M. Éric Bocquet. Si la question de la taxation du carburant pour les avions relève, on le sait, d’une négociation internationale pour ce qui concerne les vols internationaux, rien n’empêche le législateur d’instaurer un régime normal pour les vols intérieurs.
En effet, l’avion est aujourd’hui le mode de transport qui émet le plus de C02 par passager transporté. Il serait d’autant plus logique de le taxer que le transport ferroviaire avait été identifié, lors du Grenelle de l’environnement, comme étant le mode de transport le plus adapté aux déplacements sur le territoire métropolitain.
C’est d’autant plus vrai que la SNCF a développé son réseau TGV et accompli des efforts pour moderniser son parc d’automotrices, en renonçant, par exemple, à la traction diesel au profit de rames plus fonctionnelles et moins gourmandes en énergie.
Les passagers des vols intérieurs métropolitains, hors liaisons soumises aux obligations de service public, appartiennent majoritairement aux catégories socio-professionnelles élevées. Ils sont donc peu sensibles au fameux « signal prix » qui motive en général toute taxation à visée écologique. La mesure n’aura par conséquent que très peu d’incidence sur la fréquentation des lignes et, partant, sur l’emploi.
Il s’agit de rétablir une fiscalité plus conforme aux objectifs de lutte contre le changement climatique, réaffirmés entre autres lors de la COP21 il y a trois ans.
Il s’agit aussi, indirectement, d’orienter les transports de personnes ou de marchandises en priorité vers des modes plus sobres et d’amener les motoristes aéronautiques à poursuivre leurs recherches, afin de concevoir à l’avenir des avions plus économes en carburant, si c’est possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas la première fois, mes chers collègues, que ces dispositions sont proposées ; vous les connaissez. Les vols internationaux étant exonérés par les conventions internationales, notamment par la convention de Chicago, cet amendement ne vise que les vols intérieurs, ce dont je me félicite.
Je dois dire tout d’abord que j’ai l’impression que certains de nos collègues ne vivent pas dans le même monde que les autres, n’est-ce pas, monsieur Mézard ? (M. Jacques Mézard fait un signe d’approbation.) On nous parle du train. Mais encore faudrait-il…
M. Roger Karoutchi. Qu’il y en ait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … qu’il y en ait, en effet.
Certaines villes et certaines régions de France, qui comptent des entreprises représentant un certain nombre d’emplois, ne sont malheureusement desservies à peu près correctement que par l’avion.
En outre, ces lignes sont également essentielles pour les familles. Si vous preniez l’avion un vendredi ou un dimanche soir, vous verriez que de nombreux enfants voyagent seuls ces soirs-là, parce que leurs parents sont divorcés. C’est le seul moyen pour eux de voyager ; c’est une réalité.
Malheureusement, il n’existe pas aujourd’hui de solution de substitution à l’avion dans de nombreux endroits, du fait de l’affaiblissement d’un certain nombre de petites lignes ferroviaires. On peut le regretter, mais c’est un fait.
L’adoption de ces amendements entraînerait la disparition de lignes qui ne sont d’ores et déjà pas à l’équilibre. Or vous savez à quel point elles ont besoin de subventions d’équilibre. Et vous en connaissez le coût pour le budget des collectivités et de l’État.
De manière plus sérieuse, lors des Assises du transport aérien, dans le cadre desquelles Vincent Capo-Canellas a dirigé un travail, un constat a fait l’unanimité, à la fois chez les communistes, qui soutiennent parfois les combats des syndicats d’Air France, mais également au sein de la direction et des syndicats de cette compagnie : tous ont considéré que la compagnie nationale était soumise à un niveau de taxes beaucoup plus élevé que ses concurrents.
Compte tenu du nombre de taxes pesant sur le transport aérien – taxe aéroportuaire, taxe de sûreté, taxe de trafic, taxe de solidarité sur les billets d’avion, etc. –, leur montant dépasse très souvent le prix du billet lui-même. Nous reparlerons de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, que je m’évertue à ramener à un niveau correct ; le Gouvernement fera d’ailleurs peut-être des propositions en ce sens. L’ensemble des taxes sur l’aérien dépasse largement les 60 % de TICPE pesant sur beaucoup d’autres carburants.
