M. Guillaume Arnell. Néanmoins, vous avez consenti un effort important en acceptant le principe du rééchelonnement de la hausse sur six ans au lieu de quatre, et je ne peux que saluer ce geste.
Un autre sujet me tient tout particulièrement à cœur : c’est celui des médecins intérimaires. Dans mon île, comme dans beaucoup de territoires ruraux ou insulaires, le manque de praticiens contraint les établissements à se livrer à une véritable surenchère pour recruter ces intérimaires, dont certains ne se gênent pas pour faire monter les enchères. Je connais votre implication sur ce sujet et je souhaite, comme vous, que nous avancions ensemble. Je pense, à l’instar de ma collègue Véronique Guillotin, qu’une conférence des agences régionales de santé, les ARS, serait nécessaire pour garantir la cohérence de l’action publique.
Quelques mots enfin sur la disposition introduite par notre rapporteur relative à l’assurance vieillesse : si certains d’entre nous reconnaissent que le report de l’âge légal de départ à la retraite semble inéluctable, il est pour le moins prématuré et inopportun de débattre de cette question au détour d’un amendement dans le cadre du PLFSS, alors que le Haut-Commissaire, M. Jean-Paul Delevoye, mène une concertation depuis plusieurs mois en vue d’une réforme systémique.
Madame la ministre, nous aurions tellement souhaité vous accompagner jusqu’au bout, mais trop de sujets nous séparent encore. Aussi, la majorité du groupe du RDSE s’abstiendra sur le PLFSS pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. François Patriat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors de la dernière élection présidentielle, je n’ai pas appelé à voter pour le candidat Macron et je n’ai pas voté pour lui. (Exclamations sur les travées du groupe La République En Marche.) Contrairement à d’autres parlementaires, je suis donc parfaitement clair et cohérent lorsque je dénonce l’accumulation de mesures injustes et démagogiques.
La suppression de la taxe d’habitation est le symbole même de la démagogie (M. David Assouline s’exclame.) puisque, pour compenser la perte de recettes, on augmente par ailleurs d’autres impôts. De même, de nombreux arbitrages se traduisent par une injustice tout à fait insupportable. En particulier, les personnes âgées sont victimes d’un véritable matraquage fiscal.
Les retraités sont délibérément ciblés par une augmentation de 3 % de la CSG et par le gel de leurs pensions. On prévoit de plus une augmentation de 9 % de leurs cotisations aux mutuelles en contrepartie de la future prise en charge des soins dentaires et des lunettes.
M. Martin Lévrier. C’est faux !
M. Jean Louis Masson. Enfin, M. Delevoye a confirmé officiellement devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale que le Gouvernement allait imposer un abattement de moitié sur certaines pensions de réversion des veuves. (M. François Patriat s’exclame.)
C’est cela la justice sociale selon M. Macron et son gouvernement ! C’est une honte, car la France d’aujourd’hui a été bâtie grâce aux actuels retraités qui, eux, ont travaillé 40 heures par semaine dès l’âge de 14 ans et sans bénéficier ni de RTT ni de cinq semaines de congés payés.
Après toute une vie de labeur, certains retraités touchent actuellement nettement moins que ce que l’État dépense pour les flux massifs d’immigrés qui viennent pomper nos finances publiques…
M. Jean Louis Masson. … sans avoir jamais rien fait pour la France. (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Une veuve d’agriculteur ne perçoit même pas la moitié de ce qui est consacré à chaque immigré. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. Mensonge !
M. Jean Louis Masson. Pire encore, les petits retraités qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts payent malgré tout le ticket modérateur lorsqu’ils sont malades. Faute de ressources, il leur arrive même de renoncer à se soigner. Les immigrés bénéficient, eux, de l’aide médicale de l’État à 100 %. (Mme Patricia Schillinger s’exclame.) Ils ne payent strictement rien, y compris pour les dents, pour les lunettes et pour les médicaments. (C’est terminé ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean Louis Masson. Pour couronner le tout, à l’Élysée et au sein du Gouvernement, on se moque de nos concitoyens…
M. le président. Il faut conclure.
M. Jean Louis Masson. … en affirmant que le pouvoir d’achat des Français s’améliore. (Des sénateurs du groupe socialiste et républicain, ainsi que Mme Patricia Schillinger et M. Julien Bargeton frappent sur leur pupitre.) Ils n’ont qu’à aller voir les retraités et leur demander s’ils pensent que leur pouvoir d’achat a augmenté !
