Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous ouvrons aujourd’hui la discussion du projet de loi de finances rectificative de l’année en cours, avant de débattre du projet de loi de finances pour l’année à venir. C’est une innovation qui, il faut le dire, est la bienvenue !
Le schéma de fin de gestion 2018 nous apporte en effet un éclairage utile, avant d’examiner les demandes de crédits de chacune des missions budgétaires pour 2019.
Avec le rapporteur général, j’avais plaidé, il y a quelques mois, pour un collectif budgétaire de fin d’année resserré, limité aux seuls mouvements de crédits et mesures fiscales de l’année en cours, afin de rendre à ce texte sa vocation initiale et de cesser d’en faire une session de rattrapage de la loi de finances. C’est désormais chose faite, et nous pouvons nous en réjouir.
Nos propositions pour renouveler les modalités d’examen des textes budgétaires consistaient à permettre au Parlement de travailler dans de meilleures conditions, moins dictées par l’urgence, afin de connaître réellement l’impact des mesures que l’on lui demande d’adopter. De ce point de vue, les objectifs ne sont malheureusement pas atteints. Il faut regretter, si le projet de loi de finances rectificative a été resserré, que son examen ait été encore accéléré, puisque le vote des deux assemblées en première lecture interviendra moins de quinze jours après son dépôt en conseil des ministres.
Ces modalités d’examen parlementaire ne sont donc acceptables que si le collectif ne modifie pas substantiellement les équilibres de la loi de finances initiale, au risque, sinon, d’affaiblir considérablement la portée de celle-ci et le sens de l’autorisation parlementaire.
Par ailleurs, nous constatons que la centaine d’articles que comptait d’habitude le collectif de fin d’année se retrouve littéralement déversée dans le projet de loi de finances. Il s’ensuit un nombre considérable d’amendements de séance, dont certains font plusieurs pages, sans avoir été précédés de la moindre étude d’impact. Nous sommes donc encore très loin d’un progrès des méthodes gouvernementales ! Il faudra, à l’avenir, que ces dizaines de mesures fiscales et budgétaires, ajoutées en cours d’examen parlementaire sur l’initiative ou à l’incitation du Gouvernement, trouvent leur place dans le projet de loi initiale pour être examinées de manière sereine et réfléchie.
J’en viens maintenant aux dispositions de ce collectif budgétaire. Il ne modifie pas les hypothèses de croissance économique pour l’année en cours, établies à 1,7 % du produit intérieur brut. Il confirme un déficit public à hauteur de 2,6 % du même PIB, soit une toute petite réduction de 0,1 point par rapport à l’an passé.
Pour autant, je souhaiterais relever deux aspects qui me paraissent importants au regard des débats qui vont nous occuper sur le projet de loi de finances.
Tout d’abord, j’évoquerai l’annulation de 600 millions d’euros de crédits du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». Avec cette annulation, le produit de la TICPE va alimenter encore davantage le budget de l’État, la fiscalité énergétique servant ainsi à boucler les fins de mois de l’État.
Cette économie sera-t-elle consacrée à des objectifs environnementaux ou viendra-t-elle en soutien aux économies d’énergie ? Je crois comprendre que toutes les promesses d’assouplir le crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, n’ont pas été suivies d’effet. En tout état de cause, l’an prochain, la TICPE financera le budget de l’État à hauteur de 17 milliards d’euros, un record absolu. Le pouvoir d’achat de nos concitoyens s’en ressentira.
Ensuite, j’aborderai les annulations sur les missions. Je veux relever que l’annulation la plus importante, outre celles qui portent sur la défense, concerne la mission « Travail et emploi », à hauteur de près de 0,5 milliard d’euros tout de même. Cette annulation sur un budget en baisse augure de nouvelles restrictions l’an prochain, alors même que le marché de l’emploi n’a pas témoigné d’un retournement spectaculaire, c’est le moins que l’on puisse dire.
Par ailleurs, ce sont les missions « Recherche et enseignement supérieur » et « Écologie, développement et mobilité durable » qui subissent le plus d’annulations dans ce collectif. J’estime que les annulations sur ces thématiques sont autant de signaux négatifs sur les capacités de notre pays à préparer l’avenir, et c’est bien regrettable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2018 est bien une innovation attendue et positive dans notre procédure budgétaire.