Évidemment, les taxes sur l’aérien ne sont pas identiques à la fiscalité sur le carburant. Elles sont différentes, mais elles pèsent sur le consommateur et aussi largement sur les compagnies aériennes. Je le répète, le constat est unanime : alors que la situation d’Air France est fragile, le niveau de fiscalité auquel est soumise cette compagnie est sans commune mesure avec celui de ses concurrents.
L’impact de cet amendement a été chiffré : cette taxation coûterait 250 millions d’euros par an à Air France. Pour le coup, il y aurait beaucoup moins d’émissions puisqu’il n’y aurait plus d’avions !
M. Ronan Dantec. Mais non !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. L’avis du Gouvernement rejoint celui du rapporteur général.
Cet amendement poserait des difficultés en termes de facilités de desserte de certaines destinations. Pour ne prendre qu’un seul exemple, le Paris-Aurillac, que j’ai emprunté plusieurs fois, me semble difficile à remplacer.
M. Jacques Mézard. Très bon exemple ! (Sourires.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. En termes de compétitivité, ensuite, l’adoption de cet amendement emporterait une difficulté très lourde pour la compagnie Air France, alors que celle-ci traverse déjà un certain nombre…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. De turbulences !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. … de turbulences, en effet ! Vous m’ôtez le mot de la bouche, monsieur le rapporteur général. Air France emploie tout de même 40 000 personnes, pour la partie Air France pure.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Il se trouve que j’ai le plaisir de présider le groupe d’études Aviation civile du Sénat. Dans ce cadre, j’ai reçu voilà quelques jours, avec les collègues de tous les horizons qui font partie de ce groupe, Alexandre de Juniac, le directeur général de l’AITA, l’Association internationale du transport aérien. Nous avons longuement évoqué avec lui la question des émissions du transport aérien.
Cette question est dans le débat public, et il faut la regarder en face. Elle présente les apparences de la logique, je le concède. Après tout, on paie bien des taxes quand on fait le plein de sa voiture, pourquoi n’en paierait-on pas quand on fait le plein d’un avion ? Cela étant, un certain nombre d’éléments doivent être considérés.
Tout d’abord, la consommation de carburant par passager transporté et les émissions de CO2 associées ont été réduites de l’ordre de 70 % à 80 % au cours des dernières décennies. Des progrès restent à faire, certes, mais les compagnies aériennes et les motoristes font de ce point de vue un travail considérable. Ils n’en sont d’ailleurs pas encore au bout.
Je rappelle également que l’aviation civile s’est engagée à l’échelle internationale, dans le cadre de l’OSCI, l’Organisation de l’aviation civile internationale, en charge de ce type de régulation, à réduire de 50 % d’ici à 2050 par rapport au niveau de 2005 l’ensemble de ses émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’un engagement volontaire de cette industrie ; il faut l’entendre. En outre, elle s’est engagée à accroître l’efficacité énergétique moyenne de 1,5 % par an de 2009 à 2020.
Ces chiffres – je pourrais en citer d’autres – témoignent de la volonté de l’industrie du transport aérien de rendre les déplacements en avion acceptables du point de vue environnemental.
J’indique également, comme l’a fait le rapporteur général, que l’impact de cet amendement serait considérable pour Air France, car il vise les vols intérieurs. Selon un rapide chiffrage, effectué à partir d’une extrapolation, le coût potentiel de cette taxation représenterait 250 millions d’euros pour la seule compagnie Air France, et uniquement pour les vols intérieurs – essentiellement ceux de sa filiale Hop !, qui dessert nos territoires –, soit 300 millions d’euros pour le pavillon français. L’enjeu est majeur.
