compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Secrétaires :
M. Victorin Lurel,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, le 11 décembre 2019, je n’ai pu être présente en séance et prendre part au scrutin public n° 37 sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2019. J’indique que je souhaitais voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu dans notre règlement.
4
Funérailles républicaines
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, instituant des funérailles républicaines (proposition n° 170 [2016-2017], résultat des travaux de la commission n° 178, rapport n° 177).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le président Patrick Kanner, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me trouver aujourd’hui une nouvelle fois au Sénat – en ce moment, j’y viens quasiment une fois par jour ! – pour cette proposition de loi visant à instituer des funérailles républicaines, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale voilà plus de deux ans maintenant, sous la précédente législature.
La proposition de loi vient aujourd’hui devant le Sénat, et c’est pour moi l’occasion de saluer la grande qualité des débats et des échanges qui ont lieu tant à l’Assemblée nationale que lors de son examen par votre commission des lois.
C’est d’autant plus important de souligner que le sujet qui nous réunit aujourd’hui est complexe, car il touche à l’intime, aux croyances. Il est souvent dit que le degré de civilisation d’une société peut se mesurer à la place qu’elle accorde à ses défunts. J’en suis personnellement convaincu. Et même si la relation à la mort a considérablement évolué au cours des siècles, nous leur devons respect et dignité.
La proposition de loi répond à une préoccupation légitime : permettre à chaque Français de bénéficier de funérailles dans le respect de ses convictions personnelles, notamment religieuses.
En France, le principe de liberté de choix des funérailles, entre obsèques civiles ou religieuses, est garanti depuis la loi du 15 novembre 1887.
Ce fut un progrès important, annonciateur de la grande loi de 1905.
Toutefois, tout au long du XXe siècle, les pratiques funéraires des Français ont évolué assez fortement. Une étude publiée en 2016 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC, permet de s’en rendre compte : aujourd’hui, 74 % des obsèques sont religieuses et 26 % civiles. Si la cérémonie reste très majoritairement religieuse en cas d’inhumation – 87 % des cas –, c’est beaucoup moins le cas pour les crémations – 49 % de cérémonies civiles.
Or nous assistons depuis quelques années à une augmentation très forte du nombre de crémations : 1 % des décès en 1980, 35 % en 2016. Le constat est donc clair : les Français sont de plus en plus nombreux à faire le choix de la crémation et, donc, à opter pour l’organisation de cérémonies civiles, même si ces dernières restent encore aujourd’hui minoritaires.
Il s’agit donc non pas de nier cette évolution sociale, importante en France comme à l’étranger, mais de réfléchir à la meilleure manière pour y répondre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vois deux approches possibles.
La première consisterait à recourir à la loi. C’est l’objet de votre texte, qui prévoit deux dispositions : d’une part, demander à la commune de « mettre à disposition », « gratuitement », une « salle adaptable », afin de permettre aux familles d’organiser des funérailles civiles ; d’autre part, permettre à un officier d’état civil, s’il le souhaite, de procéder à la cérémonie.
Ces propositions sont parfaitement louables et partent clairement d’une bonne intention. Néanmoins, elles soulèvent un certain nombre d’obstacles que vous avez, à juste titre, rappelés dans vos travaux, monsieur le rapporteur.
Je les partage en grande partie. Quatre points me paraissent particulièrement importants.
Tout d’abord, il s’agit d’une contrainte nouvelle imposée aux communes, sans aucune compensation financière, et qui serait donc financée par le contribuable local.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Sébastien Lecornu, ministre. En effet, les communes devraient prendre à leur charge les coûts d’entretien, sans oublier la mobilisation du personnel municipal pour l’aménagement, la surveillance et la remise en état de la salle.
