M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Outre que le suivi des critères proposés semble difficile, certains d’entre eux paraissent poser des problèmes de confidentialité en ce qu’ils relèvent des stratégies d’entreprise. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la sénatrice Laurence Cohen, cet amendement part d’un bon sentiment et est issu d’un constat que nous partageons : la dépense publique participe au développement de toute recherche médicale qui aboutit à un médicament ; la Cour des comptes a raison.
Cependant, votre amendement est inopérant en pratique, car il est quasiment impossible de définir quelle est la part, dans un progrès de la recherche fondamentale, par exemple la découverte d’un gène ou de l’une de ses fonctions, de chacune des équipes de tous les pays du monde qui participent à l’amélioration de la connaissance d’une maladie ou d’un symptôme. Ce serait tout à fait impraticable.
En outre, l’adoption de votre amendement risquerait d’envoyer message contre-productif. En effet, nous avons besoin de valoriser au mieux la recherche française et européenne, par exemple lorsque des brevets sont vendus à l’industrie pharmaceutique. Or vous voulez faire dépendre le prix des médicaments de l’investissement public : le risque est que l’on en arrive à acheter non plus nos brevets, mais des produits provenant d’autres pays du monde. Au final, il n’y aurait plus d’intérêt à financer la recherche publique.
Je pense donc que c’est un mauvais amendement, même s’il est vrai que la recherche publique contribue à la formation du prix des médicaments. Toutefois, ce prix est lié à d’autres critères d’évaluation, à commencer par l’intérêt thérapeutique pour le patient. On ne peut pas utiliser le critère du prix pour modifier des politiques publiques qui sont d’un autre ordre.
Pour ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 540 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Je veux bien entendre que notre amendement n’est pas forcément très bien formulé, mais il aura au moins permis d’aborder une question importante. Cette discussion étaie encore un peu plus notre proposition de créer un pôle public du médicament.
Je retire cet amendement mal ficelé, mais il faudra bien un jour réussir à lever le blocage qui empêche la création d’un pôle public du médicament.
M. le président. L’amendement n° 540 est retiré.
L’amendement n° 542, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le prix de vente est révisé à un niveau inférieur ou baissé, par convention ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé :
« 1° Au plus tard au bout de cinq ans pour les médicaments ayant demandé et obtenu une amélioration du service médical rendu de niveau I à III et recueilli un avis médico-économique de la commission évaluation économique et de santé publique de la Haute Autorité de santé ; pour les médicaments auxquels a été reconnue une amélioration du service médical rendu par rapport à des médicaments ayant obtenu récemment une amélioration du service médical rendu de niveau I à III et pour lesquels un avis médico-économique de la commission évaluation économique et de santé publique de la Haute Autorité de santé est disponible et s’il ressort de l’avis de la commission de la transparence que cette évaluation est plus favorable que celle qui leur aurait valu un partage d’amélioration du service médical rendu par rapport à ces comparateurs ; pour les médicaments antibiotiques à base d’une nouvelle substance active ayant obtenu une amélioration du service médical rendu IV ;
« 2° Au plus tard au bout de trois ans pour les autres ;
« 3° En cas d’extension d’indication thérapeutique ayant un effet sur le nombre de patients ou le volume des ventes. » ;
2° Le III est complété par les mots : « et le nombre de patients ou volume des ventes donnant lieu à une révision de prix ».
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement vise à déterminer par la loi les conditions du déclenchement de la révision des prix des médicaments, conformément aux recommandations de la Cour des comptes
Dans son rapport de 2011, puis dans celui de 2017, relatifs à la sécurité sociale, la Cour des comptes alerte sur la faiblesse du cadre juridique de la révision des prix des médicaments. Elle déplore en effet que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ait précisé les critères de fixation des prix révisés, mais pas les cas de déclenchement de ladite révision.
Nous proposons donc de clarifier le dispositif afin de combler ce vide juridique et de suivre ainsi les recommandations de la Cour des comptes, qui considère d’ailleurs que cette mesure permettrait à la sécurité sociale d’économiser des sommes considérables. Par exemple, en 2015, les économies liées aux baisses des prix des médicaments ont atteint 800 millions d’euros. On peut imaginer que ces économies seraient encore plus importantes avec des dispositions légales plus précises.
Pour ces raisons, nous vous présentons cet amendement, qui prévoit trois cas dans lesquels le prix du médicament serait automatiquement révisé : à l’issue des cinq années de garantie de prix européen pour les médicaments les plus innovants ; à l’échéance de trois ans pour les autres médicaments ; en cas d’extension d’indication thérapeutique d’un médicament.
