M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. En réalité, les deux propositions cherchent à atteindre le même but : permettre aux détenus d’exercer leur droit de vote dans de bonnes conditions. La principale différence entre l’amendement d’Alain Marc et celui du Gouvernement tient en ce point : notre collègue prévoit que le droit de vote s’exerce au bureau de vote habituel des détenus, tandis que la ministre propose une centralisation dans un bureau unique à l’échelle nationale. Voilà, pour simplifier à outrance, quelle est l’alternative…
La commission des lois, et ce n’est pas pour des questions de corporatisme, préfère l’amendement de M. Marc à celui du Gouvernement. La raison en est simple : si l’on peut comprendre la logique d’une centralisation pour des élections nationales, la situation se complique dans le cas d’élections locales, notamment municipales, pour lesquelles le dispositif de l’amendement n° 46 rectifié ter nous paraît plus souple. Je le répète, cela ne traduit pas un désaccord de fond, mais, sur le plan des modalités pratiques, nous entendons faire de ce droit de vote un droit effectif.
Nous avons donc émis un avis favorable sur l’amendement n° 46 rectifié ter et osons demander au Gouvernement de bien vouloir retirer son amendement n° 203 rectifié, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je maintiendrai l’amendement du Gouvernement.
Sans doute n’ai-je pas été assez claire et ai-je omis de préciser que les modalités proposées par mes soins sont des modalités ad hoc pour les élections européennes du mois de mai prochain. Le dispositif nous semble être le plus simple et le plus pertinent, à la fois, pour des raisons de sincérité du vote et des raisons pratiques. C’est pourquoi je me permets d’insister un peu sur le sujet.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Mon groupe soutient le principe de ce vote des détenus et, en définitive, peu importent les modalités ! Que l’on retienne celles de M. Marc ou celles de Mme la garde des sceaux, l’essentiel, c’est que ce droit devienne une réalité et que l’on puisse trouver une réponse à cette aspiration démocratique et entretenir le lien entre les détenus et la vie de démocratique du pays.
Mme la garde des sceaux nous explique proposer un dispositif ad hoc pour les élections européennes, mais, effectivement, d’autres scrutins viendront, notamment à l’échelon local, et l’amendement de M. Marc apporte une réponse pour ces scrutins.
Quoi qu’il en soit, peu importe le dispositif, il faut qu’il y en ait un ! Les chiffres avancés sont effectivement éloquents. Trop peu de détenus exercent le droit de vote, ce droit qui les relie à la cité et dont ils sont privés pour des raisons matérielles : complexité à trouver un mandataire ou à se déplacer, notamment en cas de privation de sortie.
Il faut répondre à ce problème – c’est l’essentiel ! Mes chers collègues, trouvons donc un point d’accord pour que ce droit existe et prenne corps.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Le droit fondamental de l’exercice du vote, garanti par la Constitution, est totalement occulté en milieu carcéral, alors que les personnes sous écrou jouissent de droits civiques.
Les démarches administratives sont bien trop complexes pour que les prisonniers entreprennent une procédure. Les seules solutions de rechange possibles sont le vote par procuration et les permissions de sortie, qui ne sont quasiment jamais accordées pour ce motif, et, de ce fait, pour les quelques-uns qui formulent une demande, les contraintes matérielles d’organisation entraînent des refus.
Le contexte de l’incarcération représente bien un frein à l’exercice du droit de vote de la population carcérale. Comme le rappelle le Conseil constitutionnel dans ses observations de 2017, seuls 2 % des personnes détenues ont pu voter aux dernières élections.
Pourtant, permettre de voter au sein des prisons, c’est introduire davantage de République dans l’univers carcéral et ouvrir la voie à la réinsertion. La Pologne et le Danemark ont su implanter des bureaux de vote dans leurs prisons, sans la moindre difficulté.
Ainsi souhaitons-nous saluer l’initiative présentée par le Gouvernement, même si le vote par correspondance ne permettra nullement de satisfaire la promesse formulée par Emmanuel Macron, qui s’était récemment engagé à ce que les détenus en France puissent exercer le droit de vote.
Il convient donc de faire appliquer de manière effective le droit électoral des détenus, en leur offrant la possibilité de se rendre dans un bureau de vote organisé à cet effet au sein des établissements pénitentiaires. Parce qu’un vote par correspondance ne remplacera jamais l’acte consistant à mettre un bulletin dans l’urne, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 50 bis, et l’amendement n° 203 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 202 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 50 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – L’article 714 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À titre exceptionnel, au regard de leur personnalité ou de leur comportement, les personnes visées au premier alinéa peuvent être incarcérées dans un établissement pour peines lorsque cette décision apparaît nécessaire à la prévention des évasions ou au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements pénitentiaires.