M. le président. Concluez !
M. Jean Louis Masson. Pour toutes ces raisons, je voterai sans aucune hésitation contre ce projet de loi. (Mme Claudine Kauffmann et M. Stéphane Ravier applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, année après année, le groupe Union Centriste appelle de ses vœux le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale : c’est une question de crédibilité et de respect des générations futures.
En recevant le PLFSS pour 2019, notre a priori fut bon. Pour la première fois en dix-huit ans, le budget était équilibré. Qui plus est, il était même excédentaire de 700 millions d’euros. Le groupe Union Centriste avait donc vocation à exprimer sa satisfaction. C’eut été sans la présence de plusieurs mesures irritantes, heureusement gommées par les travaux du Sénat ; j’y reviendrai.
Je commencerai par signaler ce qui, à nos yeux, va dans le bon sens.
Nous saluons l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires, prévue à l’article 7, et espérons que cela se traduira par une amélioration du pouvoir d’achat.
L’article 8 prévoit la transformation du CICE et du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, en baisses de charges pérennes. Nous soutenons cette mesure.
Concernant l’offre de soins, le plan « Ma santé 2022 », dont les premières mesures sont financées dans ce PLFSS, replace le patient au cœur du système, ce qui est essentiel.
Je salue également l’avancée que constituent le reste à charge zéro prévu à l’article 33 et l’amplification de la portée du dispositif d’expérimentations en santé à l’article 29.
S’agissant de la branche famille, qui est mon domaine de prédilection, les mesures sont peu nombreuses – je le regrette – et ont été approuvées par le Sénat. Cependant, j’appelle l’attention du Gouvernement sur la prime à la naissance dont le versement avant la naissance relèverait du bon sens. Enfin, l’attribution des allocations familiales dès le premier enfant devrait faire l’objet d’un débat approfondi.
Madame la ministre, plusieurs points nous ont malheureusement fait déchanter.
En ce qui concerne les agriculteurs, l’article 8 prévoyait la fin des allégements de cotisations spécifiques dont sont bénéficiaires actuellement les exploitants agricoles employant de la main-d’œuvre saisonnière. Le Sénat a préservé ces exonérations. (Très bien ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Augmenter les coûts de main-d’œuvre aujourd’hui pour certaines filières agricoles reviendrait à les condamner demain.
Mme Sophie Primas. Bien !
Mme Élisabeth Doineau. Mais surtout présenter un budget à l’équilibre n’est pas d’une difficulté insurmontable dès lors que votre gouvernement instaure « une moindre revalorisation des prestations sociales pour les deux prochaines années ». Cet euphémisme gouvernemental se traduit par une hausse de 0,3 % lorsque l’inflation est à 1,6 %. En français, cela s’appelle une désindexation. Elle produira 3,2 milliards d’euros d’économies.
Je vous le disais, équilibrer un budget n’est pas si difficile, sauf pour le pouvoir d’achat des Français. Après avoir déjà contribué à hauteur de presque 1,5 milliard d’euros sous le quinquennat précédent, les familles y seront de leur poche l’année prochaine pour 260 millions d’euros. Ces rabotages successifs ont des conséquences non négligeables.
Quant aux retraités, après la CSG l’an passé, cette année encore le Gouvernement ne les a pas oubliés puisqu’ils seront les plus gros contributeurs à l’équilibre du budget.
Mes chers collègues, donnons un peu de réalité à cette désindexation. Un retraité touche en moyenne une pension de 1 376 euros brut. Avec la désindexation, il touchera 4 euros de plus par mois au lieu de 22 euros, soit une perte de plus de 200 euros de pouvoir d’achat sur l’ensemble de l’année. Cette mesure concentre les critiques. Les Français ne peuvent pas comprendre pourquoi « on s’en prend toujours aux mêmes ».
Évoquons le contexte avec un peu de « en même temps » cher au cœur du Gouvernement.
