M. le président. L’amendement n° 89, présenté par Mme Joissains, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Sophie Joissains.
Mme Sophie Joissains. Cet amendement procède du même esprit que le précédent.
Il vise une accessibilité de la justice effective pour l’ensemble des justiciables. En effet, des montants qui peuvent paraître très bas à certains sont importants pour d’autres.
Derrière une procédure d’opposition à une injonction de payer pour obtenir des délais, il y a des gens. L’examen de la personnalité qui doit être réalisé doit donc être décentralisé.
Cela dit, j’ai bien compris que la dématérialisation était une possibilité, et non une obligation. Néanmoins, on ne peut nier l’incitation très forte en ce sens – l’expression est encore trop faible – que comporte l’ensemble du texte.
J’ai souvenir que, lors de l’examen du projet de loi sur la protection des données personnelles, ces procédures dématérialisées, notamment la mise en place d’algorithmes, suscitaient une réticence assez forte de la part des sénateurs, dont moi-même.
En l’occurrence, si la procédure reste centralisée, il est bien évident que, tôt ou tard, un algorithme sera mis en place pour répondre aux demandes de délais de paiement, lesquelles seront donc examinées sans tenir compte des personnalités, ce qui me paraît largement préjudiciable pour les justiciables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, corapporteur. Cet amendement tend à supprimer la possibilité de former opposition aux ordonnances par voie dématérialisée, au motif que celle-ci ferait intervenir un algorithme.
Or ce n’est pas du tout le cas, puisque le règlement général sur la protection des données personnelles ne le permet pas. Il s’agit seulement de la transmission du dossier, de la saisine ou de l’opposition par voie électronique.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Premièrement, il n’est pas du tout dans notre intention de prévoir un traitement algorithmique des dossiers relatifs aux injonctions de payer.
Ces dossiers feront bien l’objet d’un traitement au cas par cas par le tribunal national, comme c’est le cas aujourd’hui, parfois même de façon assez massive, au niveau de chacun des tribunaux.
Deuxièmement, madame la sénatrice, le tribunal d’instance peut déjà aujourd’hui statuer sur les demandes de délais de paiement sans que les parties soient présentes.
J’émets comme la commission un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mme Sophie Joissains. Je comprends très bien les explications de notre rapporteur comme celles de Mme la ministre.
Néanmoins, je pense que la tendance aux algorithmes est inhérente au système : je ne dis pas que les algorithmes sont des boîtes noires, mais, même s’il n’est pas question d’en mettre en place aujourd’hui, il est clair qu’il en ira autrement demain.
M. le président. Je mets aux voix l’article 14, modifié.
(L’article 14 est adopté.)
Article 15
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires aux fins de les unifier et d’harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois suivant la publication de l’ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 163 est présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Kerrouche, Leconte, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Jasmin, Lubin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 22.
Mme Éliane Assassi. L’article 15 tend à habiliter le Gouvernement à prendre des mesures législatives par voie d’ordonnance pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires, afin d’unifier et d’harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai.
Pour être brève, je dirai que, là encore, l’objectif comptable d’un tel dispositif au final est à peine voilé, ce qui pose encore plus problème étant donné le véhicule légal choisi, la voie réglementaire, par l’intermédiaire d’une ordonnance.
Les mesures réglementaires qui seront prises par le Gouvernement semblent préparer une future réforme de la procédure civile, notamment avec la création d’un acte unifié.
En proposant de supprimer cet article, nous alertons sur les dispositions qui seront adoptées par voie réglementaire en matière de procédure civile, donc de droit privé. Celles-ci pourraient, pour une bonne part, être bien plus importantes et avoir un impact bien plus significatif que les dispositions qui nous sont proposées par voie législative, au travers du présent projet de loi.
J’oserai dire que c’est une méthode chère au Président de la République, une méthode bien rodée, notamment depuis la loi Macron.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 163.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, vous savez que, par principe, les règles de procédure relèvent du pouvoir réglementaire, mais vous n’ignorez pas non plus que les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires relèvent, comme l’a dit Mme Assassi, du domaine de la loi.
