Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’abonder les crédits du FISAC pour lui permettre d’atteindre 30 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisation d’engagements, alors que le projet de loi prévoit seulement des crédits de paiement à hauteur de 6,1 millions d’euros et aucune autorisation d’engagement. Sur ces 30 millions, 5 millions d’euros seraient réservés au financement des stations-service indépendantes.
En effet, le maintien du FISAC, doté d’un montant suffisant, est indispensable à l’heure où le Gouvernement entend faire de la redynamisation commerciale une priorité. La situation des stations-service de proximité doit, quant à elle, faire l’objet d’une attention particulière.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-40 rectifié.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Cet amendement vise à rétablir les crédits du FISAC à hauteur de 30 millions d’euros.
Comme cela a été dit précédemment, entre 2010 et 2018, les dotations du FISAC sont passées de 64 millions d’euros à 16 millions d’euros, soit une baisse de 80 %.
Cela a été souligné par mon collègue, ce sujet a fait ici l’an dernier l’objet d’une bataille, tous groupes confondus, pour rétablir ces fonds. Madame la secrétaire d’État, j’entends ce que vous avez dit, mais on ne peut pas aujourd’hui se défausser sur les régions, à un moment où nos territoires ont plus que jamais besoin de vivre en retrouvant potentiellement le commerce de proximité, avec le maintien d’un café, d’un bar, de stations-service de proximité. Beaucoup de petites communes se trouvent aujourd’hui privées, à la faveur de la fusion d’intercommunalités, des avantages fiscaux des ZRR pour les commerces et les entreprises. Plus que jamais ces fonds sont indispensables.
Voilà pourquoi nous avons décidé d’en revenir à notre première proposition à 30 millions d’euros.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° II-251.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement identique a pour objet d’abonder les crédits du FISAC pour atteindre 30 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisations d’engagement, alors que le projet de loi prévoit seulement des crédits de paiement à hauteur de 6,1 millions d’euros et aucune autorisation d’engagement.
Entre 2010 et 2018, la dotation de ce fonds est passée de 64 millions d’euros à 16 millions d’euros, soit une baisse de 80 %. Pourtant, nous sommes nombreux ici et sur toutes les travées à nous accorder à dire que le FISAC est l’un des outils, de moins en moins nombreux, dont disposent encore les élus locaux pour redynamiser les centres-villes et les centres-bourgs.
Cela étant, cette redynamisation doit être globale et exige que l’on mette en place, dans le même temps, d’autres actions, en particulier en ce qui concerne l’habitat et l’accueil de nouvelles populations. Le FISAC existe maintenant depuis près de trente ans et il ne doit pas être un simple outil d’accompagnement de l’austérité dans nos territoires ruraux. Au contraire, il joue un rôle essentiel pour préserver et développer le tissu des entreprises de proximité, qu’elles agissent dans le domaine du commerce, des services ou de l’artisanat. Il participe également pleinement à l’objectif fondamental de lutte contre la désertification commerciale des zones rurales, à laquelle nous sommes ici toutes et tous attachés et il doit être – j’ai même envie de dire : il doit rester – l’un des leviers permettant de faire République, un des leviers permettant de garantir l’égalité républicaine pour tous nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° II-292 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de repli. Je pensais qu’il aurait été examiné après le premier que nous avons déposé. On demande 30 millions d’euros pour le FISAC. Un autre amendement déposé par Mme Espagnac en son nom propre et M. Montaugé prévoit 30 millions en autorisations d’engagement et 30 millions de crédits de paiement. Bien sûr, inutile de vous dire qu’on est plus d’accord pour 60 millions que pour 30 !
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Merci !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Demande de retrait pour l’amendement n° II-293 rectifié et, évidemment, avis favorable sur les quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il s’agit là de l’un des éléments un peu structurants de la mission « Économie ». Je ne développerai pas de nouveau les arguments, car nos positions divergent.
