M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour faire quelques remarques sur la politique du logement et les difficultés rencontrées par ce secteur.
La réduction de loyer de solidarité, destinée à compenser la baisse des APL dans le parc social, n’a pas manqué de produire ses effets. Je rappelle que, en imposant des baisses de loyer, le Gouvernement a voulu alors forcer, non sans brusquerie et avec un semblant de concertation, les organismes d’HLM à se restructurer. En contrepartie, le taux du livret A sera gelé à 0,75 % jusqu’en 2020, la dette des OLS sera allongée, des prêts haut de bilan et des prêts à taux fixes leur seront consentis, pour respectivement 2 milliards et 4 milliards d’euros, des avances de trésorerie leur seront accordées…
Les conséquences, je le disais, n’ont pas mis longtemps à se manifester, sous forme d’abandon ou de contraction de projets de construction de nouveaux logements sociaux et de réhabilitation.
De son côté, l’Union sociale pour l’habitat, lors de son congrès annuel qui s’est tenu en octobre dernier, évoquait une baisse d’au moins 5 % des nouveaux logements prévus cette année.
Pour ce qui concerne les permis de construire et les mises en chantier de logements neufs, les dernières données, celles du troisième trimestre de 2018, sont assez éloquentes. Depuis le début de l’année, la construction de logements neufs se contracte sérieusement : 122 000 permis de construire, soit une baisse de 10,2 % par rapport à la même période en 2017, et 85 000 mises en chantier, soit une baisse de 7,9 %.
Je voudrais également dire un mot sur le programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », qui vise à construire et à améliorer l’habitat via le FNAP ou des dispositifs fiscaux, comme le prêt à taux zéro et le dispositif d’investissement locatif intermédiaire, qui a remplacé le dispositif Duflot.
Ce programme devrait répondre à l’enjeu de créer un choc de l’offre dans les zones tendues, tout en assurant un développement équilibré des territoires. Or ce programme prévoit, avec 285 millions d’euros, inscrits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, une baisse de 7,4 % des crédits de paiement par rapport à l’année 2018. Je rappelle que ces crédits avaient déjà diminué de 22 % entre 2017 et 2018.
Au titre des dépenses fiscales sur impôts d’État, 13,7 milliards d’euros sont inscrits. Cela comprend, par exemple, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation, le prêt à taux zéro, les dispositifs Duflot, Pinel et Cosse, ainsi que les aides fiscales pour les organismes d’HLM.
Concernant les aides à la pierre, on assistera en 2019 à un mouvement de désengagement fort, quasi total, de l’État au sein du FNAP. Ces crédits étaient de 205 millions d’euros en 2017, dont 55 % ont été annulés en cours d’année, de 38 millions d’euros en 2018 et de zéro euro en 2019.
Notre rapporteur spécial, dans son rapport d’information consacré à cette question, s’est d’ailleurs inquiété de la situation difficile du FNAP en raison du retrait massif de l’État du financement des aides à la pierre. Pourtant, le FNAP, au sein duquel l’État et des organismes d’HLM gèrent conjointement les fonds publics dédiés au développement et à l’amélioration du parc social, aurait besoin de territorialiser ces crédits en associant véritablement les élus locaux.
C’est d’ailleurs le sens des recommandations qui vous ont été faites par Philippe Dallier, comme de celles qui tendent à fixer des objectifs au niveau local plutôt que national, à fonder davantage l’analyse des besoins sur ceux qui sont exprimés par les collectivités et les bailleurs, à permettre au FNAP de financer des réhabilitations et pas seulement des constructions neuves, particulièrement dans les zones qui ont un parc ancien et dégradé, et enfin à généraliser les délégations des aides à la pierre aux collectivités locales.
Voilà quelques conditions nécessaires qui font défaut dans ces orientations et qui me semblent, à elles seules, justifier le rejet des crédits de la mission « Cohésion des territoires ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec ce gouvernement, je dois le dire, lorsqu’il s’agit de politique de la ville, nous ne savons pas sur quel pied danser.
