M. Philippe Dominati. Monsieur le président, pourrais-je avoir la parole pour la réplique ?
M. le président. Non, mon cher collègue, car vous avez dépassé votre temps de parole de vingt secondes.
La parole est à M. Michel Dagbert.
M. Michel Dagbert. Madame la ministre, je suppose que vous ne doutez pas de l’intérêt que je porte aux mobilités du quotidien et aux solutions innovantes dont il est question aujourd’hui. Mais l’actualité chez nos voisins britanniques doit nous amener à connaître ce soir, par un vote qui doit intervenir à la chambre des représentants, la position de la Grande-Bretagne sur les modalités du Brexit.
Or il se trouve que, sans même attendre de connaître l’issue de ce vote, par la voix de Chris Grayling, ministre du gouvernement de Mme May, nous apprenons la décision de mettre sur la table 100 millions de livres à partager entre trois opérateurs, Brittany Ferries, DFDS et Seaborne Freight, afin de soutenir l’ouverture de nouvelles lignes sans passer par Douvres et, par conséquent, sans passer par Calais.
Vous comprendrez dès lors que je profite de votre présence aujourd’hui au Sénat pour vous dire l’émoi que suscite une telle annonce, à quelques semaines du 29 mars.
Je ne rappellerai pas ici par quoi sont passés les opérateurs du port de Calais et l’ensemble des acteurs économiques tout comme ceux du tunnel ces dernières années. Il est par ailleurs choquant de voir que nos voisins et amis britanniques ont déployé un arsenal juridique important pour mettre à mal l’association faite en son temps entre Eurotunnel et MyFerryLinK au nom de la libre concurrence, avant de s’en affranchir aujourd’hui dans une forme de panique à l’approche du Brexit.
Sans remettre en cause la souveraineté anglaise et sans vouloir faire de l’ingérence dans les décisions que notre voisin s’apprête à prendre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de rassurer les transporteurs sur les procédures de contrôles et, surtout, sur les délais de celles-ci ? Enfin, un tel soutien à ces trois entreprises vous semble-t-il répondre aux règles en vigueur en matière de libre concurrence ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, j’ai bien eu connaissance de l’initiative du gouvernement britannique de réserver des capacités chez un certain nombre d’armateurs, pour faire face à l’éventualité d’une congestion des trafics sur les ports existants.
Nous avons effectivement demandé des explications au gouvernement britannique – je ne suis pas en mesure de vous les donner aujourd’hui – à la fois sur la procédure qui a été retenue et l’équité de la concurrence dans cette démarche. Néanmoins, je peux d’ores et déjà vous dire que le gouvernement auquel j’appartiens se prépare à toutes les éventualités, y compris à l’hypothèse d’un Brexit sans accord.
Nous y travaillons depuis ces derniers mois, notamment pour renforcer les moyens permettant de réaliser les contrôles douaniers et sanitaires qui n’étaient pas nécessaires pour les trafics avec le Royaume-Uni dans le cadre de l’Union européenne. C’est pourquoi de nouveaux effectifs de douaniers ont été prévus, vous le savez, dans le cadre de la loi de finances pour 2019.
Nous réfléchissons également aux renforts des services vétérinaires et donc, de façon générale, aux renforts humains à mettre en place, par le biais de contrôles qui s’effectueront aussi de manière progressive ; les normes devront forcément être adaptées à cette situation exceptionnelle.
De plus, nous travaillons sur les aménagements qui seront nécessaires pour disposer d’espaces propres à ces contrôles. Vous le savez, des financements ont été réservés au niveau du mécanisme d’interconnexion européen pour les ports du réseau global. En outre, un nouvel appel à projets sera lancé l’an prochain pour les ports du réseau central dont fait partie Calais, qui, dans ce cadre, peut donc bénéficier de taux de subvention importants.
Par ailleurs, pour accélérer la réalisation de ces aménagements et prendre toutes les dispositions nécessaires afin d’assurer la continuité, notamment, des services de transport, le Conseil d’État examine actuellement les ordonnances prises en application du projet de loi d’habilitation que vous avez voté. Ces ordonnances permettront en particulier d’accélérer les procédures d’aménagement. Nous nous préparons à toutes les éventualités, y compris à un Brexit dur !