Je tiens simplement à préciser que le FISAC ne nous paraît plus être un outil adapté, compte tenu des montants alloués et de la manière dont il est géré, eu égard aux autres dispositifs qui sont en train d’être mis en place, notamment l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Par ailleurs, il faut aussi tenir compte – cela ne témoigne pas d’une volonté de se désengager, il s’agit tout simplement de la volonté d’éviter les doublons et de fonctionner main dans la main avec les régions – des nouvelles missions économiques des régions.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Madame la secrétaire d’État, je comprends vos arguments de rationalisation : une seule tête, un seul décideur. Nous comprenons bien que vont être mis en place le plan « Action cœur de ville » et les ORT, les opérations de revitalisation du territoire. Mais, vous savez, il y a de petites communes rurales, des communes de petite taille, qui ne veulent pas faire d’ORT. Elles veulent simplement sauver une station-service, un commerce de proximité, une boulangerie, un café, le seul endroit où les gens se retrouvent. Pour cela, elles n’ont pas besoin d’entrer dans la lourdeur du processus d’une opération de revitalisation territoriale.
Je sais bien que cette conception est orthogonale à votre volonté politique : mettre tout dans la même boîte, avec un seul modèle. Mais la France est faite de diversités, elle comprend un très grand nombre de communes de petite taille, avec des équipes relativement modestes, même si elles sont au sein d’une intercommunalité. Il faut donc garder de la flexibilité. Les maires savent parfaitement utiliser le FISAC, y compris dans les petites communes. C’était un soutien très important. Évidemment, 30 millions, ce n’est pas 200 millions, ni 600 millions, ni des milliards, comme on les manie ici dans le budget, mais, pour les maires des petites communes, ce sont des soutiens extrêmement efficaces à des actions extrêmement modestes, mais qui sont structurantes pour notre tissu rural. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez provoqués, mais quelle expérience avez-vous des territoires ? (Mme la secrétaire d’État fait la moue.) Quelle expérience avez-vous de ce que vit un maire lorsqu’il cherche tout simplement à sauver l’économie de son village ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
On nous a déjà supprimé la réserve parlementaire. C’est vrai qu’il s’agit de petites sommes, que le sujet n’est pas très médiatique et que vous avez du mal à nous comprendre quand on vous explique qu’on n’a pas envie que l’on parle de nous. En fait, on n’a qu’une seule envie, c’est de sauver nos territoires et de faire en sorte que nos communes ne soient pas des villages-dortoirs ou des villages avec des friches industrielles et des friches commerciales.
Heureusement que les petites communes avaient plusieurs cordes à leur arc ! Vous l’avez dit vous-même, madame la secrétaire d’État, on ne peut pas se défausser sur les régions. Vous savez très bien que les régions sont courageuses aujourd’hui : pour prendre l’exemple de l’Île-de-France, ce sont près de 9 millions d’euros qui ont été consacrés au commerce de proximité. C’est important ! Quand on voit le nombre de demandes et de dossiers, on voit bien que cela correspond à une réalité.
On sait bien que l’on ne peut pas toujours compter sur le FISAC, mais, quand c’est le cas, son aide vient s’additionner à la volonté des maires, à la réserve parlementaire quand les communes en bénéficiaient, et aux politiques contractuelles menées par les départements et les régions. En attendant, de grâce, faites en sorte de laisser les maires avoir l’initiative et de laisser ces territoires continuer à vivre, même si cela ne va pas dans votre sens, puisque nous avons bien compris la vision extrêmement recentralisatrice de votre politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Valérie Létard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je voudrais d’abord apporter tout mon soutien à cette série d’amendements en discussion commune.
Très franchement, ce que l’on entend est en décalage complet avec la réalité des territoires ! On ne peut pas dire que le FISAC est un outil qui n’est plus adapté et qu’il faut le supprimer. Qu’il soit nécessaire de le faire évoluer, de le moderniser, de le revisiter, peut-être ! Mais, en tout cas, il ne faut pas le supprimer.
Je veux apporter mon témoignage d’élu d’un département très rural : dans cette ruralité, le FISAC joue aujourd’hui un rôle important et rend des services considérables. Il a un effet de levier et un effet déclencheur pour de petits commerces et de petits artisans dans de petites communes rurales. Ce maillage de commerçants et d’artisans joue un rôle primordial dans la ruralité, pas seulement sur le plan économique, mais aussi en termes de services ! On est en effet dans le cadre de services au public, de services privés certes, mais qui se rapprochent des services publics de proximité.