Adopter cette mesure permettrait à la sécurité sociale d’économiser des sommes importantes et d’offrir un meilleur accès aux médicaments. Plus le temps passe, et plus cela apparaît nécessaire, en raison du rythme de plus en plus rapide du progrès médical. En effet, les prix des traitements hautement innovants sont souvent très élevés. Si de tels prix peuvent éventuellement être justifiés, dans un premier temps, par la nécessité de couvrir les frais engagés pour l’élaboration de ces traitements, il est nécessaire ensuite d’intervenir très rapidement, afin de diminuer le coût de ceux-ci et de les rendre accessibles à tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. L’idée d’une révision périodique du prix des différents produits de santé est intéressante. La Cour des comptes avait d’ailleurs pointé, dans son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2011, la faiblesse du cadre juridique de révision des prix des médicaments. Elle a cependant ensuite considéré que la loi de financement de la sécurité sociale de 2017 a comblé une faille majeure du dispositif légal de fixation des prix en donnant un fondement législatif, à l’article que vous souhaitez modifier, aux critères jusque-là utilisés par le CEPS pour déterminer le niveau du prix du médicament dans le cadre d’une procédure de révision.
Dans la mesure où cet outil juridique est tout récent, il ne nous apparaît pas opportun de le modifier immédiatement en ajoutant des conditions d’application contraignantes. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour trois raisons.
D’abord, les critères de fixation des prix ont été révisés en 2017, et ils nous semblent pour l’heure suffisants. Ils permettent au CEPS de réviser les prix périodiquement, comme vous le souhaitez. En outre, le CEPS réévalue systématiquement avec l’industriel le prix d’un médicament lors d’une extension d’indication ; lorsque les volumes augmentent, le CEPS procède à des baisses de prix.
Par ailleurs, le ministre fixe chaque année un objectif d’économies sur le prix des médicaments au président du CEPS, lequel doit mettre en œuvre une politique ambitieuse de révision des prix. Cette année, nous lui demandons ainsi de réaliser 1 milliard d’euros d’économies.
Fixer des délais maximaux pourrait avoir un effet contre-productif : le prix des médicaments serait en théorie révisé plus fréquemment, mais les industriels demanderaient d’attendre cinq ans pour procéder à cette révision.
Enfin, la Haute Autorité de santé, je le rappelle, réévalue les médicaments tous les cinq ans. Le CEPS peut alors revoir le prix sur la base de l’évaluation de la HAS si elle est assortie d’une nouvelle qualification du service médical rendu.
Par conséquent, le dispositif nous semble déjà extrêmement bien bordé. Fixer un critère supplémentaire dans la loi nous paraîtrait risqué.
M. le président. L’amendement n° 167 rectifié ter, présenté par M. Mouiller, Mme L. Darcos, M. Morisset, Mmes Chain-Larché, Thomas, Garriaud-Maylam, Deromedi et Bonfanti-Dossat, MM. Bazin, Vaspart, Bouloux, Grosdidier, B. Fournier et Milon, Mme Bruguière, MM. Pellevat, Bascher et Calvet, Mmes Billon et A.M. Bertrand, MM. Kern et Hugonet, Mme Gruny, M. Karoutchi, Mme Deroche, MM. Canevet et Gilles, Mme Guidez, MM. Lefèvre, Cambon, Mayet, de Nicolaÿ, Decool, Brisson, Wattebled et Laménie, Mme Raimond-Pavero, M. Husson, Mme Lherbier, M. Priou, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Genest, Darnaud et Gremillet, Mme Duranton et MM. Sido et Segouin, est ainsi libellé :
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 162-17-5 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « quand il est constaté des dépenses d’assurance maladie qui ne seraient pas justifiées au regard de la pertinence des actes, des prestations ou des prescriptions ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. La régulation des dépenses de santé est un enjeu majeur, qui doit être corrélé aux ambitions sous-tendant la stratégie nationale de santé et le plan Ma santé 2022, qui visent notamment à garantir et à promouvoir la pertinence des soins.
En conséquence, c’est au regard de ce critère que doit être apprécié le bien-fondé des dépenses de santé, et non sur la base de mécanismes de baisse uniquement comptables des dépenses, sans lien avec les besoins médicaux et la pertinence de soins.
Il convient donc d’introduire ce critère de pertinence des soins, afin de garantir que la maîtrise des dépenses se fera bien en cohérence avec cette exigence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. L’objet de cet amendement reprend en partie celui de mon amendement n° 88 concernant les dispositifs médicaux.
