compte rendu intégral
Présidence de M. Vincent Delahaye
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
Mme Françoise Gatel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2019
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019 (projet n° 106, rapport n° 111 [tomes I à III], avis n° 108).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons, au sein du titre Ier de la quatrième partie, l’examen d’amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 33.
QUATRIÈME PARTIE (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2019
TITRE IER (suite)
TRANSFORMER LE SYSTÈME DE SOINS
Articles additionnels après l’article 33 (suite)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 39 rectifié bis est présenté par Mmes Micouleau, Deseyne, Bonfanti-Dossat, Bories et Bruguière, MM. Chatillon et Cuypers, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi, D. Laurent, Lefèvre, Mandelli et Mayet, Mme Morhet-Richaud et MM. Morisset, Mouiller, Segouin et Sol.
L’amendement n° 238 rectifié bis est présenté par Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Buffet, Mmes Malet et Lamure, M. Laménie, Mme Lavarde, MM. Sido et Revet, Mme Raimond-Pavero, MM. Bonhomme, Brisson, Chaize et de Nicolaÿ, Mme Delmont-Koropoulis, M. Paccaud, Mme Noël et MM. Ginesta, Genest et Magras.
L’amendement n° 286 rectifié est présenté par Mmes Guidez, Dindar et C. Fournier et MM. Henno et Mizzon.
L’amendement n° 401 rectifié est présenté par MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Fichet, Mmes Blondin et Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 4381-1 du code de la santé publique est supprimée.
La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l’amendement n° 39 rectifié bis.
Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement a pour objet de permettre aux étudiants en orthoptie d’effectuer, durant leur cursus universitaire, des stages pratiques en cabinet d’orthoptie de ville, afin qu’ils puissent connaître la particularité du travail en exercice libéral.
En effet, seuls les orthoptistes salariés peuvent aujourd’hui recevoir des stagiaires, réduisant de fait la visibilité et l’attractivité de l’exercice libéral auprès des jeunes générations, qui n’ont pas l’occasion de s’y familiariser.
Il est donc proposé de lever l’interdiction faite aux libéraux d’accroître leur activité rémunérée, grâce à la présence d’un stagiaire, qui, par nature, permet à son formateur de gagner du temps sur ses tâches.
Il importe de préserver le pilier libéral de la profession, qui garantit aux Français un accès à des soins visuels de qualité sur le territoire, en ouvrant cette possibilité.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour présenter l’amendement n° 238 rectifié bis.
Mme Martine Berthet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 286 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 401 rectifié.
M. Yves Daudigny. Mes arguments sont les mêmes. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. La commission a émis un avis favorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. S’il est tout à fait légitime d’élargir et de diversifier les offres de lieux de stage pour tous les professionnels, la nature de la relation entre un stagiaire et le professionnel serait tout à fait dénaturée par une telle possibilité de facturer. De plus, le stagiaire est sous la pleine et entière responsabilité de celui qui l’accueille. Il n’y a absolument pas lieu de l’autoriser à procéder seul à une facturation.
Je suis très défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié bis, 238 rectifié bis et 401 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 33.
L’amendement n° 575 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Jasmin, Lepage, M. Filleul, Monier, Grelet-Certenais et Conway-Mouret, MM. Cabanel, Tourenne, Jacquin, Assouline, Iacovelli et Roger, Mmes Guillemot et Espagnac, M. Mazuir, Mme Tocqueville, MM. M. Bourquin et Lalande, Mme Ghali, M. Duran, Mme Artigalas, MM. Féraud, Durain et Manable, Mme Féret, M. Jomier et Mmes S. Robert et Blondin, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2020, un rapport évaluant le coût des frais médicaux et para-médicaux restant à la charge des victimes de violences sexistes et sexuelles. Ce rapport s’attache à étudier les pistes de politiques publiques visant à garantir une prise en charge intégrale des frais générés par ces violences par la sécurité sociale.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Permettez-moi d’indiquer tout d’abord, à titre liminaire, que je n’ai pas d’inclination particulière pour les études et les rapports. Cela étant, il ne vous aura pas échappé, madame la ministre, que, lorsqu’un parlementaire souhaite faire une proposition en matière de santé publique ou de couverture des soins, il n’a pas d’autre choix que d’utiliser le biais de l’amendement visant à demander la remise d’un rapport. J’utilise donc dans cet amendement, ainsi que dans le suivant, la « méthode rapport » !