Je pourrais démontrer à travers des exemples très concrets que l’intervention du FISAC permet de réaliser des opérations qui ne se réaliseraient pas sans cela, souvent en complément d’autres financements, comme vient de le dire notre collègue. Alors, ne mettons pas fin au FISAC avant d’avoir trouvé un dispositif qui pourrait s’y substituer, si toutefois un tel dispositif devait se révéler plus efficace.
Pour ce qui me concerne, je suis favorable à l’amendement qui vise à porter les crédits du FISAC à hauteur de 60 millions d’euros parce que, franchement, l’enjeu financier n’est pas considérable à l’échelle du budget de l’État. On sait aujourd’hui que ces 60 millions d’euros ont un effet de levier de première importance dans la ruralité. (Mme Anne Chain-Larché applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Je me joins à mes collègues pour dire combien je partage leurs propos : c’est tout simplement la voix du bon sens et du terrain.
Il suffit d’être présent dans les territoires pour l’entendre et le comprendre. Il suffit d’être présent dans les territoires pour savoir que le déploiement de la géographie prioritaire des cœurs de ville est une bonne chose, et d’y regarder de plus près pour savoir que ces cœurs de ville sont en réalité les villes chefs-lieux d’arrondissement.
Une fois que la ville chef-lieu d’arrondissement a été servie et dotée d’un outil pour continuer à remplir sa fonction de centralité, on sait bien, que l’on se situe dans l’urbain ou dans le rural, dans des territoires denses ou moins denses, qu’il reste autour de cette ville toute une série de territoires ou de communes regroupées, qui ont besoin de pôles de centralité et de services de proximité. Dans la grande ruralité, il s’agit d’une impérative nécessité !
Je suis élue dans l’un des départements les plus peuplés de France, mais dans lequel il y a des territoires ruraux, des territoires désertés par les services, sans pôle, sans relais faisant fonction de service public, sans services commerciaux, sans services de santé.
Madame la secrétaire d’État, dire que tout est réglé grâce au plan « Action cœur de ville » et à l’ANCT, c’est totalement méconnaître l’aménagement du territoire et la réalité ! Comment pourrions-nous accompagner nos populations, qui nous disent aujourd’hui qu’elles n’ont plus de services de proximité, alors que nous manquons d’un outil qui ne cible pas un territoire au détriment des autres ?
Car, aujourd’hui, la géographie prioritaire exclut ! Ce n’est pas du tout la cerise sur le gâteau. Avant, la politique de la ville ou les politiques de redynamisation des territoires, pour ne prendre que cet exemple, venaient s’additionner au droit commun. Là, c’est le contraire : on supprime le droit commun partout et on le concentre dans des zones prioritaires ! Mais sans le filet de sécurité du droit commun, que reste-t-il à ces territoires ?
Nos collègues l’ont bien dit, madame la secrétaire d’État, ce qui fait la force des territoires, ce sont les maires et les présidents d’agglomération, qui ont une vision et un projet pour leur territoire, ainsi que toute une série de partenaires institutionnels qui viennent s’agréger. Quand un partenaire vient à manquer, votre plan de financement ne tient plus, madame la secrétaire d’État !
Avec la suppression du FISAC, vous abandonnez les territoires et créez un trou dans la raquette, car l’addition des efforts que j’évoquais au sujet du plan « Territoires d’industrie » n’est plus au rendez-vous. Alors, n’abandonnez pas le FISAC ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain – Mme la rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, je ne vous fais pas grief de ne pas connaître les territoires. Je n’ai moi-même été élue nulle part et n’ai même jamais eu de mandat municipal, puisque je suis arrivée directement au Sénat.
En revanche, je peux vous dire que les territoires sont exaspérés. Vous le savez très bien depuis le congrès des maires, les maires sont exaspérés : plus de 50 % d’entre eux ne se représenteront pas. Vous devez absolument maintenir tous ces outils de proximité. D’ailleurs, le mot que tout le monde a en tête ici, aujourd’hui, c’est celui-là : la « proximité », celle des projets et des aides.