M. Laurent Duplomb. Très bien !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Alors que les communes réalisent déjà des efforts importants dans la maîtrise de leurs dépenses publiques, leur imposer une nouvelle contrainte ne nous paraît pas justifié.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ensuite, la mise en œuvre de cette proposition se heurte à des écueils pratiques susceptibles de générer des contentieux devant le juge administratif. Qu’est-ce qu’une « salle adaptable » ? Dans quelles conditions une commune peut-elle estimer ne pas être en mesure de la mettre à disposition ? Par exemple, en l’absence de définition précise, un administré mécontent pourrait se tourner vers le juge en estimant que la mairie avait une « salle adaptable ».
Si ces questions paraissent à certains secondaires, elles sont susceptibles de créer de l’insécurité juridique pour les élus locaux. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Troisièmement, cette proposition de loi pose la question de son articulation avec les missions exercées aujourd’hui par les opérateurs funéraires. En effet, depuis la loi du 8 janvier 1993 modifiant le titre VI du livre III du code des communes et relative à la législation dans le domaine funéraire, le monopole des communes sur le « service extérieur des pompes funèbres » a été supprimé. Permettre la mise à disposition gratuite de salles conduirait potentiellement à un risque de distorsion de concurrence.
De plus, ce choix pourrait se révéler en contradiction avec la démarche d’allégement des procédures et des normes en matière funéraire qui a amené à réduire, voire à supprimer, la présence d’agents publics à différentes étapes des obsèques.
Enfin, je ne suis pas certain qu’il soit opportun de conférer de nouvelles attributions à l’officier d’état civil, dont le rôle consiste à délivrer des actes d’état civil et non à présider des cérémonies.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Par ailleurs, cela soulève deux autres problèmes.
Tout d’abord, contrairement aux mariages civils, où il est fait lecture précisément des articles du code civil, aucune disposition n’encadre le déroulement d’une cérémonie de funérailles républicaines.
Ensuite, si la loi donne à l’officier d’état civil la possibilité de ne pas y participer, cette application à « géométrie variable » est de nature à nourrir des procès en discrimination !
Pour toutes ces raisons-là, et malgré le caractère généreux et louable de ce texte,…
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … je ne pense pas que le recours à la loi soit la manière la plus opportune de répondre aux attentes des Françaises et des Français en matière funéraire.
M. André Reichardt. En effet !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous pouvons aussi opter pour une autre stratégie, qui a clairement ma préférence : faire confiance aux élus locaux ; inciter plutôt que contraindre.
Comme vous le savez, j’ai été maire de Vernon et président du conseil départemental. J’ai, comme vous, la culture de l’élu local. Je connais aussi bien que vous – du moins, je l’espère – les potentialités et les intelligences de nos territoires. Au lieu de les contraindre, je préfère leur faire confiance.
Alors que j’ai annoncé vouloir lutter contre les « irritants » de la loi NOTRe, qui comprendrait que je défende l’adoption de nouvelles contraintes pour les communes ?
Le droit actuel n’interdit d’ailleurs pas l’organisation de funérailles civiles, comme l’ont rappelé notamment l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’AMF, et l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF.
En effet, nombre de communes mettent d’ores et déjà des salles à disposition sans que cela semble soulever la moindre difficulté particulière. Il arrive aussi que des élus interviennent pour y prononcer une allocution.
Enfin, comme l’AMRF l’a rappelé devant vous, monsieur le rapporteur, les usages locaux sont très importants en matière d’obsèques, en métropole comme outre-mer, et il faut plutôt s’en remettre, une fois de plus, à l’intelligence territoriale.
Certaines communes mettent à disposition des salles, d’autres remettent des documents aux familles des défunts pour les accompagner dans les procédures administratives : bref, faisons confiance aux élus locaux – je ne le répéterai jamais assez –,…
M. Patrick Kanner. Ça change !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … car ce sont eux qui connaissent le mieux les besoins de leurs administrés.
L’absence de problème particulier, l’existence d’un cadre juridique permettant de régler nombre de situations, notre volonté de ne pas créer une nouvelle norme et notre confiance inébranlable dans les territoires sont autant de raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à l’adoption de cette proposition de loi : pas pour ses intentions, mesdames, messieurs les sénateurs, qui sont justes, honorables et louables, mais pour la méthode retenue. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à instituer des funérailles républicaines, que nous examinons aujourd’hui, a été adoptée par l’Assemblée nationale le 30 novembre 2016, sous la précédente législature. Elle était présentée par notre ancien collègue député Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues.