Vous connaissez la tentation de recourir aux ordonnances – elle est grande –, mais vous savez aussi que le recours à une ordonnance ne va pas forcément plus vite que l’examen parlementaire.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Ça, c’est bien vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. À cet égard, vous auriez tout à fait pu écrire dans le texte du projet de loi la substance de l’ordonnance que vous vous apprêtez à proposer.
J’appelle aussi votre attention sur le fait que cette procédure s’applique dans différentes hypothèses en dehors de celle du référé, puisque le code de procédure civile vise parfois les décisions prises « en la forme des référés » ou « comme en matière de référé ». L’étude d’impact du projet de loi, que nous avons lue avec intérêt, madame la ministre, précise que treize codes ainsi que six lois prévoient, dans leurs dispositions législatives, le recours à cette procédure, avec des appellations très diverses : des procédures « en la forme », « selon la forme », « dans la forme », « comme en la forme », « sous la forme » et « comme en matière » de référé. Cette grande diversité d’appellations est quelque peu bizarre.
Toujours est-il que nous ne comprenons pas pourquoi vous tenez à recourir à une ordonnance.
Peut-être pourriez-vous souscrire à cet amendement, ce qui permettrait aux législateurs que nous sommes de débattre de ces questions, qui, je le rappelle, relèvent de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. Convaincant !...
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avec cette habilitation, nous voulons simplifier les procédures d’urgence.
Vous avez raison, monsieur le sénateur Sueur : en principe, nous sommes dans le domaine de la procédure civile, qui relève du pouvoir réglementaire.
Toutefois, le législateur est intervenu à plusieurs reprises et a prévu des dispositions divergentes dans différents codes, avec des dénominations diverses – « en la forme des référés », etc.
Nous souhaitons donc pouvoir, par habilitation, à la fois harmoniser l’existant et prévoir un cadre plus cohérent.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur les amendements proposés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 163.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Chapitre II
Simplifier pour mieux protéger
Article 16
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 428 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « La mesure de protection », il est inséré le mot : « judiciaire » ;
b) Après la référence : « 1429 », la fin est ainsi rédigée : « par le mandat de protection future conclu par l’intéressé ou par une autre mesure de protection moins contraignante prévue au présent chapitre. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 494-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « hors d’état de manifester sa volonté pour l’une des causes prévues à l’article 425 » sont remplacés par les mots : « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté » ;
b) Après le mot : « représenter », sont insérés les mots : « , à l’assister dans les conditions de l’article 467 » ;
3° L’article 494-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « par », sont insérés les mots : « la personne qu’il y a lieu de protéger, par » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La désignation d’une personne habilitée est également possible à l’issue de l’instruction d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire ou lorsque, en application du troisième alinéa de l’article 442, le juge des tutelles substitue une habilitation familiale à une mesure de curatelle ou de tutelle. » ;
4° L’article 494-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si l’habilitation familiale sollicitée ne permet pas d’assurer une protection suffisante, le juge peut ordonner une des mesures de protection judiciaire mentionnées aux sections 3 et 4 du présent chapitre. » ;
5° Au quatrième alinéa de l’article 494-6, après le mot : « accomplir », sont insérés les mots : « en représentation » ;
6° À l’article 494-7, après le mot : « habilitée », sont insérés les mots : « à représenter la personne protégée » ;
7° L’article 494-8 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « habilitée », sont insérés les mots : « à la représenter » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « générale », sont insérés les mots : « à la représenter » ;
8° Après le premier alinéa de l’article 494-9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si elle accomplit seule un acte dont l’accomplissement nécessitait une assistance de la personne habilitée, l’acte ne peut être annulé que s’il est établi que la personne protégée a subi un préjudice. » ;
9° Au 2° de l’article 494-11, après le mot : « demande », sont insérés les mots : « de la personne protégée, ». – (Adopté.)
Article 17
Le code civil est ainsi modifié:
1° À la fin du second alinéa de l’article 486, la référence : « 511 » est remplacée par la référence : « 512 » ;
2° L’article 503 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « avec le budget prévisionnel » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de retard dans la transmission de l’inventaire, le juge peut accorder un délai supplémentaire au tuteur, si celui-ci n’a pu obtenir communication des renseignements et documents nécessaires à son établissement auprès des personnes mentionnées au deuxième alinéa.
