M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Courteau, ces applaudissements affirment le soutien de la communauté nationale aux territoires meurtris au nom desquels vous vous êtes exprimé.
Chacun ici a été confronté à de telles expériences ; je l’ai été comme maire, et aussi comme député, lorsqu’un avion de la compagnie Germanwings s’est écrasé sur le territoire de ma circonscription. Je sais la violence de ces réalités. Il est important que puissent alors s’exprimer une solidarité, un soutien réels.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, du soutien du Gouvernement. J’ai déjà parlé du fonds d’urgence sociale qui sera mis en œuvre au bénéfice des populations touchées, mais il nous faut évidemment aller plus loin. Dès hier, lors de la visite sur place du Premier ministre, il a été indiqué que nous prendrions l’attache de l’ensemble des sociétés d’assurances pour que, à aucun moment, des problèmes d’instruction administrative ou juridiques ne freinent la nécessaire mobilisation financière. La Fédération française de l’assurance, bien consciente de la nécessité d’une indemnisation rapide, a entendu ce message.
Par ailleurs, M. le Premier ministre a demandé que, dès la semaine prochaine, nous soyons mobilisés afin que l’état de catastrophe naturelle puisse être reconnu très rapidement pour tous les dossiers qui auront été préparés par les communes –nous savons les difficultés auxquelles elles seront confrontées pour les constituer, mais les services de l’État les aideront. Monsieur le sénateur, il n’est pas question de délai : dès que des dossiers seront prêts, nous engagerons la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Le Premier ministre m’a aussi demandé d’activer immédiatement le fonds de secours d’extrême urgence au profit de celles et ceux qui ont tout perdu au cours de ce drame.
Enfin, l’État participera à la reconstruction. Il est évident que nous devons tous nous mobiliser afin que tous les équipements publics arrachés de votre terre, monsieur le sénateur, soient reconstruits. Il faut que, là où le malheur passe, nous puissions reconstruire de la fierté et de l’attachement territorial. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
promotion de la francophonie
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Dany Wattebled. Notre groupe s’associe pleinement à tous les messages de solidarité qui ont été adressés aux victimes des tragiques événements de l’Aude.
Monsieur le ministre de la culture, le Président de la République s’est rendu la semaine dernière en Arménie, à Erevan, pour participer au dix-septième sommet de l’Organisation internationale de la francophonie. Ce sommet fut l’occasion pour la communauté francophone d’élire un nouveau secrétaire général. L’élection de la Rwandaise Louise Mushikiwabo pose question : d’une part, à la suite des événements et du génocide de 1994, les autorités rwandaises n’ont plus reconnu le français comme langue officielle et ont mené une politique d’anglicisation massive ; d’autre part, le Rwanda n’est pas un grand défenseur des droits de l’homme, qui sont pourtant au cœur du projet francophone.
Ces constats nous imposent de revoir notre approche de la francophonie, en France, en Europe et dans le monde.
En France, nous pouvons soutenir l’action de M. le ministre Blanquer lorsqu’il fait de l’enseignement du français une priorité absolue de l’éducation nationale. Depuis plus de deux siècles, le français est au cœur du projet républicain et de l’intégration nationale.
En Europe, le Brexit représente une chance pour dynamiser l’usage du français dans les institutions européennes. Nous ne pouvons pas accepter que notre langue perde du terrain, alors même que le Royaume-Uni est en voie de quitter l’Union européenne.
Dans le monde, enfin, la France doit être le moteur d’une francophonie active, conquérante et ambitieuse. En 2050, près de 700 millions de personnes dans le monde parleront français : c’est une chance économique, culturelle et politique incroyable pour notre pays !
Le français doit être, plus que jamais, un vecteur d’influence. Mais pour cela, monsieur le ministre, il faut une stratégie, des moyens et la volonté politique de faire prospérer cet espace culturel unique au monde. Quels moyens allez-vous allouer au rayonnement du français dans le projet de loi de finances pour 2019, et quelle est votre stratégie pour promouvoir notre langue en Europe et dans le monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture, pour sa première intervention dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Wattebled, le Président de la République s’est effectivement rendu la semaine dernière à Erevan, accompagné d’une délégation nombreuse, pour le dix-septième sommet de la francophonie. Il a bien évidemment, à cette occasion, rendu hommage à Charles Aznavour, ce grand Français qui a tant fait rayonner la France et la langue française dans le monde.