La nécessaire remise en ordre des comptes publics passe aussi par des adaptations des manières d’élaborer, d’autoriser, d’évaluer les textes budgétaires. Le sujet est sans doute moins médiatique que d’autres, mais il atteste en tout cas de la volonté du Gouvernement de transformer le pays et de financer chaque politique publique.
Les collectifs de fin d’année vintage n’étaient pas des jardins à la française, c’est le moins que l’on puisse dire ! Alors que ces textes étaient censés s’intéresser exclusivement à l’exercice en cours, des dispositions fiscales ne manquaient pas d’y fleurir, du fait tant des gouvernements, qui saisissaient souvent une occasion de rattrapage, que des parlementaires eux-mêmes, qui faisaient parfois un baroud d’honneur. Cela explique l’inflation du nombre d’articles dans les textes de ce genre : 96 dans le second collectif budgétaire pour 2017, quelque 149 dans le collectif pour 2016 et 123 dans le collectif pour 2015. On était loin de l’épure d’un Giacometti et plus proche d’un Botero !
De plus, il n’était pas rare que, du fait de la faiblesse des crédits votés en loi de finances initiale, les collectifs budgétaires soient assortis, pour répondre aux dépenses urgentes de l’État, de décrets d’avance qui, juridiquement, imposaient un vote de la représentation nationale. Pour la première fois depuis 1985, le Gouvernement a décidé de rompre avec ces pratiques : le texte ne comporte ni mesures fiscales ni décrets d’avance, ce qui a une portée politique particulière, a fortiori avant la reprise sereine des débats sur nos institutions l’an prochain.
Le Gouvernement, qui s’est déjà employé à réduire la réserve de précaution ou à constituer des provisions spécifiques visant à faire face à tel aléa en cours de gestion, s’astreint à une exigence particulière. Il exprime ainsi son respect envers le Parlement, saisi de l’intégralité des ouvertures et des annulations de crédits budgétaires soumises à son autorité.
Au Sénat, ce texte intervient en amont du projet de loi de finances pour 2019, sans télescoper sa discussion. Cet ordre met en évidence la cohérence de la trajectoire.
Le texte n’a pas été adopté en commission, cela a été dit, et je le regrette, car à mon sens, vous vous en doutez, ce vote ne se justifie pas : des dépenses publiques constatées conformes aux prévisions, des évaluations de recettes fiscales et non fiscales sincères, des hypothèses macroéconomiques réalistes, autant d’ingrédients qui permettent aujourd’hui d’afficher une réduction du déficit public. Cette réduction est visible en valeur absolue, avec une prévision de déficit public de 80 milliards d’euros, contre 81,3 milliards d’euros prévus, et en valeur relative, ce qui correspond à un déficit de moins de 6 points de PIB pour 2018, alors que la trajectoire pluriannuelle la fixait à moins 2,8 %.
Cette stratégie budgétaire n’est pas déconnectée des politiques publiques menées par ailleurs. Je pense aux mesures de structure, notamment à celles qui sont relatives au marché du travail : selon de récents chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, les intentions de recrutements en CDI ont augmenté de 10 % par rapport à l’an dernier, ce qui est une nouvelle bienvenue dans notre pays. Cela va aussi avec la réduction des cotisations sociales et le dégrèvement de la taxe d’habitation.
L’impatience, voire la colère, on le voit, subsiste néanmoins. Le Président de la République l’a d’ailleurs reconnu.
La France a trop tardé à réaliser ces transformations. Nous avons, me semble-t-il, souffert d’un attachement à une forme de « finances magiques » dans toute une série de politiques publiques. Ces travers ne sont pas totalement dissipés quand certains proposent ainsi la gratuité des transports publics, au hasard, sans dire combien ou comment !
Vous le savez bien, monsieur le ministre, si la solidarité est un objectif partagé, ce qui est le cas dans ce collectif à travers des ouvertures de crédits en faveur de l’hébergement d’urgence ou le soutien à la prime d’activité, elle doit être financée.