Je suis, par ailleurs, d’accord avec M. Mouiller sur le fait que le mode de régulation des dépenses de produits de santé est à revoir, en raison principalement de sa trop grande complexité. Selon nous, cette régulation doit prioritairement passer par la voie conventionnelle.
Une refonte de l’accord-cadre entre le CEPS et les entreprises du médicament et la mise en place d’un accord-cadre pour les dispositifs médicaux doivent intervenir prochainement : nous verrons ce qu’il en sortira.
Dans cette attente, je propose de ne pas davantage complexifier le régime. En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement est tout à fait d’accord avec l’objectif de prise en compte de la pertinence des actes et des prescriptions des auteurs de cet amendement. Selon nous, la régulation prix-volume est toutefois indispensable, compte tenu des gains d’efficience réalisés par les industriels lorsque les volumes augmentent. L’outil de régulation inscrit à cet article permet de donner de la lisibilité aux acteurs du secteur, pour qu’ils puissent anticiper des baisses de prix et adapter leur comportement. Cet objectif important a été réaffirmé par le CSIS.
L’adoption du présent amendement, beaucoup trop restrictif, ne permettrait plus de prendre en compte tous les aspects de la régulation. Le Gouvernement en sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 167 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. J’entends votre remarque, madame la rapporteur, mais le dispositif de notre amendement est beaucoup plus global. Je déplore l’avis défavorable de la commission.
De la même façon, madame la ministre, la notion de pertinence des soins n’est pas toujours prise en compte dans les analyses. J’en veux pour preuve les orientations budgétaires concernant certaines prestations : aujourd’hui, les objectifs fixés aux prestataires portent uniquement sur la diminution des coûts, et absolument pas sur la qualité et la pertinence des soins.
J’observe donc un décalage entre le discours que vous tenez devant nous, madame la ministre, et la réalité des textes présentés. Je pense que l’adoption de cet amendement vous aurait obligée à répondre plus concrètement à cette préoccupation. Cela étant, je le retire, malgré ma déception, qui sera sans doute partagée par un certain nombre de professionnels.
M. le président. L’amendement n° 167 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 628, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5121-12-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5121-12-1-1. – I. – En dehors des situations mentionnées aux articles L. 5121-8, L. 5121-9-1 et L. 5121-12 du présent code, un médicament peut, à titre exceptionnel et de manière temporaire et nominative, être mis à disposition à un stade précoce de développement pour des patients incurables demandeurs, dès l’issue de la phase I des essais cliniques, dans le cadre d’une utilisation testimoniale éclairée et surveillée du médicament, non investigatoire et ne se substituant pas aux essais cliniques, et au terme d’une procédure déclarative, dès lors que les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Différer le traitement exposerait le patient à des conséquences graves, dégradantes ou invalidantes ;
« 2° Il n’existe pas, pour la pathologie dont souffre le patient, d’alternative thérapeutique appropriée et le patient n’est pas susceptible d’être inclus dans un essai clinique, notamment pour des raisons géographiques, de calendrier de l’essai ou de non-satisfaction des critères d’inclusion.
« II. – Les sociétés estimant pouvoir mettre à disposition une molécule dans le cadre d’une utilisation testimoniale éclairée et surveillée s’identifient préalablement, ainsi que leur produit, dans un registre public tenu par l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 du présent code. Cette inscription ne vaut pas engagement de la société concernée à fournir son produit dans le cadre de cette utilisation mais seulement à accepter de recevoir et d’examiner des demandes en ce sens. La société concernée peut se désinscrire à tout moment.
« L’identification, à travers ce registre, des molécules susceptibles de faire l’objet d’une utilisation testimoniale éclairée et surveillée permet d’assurer également une information de tous sur les traitements potentiellement disponibles.
« Les conditions d’élaboration de ce registre et les données renseignées sont précisées par décret.
« III. – L’utilisation du médicament dans le cadre d’une utilisation testimoniale éclairée et surveillée est placée sous le contrôle d’une personne responsable, résidant en France et rattachée à l’opérateur titulaire des droits sur le médicament, réunissant les compétences médicales et pharmaceutiques appropriées.
« IV. – Le patient demandeur, assisté de son médecin prescripteur, soumet au titulaire des droits sur le médicament une demande de communication d’information des données portant sur le médicament. Le titulaire des droits peut, sans motif, s’y opposer. Dans le cas contraire, il sollicite expressément un comité indépendant, institué dans des conditions déterminées par décret. Le comité fournit au patient volontaire et à son médecin la preuve de l’existence d’éléments scientifiques, pré-cliniques ou cliniques, démontrant le potentiel intérêt thérapeutique chez l’homme et permettant de présumer sa sécurité.
