Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Je vous entends bien, madame la secrétaire d’État. Permettez-moi toutefois de citer l’exemple de l’interdiction du diméthoate durant le précédent quinquennat et qui a posé, pendant quelques années, un problème de concurrence de notre agriculture avec celle d’autres pays. Le souhait du gouvernement auquel vous appartenez d’interdire le glyphosate posera le même problème. Il est donc important que l’interdiction de matières dangereuses soit traitée au niveau européen avant de l’être au niveau national.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Ma question est peut-être un peu plus technique : elle porte sur l’application des dispositions relatives au transport routier international.
Madame la secrétaire d’État, beaucoup de transporteurs locaux ont orienté une partie de leur activité vers l’utilisation de solutions multimodales rail-route-eau pour desservir les ports du Sud et ceux de la mer du Nord. Cette solution optimise les plans de chargement des industriels et les volumes transportés par voyage, représentant une augmentation de 15 %. Elle permet aussi de réduire proportionnellement le nombre de mouvements de camions, en s’inscrivant dans une démarche de développement durable.
La directive 96/53/CE du Conseil du 25 juillet 1996, transposée en 1997 dans le code de la route, détermine des normes en matière de poids et de dimension des véhicules. Elle autorise le transport international de marchandises par des ensembles de poids maximal de 44 tonnes uniquement dans des cas de transport intermodal.
Force est de constater que beaucoup de transporteurs étrangers, défiant ces règles de transport modal, profitent d’une lacune de transposition de la directive européenne pour transporter sur nos routes des conteneurs surchargés. En contournant la loi, ils créent de fait une concurrence déloyale, susceptible de mettre en péril le modèle économique multimodal.
Si l’exercice du contrôle sur le volet spécifique du passage de frontière par des ensembles routiers transportant des conteneurs en surcharge est possible, il n’existe pas de transposition des sanctions prévues par le droit européen dans le droit français. De fait, même si l’infraction est constatée, en l’absence de texte répressif en la matière, les autorités françaises ne peuvent verbaliser.
Au regard du caractère que l’on pourrait qualifier de « partiel » de la transposition de la directive, que comptez-vous faire pour lutter contre cette concurrence déloyale et illégale,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Franck Menonville. … qui crée de lourds préjudices financiers ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, la réglementation européenne est claire : le trafic international est limité à 40 tonnes, alors que la réglementation française fixe, pour le trafic national, une limite plus élevée, à 44 tonnes.
Nous souhaitons plus de transparence sur les modalités d’application et de contrôle de ces règles pour les transporteurs, notamment internationaux.
Vous avez évoqué des situations où la concurrence est mise en cause, parce que des transporteurs internationaux ne respectent pas les règles. À cet effet, la ministre chargée des transports va engager une consultation, à l’issue de laquelle elle prendra des arrêtés pour établir un cadre clair de contrôle et de sanction. Il s’agit là d’une démarche réglementaire.
En tout état de cause, cette difficulté a bien été prise en compte par le ministère des transports.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Il n’est pas nécessaire de rappeler que la surtransposition des directives européennes en droit français est source de bien des difficultés pour nos entreprises. D’ailleurs, nous sommes tous ici régulièrement interpellés à ce sujet dans nos départements.
Les entrepreneurs, les chefs d’entreprise, mais aussi les agriculteurs et les industriels, tous souffrent de la distorsion de concurrence avec nos voisins européens que ce phénomène implique. En tant que frontalier, j’en parle en connaissance de cause.
Sur des sujets cruciaux, comme l’environnement, pour ne citer que cet exemple, la France impose à ses entreprises des objectifs et des normes plus contraignants que ceux auxquels sont soumises les autres entreprises européennes. Cette distorsion est bien évidemment préjudiciable à l’attractivité économique de notre pays.
Cela est particulièrement prégnant dans le contexte du Brexit. En effet, de nombreuses entreprises de toute nature, actuellement implantées au Royaume-Uni, vont être amenées à localiser ou relocaliser leur activité sur le continent. L’implantation d’acteurs économiques depuis le Royaume-Uni devrait constituer une opportunité de développement plus que bienvenue pour certains de nos territoires. Encore faut-il que ces entreprises fassent le choix de la France ! Pour cela, notre réglementation ne doit pas être plus contraignante que celle de nos voisins, à plus forte raison quand elle est issue de textes communautaires.