Plutôt que la fuite en avant financière, nous préférons la transformation de l’action publique. Le Premier ministre a annoncé, le 29 octobre dernier, une stratégie ambitieuse pour les services publics, le fonctionnement et l’organisation de l’État sur la période 2018-2022.
Je me félicite que chaque ministère se dote d’un plan de transformation numérique pour offrir une dématérialisation totale des démarches à l’horizon de 2022. L’objectif est de simplifier la vie de nos concitoyens, que ce soit avec la numérisation des ordonnances, la délivrance de baux numériques, la création facilitée des entreprises, tout en permettant des gains d’efficience pour la collectivité. Je trouve extrêmement positif que l’État se lance dans cette démarche à grande échelle, avec un portage politique au plus haut niveau.
Il y a des expériences inspirantes à observer ; je pense notamment à l’Estonie, où les pouvoirs publics se sont engagés dans une stratégie numérique des services publics depuis quinze ans.
L’Hexagone aime les silos. Je crois que nos concitoyens, notamment ceux qui sont nés après l’an 2000, sont attachés à l’agilité offerte par le numérique. L’idée n’est pas de reproduire des guichets sur la toile avec autant de mots de passe et d’interfaces ; il s’agit de plaider pour une « expérience utilisateurs » plus adaptée. Allégeons les démarches, facilitons la vie de nos concitoyens, changeons non les citoyens eux-mêmes, mais les procédures ! Ces initiatives ont déjà été amorcées dans la loi sur le droit à l’erreur.
Au total, ce collectif budgétaire de fin d’année est l’occasion de rappeler une vérité : il n’est pas interdit de faire simple et de renoncer à de mauvaises pratiques. Comme l’écrivait Jean Cocteau : « Il n’y a pas de précurseur, il n’y a que des retardataires ». (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Richard Yung. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, monsieur le ministre, je vais me permettre de vous citer lors de votre présentation de ce projet de loi de finances rectificative au Palais-Bourbon :
« Je reviens vers vous avec un projet de loi de finances rectificative qui a pour énorme avantage d’être conforme à la promesse du Gouvernement.
« En effet, l’année dernière, je me suis engagé devant vous à ne pas prendre de décret d’avances – ce sera désormais la norme – et à ne prévoir aucune mesure fiscale dans le projet de loi de finances rectificative, ce qui n’était jamais arrivé depuis l’adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Nous voulons soumettre à l’approbation du Parlement des enveloppes budgétaires sincères, respectueuses des crédits inscrits en loi de finances que vous avez votés. »
Cette démonstration d’autosatisfaction devant l’effort accompli ne doit cependant pas faire oublier à tout un chacun qu’elle s’appuie sur un déficit public de 80 milliards d’euros, en hausse de près de 13 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent, où il est vrai qu’une opération « à un coup », tour de passe-passe financier avec la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, avait permis une amélioration du solde budgétaire global par imputation sur celui des comptes spéciaux.
Plutôt que de s’interroger sur la progression du déficit de l’État, que l’amélioration – à quel prix ! – de la situation des comptes sociaux et de ceux des collectivités locales permet de masquer en grande partie, le Gouvernement préfère acter ses choix et se féliciter d’avoir réduit d’environ 6 milliards d’euros la prévision de déficit inscrite en loi de finances initiale.
Le brevet de sincérité budgétaire que vous vous adressez est donc, de notre point de vue, largement écorné par celui de creusement des déficits et de la dette, que l’on doit également vous décerner.
Le maintien de la contribution additionnelle de l’impôt sur les sociétés, sollicitée dans le collectif budgétaire du 1er décembre 2017, celui de l’impôt de solidarité sur la fortune et l’abandon du prélèvement libératoire forfaitaire sur les revenus du patrimoine auraient pu, ensemble, assurer au budget 2018 de se retrouver avec un point d’équilibre proche de celui du budget 2017. Autant de décisions anciennes pointées parmi les « gilets jaunes » ces jours-ci !