« Le patient demandeur ou, en cas d’incapacité, son représentant légal, est assisté par son médecin pour prendre la pleine mesure de ces informations, le cas échéant à l’aide de la personne de confiance mentionnée à l’article L. 1111-6 du présent code. Le patient demandeur ou, en cas d’incapacité, son représentant légal, prend une pleine connaissance du risque thérapeutique potentiellement associé à l’utilisation du médicament.
« Le patient demandeur, assisté de son médecin traitant, après avoir reçu les éléments sollicités mentionnés au premier alinéa du présent IV, dans les conditions prévues au paragraphe précédent, soumet une demande pour une utilisation testimoniale éclairée et surveillée auprès du titulaire des droits sur le médicament. Il exprime de manière expresse assumer entièrement le risque dont il a pris connaissance et décharger tous les tiers de toute responsabilité liée à cette décision.
« Le titulaire des droits transmet sans délai cette demande à la personne responsable mentionnée au III.
« La personne responsable mentionnée au III ou la société titulaire des droits peut, au regard de sa connaissance intime de la molécule, s’opposer, sans avoir à motiver sa décision, à la demande d’utilisation testimoniale. En l’absence de réponse de la société titulaire des droits dans le mois à compter de la réception de la demande, celle-ci est réputée refusée.
« V. – En cas d’acceptation par la société titulaire des droits, l’utilisation du médicament fait l’objet, dans des conditions précisées par décret, d’une déclaration préalable auprès de l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 du présent code, adressée par le patient et visée par son médecin prescripteur.
« L’utilisation du médicament fait l’objet d’une surveillance médicale étroite dans des conditions définies par l’opérateur titulaire des droits sur le médicament et validées par le comité indépendant mentionné au premier alinéa du IV.
« VI. – L’utilisation du médicament est possible pour une durée limitée, éventuellement renouvelable sur demande du patient, assisté de son médecin prescripteur, dans les mêmes conditions que la demande initiale.
« La durée d’utilisation du traitement ne peut excéder celle autorisée par les essais pré-cliniques de toxicité de long terme déjà effectués sur le produit. Elle peut être, le cas échéant, réévaluée à l’aune des données collectées sur la molécule.
« Le patient, assisté de son médecin, peut à tout moment et sous sa seule responsabilité interrompre l’utilisation testimoniale éclairée et surveillée.
« La personne responsable mentionnée au III ou la société titulaire des droits peut également, dans des conditions définies par décret, interrompre l’utilisation testimoniale éclairée et surveillée.
« VII. – L’opérateur titulaire des droits sur le médicament dépose chaque année auprès de l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 du présent code et du comité indépendant mentionné au premier alinéa du IV un bilan de l’état d’avancement du développement de son médicament et des données collectées à partir des patients ayant reçu le produit de manière testimoniale, dans des conditions définies par décret.
« L’ensemble des données attachées à la molécule sous utilisation testimoniale éclairée et surveillée, données existantes en amont de cette utilisation ou issues de cette utilisation, restent la propriété pleine, entière et exclusive du titulaire des droits sur le médicament.
« Dans des conditions définies par décret, l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 du présent code peut interdire l’utilisation testimoniale éclairée et surveillée du médicament si les conditions prévues pour une telle utilisation ne sont pas remplies ou pour des motifs de santé publique.
« VIII. – L’utilisation testimoniale éclairée et surveillée du médicament cesse de produire ses effets dès lors que le médicament obtient, dans l’indication concernée, soit une autorisation de mise sur le marché, soit une autorisation temporaire d’utilisation mentionnée à l’article L. 5121-12 du présent code. Il peut également y être mis fin à tout moment, soit par l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 du présent code, soit par la société titulaire des droits, notamment en cas d’impossibilité matérielle de fourniture ou de remise en cause du bénéfice prévisible du médicament au regard des informations disponibles.
« IX. – Un décret précise les conditions dans lesquelles est assurée la protection des données personnelles dont le traitement est rendu nécessaire dans le cadre de l’application du présent article. »
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Cet amendement quelque peu complexe avait déjà été présenté par René-Paul Savary l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il méritait réflexion, lui avait-on alors répondu. Dans notre rapport sur l’accès précoce aux médicaments, nous avons aussi évoqué l’introduction d’un nouveau mode d’accès aux médicaments, à côté de l’autorisation de mise sur le marché et de l’autorisation temporaire d’utilisation : l’utilisation testimoniale éclairée et surveillée du médicament, l’UTES.
Le passage d’une molécule innovante des premiers essais cliniques à la commercialisation nécessite couramment un délai de dix ans, qui peut s’étendre à plus de quinze ans, notamment dans le traitement des troubles neurodégénératifs, dont l’évolution est très lente.
