M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Henri Cabanel. … nous ne cautionnons pas la vision timorée et les reniements qui ont abouti à ce texte et aux déceptions qu’il engendre déjà. Nous ne cautionnons pas votre volonté de ne pas écouter le Sénat ! (Applaudissements les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Mes collègues Franck Menonville et Joël Labbé ont énuméré un certain nombre de dispositions qui devaient absolument être revues, selon nous, avant que le projet de loi n’entre en vigueur. Le Sénat avait réalisé un travail tout à fait remarquable sur ce texte en première lecture.
Je pense, comme la majorité de mes collègues du groupe du RDSE, au nom duquel j’interviens, que nous devions remettre ce texte à l’endroit et sur ses deux pieds, pour qu’il soit en cohérence avec la philosophie et les espoirs exprimés lors des États généraux de l’alimentation.
Je comprends mais regrette profondément le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable, car son adoption ne nous permettra pas de sécuriser les dispositifs de fixation des prix, par exemple, ni d’entendre le Gouvernement sur les raisons profondes qui ont poussé la majorité de l’Assemblée nationale à introduire des dispositions nouvelles dans des articles qui avaient pourtant été adoptés en des termes identiques par les deux assemblées.
Je prendrai un exemple de débat que nous aurions dû avoir, qu’il nous faut avoir, car cette question ne peut se régler en catimini, par l’introduction d’une disposition boiteuse.
Je vise ici les alinéas 8 à 10 de l’article 14 septies relatifs aux zones de non-traitement. En clair, il s’agit de jouer le sort de l’agriculture et de la viticulture et l’avenir de milliers d’emplois à la roulette russe, en invitant autour de la table des associations aux revendications parfois outrancières et jusqu’au-boutistes pour réfléchir à un règlement départemental de traitement, qui s’opposera aux exploitations et qui sera à géométrie variable d’un département à l’autre.
Pourtant, monsieur le ministre, il existe aujourd’hui une agence détenant cette compétence : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. L’ANSES conduit en effet les actions d’évaluation des risques pour l’homme, l’animal ou l’environnement et édicte des prescriptions qui s’imposent aux exploitants.
Au travers de cette disposition, c’est la direction d’évaluation des produits réglementés de l’ANSES que vous discréditez. Si vous avez le moindre doute, interdisez purement et simplement la commercialisation et l’utilisation des produits ! Il faut cesser de faire planer la peur ! Nous devons avancer sur ce sujet. J’ai des propositions à vous faire, à l’instar de votre task force.
Pour toutes ces raisons, et d’autres encore, le groupe du RDSE votera contre motion tendant à opposer la question préalable. Nous estimons que les débats doivent avoir lieu. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Guillaume Gontard. La majorité sénatoriale nous propose d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable et, ainsi, de ne pas discuter une nouvelle fois de ce texte si attendu. Nous sommes surpris et navrés que le débat démocratique aboutisse à une telle impasse.
Pourtant, avec les États généraux de l’alimentation, le Gouvernement avait placé haut la barre de nos espérances démocratiques. Cette grande consultation avait rencontré un vif succès et abouti à un riche vade-mecum de propositions ambitieuses.
Malheureusement, dès le conseil des ministres, le projet de loi décevait ces espoirs. Malgré les tentatives de certains députés de la majorité, la première version adoptée par l’Assemblée nationale n’était guère plus à la hauteur des enjeux.
Lors de l’examen du texte par le Sénat, nous avions trouvé un large compromis pour améliorer les mécanismes du titre Ier, notamment pour lutter contre le « chantage à la collecte » ou définir un seuil de revente à perte. Le Gouvernement, marquant une nouvelle fois le peu de cas qu’il fait du travail parlementaire, n’a pas cherché à construire sur ce compromis. Ce refus nous conduit à cette impasse démocratique et pourrait nous inciter à voter en faveur de l’adoption de cette motion.
Cependant, les débats qui se sont tenus au Sénat sur le titre II n’ont pas du tout été à la hauteur des enjeux. Pour l’essentiel, les minces avancées introduites par l’Assemblée nationale ont été balayées par la majorité sénatoriale. Je pense à l’encadrement de l’utilisation des pesticides, à la transparence de l’étiquetage alimentaire, à l’emploi des ustensiles en plastique dans l’alimentation, ainsi qu’à des mesures qui visaient à la reconnaissance des spécificités de nos territoires : reconnaissance des petites fermes, encadrement de l’usage de l’appellation « fromage fermier », semences paysannes…
L’histoire est parfois cruelle. J’ai encore en tête les mots de notre rapporteur pour avis : « Le caractère cancérigène du glyphosate paraît improbable » ! Le verdict historique du procès Dewayne Johnson/Bayer-Monsanto bat en brèche cette affirmation. Demain s’ouvrira en Isère le procès intenté à cette même multinationale par la famille Grataloup, dont le fils Théo est atteint de malformations congénitales transmises par la mère, qui a manipulé du Roundup durant sa grossesse. Et je ne parle pas des nombreux autres agriculteurs empoisonnés ! Combien de drames faudra-t-il pour que l’on dise enfin « stop » ?