« Les prévenus peuvent également être affectés dans un établissement pour peines au sein d’un quartier spécifique dans les conditions définies à l’article 726-2 du présent code. »
II. – Le second alinéa de l’article 717 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les condamnés peuvent également être affectés en maison d’arrêt au sein d’un quartier spécifique dans les conditions définies à l’article 726-2 du présent code. »
III. – Au premier alinéa de l’article 726-2 du code de procédure pénale, les mots : « exécutant une peine privative de liberté » sont supprimés.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre VI
Dispositions pénitentiaires
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à faire évoluer un certain nombre de dispositions législatives, pour permettre l’affectation de prévenus ayant des profils d’une sensibilité particulière et d’une réelle dangerosité dans des établissements pour peine.
En l’état actuel, l’affectation de prévenus en établissements pour peine, c’est-à-dire dans des établissements accueillant des personnes déjà condamnées, est impossible, même pour d’impérieuses raisons de sécurité. Or, certains profils particuliers de prévenus nécessitent de prévoir des conditions de détention sécurisées. Le cas de M. Rédoine Faïd en est un parfait exemple : bien qu’il ne fût que prévenu, son profil justifiait que tout soit mis en œuvre pour éviter une nouvelle évasion, ce qui supposait, en particulier, une affectation dans un établissement présentant d’excellentes conditions de sécurité.
Le présent amendement vise précisément à permettre l’affectation de personnes prévenues en dehors des seules maisons d’arrêt où elles doivent en principe être affectées, compte tenu de leur dangerosité.
Ces dispositions ouvrent également la voie à la possibilité d’affecter des prévenus et des condamnés, indépendamment du niveau de leur peine, au sein de quartiers spécifiques en maison d’arrêt ou en établissements pour peine. Il s’agit d’appliquer à ces prévenus ou à ces condamnés des évaluations fines et des réponses adaptées à la gestion de leur détention.
Il me semble que, encadrée et circonscrite à des circonstances exceptionnelles, cette possibilité est conforme aux dispositions nationales et internationales relatives à la séparation des prévenus et des condamnés. En ce sens, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose d’adopter l’amendement n° 202 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission avait demandé au Gouvernement quelques rectifications sur son amendement. Ces rectifications ayant été faites, l’avis est favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 50 bis.
Chapitre IV
Favoriser la construction d’établissements pénitentiaires
Article 51
I. – Pour la réalisation des opérations d’extension ou de construction d’établissements pénitentiaires entrées en phase d’études opérationnelles avant le 31 décembre 2022, la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement concernant les projets définis à l’article L. 122-1 du code de l’environnement s’effectue dans les conditions définies à l’article L. 123-19 du même code.
La synthèse des observations et propositions déposées par le public est réalisée dans un délai d’un mois à compter de la clôture de la participation électronique du public par un ou plusieurs garants nommés par la Commission nationale du débat public dans les conditions fixées aux I et III de l’article L. 121-1-1 dudit code. Elle mentionne les réponses et, le cas échéant, les évolutions proposées par le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable pour tenir compte des observations et propositions du public.
Le maître d’ouvrage verse l’indemnité relative à la mission des garants de la Commission nationale du débat public, qui la transfère ensuite à ces derniers.
Le présent article n’est pas applicable à l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique mentionnée au second alinéa de l’article L. 110-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
II. – (Supprimé)
III. – Une opération d’extension ou de construction d’un établissement pénitentiaire entrée en phase d’études opérationnelles avant le 31 décembre 2022 peut être réalisée selon la procédure définie par les II à VI de l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme.
Par dérogation au même article L. 300-6-1, la participation du public relative aux procédures de mise en compatibilité et d’adaptation est assurée conformément au I du présent article.
IV. – Pour la réalisation des opérations d’extension ou de construction d’établissements pénitentiaires entrées en phase d’études opérationnelles avant le 31 décembre 2022, les collectivités territoriales, leurs établissements publics ou leurs groupements peuvent céder à l’État à titre gratuit ou à une valeur inférieure à leur valeur vénale des terrains de leur domaine privé destinés à l’extension ou à la construction d’établissements pénitentiaires.
V. – Le premier alinéa de l’article 100 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifié :
1° Aux première et seconde phrases, l’année : « 2019 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;
2° Le début de la deuxième phrase est ainsi rédigé : « Au dernier trimestre de l’année 2019, puis au troisième trimestre de l’année 2022, le Gouvernement … (le reste sans changement). »
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, sur l’article.