Mes chers collègues, vous connaissez la situation d’Air France. Cette somme représente cinq fois le coût des mesures salariales qui viennent d’être décidées. Mettre en place cette taxation sur les vols intérieurs conduirait assurément à placer la compagnie dans une situation extrêmement difficile.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Vincent Capo-Canellas. On en arriverait à un paradoxe : on faciliterait la situation des compagnies étrangères, qui pourraient « refiouler » avant d’arriver chez nous et se charger plus en kérosène, consommer plus, au détriment des compagnies françaises, qui n’iraient pas, elles, faire le plein à l’étranger !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Corsia, le système proposé par l’AITA, est un système volontaire reposant totalement sur l’huile de palme. Concrètement, pour essayer de réduire les émissions du transport aérien, on déforeste massivement ! Alors qu’il n’y a déjà plus d’huile de palme pour les bio-carburants des voitures et du secteur alimentaire, on en ajouterait pour la moitié des émissions du secteur du transport aérien ? C’est une fable totale, à laquelle on ne peut pas sérieusement croire ! Fin de cette première parenthèse.
Ensuite, je pense qu’il ne faut pas mésestimer la colère de nos concitoyens. L’un des fondements de notre grand pays républicain, et l’une de ses valeurs essentielles, est l’égalité. À ce titre, l’égalité dans les transports est extrêmement importante. Ne mettons pas en avant la ligne Brive-la-Gaillarde-Paris pour préserver ceux qui préfèrent prendre l’avion plutôt que le train pour faire Bordeaux-Paris. (Exclamations sur diverses travées.)
M. Vincent Capo-Canellas. Ils sont de moins en moins nombreux !
M. Ronan Dantec. Et ils sont encore nombreux !
Il faut mettre en place des mesures beaucoup plus volontaristes en termes d’aménagement du territoire. Pour ma part, je me suis beaucoup engagé en ce sens depuis plusieurs années. Pour accroître l’égalité entre les territoires, y compris là où des lignes aériennes sont nécessaires, il faut des recettes. Cette question ne fait pas débat entre nous. Sur le reste, on ne peut pas en rester à cette inégalité, il faut avancer.
Je pense en fait que nous ne sommes plus très loin aujourd’hui de la taxation du kérosène, à en croire un ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lequel ?
Mme Sophie Primas. Cela change tous les jours !
M. Ronan Dantec. Cela, c’est une autre question, mes chers collègues !
Il n’y a qu’un argument que j’entends : il est vrai qu’un certain nombre d’avions de compagnies low cost arrivent en France avec les réservoirs déjà remplis. La solution serait alors d’adopter l’autre amendement que nous proposons, qui est beaucoup plus simple, car il tend à intégrer également les vols internationaux.
M. Jean-François Husson. Vous ne pensez qu’à taxer toujours plus !
M. Ronan Dantec. Il vise tout simplement à intégrer la taxe Chirac, mise en place par la majorité du Sénat à une autre époque, et à l’indexer sur la contribution carbone-énergie.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Ronan Dantec. L’adoption de cet amendement permettrait de répondre à l’ensemble des questions qui restent posées.
En conclusion, je le répète, il faut plus de recettes si l’on veut plus d’égalité entre les territoires. L’aménagement du territoire a besoin de flux financiers, pour plus d’égalité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à rendre la taxation des carburants plus cohérente. Nous faisons face actuellement à un problème d’acceptabilité des taxations sur les carburants, car le système est tout simplement illogique.
À l’heure où l’on cherche à financer la transition écologique et climatique, le produit de la taxe que vise à instaurer cet amendement permettrait de remettre en état notre système ferroviaire.
Les choses ne peuvent être bien comprises par la population que si elles sont justes.
M. Philippe Dallier. Cela revient à taxer toujours plus !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Mon intervention ira dans le même sens.
Je pense que la situation évolue tout de même, car Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à qui j’ai eu l’occasion de poser cette même question, a tenu un discours un peu différent. Elle considérait en effet qu’il faut réfléchir à cette taxation et aller dans ce sens.
M. Bernard Jomier. Ce n’est pas Bercy !
M. Guillaume Gontard. J’ai senti qu’il y avait une ouverture. Elle nous a même dit qu’il ne fallait pas cesser de l’ennuyer avec cette question. C’est pour cela que je continue !
M. Jean-François Husson. C’est cela, continuez de l’ennuyer ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Gontard. Cela a été dit, si nous voulons que la taxation carbone fonctionne et qu’elle soit comprise, le Gouvernement doit mener une politique juste et cohérente.