Ces lenteurs induisent des pertes de chances pour les patients et mettent en danger des sociétés de biotechnologies innovantes, qui se retrouvent à court de financements, et ce même après l’obtention de résultats prometteurs.
La mise à disposition de médicaments contenant certaines molécules ayant démontré leur potentiel thérapeutique se trouve freinée par le cadre juridique actuel applicable aux demandes d’autorisation de mise sur le marché, mais également aux demandes d’ATU, au-delà des incontournables difficultés associées à la prise en charge par l’assurance maladie de ces modes d’accès aux médicaments.
Si certaines autorisations temporaires d’utilisation peuvent être octroyées à un stade assez précoce de développement, elles sont, par définition, subordonnées à une autorisation délivrée par l’autorité compétente sur la base de la démonstration tant de la sécurité que de l’efficacité d’emploi du médicament concerné.
Or certains patients faisant face à une maladie incurable souhaitent pouvoir bénéficier de ces médicaments innovants en prenant, de manière éclairée, et donc en toute connaissance de cause, le risque thérapeutique associé à leur utilisation. Ce droit à la recherche de leur survie doit leur être reconnu et garanti.
L’introduction de ce dispositif, qui serait un nouveau mode légal d’accès aux médicaments, au côté de l’AMM et de l’ATU, permettrait de réduire dans des proportions considérables les délais imposés aujourd’hui, de fait, par les procédures existantes. L’UTES semble particulièrement adaptée, notamment dans le domaine du traitement des troubles neurodégénératifs, non seulement parce que les essais cliniques y sont les plus longs, à cause de l’évolution très lente des neurodégénérescences, mais également parce que les médications neuroprotectrices présentent par nature un profil de sécurité encourageant.
Le financement de cette voie d’accès nouvelle serait en partie assuré par un fonds de solidarité constitué par une participation des laboratoires ayant recours au dispositif de l’UTES.
Un tel dispositif a été mis en place aux États-Unis. Il peut certes paraître un peu complexe. Néanmoins, nous avons souhaité le représenter cette année ; il a été retravaillé depuis l’année dernière et la présentation de notre rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.
D’abord, il faut sécuriser l’accès aux médicaments à des stades très précoces dans le cadre des essais cliniques ou de l’ATU. Aujourd’hui, les phases 1 concernent entre dix et trente patients. À ce stade, on ne connaît absolument pas le profil de sécurité des médicaments. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à un élargissement de l’accès aux médicaments après la phase 1. Les médicaments très innovants et très puissants, notamment en cancérologie, obtiennent leur AMM dès la phase 2. En outre, le mécanisme des ATU nominatives permet à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, pour des cas compassionnels, d’ouvrir l’accès à ces médicaments sous une forme plus sécurisée.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la ministre, nous avons déjà eu cette discussion l’an dernier. Vous m’aviez alors fait passer un petit mot, sur lequel il était écrit : « Monsieur Savary, voulez-vous me faire aller en prison ? » (Mme la ministre rit.) Depuis, nous avons retravaillé le dispositif avec des membres de votre cabinet, et l’amendement est maintenant nettement plus précis. Il vise plutôt les troubles neurodégénératifs, dont le diagnostic est très long à poser. La recherche avance difficilement, car elle est menée par des biotechs qui ont du mal à tenir sur le plan financier. Le malade dont la survie à court terme est en jeu s’adresse, en désespoir de cause, à une biotech susceptible de lui procurer une molécule qui ne présente pas les garanties de sûreté offertes dans le cadre d’une ATU, où c’est, à l’inverse, la biotech qui propose à des malades de participer à un essai clinique. L’UTES concerne donc des malades qui ne peuvent attendre l’essai clinique. C’est un dispositif tout à fait particulier.
L’ATU répond à une logique compassionnelle, notamment dans le cas des ATU nominatives, et de gratuité. Les malades sont sollicités pour participer à des essais aux fins de recherche, dans l’esprit de la convention d’Oviedo.
Dans le cas de l’UTES, en revanche, c’est le patient, accompagné de son médecin, qui demande au laboratoire, dans un but de survie et en toute connaissance de cause, de lui délivrer un médicament dont la sûreté n’est pas garantie. Il en assume la responsabilité juridique : ni la biotech ni le ministère ni les autorités ne sont directement impliqués à cet égard. La logique est ici testimoniale et payante. Dans un souci d’égalité, un mécanisme de solidarité est prévu.
Il faut poursuivre dans cette voie, sinon nous prendrons du retard dans la recherche en matière de traitement des troubles neurodégénératifs.