M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° II–589 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Je le maintiens par principe, monsieur le président. Mais je voudrais tout de même renchérir sur les propos de M. le rapporteur général.
Quand vous avez besoin d’une hypothèque provisoire pour une créance de 50 millions d’euros, les frais de garantie s’élèvent à 400 000 euros ! Cela signifie que le créancier est non seulement à la recherche de la récupération de la somme en principal, mais qu’il devra aussi verser au minimum 10 000 euros pour obtenir la mainlevée d’une garantie.
Nous avons un texte sur la modernisation de la justice. Quatre cent mille euros pour prendre une mesure provisoire, dont M. le rapporteur général vient de nous dire que cela ne correspond pas forcément à un service, c’est quand même énormément d’argent !
C’est un édit de 1771 qui a créé le corps des conservateurs des hypothèques ; on a supprimé dans la première partie du présent projet de loi de finances des taxes en francs. Je vais maintenir cet amendement pour une question de principe, mais s’il n’est pas voté, je n’en mourrai pas sur place non plus. Ce ne sera pas la première fois ni la dernière… Au demeurant, ce cas qui m’a été transmis mérite notre attention, car en termes de bon fonctionnement, cet argent pourrait être utilisé ailleurs, par exemple dans le logement. En tout cas, cette somme est parfaitement indue.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-589.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 51 undecies (nouveau)
Au premier alinéa du I de l’article 881 D du code général des impôts, les mots : « réquisitions déposées en vue de la délivrance des renseignements hypothécaires visés à l’article 53-6 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l’application du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière » sont remplacés par les mots : « demandes de renseignements hypothécaires, quelles que soient leurs modalités de traitement, ». – (Adopté.)
Article 51 duodecies (nouveau)
I. – L’article 1133 bis du code général des impôts est abrogé.
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2020.
M. le président. L’amendement n° II–823, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous sommes en situation de nous interroger sur le fondement de cet article, puisqu’il s’agit de mettre un terme à l’exonération de droits lors d’une succession pour le conjoint survivant, dès lors que les époux étaient mariés sous un régime communautaire.
Comme l’indique le rapport, la mesure de l’article 1133 bis du code général des impôts a sans doute perdu une bonne partie de sa pertinence avec la loi TEPA de 2007. Cette loi pour le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat c’était, entre autres travaux, employée à assurer le patrimoine de quelques riches familles en posant un certain nombre de principes : une exonération de fait du conjoint survivant et un très large allégement fiscal pour les descendants en ligne directe, grâce à un très sensible relèvement de l’exonération par part.
Outre les successions, cas évidemment le plus directement évoqué, le dispositif trouvait sa pleine application en cas de donation, offrant ainsi un remarquable outil d’optimisation fiscale à double détente : une fois pour les droits de mutation, et une seconde fois pour l’ISF. De fait, notre pauvre article 1133 bis perdit une bonne partie de sa substance, le statut de conjoint survivant suffisant pour alléger la contrainte fiscale.
On nous dit aussi que la contrainte fiscale qui serait occasionnée est faible, voire peu pertinente. Il s’agit de 32 millions d’euros pour un nombre indéterminé de cas. Donc, nous nous sommes posé la question : pourquoi ? Pour trouver une petite recette de poche permettant de combler un petit morceau du déficit public, madame la ministre, ou pour inciter les personnes concernées à « placer leur patrimoine sous d’autres formes pour échapper à l’imposition future » ? La question induit la réponse.
Nous retenons cette dernière hypothèse eu égard à la qualité de la première signataire de l’amendement adopté à l’Assemblée, Mme de Montchalain, qui a derrière elle une expérience de l’assurance vie, du placement dont on ne peut que rappeler tout l’intérêt qu’il recouvre en termes de fiscalité. Mais cela suffit pour que nous puissions vous proposer la suppression de cet article d’opportunité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le groupe CRCE justifie le maintien d’une niche fiscale pour des raisons qui ont été assez bien expliquées.
M. Pascal Savoldelli. Merci !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tous les changements de régimes matrimoniaux sont soumis à des droits d’enregistrement, sauf un cas, le régime communautaire. Pourquoi une telle exception ? Cette exonération avait été mise en place pour compenser la hausse des droits de succession en 2004. Je vous rappelle que la loi TEPA, votée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avait supprimé les droits de succession pour le conjoint survivant, ce qui était une très bonne chose, car sinon les conjoints survivants devaient payer des droits de succession.