Madame la secrétaire d’État, vous l’avez dit, si les vols intérieurs étaient taxés, Air France rencontrerait des difficultés. Néanmoins, il est tout aussi compliqué de taxer les automobilistes qui n’ont d’autre solution pour aller travailler que de prendre leur voiture . Il ne peut y avoir deux poids deux mesures : le fait que le kérosène soit exonéré de taxes est très difficile à expliquer.
On peut instaurer une telle taxation. On nous dit toujours que ce n’est pas possible dans notre pays. Or la Suède l’a fait ! C’est donc que c’est tout à fait possible. Il faut juste un peu de cohérence.
L’avion est tout de même le mode de transport le plus polluant. Prendre l’avion, c’est comme être seul dans un petit camion !
Selon le GIEC, le groupe d’expert inter-gouvernemental sur l’évolution du climat, des actions doivent être menées rapidement, dans les deux ans et demi à venir. La France a là une véritable d’occasion d’agir, d’être en avance et de donner l’exemple aux autres pays lors des négociations internationales.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je partage totalement l’avis du rapporteur général et du Gouvernement. Il faut parler d’aménagement du territoire.
M. Ronan Dantec. Absolument !
M. Jacques Mézard. Dans notre pays, il y a deux sortes de lignes intérieures. Il y a celles qui fonctionnent sans trop de difficultés – Paris-Nice, Paris-Toulouse et quelques autres – et celles que l’on appelle les « lignes d’aménagement du territoire ». Ces dernières fonctionnent cinq jours et demi par semaine et connaissent retards et annulations, alors que le prix d’un aller-retour est compris entre 500 et 600 euros en moyenne, auxquels il faut ajouter l’équivalent en contributions de l’État ou des collectivités. Et l’on vient nous expliquer qu’il faudrait en rajouter ?
Alors que le Gouvernement, semble-t-il, proposerait 15 millions d’euros de plus pour ces lignes, Air France devrait s’acquitter de 250 millions d’euros de taxes ! C’est absolument incohérent. Ce serait catastrophique en termes d’aménagement du territoire.
Je dis à ceux qui ne connaissent pas bien ces territoires… (Exclamations.) Parfaitement, je le maintiens ! Je leur dis que, dans mon territoire, on n’a pratiquement plus de trains, que lorsqu’il y en a, ils mettent quatorze heures pour faire un aller-retour pour rejoindre Paris. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Ronan Dantec. Je sais, je prends le train !
M. Jacques Mézard. Et je ne reviendrai pas sur la limitation à 80 kilomètres par heure, car tout le monde connaît ma position ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Alors que le réseau routier national nécessite des investissements, on ne va pas pénaliser le seul véritable ballon d’oxygène économique que représentent les lignes aériennes pour certaines villes. Dans des villes comme Brive-la-Gaillarde, Castres, Agen, Tarbes ou Aurillac, s’il n’y a plus de ligne aérienne, les entreprises partiront. Telle est la réalité ! Et cela aussi, il faut l’entendre !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-740 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-841 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-558 rectifié, présenté par MM. Capus, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 265 bis du code des douanes est complété un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les gazoles paraffiniques de synthèse et gazoles obtenus par hydrotraitement tels que définis B du IV au l’article 19 de la loi n° … du… de finances pour 2019 comme gazole non routier et dont les caractéristiques sont fixées par l’arrêté du 29 mars 2018 modifiant l’arrêté du 28 février 2017 relatif aux caractéristiques du gazole paraffinique de synthèse et du gazole obtenu par hydrotraitement dénommés gazole XTL, bénéficient lors de leur mise à la consommation d’une réduction de 40 % des taxes intérieures de consommation sur le gazole prévues à l’indice 22 du tableau B du 1 de l’article 265 du présent code, pour les moteurs stationnaires dans les entreprises, les installations et machines utilisées dans la construction, le génie civil et les travaux publics, le transport de passagers sur les voies navigables intérieures, ainsi que les autres véhicules destinés à une utilisation en dehors des voies ouvertes à la circulation publique. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Nous l’avons vu tout à l’heure lors de l’examen de l’article 19, malgré toute notre bonne volonté, les machines-outils, les engins de chantier, les engins de carrière et un certain nombre d’autres véhicules fonctionnant au gazole non routier ne vont pas passer du jour au lendemain à une autre forme d’énergie. Dans la mesure où on ne va pas supprimer d’un coup tous ces engins, il faut utiliser un autre carburant.