M. Robert Laufoaulu. À Wallis-et-Futuna, la question pénitentiaire soulève deux problèmes majeurs.
Premièrement, les cinq gardes territoriaux qui assurent la surveillance de la maison d’arrêt devraient relever de l’administration pénitentiaire, donc du ministère. Du fait de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, la loi Sauvadet, et des négociations menées avec l’État, ces cinq surveillants sont amenés à intégrer le personnel de l’administration pénitentiaire.
Pouvez-vous s’il vous plaît, madame la garde des sceaux, me confirmer le calendrier prévu pour leur intégration ?
Deuxièmement, la maison d’arrêt est actuellement située dans l’enceinte de la brigade de gendarmerie, donc administrée par la garde territoriale, sous la responsabilité des gendarmes. Cette situation, qui ne devait être que provisoire, perdure depuis plus de cinquante ans. Elle ne répond pas aux standards de détention actuels, puisqu’elle ne permet ni la séparation des femmes et des mineurs, ni celle des prévenus et des condamnés.
Un projet de construction d’un nouvel établissement avait été annoncé dans le courant de l’année 2016 par la Chancellerie. À ce jour, le dossier semble bloqué par vos services.
Or, madame la garde des sceaux, ce dossier revêt une importance particulière, d’autant que, pour les peines d’emprisonnement supérieures à deux ans, les condamnés sont transférés à la maison d’arrêt du Camp-Est en Nouvelle-Calédonie, à plus de 2 000 kilomètres, excluant ainsi toute possibilité de visite des familles. Je ne reviens pas non plus sur la situation calédonienne, que chacun connaît, avec toutes les interrogations que cela suscite.
Pouvez-vous donc, madame la garde des sceaux, me dire ce qu’il en est du projet de construction du nouvel établissement pénitentiaire à Wallis-et-Futuna ?
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, sur l’article.
M. Alain Marc. Mes chers collègues, nous entamons l’examen de l’article 51 de ce projet de loi, qui, dans sa version initiale, avant le passage en commission, prévoyait diverses mesures extrêmement dérogatoires pour accélérer les opérations d’extension et de construction des établissements pénitentiaires : expropriation d’extrême urgence, enquête publique dématérialisée, etc.
Madame la garde des sceaux, vous justifiez ces mesures par la nécessité de construire 7 000 places d’ici à 2022, mais, en novembre 2016, l’ancien garde des sceaux, M. Jean-Jacques Urvoas, avait déjà identifié des terrains et élaboré un plan de 15 000 places, principalement concentré sur les maisons d’arrêt et les quartiers de préparation à la sortie.
Je souhaiterais savoir ce qui a été réellement prévu pour la construction de ces 15 000 places. Pourquoi la liste des implantations retenues dans le cadre de ce plan n’a-t-elle toujours pas été communiquée aux parlementaires ? Beaucoup de temps a été perdu, qui ne peut être aujourd’hui compensé par des mesures extrêmement dérogatoires et préjudiciables pour les riverains de ces établissements.
Vous avez besoin de ces mesures pour accélérer les opérations de rénovation et d’extension des établissements pénitentiaires existants… Pourquoi ne pas avoir commencé par Fresnes ?
En juillet 2018, le tribunal administratif de Melun a ordonné des travaux pour l’établissement de Fresnes. Il a notamment exigé un système d’évacuation d’eau et la dératisation des lieux pour cet établissement vétuste, qui se trouve dans un état épouvantable. Quelle suite a été donnée par votre ministère à cette injonction ?
Peut-être, avant de promettre des places de prison, dont la programmation est aléatoire, faut-il commencer par appliquer les décisions de justice et rénover les établissements qui l’exigent ?
De plus, comme vous le savez très bien, les dotations accordées chaque année en loi de finances pour la maintenance des établissements pénitentiaires sont insuffisantes. Les crédits dédiés à la maintenance des établissements sont régulièrement annulés en exécution. Entre 2012 et 2016, plus de 157 millions d’euros de crédits liés à la maintenance des établissements pénitentiaires ont, en réalité, contribué à l’effort de redressement des comptes publics.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Alain Marc. Bien évidemment, nous vous en faisons crédit, madame la garde des sceaux – tout cela se passait sous un autre gouvernement. Mais il y a des conséquences ! Le sous-investissement massif et durable dans l’entretien du parc immobilier de l’administration pénitentiaire entraîne une dégradation précoce des établissements existants et augmente les coûts de rénovation futurs. En 2017, quelque 35,7 % des cellules du parc immobilier carcéral sont considérées comme vétustes…
M. le président. Je dois vous interrompre, mon cher collègue : votre temps de parole est écoulé.
M. Alain Marc. Je n’ai pas pu finir !
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, sur l’article.