L’année 2017 avait été marquée par des discours ambitieux d’émancipation du Président de la République à Clichy-sous-Bois et Tourcoing, qui répondaient à la fronde massive des associations et des maires de toutes tendances traduite dans l’appel de Grigny, mais qui étaient dénués de réelles concrétisations budgétaires.
Pendant le premier semestre de 2018, l’ensemble des élus de la politique de la ville ont été échaudés par le discours du Président de la République du 22 mai dernier à la suite de la présentation, ou plutôt de « l’enterrement élyséen », du rapport Borloo.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous semblez redresser la barre avec une feuille de route un peu plus volontaire et des engagements financiers laissant entendre que vous pouvez parfois écouter l’opposition et ces Français qui souffrent. Ne vous arrêtez pas en si bon chemin, car, plus il y aura d’écoute, moins il y aura de « gilets jaunes » !
La politique d’émancipation en faveur des habitants des quartiers nécessite des moyens.
L’émancipation passe par l’éducation, bien sûr, mais aussi par l’emploi. Dans nos quartiers prioritaires, le taux de chômage, je le rappelle, est de 27 %.
En même temps, vous persévérez diaboliquement sur le chemin de la suppression d’un très grand nombre de contrats aidés. Le dispositif expérimental des emplois francs « nouvelle mouture » est en deçà des objectifs fixés. Au 1er septembre 2018, moins de 2 000 emplois francs auraient été conclus, quand 25 000 sont attendus à la fin de 2019.
Remobiliser les préfets et s’appuyer davantage sur les missions locales est important, mais ce n’est pas suffisant.
Dans ce domaine, nous croyons en « l’efficacité d’échelle ». Pourquoi donc ne pas étendre la liste des territoires éligibles à l’expérimentation au-delà des sept territoires actuels ?
Concernant la rénovation urbaine, des inquiétudes demeurent. Si l’État semble confirmer son engagement pris au courant de l’année, nous nous retrouvons avec un financement du NPNRU de 185 millions d’euros en autorisations d’engagement et de seulement 25 millions d’euros en crédits de paiement.
Nous comprenons l’argument qui consiste à expliquer que les projets de rénovation ne sont pas encore ficelés, mais nous avons perdu dix-huit mois. Ce délai, quand on connaît l’état d’insalubrité de nombreux logements et l’impact direct sur l’état de santé des habitants – l’espérance de vie y est plus faible –, nous ne pouvons collectivement l’accepter.
La création de la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires, qui affecte directement l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA, le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, mais également le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, l’ANRU et l’ANAH, peut aussi être un facteur retardateur de la mise en place du NPNRU.
Un des principaux acteurs de la politique de la ville, c’est le territoire, plus particulièrement la commune. Permettez-moi de le souligner, de ce côté-là, le compte n’y est pas.
Arrêtons-nous un instant sur la dotation politique de la ville, la DPV. Vous annoncez l’avoir sanctuarisée à hauteur de 150 millions d’euros en 2019, mais vous élargissez le champ d’attribution de cette dotation. Cela signifie que l’enveloppe globale reste identique, mais que le nombre de villes concernées augmente. Ces villes toucheront donc, en moyenne, moins que l’année précédente.
Examinons maintenant la dotation de solidarité urbaine. Si la péréquation horizontale n’augmente pas, la péréquation verticale augmente moins que toutes les autres années : cela représente 20 millions d’euros en moins par rapport au budget pour 2018.
Chaque année, ces communes les plus pauvres de notre pays perdent des recettes si l’on tient notamment compte des abattements et exonérations de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Vous le savez, monsieur le ministre, que les communes soient rurales ou urbaines, ces dotations constituent pour elles la seule recette dynamique de leur budget. Cela ne peut plus continuer ainsi !
Il y a urgence sociale dans tous nos quartiers prioritaires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Face à l’ampleur des inégalités vécues par ces 5 millions de Françaises et de Français, la réponse républicaine doit être globale : sur l’éducation, sur l’emploi, sur le logement et sur le cadre de vie. Il y va de la survie de notre cohésion nationale.
