M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en dépit de l’issue en demi-teinte de la dernière COP, la lutte contre le réchauffement climatique est devenue un impératif.
Parmi les énergies nouvelles, il en est une qui me semble particulièrement sous-employée, à savoir l’hydrogène, qui, en production totalement décarbonée, n’émet aucune pollution et qui, utilisé comme carburant, permet alors le recours à des véhicules électriques, moyennant une énergie totalement propre, même si elle reste un peu coûteuse.
Les technologies développées aujourd’hui le rendent adaptable aux transports individuels comme aux transports collectifs et déclinable sur tout type de véhicule.
Certes, notre pays vient de se doter d’un plan national hydrogène. C’est une première, une étape importante qu’il convient de souligner. Mais il faut être plus ambitieux : il me semble nécessaire d’assurer rapidement le développement d’une filière française performante, compétitive et innovante. Trop souvent, notre pays a souffert du retard pris sur ses voisins : j’en veux pour exemple la signature par Alstom de plusieurs contrats avec les Länder dans le domaine du ferroviaire, alors que la France ne sortira son premier train à hydrogène qu’en 2022.
Les études établissent aujourd’hui que d’ici à 2040, les véhicules à hydrogène constitueront seulement le quart des véhicules circulant. En aucun cas il ne faut aborder l’hydrogène comme un substitut et attendre la fin des véhicules à batterie électrique avant de développer son usage. Aussi, au-delà de la déclinaison opérationnelle du plan national via notamment les appels à projets de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, j’aimerais savoir quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre et quelles initiatives il compte prendre dès cette année pour accompagner l’émergence de cette filière afin qu’elle joue un rôle central dans notre transition écologique.
En particulier, dans quelle mesure les collectivités seront-elles incitées pour leurs propres flottes de transport, mais aussi pour leurs services de transport collectif et leur développement économique, à recourir à l’hydrogène ?
Enfin, l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible, l’AFHYPAC, qui regroupe les acteurs de la filière, annonce des possibilités d’exportation d’un hydrogène produit en France à hauteur d’environ 6 milliards d’euros d’ici à 2030. Là encore, quelles actions le Gouvernement entend-il mener pour ne pas passer à côté de telles opportunités de développement ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je peux vous assurer que le Gouvernement est convaincu que l’hydrogène a un rôle important à jouer dans la transition énergétique. C’est une solution de mobilité propre complémentaire au bio-GNV et aux batteries et c’est également un vecteur de décarbonation du réseau gaz.
La filière française est en avance et compte de nombreux industriels de premier rang mondial, présents sur toute la chaîne de valeur.
Le plan de déploiement de l’hydrogène, qui a été présenté le 1er juin dernier, veut capitaliser sur ces atouts pour développer les avantages industriels français et préparer le déploiement massif de l’hydrogène autour de trois axes, notamment la mobilité, dans laquelle l’hydrogène, j’en suis convaincue, a tout son rôle à jouer, en particulier pour les véhicules lourds, les poids lourds, les véhicules utilitaires ou les trains, et pour les flottes captives.
Le plan comporte plusieurs dispositions opérationnelles.
Tout d’abord, les dispositifs de soutien au verdissement des véhicules ont été systématiquement élargis à l’hydrogène : je pense au suramortissement pour les poids lourds ou à celui qui a été introduit pour les navires, au bonus pour l’acquisition de nouveaux véhicules ou à la prime à la conversion.
Deuxième dispositif : le soutien à l’émergence d’écosystèmes, qui a fait l’objet d’un appel à projets spécifique de l’ADEME – écosystème de mobilité hydrogène. Il s’agit non seulement de développer des solutions de mobilité, mais aussi de disposer de systèmes de production d’hydrogène. L’appel à projets, lancé en octobre, a été clos dans un premier temps voilà quelques jours et il est en cours d’examen par mes services. Le but est de développer des clusters dans ce domaine.
J’ai également lancé une mission spécifique sur le développement du train à hydrogène, mission conduite par le député Benoît Simian et qui doit nous permettre de déployer une expérimentation de trains à hydrogène avant la fin du quinquennat.
L’hydrogène, je vous le confirme, est un vecteur important pour les mobilités. C’est même le cas pour le vélo puisque l’entreprise Pragma Industries a été récompensée au Consumer Electronic Show de Las Vegas cette année pour son vélo à assistance électrique à hydrogène.