L’amendement n° 575 rectifié bis porte sur la prise en charge des soins des personnes ayant été victimes de violences sexuelles. Aujourd’hui, les victimes mineures bénéficient à vie d’une couverture à 100 %, dès lors qu’elles ont été identifiées comme victimes durant leur minorité.
On sait chaque jour davantage combien les violences sexuelles, qu’elles aient été commises dans l’enfance ou plus tard, impactent la santé des victimes et sont à l’origine de nombreuses pathologies – souffrances, dépressions, troubles psychiques ou physiques – nécessitant des soins très importants.
Lors de l’examen, en juillet dernier, du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations avait admis ce constat et indiqué, pour repousser un amendement du même type que celui que je dépose aujourd’hui, que ce sujet serait traité à terme.
Le présent amendement, madame la ministre, vise donc à permettre une réflexion sur ce sujet et à prévoir la réalisation d’une étude d’impact, d’une véritable évaluation de la prise en charge des soins des victimes de viols et violences sexuelles, y compris de celles qui en ont été victimes après leur minorité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. La loi du 3 août 2018, que vient d’évoquer Mme Rossignol, prévoit déjà la remise, chaque année, d’un rapport sur la politique de lutte contre les violences sexuelles. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes comporte une commission « Violences de genre », qui attire l’attention des pouvoirs publics sur des problématiques telles que la prise en charge des soins des victimes. L’extension de la prise en charge à 100 % aux victimes majeures pourrait être examinée dans ce cadre.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous sommes évidemment très sensibles à la question que vous posez, madame Rossignol, mais nous pensons que le problème n’est pas réellement le reste à charge des personnes ayant été victimes de violences sexuelles. Aujourd’hui, 95 % des assurés ont une complémentaire santé. En outre, le reste à charge en France est l’un des plus faibles au monde. La question n’est donc pas tant celle du ticket modérateur que celle de la prise en charge de soins qui, actuellement, ne sont pas remboursés par l’assurance maladie. Je pense notamment à la prise en charge psychologique. La question du reste à charge me semble donc être un mauvais angle d’attaque de la problématique de la prise en charge médicale et psychique des victimes de violences.
Le Gouvernement a parfaitement identifié un besoin. Il y a répondu par un appel à projets, qui a abouti à la création en France de dix centres de prise en charge des personnes victimes de violences psychiques et sexuelles, lesquels seront dotés de crédits issus du FIR, le fonds d’intervention régional. Ils auront pour mission de créer un réseau de prise en charge dans chaque région. Nous veillons donc à ce que ces personnes bénéficient d’une prise en charge psychologique effective.
Par ailleurs, cette expérimentation fera l’objet d’un rapport annuel, qui sera rendu public. Il permettra de juger réellement de l’effectivité de l’accès aux droits. Votre amendement me paraît donc satisfait. Il me semble que, davantage qu’un rapport centré sur le reste à charge, notre angle d’approche plus holistique de la prise en charge permettra de mieux répondre, sur le fond, à la problématique que vous soulevez.
Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 575 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laurence Rossignol. Vous l’avez compris, madame la ministre, notre objectif était de vous interroger et de vous permettre de vous exprimer sur la prise en charge et l’accompagnement des victimes de violences sexuelles.
Permettez-moi juste de faire une remarque sur la question du reste à charge. Il est vrai que le taux de couverture par une assurance complémentaire est très élevé en France. Mais on sait aussi que le niveau de couverture offert par ces assurances est extrêmement variable. Le taux de 95 % de couverture cache de grandes disparités. Cette remarque vaut pour tous les sujets.
En tout cas, nous suivrons avec intérêt, madame la ministre, les mesures que vous venez d’annoncer.
Cela étant dit, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 575 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 576 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Lepage, Jasmin, Meunier, M. Filleul et Monier, MM. Tourenne et Jacquin, Mme Grelet-Certenais, M. Cabanel, Mme Conway-Mouret, MM. Assouline, Iacovelli et Roger, Mmes Guillemot et Espagnac, M. Mazuir, Mme Tocqueville, MM. Marie et Lalande, Mme Ghali, M. Duran, Mme Artigalas, MM. Féraud, Durain et Manable et Mmes Féret et Blondin, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport visant à examiner les modalités de prise en charge intégrale de tous les moyens de contraception existants par l’assurance maladie.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. J’applique donc la même « méthode rapport » à la question de l’accès à la contraception !