Cette niche a perdu sa justification initiale. L’exonération n’a plus de sens depuis que les droits de succession ont été supprimés. Dans cette logique, l’amendement de l’Assemblée nationale supprimait cette niche ; vous souhaitez, pour votre part, la maintenir. Je n’en vois pas vraiment l’intérêt désormais.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 51 duodecies.
(L’article 51 duodecies est adopté.)
Article 52
I. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation, après les mots : « à l’article L. 313-19 », sont insérés les mots : «, d’une fraction de la taxe sur les conventions d’assurances mentionnée à l’article 991 du code général des impôts, dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ».
II. – La section I du chapitre III du titre IV de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifiée :
1° Le 5° de l’article 995 est complété par les mots : « , à l’exception des contrats d’assurance en cas de décès souscrits en garantie du remboursement d’un prêt » ;
2° L’article 1001 est complété par un c ainsi rédigé :
« c) Du produit de la taxe afférente aux contrats d’assurance en cas de décès souscrits en garantie du remboursement d’un prêt mentionnés au 5° de l’article 995, qui est affecté à la société mentionnée à l’article L. 313-19 du code de la construction et de l’habitation, dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Le produit annuel excédant ce plafond est reversé au budget de l’État. »
III. – Le 5° de l’article 995 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant du 1° du II, s’applique aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2019.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° II–7 est présenté par Mme Estrosi Sassone.
L’amendement n° II–338 rectifié bis est présenté par MM. M. Bourquin, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian et Guillemot, MM. Iacovelli et Daunis, Mme Artigalas, M. Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Temal, Bérit-Débat, Kerrouche et Marie, Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° II–719 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II–824 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° II–878 est présenté par MM. Marseille, Mizzon, Prince, D. Dubois et Longeot, Mmes Vullien, Létard et Gatel, M. Lafon, Mme Billon, MM. Canevet et Janssens, Mmes N. Goulet, Vermeillet, Goy-Chavent et Guidez, MM. Laugier, Kern, Détraigne, Henno, Moga, Vanlerenberghe et Bonnecarrère et Mme Vérien.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° II–7 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° II–338 rectifié bis.
M. Claude Raynal. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° II–719.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, une mesure très ancienne – je ne me souviens plus de l’année –, s’applique à beaucoup d’assurances. L’article 52 prévoit d’assujettir à cette taxe l’assurance emprunteur. La commission, qui a déposé un amendement identique aux autres amendements en discussion, n’est pas d’accord. Pour quelles raisons ?
D’abord, l’assurance emprunteur est obligatoire. Aucune banque ne vous consentira de prêt si vous n’avez pas a minima une assurance invalidité et décès ; c’est la condition sine qua non. Des personnes se retrouvent parfois pour des raisons de santé ou liées à l’âge ou à la profession avec des cotisations d’assurance élevées. Il existe même une convention, vous le savez, pour éviter un refus d’assurance. Mais, pour un certain nombre de personnes – dans la vie, nous ne sommes malheureusement pas égaux en matière de santé –, le coût de l’assurance est très élevé et peut représenter parfois une part relativement significative du coût de l’emprunt.
Philippe Dallier, ce matin, et de nombreux autres collègues ont souligné, madame la secrétaire d’État, la crise qui se prépare dans le bâtiment et, plus généralement, dans l’immobilier. On l’a vu, l’immobilier, qui fait l’objet de toutes les intentions, est sans doute le plus taxé. Je le répète, c’est le seul actif – j’y insiste – qui est taxé tout au long de sa vie, allais-je dire : au moment de l’acquisition – on vient d’en parler à l’instant à travers les prises de garantie et l’amendement de Nathalie Goulet – ; avec les droits d’enregistrement ; chaque année, avec la taxe foncière ; éventuellement, l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière, au moment de la déclaration des revenus puisqu’il n’y a pas de prélèvement forfaitaire unique, etc. Cet actif est taxé en permanence et, de fait, il va se retrouver beaucoup plus taxé encore avec l’assujettissement à la taxe spéciale sur les conventions d’assurance.
Tous les gouvernements de droite et de gauche ont maintenu cet avantage. On ne peut pas alors dire aux gens : essayez de devenir propriétaire de votre maison, de votre résidence principale. Se loger – cela nous renvoie à un débat difficile sur un autre sujet, l’énergie – n’est pas juste un plaisir. Dans la vie, on peut faire des choix, mais se loger est une nécessité. Souvent, être propriétaire de sa résidence principale, c’est aussi une nécessité pour ceux qui le peuvent.
Si l’article 52 était adopté en l’état, il serait de nature à renchérir le coût des crédits.