M. le président. Monsieur Corbisez, pour une réplique éventuelle, vous disposez de trente-trois secondes.
M. Jean-Pierre Corbisez. À l’occasion de la nouvelle année, je vous les offre, monsieur le président. (Rires.)
M. le président. Merci beaucoup, mon cher collègue. (Mêmes mouvements.)
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de multiples facteurs favorisent et même imposent l’émergence de nouveaux modes de mobilité. L’usage du véhicule individuel à énergie fossile va sortir de nos pratiques quotidiennes.
Les territoires les plus urbanisés sont pour la plupart organisés avec des solutions alternatives de transport collectif. La situation est bien différente en milieu rural, où, pourtant, le fait de pouvoir se déplacer sur des distances parfois longues est un impératif incontournable du quotidien.
Face à l’obligation du changement, de nombreuses propositions techniques émergent, qui font intervenir autant des start-up que des grandes entreprises des secteurs traditionnels. Comme l’expose l’excellent rapport d’information produit récemment par nos collègues et amis de la délégation à la prospective, « le cadre institutionnel des mobilités est bousculé par toutes ces innovations. Il se pose des questions pratiques de partage de l’espace public, entre piétons, cyclistes, utilisateurs de trottinettes électriques et autres engins de déplacement personnel ». Se posent également des questions de responsabilité assurantielle.
En imaginant que les choses, comme toujours, iront plus vite qu’on ne l’imagine, je me pose la question de la cohabitation des différents types de véhicules pendant quelques années. Comment gérer sur une même voie des véhicules parfaitement autonomes et d’autres qui ne le seraient absolument pas ?
La question de la relation directe entre chauffeurs, avec le cortège de coups de klaxon et de noms fleuris qui les accompagne, ne sera sans doute un problème que pour quelques-uns – j’espère un épiphénomène. Au-delà de la boutade, il y a un vrai problème, et c’est l’objet de ma question : madame la ministre, les véhicules des deux générations évolueront-ils sur des voies dédiées différentes ? Sinon, quelles solutions sont à l’étude ? Avez-vous envisagé, dans les années qui viennent, des mesures pour que la cohabitation se mette en place progressivement sans doute, prioritairement en milieu de circulation peu dense, à savoir en milieu rural, ce qui serait probablement plus sécurisant et donnerait des perspectives à des territoires où les solutions de mobilité sont essentielles ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. La question de la cohabitation des véhicules autonomes avec les autres véhicules est un enjeu essentiel en termes d’innovation, mais aussi d’acceptabilité.
D’ores et déjà coexistent, à la fois sur le marché et sur nos routes, des véhicules qui disposent d’assistant de conduite, notamment l’adaptation automatisée de la vitesse, le maintien sur voie, le freinage d’urgence automatisé. Ces dispositifs ont précisément vocation à gérer les interactions avec le trafic dans un sens qui améliore la sécurité routière.
Les futurs systèmes autonomes devront aussi gérer la complexité des interactions avec les autres usagers, qu’il s’agisse des autres automobilistes, mais aussi des vélos et des piétons, et ce en toute sécurité.
Cela fait partie des expérimentations qui sont soutenues par l’État dans le cadre de la stratégie pour le développement des véhicules autonomes. Ces expérimentations doivent notamment nous permettre d’améliorer les connaissances sur les conditions d’acceptabilité de ces véhicules. C’est un point essentiel du cadre de validation de ces systèmes que nous sommes en train de construire avec les acteurs.
S’agissant des transports publics autonomes et notamment des navettes, je partage tout à fait le souci qu’ils puissent bénéficier à tous les territoires, y compris les territoires ruraux. C’est une priorité de notre stratégie sur le véhicule autonome.
Je suis convaincue que ce sont les collectivités, lesquelles connaissent à la fois les besoins et les conditions de circulation et de sécurité, qui sont les mieux placées pour porter des projets de navettes autonomes. Les expérimentations déjà soutenues par l’État et celles qui sont sur le point de l’être dans le cadre d’un appel à projets en cours ont permis de faire remonter des cas d’usage variés, notamment en milieu rural, et je m’en félicite.
L’État poursuivra son soutien aux projets innovants en milieu rural, dans le cadre des appels à projets, mais aussi dans le cadre de la dotation de soutien à l’investissement local. J’invite tous les porteurs de projets à se saisir de ces outils.