Cela a aussi été pour lui l’occasion de réaffirmer l’ambition de la France en matière de francophonie et de rayonnement de la langue française dans le monde, après son discours prononcé le 20 mars dernier sous la coupole de l’Académie française.
Lors de ce sommet, Mme Louise Mushikiwabo, une ministre rwandaise, a été élue secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie. Le fait qu’elle soit issue d’un pays relevant d’une zone anglophone montre que la France et ses partenaires francophones ont pris acte de l’évolution des équilibres dans la francophonie : l’Afrique est aujourd’hui le centre de gravité de la francophonie, et il était important d’envoyer ce signal, y compris aux pays non exclusivement francophones.
Ce message a été entendu par les francophones dans le monde, d’autant que la France a décidé de consacrer des moyens importants à la promotion de la francophonie. Ainsi, 200 millions d’euros seront mobilisés pendant la période 2018-2020 en faveur du partenariat mondial pour l’éducation, ce qui correspond, pour ce secteur, à un doublement de notre effort financier au bénéfice de l’Agence française de développement.
M. le président. Il vous faut conclure, monsieur le ministre.
M. Franck Riester, ministre. La France a donc un message fort en matière de développement de la francophonie et elle mobilise des moyens importants ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
élus locaux et “balance ton maire”
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Voilà moins de dix ans, j’ai connu, en Vendée, la tragédie causée par la tempête Xynthia, qui a fait vingt-neuf morts dans une seule commune. À mon tour, je tiens, au nom de l’ensemble de mon groupe, à exprimer, du fond de mon cœur de Vendéen, notre soutien et notre solidarité aux familles des victimes de l’Aude et à nos deux collègues qui représentent ce département meurtri.
Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui comme hier, comme l’a dit notre président, Gérard Larcher, ceux qui sont en première ligne, ceux qui doivent organiser les solidarités d’urgence, ceux qui ont la charge d’annoncer les morts, mais aussi de réparer les vivants, ce sont les maires. Cette réalité civique française rend encore plus insupportable l’opération de dénigrement « #BalanceTonMaire ».
Je le sais : certains dans votre majorité, fort heureusement, s’en sont dissociés. Malheureusement, votre gouvernement y a prêté la main : c’est lui qui a, le premier, donné le signal de la curée ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Monsieur le Premier ministre, cette opération de stigmatisation est dangereuse, à l’heure où le pays traverse une crise de la représentation. Répondre à cette crise suppose que l’on comprenne que l’on ne peut pas, à longueur de déclarations, dénoncer le populisme et, en même temps, jeter les maires en pâture. Répondre à cette crise suppose que l’on comprenne aussi que l’on ne peut ni ne doit penser que pourrait exister une démocratie nationale déconnectée des réalités de la démocratie locale.
Monsieur le Premier ministre, entre la démagogie et la démocratie, il va falloir choisir. Quand cesserez-vous donc de désigner comme boucs émissaires les élus de France ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, je suis sensible à votre éloquent plaidoyer : pour avoir moi-même exercé la fonction de maire, j’en connais les charmes, les contraintes, les difficultés, les moments terribles.
Je partage donc sans aucune réserve vos propos sur le respect dû aux élus en général, et aux maires en particulier. Nombre des membres du Gouvernement ont exercé ces fonctions, tous comprennent l’importance du rôle de ces agents de la démocratie.
Il ne m’appartient évidemment pas de commenter tel ou tel hashtag. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. C’est parti de la majorité !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. De même, je n’aime pas commenter les rumeurs.
Monsieur Retailleau, vous ne m’entendrez jamais – je dis bien jamais – émettre l’once d’une critique sur l’exercice par les maires de leur mandat. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
À l’occasion d’une interview où l’on me demandait ce que je pensais de la décision d’un certain nombre de conseils municipaux d’augmenter le taux de la taxe d’habitation, j’ai dit très exactement que je remerciais les 30 000 maires et conseils municipaux qui avaient choisi de ne pas le faire.
Mme Sophie Primas. Et les autres ?
M. François Grosdidier. Les autres n’ont pas pu faire autrement !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’ai dit que les autres avaient pris leurs responsabilités. Quand je prends des décisions impopulaires, je les assume. Quand les maires doivent prendre des décisions impopulaires, ils les assument également. Dire qu’un certain nombre de maires ont alourdi la fiscalité, ce n’est absolument pas mettre en cause leur personne ni leur façon d’exercer leur mandat. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. C’est vous qui les y avez contraints !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ce n’est absolument pas le cas. Je suis surpris de la vivacité des réactions de certains d’entre vous.