On l’a oublié – sauf peut-être ceux qui ont porté cette revendication –, mais, voilà un certain nombre d’années, on revendiquait le droit à une contraception libre et gratuite. Or la gratuité ne s’est pas traduite comme on l’aurait voulu, et ce pour deux raisons.
Il existe d’abord de nombreuses disparités de remboursement parmi les contraceptifs prescrits, souvent justifiées par les autorités chargées d’évaluer l’efficacité des médicaments et de fixer leur taux de remboursement.
Ensuite, et surtout, on dit aux femmes de choisir leur contraception. Il n’y a pas de contraception imposée. On peut ainsi choisir un contraceptif local. Or tous les contraceptifs qui ne sont pas prescrits ne sont pas remboursés par la sécurité sociale, à l’instar des spermicides, qui sont à la charge des patientes. On se focalise sur les contraceptifs oraux ou hormonaux, mais de nombreux autres contraceptifs ne sont pas remboursés. C’est là une grosse inégalité, qui pèse sur les femmes.
Si la contraception concerne à la fois les femmes et les hommes – les hommes sont assez concernés, car il s’agit de se prémunir contre une grossesse non désirée –, elle ne pèse que sur les femmes, que le contraceptif auquel elles ont recours soit remboursé ou non.
Madame la ministre, dans la droite ligne du « reste à charge zéro » pour les lunettes et les prothèses auditives, quand allons-nous poser le problème de la gratuité de la contraception, laquelle me paraît aujourd’hui nécessaire ?
Certes, les statistiques montrent une diminution du nombre de grossesses précoces, mais là n’est pas la question. C’est un problème d’inégalité économique. Alors que les femmes sont moins payées, qu’elles sont plus exposées à la précarité, qu’elles sont plus pauvres, elles doivent en plus payer leur contraception. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Les rapports sur l’accès aux moyens de contraception existent déjà. La Haute Autorité de santé, la HAS, a dressé en avril 2013 un état des lieux des pratiques contraceptives et des freins à l’accès au choix d’une contraception adaptée. L’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, a publié deux rapports : l’un en février 2010 sur la contraception et la contraception d’urgence, l’autre en avril 2015 sur l’accès gratuit et confidentiel à la contraception pour les mineurs.
Il est vrai que le sujet que vous évoquez est important. La commission souhaite donc entendre Mme la ministre sur cette question, comme sur l’amendement précédent. Elle suggère toutefois d’ores et déjà le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame Rossignol, votre question est intéressante. Permettez-moi de la replacer dans le contexte plus général de la prise en charge de la prévention.
La question que vous posez est évidemment légitime. Nous sommes tous sensibles au problème des grossesses précoces, à la précarité de certaines femmes, etc. En réalité, la question se pose de la même façon pour les vaccins et pour la prise en charge des médicaments contre l’hypertension artérielle, lesquels ne sont plus pris en charge à 100 % depuis que l’hypertension est considérée non plus comme une maladie, mais comme un facteur de risques.
En fait, nous devons nous demander collectivement comment nous pouvons faciliter l’accès de tous nos concitoyens aux dispositifs de prévention et aux médicaments. La réalité, c’est que notre système de couverture et de prise en charge à 100 % est essentiellement centré sur le curatif. J’ai entamé une réflexion sur ce sujet et j’aborde désormais les questions de prévention en renforçant considérablement les crédits qui y sont consacrés.
Il ne me paraît pas légitime de poser uniquement la question de la contraception. En réalité, les vaccins, ainsi que de nombreux autres dispositifs de prévention, sont tout aussi importants, et nous avons décidé de leur appliquer le régime de droit commun.
Par ailleurs, vous dites que la contraception ne repose que sur des médicaments destinés aux femmes.
Mme Laurence Rossignol. J’ai fait court !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Oui, et j’ai bien compris que ce n’était pas le sujet.
Il est vrai que de nombreux dispositifs aujourd’hui ne sont pas remboursés, car ils n’ont pas été évalués. Or le remboursement répond en fait à des critères stricts d’évaluation scientifique. On sait en outre qu’un certain nombre de dispositifs sont nettement moins efficaces que les pilules pour prévenir les grossesses.