« Lorsque les conditions du quatrième alinéa ne sont pas remplies, le juge peut également désigner une personne qualifiée, choisie sur une liste établie par le procureur de la République, pour procéder à l’inventaire aux frais du tuteur. Le juge fixe dans sa décision le délai accordé à la personne qualifiée pour procéder à l’inventaire, ainsi que sa rémunération, qui ne peut excéder un plafond fixé par décret. »
3° Les articles 511 et 512 sont ainsi rédigés :
« Art. 511. – Pour les mineurs sous tutelle, la vérification annuelle du compte de gestion du tuteur s’exerce dans les conditions de l’article 387-5, sous réserve des dispositions de l’article 513.
« Art. 512. – Pour les majeurs protégés, les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement par le subrogé tuteur lorsqu’il en a été nommé un ou par le conseil de famille lorsqu’il est fait application de l’article 457. En cas de difficulté, le juge statue sur la conformité des comptes à la requête de l’une des personnes chargées de la mesure de protection.
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsque les ressources de la personne protégée le permettent et si l’importance ou la composition de son patrimoine le justifie, le juge peut désigner, dès réception de l’inventaire et du budget prévisionnel, une personne qualifiée choisie sur une liste établie par le procureur de la République, chargée de la vérification et de l’approbation des comptes annuels de gestion. Le juge fixe dans sa décision les modalités selon lesquelles le tuteur soumet à cette dernière le compte de gestion, accompagné des pièces justificatives, en vue de ces opérations, ainsi que sa rémunération, qui ne peut excéder un plafond fixé par décret.
« En l’absence de désignation d’un subrogé tuteur ou d’un conseil de famille, et lorsque le juge ne désigne pas de personne qualifiée pour y procéder, les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement par le directeur des services de greffe judiciaires :
« 1° Du tribunal de grande instance, s’agissant des mesures de protection des mineurs ;
« 2° Du tribunal d’instance, s’agissant des mesures de protection des majeurs.
« À l’issue de la vérification du compte de gestion, un exemplaire est versé sans délai au dossier du tribunal par la personne chargée de cette mission.
« En cas de refus d’approbation des comptes, le juge est saisi d’un rapport de difficulté par la personne en charge de vérifier et d’approuver les comptes, et statue sur la conformité du compte.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
4° L’article 513 est ainsi rédigé :
« Art. 513. – Par dérogation aux articles 510 à 512, lorsque la tutelle n’a pas été confiée à un mandataire à la protection des majeurs, le juge peut, en considération de la modicité des revenus et du patrimoine de la personne protégée, dispenser le tuteur d’établir le compte de gestion et de le faire approuver. » ;
5° Après l’article 513, il est inséré un article 513-1 ainsi rédigé :
« Art. 513-1. – La personne chargée de vérifier et d’approuver les comptes peut faire usage du droit de communication prévu au deuxième alinéa de l’article 510, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire. Elle est tenue d’assurer la confidentialité du compte de gestion. » ;
7° L’article 514 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– le mot : « annuel » est supprimé ;
– les références : « 511 et 513 » sont remplacées par les références : « 511 à 513-1 » ;
b) À la fin du troisième alinéa, la référence : « 512 » est remplacée par la référence : « 513 ».
M. le président. L’amendement n° 219, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 à 7
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de retard dans la transmission de l’inventaire des meubles meublants, des biens mobiliers et des espèces en numéraire, le juge peut désigner un professionnel qualifié pour y procéder aux frais du tuteur. » ;
II. – Alinéa 10, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Lorsque plusieurs personnes ont été désignées dans les conditions de l’article 447 pour la gestion patrimoniale, les comptes annuels de gestion doivent être signés par chacune d’elles, ce qui vaut approbation.
III. – Alinéa 11
1° Première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsque l’importance ou la composition du patrimoine de la personne protégée le justifie, le juge désigne, dès réception de l’inventaire du budget prévisionnel, un professionnel qualifié chargé de la vérification et de l’approbation des comptes dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État.