Car forcément funeste sera le destin d’un pays qui voit sa population partagée en deux nations : la nation des privilégiés, pour qui le champ des possibles est grand ouvert, et celle de ceux pour qui l’égalité des chances n’est qu’une chimère.
Vous comprendrez que notre groupe s’abstiendra sur les crédits de la politique de la ville. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, jamais autant qu’aujourd’hui nous n’avons entendu parler de cohésion des territoires et, convenons-en, c’est plutôt une bonne chose.
Aussi permettez-moi de rendre hommage à l’un de ceux qui ont permis qu’on en parle concrètement, l’élu d’un territoire ô combien symbolique et qui m’est cher de surcroît, qui n’a pas découvert la ruralité entre Bercy et l’Hôtel de Castries et qui n’a pas ménagé sa peine, dans des conditions particulièrement difficiles, pour défendre la cause de ces territoires que nous aimons tant.
Je veux bien sûr parler de notre collègue Jacques Mézard, homme de dialogue, attentif à nos attentes.
M. Jean-Claude Requier. Merci pour lui !
Mme Sophie Primas. Il mériterait d’être applaudi !
M. Jean-Raymond Hugonet. Il aura mis en place les bases nécessaires pour que s’exprime vraiment une solidarité entre l’urbain et le rural.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Mettre en œuvre une politique de l’aménagement du territoire en France, c’est disposer de l’expertise, des moyens et de l’autorité nécessaires pour faire vivre, au quotidien, la République des territoires.
Or, depuis des décennies, force est de constater que nous avons assisté à un abandon en règle des territoires. Aujourd’hui, l’État doit impérativement avoir une vision stratégique. La France métropolitaine est, semble-t-il, entrée dans les mœurs : c’est un ressenti. Elle concentre déjà 75 % de la croissance : c’est une réalité ! Comme par hasard, on se rend compte maintenant que la métropolisation peut engendrer un phénomène ségrégatif : la belle affaire !
Bien sûr, il est nécessaire et urgent de promouvoir une politique spécifique pour les petites et moyennes villes, dont beaucoup ont de grandes difficultés, en particulier celles qui n’ont pas de noyau métropolitain.
Bien sûr, il est nécessaire et urgent de venir en aide aux territoires laissés pour compte et qui s’enfoncent petit à petit dans le repli et la désertification. Ce n’est plus une fracture territoriale, c’est un abandon en rase campagne !
Alors, nous dit-on, l’Agence nationale de la cohésion des territoires est certainement l’outil nécessaire pour que le territoire national ne fasse qu’un. Soit !
Le chef de l’État lui-même a indiqué, lors de la Conférence nationale des territoires, que le travail effectué se fera en lien direct avec les régions et que l’agence apportera un appui en ingénierie publique aux territoires les plus périphériques, dans une logique de guichet unique et de simplification à destination des porteurs de projets et des élus.
Selon ses termes, « ce que demande la ruralité, ça n’est pas l’aumône, ça n’est pas d’être compensé, c’est d’avoir les mêmes chances de réussir », et il défend une approche « différenciée » de l’État, qui « ne doit pas craindre de donner plus à ceux qui ont moins ».
Il s’agit là du discours de façade, mais, « en même temps », qu’en est-il dans la réalité ? Depuis le fiasco de la Conférence nationale des territoires et de son double langage, la confiance n’est plus là !
Quid, par exemple, des capacités financières ? Mes collègues rapporteurs Dominique Estrosi Sassone et Philippe Dallier l’ont dit précédemment, le compte n’y est pas.
Le renversement du tropisme métropolitain, qui a prévalu lors de la funeste réforme territoriale, ne s’opérera pas avec de belles paroles !
Si je ne devais prendre qu’un seul exemple révélateur d’un aménagement du territoire chaotique et d’une cohésion des territoires à géométrie variable, je choisirais celui que je connais le mieux, c’est-à-dire celui de mon département, l’Essonne.
