M. Pascal Savoldelli. Monsieur Dominati, je vais suivre attentivement votre travail parlementaire. J’étudierai tous les amendements que vous allez déposer visant à permettre à l’État d’engranger des recettes nouvelles et d’accroître ses capacités d’investissement public. Vous avez compris le message, il est d’une grande clarté et d’une grande honnêteté intellectuelle. Tout le monde l’a dit, et je partage les propos qui ont été tenus, il manque 4 milliards d’euros.
Ce que vous dites est dangereux, et je vais vous dire pourquoi. Mon propos s’adresse aussi à mes collègues. Si on suit votre raisonnement, il révèle une conception particulière de ce qu’est Paris par rapport à ce qui l’entoure, monsieur Dominati. Excusez-moi, mais c’est comme cela que je le ressens.
Vous dites en effet aux autres élus, de sensibilités différentes : « Bon, écoutez, on n’a pas d’argent, débrouillez-vous, il va falloir faire des choix sur la ligne 15, la ligne 16, la ligne 17, la ligne 18. » C’est comme cela que cela va finir. Et ce sont les collectivités territoriales qui vont devoir arbitrer entre elles. On va arbitrer entre nous !
Je m’adresse maintenant à mes collègues de province. La taxe additionnelle sur la taxe de séjour sera payée par les touristes. Mais le Grand Paris Express, ce sont aussi les liaisons avec les aéroports, avec des centres de recherche et universitaires. Mais bien sûr ! Regardons ensemble le plan du Grand Paris Express.
Par ailleurs, monsieur Dominati, pour que Paris tourne – nous ne fréquentons pas toujours les mêmes lieux –, il faut que les gens qui y font le ménage, qui s’occupent de la logistique dans les aéroports, tous ces gens qui effectuent des travaux ingrats et qui gagnent le SMIC, puissent se déplacer correctement. Je connais beaucoup de patrons qui sont contents que leurs salariés aient de très bonnes conditions de transport, car cela joue sur leur productivité et sur leur sentiment d’appartenance à l’entreprise.
C’est vrai que ces ouvriers-là, on ne les voit pas tellement dans le Paris qui brille, mais il n’y a pas de Paris qui brille sans salariés payés au SMIC pour faire les travaux ingrats. Et ces gens ont le droit d’avoir demain un métro automatique pour se déplacer.
Nous voterons contre ces amendements de suppression. La solution proposée n’est peut-être pas la meilleure – on en trouvera une autre –, mais il n’est pas question que les élus de la région parisienne arbitrent des choix entre eux, ce qui priverait des dizaines de millions de gens de la possibilité de circuler correctement.
M. Vincent Éblé. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-225 rectifié et II-883 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-863 rectifié, présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Dumas, M. Poniatowski et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
I – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2019 jusqu’au 31 décembre 2020.
II – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Je regrette ce vote, mais puisqu’il faut bien avancer dans le débat, je vous propose un amendement de repli.
Cette taxe n’est pas satisfaisante, nous en sommes d’accord, puisqu’elle va pénaliser le secteur touristique. Augmenter la taxe de séjour dans les établissements hôteliers, c’est envoyer un très mauvais signal à un secteur économique qui exprime de vives inquiétudes. Nous venons d’en discuter.
Par ailleurs, cette mesure présente un risque de contagion à d’autres régions, lesquelles pourraient s’en inspirer pour financer des infrastructures.
C’est pourquoi cet amendement de repli vise à limiter à deux ans la période d’application de cette taxe, à compter du 1er janvier 2019, afin de laisser à la Société du Grand Paris le temps nécessaire pour rétablir l’équilibre de ses finances et, le cas échéant, permettre à l’État de trouver de nouvelles modalités de financement, sans avoir recours aux entreprises.
M. le président. L’amendement n° II-848, présenté par M. Féraud, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le I s’applique à compter du 1er juillet 2019.
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Il ne s’agit pas d’un amendement de repli par rapport aux amendements de Philippe Dominati et de Céline Boulay-Espéronnier. L’esprit de cet amendement est très différent.
Sans remettre en cause le dispositif de financement, notamment la taxe additionnelle, il vise à en garantir une application plus réaliste. Il tend à prévoir qu’il s’appliquera à compter du 1er juillet 2019, et non du 1er janvier.