M. Victorin Lurel. Exactement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. De fait, qui sera pénalisé ? Les plus modestes, pour qui le coût total du crédit, avec l’assurance qui s’en trouvera renchérie, sera difficilement compatible.
Je note que tous les autres amendements identiques émanent de la plupart des groupes. Madame la secrétaire d’État, vous devriez entendre le Sénat, qui, il l’a bien montré, est raisonnable dans ses approches.
M. Jean-François Rapin. Il est efficace !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ne renchérissons pas le coût, sinon vous exclurez, de fait, les plus modestes de l’accès à la propriété.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° II–824.
M. Pascal Savoldelli. Là, c’est un vrai sujet. Vous nous dites : il faut valoriser le travail et renforcer le pouvoir d’achat. Mais, avec cet article, on va être dans l’actualité.
L’article initial du projet de loi vise à soumettre l’assurance emprunteur souscrite par les accédants à la propriété, ou les débiteurs de prêts immobiliers, de manière générale, à la taxe spéciale sur les conventions d’assurance.
Ainsi, après de longues années de controverse parlementaire sur la possibilité laissée aux emprunteurs de résilier des contrats d’assurance parfois placés en vente forcée par des établissements de crédit prêteurs, une controverse d’autant plus évidente que la marge commerciale est particulièrement élevée sur ce type de contrat, nous voilà avec une poussée de fièvre. L’assurance emprunteur, nous le savons pour l’avoir identifiée, représente en gros un chiffre d’affaires de 6 milliards d’euros avec – ce n’est pas le cas pour d’autres entreprises – des marges de 50 %. Or voilà que l’on nous propose de prélever 540 millions d’euros – le rapport, vous me direz si je me trompe, parle de 577 millions d’euros – dans la poche des emprunteurs pour un motif qui nous échappe totalement.
L’argument principal avancé pour soutenir cette mesure, outre le fait de trouver une ressource pour couvrir les frais liés au désengagement de l’État dans le domaine du logement social, est que les taux d’intérêt sont si bas que les emprunteurs, notamment dans le champ de l’immobilier, peuvent payer une taxe supplémentaire ! Les emprunteurs deviendraient donc les victimes de la baisse des taux nominaux comme des taux réels, une baisse qui s’explique, notamment – faut-il le rappeler ? – par la faible progression des rémunérations.
Franchement, madame la secrétaire d’État, nous vous demandons une double écoute : l’écoute du Parlement, ici dans l’hémicycle, avec ces amendements déposés par divers groupes pour supprimer cet article, et l’écoute de l’opinion publique française aujourd’hui – soyez-y perméable !
Voulez-vous que les ménages soient endettés – il va falloir répondre à cette question ! –, alors que les taux sont bas et que l’essentiel du taux effectif global procède de l’assurance emprunteur majorée de la taxe spéciale ?
Vous devez répondre à la question suivante : allez-vous rendre 577 millions d’euros de pouvoir d’achat aux Françaises et aux Français, en supprimant cet article ? En fonction de votre réponse, mon groupe demandera peut-être un scrutin public pour donner un peu de solennité à cette question.
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas la peine, tout le monde va être d’accord !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° II–878.
M. Michel Canevet. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je veux simplement préciser une chose : ce sont les sociétés d’assurance qui paient cette taxe.
M. Philippe Dallier. Non, ce sont les emprunteurs !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et elle n’est pas répercutée sur les cotisations ?…
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je ne sais pas. Vous m’avez expliqué qu’il y avait 50 % de marge sur ces contrats. Vous avez raison, cette taxe est payée par les sociétés d’assurance.
M. Pascal Savoldelli. Je ne connais pas de TPE ni de PME qui font 50 % de marge !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. C’est ce que vous venez de dire à propos des sociétés d’assurance.
M. Pascal Savoldelli. Les sociétés d’assurance, oui !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Donc, les sociétés d’assurance sont celles qui paient.
M. Philippe Dallier. Non !
M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît. Seule Mme la secrétaire d’État a la parole !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le redevable de cette taxe, ce sont les sociétés d’assurance.
Par ailleurs, on parle de 500 millions d’euros. Mais ce sera dans sept ans quand tous les contrats auront été renouvelés ; il ne s’agit pas de 500 millions d’euros la première année.
En outre, les recettes en résultat seront affectées à compter des impositions établies au titre de l’année 2019 à la société Action Logement Services pour combler les besoins de financement consécutifs au relèvement du seuil d’assujettissement à la participation des employeurs à l’effort de construction. Il me semble donc que l’affectation correspond bien au message que vous nous avez envoyé.