Le prix du fioul a augmenté de 30 % en un an. Certes, le Gouvernement n’est pas responsable de l’augmentation du prix du pétrole. En revanche, il l’est lorsqu’il accélère l’augmentation des taxes applicables.
N’oublions pas en effet que le Gouvernement faisait adopter, dans la loi de finances pour 2018, une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, pour le 1er janvier 2019. En somme, un nouveau coup de massue qui arrivera juste après Noël !
Je rappelle que la TICPE devrait rapporter 17 milliards d’euros de recettes à l’État l’an prochain, contre 10 milliards d’euros en 2017.
Mes chers collègues, voilà donc ce nouveau monde dans lequel on ponctionne sans hésitation dans le pouvoir d’achat des Français (M. François Patriat s’exclame.), notamment des retraités, tout en augmentant en même temps le coût de la vie. C’est pourquoi notre assemblée ne peut pas vous suivre dans cette approche humainement non équilibrée.
Ainsi, la majorité sénatoriale a adopté trois amendements majeurs.
Le premier rejette la sous-revalorisation des prestations sociales.
Le deuxième prévoit le recul progressif de l’âge minimum légal de départ à la retraite à 63 ans à compter du 1er mai 2020.
Quand bien même une future réforme des retraites est annoncée pour l’an prochain, l’augmentation de l’espérance de vie des Français obligera, en tout état de cause, à travailler plus longtemps. Nous n’avons donc adopté qu’une évidence, sauf à ce que le Gouvernement privilégie une baisse des pensions. Je lui laisse l’expliquer à nos concitoyens.
Le troisième amendement prévoit un prélèvement exceptionnel sur les organismes complémentaires d’assurance maladie. La Cour des comptes avait mis en avant, dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2016, des frais de gestion des organismes complémentaires selon nous très élevés, probablement trop élevés. Ainsi, ce prélèvement de 1 milliard d’euros ne saurait être répercuté sur les affiliés.
Du fait des recettes ainsi produites, ces amendements permettront de financer le maintien du pouvoir d’achat des retraités et des familles.
Madame la ministre, avant de conclure, je souhaitais mettre en perspective la politique de votre gouvernement avec la grogne sociale incarnée par les « gilets jaunes ».
De plus en plus de nos concitoyens estiment être les seuls contributeurs à l’effort demandé par le Gouvernement. Votre hiérarchisation consistant à favoriser les créations d’emploi et à accélérer la transition énergétique n’est pas audible. Les retraités ont le sentiment d’être stigmatisés, les familles s’interrogent, les automobilistes sont excédés.
L’égalité face aux efforts demandés n’est pas perçue, l’équité encore moins. On ne peut qu’entendre et comprendre la grogne qui monte. Ce coup de canif dans la cohésion sociale risque à terme de déstabiliser l’équilibre de nos institutions.
Pour le moment, le groupe Union Centriste votera ce PLFSS modifié par le Sénat, mais nous vous exhortons à ne pas pousser trop nos concitoyens à la désespérance. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Emmanuel Capus et Alain Fouché applaudissent également.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis 2001, nous souhaitons un retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Le PLFSS pour 2019 prévoit un léger excédent, c’est une satisfaction pour la France et pour nos enfants, car parallèlement la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, se désendette, ainsi que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS. L’ensemble sera vraisemblablement remboursé en 2024.
La branche maladie représente 50 % du budget du régime général. Nous soutenons les objectifs – le financement pour l’investissement, la qualité et la pertinence des soins à l’hôpital, la fin du « tout T2A » – tout en connaissant les difficultés actuelles des établissements de santé.
Nous soutenons l’accès à l’innovation thérapeutique et le financement forfaitaire pour le diabète et l’insuffisance rénale chronique, que vous proposez, madame le ministre, d’étendre au privé en 2020.
Nous soutenons aussi l’amélioration de la coordination ville-hôpital grâce au numérique et le financement d’une forte politique de prévention – je pense notamment aux douze vaccinations, dont le papillomavirus, à la lutte contre les addictions, au renforcement du suivi médical et à l’implication des pharmaciens –, ainsi que le renforcement des urgences et de la psychiatrie.