La semaine dernière, la commission des lois du Sénat l’a rejetée en adoptant un amendement de suppression de son article unique, présenté par notre collègue Jean-Pierre Grand.
En conséquence, et en application du premier alinéa de l’article 42 de la Constitution, notre discussion porte aujourd’hui sur le texte de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale.
Pour préparer nos travaux, j’ai tenu à entendre les différentes parties prenantes : les associations d’élus, la Fédération des familles de France, les opérateurs funéraires, publics ou privés, les représentants des cultes, la Fédération nationale de la libre pensée, ainsi que les administrations concernées – ministère de la justice, ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Je me suis évidemment entretenu avec le deuxième signataire de la proposition de loi, M. Hervé Féron, qui était aussi rapporteur au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Je remercie notre collègue Jean-Luc Fichet d’avoir participé aux auditions et le président Jean-Pierre Sueur, avec qui nous avons pu échanger.
Le principe de liberté de choix des funérailles, entre obsèques civiles ou religieuses, est garanti depuis le XIXe siècle et la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles.
Si les premières tendent à se développer, notamment avec le recours croissant à la crémation plutôt qu’à l’inhumation, les secondes restent largement majoritaires en France : elles représentent encore 74 % des obsèques selon une étude publiée en 2016 par le CRÉDOC.
Les règles actuelles de la domanialité publique permettent d’ores et déjà l’organisation d’obsèques civiles au sein de bâtiments communaux.
L’attribution d’une salle municipale relève toutefois de la seule appréciation de la commune et est soumise à une redevance, sauf exception.
Il arrive également que l’officier de l’état civil s’implique lors de la célébration des obsèques, mais à titre privé et avec l’accord de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles – je l’ai fait en tant que maire.
La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale a deux finalités : premièrement, elle tend à imposer aux communes qui disposent d’une « salle adaptable » de garantir l’organisation de « funérailles républicaines » en la mettant à disposition des familles des défunts ; deuxièmement, elle vise à donner à l’officier de l’état civil la faculté de procéder à une cérémonie d’obsèques civiles, dans l’hypothèse où la famille du défunt le demanderait.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, elle se heurte toutefois à de nombreux écueils, que je vais tenter de résumer.
Premier écueil : l’absence de mention expresse de la notion de disponibilité de la salle, qui pourrait conduire à interpréter ces dispositions comme accordant une priorité à la demande de réservation de salle pour des « funérailles républicaines » et générer alors des conflits d’usage.
Deuxième écueil : l’absence de définition du caractère « adaptable » de la salle, qui ne manquerait pas de susciter des contentieux devant le juge administratif.
Troisième écueil : l’absence de mention des cas dans lesquels la commune pourrait légitimement refuser la demande de mise à disposition.
Quatrième écueil : l’ambivalence de la notion de « funérailles républicaines ». Plusieurs représentants des cultes ont fait remarquer qu’une cérémonie d’obsèques religieuses n’était pas moins républicaine qu’une cérémonie strictement civile.
De fait, en vertu du principe constitutionnel d’égalité devant la loi, la commune pourrait-elle légitimement refuser la demande d’une famille souhaitant utiliser une salle pour l’organisation d’obsèques religieuses ? La question se pose, d’autant plus que certains opérateurs funéraires m’ont indiqué que cela se faisait déjà.
Cinquième écueil : le coût induit pour les communes, qui devraient mettre à disposition, aménager et entretenir gratuitement, sans compensation financière, une salle adaptable, alors même que les dispositions de la proposition de loi auraient une incidence marginale sur le coût global des obsèques. Celles-ci nécessiteraient en effet toujours l’intervention d’opérateurs funéraires habilités à assurer le service extérieur des pompes funèbres.