Toutefois, il y a belle lurette que, à l’instar d’autres qui vous ont précédé, vous avez choisi de mener à l’encontre de l’impôt une guerre d’attrition, l’éloignant toujours plus du lieu naturel de sa création – l’entreprise – pour investir largement les poches des consommateurs salariés ou retraités, sous forme de taxes à la consommation et de droits indirects, comme ceux qui font le plein dans le prix du plein à la pompe à essence.
Nous nous retrouvons donc aujourd’hui face à un collectif budgétaire sensiblement raccourci, dans lequel vous avez décidé qu’il ne serait introduit aucune disposition fiscale nouvelle. Vous avez choisi de réduire le débat et de le ramener au niveau de celui qui pourrait avoir lieu pour l’adoption d’un compte administratif dans une collectivité territoriale. Peut-être avez-vous aussi décidé de laisser à la loi de règlement le bonheur de revenir sur la réalité des chiffres, une fois passée la discussion d’un collectif toujours fixé sur une prévision de croissance qui ne va peut-être pas se réaliser.
Revenons à l’essentiel. Le brevet de sincérité que vous vous êtes décerné ne peut masquer la nécessité d’ouvrir un certain volume de crédits supplémentaires, dans des domaines bien précis – je pense à la solidarité, à l’insertion, à l’égalité des chances, à la cohésion des territoires, à l’enseignement scolaire, au travail et à l’emploi –, où les urgences sociales semblent, encore une fois, avoir été insuffisamment évaluées en loi de finances initiale. Il ne peut pas davantage masquer le fait que certaines recettes fiscales ont connu une nouvelle baisse, notamment l’impôt sur les sociétés, les droits de mutation à titre gratuit ou encore l’impôt sur la propriété immobilière, ce croupion de l’ISF bien moins juste.
Il a fallu la cession partielle des actions de l’État dans Safran, à hauteur de 1,2 milliard d’euros, pour que le compte final reste sur la crête des 80 milliards d’euros. Ce mauvais choix pour l’industrie française, en motorisation aérienne comme pour l’électronique embarquée, est à ajouter à ce passif.
Nous devrions être convaincus depuis bien longtemps que l’amélioration des comptes publics ne fait pas bon ménage avec ce portrait d’une France qui souffre de la précarité du travail, démultipliée par la réforme du code du travail, du mal-logement, produit d’une logique d’aide à la promotion immobilière et du véritable coup de bambou fiscal qui affecte l’ensemble de la fiscalité indirecte.
Votre discours sur le pouvoir d’achat ne passe pas ! Il ne passe plus, ces temps-ci ! Nous ne voterons évidemment pas ce collectif, qui est, à nos yeux, un simple exercice d’autosatisfaction du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Jean-Marc Gabouty. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, dans la logique de la démarche de sincérisation du budget mise en avant depuis la loi de programmation et la loi de finances initiale, ce projet de loi de finances rectificative allégé et recentré ne fait qu’ajuster l’équilibre de la loi de finances initiale par rapport à la prévision d’exécution.
Contenant des dispositions d’ordre uniquement budgétaire, il met à jour les prévisions macroéconomiques pour l’année en cours, procède à des ajustements de recettes, rectifie certains comptes d’affectation spéciale et prévoit des ouvertures et annulations de crédits dans différentes missions.
Jusqu’à présent, les lois de finances rectificatives servaient trop souvent d’exercice de rattrapage du budget de l’année, puisqu’elles contenaient de très nombreuses dispositions fiscales, sans impact effectif sur l’exercice budgétaire en cours. Les sous-budgétisations récurrentes lors des exercices précédents rendaient en effet nécessaire le recours aux décrets d’avance pour couvrir des dépenses urgentes.
Le Gouvernement y a procédé une dernière fois au début de l’été 2017, et ce non-recours aux décrets d’avance en 2018 ne s’était pas produit depuis plus de trente ans.