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
ainsi que sa rémunération, qui ne peut excéder un plafond fixé par décret
IV. – Alinéas 12 à 17
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« En l’absence de désignation d’un subrogé tuteur, d’un co-tuteur, d’un tuteur adjoint ou d’un conseil de famille, le juge fait application de l’alinéa précédent. » ;
V. - Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 513. – Par dérogation aux articles 510 à 512, le juge peut décider de dispenser le tuteur de soumettre le compte de gestion à approbation en considération de la modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée.
« Lorsque la tutelle n’a pas été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, il peut également décider de le dispenser d’établir le compte de gestion. » ;
VI. – Après l’alinéa 21
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« À l’issue de la vérification du compte de gestion, un exemplaire est versé sans délai au dossier du tribunal par la personne chargée de cette mission.
« En cas de refus d’approbation des comptes, le juge est saisi par un rapport de difficulté et statue sur la conformité du compte. » ;
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il s’agit, à travers cet amendement, de procéder au rétablissement du texte du projet de loi sur le contrôle des comptes de gestion des majeurs protégés.
En effet, nous souhaitons pouvoir mettre en place un nouveau dispositif de contrôle de ces comptes de gestion. Aujourd’hui, ce contrôle est exercé par les directeurs de greffe des services judiciaires. Or, dans la réalité, il n’est pas vraiment exercé.
Cela a d’ailleurs été relevé dans différents rapports, qu’il s’agisse d’un rapport très critique de la Cour des comptes paru en 2016 ou du rapport de Mme Caron-Déglise relatif aux différentes mesures concernant les majeurs protégés, que j’ai cité hier.
Dans ces conditions, nous proposons de considérer que, par principe, un contrôle interne des comptes de gestion doit exister. Mais, dans les cas les plus complexes – par exemple, quand le patrimoine l’exige –, ce contrôle sera effectué par des professionnels, et non plus par les directeurs de greffe. Au fond, nous ferons appel à une véritable expertise qui, me semble-t-il, garantira l’effectivité du contrôle des comptes des majeurs protégés.
Mon objectif est, par exemple, que l’on puisse prendre acte du fait que les revenus d’une personne couvrent simplement ses frais d’hébergement et ne pas exiger la mise en place d’un contrôle des comptes. En revanche, lorsque le patrimoine est beaucoup plus important, nous solliciterons un contrôle externe, qui, bien évidemment, pourra toujours revenir devant le juge en cas de contestation.
Tel est, schématiquement exposé, l’objet de l’amendement que je vous propose d’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, corapporteur. L’amendement tend à rétablir le dispositif du Gouvernement s’agissant de l’inventaire et du contrôle des comptes de gestion des personnes protégées.
Toutefois, la commission préfère le dispositif gradué qu’elle a adopté s’agissant de la transmission de l’inventaire au juge, avec un délai supplémentaire, si celui-ci est justifié, puis une sanction, le Gouvernement ne prévoyant que la sanction.
Surtout, elle préfère le dispositif de contrôle des comptes de gestion des mesures de tutelle qu’elle a adopté, permettant de maintenir un contrôle par défaut du greffe, sous le contrôle du juge en cas de difficulté, tout en modernisant le système, alors que le dispositif du Gouvernement reviendrait in fine à une absence de contrôle sur les patrimoines des personnes les plus vulnérables, ce qui ne nous paraît pas satisfaisant.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. La commission des lois a choisi de maintenir le droit en vigueur s’agissant de la dispense d’établissement et de contrôle des comptes de gestion, qui peut être autorisée par le juge des tutelles en cas de modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée.
En effet, il n’y a aucune raison d’élargir la possibilité de dispense aux mesures de protection confiées aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Le rapport de la mission interministérielle confiée à Mme Anne Caron-Déglise fait d’ailleurs état du souhait des membres de cette mission que les comptes établis par les mandataires professionnels demeurent soumis au contrôle du juge, sans possibilité de dispense.
Le groupe socialiste et républicain est donc favorable aux propositions de MM. les rapporteurs.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour explication de vote.