Le FISAC est un instrument important. Peu importe si on le dote de 30 millions ou de 60 millions d’euros : le sujet n’est pas là. Je le répète, les territoires sont exaspérés des schémas sur tout et sur rien ; les maires passent leurs journées à contractualiser sans que l’État apporte ensuite les contributions nécessaires. Il est vraiment extrêmement important de revoir la façon dont vous envisagez les aides aux territoires. Tout le monde l’a dit : il doit absolument s’agir d’aides de proximité et non d’aides concentrées.
Ce n’est pas un combat d’arrière-garde. Le FISAC est un outil extrêmement important. Qu’on le modernise, qu’on le revisite, soit ! Mais il ne faut surtout pas que les aides soient concentrées. C’est exactement le contraire de ce qu’il faut faire.
Grâce au FISAC, certains maires ont pu obtenir une pompe à essence communale dans des coins totalement isolés, par exemple. Cela n’a l’air de rien, mais, dans des territoires où on en a besoin, c’est extrêmement important. Pensez à toutes ces petites opérations qui ont pu être montées par des élus territoriaux et ruraux grâce au FISAC.
La réserve parlementaire n’existe plus ; la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, est devenue beaucoup plus rare et beaucoup plus complexe. Franchement, le combat que nous menons aujourd’hui sur ces travées pour conserver le FISAC est extrêmement utile. Ce serait une bonne chose de débattre et de continuer à travailler sur les aides aux territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Le FISAC est un fonds parfaitement adapté à nos territoires.
Aujourd’hui, si votre objectif est de parvenir à une certaine rationalisation, de réorganiser les outils de l’État pour rendre son intervention plus efficace, madame la secrétaire d’État, je ne peux que vous approuver. En revanche, lorsque vous nous dites que l’Agence nationale de la cohésion des territoires va se substituer aux interventions du FISAC, je ne comprends pas bien, parce que cette agence ne dispose pour l’instant d’aucun fonds d’intervention.
Mme Nathalie Goulet. Exactement !
M. Jean-Marc Gabouty. Il serait donc tout à fait préférable de laisser ses crédits au FISAC, quitte à ce que vous nous disiez demain, dans une logique de rationalisation visant à rendre le dispositif plus opérationnel, qu’il faut confier la gestion de ces fonds à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, ou qu’il faut les transférer à un fonds d’intervention lié à cette agence. Ainsi, on assurerait la continuité de l’intervention de l’État et l’accompagnement des collectivités.
En fait, vous coupez ces crédits sans que l’on sache bien ce qui sera mis en place, sous quel délai. Ce n’est pas la bonne méthode quand on veut garantir le soutien et les interventions de l’État dans les territoires. Ce n’est même pas un bon signal envoyé aux régions, dans la mesure où celles-ci vont désormais considérer qu’elles ne peuvent pas faire davantage, puisque l’État ne prend plus sa part dans ce domaine.
Je pense que vous devriez réviser votre position, madame la secrétaire d’État. Je soutiens globalement la politique du Gouvernement, mais, sur ce sujet, vous faites fausse route.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez dit que vous saviez que vous alliez produire votre effet. Vous aviez raison, on a réagi, mais je crois que vous feriez bien de faire preuve d’un peu plus d’humilité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Viviane Artigalas et M. Martial Bourquin applaudissent également.)
Vous savez, j’ai été maire il y a trente ans. J’ai été la première femme élue maire d’une commune de plus de 30 000 habitants dans le Rhône. Et si on n’avait pas mené ce combat pour les femmes, vous ne seriez peut-être même pas ici aujourd’hui ! (Applaudissements sur les mêmes travées.) Il faut parfois regarder aussi tout ce qui s’est passé avant.
Pour en revenir au débat, que j’aurai d’ailleurs l’occasion de prolonger cet après-midi en tant que rapporteur pour avis de la mission « Cohésion des territoires », je m’associe évidemment aux propos de mes collègues.