Cela étant dit, il se trouve que, lorsque je présidais la HAS, un fabricant de préservatifs a déposé une demande de remboursement, au motif que les préservatifs permettent de prévenir notamment les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses. C’était la première fois qu’un fabricant déposait une telle demande. Son dossier a suivi le même parcours que celui de n’importe quel autre dispositif médical. La Haute Autorité de santé a procédé à une évaluation scientifique et le Comité économique des produits de santé, le CEPS, négocie aujourd’hui le taux de remboursement du préservatif, que l’on considère utile pour prévenir les grossesses. On le voit, les choses évoluent. Le préservatif va pouvoir être remboursé sur prescription médicale, pour certaines femmes ou certains hommes, indifféremment. Nous avançons.
Je ne suis donc pas sûre qu’un rapport dédié à l’accès à la contraception soit utile. Nous menons une politique assez volontariste en matière de santé sexuelle, fondée sur une feuille de route. Il s’agit de renforcer l’accès aux soins et à la prévention pour les femmes et les hommes, afin de leur permettre d’accéder à une meilleure santé sexuelle. De nombreuses mesures figurant dans la feuille de route répondent à la problématique que vous soulevez.
Là encore, je trouve que vous abordez ce sujet sous un angle un peu trop restreint. Une politique générale doit permettre un meilleur accès à toutes les politiques de prévention, quelles qu’elles soient, notamment en santé sexuelle.
Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. La feuille de route de la stratégie nationale de santé sexuelle fera évidemment l’objet d’une évaluation, qui vous permettra de juger la politique que nous menons.
M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 576 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laurence Rossignol. Je ferai deux remarques, madame la ministre.
Tout d’abord, j’hésite à inclure les questions liées à la contraception dans le domaine de la prévention, car la grossesse n’est pas une maladie, c’est un risque inhérent à une activité humaine relativement répandue. Or ce risque ne pèse que sur les femmes. Il s’agit, je le répète, de prévenir non pas une pathologie, mais une grossesse. Mon approche diffère un peu de la vôtre sur ces questions.
Ensuite, pour rédiger cet amendement, j’ai cherché des études, car je travaille par ailleurs sur les violences économiques faites aux femmes, c’est-à-dire tout ce qui accroît les inégalités entre les femmes et les hommes, comme le non-paiement des pensions alimentaires et les inégalités salariales ; je pense que la contraception en fait partie. J’ai consulté l’étude de l’IGAS qu’a mentionnée Mme la rapporteur, mais qui ne concerne que les mineurs, et celle, que vous connaissez probablement très bien, de la Haute Autorité de santé de 2013. Cette dernière se conclut par des tableaux tellement fins que je ne suis pas arrivée à évaluer le coût de la contraception pour les femmes. Or j’aimerais bien le connaître. Cela m’intéresse dans un contexte plus global.
Je soutiens votre approche et les mesures que vous avez annoncées, madame la ministre, mais je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 576 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 581 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2019, un bilan de l’application du décret n° 2017-1605 du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement traite de problèmes que nous avons déjà abordés hier dans cet hémicycle – ceux que pose l’emploi de remplaçants et d’intérimaires dans les hôpitaux –, mais il me semble utile d’en « remettre une couche ».
De plus en plus d’hôpitaux, notamment les plus fragiles d’entre eux, situés dans des zones rurales et des zones peu attractives, sont concernés par ces difficultés.
L’explosion des rémunérations au sein des hôpitaux entraîne tout d’abord, comme cela a été dit hier, un problème économique et une déstabilisation des budgets, notamment des petits hôpitaux. Elle provoque ensuite assez fréquemment une désorganisation importante des services, conduisant parfois à la fermeture temporaire de certains d’entre eux au sein d’un hôpital.
Nous avons évoqué la question des maternités hier, chacun ayant parlé de son territoire. Sur le mien, le risque aujourd’hui est que certaines maternités ferment non pas parce qu’elles manquent de praticiens qui officient quotidiennement, mais parce que ces praticiens sont presque exclusivement des intérimaires. Les agences régionales de santé, les ARS, sensibles à la sécurité des parturientes, ce qui est une bonne chose, expliquent que la succession d’intérimaires ne permet pas une prise en charge de qualité. Le problème de l’intérim, on le voit, n’est donc pas que financier.
En outre, le recours à des intérimaires conduit à la création, au sein d’un hôpital, de deux catégories de médecins : les intérimaires, dont c’est le métier, et les titulaires, en CDI, qui subissent une double peine. Non seulement ces derniers sont moins bien payés, mais ils doivent également assurer les autres charges et missions de l’hôpital, s’occuper de qualité, de certification ou encore siéger dans les COMEDIMS, les commissions du médicament et des dispositifs médicaux stériles.