Le projet de loi de finances rectificative valide donc les hypothèses macroéconomiques de la loi de finances initiale. Il s’appuie sur une prévision de croissance de 1,7 % du PIB, hypothèse, comme M. le rapporteur général l’a souligné, légèrement optimiste. Certains organismes tablent en effet plutôt sur une croissance limitée à 1,6 %, avec une part acquise de 1,3 % à la fin du premier semestre 2018 et un risque de tassement à l’automne, donc au dernier trimestre, particulièrement dans le secteur industriel. Quant à l’inflation, elle devrait, selon l’INSEE, s’établir à 1,9 % du fait, notamment, de la hausse du cours du baril de pétrole.
Le déficit public, pour sa part, pourrait se limiter à 2,6 % du PIB, un niveau qui serait donc plus faible que les 2,8 % prévus dans la loi de finances initiale.
Les recettes budgétaires sont principalement améliorées par un supplément de recettes de TVA, ainsi que par une amélioration du produit des droits de succession et de donation pour partie imputable à une régularisation de comptabilisation de celles de l’exercice 2017, ce qui aurait dû donner un résultat un peu plus positif en 2017 et sans doute légèrement moins élevé cette année.
En ce qui concerne les dépenses, malgré l’augmentation de celles-ci provenant de dépenses de personnel supplémentaires de certains ministères – 300 millions d’euros, ce qui n’est peut-être pas un très bon signe –, des montants plus élevés de la prime d’activité ou encore de dépenses d’urgence comme les surcoûts des opérations militaires, la réduction de l’objectif global de dépenses s’élèverait à 600 millions d’euros.
On peut émettre des réserves sur certaines affectations ou sur un effort encore insuffisant de la réduction de la dépense publique, mais on ne peut conclure qu’à une exécution assez rigoureuse de la loi de finances initiale, ce qui est bien le rôle du projet de loi de finances rectificative.
Pour ma part, je me félicite, en tant que rapporteur du compte d’affectation spéciale « Circulation et stationnement routier », que la diminution de ce compte de 38,2 millions d’euros puisse être affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, qui a tant besoin de crédits depuis l’abandon par le gouvernement précédent de l’écotaxe devant la fronde des « bonnets rouges ».
M. Jean-Claude Requier. Eh oui !
M. Jean-Marc Gabouty. La capitulation a toujours un prix.
M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !
M. Jean-Marc Gabouty. En résumé, on ne peut être que satisfait, sur la forme, de la présentation de ce projet de loi de finances rectificative et, sur le fond, du résultat, qui se traduit par une réduction de 5,7 milliards d’euros du déficit budgétaire par rapport à la loi de finances initiale.
Même s’il convient de relativiser ce chiffre au regard d’un déficit de 80 milliards d’euros, qui représente encore plus de 20 % de nos dépenses budgétaires, nous nous engageons quand même sur une trajectoire positive de la réduction des déficits.
En conclusion, ce projet de loi de finances rectificative traduit une gestion plus saine et plus transparente, conforme aux engagements du Gouvernement et qui mériterait ainsi notre approbation. Comme les autres membres du groupe du RDSE, je vous invite donc, chers collègues, à adopter ce texte. Mais ce n’est qu’un vœu ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. Richard Yung. Bravo !
M. François Patriat. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après les grandes déclarations d’intentions de début d’année budgétaire, qui étaient autant de coups de « com’ », la réalité macronienne est revenue au galop, une réalité qui ne surprendra que les amnésiques ayant oublié cette devise, sinon républicaine, en tout cas chiraquienne, qui pourrait être gravée sur le fronton de chaque ministère, au moins celui de l’économie et des finances : « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ! »
M. Philippe Dallier. C’est Pasqua qui disait cela !
M. Stéphane Ravier. Le projet de loi de finances rectificative nous démontre que l’État macronien est plus que jamais progressiste. Oui, il progresse dans la fiscalité tentaculaire et confiscatoire, dans le creusement de la dette, sans même assurer ses fonctions régaliennes de défense extérieure et de sécurité intérieure, préférant augmenter les budgets destinés aux autres, plutôt que de répondre aux attentes légitimes et déjà anciennes des nôtres.
Depuis samedi, nos compatriotes manifestent leur ras-le-bol d’être rackettés et, à l’image des élus locaux, ils demandent que vous cessiez, monsieur le ministre, de les prendre pour des imbéciles !