Dans la partie urbanisée, au nord du département, s’agissant d’un projet d’envergure nationale, le fameux plateau de Saclay, le Président de la République est venu sur place le 25 octobre 2017 nous parler, les yeux dans les yeux, en disant : « Je ne ferai rien qui pourra contrarier l’avenir du plateau de Saclay, ce cœur battant de la science française […] Une grande partie des réponses aux défis contemporains vient d’ici […] Il s’agit de gagner la bataille de l’intelligence [et] d’être à la pointe de l’excellence scientifique ». Parlons-en ! Quelques semaines après cette déclaration d’amour enflammée, le Premier ministre est venu, en service commandé, annoncer brutalement aux élus locaux, faute de crédits, un report en 2027 de l’avènement de la ligne 18 du Grand Paris Express, axe principal des transports en commun censés irriguer ce fameux plateau de Saclay.
Dans le même temps, pour la partie périurbaine et rurale, plus au sud du département, le Gouvernement continue aveuglément d’intimer l’ordre aux élus locaux, sur les bases du sacro-saint article 55 de la loi SRU et à coups de constat de carence, de construire toujours plus de logements, alors même que les transports en commun sont déjà sursaturés le long des lignes C et D du RER, dont la réputation n’est plus à faire !
Est-il besoin de rappeler ici la mémoire des sept morts lors du drame de Brétigny-sur-Orge, le 12 juillet 2013, par manque d’entretien du réseau ?
Voilà quelle est la réalité de la cohésion des territoires, au moins dans le département de l’Essonne. Alors aujourd’hui, monsieur le ministre, nous n’avons pas besoin d’usine à gaz administrative, pas plus que de discours lénifiants. Nous avons besoin de confiance et d’actes concrets ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de pouvoir m’exprimer devant vous à l’occasion de l’examen de la mission « Cohésion des territoires ». Je voudrais d’ailleurs vous remercier à la fois de la qualité et de la précision des différents échanges que nous avons pu avoir, soit en amont de cette séance lors des auditions, soit dans le cadre de notre débat d’aujourd’hui.
Je m’attacherai à répondre avec précision à l’ensemble des interrogations que vous avez pu évoquer. Permettez-moi juste, auparavant, de présenter les grandes lignes du budget pour la cohésion des territoires et les enjeux qui y sont évidemment associés.
Vous le savez, le dernier remaniement a vu la création d’un grand ministère des territoires, qui regroupe à la fois la cohésion des territoires et les relations avec les collectivités territoriales.
Je tiens, avant toute autre chose, à rendre un hommage appuyé à Jacques Mézard, avec qui j’ai eu l’honneur de travailler pendant près d’un an et demi. Nous avons mené de grands combats, lancé de nombreuses initiatives et partagé cet objectif que nous avions déjà en commun lors de la campagne présidentielle, à savoir la lutte sans relâche contre les fractures territoriales encore trop présentes dans notre pays.
Ce grand ministère des territoires dispose d’un budget, de nombreuses agences et administrations et, surtout, d’un réseau territorial important, doté d’une capacité d’action. Je veux saluer l’ensemble des agents qui y travaillent.
L’enjeu est clair, je le disais, c’est réparer les fractures territoriales. Personnellement, je crois très profondément et avec beaucoup de conviction que les événements qui se déroulent actuellement dans notre pays – le fameux mouvement des « gilets jaunes » – sont le reflet de ces fractures territoriales qui perdurent dans notre pays.
Au-delà du ras-le-bol fiscal, pour reprendre une expression communément utilisée, il y a le ras-le-bol des déserts médicaux, le ras-le-bol des déserts de téléphonie mobile et les grands problèmes de mobilité. Tout cela conduit un certain nombre de nos concitoyens à ressentir, et à vivre, le fait de ne pas avoir les mêmes chances de réussite et la même maîtrise de leur destin selon leur lieu d’habitation. Cela est vrai pour un certain nombre non seulement de quartiers prioritaires de la ville, mais aussi de nos ruralités. J’emploie bien les termes « nos ruralités » pour ne jamais faire d’amalgame avec une seule ruralité, qui ne fait pas sens, en tout cas pas à mes yeux.