Nous le savons, les collecteurs de la taxe de séjour, principalement les hôteliers, ne seront pas prêts au 1er janvier. Ils n’en resteront pas moins redevables, les sanctions prévues le cas échéant étant d’ailleurs plus importantes dans le projet de loi de finances pour 2019. Pour leur laisser le temps de s’adapter et de se préparer, il faut reporter la date d’entrée en vigueur de la surtaxe au 1er juillet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La nuit entière, voire la fin de l’année, ne suffiront pas à épuiser le débat sur le financement du Grand Paris.
J’ai été très sensible à l’argument avancé par Hervé Marseille, et peut-être par d’autres, à savoir le risque de pérennisation de ce genre de taxe, contrairement à leur vocation initiale. La tentation de créer des taxes additionnelles pourrait se généraliser, surtout si on ne les borne pas dans le temps, ce qui, pour le coup, me paraît être extrêmement dangereux.
L’amendement n° II-863 rectifié de notre collègue Boulay-Espéronnier vise à limiter à deux ans la mise en œuvre de la taxe additionnelle à la taxe de séjour. Or cette durée est insuffisante. J’ai bien compris que cet amendement vise en fait à nous permettre d’avoir le temps de trouver une autre source de financement, mais force est de constater qu’il n’en a pas été proposé beaucoup ce soir. Peut-être le sujet n’est-il pas épuisé…
Tout le monde reconnaît que l’infrastructure est absolument indispensable, qu’il s’agit des transports du futur. Le métro de Fulgence Bienvenüe date du début du siècle dernier. Compte tenu de l’évolution de la région parisienne, il est clair que notre réseau de transport est inadapté. C’est un point d’accord entre nous.
De même, tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut trouver un financement, mais nous sommes à court de propositions concrètes. Je n’entends rien d’autre que : « L’État doit payer. »
L’idée même d’une limitation dans le temps me séduit. Je pense en effet qu’il serait sain de dire que, dès lors qu’une taxe additionnelle est instaurée, il faut qu’elle soit bornée dans le temps. En revanche, je l’ai dit, le délai de deux ans proposé ici me paraît un peu irréaliste.
Bien que je souscrive à l’intention de l’auteur, je demande le retrait de cet amendement. Voter un délai de deux ans n’a pas beaucoup de sens. En revanche, borner les taxes additionnelles dans le temps, cela en aurait.
Je suggère également le retrait de l’amendement n° II-848. Malheureusement, ces temps-ci beaucoup d’impôts changent tous les jours, avec une application au 1er janvier. Dès lors que le Sénat n’a pas créé la taxe, je ne suis pas certain que le report de sa mise en œuvre au 1er juillet permette d’apporter une vraie solution.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons que celles qu’a avancées la commission, le Gouvernement sollicite le retrait des amendements nos II-863 rectifié et II-848 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
J’avais émis un avis favorable à un report d’application des sanctions ; or tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque le report concernerait tout simplement le régime fiscal lui-même.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Je souscris totalement aux propos de M. le rapporteur général, comme je l’ai laissé entendre lors de l’une de mes précédentes interventions. C’est un problème de principe : accepte-t-on de financer des projets à la place de l’État par des taxes additionnelles ? J’aurais pu comprendre que l’on demande un nouvel effort aux collectivités, s’il était exceptionnel, surtout s’il était limité dans le temps. En effet, les collectivités ont déjà été très sollicitées dans cette région. Mais là, c’est perpétuel… On peut certes considérer que deux ans, c’est insuffisant. De là à accepter une application permanente !
J’espère que nous aurons d’autres discussions sur le sujet et que l’Assemblée nationale reviendra sur les délais, de façon que cette participation soit un effort, et non pas une taxe définitive. Réfléchissons au problème du financement des grands travaux, afin que l’État ne se défausse pas systématiquement sur des taxes additionnelles ou des droits nouveaux. Sinon, on n’en sortira pas !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je m’associe aux propos de M. Marseille, car il faut que la perception de ce genre de taxes soient limitée dans le temps : elles doivent s’arrêter une fois que les infrastructures ont été réalisées. Or on sait bien que l’État est un grand spécialiste pour laisser courir les taxes, même quand leur affectation ne le justifie plus.
Mes chers collègues, je ne voterai pas vos amendements, parce que je considère tout d’abord que la limite de temps ne doit pas porter seulement sur la taxe de séjour, sous peine de toucher plus particulièrement les touristes. La mesure que vous proposez devrait plutôt s’appliquer de la même façon aux trois taxes.