Or il existe un carburant alternatif au diesel classique : le gazole paraffinique de synthèse, obtenu par hydrotraitement. Ce gazole est fabriqué artificiellement à partir de gaz. Il présente deux avantages : d’une part, il fonctionne avec les véhicules diesel classiques et ne nécessite pas de changer de véhicule ; d’autre part, il rejette moins de NOx, ou oxydes d’azote, et pas du tout d’oxyde de soufre et de particules fines. Il est donc moins nocif. Cela étant, il n’est pas la panacée, son bilan carbone étant le même.
Durant une phase de transition, tant que nous avons encore des véhicules diesel, nous pourrions utiliser ce type de gazole, afin de protéger l’environnement. S’il n’est pas utilisé aujourd’hui, c’est parce qu’il est beaucoup plus cher que le gazole classique, car il nécessite une fabrication. Il faudrait donc diminuer son coût, afin qu’il soit légèrement inférieur à celui du gazole classique, plus polluant.
Cet amendement vise donc à permettre le développement de cette filière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vais être honnête avec vous : de mémoire, j’ai examiné ces amendements dans la nuit de jeudi, à une heure tardive, sans expert à mes côtés pour m’éclairer sur le caractère plus ou moins nocif du gazole paraffinique de synthèse.
Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur le carburant extraordinaire que défend Emmanuel Capus à l’instant, dont l’inconvénient serait le prix ? S’il est tellement merveilleux, il faut y venir tout de suite !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je vous rejoins, monsieur le sénateur : les gazoles de synthèse ont le même bilan carbone que les gazoles classiques, puisqu’ils sont fabriqués à partir de la même matière première, à savoir le gaz naturel.
M. Emmanuel Capus. Nous sommes d’accord sur ce point.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. En tout état de cause, ils ne constituent pas une solution globale en termes de transition énergétique.
Par ailleurs, d’un point de vue technique, dans le cadre de l’Union européenne, il faudrait pouvoir tracer cette matière spécifique lorsqu’elle est incorporée dans du gazole plus classique.
Compte tenu du caractère limité aujourd’hui de cette production et de son coût assez élevé, ce gazole ne nous paraît pas constituer une réponse, ni en volume ni en qualité, aux questions de transition écologique et énergétique. Il n’est pas une alternative au gazole non routier.
Pour ces raisons, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-558 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° I-196 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Collin, Corbisez, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et M. Roux.
L’amendement n° I-247 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Marseille, Henno, Laugier, Le Nay, Moga et Kern, Mme Billon, M. Luche, Mmes Goy-Chavent, Férat, C. Fournier, de la Provôté, Morin-Desailly et Doineau et M. L. Hervé.
L’amendement n° I-299 rectifié est présenté par M. Cuypers, Mme Primas, M. Bizet, Mmes Chain-Larché et Thomas, M. Pointereau, Mme Lavarde, MM. Calvet et Cardoux, Mme Bories, MM. Schmitz, Buffet et Savary, Mme Puissat, M. Brisson, Mmes M. Mercier et L. Darcos, MM. Lefèvre et Meurant, Mmes Gruny et Dumas, M. Poniatowski, Mme Morhet-Richaud, MM. Revet, de Nicolaÿ, Mayet, Vogel, Pierre et Magras, Mmes Lherbier et A.M. Bertrand, M. B. Fournier, Mme Canayer, MM. Reichardt et Saury, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Longuet, Priou et Gilles et Mme Deromedi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa de l’article 265 sexies du code des douanes, les mots : « à l’indice d’identification 22 » sont remplacés par les mots : « aux indices d’identification 22 et 22 bis ».
II. – Au quatrième alinéa de l’article 265 septies du code des douanes, les mots : « identifié à l’indice 22 et mentionné » sont remplacés par les mots : « identifiés aux indices 22 et 22 bis et mentionnés ».