Mme Nadia Sollogoub. Je demande la parole pour la réplique.
M. le président. Madame Sollogoub, vous avez dépassé le temps qui vous était imparti lorsque vous avez présenté votre question, je ne devrais donc pas vous donner la parole. Toutefois, c’est le début de l’année, je vous accorde vingt secondes.
Mme Nadia Sollogoub. Je me permets de rebondir au nom de tous mes collègues élus de milieux ruraux.
C’est une très bonne nouvelle que nous apprenons là. J’en profite pour demander des moyens, sachant que nous pouvons à peine entretenir nos routes. Si l’on veut que la voirie soit correctement équipée, il va falloir des moyens financiers !
M. le président. Ce débat aurait pu nous entraîner très loin… Je vous remercie d’en être restée là ! (Sourires.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, monsieur le président de la délégation, madame la ministre, mes chers collègues, l’actualité le montre chaque jour : la mobilité est un enjeu essentiel pour les Français, dans leur quotidien, pour leurs trajets personnels et professionnels.
Nous le constatons depuis longtemps : nous sommes arrivés à un point de rupture – une rupture technologique – dans les besoins des usagers, dans le coût de la mobilité.
Il convient d’accompagner au mieux les citoyens et les territoires dans cette transition pour qu’elle soit une chance pour tous, et il faut veiller à préserver la liberté de circuler de chacun.
Les mobilités nouvelles doivent donc être faciles, accessibles, rapides et peu coûteuses.
M. François Bonhomme. Tout à fait !
M. Alain Fouché, rapporteur. Cela passe par le développement de nouvelles technologies innovantes, par l’amélioration des infrastructures, par la mise en place d’incitatifs financiers pertinents.
La mobilité du futur doit être plurielle, intelligente collaborative, propre, solidaire et responsable.
M. François Bonhomme. Quel programme !
M. Alain Fouché, rapporteur. La mise en place d’un cadre réglementaire fort et incitatif doit permettre de sortir de la dépendance à la voiture, d’accélérer la croissance des nouvelles mobilités tout en prenant en compte la diversité et la spécificité de nos territoires ruraux.
Dès lors, madame la ministre – je sais quelle est votre détermination –, comment faire en sorte que les mobilités du futur, toutes plus innovantes les unes que les autres, soient adaptées tant au milieu urbain qu’au milieu rural – et j’insiste –, en veillant à respecter leur diversité et leurs spécificités ? Comment utiliser ces mobilités innovantes pour reconnecter le rural et l’urbain ? (M. Jean-Pierre Corbisez, Mme Françoise Laborde, Mme Michèle Vullien, rapporteur, et M. Michel Raison applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je partage tout à fait votre préoccupation. L’enjeu est de faire en sorte que la révolution des mobilités puisse être mise à profit pour améliorer concrètement la mobilité de tous nos concitoyens, qu’ils résident ou travaillent en milieux urbains, ruraux ou périurbains.
L’innovation en particulier ne doit pas être un privilège réservé aux citadins ; elle doit au contraire profiter à tous et partout.
Nous avons dans nos territoires des collectivités, des entreprises, des associations, des citoyens qui portent des solutions innovantes pour améliorer les déplacements du quotidien et il nous faut les soutenir. C’est pour cela que j’ai lancé voilà maintenant un an la démarche d’appel à projets French Mobility, qui a pour ambition de soutenir l’expérimentation, le développement et la diffusion dans tous les territoires de toutes les innovations au service de la mobilité du quotidien.
Vingt-six projets innovants de mobilité en territoires ruraux et périurbains sont par exemple soutenus en ingénierie pour couvrir des thématiques aussi variées que le déploiement de mobilité active et partagée, le soutien à l’intermodalité en milieu rural, le déploiement de services de mobilité pour des publics spécifiques, la mise en œuvre de systèmes autonomes.
Je vais poursuivre cette dynamique et autant de territoires seront sélectionnés dans les prochaines semaines. Afin de partager ce qui marche dans les territoires, une plateforme rendant visibles tous ces projets sera mise en place à très brève échéance.
