. Tout à fait !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ce que l’on recherche c’est à augmenter considérablement l’offre de logement. Dès lors, la question de l’encadrement des loyers ne se posera plus.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, ce qui ne surprendra pas les auteurs de l’amendement.
Je vais revenir sur l’historique.
La loi ALUR a mis en place des dispositions pour réaliser l’encadrement des loyers dans un certain nombre de territoires, avec obligation de lancer la procédure d’encadrement des loyers de manière connectée à la création de l’Observatoire. Puis le précédent gouvernement a évolué et modifié l’application de la loi, ce qui fait que deux collectivités, presque trois, ont enclenché le processus d’encadrement des loyers : Paris et Lille ; Grenoble, elle, allait le faire. Des recours ont ensuite été déposés, et les tribunaux administratifs ont annulé le dispositif de Lille, puis celui de Paris, avec les mêmes motifs juridiques.
J’ai consulté la maire de Lille, Mme Aubry, et la maire de Paris, Mme Hidalgo, pour savoir si elles souhaitaient que l’État fasse appel, puisque c’est de sa compétence. Elles ont répondu par l’affirmative. J’ai bien évidemment interjeté appel de ces deux décisions. La cour d’appel administrative vient de rendre un arrêt confirmant l’annulation du dispositif.
Il existe une possibilité de former un pourvoi devant le Conseil d’État. Je le ferai, car j’ai dit que nous irions au bout de la procédure. Je donnerai donc les instructions pour qu’il en soit ainsi.
On se retrouve donc dans une situation où, manifestement, l’application du texte tel qu’il avait été voté pose des problèmes juridiques évidents.
Contrairement à ce que vous indiquez, nous ne voulons pas procéder à l’inhumation du dispositif ; si tel avait été le cas, il aurait suffi de le supprimer dans le cadre de ce texte ! Il s’agit uniquement de permettre aux collectivités qui le souhaitaient, par exemple Paris ou Lille, de poursuivre de façon expérimentale l’encadrement des loyers, de manière déconnectée de la création de l’Observatoire. Ce n’est donc pas une inhumation ni une mise en résidence surveillée.
Contrairement à ce que l’on a pu lire dans la presse ici ou là, le Gouvernement n’est pas encore convaincu de l’effet positif de ce dispositif sur les loyers. Nous sommes donc en train d’évaluer son efficacité. Ce dispositif est d’ores et déjà efficace, selon moi, du point de vue de la communication, et c’est pour cela aussi que nous n’y avons pas mis fin.
La décision que nous avons prise de faire confiance aux collectivités et de supprimer la coordination obligatoire entre l’Observatoire des loyers et la mise en place de l’encadrement des loyers me semble une bonne chose.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Ce sujet est très politique, voire idéologique. Nos collègues communistes pensent que l’encadrement des loyers permettra de régler tous les problèmes. Je partage leur point de vue, le logement n’est pas un bien comme un autre. Pour autant, attention à ce que nous faisons !
Il est affirmé dans l’objet de leur amendement que la loi ALUR n’était ni excessive ni confiscatoire. Souvenons-nous tout de même qu’elle a eu pour résultat de faire plonger de manière importante le secteur de la construction et qu’il a fallu corriger le tir ! On l’a fait avec le dispositif Pinel et par un rééquilibrage léger des relations entre bailleur et locataire, mais tout cela est extrêmement sensible.
Qu’il nous faille, pour aider une partie de nos concitoyens à se loger, un secteur encadré, allant du PLAI au PLS, et des logements intermédiaires, même si c’est coûteux, avec des dispositifs tels que celui de la loi Pinel, c’est une certitude. Mais ne pas laisser une certaine souplesse sur le marché privé aboutirait aux mêmes catastrophes.
Je rappelle que, depuis la dernière loi de finances, certains signaux envoyés aux personnes qui veulent investir dans l’immobilier sont de nature à les faire s’interroger : l’impôt de solidarité sur la fortune supprimé, il ne subsiste plus que l’IFI ; la taxe d’habitation supprimée, il ne reste plus que la taxe foncière, qui finira par servir de variable d’ajustement pour le budget de nos collectivités territoriales.
Il y a un risque à envoyer d’autres signaux susceptibles de désespérer ceux qui ont envie d’investir dans le logement : parvenir à l’effet exactement l’inverse de celui recherché par les auteurs de l’amendement.
Mme Catherine Procaccia. Complètement d’accord !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je ferai trois remarques rapides.
Tout d’abord, notre collègue Dallier a eu raison de dire que le secteur de la construction avait plongé, mais la situation économique était différente : nous sortions d’une crise financière, avec une forte bulle spéculative. Il faut remettre les choses dans leur contexte.