M. Michel Raison. Dans certaines parties du territoire, la construction d’un établissement pénitentiaire peut poser des problèmes avec la population. Mais ce n’est pas le cas partout, notamment dans le département de la Haute-Saône, où le précédent gouvernement a brutalement décidé de fermer une maison d’arrêt à Lure, dans un secteur rural retiré. En contrepartie, il s’était engagé à construire une nouvelle maison d’arrêt plus vaste.
Le Président de la République François Hollande, lors d’un conseil interministériel aux ruralités décentralisé à Vesoul, avait formellement promis cette construction. Depuis plusieurs semaines, madame la garde des sceaux, votre ministère et vous-même tergiversez pour apporter des réponses. Celles-ci nous sont d’ailleurs parvenues plus par voie de presse que par la voie du ministère lui-même. Mais nous venons d’apprendre, ce matin, que la construction de cet établissement pénitentiaire n’avait plus lieu.
J’ai deux reproches à formuler à votre encontre, à l’encontre de votre gouvernement et du Président de la République.
Lorsqu’un Président de la République fait une promesse – une seule promesse – lors d’un conseil interministériel décentralisé dans un chef-lieu de canton d’un département rural, celle-ci doit être tenue. C’est d’autant plus nécessaire que ce conseil s’est tenu le 14 septembre 2015 et que M. Emmanuel Macron, aujourd’hui Président de la République, était alors ministre. Il est donc doublement engagé par cette promesse.
Ce soir, madame la garde des sceaux, je vous fais part de la très forte colère de l’ensemble des élus de ce département, tous bords confondus. Tout le monde était d’accord ! La communauté de communes a mis à disposition un terrain gratuitement ; le Gouvernement a financé une étude technique, dont les résultats sont positifs. Et nous apprenons, aujourd’hui, que l’établissement ne sera pas construit !
Mon second reproche porte sur la nullité de vos services en matière d’aménagement du territoire. C’est zéro ! C’est catastrophique !
Un ministre de l’aménagement du territoire n’a pas besoin de budget, madame la garde des sceaux. Il devrait surveiller et s’assurer de la bonne répartition, équilibrée, de tous les projets sur le territoire. À nouveau, ce n’est pas le cas. La technocratie l’a emporté sur la puissance politique de l’aménagement du territoire. La déception est très grande, pour le département de la Haute-Saône, mais aussi pour le pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je souhaite répondre aux trois interpellations, qui sont évidemment liées au projet de loi, même si elles portent sur des situations particulières.
J’interviendrai tout d’abord brièvement sur les deux points évoqués par M. le sénateur de Wallis-et-Futuna.
S’agissant de l’intégration dans la fonction publique via le dispositif Sauvadet, au regard des informations qui nous ont été transmises par le préfet de Wallis-et-Futuna, je puis confirmer que cinq agents sur six répondent, aujourd’hui, aux conditions légales pour passer le concours Sauvadet.
Des courriers d’information leur ont été adressés en septembre dernier, par le biais des services préfectoraux, afin qu’ils puissent réfléchir à l’intérêt, pour eux, de passer ces concours et de bénéficier du dispositif et qu’ils puissent se positionner. Tous ont confirmé leur choix d’intégrer le corps d’encadrement et d’application, c’est-à-dire le corps des surveillants.
Un arrêté du 8 octobre dernier a autorisé l’ouverture d’un examen professionnalisé pour ce recrutement. La date limite du retrait des dossiers de candidature est fixée au 8 novembre prochain. L’épreuve orale d’admission débutera le 15 janvier prochain. Pour ce concours, cinq postes seront ouverts. J’espère, monsieur Laufoaulu, vous avoir apporté sur ce sujet la réponse que vous attendiez.
Vous m’interrogez également sur la construction d’un établissement pénitentiaire à Wallis-et-Futuna. Deux emplacements ont été identifiés : l’un sur le site de Vailepo et l’autre sur le mont Lulu. Lors d’une mission ayant eu lieu sur place, le préfet de Wallis-et-Futuna et le roi de Wallis ont fait part de leur accord sur la construction d’un établissement sur le premier site, ce dernier étant situé à dix minutes de la gendarmerie et du dispensaire. La préfecture a confirmé, dans le courant du mois de septembre dernier, l’accord des autorités coutumières pour mettre le terrain à notre disposition.
Il est prévu de construire un établissement de plain-pied de dix places, qui comprendra une cellule pour femme, une cellule pour mineur et huit cellules pour homme. Une dotation légèrement supérieure à 6 millions d’euros est inscrite dans le budget quinquennal à ce titre et la direction de l’aviation civile de Nouvelle-Calédonie a accepté d’assurer la maîtrise d’ouvrage déléguée de l’opération, dont la livraison est prévue en 2021.