Comment pouvez-vous faire preuve d’autant de cynisme, lorsque vous déclarez que les collectivités locales peuvent, si elles le veulent, baisser leur fiscalité, alors que vous n’avez eu de cesse, mais vous n’êtes pas le premier, de réduire la dotation financière de l’État aux communes, ce qui les conduit aujourd’hui à être fiscalement exsangues ?
M. Stéphane Ravier. Dans ce contexte fiscal, il est impossible de relancer l’emploi – preuve en est le chômage, qui est officiellement reparti à la hausse. Pour le Gouvernement, les Français doivent faire des efforts, mais ils sont à bout de force, alors que la dépense publique, elle, n’a jamais été aussi élevée que cette année.
Malgré tout cet argent pris dans la poche des Français, on taille dans le budget des armées, que l’on ampute de 400 millions d’euros ! La défense est priée de se charger seule de la totalité du coût des opérations extérieures et de Sentinelle, qui devait être initialement réparti entre tous les ministères. Et ce n’est pas une interview à bord d’un porte-avions qui changera quoi que ce soit à cette réalité financière et politique, qui freine encore et toujours la modernisation de nos troupes et met en péril ses capacités de défense du territoire national et de défense de nos intérêts à l’étranger.
Cependant que l’on met les uns – toujours les mêmes ! – en coupe réglée, on trouve toujours de quoi alimenter la politique d’immigration dont nos compatriotes ne veulent pourtant plus : plus 11 millions d’euros au budget de l’Aide médicale de l’État, une AME en constante augmentation ; plus 80 millions d’euros pour financer l’aide aux demandeurs d’asile. Autant de financements qui auraient pu, qui auraient dû être attribués à l’équipement de nos soldats, mais que le Gouvernement préfère destiner à l’accueil de l’« Autre » – « l’Autre », encore et toujours !
Au vu de l’actualité marseillaise, qui peut encore oser affirmer que tout va mieux, mis à part quelques adeptes du gourou élyséen ? Du Havre à la cité phocéenne, communes fiscalement sinistrées, toutes deux à l’image de nombreuses collectivités mal gérées et surendettées, qui peut contester que nombre de nos territoires glissent vers un appauvrissement et un ensauvagement ?
Dans le contexte national et international, qui peut dire que nous n’avons pas besoin d’une armée modernisée et de soldats parfaitement équipés ?
Cet ajustement budgétaire de l’année en cours, mes chers collègues, nous donne à voir la réalité d’un quinquennat de continuité, sans aucune volonté d’opérer les changements majeurs que demande d’urgence la situation économique, sociale, sécuritaire et identitaire de notre pays !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2018 que nous a présenté M. le ministre se distingue nettement des budgets rectificatifs des années précédentes – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, et les orateurs précédents également – sur plusieurs points qui nous paraissent essentiels.
Il faut relever, d’une part, par l’absence de dispositions fiscales qui affectent chaque année, par anticipation, le budget de l’exercice suivant, et, d’autre part, l’absence de décrets d’avance, qui est, me semble-t-il, une première depuis trente ans.
En somme, ce projet de loi de finances rectificative n’est pas, contrairement aux précédents, un texte à surprise et à effets collatéraux. Il rompt avec une longue pratique que nous avons pu connaître auparavant, consistant à sous-évaluer les dépenses de plusieurs milliards d’euros.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Eh bien, que l’intégralité des ouvertures et des annulations du schéma budgétaire pour 2018 aura été décidée par le Parlement. Nous renouons avec l’esprit de la LOLF, en respectant à la lettre le rôle central confié au Parlement en matière budgétaire : autoriser, contrôler et, de manière plus étroite encore, déterminer les dépenses. Ainsi, le rôle dévolu au Parlement est respecté, ce que nous tenons à souligner.
Avec ce projet de loi de finances rectificative recentré, vous poursuivez donc le travail engagé l’année dernière de sincérisation des comptes. Celui-ci explique d’ailleurs, pour partie, la dégradation de plusieurs ratios de nos finances publiques. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors des débats sur le projet de loi de finances.