Quant à l’impact de cette mesure pour les ménages modestes – je prends l’exemple de crédits inférieurs à 100 000 emplois, on est d’accord ?… –, il est de 1 euro par mois. Donc, il faudrait que cet euro soit intégralement répercuté par la société d’assurance sur la personne qui souscrit.
Je tenais quand même à préciser ces points. Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Madame la secrétaire d’État, il va effectivement falloir éclaircir ce point : est-ce l’emprunteur qui paie ou la société d’assurance ? Moi, je suis persuadé que ce sera au bout du compte l’emprunteur.
M. Jean-François Husson. Bien sûr !
M. Philippe Dallier. D’ailleurs, vous avez terminé votre argumentation en disant : voilà ce que cela va représenter.
Mais, pour en revenir au point de départ, on pensait que, l’année dernière, l’imagination de Bercy avait atteint ses limites pour taper, dirais-je, le secteur du logement : 1,5 milliard d’euros ont été pris dans la poche des bailleurs sociaux ; recentrage du PTZ, le prêt à taux zéro, pour les accédants à la propriété ; recentrage du dispositif Pinel ; blocage du taux du Livret A à 0,75 % ; suppression de l’APL accession. On avait alerté sur les risques encourus et on pensait que vous étiez arrivés, avec toutes ces mesures, au bout du bout de votre logique. Eh bien non ! Quand il n’y en a plus, il y en a encore ! L’année suivante, vous voulez taper dans les assurances décès des emprunteurs. Mais jusqu’où allez-vous aller, madame la secrétaire d’État ? C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase !
La seule chose qui tienne encore ou qui évite la chute dramatique du marché de l’immobilier, c’est la faiblesse des taux d’intérêt. Tout le reste, vous vous y êtes attaqués ! Et le secteur est déjà en train de plonger. Vous vous dites que vous allez chercher, en dernier recours, quelques centaines de millions d’euros, peut-être au bout de sept ans, sur ceux qui vont emprunter. Mais, franchement, jusqu’où comptez-vous aller ? Jusqu’où Bercy compte-t-il aller pour faire plonger un secteur aussi important pour les particuliers et pour les Français, mais aussi pour l’emploi et nos entreprises ?
On nous dit que 120 000 emplois vont disparaître l’année prochaine dans le secteur. C’est cela le résultat de la politique que vous comptez mener ? Effectivement, il faut voir les répercussions. Tout cela vient de la loi PACTE, le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, on nous l’a dit.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous ne l’avons pas encore examinée !
M. Philippe Dallier. Oui, mais on anticipe les conséquences.
La loi PACTE prévoit de relever le seuil de 20 à 50 salariés des entreprises qui cotiseront à Action Logement. Cet organisme a répondu : Attendez, on me demande de faire beaucoup de choses, mais je n’ai plus de ressources. Alors l’État se dit : c’est facile, on va aller les chercher dans la poche des emprunteurs. Mais enfin, madame la secrétaire d’État, si ce n’est pas une politique de Gribouille… Ou plutôt, c’est une politique de fonds de tiroir !
Mme Annie Guillemot. C’est du bonneteau !
M. Philippe Dallier. Franchement, ces fonds de tiroir, vous avez sous les yeux, dès maintenant, les conséquences en matière de logement, et elles sont dramatiques !
Je suis heureux de voir que nous partageons la même analyse sur toutes les travées. Nous allons voter cette suppression tous ensemble, mon cher collègue communiste ; je pense qu’il n’y a pas besoin de prévoir un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Noël Guérini et Mme Victoire Jasmin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. C’est le comble de l’incohérence, madame la secrétaire d’État.
Alors que, dans leurs toutes récentes interventions, le Premier ministre, M. de Rugy et, surtout, le Président de la République ont dit stop aux taxes nouvelles, vous persistez.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Bruno Le Maire a dit ici même : plus de taxes nouvelles !
M. Jean-François Husson. Plus de taxes nouvelles, plus d’augmentation de taxes, et là vous persistez dans l’erreur !
Dans votre explication, comme l’a relevé Philippe Dallier, vous avez dit que ce n’était pas grand-chose pour une famille, juste un euro par mois. Je vous retourne la démonstration. Si ce n’est pas grand-chose pour un assuré, alors ce n’est rien pour l’État ! Oubliez cette démonstration qui, honnêtement, peut être très aisément démolie.