Assumer ses décisions, y compris quand elles sont impopulaires, c’est la responsabilité et, souvent, l’honneur des élus. Pour ma part, je le fais systématiquement et j’indique avec clarté, en toute transparence, quelles sont nos positions.
M. Vincent Éblé. Ce n’est pas tout à fait la même chose !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Oui, c’est vrai, un certain nombre de conseils municipaux ont décidé d’augmenter la taxe d’habitation. C’est un fait ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Chacun le sait ou peut le savoir : il suffit pour cela de regarder son avis d’imposition. C’est une donnée publique, et vous le savez parfaitement ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Je ne m’associerai jamais à une quelconque opération de délation ou de critique, mais dire de la façon la plus explicite possible que, alors que nous avions choisi de procéder par dégrèvement de la taxe d’habitation, à la demande d’ailleurs d’un certain nombre d’élus, notamment de sénateurs, certains maires ont décidé d’augmenter cette taxe, ce qui est à la fois leur liberté et leur responsabilité,…
M. François Grosdidier. Ils ne pouvaient pas faire autrement !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … ce n’est pas les pointer du doigt, c’est faire état d’un fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, vous vous défaussez ! (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Jamais, en France, dans tous nos territoires, les maires n’ont été à ce point découragés ! Craignez le jour où les citoyens français ne voudront plus s’engager pour la République ! Quant à nous, au Sénat, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, croyez bien que nous continuerons à porter la parole de ces hommes et de ces femmes qui sont les fantassins de la République et l’incarnation de la générosité française ! (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Abdallah Hassani. Je m’associe au message de solidarité adressé à nos deux collègues de l’Aude et à la population de ce département.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, les premiers résultats d’une évaluation nationale montrent qu’un quart des élèves, au début du cours préparatoire, ont des difficultés à reconnaître les lettres et les sons qui leur sont associés. Ils ont besoin d’un renforcement de leurs compétences pour bien entrer dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
En début de CE1, 8 % des élèves ont des difficultés à reconnaître les nombres dictés, 30 % lisent moins de trente mots par minute, alors que l’objectif national est de cinquante mots par minute. Un élève sur deux a des difficultés en calcul mental.
Parmi les causes de ces fragilités, les difficultés sociales et familiales semblent tenir une place importante. Aussi sera-t-il particulièrement intéressant de connaître les résultats de mon département, Mayotte, comme ceux d’autres territoires ultramarins.
Ainsi, à Mayotte, plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le nombre de naissances est tel qu’il faudrait créer une classe par jour. Enfin, 30 % des enfants de plus de trois ans n’ont pas accès à la maternelle, alors que le shimaoré ou le shibushi est la langue du foyer.
Ces premiers résultats nationaux sont cohérents avec ce que nous indiquent d’autres enquêtes. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, ce qu’apporte cette évaluation, qui concerne des élèves en tout début de scolarité, et quelles suites vous entendez lui donner, dans un esprit de dialogue avec les enseignants et les parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Abdallah Hassani, je vous remercie de votre question, qui me permet de compléter les propos que j’ai tenus tout à l’heure et de mettre l’accent sur cette période si importante des premières années de la vie, qui est notamment celle de l’entrée des enfants dans les savoirs fondamentaux.
Ce sujet est bien entendu au cœur des priorités qui sont les miennes, à savoir l’élévation du niveau général et la justice sociale, les deux étant complètement liées.
Atteindre ces objectifs passe par une série de dispositions : le dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et en REP+, ainsi que des mesures pédagogiques. Pour appuyer la pédagogie, pour donner des outils aux enseignants, nous avons évidemment besoin d’évaluations de début d’année, ce que l’on appelle des « évaluations-diagnostics ».
Ces évaluations, conçues par des scientifiques, contribuent à placer la France en tête de ce qui se fait de mieux sur le plan international. Elles permettent d’avoir une image complète, à 360 degrés, des compétences d’un enfant au début du CP et du CE1. C’est ainsi que nous disposons aujourd’hui, pour chacun des 1,6 million d’élèves du CP et du CE1, d’un portrait pédagogique, au service à la fois du professeur et des parents. Il s’agit d’un outil de communication entre le professeur et les parents ainsi, évidemment, que d’un élément de pilotage pédagogique de la classe par le professeur.