Ces fractures alimentent le sentiment de relégation, et parfois d’abandon. Tout l’enjeu du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, que Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu et moi-même pilotons aujourd’hui, c’est justement d’agir concrètement au plus près du quotidien des habitants, que ce soit en matière d’aménagement, de politique de la ville, de logement ou encore d’hébergement d’urgence. Ce sont les quatre piliers que les différents rapporteurs ont détaillés.
Le premier pilier de notre action est donc l’aménagement du territoire.
Je voudrais d’abord insister sur ce bras armé de la politique de l’aménagement du territoire qu’est l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT, que le Président de la République avait annoncée et qui va être créée. Je voudrais saluer votre implication à toutes et tous à la suite de l’adoption, le 8 novembre dernier, à une très large majorité, de la proposition de loi portée par le groupe RDSE visant à créer cette agence.
Je remercie M. le rapporteur spécial Bernard Delcros pour ses propos sur l’ANCT. Celle-ci portera une véritable ambition, qui est d’incarner une nouvelle relation dédiée aux acteurs territoriaux, notamment aux élus locaux, et développera une nouvelle méthode de travail.
J’ai coutume de présenter l’Agence nationale de cohésion des territoires comme une agence de projets au service des élus locaux. C’est véritablement ce que nous essayons de faire : d’abord, une agence de projets, dont la méthode de travail s’appuiera sur les projets territoriaux ; ensuite, une agence au service des élus locaux, parce que l’objectif est de faire en sorte que celles et ceux qui la composeront soient tournés vers les élus locaux, et non vers les directeurs d’administration ou vers les ministres, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.
Je suis convaincu que vous êtes nombreux à partager sur ces travées un autre constat que nous faisons : nos politiques publiques en matière d’aménagement, de logement ou de politique de la ville doivent être absolument territorialisées. C’est ce que nous essayons de faire; car elles souffrent de ne pas l’être suffisamment.
Je prendrai un exemple très précis, qui résume bien cette méthode : il s’agit du programme « Action cœur de ville », qui vise à rénover l’habitat, mais aussi à redynamiser l’économie ou, à tout le moins, le tissu commercial de villes dites de « taille moyenne » – je pense à des sous-préfectures ou à des préfectures de petite taille –, lesquelles ont peut-être été trop longtemps les oubliées des politiques d’aménagement du territoire et du logement.
Nombre d’entre vous connaissent très bien ce programme « Action cœur de ville », car il bénéficie à de nombreuses communes de vos territoires. Comme vous avez pu le constater, ce sont vraiment des projets territoriaux venant des élus locaux que l’État soutient, avec ses partenaires. C’est la méthode que nous essayons de déployer et c’est notre vision d’un aménagement du territoire véritablement territorialisé. Il faut s’attaquer à certains défis, en termes de priorités d’action, insuffisamment relevés par le passé, comme la rénovation des centres-villes de nos villes moyennes.
La rénovation de l’habitat, j’en ai fait un grand marqueur de notre action. J’aurai l’occasion de présenter un nouveau dispositif d’aide à la rénovation de l’habitat à destination des communes, particulièrement axé sur la réhabilitation de l’habitat privé en centre-ville. Ce nouveau dispositif rend éligible à une aide fiscale l’investissement locatif. Autrement dit, les acquisitions de logements anciens faisant l’objet d’au moins 25 % de travaux de réhabilitation pourront donner lieu à une opération de défiscalisation, dont le montant sera fonction de la durée de location. Le taux applicable pourra être de 12 % à 21 % du montant de l’opération, déduit de l’impôt sur le revenu selon la durée de location, qui pourra aller de six à douze ans.
Cette mesure s’appliquera a minima dans les logements situés dans les communes où le besoin de réhabilitation est important. Je dis bien a minima, car sont concernées toutes les communes de l’opération « Action cœur de ville », ainsi que celles qui ont mis en place des opérations de revitalisation du territoire. Ce dispositif prévu par la loi ÉLAN n’est pas réservé aux communes du programme « Action cœur de ville », mais peut être développé par n’importe quelle commune sur notre territoire.