Telles sont les réponses que je pouvais apporter sur ces deux points.
Monsieur Marc, en ce qui concerne le programme pénitentiaire que vous avez évoqué, je vous confirme que nous entreprenons la livraison, non pas de 7 000 places, mais bien de 15 000. Vous le savez, il faut du temps pour livrer des constructions pénitentiaires ; je m’engage donc à ce que ces 7 000 places de prison de plus que les 60 000 places que j’ai trouvées en arrivant au ministère soient livrées en 2022, et que 8 000 places soient commencées d’ici là.
Nous sommes aujourd’hui en train d’affiner le dispositif, et l’on a trouvé l’ensemble des terrains pour les prisons qui seront livrées après 2022, mais commencées avant cette date. Je m’y engage ! Un budget de 1,7 milliard d’euros est consacré à la construction de ces établissements pénitentiaires. Nous avons donc les projets et les financements. Je publierai demain la carte de ces implantations pénitentiaires et me rendrai dans l’une des nouvelles prisons supplémentaires pour l’inaugurer.
Vous craignez, dites-vous, que les crédits nécessaires à la rénovation des établissements pénitentiaires fassent défaut. Certes, ce point est délicat, je ne vous le cache pas. Nous avons des crédits, mais nos établissements pénitentiaires sont, pour un grand nombre d’entre eux, très anciens : il faut évidemment beaucoup d’argent pour rénover ces établissements pénitentiaires.
Or, au moment où je suis arrivée aux responsabilités, 80 millions d’euros par an étaient consacrés à la rénovation des établissements pénitentiaires. Le budget pour 2019 prévoit 100 millions d’euros, et, à la fin du quinquennat, 110 millions d’euros par an seront consacrés à ces rénovations. C’est donc un engagement très fort que je prends, lequel suppose une programmation dans la rénovation des établissements pénitentiaires.
En résumé, nous sommes bien engagés sur un programme immobilier qui comprend des constructions nouvelles, des rénovations et de la mise en sécurité sur tous les établissements.
Enfin, monsieur Raison, je comprends parfaitement votre déception concernant la construction d’un établissement pénitentiaire à Lure. Des promesses ont effectivement été faites, j’en ai bien conscience, et j’estime comme vous que la parole de l’État doit avoir du prix. Toutefois, je vous ferai observer que mon anté-prédécesseur, M. Jean-Jacques Urvoas, n’avait pas souhaité donner suite à la construction de cet établissement qui avait été envisagé sur votre territoire.
J’ai moi- même pris la décision difficile de renoncer à la construction d’un établissement pénitentiaire sur votre site. Pour quelle raison ? Si j’ai pris cette décision, c’est parce que – nous venons d’en discuter – nous avons mis en place une nouvelle politique des peines qui, nous le savons, aura des conséquences sur le nombre de détentions, notamment de courtes détentions : nous pensons que ce seront 8 000 détentions en moins par an.
Lorsque nous établissons les projections de population pénale, monsieur le sénateur, il est des territoires sur lesquels nous avons réellement besoin d’établissements pénitentiaires – c’est le cas en région parisienne, dans le Grand Ouest, le Sud-Ouest ou autres –, et nous en construisons.
Au contraire, il est des lieux où la projection de la population pénale ne laisse pas apparaître un besoin d’établissements pénitentiaires. (M. Michel Raison s’exclame.) Il est très difficile pour moi d’envisager de construire un établissement là où nous estimons que le besoin n’est pas impérieux : c’est ce qui m’a incitée à prendre la décision, extrêmement difficile, j’en conviens avec vous, de renoncer à la construction de cet établissement.
M. Michel Raison. Vos arguments ne m’ont pas convaincu !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce débat sur la politique pénitentiaire est indispensable ; nous l’avons déjà eu en partie lors de la discussion générale. Il ne peut se résumer à un chiffre, mais cette donnée est importante.
Je vous ai déjà lu, au début de notre discussion, le programme du candidat Emmanuel Macron, mais je vais recommencer : celui-ci s’est engagé à « la construction de 15 000 places de prison sur le quinquennat » – c’est l’expression exacte utilisée dans le programme.
M. André Reichardt. 7 000 plus 8 000 ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je ne dis pas que le Président de la République n’a pas le droit de changer d’avis, et je sais que les programmes électoraux ont quelque chose de relatif. J’ai vu par le passé d’autres présidents, confrontés à la réalité des difficultés du pays, devoir renoncer à certaines de leurs propositions.