Par ailleurs, afin que l’ensemble de nos concitoyens sachent quelles sont les solutions de mobilité qui se trouvent à leur proximité, les régions seront chargées de s’assurer que, d’ici à 2021, l’ensemble de leurs territoires soient couverts par un système d’information numérique sur les solutions de mobilité qui existent.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour la réplique.
M. Didier Rambaud, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Madame la ministre, cette question de la mobilité, notamment dans les territoires ruraux et périurbains, infuse le débat qui parcourt aujourd’hui notre société.
On l’a vu cet après-midi dans l’échange entre le Président de la République et les maires : ce sujet a été posé à de nombreuses reprises.
La réponse à cette question de « comment mieux se déplacer, à moindre coût », dans des territoires où la voiture individuelle n’a pas d’alternative, constitue une des solutions à mettre en œuvre pour résorber cette crise.
La future loi d’orientation des mobilités, ou LOM, sera l’occasion de débattre sur ces choix, mais je souhaitais aujourd’hui vous apporter une illustration de ce qu’il est possible d’imaginer, de l’intelligence que nos territoires peuvent mobiliser pour trouver des solutions innovantes.
Dans mon département, l’Isère, plusieurs autorités organisatrices de la mobilité, ou AOM, sous l’impulsion de la métropole grenobloise, travaillent sur un protocole d’accord pour partager un projet commun d’organisation des mobilités sur le bassin de vie sud-Isère.
Le constat a été fait de ces phénomènes d’étalement urbain, depuis plusieurs dizaines d’années, conduisant à une mobilité de plus en plus éclatée et logiquement à l’utilisation croissante de la voiture. Ce constat est indéniable. Il faut ajouter à cela que nos concitoyens ne comprennent pas toujours les limites administratives de leur bassin de vie. Ils ne comprennent pas, par exemple, pourquoi un bus ne va pas un peu plus loin parce qu’il n’est plus dans le même territoire.
On le voit, l’innovation, l’intelligence territoriale peut largement contribuer à la vie de nos concitoyens dans leur demande de mobilité. Et l’exemple du sud-Isère mérite d’être reproduit largement.
Mais je crois aussi qu’il faut aller au-delà et permettre notamment aux territoires périphériques de constituer avec leurs voisins des communautés de projets au service des mobilités. Ces territoires n’ont bien souvent aujourd’hui pas la taille critique, l’ingénierie, la cohérence géographique, les finances pour organiser les mobilités. Mais ils pourraient, avec leurs voisins plus importants, créer la communauté que j’évoque. Des freins peuvent exister, réglementaires ou législatifs notamment : on pense par exemple au versement transport, dont le taux unique sur un vaste bassin peut être un obstacle. Je crois important de pouvoir identifier ces freins et les lever dans le cadre de nos futurs débats pour faire en sorte que l’exemple dont je parlais puisse être reproduit et élargi.
J’aimerais donc connaître, madame la ministre, votre positionnement sur cette question.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.
M. Didier Rambaud, rapporteur. Comment favoriser des projets de coopération au service de nos concitoyens ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je suis convaincue que c’est effectivement par une bonne coopération entre les différentes collectivités que l’on pourra développer des offres de qualité à l’échelle de bassins de mobilité, qu’ils soient urbains ou ruraux. C’est, de ce fait, une ambition forte du projet de loi d’orientation des mobilités.
Ainsi, celui-ci prévoit une meilleure coordination entre les autorités organisatrices de la mobilité et, plus largement, les acteurs de la mobilité à l’échelle de ces bassins de mobilité. Les régions et les autorités organisatrices de la mobilité auront à se coordonner et à définir les modalités de leur action commune, par exemple au travers d’un contrat opérationnel de mobilité.
Le terme n’est plus employé dans le projet de loi, mais je pense qu’il pourrait effectivement y être réintroduit.
C’est une des modalités de cette coopération, qui doit permettre à la fois d’assurer la cohérence, la complémentarité des différentes formes de mobilité, l’intermodalité en termes de dessertes, de tarification, d’horaires, d’information, d’accueil du public, la création et l’aménagement de pôles d’échanges multimodaux ou des aires de mobilité en milieu rural et de définir les modalités de gestion des situations dégradées.
Nous aurons l’occasion de discuter de la portée de ces contrats opérationnels lors des débats sur le projet de loi d’orientation des mobilités.