Dans le projet de loi visant à supprimer certaines surtranspositions, qui est actuellement examiné par le Sénat, une mesure en particulier est tournée vers l’attractivité de la place financière de Paris, avec l’objectif d’attirer vers notre capitale les firmes de la City. C’est une ambition légitime, mais la finance ne doit pas nous faire oublier les autres domaines d’activité économique dans lesquels nous devons renforcer notre attractivité.
Pouvez-vous ainsi nous assurer, madame la secrétaire d’État, que nos entreprises pourront jouer à armes égales avec leurs concurrentes européennes, dans l’optique également de l’effort entrepris en vue d’attirer les entreprises et les services britanniques désireux de rejoindre le continent après le Brexit ?
Mme Annick Billon. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a engagé un plan ambitieux en faveur de l’attractivité de la place financière française, car nous avons la conviction que le secteur financier – et pas seulement celui-là, puisque, vous le savez, une mission a été confiée à Ross McInnes sur la dimension industrielle – est un atout pour nos entreprises et pour l’emploi.
Le Brexit et les relocalisations d’entités financières qu’il va engendrer constituent une opportunité de ce point de vue. Sachez que nous sommes pleinement engagés dans ce dossier. Je recevais moi-même, la semaine dernière, l’une des dirigeantes de Morgan Stanley, qui est en train de procéder à des choix définitifs pour l’implantation de ses activités. Mon interlocutrice m’a fait part des éléments qui pouvaient être pris en compte dans sa décision ; j’y reviendrai.
Dans le cadre des mesures annoncées par le Premier ministre en juillet 2017 puis en juillet 2018, la simplification réglementaire et la dé-surtransposition du droit financier ont eu toute leur place, aux côtés de mesures visant à améliorer la structure de coûts des entreprises financières. Je veux en citer trois exemples : la suppression de l’obligation faite aux chambres de compensation d’obtenir un agrément d’établissement de crédit, la limitation des surtranspositions applicables aux sociétés cotées et l’élargissement de l’accès au système de paiement et de règlement-livraison.
Il est clair aujourd’hui que l’un des sujets qui demeurent est celui de l’écart de compétitivité-coût, notamment en matière de coût du travail. Nous disposons d’éléments très factualisés qui mettent en évidence, par exemple par rapport à l’Allemagne, qui n’est pas exactement un pays moins-disant socialement, des écarts de l’ordre de 30 % sur un certain niveau de salaires. En réalité, ces écarts concernent des cadres travaillant dans les entreprises internationales ou financières. Nous devons pleinement nous emparer de ce sujet. Je pense que nous pourrons avancer.
De façon générale, je puis vous assurer de notre engagement à faire tout ce qui est possible pour réduire ces écarts de compétitivité, mais sans dévier de notre trajectoire des finances publiques, qui – je pense que vous partagez cette idée – doit aller dans le sens de la réduction de la dépense publique, de manière équilibrée, et de la dette publique. Nous devons concilier ces deux éléments.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Le débat qui nous occupe aujourd’hui interroge tout à la fois les relations entre le législateur national et le législateur européen, ainsi que la stratégie d’influence de la France au niveau de l’Union européenne.
Premièrement, je ne crois pas que la surtransposition soit un mal par principe : le législateur français peut décider souverainement de dépasser le socle commun défini au niveau européen. Nous ne devons pas avoir comme seule boussole l’alignement systématique sur la norme européenne. Nous devons veiller, comme le propose notre collègue Danesi, à évaluer les surtranspositions préjudiciables à nos entreprises. Une fois ce travail fait, nous devons encore arbitrer entre le préjudice subi et l’intérêt général poursuivi par le législateur.
Deuxièmement, ces surtranspositions marquent souvent l’échec de l’influence française au sein du processus décisionnel européen. Nous sommes trop peu présents dans les consultations et les négociations qui précèdent l’adoption des actes européens ou encore au sein des comités techniques européens. Notre modèle d’influence, fondé sur la bicéphalie entre la représentation permanente et le secrétariat général des affaires européennes, est souvent critiqué pour sa lourdeur.
De même, le monde économique n’est pas suffisamment intégré aux négociations en amont du processus de transposition.
Ma question, madame la secrétaire d’État, porte sur la stratégie d’influence de la France au sein des institutions. Comment la renforcer pour faire adopter nos standards ? Comment mieux associer les entreprises aux négociations en amont et en aval de la prise de décision ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la stratégie d’influence de la France dans les négociations au niveau européen. Il est vrai que la France a longtemps été critiquée pour le décalage entre sa politique européenne ambitieuse dans les propos et sa politique d’influence, parfois moins efficace que celle d’autres États qui savaient diablement bien tirer leur épingle du jeu dans les négociations multilatérales.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Les Anglais en particulier…
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je suis assez d’accord avec vous, monsieur le président !