Le plan « Santé 2022 » présenté par le Président de la République devrait désengorger les urgences et améliorer l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire avec ses cinq projets prioritaires : les assistants médicaux, les communautés professionnelles territoriales de santé, ou CPTS, les médecins à exercice partagé, la fin du numerus clausus et les hôpitaux de proximité.
Tout cela est bien accueilli par les professionnels de santé en termes de diagnostic et d’objectifs. Nous espérons que les financements suivront.
Je rejoins Mme le rapporteur pour l’assurance maladie sur plusieurs points : tout d’abord, les difficultés qu’entraînent les économies sur les produits de santé et l’ambulatoire, car nous arrivons à des coûts incompressibles, notamment en ce qui concerne le personnel ; ensuite, le financement à la qualité qu’il est souhaitable de réaliser, mais sans pénalité ; enfin, le maintien de la mention « non substituable » sur les ordonnances et la poursuite de la concertation sur le développement des médicaments hybrides. Dernier point, l’exonération partielle des cotisations sociales des médecins retraités va dans le bon sens.
Nous sommes favorables aux propositions visant à favoriser l’accès aux soins des personnes défavorisées. Ainsi, l’article 34 du texte prévoit la fusion entre la CMU-C et l’ACS, ce qui permettra une meilleure prise en charge des plus vulnérables – je rappelle qu’aujourd’hui 65 % des ayants droit ne recourent pas à l’ACS. Je citerai également le remboursement à 100 % de l’optique, du dentaire et de l’audition et la revalorisation de l’AAH et du minimum vieillesse.
Nous soutenons aussi les aides, fortes, en faveur de l’emploi et de la compétitivité des entreprises : le CICE 2018 versé en 2019, la transformation de ce crédit d’impôt en baisse de charges pérenne et l’exonération pour les aides à domicile.
Dans ce chapitre, nous avons soutenu les amendements pour le maintien de l’exonération des travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi, les TO-DE, jusqu’à 1,25 SMIC, ainsi que l’allégement de cotisations pour les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires et la suppression du plafond des chèques-vacances.
Nous sommes favorables à l’exonération des heures supplémentaires – c’est une bonne mesure pour le pouvoir d’achat et les entreprises – et aux autres exonérations décidées par le Gouvernement qui valorisent le travail, mais à condition que toutes ces sommes, 1,3 milliard d’euros, soient compensées par l’État. Nous avons décidé d’affecter ces montants aux retraites et familles.
Sur le plan médico-social, vous souhaitez, madame la ministre, améliorer le maintien à domicile des personnes âgées et renforcer les aides attribuées aux EHPAD. Les sommes prévues seront insuffisantes pour combler les manques de personnel, en particulier en termes d’aides-soignantes et d’infirmières de jour. Or ces professionnelles sont indispensables pour une prise en charge décente des pensionnaires. Comme l’indique le rapporteur, le prix de journée reste trop élevé et le forfait soins insuffisant.
Nous sommes aussi favorables à l’amendement visant à autoriser la prescription par un médecin coordinateur, tout en conservant le principe d’un médecin traitant pour le pensionnaire.
Concernant le handicap, le plan de détection des troubles du neuro-développement va dans le bon sens et leur prise en charge par la sécurité sociale est une avancée importante pour les familles qui ne peuvent pas payer les intervenants.
Des progrès restent à faire pour augmenter les places d’hébergement destinées aux personnes handicapées, favoriser leur inclusion et mieux s’occuper des personnes handicapées vieillissantes.
S’agissant des branches retraite et famille, nous sommes défavorables à la faible revalorisation des pensions de retraite, fixée à 0,3 % par le Gouvernement. Nous ne pouvons pas faire porter cet effort budgétaire sur les retraités, déjà impactés par la hausse de la CSG, et sur les plus vulnérables.
Nous avions proposé un amendement demandant à l’État de compenser réellement les décisions qu’il prend en matière d’exonérations, ce qui permettait la revalorisation des retraites et le financement de la branche famille à hauteur de 1 %. Cela nous semblait constituer un bon équilibre. En outre, cette disposition était en lien avec la mise en place d’un filet de sécurité pour les personnes qui touchent de petites retraites.