Mme Brigitte Lherbier. Ce qui me choque, c’est que l’on arrive à contrôler plus facilement les comptes que la situation physique de la personne protégée.
J’aimerais que l’on organise la protection physique de cette personne aussi facilement que le contrôle de son patrimoine ! Or ce n’est pas forcément le cas, même lorsque interviennent, le cas échéant, des experts habilités.
M. le président. Je mets aux voix l’article 17.
(L’article 17 est adopté.)
Article 18
I. – (Supprimé)
II. – L’article 373-2-6 du code civil est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , y compris assortir toute mesure d’une astreinte » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également, lorsqu’un parent fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l’exécution d’une décision, d’une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ou d’une convention homologuée fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le condamner au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut excéder 10 000 €. »
III. – L’article 373-2-10 du code civil est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , y compris dans la décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale » ;
2° Au dernier alinéa, après le mot : « peut », sont insérés les mots : « de même ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 221, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – Après le deuxième alinéa de l’article 373-2 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À cette fin, à la demande du juge aux affaires familiales ou de la personne directement intéressée, le procureur de la République peut requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ou une convention homologuée fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à rétablir la possibilité pour le parquet de recourir directement à la force publique en matière familiale. En effet, la commission a fait le choix de supprimer, dans le dispositif d’exécution des décisions en matière familiale que je vous propose, la possibilité pour le procureur de la République d’utiliser directement la force publique.
Actuellement, face au refus d’un parent d’exécuter une décision concernant l’autorité parentale, relative en particulier aux droits de visite ou à la question du lieu de résidence de l’enfant, l’autre parent est souvent démuni. Toutes les semaines, je reçois des courriers déchirants de pères ou de mères qui, après plusieurs mois, voire après plusieurs années de procédure, ont obtenu une décision de justice en leur faveur et peinent à la voir exécutée. Ces situations sont évidemment extrêmement douloureuses. Bien sûr, mes services peuvent inviter ces parents à porter plainte pour non-représentation d’enfant, mais cette voie pénale ne permet absolument pas l’exécution de la décision. Ainsi, au plan civil, le parent qui est confronté à un tel refus doit de nouveau saisir le juge aux affaires familiales pour solliciter la modification des dispositions non respectées, voire le changement de résidence habituelle de l’enfant. Cela n’est pas satisfaisant.
Par conséquent, je souhaite un dispositif complet et cohérent pour remédier à de telles situations, qui sont évidemment extrêmement perturbatrices pour les familles et dont les premières victimes sont les enfants.
Bien évidemment, ce mécanisme ne peut reposer sur un recours systématique à la force publique et à l’exécution forcée. C’est pourquoi il est proposé un système gradué, qui permettra le prononcé d’amendes civiles et d’une médiation, y compris post-sentencielle. Toutefois, en dernier recours, lorsque ni la menace ni le prononcé d’une sanction financière, d’une part, ni la médiation, d’autre part, n’auront permis l’exécution spontanée de la décision rendue en matière de responsabilité parentale, la force publique doit pouvoir être utilisée. Il est donc proposé que le recours à la force publique soit requis par le parquet directement dans les cas les plus extrêmes.
Je souhaite souligner qu’il existe déjà des modes d’exécution forcée en matière familiale. Le code civil prévoit déjà que le procureur de la République peut requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions de placement rendues en assistance éducative. Cette exécution forcée est également possible pour l’application d’une décision concernant des parents qui résident dans deux pays différents.
Vous le constatez, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, une disparité de traitement existe au profit de situations particulières, notamment celles qui revêtent un caractère international : paradoxalement, il est beaucoup moins compliqué de faire revenir son enfant lorsque celui-ci a quitté la France que lorsqu’il habite dans une ville voisine, au sein de l’Hexagone.
Ce que je vous propose existe déjà dans d’autres pays proches de nous, sous des formes analogues. Je pense notamment à la Finlande, à l’Allemagne, à la Suède et au Luxembourg.
Il s’agit d’une mesure ultime, qui me semble souhaitable et pertinente dans certaines situations et qui permet à l’ensemble du dispositif progressif que j’ai évoqué d’être dissuasif, et donc d’être respecté.