Je profite de cette occasion pour attirer l’attention du Gouvernement sur la taxe sur les bureaux et les parkings. Je suis vraiment très frileuse concernant cette nouvelle taxe, car je suis très attentive aux vastes territoires périphériques de l’extrême grande couronne, mais qui se trouvent dans l’aire urbaine de Paris – aujourd’hui, certaines grandes intercommunalités, notamment des communautés urbaines, s’étendent jusqu’aux portes de la Normandie.
L’instauration de la taxe sur les bureaux et, désormais, d’une taxe sur les parkings entraînera le déplacement de certaines entreprises implantées dans ces quartiers de la grande périphérie de la région parisienne, pour aller, à deux kilomètres, un peu plus loin en Normandie – mes amis normands en seront les bénéficiaires –, ou dans les régions périphériques, préférant celles-ci aux grandes banlieues de la région parisienne. Cet effet pervers risque d’être un peu compliqué à gérer pour nous.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je voudrais compléter les arguments en faveur de ces amendements, en m’adressant à M. Savoldelli : le monde du travail participe largement au financement des grands travaux, puisque les entreprises en Île-de-France paient 3 % sur la masse salariale pour le système des transports. Ajouter des taxes à la charge des entreprises, c’est autant d’argent en moins pour leur bonne marche, pour créer des emplois ou augmenter des salaires.
M. Pascal Savoldelli. Vous êtes pour l’augmentation des salaires ?
M. Philippe Dominati. C’est un choix. Vous, vous pensez que vous pourrez réguler les salaires par un mécanisme d’État. Vous avez le droit de le penser, mais au sein des entreprises, certains pensent qu’il vaut mieux avoir l’argent dans la poche ou pouvoir bénéficier d’augmentations de salaire. Je ne crois pas que ce soit un problème de Parisiens…
M. Pascal Savoldelli. Vous êtes pour l’augmentation des salaires ? Vous n’arrivez pas à cracher le morceau…
M. Philippe Dominati. Je suis tout simplement pour que les salaires puissent augmenter et que Paris puisse être une capitale économique qui se développe. Voilà mon objectif. En réalité, l’argent que vous prenez, monsieur Savoldelli, ne va pas dans la poche des travailleurs dont vous parlez, contrairement à ce que vous voulez faire croire !
M. le président. Mes chers collègues, comme je vous l’ai dit précédemment, nous allons voter mardi sur l’ensemble du projet de loi de finances. Nous n’ouvrirons aucune séance ce week-end, et siégerons lundi et mardi. Si nous voulons respecter les délais impartis, il nous reste encore une vingtaine d’amendements à examiner ce soir.
Articles additionnels après l’article 56 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-599 rectifié ter, présenté par Mme Primas, MM. Allizard, Babary, Bazin, Bizet et Bonhomme, Mme Bories, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet, Cardoux et Charon, Mme Chauvin, MM. Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Daubresse et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Di Folco, M. Duplomb, Mmes Duranton et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest et Gremillet, Mme Gruny, MM. Husson et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre et Mayet, Mmes M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Mouiller, Panunzi, Pellevat, Perrin, Piednoir, Pierre, Pointereau et Poniatowski, Mme Puissat et MM. Raison, Savin, Schmitz, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 1530 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Aux premier et second alinéas du I, la référence : « 1639 A bis » est remplacée par la référence : « 1639 A » ;
2° Au premier alinéa du II, les mots : « avant le 1er octobre de chaque année pour application l’année suivante » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues aux articles 1594 E et 1639 A du présent code » ;
3° Le 1 du III bis est abrogé ;
4° Au premier alinéa du III ter, les mots « jusqu’au 15 janvier de l’année qui suit celle de la fusion » sont remplacés par les mots « dans les conditions suivantes ».
II. –Au début du I de l’article 1639A du code général des impôts, les mots : « Sous réserve des dispositions de l’article 1639 A bis, » sont supprimés.
III. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales des I et II est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Je voudrais évoquer, au travers de cet amendement, les délais qui sont accordés aux collectivités territoriales pour leurs délibérations sur la taxe destinée à financer la compétence de gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, ou GEMAPI.
Vous le savez, l’article 1530 bis du code général des impôts prévoit que le produit de la taxe GEMAPI soit délibéré par les collectivités avant le 1er octobre de l’année précédente. De fait, ce calendrier ne correspond pas au calendrier des contributions sur lesquelles il repose, en particulier la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la presque disparue taxe d’habitation et la cotisation foncière des entreprises, la CFE, dont les bases ne sont connues qu’en mars de l’année d’imposition et les taux votés au mois d’avril de cette même année.