D’ailleurs, cette mesure est proche du texte que nous sommes amenés à examiner aujourd’hui et nous avons voté, en séance, l’amendement de revalorisation des retraites présenté par la commission. En revanche, nous nous sommes abstenus sur le report de l’âge de départ à la retraite ; c’est une mesure qui sera peut-être – sûrement ? – envisagée, mais qui nécessite, à notre sens, un débat public.
Madame la ministre, à l’exception de ce point de divergence, nous sommes d’accord sur la quasi-totalité du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et du plan de santé présenté par le Gouvernement, mais nous ne souhaitons pas opposer les actifs et les retraités.
Nous saluons le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale et les objectifs d’amélioration des conditions de soins dans les territoires, à l’hôpital et pour les plus défavorisés, mais à condition que cet équilibre témoigne d’une répartition des efforts raisonnable, équitable et juste. Nous pensions avoir proposé un tel équilibre, sans pour autant décaler, à ce stade, l’âge de départ à la retraite – il est vraisemblable qu’une telle mesure sera adoptée, mais cela ne peut se faire qu’après débats et concertations.
En conclusion, la majorité du groupe Les Indépendants s’abstiendra sur le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Jocelyne Guidez applaudissent également.)
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme toujours, nos débats ont été passionnés et passionnants ! Ils ont mis en exergue nos différences avec le Gouvernement sur des sujets que nous estimons essentiels.
Le tout premier d’entre eux est celui du bouleversement du financement de la sécurité sociale qui est particulièrement prégnant dans ce texte. À travers la politique économique du Gouvernement, les sources de recettes de la sécurité sociale sont profondément modifiées. Ce sont notamment les effets de la suppression des cotisations sociales d’assurance maladie pour les salariés et des baisses de charges patronales en remplacement du CICE.
Il faut que vous ayez en tête, mes chers collègues, qu’en 2019 les recettes de la sécurité sociale seront assurées à hauteur de 52 % par des cotisations et 45 % par des recettes fiscales, en particulier la CSG. Ces chiffres, s’ils peuvent apparaître à beaucoup d’entre vous techniques, voire accessoires, sont au contraire véritablement politiques.
Le régime assurantiel, dont le principe est de cotiser selon ses moyens et de recevoir selon ses besoins, est totalement remis en cause pour être remplacé par un régime universel, dans lequel les recettes de la sécurité sociale seront assurées par des mesures fiscales.
Au-delà des débats propres au projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous estimons que, compte tenu de cette évolution, nous ne pouvons pas nous contenter de débats partiels. Cette question mérite un vrai et grand débat national, par exemple à travers l’organisation d’États généraux de la sécurité sociale.
Autre point essentiel, sur lequel le Sénat s’est retrouvé à la quasi-unanimité : le matraquage des retraités et des familles qui, une fois de plus, sont pris pour cibles par le Gouvernement.
Certes, un geste a été fait pour quelque 300 000 retraités, en évitant qu’ils ne subissent brutalement le taux plein de la CSG, mais dans le même temps le Gouvernement propose le quasi-gel des pensions de retraite. Des études ont clairement montré que la sous-revalorisation des pensions de 0,3 %, cumulée à d’autres mesures prises – hausse de la CSG, diminution des aides au logement… –, entraîne 79 % de perdants et 21 % de gagnants.
Du côté des familles, c’est la même injustice. Le gouvernement précédent a remis en cause l’universalité de la politique familiale avec notamment la modulation des allocations et la baisse des montants de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Vous avez non seulement continué cette politique, mais vous l’avez accentuée avec une nouvelle baisse de la PAJE, décidée en 2018.
Nous estimons que les efforts demandés aux familles pour participer au redressement des comptes sociaux sont d’autant plus préoccupants qu’ils s’inscrivent dans un contexte de baisse de la natalité, phénomène analysé par notre collègue Élisabeth Doineau dans son rapport.
Pour financer la revalorisation des prestations familiales et des pensions, le Sénat a pris ses responsabilités et, n’en déplaise au ministre de l’action et des comptes publics, M. Darmanin, nous ne sommes pas « hypocrites ».