Comme pour le plomb ou l’amiante, prendre une décision rapide et courageuse s’impose. Sortir en trois ans de l’utilisation de ce poison, ce n’était pourtant pas une proposition déraisonnable. Incompréhensible posture de la majorité, qui refuse d’entendre les aspirations de la société ! Plutôt que Monsanto, nous voulons des coquelicots !
Le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable est aussi le moyen, pour la majorité sénatoriale, de ne pas rouvrir un débat qu’elle n’assume pas et qui la gêne. Le Gouvernement ne soulèvera pas d’objection sur ce point.
Pour dénoncer le mépris démocratique du Gouvernement, sans pour autant donner à la majorité sénatoriale la possibilité de se défausser de sa responsabilité, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains.
M. Laurent Duplomb. Au terme de ce débat, je me sens doublement méprisé : en tant qu’agriculteur et en tant que sénateur.
En tant que sénateur, je me sens méprisé eu égard au traitement réservé au travail du Sénat par l’Assemblée nationale et sa majorité. Ayant participé à la commission mixte paritaire, j’ai vu à l’œuvre la tactique qui consiste à tout refuser, à ne rien écouter, à rester complètement dogmatique, à s’arc-bouter sur des principes. Tout a été fait pour que la commission mixte paritaire échoue, de façon à pouvoir revenir non pas au texte initial, mais à celui issu de la première lecture à l’Assemblée nationale, tout en ajoutant encore de nouvelles contraintes pour les agriculteurs.
En tant qu’agriculteur, j’ai ressenti du mépris lors de la discussion de presque tous les articles. Vous serez dans l’incapacité de rééquilibrer les rapports de force entre les cinq centrales d’achat, les 12 000 fournisseurs et les 600 000 agriculteurs. Comment croire que la simple entente au sein de l’interprofession permettra d’y parvenir ? Comment croire que Leclerc et les autres acteurs de la grande distribution renonceront du jour au lendemain à leurs pratiques mafieuses actuelles, simplement parce que le ministre Travert leur aura demandé d’adopter des méthodes plus vertueuses ?
Comment vous justifierez-vous devant tous ces agriculteurs que vous bafouez au travers de multiples articles de ce texte, par exemple en interdisant les remises, rabais et ristournes ou en remettant en cause leur façon de cultiver et les moyens à leurs dispositions pour soigner les plantes malades ? Comment expliquerez-vous aux éleveurs, comme moi, et à leurs épouses qui se lèvent tous les matins pour s’occuper des animaux que vous allez leur imposer votre conception du bien-être animal ?
Les agriculteurs en ont marre, parce qu’ils ne gagnent plus leur vie, parce qu’ils ne sont plus respectés par la société !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Laurent Duplomb. Les discours et les centaines d’amendements des députés de La République en Marche n’auront servi qu’à manifester un complet mépris pour les agriculteurs ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 232 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 276 |
Contre | 49 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi est rejeté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
11
Ajournement du Sénat
M. le président. Mes chers collègues, je constate que le Sénat a épuisé son ordre du jour.
M. le président du Sénat prendra acte de la clôture de cette session lorsque nous aurons reçu le décret de M. le Président de la République portant clôture de la session extraordinaire du Parlement.
Cette information sera publiée au Journal officiel et sur le site internet de notre assemblée.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 2 octobre 2018, sous réserve des conclusions de la conférence des présidents :
À quatorze heures trente :
Ouverture de la session ordinaire de 2018-2019.
Proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, sur le pastoralisme (n° 723, 2017-2018).
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq :
Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la désignation aléatoire des comités de protection des personnes (n° 489, 2017-2018) ;
Rapport de M. Jean Sol, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 724, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 725, 2017-2018) ;
Ce texte sera examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
Débat sur la politique énergétique, à la demande du groupe Les Républicains.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
nomination de membres de deux commissions
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et une candidature pour la commission des affaires économiques. Ces candidatures ont été affichées le 14 septembre 2018.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, ces candidatures ont été ratifiées. M. Damien Regnard est devenu membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Mme Sylviane Noël est devenue membre de la commission des affaires économiques.
nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires
Proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information
La liste des candidats établie par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.
Les représentants du Sénat à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information sont :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Christophe-André Frassa et Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Jérôme Durain et David Assouline, Mme Maryse Carrère ;
Suppléants : MM. François Bonhomme, André Gattolin, Michel Laugier, Pierre Ouzoulias, Olivier Paccaud et François Pillet, Mme Sylvie Robert.
Proposition de loi organique relative à la lutte contre la manipulation de l’information
La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement ne s’étant manifestée, cette liste a été ratifiée.
Les représentants du Sénat à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la lutte contre la manipulation de l’information sont :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Christophe-André Frassa et Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Jérôme Durain et David Assouline, Mme Maryse Carrère ;
Suppléants : MM. François Bonhomme, André Gattolin, Michel Laugier, Pierre Ouzoulias, Olivier Paccaud et François Pillet, Mme Sylvie Robert.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD