Mme Éliane Assassi. C’est nul, comme réponse !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. Je suis sidéré par votre réponse, monsieur le ministre ! Vous n’avez pas compris le sens de ma question, et je crains que vous n’ayez pas compris ce qui se passe dans ces territoires bientôt perdus de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Et vous venez d’être nommé ministre de l’intérieur ! Alors, je m’inquiète ! Des ministres, on en a vu défiler en Seine-Saint-Denis ! On n’en peut plus, des visites ministérielles ! On a besoin de réponses, parce que les gens qui vivent dans ce département sont des Français comme les autres ! L’État leur doit sa protection, particulièrement aux jeunes ! Monsieur le ministre, comprenez-le ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
adolescent tué dans une rixe (II)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Gilbert Roger. Comme Philippe Dallier, je suis élu de la Seine-Saint-Denis. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur nouvellement nommé, qui souhaitait ardemment ce poste… (Rires.)
Aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, un adolescent de treize ans est décédé dimanche à l’hôpital, à la suite d’un affrontement entre bandes rivales qui impliquait une vingtaine de jeunes, dont beaucoup de mineurs, venus – semble-t-il – des Lilas et de Bagnolet. C’est à de telles situations qu’il nous faut essayer de trouver ensemble des solutions. Sinon, la République sera vraiment perdue.
Ce décès intervient après la mort d’un autre adolescent, âgé lui de seize ans, tué de plusieurs balles à Saint-Denis. Une autre rixe avait eu lieu à Garges-lès-Gonesse, où un jeune homme de dix-sept ans avait été agressé à coups de béquilles et de boules de pétanque.
Selon votre ministère, 90 bandes rivales organisées sont répertoriées en France, dont près de la moitié sont actives en proche banlieue et à Paris intra-muros. Donc, vous savez !
La forte augmentation de ce type de violences est plus que préoccupante et doit requérir la mobilisation du Gouvernement tout entier, afin de définir des réponses sociales et de prévention adaptées, et de rompre avec cette culture néfaste du conflit intercités, intercommunes, interétablissements scolaires.
Un rapport parlementaire publié en mai dernier montre que la Seine-Saint-Denis n’est pas traitée de manière équitable. En matière d’éducation, on compte un médecin scolaire pour 13 000 élèves dans le département. Les professeurs y sont majoritairement néo-titulaires, le taux d’absentéisme record, les surveillants en nombre insuffisant…
Dans ce contexte alarmant, quelles mesures de prévention allez-vous proposer,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Gilbert Roger. … en lien avec les élus locaux, les maires, qui ont toute notre confiance et qui souhaitent voir lever ce voile de défiance que vous jetez sur leur action ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Rachid Temal. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Roger, je vous remercie d’avoir posé votre question avec la sagesse que mérite ce problème qui nous préoccupe tous. (Vives exclamations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.) En faire un sujet de petite politique politicienne ne me semble pas la meilleure façon d’agir ! (La plupart des membres du groupe Les Républicains quittent l’hémicycle en signe de protestation.)
Il faut, sur cette question, ne rien lâcher, travailler avec les élus, comme nous l’avons fait ce matin. Nous avons ainsi rencontré Mme Valls, qui est d’ailleurs intervenue dans le même esprit que vous. Elle nous a invités à organiser très vite une rencontre sur le terrain. Ce sera une visite de ministre supplémentaire, certes, mais elle nous permettra, mesdames, messieurs les sénateurs, d’aborder le sujet dans sa globalité, dans sa transversalité, en mobilisant les moyens de l’éducation nationale, en particulier dans les quartiers les plus difficiles, les services sociaux, les services du ministère de l’emploi et, évidemment, ceux du ministère de l’intérieur.
Je vous le dis, monsieur le sénateur, nous déploierons 1 300 postes supplémentaires dans ces quartiers d’ici à 2020. Nous déterminerons une stratégie de reconquête républicaine dans chacun d’entre eux, en renforçant la présence policière, notamment par la création d’unités dédiées aux quartiers, en améliorant le contact avec la population – cela fait partie de la prévention –, enfin en luttant sans merci contre les trafics de stupéfiants. Sur ce plan, les cellules de renseignement opérationnelles sur les stupéfiants seront le meilleur outil pour agir, de manière horizontale, en lien avec les bailleurs sociaux, les municipalités, l’éducation nationale, sans la contribution desquels aucune action policière n’aboutira. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 25 octobre prochain, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (projet n° 463 [2017-2018], texte de la commission n° 13, rapport n° 11, tomes I et II).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre V, aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 43.
TITRE V (SUITE)
RENFORCER L’EFFICACITÉ ET LE SENS DE LA PEINE
Chapitre Ier (SUITE)
Dispositions relatives aux peines encourues et au prononcé de la peine
Articles additionnels après l’article 43
M. le président. L’amendement n° 56 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert, Hugonet et Huré, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mmes Lherbier et Lopez, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart, Laufoaulu, Le Gleut et Paccaud, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 131-30-2 du code pénal, il est inséré un article 131-30-… ainsi rédigé :
« Art. 131-30-… – L’interdiction du territoire français est prononcée par la juridiction de jugement dans les conditions prévues à l’article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable de l’un des délits ou crimes punis d’une peine au moins égale à cinq ans d’emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ces peines, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
La parole est à Mme Muriel Jourda.
Mme Muriel Jourda. Cet amendement vise à créer une peine complémentaire générale d’interdiction du territoire français pour les délits et crimes punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Cette peine serait prononcée obligatoirement, sauf décision spéciale et motivée de la juridiction de jugement, comme la loi le permet depuis 2016 pour les délits et crimes terroristes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Le Sénat s’est déjà exprimé sur cette proposition, à l’occasion de l’examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, voté en octobre 2017, puis lors de la discussion du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Le Sénat, en ces deux occasions, avait adopté un tel amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui tend à prévoir le prononcé obligatoire, sauf motivation contraire du juge, de la peine d’interdiction du territoire français pour tout étranger reconnu coupable d’une infraction pour laquelle est encourue une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
Le Gouvernement souhaite en effet que cette peine obligatoire soit réservée aux infractions d’une particulière gravité. C’est le cas des infractions terroristes, pour lesquelles ce mécanisme est aujourd’hui prévu.
La présente proposition me semble disproportionnée compte tenu du champ envisagé, à savoir toutes les infractions pour lesquelles est encourue une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
Par exemple, le vol d’une motocyclette avec effraction, c’est-à-dire avec bris du neiman, entraînerait application de cette interdiction du territoire ; il me semble que c’est un peu disproportionné.
Une telle mesure paraît d’autant moins nécessaire que cette peine est déjà encourue à titre facultatif pour de nombreux délits et que, en conséquence, il appartient au juge de se prononcer en fonction du cas d’espèce.
Aucune faiblesse du Gouvernement ne peut être relevée en la matière : notre souhait est simplement de respecter une juste proportionnalité entre la nature et la gravité de l’infraction, d’une part, et l’importance des sanctions, d’autre part.
Actuellement, 2 147 personnes placées sous main de justice font l’objet d’une interdiction du territoire français. Ces personnes, lorsqu’elles sortent de prison après avoir purgé leur peine principale, sont prises en charge par les autorités préfectorales qui, en lien avec les autorités consulaires et après délivrance d’un laissez-passer consulaire, mettent en œuvre les mesures adaptées, c’est-à-dire, notamment, les mesures d’éloignement du territoire, qui entraînent de plein droit la reconduite à la frontière des personnes concernées.
Depuis quelques mois, une coordination étroite a d’ailleurs été mise en place avec le ministère de l’intérieur : celui-ci anticipe les sorties de détention des étrangers à l’encontre desquels une telle interdiction du territoire français a été prononcée, de sorte que les expulsions afférentes puissent être exécutées dans les meilleurs délais.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Le groupe socialiste et républicain ne votera pas cet amendement, pour les motifs qui ont été très bien exposés par Mme la garde des sceaux.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 43.
L’amendement n° 58 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, MM. Bizet, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Dufaut, Mmes Dumas et Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, M. Grand, Mme Gruny, MM. Hugonet et Huré, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, de Montgolfier, Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Pierre, Pillet et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mme Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart, Laufoaulu, Le Gleut et Paccaud, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 132-16-5 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 132-16-5. – L’état de récidive légale est relevé par le procureur de la République dans l’acte de poursuites et au stade du jugement, sous réserve du principe d’opportunité des poursuites prévu à l’article 40-1 du code de procédure pénale.
« Il est relevé d’office par la juridiction de jugement, sauf décision spéciale et motivée, même lorsqu’il n’est pas mentionné dans l’acte de poursuites. La personne poursuivie en est informée et est mise en mesure d’être assistée d’un avocat et de faire valoir ses observations. »
La parole est à Mme Muriel Jourda.
Mme Muriel Jourda. Le texte de cet amendement reprend une disposition déjà adoptée par le Sénat en janvier 2017, lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale.