Le texte facilite aussi le rapprochement dans des syndicats mixtes particuliers des différentes autorités organisatrices, en permettant de moduler le taux du versement mobilité – ce qui est aujourd’hui impossible – au sein d’un syndicat mixte, justement pour permettre que les petits établissements publics de coopération intercommunale puissent travailler avec les agglomérations plus importantes dans l’esprit que vous évoquiez.
Je suis convaincue de la nécessité de soutenir les initiatives des petits EPCI. C’est tout l’objet de la dynamique mise en place avec une cellule régionale qui regroupe l’ensemble des compétences : les services de l’État – je pense notamment au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le Cerema, à l’ADEME à nos services régionaux –, la banque des territoires, et, bien sûr, l’ensemble des acteurs locaux. Le projet de loi prévoit en particulier l’élargissement du périmètre de l’assistance technique des départements à la mobilité.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme un préalable à l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, qui a été repoussé, nous entamons cette nouvelle année par un débat sur les mobilités du futur.
Ma question, et j’en suis désolée, se fera un peu provocatrice. (Mme Victoire Jasmin sourit.)
Si nous encourageons évidemment le développement de nouvelles mobilités, qu’elles soient actives ou autonomes, nous estimons que la question du transport collectif de masse, c’est-à-dire le transport ferroviaire, doit rester la pierre angulaire de toute politique publique des transports, et ce y compris au regard des enjeux climatiques, le rail étant un mode bien moins polluant que la route et un puissant levier pour lutter contre la désertification rurale.
Pourtant, les petites lignes ne cessent de fermer, de petites gares sont supprimées et on limite l’offre notamment des trains de nuit. Aujourd’hui, on demande même aux postiers de jouer les chefs de gare !
Nous sommes donc aujourd’hui très loin des 62 000 kilomètres de rails des années 1930 puisque le réseau ferroviaire a été divisé par deux.
Le rapport Spinetta, conjugué à la funeste réforme ferroviaire, promet pour bientôt la suppression de 10 000 kilomètres de lignes capillaires jugées trop peu rentables, les usagers étant appelés à se réorienter vers les bus, l’autopartage, le vélo ou toute autre mobilité du futur.
Je vous rappelle pourtant qu’une étude datant de juin dernier menée par la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, la Fnaut, démontre que « quand on passe du train au car, on perd 40 % de voyageurs, alors que quand on passe du car au train, on en gagne 65 % ».
Madame la ministre, allez-vous préserver ces lignes et ces infrastructures comme autant d’outils pour lutter contre le dérèglement climatique, qui est l’affaire du siècle ? Et pour l’aménagement des territoires, allez-vous enfin considérer le ferroviaire non pas comme une mobilité du passé, mais bien comme une mobilité d’avenir ?
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la présidente Assassi, je crois que nous ne partageons pas la même vision sur la réforme ferroviaire.
Mme Éliane Assassi. Je vous le confirme ! Et, apparemment, nous ne sommes pas les seuls !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je considère qu’elle a vocation effectivement à donner un nouveau souffle au transport ferroviaire. Je rappelle qu’elle s’accompagne d’une augmentation de 50 % des moyens consacrés à l’entretien et à la régénération du réseau ferroviaire.
Notre programmation des investissements, celle qui figure dans le projet de loi d’orientation des mobilités, dont vous aurez prochainement à débattre, prévoit aussi le développement du transport ferroviaire, notamment pour avoir de véritables RER métropolitains autour des métropoles régionales, et évidemment de continuer à moderniser le réseau en Île-de-France.
Je me réjouis de voir que les présidents de région et les présidents de métropole se saisissent de ces sujets.
Il ne s’agit pas d’oublier les lignes de desserte fine des territoires. Je viens de confier une mission au préfet François Philizot afin de travailler avec chacune des régions à partir des solutions techniques qui ont été identifiées à ma demande par SNCF Réseau pour réfléchir à des modalités adaptées à chacune des situations.