Ce portrait est précis et constitue un outil très moderne pour nos enseignants. Ils le ressentent ainsi, c’est pourquoi ils ont fait passer ces évaluations, malgré certaines critiques qui ont pu émerger. C’est un outil de lutte contre les inégalités sociales, contre l’échec scolaire, notamment parce que l’évaluation intervient tôt, à six ans et à sept ans. Ces évaluations apportent des éléments beaucoup plus intéressants que des enquêtes internationales qui nous apprennent que le niveau des élèves de quinze ans est insuffisant, car il est alors trop tard. Nous nous donnons les moyens d’agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
situation en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Frogier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Elle porte sur le référendum qui sera organisé en Nouvelle-Calédonie le 4 novembre prochain.
Monsieur le Premier ministre, à cette date, les Calédoniens seront appelés à décider de leur avenir. Ce qui est en jeu, c’est notre destin commun, celui de notre communauté nationale : ce sera la France ou l’indépendance.
Vous avez décidé de vous taire, de ne pas faire valoir votre préférence devant ce choix, au prétexte que le rôle de l’État se résumerait à organiser la consultation dans la plus stricte neutralité et à présenter dans une parfaite impartialité –ce sont vos mots – les conséquences du choix de l’indépendance ou du maintien au sein de la France.
Mais vous n’êtes malheureusement pas seul à adopter cette attitude ! Aucun président d’aucune formation politique nationale, à l’exception notable de Laurent Wauquiez, que je veux remercier ici, n’a pris la peine de faire campagne chez nous. Où était M. Castaner, délégué général de La République en Marche ? Où étaient les membres de votre gouvernement ? Pourquoi une telle gêne à s’engager, à dire sa préférence, alors que nous avons la France en partage ?
Monsieur le Premier ministre, nous sommes nombreux à nous inquiéter de ce détachement, alors que, selon toute vraisemblance, une très large majorité de Calédoniens choisira d’ancrer la destinée de leur territoire dans la France.
Que se passera-t-il au lendemain de ce scrutin ? Vous avez annoncé que vous prendriez l’initiative de réunir les responsables des forces politiques calédoniennes, quel que soit le résultat. Mais pour quoi faire ? Pour nous convaincre que ce référendum n’était finalement qu’une péripétie et qu’il s’agit de continuer comme avant ? Finirez-vous au contraire par admettre que la lecture indépendantiste de l’accord de Nouméa a vécu ?
Pouvez-vous prendre l’engagement que vous tiendrez compte de la volonté exprimée le 4 novembre par la majorité des Calédoniens et que le résultat de ce référendum ne leur sera pas confisqué ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Frogier, nous avons l’habitude d’échanger à propos de la Nouvelle-Calédonie. Dès ma nomination, j’ai souhaité rencontrer l’ensemble des acteurs politiques de la Nouvelle-Calédonie pour mieux comprendre, intimement, ce qui était en jeu pour toutes les parties, pour appréhender la logique très particulière, tout à fait exceptionnelle, des discussions engagées au moment de la négociation des accords de Matignon, lesquels ont guidé pendant trente ans la transformation de la Nouvelle-Calédonie.
Je ne crois pas que, à l’occasion de ces rencontres, de ces échanges, nous ayons, vous, moi ou une autre partie, adopté des postures. Au contraire, nous avons à chaque fois essayé de nous parler et, je le crois, de nous comprendre.
J’ai eu l’occasion de dire publiquement à l’ensemble des parties quelle était la position du Gouvernement s’agissant du référendum qui sera organisé le 4 novembre. C’est la position d’une des parties à l’accord, tenue par cet accord, déterminée à faire en sorte qu’il soit exécuté dans toutes ses stipulations, parce c’est le chemin d’une réconciliation, de la construction d’un avenir commun.
Il m’est apparu, ainsi qu’à d’autres chefs de gouvernement avant moi, qu’il convenait que l’État soit impartial dans l’organisation de cette consultation du 4 novembre. En effet, rien ne serait pire, monsieur le sénateur – et je pense qu’au fond de vous-même vous en convenez – que de donner le sentiment à l’une ou l’autre des parties en présence que tel ne serait pas le cas.
Après que les électeurs se seront exprimés, le Gouvernement entendra évidemment l’expression du suffrage. Comment pouvez-vous en douter, monsieur le sénateur ? Mais, quel que soit le résultat – je suis de ceux à qui l’expérience a appris à se méfier des résultats prétendument connus à l’avance en matière de scrutins –, il faudra continuer à parler. Personne ne gagnerait quoi que ce soit à ce que les tensions, les incompréhensions renaissent, à ce que l’une des parties nie la légitimité des positions de l’autre.