Il est proposé de modifier les conditions du relevé de l’état de récidive légale. Actuellement, ledit état peut être relevé par la juridiction saisie de la seconde infraction lorsqu’il est mentionné dans l’acte de poursuite.
Nous proposons, quant à nous, que l’état de récidive légale soit relevé par le ministère public, sous réserve, bien sûr, du principe d’opportunité des poursuites, dans l’acte de poursuite et au stade du jugement, et soit relevé d’office par la juridiction de jugement, sauf en cas de décision spéciale et motivée de cette dernière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Avis favorable, monsieur le président. Cet amendement a déjà été adopté par le Sénat, en janvier 2017. La commission des lois a estimé qu’il fallait insister…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Il nous semble que le dispositif de cet amendement est soit peu utile soit excessif : en réalité, pour le procureur de la République, sa mise en œuvre ne changerait presque rien au droit existant ; quant au tribunal correctionnel, je rappelle qu’il peut déjà, à l’audience, relever d’office l’état de récidive. Exiger une décision motivée, dans ce cas, ne ferait qu’ajouter une complication à la fois inutile et formelle. Je ne crois pas que cela changerait grand-chose, si ce n’est, peut-être, introduire une forme de défiance à l’égard des magistrats, même si telle n’est pas votre intention, madame la sénatrice ! Il faut faire confiance au tribunal pour apprécier si le relevé de l’état de récidive est ou non opportun.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je suis d’accord avec Mme la garde des sceaux, l’adoption de cet amendement n’apporterait rien. Il ne fait que refléter la volonté de donner une image répressive, assez peu respectueuse des droits de la défense, et manifester un manque de confiance à l’égard des juges.
Nous avions déjà exprimé notre désaccord avec l’introduction d’une telle disposition à l’occasion de l’examen d’un précédent texte. Je constate que l’on revient à la charge ; nous voterons contre cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 43.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 57 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, MM. Bizet, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mmes L. Darcos et Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco et Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Hugonet et Huré, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, de Montgolfier, Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart, Laufoaulu, Le Gleut et Paccaud.
L’amendement n° 72 rectifié bis est présenté par MM. Reichardt, Henno et Daubresse, Mme N. Goulet, M. Longeot, Mme Billon et MM. Kern, Dufaut, Moga et Houpert.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifié :
1° Après le mot : « présent, », la fin du second alinéa de l’article 132-29 est ainsi rédigée : « des conséquences qu’entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction qui serait commise dans les délais prévus aux articles 132-35 et 132-37. » ;
2° L’article 132-35 est ainsi modifié :
a) Les mots : « ayant ordonné la révocation totale du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 » sont remplacés par les mots : « sans sursis qui emporte révocation » ;
b) Les mots : « totale ou partielle » sont supprimés ;
3° L’article 132-36 est ainsi rédigé :
« Art. 132-36. – Toute nouvelle condamnation à une peine d’emprisonnement ou de réclusion révoque le sursis antérieurement accordé, quelle que soit la peine qu’il accompagne.
« Toute nouvelle condamnation d’une personne physique ou morale à une peine autre que l’emprisonnement ou la réclusion révoque le sursis antérieurement accordé qui accompagne une peine quelconque autre que l’emprisonnement ou la réclusion.
« La révocation du sursis est intégrale. » ;
4° L’article 132-37 est ainsi modifié :
a) Les mots : « ayant ordonné la » sont remplacés par les mots : « sans sursis emportant » ;
b) La seconde occurrence des mots : « du sursis » est supprimée ;
5° L’article 132-38 est ainsi rédigé :
« Art. 132-38. – En cas de révocation du sursis simple, la première peine est exécutée sans qu’elle puisse se confondre avec la seconde.