Nous tenons, avec l’ensemble des membres du groupe de l’Union Centriste, à saluer cette nouvelle donne. Elle est utile à la sincérité du budget, à la clarté de nos débats et à la lisibilité de la politique budgétaire de notre pays. Ce débat sur le chaînage vertueux des finances publiques et, de façon plus générale, sur l’agencement du calendrier budgétaire, nous aurons très certainement l’occasion de le prolonger lorsque seront examinés devant la Haute Assemblée les projets de loi constitutionnelle et organique.
J’en viens maintenant au fond : 1,7 milliard d’euros d’ouvertures de crédits portant sur seize missions sur sept font l’objet d’une ouverture supérieure à 100 millions d’euros. Parmi celles-ci, l’indispensable ouverture de crédits, à hauteur de 150 millions d’euros, dans la mission « Cohésion des territoires », pour faire face aux besoins en matière d’hébergement d’urgence hivernale ou encore à la hausse des dépenses des aides personnalisées au logement, les APL.
Je citerai encore le dégel du solde des crédits inscrits dans la réserve de précaution du ministère des armées, à hauteur de 272 millions d’euros.
En revanche, comme l’a très justement relevé le rapporteur général de la commission des finances, nous nous interrogeons sur le rabot à hauteur de 577 millions d’euros des crédits alloués au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », et ce, dans un contexte que nous connaissons et sur lequel je ne reviendrai pas, car nous aborderons le sujet lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2019.
J’évoquerai maintenant les données macroéconomiques. Si la sincérité budgétaire se vérifie par le recentrage du projet de loi de finances rectificative autour d’un faible nombre d’articles – neuf au total –, elle se mesure aussi dans la crédibilité des hypothèses macroéconomiques.
L’objectif d’un déficit public à 2,6 points du PIB, c’est-à-dire en deçà du seuil fatidique des 3 %, est confirmé. Les prévisions initiales de croissance à 1,7 % sont également maintenues ; nous espérons bien entendu que ce taux pourra être atteint. Le niveau des dépenses pilotables de l’État est réduit à hauteur de 600 millions d’euros, ce dont nous nous réjouissons.
Toutefois, le déficit budgétaire s’établit à 80 milliards d’euros, en hausse de 12,3 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2017 – un niveau tout de même inquiétant, notamment au regard des nuages conjoncturels qui s’amoncellent. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Je veux cependant, à ce propos, insister sur le fait que la prévision de déficit est désormais inférieure de 5,7 milliards d’euros à celle qui était initialement prévue : 80 milliards d’euros contre les 85,7 milliards d’euros qui étaient prévus.
Nous le savons, à l’avenir, nous devrons faire mieux. Tel sera l’un des objets du débat de jeudi prochain. L’enjeu n’est pas mince et l’équilibre à trouver est toujours délicat : il faut assainir nos finances publiques au bénéfice des générations futures sans pénaliser aujourd’hui les plus fragiles de nos concitoyens.
Je tiens enfin à souligner la traduction à l’article 8 du projet de loi de finances rectificative de l’article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui a été inséré sur l’initiative de la commission des finances du Sénat.
Cette disposition procède de la même logique : redonner toute sa portée à l’autorisation et au contrôle parlementaires. En remettant en cohérence les plafonds d’emplois et les crédits de masse salariale votés en loi de finances initiale, elle en améliore la sincérité et l’effectivité. Dès l’année 2018, les plafonds d’emplois des ministères et des budgets annexes sont ainsi abaissés de 10 805 équivalents temps plein travaillé.
Sur ce projet de loi de finances rectificative pour 2018, la majorité des membres du groupe Union Centriste a fait le choix de l’abstention, pour des raisons de cohérence au regard de sa position lors de l’examen de la loi de finances initiale.
Toutefois, à titre personnel, comme d’autres collègues de mon groupe, je voterai ce texte. En effet, nous tenons à insister sur l’effort de sincérité, donc de crédibilité, accompli par le Gouvernement dans la conduite de l’exercice budgétaire 2018. Nous ne pouvons que vous encourager à poursuivre dans cette voie, monsieur le ministre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Michel Canevet applaudit également.)