Si vous pouviez un peu m’écouter, vous comprendriez qu’avec la disparition du FISAC et la fusion de l’EPARECA – dont j’ai été la présidente pendant quatre ans – dans l’usine à gaz de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, c’est encore deux ans et demi que l’on va perdre ! Pardonnez-moi, j’ai été maire d’une grande ville, mais je suis aussi élue d’un département, le Rhône, qui comprend énormément de territoires ruraux.
Comme pour d’autres secteurs, vous mettez fin à des dispositifs sans rien proposer à la place. Ce budget signifie l’interruption des aides dans les territoires pendant deux à trois ans ! Excusez du peu…
Vous nous avez dit, au sujet du FISAC : « Il nous apparaît que… » Qui se cache derrière ce tour impersonnel ? Est-ce Bercy ? Sur quel bilan, sur quelle étude d’impact vous appuyez-vous ? Il en va de même pour l’EPARECA : sur quoi vous appuyez-vous ? L’EPARECA est sans doute l’une des agences qui tournent le mieux ! Pourquoi la fusionner ?
On va perdre trois ans et tout le monde va en pâtir, alors que l’Agence nationale de la cohésion des territoires aurait dû être, comme l’ANRU, l’agence des territoires ruraux, dotée de la force de frappe nécessaire pour ces territoires.
Mme Valérie Létard. Bien sûr !
Mme Annie Guillemot. J’en viens au second point : où est passé le droit commun ?
Mme Valérie Létard. On n’en a plus !
Mme Annie Guillemot. Valérie Létard l’a évoqué, nous l’avons également fait dans notre rapport : ce droit commun a disparu. Il faut arrêter à la fois de raconter des mensonges et de penser que ce que nous disons ne s’appuie sur aucune expérience ou validation sur le terrain !
C’est un peu comme pour les emplois aidés : on nous a répété que ce type d’emplois ne servait à rien. Alors, quand j’entends Mme Girardin annoncer hier soir que le Gouvernement va remettre 1 000 emplois aidés à La Réunion d’ici à la fin de 2018, excusez-moi, mais ça me fait quand même beaucoup rire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Cécile Cukierman, Valérie Létard et Anne Chain-Larché applaudissent également.)
Mme Anne Chain-Larché. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Vous nous avez dit, madame la secrétaire d’État, que le plan « Action cœur de ville » rendait quasi inutile le FISAC. Sachez que 222 villes ont été retenues dans ce programme, alors que l’on compte 700 villes en difficulté, pas 222 !
Surtout, l’ensemble des bourgs ruraux est exclu de ce programme. Lorsqu’un centre-bourg ou une ville moyenne signera une convention ORT, la question des financements se posera donc inévitablement. Or l’Agence nationale de la cohésion des territoires n’a pas de moyens. Il n’y aura plus que les crédits de l’ANAH. Heureusement, d’ailleurs, que l’amendement de notre collègue Dallier a été voté hier, parce que ce financement de l’ANAH aurait cruellement fait défaut.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Martial Bourquin. Une opération de revitalisation des territoires, je le rappelle, s’appuie sur le logement, les services, les espaces publics et le commerce : c’est un ensemble, une action globale et il ne peut pas y avoir d’action coupée des autres. L’intervention du FISAC serait tout à fait bienvenue dans ce cadre avec évidemment les crédits suffisants pour mener ces opérations de revitalisation.
Dans la commune où j’ai été maire, on a construit un marché couvert grâce aux aides du FISAC. Vous croyez qu’un marché couvert, c’est inutile ? Grâce à cette opération, la commune a pu garder son caractère de centralité et une trentaine de commerçants indépendants ont eu la possibilité de vendre leurs produits. C’est ainsi que l’on arrivera à travailler, à revitaliser et à redonner des couleurs à nos villes.
Surtout, je le répète, le programme « Action cœur de ville » ne peut pas concerner seulement 222 villes. Il y a aussi 700 villes en difficulté et tous ces centres-bourgs essentiels à l’armature de nos territoires. Demander le maintien du FISAC et l’augmentation substantielle de ses crédits est donc une revendication tout à fait juste. Les amendements que nous examinons vont dans le bon sens.