Sixième écueil : le caractère singulier de la nouvelle compétence confiée aux officiers de l’état civil, qui ne relèverait pas du champ traditionnel de leurs missions, en principe toujours en lien avec l’établissement ou la publicité d’un acte de l’état civil, qui génère alors des droits et des obligations.
Au demeurant, préparer et présider une cérémonie funéraire ne s’improvise pas. À cet égard, les dispositions de la proposition de loi pourraient introduire une distorsion avec les agents des régies, associations ou entreprises de pompes funèbres, obligés d’être diplômés pour exercer leur profession de « maître de cérémonie », et les officiers de l’état civil, qui pourraient conduire une cérémonie d’obsèques sans diplôme ni habilitation en la matière.
Par ailleurs, il est possible de s’interroger sur la latitude laissée aux élus de refuser de procéder à une cérémonie civile. L’éventuel refus de l’officier de l’état civil pourrait être interprété comme une rupture d’égalité ou une discrimination et faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, alors que le contentieux de la mise à disposition de la salle relèverait du juge administratif.
Mes chers collègues, je partage l’objectif des auteurs de la proposition de loi de prendre en considération le développement des obsèques civiles dans notre pays et suis bien entendu favorable à ce que les communes, lorsqu’elles le peuvent, mettent à disposition des familles une salle municipale à cet effet. Elles le font déjà, sans difficulté particulière.
Comme l’ont fermement souligné les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, il n’est donc ni nécessaire ni utile de créer une nouvelle obligation à la charge des communes, sans compensation financière, ni même de rappeler une faculté qui existe déjà, comme cela est proposé dans certains amendements. Le Sénat, et sa commission des lois en particulier, attache la plus grande importance à la qualité de la loi et à son caractère normatif.
Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission des lois vous invite à rejeter la proposition de loi et à adopter les amendements de suppression de son article unique, déposés par nos collègues Jean-Pierre Grand et Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi instituant des funérailles républicaines que nous examinons aujourd’hui a pour objet de faciliter l’organisation d’obsèques civiles au sein de salles municipales.
Elle tend tout d’abord à imposer aux communes qui disposent d’une salle « adaptable » de garantir l’organisation de funérailles républicaines en la mettant à la disposition des familles.
Elle vise ensuite à donner à l’officier de l’état civil la faculté de procéder à une cérémonie d’obsèques civiles, dans l’hypothèse où la famille le demanderait.
Toutefois, cette proposition de loi semble dénuée de pragmatisme.
Déjà, en 2016, alors député, j’avais fait évoluer le texte initial à la faveur d’un amendement adopté en séance publique, en faisant remplacer le mot « adaptée » par le mot « adaptable », pour qualifier la salle municipale, et ce afin d’apporter un peu de souplesse dans les modalités d’organisation par les communes de cette cérémonie, notamment celles de petite taille, aux moyens modestes, dont il n’avait pas été tenu compte. Faut-il rappeler que, dans certaines communes, le maire lui-même ne dispose pas de bureau, occupant alors celui du secrétaire de mairie ?
Je relève en outre que le caractère « gratuit » de la mise à disposition de la salle contrevient aux règles de la domanialité publique. En effet, l’occupation ou l’utilisation du domaine public doit donner lieu au paiement d’une redevance, même minime.
Enfin, nous savons tous, au sein de cet hémicycle, que les maires ont déjà suffisamment de travail et de responsabilités, surtout dans les communes modestes, où ils s’impliquent dans de nombreuses tâches qu’ils ne peuvent déléguer, faute de personnel. Ne leur imposons donc pas une nouvelle charge et laissons-les s’occuper uniquement de leurs missions traditionnelles.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il paraît inopportun de légiférer sur ce sujet dans la mesure où le droit en vigueur permet déjà l’organisation d’obsèques civiles en mairie, sans pour autant contraindre les communes, au risque de porter atteinte à leur libre administration.