III. – Au premier alinéa de l’article 265 octies du code des douanes, les mots : « identifié à l’indice 22 et mentionné » sont remplacés par les mots : « identifiés aux indices 22 et 22 bis et mentionnés ».
IV. – Au premier alinéa de l’article 265 A bis du code des douanes, les mots : « à l’indice d’identification 22 » sont remplacés par les mots : « aux indices d’identification 22 et 22 bis ».
V. – Au premier alinéa de l’article 265 A ter du code des douanes, les mots : « à l’indice d’identification 22 » sont remplacés par les mots : « aux indices d’identification 22 et 22 bis ».
VI. – Les IV et V entrent en vigueur à compter du 1er juillet 2019.
VII. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à V est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° I-196 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Les articles 265 sexies, 265 septies et 265 octies du code des douanes prévoient que les exploitants de taxis, les transporteurs routiers de marchandises et les exploitants de transports publics routiers en commun de voyageurs puissent obtenir, sur demande, le remboursement d’une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, applicable au gazole standard de l’indice 22.
Cet amendement vise à obtenir les mêmes conditions pour le B10.
Par ailleurs, il tire également les conséquences de la création du B10 pour ce qui relève de la possibilité prévue pour les conseils régionaux, l’Assemblée de Corse et le Syndicat des transports d’Île-de-France de majorer une fraction du tarif de TICPE. Pour des raisons techniques, cette mesure de régionalisation pourrait s’appliquer à compter du 1er juillet 2019.
Mme la présidente. L’amendement n° I-247 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l’amendement n° I-299 rectifié.
M. Pierre Cuypers. Cette mesure vise à mettre en place une fiscalité incitative pour le B10 qui vient d’être évoqué, ce qui permettra d’accompagner les professionnels de la route dans la transition énergétique et apportera une réponse appropriée à la crise actuelle liée à la hausse de la fiscalité sur les carburants.
Il s’agit d’une simple disposition de cohérence par rapport à un dispositif fiscal existant pour le gazole standard dit B7, tirant ainsi les conséquences de la création du B10.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° I-257 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Marseille, Henno, Laugier, Le Nay, Moga et Kern, Mme Billon, M. Luche, Mmes Goy-Chavent, Férat, C. Fournier, de la Provôté, Morin-Desailly et Doineau et M. L. Hervé.
L’amendement n° I-434 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Collin, Corbisez, Gabouty et Guérini, Mme Laborde et M. Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° L’article 265 sexies est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « à l’indice d’identification 22 » sont remplacés par les mots : « aux indices d’identification 22 et 57 » ;
b) Au début du dernier alinéa, sont insérés les mots : « Pour le gazole repris à l’indice d’indentification 22 et le supercarburant repris à l’indice d’identification 11 du tableau susmentionné, » ;
c) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le gazole repris à l’indice d’identification 57 du même tableau, ce remboursement est calculé en appliquant au volume de carburants acquis dans chaque région ou dans la collectivité de Corse la différence entre le taux de la taxe intérieure de consommation applicable à ce carburant et 6,50 euros par hectolitre. » ;
2° L’article 265 septies est ainsi modifié :
a) Au quatrième alinéa, les mots : « identifié à l’indice 22 et mentionné » sont remplacés par les mots : « identifié aux indices 22 et 57 et mentionné » ;
b) Au septième alinéa, après le mot « hectolitre », sont insérés les mots : « pour le gazole identifié à l’indice 22 du tableau susmentionné ou 9,50 euros par hectolitre pour le gazole identifié à l’indice 57 du tableau susmentionné » ;
3° L’article 265 octies est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « identifié à l’indice 22 et mentionné » sont remplacés par les mots : « identifié aux indices 22 et 57 et mentionné » ;
b) Au quatrième alinéa, après le mot : « hectolitre », sont insérés les mots : « pour le gazole identifié à l’indice 22 du tableau susmentionné ou 8,80 euros par hectolitre pour le gazole identifié à l’indice 57 du tableau susmentionné ».
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-257 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° I-434 rectifié.