M. Philippe Dallier. C’était en 2014 et 2015, pas en 2010 et 2011 !
M. Martial Bourquin. Ensuite, Mme la rapporteur avance un argument qui est juste : lorsque le nombre de logements aura augmenté, les loyers baisseront. Certes, mais ce sera aux calendes grecques.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Martial Bourquin. À Paris, et ailleurs avec la situation du logement telle qu’elle est un peu partout en France, on n’est pas près de voir ça !
Enfin, la hausse des loyers telle qu’elle se pratique à Paris, à Lille et dans plusieurs grandes villes est confiscatoire, pour reprendre ce mot employé précédemment, pour les salariés et pour les familles. Cette situation ne peut pas durer ! Il faut qu’à un moment donné – et M. le ministre a indiqué qu’il formera un pourvoi devant le Conseil d’État – cette spéculation s’arrête, parce que des familles subissent des situations intolérables. C’est parfois plus de la moitié d’un salaire qui part dans le loyer ! Pour les précaires, c’est encore pire, parce qu’ils ne peuvent même pas accéder à un logement.
Il est tout à fait vrai que le logement n’est pas un produit comme un autre. C’est aussi pour cette raison qu’il faut le protéger, et protéger les familles.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Les mesures qui sont simples sur le papier se révèlent rarement aussi simples dans la réalité.
Je comprends que l’on puisse être séduit par une procédure d’encadrement des loyers, en se disant que cela résoudra le problème de leur envolée. Mais, dans les faits, ça ne fonctionnera pas ainsi.
Dans les secteurs tendus, notamment – je pense à Paris et à sa périphérie –, le problème du logement tient à ce qu’il s’agit d’un bien complexe. Il est complexe du fait de la relation entre le propriétaire et le locataire, laquelle ne fonctionne pas si l’on n’y introduit pas de la confiance, si le propriétaire n’est pas confiant au moment de mettre son bien en location.
En région parisienne, pour parler d’un territoire que nous connaissons bien, nous luttons depuis quelques années contre le fait qu’un certain nombre de propriétaires ne mettent pas en location des biens qui leur appartiennent. S’ils ne le font pas, c’est bien parce qu’il y a des raisons objectives pour cela.
Je ne suis pas certain qu’un encadrement des loyers participe au rétablissement de la confiance nécessaire à la mise en location de biens qui appartiennent actuellement à des propriétaires privés.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je poserai une question écrite sur ce sujet à M. le ministre.
Ce qui me choque profondément, c’est qu’il y ait à Paris des quantités d’immeubles appartenant à des particuliers, notamment des Moldaves et des Russes, qui sont loués complètement au noir, souvent à des personnes désemparées. Je connais ainsi le cas de quelqu’un qui loue une chambre pour un loyer de 400 euros absolument pas déclaré.
Ces cas sont nombreux, et il n’y a pas suffisamment de professionnels pour les contrôler. C’est aussi un véritable problème pour le logement.
Vous ne pourrez pas me répondre aujourd’hui, monsieur le ministre, mais je souhaite tout de même savoir s’il est prévu de renforcer des contrôles dans ce domaine, même si cela ne dépend pas forcément de vous. Je pense qu’il faudrait recruter et contrôler, car la fraude est considérable.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Ce débat, que nous devons mener de façon sereine, mérite d’avoir lieu.
J’entends l’argument de M. Dallier, et je suis prêt à l’examiner, car ce qu’il dit n’est pas forcément faux. Mais ce qui est confiscatoire, c’est le fait que 15 % des ménages consacrent 60 % de leurs revenus au logement ! La question du logement ne se situe pas en dehors de toute réalité politique générale.
Depuis que l’encadrement des loyers a été supprimé à Paris, l’association CLCV a mené une enquête. Savez-vous, monsieur le ministre, que les loyers ont augmenté en moyenne de 130 euros, ce qui représente une augmentation de 1 500 euros par an ? Et il y a des disparités : pour les plus petits logements, destinés d’abord aux étudiants ou à des personnes seules, la hausse peut être de 5 000 euros sur l’année. Ça ne me dérangerait pas si les salaires augmentaient avec la même rapidité. Mais ce n’est pas le cas !
Je ne suis pas favorable à ce qu’on traite du problème du logement indépendamment du débat sur le niveau des revenus et des salaires, car il y a une adéquation entre les deux. On ne peut pas avoir, à la fois, des loyers qui ne cessent d’augmenter dans les zones tendues et des salaires qui restent bloqués, d’abord ceux de la fonction publique, mais aussi ceux du privé. C’est une véritable question, dont nous devons débattre. Si les deux augmentaient de la même façon, il n’y aurait pas de souci.
Des amendements sur ce point seront examinés à l’article 49 ; quoi qu’il en soit, on ne peut pas balayer cette question d’un revers de main.