Je réponds ainsi à une question qui m’a été posée sur le zonage. C’est peut-être la première fois – en tout cas, je n’ai pas le souvenir qu’il y en ait eu d’autres – qu’on essaie de mettre en place un dispositif de soutien fiscal territorialisé en fonction des projets de territoire et non d’une cartographie de notre pays fondée sur un découpage en zones A, A bis, B1, B2, ou C. Une telle approche me semble en tout point plus pertinente.
Le deuxième chantier de l’aménagement, évoqué par plusieurs d’entre vous, dont M. Roux, est celui de la téléphonie mobile et d’internet. Ce n’est pas un luxe, c’est un droit. J’ai déployé une grande énergie pour faire les choses différemment. Jusqu’à présent, il n’y avait pas d’engagement contraignant de nos opérateurs. Nous avons vraiment changé de paradigme – j’emploie ce mot à dessein – pour que plus de 3 milliards d’euros d’investissements supplémentaires soient consacrés à la couverture mobile de nos ruralités. Cela me paraît essentiel quand la véritable question est l’accès. Cet accès peut aussi passer par le développement du numérique ou de la téléphonie.
Monsieur le rapporteur spécial Bernard Delcros, vous évoquiez, avec d’autres, des questions très précises, par exemple sur l’accompagnement pour le marais poitevin. Comme le programme est achevé, l’objectif est de faire en sorte que les outils de droit commun, notamment ceux qui sont gérés par le ministère de l’agriculture et l’Agence française pour la biodiversité, prennent le relais. Nous ferons preuve d’une mobilisation attentive sur ce sujet. J’ai pleinement conscience que la finalisation du projet n’est pas terminée, même si le programme en lui-même l’est.
Se posait également la question du chlordécone. Plusieurs d’entre vous l’ont soulevée, notamment M. le rapporteur pour avis de Nicolaÿ. Je voudrais d’ailleurs le remercier d’avoir qualifié de « courageux » les propos du Président de la République. Celui-ci s’est en effet engagé à consacrer 3 millions d’euros sur deux ans, en gestion, à ce sujet. J’ai déjà eu l’occasion, ainsi que la ministre des outre-mer, d’évoquer cette décision, intervenue à la suite d’un arbitrage interministériel qui a pu être rendu dès le lendemain du déplacement du Président de la République dans la région.
Le deuxième pilier de notre action porte sur les actions touchant à la politique de la ville. Plusieurs d’entre vous ont mentionné l’ensemble des actions que nous avons menées, la feuille de route interministérielle que nous avons dressée et qui repose sur trois points : garantir aux habitants les mêmes droits ; favoriser l’émancipation par l’éducation et par le travail ; faire République ensemble.
Je ne reviens pas en détail sur ce document, mais je voudrais, à tout le moins, tuer dans l’œuf, si j’ose dire, des propos qui sont souvent repris : j’ai présenté de façon extrêmement précise cette feuille de route très claire en juillet dernier. De grandes parties de ce document sont reprises de travaux que nous avons pu conduire, et je m’y suis personnellement impliqué, avec Jean-Louis Borloo, mais également dans le cadre du Conseil national des villes, le CNV, auquel un grand nombre de parlementaires sont associés.
Nous avions pris l’engagement, voilà un an, de maintenir le budget de la politique de la ville. Nous l’avons non seulement tenu, mais nous avons également renforcé ses crédits, lesquels augmentent de près de 20 % avec des opérations très ciblées financées ou en voie de l’être. Je pense aux cités éducatives sur lesquelles nous avons beaucoup travaillé avec Jean-Michel Blanquer, et qui ont été annoncées à Nîmes au début du mois d’octobre dernier, ainsi qu’aux 1 000 postes supplémentaires d’adultes-relais et au financement additionnel de 15 millions d’euros accordé aux associations.
Vous êtes plusieurs à avoir évoqué la question de la rénovation urbaine, et je veux être très clair sur ce point. Nous avions pris deux engagements.
Le premier était de doubler le nouveau programme de rénovation urbaine : c’est chose faite. Nous sommes d’autant plus crédibles pour le dire qu’aujourd’hui les autorisations d’engagement sont très largement renforcées, comme vous l’aviez souhaité lors du précédent budget.