J’ai eu l’occasion de le dire, vendredi dernier, lorsque nous avons terminé l’examen des amendements : je n’ai pas apprécié son intervention sur une chaîne d’information continue, le matin même, où il a parlé de « l’hypocrisie du Sénat ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Le ministre évoquait la mesure que nous avons adoptée pour les organismes complémentaires d’assurance maladie, les OCAM. Sur l’initiative du rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, et avec notre total soutien, nous avons prélevé, à titre exceptionnel, 1 milliard d’euros sur ces organismes.
Depuis des années, tous les acteurs de la santé ont fait des efforts : les professionnels, les hôpitaux, les cliniques, l’industrie pharmaceutique. Ce n’est pas le cas des complémentaires santé. C’est la raison pour laquelle le Sénat a voté une contribution exceptionnelle à leur charge.
Cette contribution est d’ailleurs l’occasion de mettre le doigt sur une gestion qui est loin d’être exemplaire. Alors que les frais de gestion de la sécurité sociale s’élèvent à 4,5 %, ceux des complémentaires santé sont en moyenne de 20 % à 25 % et peuvent aller jusqu’à 42 % ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Ainsi, l’assuré qui verse 100 euros à la sécurité sociale récupère 95,5 euros et seulement 58 euros avec certains organismes complémentaires. (C’est une honte ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) C’est l’assuré qui est lésé.
Ce phénomène a été signalé par la Cour des comptes en 2016. La Cour déplorait que les OCAM aient dépensé 7,2 milliards d’euros en frais de gestion, dont près de 3 milliards en simples frais de publicité et de communication dans le but d’obtenir de nouveaux clients – je voudrais d’ailleurs dire à M. Daudigny que, en enlevant 1 milliard sur 3 milliards, il en restera 2… Les OCAM sont donc tout à fait en mesure de ne pas augmenter les cotisations ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Depuis 2010, leurs frais de gestion ont explosé de plus de 30 %, relève la dernière enquête de l’UFC-Que choisir. Ils représentent à eux seuls 36 % de la hausse des cotisations des OCAM depuis 2010.
Par ailleurs, au-delà de leurs obligations prudentielles, les complémentaires santé ont 50 milliards d’euros en réserve. Une contribution de 1 milliard d’euros est donc à leur portée, sans que cela entraîne une augmentation des cotisations des assurés. C’est un geste de solidarité qui leur est demandé par le Sénat, rien d’autre !
Enfin, je rappelle que cette mesure, votée par la majorité sénatoriale, découle simplement de la décision du Gouvernement d’amputer de plus de 3 milliards d’euros le pouvoir d’achat des retraités et des familles. (Eh oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il n’y a pas non plus d’hypocrisie de la part du Sénat lorsque nous décidons de reculer l’âge de départ à la retraite de 62 à 63 ans en mai 2020. Je tiens à rappeler à ceux qui ont critiqué cette mesure que, dès le 1er janvier 2019, les salariés seront déjà amenés à partir à la retraite à 63 ans au plus tôt s’ils ne veulent pas subir une baisse du montant de leur retraite complémentaire AGIRC–ARRCO. (M. Marc-Philippe Daubresse et Mme Catherine Troendlé opinent. – MM. René-Paul Savary et Bruno Retailleau, ainsi que Mme Dominique Estrosi Sassone applaudissent.)
Nous disons tout simplement aux Français que le seul moyen d’avoir une retraite décente passera par un allongement de la durée du travail. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Madame la ministre, si nous voulons redonner confiance aux Français, il faut leur dire la vérité.
Pour équilibrer notre système de retraite par répartition, comme l’a démontré notre collègue René-Paul Savary, trois leviers peuvent être utilisés. Le premier, c’est le taux de cotisations patronales et salariales, aujourd’hui fixé à 28 %, un taux déjà élevé. Le deuxième, c’est l’âge de départ à la retraite ; tous les pays européens l’ont relevé. Le troisième, c’est le niveau des pensions. Nos concitoyens devront-ils vivre plus longtemps avec des retraites encore plus basses ? Madame la ministre, voulez-vous qu’à terme les retraités n’aient plus les moyens de maintenir leur niveau de vie ?