Aujourd’hui, on a finalement un peu tendance à recourir aux mêmes techniques, qu’il s’agisse d’un RER en région parisienne ou d’une ligne qui va accueillir quelques trains par jour – jusqu’à un ou deux trains. Il faut non seulement réfléchir à l’adaptation des solutions techniques, mais aussi trouver les bonnes organisations pour gérer au mieux ce réseau de desserte fine des territoires qui est très important à mes yeux. Pour autant, je ne voudrais pas qu’on néglige le fait que ces lignes ferroviaires de desserte fine ne font pas du porte-à-porte. Ces solutions de nouvelles mobilités dont on parle doivent justement permettre de ramener des voyageurs et d’assurer leurs correspondances. Je suis convaincue qu’elles seront aussi un outil pour favoriser le redéveloppement, la relance du transport ferroviaire dans nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Madame la ministre, la délégation sénatoriale à la prospective évoque un sujet de long terme. Or le statut de l’Île-de-France est particulier, avec en général des sociétés d’État, actuellement au nombre de quatre, qui essaient de se partager des travaux, des grandes entreprises qui sont intéressées par les infrastructures, des engagements pris en fonction de devis généralement dépassés et multipliés par deux et des délais généralement peu tenus.
Récemment, Mme la présidente du conseil régional d’Île-de-France, Valérie Pécresse, avec Mme la maire de Paris, Anne Hidalgo, a remis en cause la liaison Charles-de-Gaulle Express en raison des délais, des coûts, de son opportunité, etc.
Vous avez parlé de gouvernance : peut-on en attendre une nouvelle, pour la région d’Île-de-France, à l’égard des usagers et des consommateurs, qui sont en réalité les contribuables, et de tous ces projets qui sont initiés régulièrement par l’État en changeant de cap régulièrement.
Par exemple, lors du débat sur la Société du Grand Paris, à l’occasion duquel nous avions évoqué cette liaison Charles-de-Gaulle Express, l’État nous avait dit qu’il ne la financerait pas. Après, par ordonnance, le ministre des finances, Emmanuel Macron, lance ce projet, qui est finalement remis en cause. Va-t-on écouter les élus ?
Le préfet de région vient de convoquer, par un courrier daté du 10 et qui arrivera lundi, les différents acteurs pour une concertation sur ce sujet qui aura lieu jeudi prochain. J’aimerais avoir votre sentiment : respecterez-vous la volonté de la présidente de la région Île-de-France et de la maire de Paris de remettre éventuellement en cause ce projet ? En outre, au moment où l’État veut vendre des infrastructures de transport comme l’aéroport Charles-de-Gaulle, et alors qu’un déficit de 23 milliards d’euros pèse sur la Société du Grand Paris, ne serait-il pas judicieux d’affecter cette privatisation à ladite Société ? Enfin, j’insiste sur la nouvelle gouvernance, madame la ministre, car les engagements dans ce domaine pris par le Gouvernement sont malheureusement rarement respectés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. L’État travaille avec les collectivités en Île-de-France, à l’instar de ce qu’il fait ailleurs, les projets d’investissement étant inscrits dans un contrat de plan État-région qui a vocation à traduire une volonté commune, comme son nom l’indique, de l’État et de la région.
Je voudrais souligner que le contrat de plan État-région en Île-de-France n’a pas été modifié depuis l’arrivée de notre gouvernement, faute de demande émanant de la région : nous mettons donc en œuvre le contrat de plan tel qu’il avait été signé par nos prédécesseurs. Je voudrais également souligner que, contrairement à ce qui a cours dans les autres régions, en Île-de-France, l’État soutient les transports publics. Je peux vous confirmer que d’autres métropoles apprécieraient que l’État soit à leurs côtés comme il l’est en Île-de-France : nous avons un cadre et une trajectoire fixés par le contrat de plan que nous honorons.
Par ailleurs, de façon constante, l’État a indiqué depuis des années que le projet Charles-de-Gaulle Express ne serait pas financé par des concours publics. Vous le savez, pour éviter des charges inutiles ainsi que des frais et des coûts de financement importants, l’État a préféré accorder un prêt du Trésor ; il n’y a pas un euro de subvention publique, et cela restera le cas tout au long du projet.
Je vais évidemment prendre en compte les avis des collectivités. Je prends également en compte l’enjeu national que représente la plateforme Charles-de-Gaulle, qui est notre premier hub national. J’écouterai Anne Hidalgo et Valérie Pécresse, tout en notant que l’une et l’autre ne disent pas la même chose, voir disent le contraire. Nous mènerons donc ce projet dans les meilleures conditions, en concertation avec les élus, en donnant la priorité aux transports du quotidien. Tel est d’ailleurs le sens des concertations qui ont été lancées par le préfet de région.