Le deuxième était d’accélérer considérablement les projets. Songez que, ces dernières années, les nouveaux engagements de l’ANRU, comme plusieurs d’entre vous l’ont relevé, étaient quasiment à l’arrêt, pour de nombreuses raisons. Nous avons énormément travaillé avec beaucoup d’entre vous, ainsi qu’avec l’ANRU et ses équipes, que je salue. Depuis mai dernier, plus de 3 milliards d’euros de projets ont été engagés, avec de nombreuses nouvelles méthodologies.
Je ne prendrai qu’un seul exemple, qui sera très parlant. Vous êtes nombreux à avoir mis en avant le fait que, lorsqu’un projet de rénovation urbaine n’était pas finalisé dans sa globalité, il n’était pas possible d’engager le premier euro. Nous avons changé de méthodologie : dès lors que tout le monde se met d’accord sur un projet de rénovation urbaine, nous pouvons tout de suite le lancer.
Le troisième pilier de notre action est évidemment le logement. Je ne reviens pas sur tous les débats que nous avons eus sur la réforme des APL et la réduction de loyer de solidarité, la RLS, mais je voudrais me projeter dans l’avenir à propos du sujet que vous êtes nombreux à avoir évoqué.
Nous avons fait un choix politique : parce que nous voulions absolument éviter que la réforme des APL puisse impacter les personnes concernées, nous avons décidé que l’APL d’un allocataire ne pourrait diminuer que si son loyer baissait, afin que son reste à charge reste le même. Cela signifie que la mesure pèse sur les bailleurs sociaux, auxquels nous avons effectivement demandé un très grand effort.
En contrepartie, nous avons pris – plusieurs d’entre vous les ont évoquées – des mesures de soutien, notamment par le truchement de la Caisse des dépôts et consignations. Aujourd’hui, la question est de savoir si ces mesures suffisent face aux efforts demandés, notamment en 2020, année pendant laquelle, vous le savez, la répartition entre le volet RLS et la TVA change.
Je me suis engagé devant vous, mais surtout devant les bailleurs sociaux lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat, à mettre en place ce point dit de « revoyure ». Le dispositif a été enclenché : trois réunions se tiendront, l’une en décembre prochain, l’autre en janvier et la troisième en février, pour conclure à cette date.
Deux sujets seront étudiés en toute transparence et les parlementaires seront associés aux travaux. Le premier porte sur la situation financière des bailleurs et les perspectives à court et à moyen terme ; le second, sur les bilans chiffrés de la RLS, de la hausse de la TVA et des mesures d’accompagnement pour déterminer quels voies et moyens permettront de rendre soutenables les efforts demandés en 2020, afin de répondre à l’ensemble des interrogations et des craintes que nombre d’entre vous ont exprimées.
Un autre volet en matière de politique du logement est la réforme de la contemporanéisation des APL. Plusieurs d’entre vous, comme M. Bargeton, ont vanté les mérites de cette réforme, qui est effectivement compliquée à mettre en œuvre. Il s’agit d’un véritable chantier technique de transformation d’un certain nombre de systèmes d’information et de gestion. Elle est évidemment plus juste, dans la mesure où personne ne peut comprendre que les aides soient calculées en fonction des revenus d’il y a deux ans, et non des revenus actuels.
Enfin, s’agissant du logement, se posait également la question de la rénovation de l’habitat. Je ne saurais intervenir sans avoir une pensée pour le drame qui s’est passé à Marseille. J’y suis allé le jour même, et y suis retourné toute la journée, hier, pour accompagner les Marseillaises et Marseillais et mettre en avant des mesures fortes à la fois d’accompagnement, mais aussi de suivi méthodique, afin de s’assurer que la réhabilitation et la rénovation du centre-ville ancien puissent s’opérer.
La rénovation de l’habitat est également un enjeu très fort dans les territoires ultramarins. Plusieurs d’entre vous l’ont indiqué, la suppression de l’APL accession avait conduit à faire disparaître le dispositif de soutien à la réhabilitation du logement dans ces territoires. Nous l’avons réintroduit à la suite du débat à l’Assemblée nationale, non seulement pour traiter plus d’un millier de dossiers qui sont aujourd’hui bloqués, mais également pour trouver une solution pérenne. Celle-ci passe notamment par des travaux menés actuellement sous l’égide du Conseil général de l’environnement et du développement durable.