Par conséquent, cet amendement prévoit que le produit de la taxe GEMAPI puisse être délibéré dans les conditions fixées par l’article 1639 A du code général des impôts, c’est-à-dire avant le 15 avril. Après vérification auprès des services de l’État, la collecte ou la détermination de cette taxe ne posera aucun problème aux services de la direction générale des finances publiques, je m’en suis assurée.
Cet amendement n’empêche évidemment pas les collectivités qui le voudraient de délibérer avant le 15 avril. Pour cette année en particulier, qui est un peu une année charnière, il permettrait une recette aux quelques retardataires qui se sont laissés dépasser par le calendrier et qui n’ont pas pu délibérer avant le 1er octobre. Enfin, ces collectivités pourraient délibérer sur des bases juridiques solides.
M. le président. L’amendement n° II-113 rectifié bis, présenté par MM. Richard, Bargeton, Patient, Rambaud, Amiel et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro et Patriat, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du II de l’article 1530 bis du code général des impôts, les mots : « Le produit de cette taxe est arrêté avant le 1er octobre de chaque année pour application l’année suivante » sont remplacés par les mots : « Le produit de cette taxe est arrêté chaque année dans les conditions prévues à l’article 1639 A du présent code ».
II. – Le I du présent article présente un caractère interprétatif.
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Cet amendement n’est pas rédigé comme le précédent, mais son objet est identique, à savoir la spécificité de cette taxe GEMAPI qui ne peut pas être votée jusqu’au 15 avril. D’ailleurs, quelques EPCI se sont laissés prendre par le calendrier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements soulèvent une vraie question et prévoient d’aligner la date des délibérations au sujet de la taxe GEMAPI sur la date de droit commun, qui est le 15 avril. Cette mesure va dans le bon sens ; c’est pourquoi elle est vue d’un œil bienveillant par la commission.
Je suis personnellement favorable à ces deux amendements qui sont différents en ce que l’amendement n° II-599 rectifié ter est applicable non seulement à la fixation des taux, mais également à l’institution de la taxe.
Si le Gouvernement nous confirme que le dispositif de l’amendement n° II-599 rectifié ter est possible – car il est plus large –, dans ce cas j’émettrai un avis favorable. En revanche, si le Gouvernement nous indique que l’instauration de la taxe est techniquement impossible, j’en solliciterai le retrait, au profit de l’amendement n° II-113 rectifié bis.
En définitive, sur le principe du 15 avril, nous sommes d’accord. Mais nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement sur la faisabilité de l’institution de la taxe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’amendement n° II-599 rectifié ter modifie les deux délais prévus. Or pour notifier les bases d’imposition aux collectivités, nos services ont besoin de connaître les délibérations relatives aux institutions d’abattement ou d’exonération de taxe, qui doivent être prises avant le 1er octobre.
Par conséquent, nous sommes favorables au fait d’harmoniser au 15 avril la date limite de détermination du montant de la taxe. En revanche, nos services ont besoin que l’institution de la taxe ait lieu avant le 1er octobre, de manière que l’on puisse en tenir compte – qui dit institution, dit aussi vote des politiques d’abattement – pour le calcul des bases d’imposition et leur notification aux collectivités.
Pour ces raisons, je vous demanderai, madame Primas, de bien vouloir retirer votre amendement au profit de l’amendement n° II-113 rectifié bis présenté par M. Bargeton.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. J’ai évidemment examiné l’amendement n° II-113 rectifié bis. Il me semblait que l’expression « caractère interprétatif » utilisée au dernier alinéa n’était pas très solide juridiquement. On entre un peu dans un « droit mou », dans le sens où cette interprétation me semble justement soumise elle-même à interprétation : si les collectivités n’ont pas décidé au mois d’octobre de la création de la taxe et de la détermination de son montant, pourront-elles encore délibérer jusqu’au 15 avril 2019 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les collectivités pourront délibérer pour déterminer le montant de la taxe jusqu’au 15 avril, mais il faut qu’elles l’aient déjà créée au 1er octobre. Après cette date, et d’ici au 15 avril, sa création ne sera plus possible, car nos services ne seraient pas en mesure de calculer la base d’imposition et, donc, de transmettre en temps les notifications auprès des collectivités concernées, en vue de leur permettre d’élaborer le budget.