Il apparaît également inapproprié de créer une nouvelle obligation à la charge des communes, sans compensation financière.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi votée à l’Assemblée nationale le 30 novembre 2016 instituant des funérailles républicaines.
S’il est vrai qu’il y a bien un domaine qui ne souffre pas de surtransposition de normes et d’abondance de règles, c’est bien celui de la liberté des funérailles. En effet, les règles qui s’appliquent dans ce domaine sont issues de la loi du 15 novembre 1887, plus particulièrement de son article 3, qui dispose que « tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture ».
C’est seulement en cas de contestation sur les conditions des funérailles, et après décision de la juridiction compétente, que la décision serait notifiée au maire, lequel serait, dans ce cas, chargé d’en assurer l’exécution.
À travers la proposition de loi instituant des funérailles républicaines, nos collègues députés proposent donc que les maires et les collectivités locales soient intégrés « automatiquement » dans le dispositif législatif en vue de faciliter l’organisation d’obsèques civiles au sein des salles municipales.
Mes chers collègues, à ce jour, en France, 30 % des obsèques sont civiles et c’est le service extérieur des pompes funèbres, conformément à la mission de service public qui lui est conférée par l’article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales, qui organise les obsèques.
L’ajout au code général des collectivités territoriales de l’article unique de cette proposition de loi se traduirait par de nouvelles responsabilités pour les maires et de nouvelles charges financières pour les collectivités.
Pour avoir été maire de Lazer, commune des Hautes-Alpes, je peux témoigner que le maire en particulier et les élus municipaux en général participent, si nécessaire, à l’organisation des obsèques, en fonction des circonstances et des besoins, sans que le législateur ait eu besoin d’en préciser les modalités.
Les élus locaux, qui sont présents quotidiennement sur leur territoire, savent répondre avec humanité à la détresse des familles et mettre en place les moyens matériels en cas de nécessité.
C’est aussi pour cela que nous sommes élus, pour créer du lien avec les citoyens, pour nous adapter aux besoins ponctuels, pour faire preuve de discernement.
C’est pourquoi je me range à l’avis de nos collègues de la commission des lois, dont je salue le travail et la rigueur. Confier aux officiers de l’état civil de nouvelles compétences qui ne relèvent pas de leurs attributions traditionnelles n’est pas sans conséquence.
Un nouveau cadre juridique serait en effet nécessaire, puisque nous sortirions du champ de l’établissement ou de la publicité de simples actes d’état civil. Or, mes chers collègues, vous le savez, 49 % des maires interrogés récemment déclarent qu’ils ne se représenteront pas en 2020.
Je ne pense pas que ce soit en instaurant des obligations supplémentaires en matière d’obsèques civiles que nous allons susciter de nouvelles vocations d’élu local et provoquer un engouement pour un engagement citoyen. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Vous l’aurez compris, dans la mesure où la législation en vigueur permet déjà l’organisation d’obsèques civiles au sein de bâtiments communaux lorsque les communes l’autorisent, je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes confrontés à un sujet de principe qui, au fond, est celui-ci : quelles conséquences faut-il tirer, dans l’effectivité du déroulement des célébrations funèbres, du principe de la liberté de choix, consacrée en effet par la loi de 1887, loi qui fait partie de ce cortège de lois postérieures à la consolidation, en 1879, de la République, avec la loi sur les communes, la loi sur les syndicats, la loi sur le divorce, et bien d’autres encore ?
Cette liberté de choix existe, et je préfère ne pas évoquer les chiffres de la répartition entre funérailles religieuses et funérailles civiles. Quelle que soit la proportion de familles ou de testateurs faisant le choix d’obsèques civiles, il faudrait, me semble-t-il, s’intéresser à l’exercice concret de ce droit qui leur revient.
À la différence des orateurs précédents, y compris le ministre, et puisque le code général des collectivités territoriales comporte de toute façon un très grand nombre d’articles offrant aux communes des facultés en matière d’organisation des funérailles, je ne considère pas comme vaine la mention dans la loi d’un choix qu’auraient les communes d’accueillir dans une salle municipale une partie d’une célébration funéraire, celle qui est destinée au public le plus large.