C’était un point faible objectif. Nous nous employons à progresser sur ce plan. Nous avons noué des contacts au niveau diplomatique avec les parlementaires européens, avec les représentations des États, avec les parties prenantes du débat européen. Nous travaillons le plus en amont possible pour faire valoir des objectifs et les concilier avec les manières de voir d’autres pays, parce qu’il s’agit bien de négociations et de prise en compte de tous les points de vue. Il faut aussi accepter de se décentrer quelque peu. C’est la démarche que nous adoptons, par exemple, sur la fiscalité du numérique, pour laquelle nous prenons le temps d’essayer de construire une position commune. Vous savez comme moi combien c’est difficile.
En ce qui concerne les entreprises, il nous paraît essentiel de les consulter, mais de le faire avec les plus fortes garanties de transparence et d’objectivité, car nous savons que le projet européen souffre aussi de soupçons de capture d’intérêts économiques par nos concitoyens. Je pense que vous y êtes sensible, puisque vous avez affirmé que la surtransposition n’était pas nécessairement négative.
Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite pouvoir entendre le point de vue de tous les acteurs – entreprises, ONG, experts issus du monde académique et société civile – et faire progresser, par des contacts plus « latéraux », moins « verticaux », ses positions au niveau européen.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand.
Mme Anne-Marie Bertrand. Nous connaissons l’instance chargée d’interpeller les pouvoirs publics sur les lois néfastes pour les collectivités territoriales, à savoir le Conseil national d’évaluation des normes.
J’entends également parler de la création d’une instance chargée d’interpeller ces mêmes pouvoirs publics sur les lois qui, cette fois, auraient un impact négatif sur les entreprises.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Madame la secrétaire d’État, les surtranspositions sont, à mon sens, le résultat d’un État qui peine à faire appliquer ses lois et qui ne cesse d’en créer de nouvelles, en espérant que l’une d’elles soit enfin entendue.
De cette boulimie législative résultent des failles dans les relations entre les équipes chargées des négociations européennes et celles qui ont la charge de la transposition, mais aussi des lacunes dans les études d’impact. Bref, la machine s’est emballée, et plus personne ne s’y retrouve.
Ne pensez-vous pas que la solution réside dans la capacité des gouvernements à faire appliquer les lois existantes, notamment en donnant aux douanes les moyens de faire leur travail ?
Pour gagner en lisibilité, ne pensez-vous pas que la solution réside peut-être dans des lois moins nombreuses, mais appliquées ?
Lorsque l’on sait que, faute de décrets d’application, un tiers des lois n’est pas mis en œuvre, ne pensez-vous pas que, pour faire cesser cet emballement législatif et ces surtranspositions nuisibles, la parution des décrets d’application doit être plus rapide ?
Quant aux lois « d’affichage » inapplicables, qui ne font que nourrir les revues juridiques, les sénateurs et, je l’espère, les députés sont assez responsables pour y mettre fin.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice, je veux commencer par une citation familière aux étudiants en droit public, que vous connaissez certainement : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite. » Je crois percevoir dans vos propos l’idée que les surtranspositions et l’affluence de normes ne sont pas de nature à améliorer la réalité de notre action publique.
Je partage votre souhait de simplifier nos règles pour faire progresser le niveau de protection de nos concitoyens, pour les rendre lisibles et donc applicables. À ce titre, plusieurs principes me paraissent devoir être observés : le respect du partage entre la loi et le règlement, parce que la loi se saisit parfois de sujets qui ne lui reviennent pas ; la réduction de notre flux réglementaire, avec la suppression de deux normes pour toute nouvelle norme créée ; enfin, la chasse aux législations de circonstance, que vous avez mentionnée en creux.
Le Gouvernement s’inscrit dans le respect de ces principes. Le Premier ministre a en effet imposé la règle suivant laquelle la création d’une norme nouvelle devait s’accompagner de la suppression de deux normes existantes. Tous nos projets de loi sectoriels doivent comporter un volet de simplification. Nous savons collectivement que c’est difficile, puisque nous avons tous envie d’influencer la trajectoire de la décision publique – c’est peut-être un péché mignon que nous partageons…
Sachez néanmoins que le Gouvernement s’impose ces règles et que nous serons très attachés à leur respect.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand, pour la réplique.
Mme Anne-Marie Bertrand. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’ai bien conscience que ce travail est ingrat, mais il est essentiel pour regagner en lisibilité et, ainsi, redonner confiance à notre économie.