L’amendement n° II-113 rectifié bis permet au contraire de décaler au 15 avril le terme du délai accordé pour déterminer le montant de la taxe, à condition d’avoir déjà créé la taxe. J’insiste cependant sur le fait que le transfert de la compétence GEMAPI a pris effet au 1er janvier 2018, et que les collectivités ayant mis en place la taxe spécifique pour financer cette compétence ne découvrent pas la nécessité de créer cette taxe avec l’exercice 2019, puisque cet exercice de compétence date déjà d’un an.
C’est pourquoi le nombre d’intercommunalités qui seraient amenées, pour 2019, à vouloir créer la taxe et à regretter de ne pouvoir le faire avant le 15 avril me paraît limité. Qu’il y ait une volonté de déterminer différemment le montant de la taxe, je l’entends. Mais qu’il y ait une volonté de créer la taxe maintenant, sous prétexte d’avoir oublié de le faire avant le 1er octobre, cela me paraît un peu plus délicat à interpréter.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. On se retrouve exactement, avec la taxe GEMAPI, dans la situation que décrivait M. Marseille : on transfère une compétence déjà existante et on crée une taxe spécifique, libre ensuite aux collectivités de lever ou non cet impôt. Chacun connaît l’état des finances locales, et forcément, un financement supplémentaire sera recherché. La taxe GEMAPI est en réalité une taxe additionnelle perçue par l’EPCI et prélevée sur nos concitoyens. Voilà une nouvelle taxe affectée et toujours plus de fiscalité !
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je ne redévelopperai pas la question, mais il est vrai que, pour faire face à une compétence transférée par l’État, des taxes locales sont créées.
Monsieur le secrétaire d’État, comment votre administration va-t-elle s’y prendre pour récupérer, au profit des collectivités qui l’auront votée, la taxe GEMAPI dans sa part taxe d’habitation qui doit disparaître progressivement dans les deux ans qui viennent ? En effet, certaines perceptions ne seront pas effectuées, car l’assiette prise en compte sera inférieure au montant minimum de perception. Comment allez-vous compenser cela aux communes ? Bref, quelles conséquences la disparition de la taxe d’habitation entraînera-t-elle sur la partie GEMAPI ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Des expertises sont en cours sur ce deuxième point, car si la question se pose pour la taxe GEMAPI que nous voulons garantir comme ressource spécifique des collectivités, elle se pose aussi pour d’autres taxes. Celles-ci, appelées parfois « petites taxes », sont en effet bien utiles, car elles financent des politiques locales ou nationales – je pense par exemple à la contribution pour l’audiovisuel public –, aujourd’hui adossées à la taxe d’habitation et dont il faut assurer le portage à l’occasion de la loi de finances rectificative. Ça n’est pas tout à fait le même ordre d’idée.
Pour ce qui est, maintenant, de la question de la compétence GEMAPI et de son financement par une taxe additionnelle, si un autre membre du Gouvernement avait été présent ce soir, il ne vous aurait peut-être pas apporté la même réponse. Mais il se trouve que j’étais rapporteur, à l’Assemblée nationale de la loi MAPTAM comme de la loi NOTRe, et que j’ai un souvenir assez précis de leur élaboration.
Or, dans le texte initial du Gouvernement, aucune compétence GEMAPI n’avait été transférée, pas plus que dans la version votée par l’Assemblée nationale en première lecture, d’autant que, comme rapporteur, je m’y étais opposé.
En revanche, la version adoptée par le Sénat comprenait le transfert de la compétence GEMAPI aux intercommunalités. Et, vous le savez comme moi, parfois, pour qu’une commission mixte paritaire aboutisse, il faut que les deux assemblées y trouvent leur compte…
Par conséquent, si la compétence GEMAPI a été transférée aux intercommunalités au 1er janvier 2018, c’est sur l’initiative du Sénat en 2014, dans le cadre de l’examen de la loi MAPTAM, et plus particulièrement d’un groupe politique qui avait porté cette volonté de transfert de compétence, notamment des sénateurs ayant connu des épisodes d’inondations et de débordements de canaux ou de ruisseaux importants. Pour une fois qu’il ne s’agissait pas d’une initiative gouvernementale ! (Sourires.)
M. le président. Madame Primas, l’amendement n° II-559 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. Je fais confiance au Gouvernement : je vais retirer mon amendement au profit de l’amendement n° II-113 rectifié bis. Au demeurant, je ne suis pas très convaincue par les explications que l’on m’a données.
M. le président. L’amendement II-599 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-113 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)