C’est la raison pour laquelle nous prendrons un certain nombre d’initiatives après le scrutin pour faire en sorte que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie se construise dans la bonne foi, avec des femmes et des hommes qui veulent s’engager pour une vie en commun. Nous avons tous à y gagner : la Nouvelle-Calédonie et la République.
C’est la ligne que je me suis fixée dès ma nomination, c’est la ligne qui a été rappelée par le Président de la République à l’occasion de son déplacement en Nouvelle-Calédonie ; je n’en bougerai pas, car je pense que c’est la bonne. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
adolescent tué dans une rixe (I)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le week-end dernier, aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, un gamin de treize ans est mort en pleine rue, roué de coups de barre de fer. Bien sûr, nous pensons à lui et à sa famille, mais notre compassion ne le ramènera pas à la vie. J’aimerais que vous vous posiez tous la même question : et si ce gamin avait été le vôtre ? Malgré l’attention que nous portons à l’éducation de nos enfants, si nous vivions dans l’un de ces territoires bientôt perdus de la République, serions-nous à l’abri d’un tel drame ? Je pense que non !
Le nom de ce gamin, Aboubakar, va venir allonger la liste de ces jeunes victimes d’une violence qui devient inouïe, des rivalités entre bandes, parfois pour des peccadilles – c’est le cas ici –, parfois pour le contrôle du trafic de la drogue.
Cette violence ne s’arrête plus aux portes de nos établissements scolaires. Il y a un mois, au lycée Paul-Éluard de Saint-Denis, un gamin a été agressé au couteau et à coups de marteau. Ce n’est plus possible !
Monsieur le Premier ministre, vous avez reçu tous les parlementaires de Seine-Saint-Denis, le 26 septembre dernier. Tous, de droite comme de gauche, avec responsabilité, vous ont dit la même chose. Tous vous ont décrit la même situation.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez écoutés réclamer l’égalité républicaine. Nous attendons des mesures fortes en matière d’éducation, de police, de justice.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez écoutés, et nous vous en remercions. Est-ce que vous nous avez entendus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Je voudrais tout d’abord revenir sur les faits : samedi 13 octobre, à 18 heures 50, près du centre-ville des Lilas, un enfant est mort. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé. On le sait !
M. Christophe Castaner, ministre. Partir des faits, mesdames, messieurs les sénateurs, vaut mieux, à mon sens, que de se complaire dans la parole politique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Partir des faits, c’est notamment, plutôt que d’affirmer que cet enfant a été roué de coups de barre de fer, attendre les résultats des enquêtes qui ont été confiées à la police judiciaire et de l’autopsie. Mesdames, messieurs les sénateurs, assumer les faits, c’est regarder la réalité en face, avec toutes les difficultés que vous avez évoquées, monsieur Dallier, c’est-à-dire cette insécurité du quotidien et la présence de bandes organisées.
Dès ce matin, nous nous sommes rendus avec Laurent Nunez aux Lilas. Nous avons rencontré l’ensemble des élus, qui connaissent eux aussi très bien ce territoire. L’ancien maire du Pré-Saint-Gervais a indiqué que cette bagarre, cette guerre entre deux bandes serait née un jour à cause d’une affaire de casquette… C’est cela, la réalité ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Un enfant est mort !
M. Christophe Castaner, ministre. La réalité, c’est qu’une violence se déchaîne aujourd’hui sur notre territoire. Il nous faut donc agir à tous les niveaux. Il convient d’abord de mobiliser nos services de renseignement, de connaître la réalité de ces bandes. Il existe aujourd’hui 92 bandes organisées en France, ainsi que d’autres moins organisées,…
M. Rachid Temal. Il faut de l’action !
M. Christophe Castaner, ministre. … qui vivent de trafics. L’année dernière, on a recensé 218 affrontements. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Que fait le Gouvernement ?
M. Christophe Castaner, ministre. La deuxième réponse est judiciaire. Trois jeunes ont immédiatement été interpellés, deux ont été placés sous écrou. Il faut bien entendu que la justice fasse son travail.
Enfin, il faut garantir la sécurité du quotidien sur la voie publique. C’est pourquoi, après la suppression de 12 000 postes dans la police et la gendarmerie (Vives protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain.), le démantèlement de nos services d’information, nous nous sommes engagés à recruter 10 000 policiers supplémentaires. Ces renforts m’ont été demandés ce matin même par les élus locaux ! (La voix de l’orateur est couverte par les huées. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)