La surtransposition, qu’elle soit réglementaire ou législative, pénalise nos entreprises. (Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit.)
M. Benoît Huré. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. En mars dernier, notre chambre haute débattait, sur l’initiative du groupe socialiste et républicain, auquel j’appartiens, de deux textes de loi visant à améliorer nos procédures législatives en matière de qualité des études d’impact et d’évaluation des politiques publiques menées.
Nous avons adopté à l’unanimité le texte visant à confier à des cabinets indépendants les études d’impact des textes discutés. La Questure du Sénat vient d’ailleurs de lancer un appel d’offres à ce sujet.
Les mêmes questions se posent dans les mêmes termes au niveau européen à propos du processus d’élaboration des directives et de leur transposition dans le droit national. L’évaluation indépendante de l’efficacité des politiques européennes permettrait utilement d’alimenter le débat public sur le fond, au niveau tant des États que de l’Union européenne.
Dans son avis sur le projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français, le Conseil d’État « regrette que l’étude d’impact, […], n’indique pas, […], les motifs […] pour lesquels les dispositions […] avaient été en leur temps introduites en droit interne et le contexte dans lequel ces choix de transposition ont été faits ». Il ajoute qu’« il serait utile également d’avoir dans la mesure du possible des éléments précis sur l’impact attendu des suppressions dont il est question ». En effet, il serait précieux que nous puissions connaître l’incidence attendue de ces suppressions en matière économique, sociale, environnementale, voire culturelle. Ces remarques pourraient tout autant s’appliquer au processus de transposition des directives dans le droit national.
Madame la secrétaire d’État, pour la clarté du débat parlementaire, une plus grande efficacité des transpositions et la limitation au strict nécessaire, dûment justifié, des surtranspositions, envisagez-vous la mise en œuvre d’études d’impact des directives transposées et, si oui, suivant quelles modalités et quel calendrier de mise en œuvre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous le savez comme moi, les études d’impact des projets de loi et des actes réglementaires prévoient systématiquement une analyse du texte au regard du droit européen.
Les orientations du Premier ministre en matière de lutte contre les surtranspositions sont claires. Elles permettent d’éviter l’adoption d’un texte qui s’avérerait aller au-delà du droit européen, sauf à ce qu’un puissant motif d’intérêt général le justifie. La démarche que nous avons engagée voilà seize mois, consistant à insérer des mesures de simplification et de dé-surtransposition dans des textes de loi – j’en ai cité un certain nombre, à commencer par celles du projet de loi PACTE, que le Sénat examinera prochainement –, va dans ce sens.
Oui, nous pouvons certainement améliorer l’évaluation de l’impact des textes, en y intégrant les aspects économiques, sociaux, environnementaux et culturels ! Au reste, il me semble que nous le faisons déjà, même si c’est un peu moins vrai pour les aspects culturels, car tous les textes ne s’y prêtent pas.
En tout état de cause, dans la dynamique qui a été lancée et qui ne se limite pas au débat sur le projet de loi de dé-surtransposition que le Sénat a commencé à examiner hier avec la ministre Nathalie Loiseau, nous aurons l’occasion de revenir sur la question de la mesure, dans les études d’impact, de l’effet des surtranspositions.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. En Europe, les populismes montent. La démocratie n’est plus considérée par beaucoup d’Européens comme « le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres », comme le disait Winston Churchill.
La vie au quotidien des citoyens européens et des entreprises est davantage régie par le droit de source européenne que par les droits nationaux.
Comme un moyen parmi d’autres, la publication d’études d’impact véritablement indépendantes relatives aux transpositions et à l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques européennes permettrait de donner plus de sens politique et démocratique à la construction européenne.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Comme cela a été dit, la surtransposition des directives européennes en droit français nuit à la compétitivité de nos entreprises par rapport à leurs partenaires européens. C’est un fait difficilement contestable ; la présentation du projet de loi visant à atténuer le phénomène a d’ailleurs été l’occasion de le rappeler.
Nous approuvons cette démarche, et nous rejoignons le Gouvernement dans sa volonté de revenir sur les surtranspositions existantes. Nous regrettons cependant, madame la secrétaire d’État, que le Parlement ne soit pas davantage associé au processus de lutte contre les excès de transposition des directives européennes. Le Sénat a pourtant été à l’origine de nombreux rapports mettant en évidence des surtranspositions dans des domaines qui affectent directement nos entreprises et nos services (M. le président de la commission des affaires européennes le confirme.) et proposant des réponses à ces enjeux – M. Danesi les a évoqués.