« Toutefois, la juridiction peut, par décision spéciale et motivée, dire que la condamnation qu’elle prononce n’entraîne pas la révocation du sursis antérieurement accordé ou n’entraîne qu’une révocation partielle, pour une durée qu’elle détermine, du sursis antérieurement accordé. Elle peut également limiter les effets de la dispense de révocation à l’un ou plusieurs des sursis antérieurement accordés. » ;
6° À l’article 132-39, les mots : « totale du sursis n’a pas été prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » sont remplacés par les mots : « du sursis n’a pas été encourue » ;
7° Le premier alinéa de l’article 132-42 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
b) À la deuxième phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;
c) À la dernière phrase, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « dix » ;
8° Au premier alinéa de l’article 132-47, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
9° L’article 132-48 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut, après avis du juge de l’application des peines, ordonner » sont remplacés par les mots : « ordonne, après avis du juge de l’application des peines » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la juridiction peut, par décision spéciale et motivée, faire obstacle à la révocation du sursis antérieurement accordé. » ;
10° Au début de l’article 132-49, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La révocation partielle du sursis ne peut être ordonnée qu’une fois. » ;
11° L’article 132-50 est ainsi rédigé :
« Art. 132-50. – Si la juridiction ordonne l’exécution de la totalité de l’emprisonnement et si le sursis avec mise à l’épreuve a été accordé après une première condamnation déjà prononcée sous le même bénéfice, la première peine est d’abord exécutée à moins que, par décision spéciale et motivée, la juridiction ne dispense le condamné de tout ou partie de son exécution. »
II. – Le chapitre Ier du titre IV du livre V du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 735 est abrogé ;
2° À l’article 735-1, la référence : « 735 » est remplacée par la référence : « 711 ».
La parole est à Mme Muriel Jourda, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié bis.
Mme Muriel Jourda. Cet amendement a lui aussi pour objet de reprendre une disposition, adoptée par le Sénat en janvier 2017, inscrite dans la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale.
Il s’agit d’ouvrir la possibilité, pour la juridiction de jugement, par une décision motivée, de faire obstacle à la révocation du sursis, de ne le révoquer que partiellement ou de limiter les effets de la dispense à un ou plusieurs sursis précédemment accordés.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 72 rectifié bis.
M. André Reichardt. Cet amendement vise à rétablir le principe de la révocation automatique et intégrale du sursis simple, en laissant toutefois aux juridictions la possibilité d’y faire obstacle par une décision spéciale et motivée. L’effet dissuasif de la peine tient bien plus à sa certitude qu’à sa sévérité.
En outre, cela a été dit, cet amendement a déjà été adopté par le Sénat, en janvier 2017 ; nul doute qu’aujourd’hui, dans sa sagesse, ce dernier va de nouveau l’adopter…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Les explications qui viennent d’être données sont claires. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Il me semble que revenir à la révocation automatique du sursis, qui existait avant 2014, n’est pas souhaitable : cela porterait une atteinte excessive au principe d’individualisation des peines. Les dispositions de la loi de 2014 prévoient que la révocation du sursis n’est prononcée qu’en cas de décision de la juridiction. Elles s’appliquent depuis maintenant près de quatre ans de manière satisfaisante. Il n’existe donc aucune raison, sinon, peut-être, idéologique, de revenir à un état du droit antérieur.
Il me semble en effet que cet état du droit était source de difficultés : la révocation du sursis était alors automatique, sauf dispense accordée par le tribunal. Ce dernier n’était cependant pas toujours en mesure de décider d’une telle dispense, par exemple lorsque le précédent sursis était trop récent et ne figurait donc ni au casier de l’intéressé ni au dossier du tribunal ; la révocation intervenait alors du fait d’une mauvaise information du tribunal.
Par ailleurs, même lorsque ces sursis figuraient au casier, le prévenu omettait souvent de demander de telles dispenses de révocation. Cela entraînait donc la mise à exécution automatique des précédents sursis, souvent de petites peines d’un ou deux mois, donnant parfois lieu à des incarcérations peu justifiées dans une optique de lutte contre la récidive.
Cela multipliait en outre, après le prononcé de la condamnation, les contentieux en matière d’exécution de la peine, ce qui aboutissait à encombrer les juridictions. En effet, les condamnés dont les sursis avaient été automatiquement révoqués pouvaient après coup saisir à nouveau le tribunal pour demander des dispenses de révocation.
La réforme de 2014 a supprimé ces inconvénients ; elle a en même temps renforcé la cohérence de notre droit. La révocation du sursis simple exige une décision spéciale de la juridiction qui prononce une nouvelle peine. Cette règle est actuellement la même que pour la révocation d’un sursis avec mise à l’épreuve, ce qui est cohérent.
En proposant de rétablir un mécanisme automatique de révocation supprimé en 2014, vous vous inscrivez à rebours de l’évolution générale du droit de la peine, qui, depuis une vingtaine d’années, notamment depuis l’entrée en vigueur, en mars 1994, du nouveau code pénal, tend à renforcer progressivement le principe de l’individualisation des peines et à supprimer, sauf dans certains cas bien précis, les peines automatiques.
Telle est la raison essentielle pour laquelle je m’oppose à ces amendements.