Je souhaite qu’un texte soit adopté, et c’est ce qui me conduit à en proposer un qui est assez substantiellement différent de celui de nos collègues du groupe socialiste et républicain.
En effet, en faire une obligation générale pour toutes les communes ne me paraît pas adapté, alors que certaines n’ont pas la possibilité d’offrir cet espace de rencontre. Il ne me paraît pas non plus judicieux de fixer le principe de la gratuité : pardon de le dire, mais si tout le reste du déroulement d’une célébration funéraire était gratuit, nous nous en serions aperçus depuis quelque temps !
Lorsque, par exemple, une famille organise des obsèques civiles se concluant par une crémation, naturellement elle va payer, sous l’effet d’ailleurs d’une concession municipale, l’usage de la salle pour la partie de célébration publique. Il ne me paraît donc pas nécessaire, pour le respect du principe de liberté, d’énoncer dans ce cas-là le principe de gratuité.
Si tant est qu’il soit examiné par le Sénat, je propose, dans mon amendement, et parce que cela paraît logique, que, lorsque la commune dispose d’une salle destinée à l’accueil du public, ce qui est assez souvent le cas, elle applique, pour cette célébration funèbre civile, les mêmes conditions tarifaires que pour n’importe quelle autre réunion, par exemple une activité associative.
Par ailleurs, je ne crois pas nécessaire ni même véritablement justifiée l’entrée en scène, si j’ose dire, de l’officier de l’état civil. Celui-ci est détenteur de droits et d’obligations qui tiennent aux règles de l’état civil, lesquelles font mention de la naissance, du mariage et de la rédaction de l’acte de décès.
Nous qui avons tous ou presque exercé cette mission, nous savons que l’officier d’état civil n’intervient que pour appliquer des obligations légales. Bien évidemment, l’accueil d’une célébration familiale ou amicale n’a pas le caractère d’une telle obligation. Il ne requiert donc pas l’intervention de l’officier d’état civil, qui n’aurait en l’espèce pas de texte légal à appliquer. Par conséquent, cette disposition ne me semble pas non plus véritablement justifiée.
Enfin, la proposition de loi prévoit que le service offert par la commune ne sera destiné qu’aux habitants de celle-ci. Je comprends tout à fait cette disposition, qui est conforme au droit commun en matière funéraire. Toutefois, comme la mise à disposition d’une salle est possible pour certaines communes et pas pour d’autres, il ne me paraît pas très cohérent d’empêcher, par exemple, une commune située dans un espace rural qui serait un peu plus peuplée et dotée d’un peu plus de moyens que ses voisines d’accueillir aussi les familles habitant celles-ci.
C’est ce qui m’a conduit à préconiser une formule qui me semble beaucoup plus flexible et beaucoup plus cohérente avec l’état général du droit funéraire communal.
Je trouve dommage qu’une majorité des membres de la commission aient estimé qu’il n’était pas souhaitable d’en débattre. En effet, monsieur le rapporteur, madame la vice-présidente de la commission, il ne me paraît pas du tout inutile de proposer aux conseils municipaux, comme le prévoit déjà le code général des collectivités territoriales pour les communes voulant adopter des compléments au règlement général des ordonnancements funéraires, de cadrer, par une délibération, les conditions d’accueil des familles dans une salle municipale, de réservation et de durée d’utilisation de celle-ci ainsi que de facturation de la mise à disposition, en conformité avec leur usage local.
La fin de non-recevoir de la commission, qui, du reste, me semble légèrement « surargumentée », n’est pas la seule solution à apporter aux problèmes que nous soulevons. Au nom de l’exercice concret et égalitaire entre les citoyens de la liberté d’organisation des funérailles, j’estime qu’une solution pragmatique et respectueuse de la liberté des communes, mais répondant aux besoins des familles des personnes décédées, serait une bien meilleure réponse à la question posée par nos collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)