Je suis complètement en phase avec l’ensemble de celles et ceux qui se sont déjà exprimés. Il faut quand même entendre le climat qui saisit notre pays aujourd’hui. Or, de manière assez tranquille et sereine, vous continuez à proposer des augmentations de taxes ! Je vous demande gentiment de retirer cette taxe.
D’ailleurs, d’une certaine manière, il y a là un certain cynisme. Les assurances, ce sont une communauté d’assurés ; les compagnies ont besoin de parvenir à des équilibres. Mais s’il y a des excès en termes de profitabilité sur ce contrat, invitons les assureurs à retravailler le dispositif et à faire un effort ! C’est quelque chose que j’entends et qui ne me pose aucun problème. Mais il ne faut pas venir se servir ou se gaver sur le dos de la bête.
Je le redis, nous serons unanimes, je le crois, pour soutenir les amendements que nous avons déposés. Il est vraiment grand temps d’entendre que l’accumulation des augmentations de taxes ou de taxes nouvelles n’est aujourd’hui plus acceptable.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Madame la secrétaire d’État, vous avez dit, l’autre jour, que vous étiez satisfaite de votre petit effet, mais là, avec cette mesure, vous faites grand effet !
Je veux réagir, comme mes collègues.
Premièrement, on avait entendu que le Gouvernement ne voulait plus mettre en place de nouvelles taxes. Or vous prévoyez ici une taxe de 9 %. Laissez-nous rire, il est bien évident que ce sont, malheureusement, les emprunteurs qui paieront.
M. Philippe Dallier. Bien sûr !
Mme Annie Guillemot. Martial Bourquin n’est pas là, mais nous nous sommes justement battus pour que les ménages aient la possibilité de revoir tous les ans leur contrat d’assurance. Je connais des jeunes couples qui l’ont fait. S’ils sont taxés à 9 %, il est bien clair qu’ils ne le feront pas.
M. Philippe Dallier. Tout à fait !
Mme Annie Guillemot. Deuxièmement – et je parle là en tant que rapporteur pour avis sur la politique de la ville, puisque j’ai auditionné Action Logement –, tout est effectivement parti de la mesure visant à porter le seuil de 20 à 50 salariés,…
M. Philippe Dallier. Effectivement !
Mme Annie Guillemot. … qui a pour conséquence de faire perdre à peu près 400 millions d’euros à Action Logement. Cet organisme a tout coupé, y compris la discussion avec l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Je ne comprends pas ce gouvernement : des fois, vous subventionnez des ménages pour compenser les taxes que vous avez mises en place, et là, vous prévoyez une taxe spéciale pour compenser ce que perd Action Logement. Excusez-moi, mais j’estime qu’il s’agit d’un jeu de bonneteau. Ce ne sont jamais les mêmes qui paient : des entreprises, on passe maintenant aux ménages emprunteurs.
Comme nous l’avons indiqué dans l’exposé des motifs de notre amendement, taxer en ce moment des ménages, souvent des jeunes ménages, qui vont acheter un logement ? Il faut que vous preniez, je ne sais pas comment dire,…
M. Philippe Dallier. Conscience !
Mme Annie Guillemot. … conscience, en effet, de ce qui se passe et du caractère scandaleux de la mesure que vous nous proposez aujourd’hui ! Vous aurez beau nous dire tout et son contraire, on ne vous croira pas. Un euro par mois, excusez-moi, mais ce n’est plus possible pour les ménages. (Mme Victoire Jasmin et M. Jean-François Rapin applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. L’année dernière, le 24 novembre 2017, dans cet hémicycle, Jean-François Husson, de manière prophétique, avait annoncé au Gouvernement qu’il reverrait des bonnets rouges… Il a eu tort, ce sont aujourd’hui des gilets jaunes. Ce que vous dit aujourd’hui Philippe Dallier est exactement de même nature. Ce que le Gouvernement est en train de faire concernant la politique du logement est absolument catastrophique ! Je vous donne rendez-vous dans un an, madame la secrétaire d’État, où que vous soyez, pour voir où en sera la politique du logement dans ce pays. Vous verrez alors que le Sénat aura eu raison, une fois encore, avant le Gouvernement.
Et j’ajouterai : pas vous, madame la secrétaire d’État ! Vous ne pouvez pas dire que, lorsque vous taxez une entreprise, quand bien même il s’agit d’une société d’assurance – il est facile d’effrayer le bon peuple avec les sociétés d’assurance ! –, ce n’est pas le consommateur final qui paiera ! Pas vous, madame la secrétaire d’État, pas avec les études que vous avez suivies, pas avec les cours d’économie que vous avez suivis !