Madame la secrétaire d’État, écoutez les élus de temps en temps ! Si on est là, c’est parce qu’on a une expérience et qu’on sait comment tout cela fonctionne. On sait très bien qu’il y a de moins en moins de moyens pour travailler à la revitalisation des centres de quartiers, des centres-villes ou des centres-bourgs depuis que les crédits du FISAC ont diminué.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Martial Bourquin. Nous voterons ces amendements qui vont dans la bonne direction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Valérie Létard et M. Gérard Longuet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Cette question importante du FISAC illustre et symbolise en quelque sorte l’absence de pensée politique sur la place que les territoires ruraux devraient avoir dans notre pays.
On fait beaucoup de choses pour les métropoles et on continue à concentrer l’action publique. Je ne suis pas contre les métropoles, parce qu’elles tirent en grande partie la croissance du pays, mais je crois en même temps que les « ruralités françaises » – il faut en parler au pluriel – sont une chance pour la France, pour son développement et pour sa population.
Nous sommes les porte-parole de maires qui sont en désespérance et qui se battent au quotidien pour sauver ce qui peut l’être et faire peut-être un peu mieux pour garder leur population et attirer du monde sur leur territoire.
Cela passe par les démarches dont on a parlé. J’en ai une spécifique en tête, celle des schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services publics. Les départements s’en sont dotés : à un moment donné, il faut bien leur donner un sens, un contenu, et faire en sorte que les besoins exprimés par les populations se traduisent dans les faits. Le FISAC, lui, est un outil qui permet de répondre aux attentes des populations en matière d’accès aux commerces de première nécessité.
Ce sujet est symbolique des politiques menées en matière de ruralité. Mes collègues du groupe socialiste et républicain et moi-même sommes favorables aux amendements dont nous débattons, et même au développement du FISAC.
Je terminerai en abordant la question de l’artisanat. L’économie française, ce ne sont pas seulement les grandes entreprises ou les PME. Ce sont aussi un grand nombre d’artisans qui participent à l’équipement des territoires. Or on sait que la plupart des projets financés par le FISAC ou d’autres dispositifs sont réalisés concrètement par des artisans. J’ai aussi une pensée pour eux, car ils font partie de l’écosystème national, territorial, et rural plus particulièrement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Madame la secrétaire d’État, ce n’est pas la première fois que nous attirons votre attention sur ce point : les sénatrices et les sénateurs de tous bords qui s’expriment devant vous, même s’ils s’opposent parfois sur certains sujets politiques, comme cela a pu être le cas au cours de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, sont unis pour présenter ces amendements, qui ne sont ni des amendements de façade ni des amendements de posture, mais des amendements de réalité.
Au quotidien, dans l’exercice même de notre mandat de parlementaire, nous vivons tout au long de l’année auprès de nos collègues maires et sommes amenés à participer à des inaugurations et à accompagner des opérations, qui ont parfois bénéficié des aides du FISAC et qui, à défaut, n’auraient pas vu le jour.
Ces opérations ne sont pas là pour « faire joli » dans un bilan de mandat communal : elles servent, premièrement, à conserver des populations dans les territoires ruraux, deuxièmement, à faciliter l’accueil de nouvelles populations et, troisièmement, à maintenir, créer et développer l’emploi local dans ces territoires.
Finalement, la réponse que vous avez faite aux auteurs des différents amendements, madame la secrétaire d’État, est une réponse de posture. J’ai même envie de parler de réponse très dogmatique. En fait, vous nous dites : « C’est ainsi, c’est l’architecture du budget, et même si je suis obligée de passer devant le Sénat ce vendredi matin, quoi que vous fassiez, quoi que vous disiez, cela n’a pas d’importance, parce que je repartirai et les choses ne changeront pas pour autant ».
Ce qui est en train de se passer dans le pays, au-delà même des mobilisations, c’est que les femmes et les hommes qui vivent dans ces territoires ruraux, qui y travaillent, qui y sont retraités, qui s’y forment, ont de plus en plus le sentiment d’être déclassés. Il y a parfois, non pas des symboliques, mais des gestes à adresser à nos concitoyens…