Il s’agit donc d’un problème majeur, important, qu’il faut prendre à bras-le-corps, et je sais que vous le faites, madame la ministre, comme en atteste le décret que vous avez pris dernièrement et qui allait dans le bon sens. Je me suis dit qu’il allait permettre de régler le problème ; mais en fait, non : il n’a pas réglé l’ensemble des questions.
Mon amendement vise à demander au Gouvernement un bilan sur le travail temporaire des praticiens intérimaires, non pas pour obtenir des chiffres, mais pour que toutes les ARS, sur l’ensemble du territoire, se mettent autour de la table et adoptent une politique commune, coordonnée, afin de parvenir un jour, peut-être, à une situation plus stable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un bilan au 1er janvier 2019 de l’application d’un décret datant de novembre 2017. Ce délai nous paraît un peu court !
Cela étant, la commission considère qu’il est important d’encadrer le recours aux praticiens intérimaires et souhaite entendre Mme la ministre sur cette question. Elle s’en est donc remise à la sagesse du Sénat, tout en émettant une réserve sur la date.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je vous remercie, madame Guillotin, de me donner l’occasion de parler de ce sujet qui vous tient à cœur et qui m’a beaucoup agacée, vous l’avez compris, lorsque je suis arrivée au ministère l’année dernière.
Vous avez souligné les dérives effectives du dispositif des médecins remplaçants. Certains, que j’appelle les « mercenaires », font aujourd’hui commerce de la pénurie et se vendent aux plus offrants, à des prix qui grèvent le budget de nos hôpitaux. Il est évident qu’un hôpital ne peut pas fonctionner sans anesthésiste. Les chirurgiens ne peuvent alors pas travailler. Quand on manque d’anesthésistes, on est prêt à payer extrêmement cher pour en recruter.
Un cercle vicieux s’est installé. Certains professionnels quittent leur poste statutaire, car ils sont mieux payés en travaillant une semaine par mois en tant qu’intérimaire qu’en exerçant à plein temps dans un hôpital.
Face à ces pratiques que j’estime déviantes en termes de déontologie, j’ai publié un décret en date du 24 novembre 2017. Il prévoit que le salaire journalier brut d’un médecin remplaçant en 2018 ne peut dépasser 1 400 euros par vingt-quatre heures. Il ne pourra être supérieur à 1 300 euros en 2019 et à 1 170 euros en 2020.
À la suite de la publication de ce décret, un syndicat de médecins remplaçants a décidé de boycotter les hôpitaux publics, dont il a établi une liste noire. J’ai estimé que ce n’était pas déontologique. Mon ministère a donc déposé une plainte auprès de l’Ordre des médecins contre ces praticiens. Je suis attaquée aujourd’hui par ce syndicat, qui estime que le ministère n’a pas à s’opposer au choix d’un syndicat. La bataille, on le voit bien, ne fait que commencer. Elle est relayée dans la presse.
Il est important que nous ayons sur cette question un consensus des élus. Vous êtes les premiers à observer sur le terrain les difficultés de fonctionnement de nos hôpitaux. Comme moi, vous avez un certain sens du service public et considérez qu’il faut protéger les hôpitaux publics contre certaines dérives.
Je ne pense pas qu’un nouveau rapport soit vraiment utile, car le constat a déjà été fait par la direction générale de l’offre de soins, la DGOS. Les hôpitaux s’en plaignent. Tout le monde sait ce que ces pratiques représentent dans le budget de certains hôpitaux.
Le problème aujourd’hui est de trouver un moyen d’agir. Le ministère intervient, mais j’ai besoin du soutien des élus. La ministre que je suis ne peut pas porter seule la question de la pénurie de médecins et le problème des dérives de certains mercenaires qui font commerce de la médecine au risque de couler nos hôpitaux publics.
Cet amendement m’a permis d’aborder ce sujet. La question que je me pose aujourd’hui est : comment être plus proactive ? Je l’ai dit hier, il faut que tous les hôpitaux jouent le jeu. Si un hôpital venait à contourner le décret, tout le dispositif s’effondrerait. Je n’aurais alors plus de moyens de pression sur ces professionnels.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, car je ne souhaite pas un nouveau rapport. La situation est suffisamment connue.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.