Bien évidemment, quand on parle d’insalubrité, il faut évoquer la question de la rénovation des bâtiments.
Je vous l’indiquais, j’ai fait de la lutte contre l’habitat indigne un axe majeur de mon action, cette lutte dont nous avons tant et tant parlé dans le cadre de l’examen de la loi ÉLAN, lorsque nous avons examiné, parmi bien d’autres mesures, celles que nous avons prises contre les marchands de sommeil.
Autre sujet, la question de la rénovation thermique. Notre objectif est de rénover 150 000 « passoires thermiques » par an. Plusieurs d’entre vous ont évoqué le budget de l’ANAH ; je veux être très clair à ce sujet. Aujourd’hui, l’enjeu, le défi, pour cette agence – j’en ai d’ailleurs beaucoup parlé avec sa présidente, Nathalie Appéré, qui s’est qualifiée elle-même, lors de la dernière convention, de « présidente heureuse » au regard de son budget, bien que nous ne soyons pas du même bord politique, si vous voyez ce que je veux dire –, réside dans l’organisation, dans la simplicité de l’accès à ces aides pour nos concitoyens, et dans le fait d’atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.
Jusqu’à présent, un peu moins de 50 000 rénovations thermiques étaient financées par l’ANAH chaque année. J’ai fixé un objectif de 75 000 unités et, au moment où nous en sommes, nous en serions à 68 000 ou 69 000 rénovations. Il y a donc un véritable enjeu dans l’accélération et la mise en œuvre de ces actions, mais les financements tels qu’ils sont prévus dans le projet de loi de finances ont été gréés pour faire face aux objectifs très ambitieux que nous avons fixés ; je veux souligner le travail des équipes de l’ANAH à cet égard.
Le quatrième et dernier pilier de notre action n’est pas le moins important. Il s’agit de l’hébergement d’urgence. Je veux remercier M. le rapporteur pour avis Morisset de ses propos sur la sincérité du budget. Effectivement, nous avons fait un gros travail pour le sincériser, malgré les difficultés liées aux différents types de centres.
Il y a un immense enjeu de solidarité, que nous entendons relever avec beaucoup d’humilité et de détermination. Aucun de nos concitoyens n’est à la rue par choix. La rue tue ; elle tue en hiver mais aussi en été, il faut le dire et le répéter. Au moment où je vous parle, la situation reste compliquée, avec la nécessité de disposer d’abris pour des milliers de personnes toujours dans la détresse. Nous augmentons significativement le budget, là encore. Nous avons fait un effort considérable, notamment pour anticiper le nombre de places que nous pourrions ouvrir pendant la période hivernale. L’année dernière, nous avions sanctuarisé, pérennisé, plus de cinq mille places supplémentaires. Cette année, nous avons mené un travail d’anticipation, de sorte que, aujourd’hui, le nombre de places potentiellement ou actuellement ouvertes est bien supérieur à ce qu’il était à la même période l’année dernière.
Il y a également tout le sujet de l’accompagnement. M. Morisset l’a très bien dit, c’est la mère des batailles ; il s’agit de ce que nous pouvons faire pour accompagner toutes celles et tous ceux qui sont dans ces situations de détresse. Cela passe notamment par les financements supplémentaires que nous avons consacrés aux maraudes, mais également par le plan Logement d’abord, qui concerne vingt-quatre territoires d’accélération et qui disposera de 500 millions d’euros de crédits supplémentaires sur la période du quinquennat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le temps qui m’était imparti étant achevé, je reviendrai dans le cadre de l’examen des amendements sur la question des CHRS. Plusieurs d’entre vous ont évoqué des craintes. Nous avons dégagé des crédits supplémentaires, dans le cadre du plan Pauvreté, pour accompagner spécifiquement les CHRS qui pourraient rencontrer des difficultés.