Une association plus étroite du Parlement pourrait aussi et surtout être bénéfique à une stratégie de simplification du droit issu des textes européens de plus long terme et de plus grande ampleur. Aujourd’hui, les parlementaires saisis des projets de loi portant transposition de directives européennes disposent en général de peu de temps pour les examiner en détail, d’autant qu’il s’agit souvent de mesures particulièrement techniques. Repérer et surtout évaluer les différentes surtranspositions peut donc être, dans ce contexte, une tâche ardue.
Si, en revanche, les Parlements nationaux étaient associés en amont de la négociation des directives elles-mêmes, le travail sur la transposition de ces textes pourrait s’effectuer de manière à la fois plus approfondie et plus apaisée.
Ainsi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que le Parlement aura toute sa place dans le processus de lutte contre les surtranspositions présentes et, surtout, de prévention des surtranspositions futures ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, je souscris à votre constat : ce n’est que par une plus forte appropriation par tous et, en premier lieu, par le législateur des enjeux liés à la réglementation européenne que nous progresserons dans notre effort d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens et de nos entreprises.
C’est pour cette raison que le Gouvernement est à l’écoute des préoccupations des parlementaires et qu’il leur transmet des éléments d’information sur les négociations en cours. Comme vous le savez, ces négociations peuvent s’étirer et ne sont pas toujours faciles à résumer, mais l’objectif des débats avec les parlementaires, qui sont d’ailleurs fréquemment organisés par votre commission des affaires européennes, est d’anticiper le plus en amont possible, grâce à votre concours et à votre expertise, des éléments pouvant éventuellement être ensuite réinjectés dans la négociation menée au niveau européen par le Gouvernement. Au reste, cette démarche se fait aussi en lien avec d’autres parties prenantes au niveau européen, puisque les problèmes soulevés par les parlementaires peuvent faire écho aux préoccupations qui ressortent des contacts que nous pouvons avoir mis en place avec d’autres États, voire d’autres parlements, pour nourrir la stratégie d’influence commune.
Je ne peux donc que vous assurer de notre volonté d’approfondir cette démarche, a fortiori dès lors qu’elle est de nature à favoriser une meilleure compétitivité de la France, une meilleure lisibilité de notre droit et une capacité à augmenter collectivement le niveau de protection de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État.
La surtransposition du droit européen n’est pas le diable. Elle nous a permis de faire des progrès dans de nombreux domaines, comme en matière d’environnement.
La question qui se pose est celle de l’équivalence, et c’est un frontalier de la Belgique et des Pays-Bas qui vous parle. Je pense que les parlementaires peuvent participer à l’évaluation de ce principe d’équivalence.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Pour conforter la position de la France en tant que leader mondial du tourisme et atteindre l’objectif de 100 millions de touristes internationaux en 2020, le Gouvernement a fait un certain nombre d’annonces pour développer le secteur touristique. En tant qu’élue d’un territoire de montagne, les Hautes-Alpes, je ne peux que m’en réjouir, puisque, avec 53,8 millions de journées-skieurs, les massifs français sont la deuxième destination mondiale pour le ski, derrière l’Autriche.
Les stations représentent 120 000 emplois induits et toute une économie construite autour des remontées mécaniques. C’est pourquoi je veux appeler votre attention sur les seuils applicables aux aménagements des domaines skiables aux termes de l’article R. 122-2 du code l’environnement.
Contrairement à nos voisins des pays de l’arc alpin, ces seuils ont été fixés à un niveau très bas, entraînant un examen systématique au cas par cas, avec, souvent, l’obligation d’une étude d’impact pour des aménagements dont la taille et les effets supposés sur l’environnement ne la justifient pas. Pis, lorsqu’il s’agit du remplacement d’un appareil de remontée mécanique, une étude est aussi nécessaire, alors que l’on se trouve exactement dans le même périmètre.
Madame la secrétaire d’État, vous n’êtes pas sans savoir que l’excès de contraintes induit un retard des projets, des coûts supplémentaires, voire aboutit à un renoncement, alors que le secteur est très concurrentiel. En montagne, la réalisation d’une étude d’impact nécessite un délai minimal de douze mois pour l’observation de la faune et de la flore et entraîne une enquête publique, donc des délais supplémentaires.
Afin de mettre fin aux surtranspositions françaises qui pénalisent l’économie montagnarde, je vous serais très reconnaissante de bien vouloir m’indiquer si, comme le prévoit la directive européenne 2014/52/UE relative à l’évaluation environnementale, le gouvernement français est prêt à s’aligner sur le droit européen.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.