M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour la réplique. Vous disposez de trente-deux secondes, mon cher collègue.
M. Michel Dagbert. Madame la ministre, vous comprendrez que bon nombre d’acteurs sont inquiets à la suite de ces annonces. J’ai pu constater que nous avions anticipé les choses, puisque, lors de votre déplacement à Calais, le 6 novembre dernier, vous avez pu voir la mobilisation de l’ensemble des acteurs, mais également faire un certain nombre d’annonces.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, le débat sur les mobilités du futur doit nécessairement aborder les axes et priorités de développement. On peut par exemple s’interroger sur la place qui sera laissée aux nouveaux engins de déplacement – trottinettes, gyropodes et autres hoverboards – en milieu urbain. Faudra-t-il leur consacrer des voies spécifiques, faudra-t-il les intégrer dans les futurs plans de circulation des villes ? L’État contribuera-t-il aux dépenses ainsi engendrées ?
De manière générale, la stratégie de l’État en faveur des transports de demain aura-t-elle comme priorité de développer les nouvelles mobilités urbaines ou s’attachera-t-elle à résorber d’abord les carences en milieu rural ?
L’État investira-t-il, notamment au travers des prochains CPER – contrats de plan État-région –, sur les infrastructures manquantes ou dégradées des territoires ruraux afin de permettre aux citoyens qui y vivent de bénéficier d’une mobilité équivalant à celle des urbains ? Vous avez parlé, madame la ministre, d’un effort de l’État majoré de 40 % sur le ferroviaire et le routier. Pouvez-vous nous donner des précisions quant à sa répartition ?
De plus, le rapport sur les nouvelles mobilités, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, préconise la mise en place de mécanismes de soutien aux actions locales pour les territoires enclavés.
Vous avez lancé en 2018 un appel à manifestation d’intérêt sous le nom de French Mobility. La date limite de dépôt des candidatures était fixée à la fin octobre 2018. Avez-vous reçu des propositions et des solutions particulièrement pertinentes qui pourraient faire l’objet d’expérimentations à court terme, voire d’une mise en œuvre plus globale sur l’ensemble des territoires concernés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. L’enjeu est bien de répondre aux besoins dans tous les territoires, mais en partant du constat que, spontanément, les offres innovantes en termes de mobilité ont tendance à se concentrer dans les grandes villes : toutes les start-up ont envie de montrer ce qu’elles savent faire à Paris, à Toulouse ou à Lyon. Le rôle de la puissance publique, c’est bien que cette innovation profite à tous les territoires. Le cœur de la politique en termes de programmation des infrastructures sera en priorité, je le redis, l’entretien, la régénération des réseaux routiers et ferroviaires et un plan de désenclavement routier avec l’accélération de projets qui sont souvent promis depuis des décennies – je pense à la RN 164 en Bretagne, à la RN 10 dans une région que je connais bien et à la RN 88 en Lozère.
Il s’agit également de soutenir les collectivités pour sortir des zones blanches de la mobilité et pour apporter des solutions alternatives à l’usage individuel de la voiture dans tous les territoires. Cela passe d’abord par le fait de faciliter l’exercice de la compétence par les collectivités, comme le prévoit le projet de loi d’orientation des mobilités. Cela passe ensuite, on l’a évoqué, par le fait de permettre aux petites intercommunalités de travailler avec les plus grosses, à travers une modulation du versement transport, demain du « versement mobilité ». Cela passe aussi par les appels à projets que nous lançons. Nous avons déjà désigné 26 lauréats et nous allons continuer. L’objectif est bien de démultiplier le plus rapidement ces solutions qui fonctionnent, à savoir le transport à la demande, le covoiturage ou l’autopartage, en prenant appui sur les expériences positives qui sont menées dans nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique. Vous disposez de quarante secondes, ma chère collègue.
Mme Sylvie Vermeillet. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J’ajouterai simplement que, en novembre dernier, l’État ayant annoncé le zonage de 124 territoires d’industrie, il serait heureux d’introduire une cohérence, peut-être au travers des futurs CPER, et que l’État sache aussi accompagner, en matière d’infrastructures et de mobilité, le soutien à ces filières et aux emplois qu’elles représentent.
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Je serai bref, puisque ma question rejoint celle qui a été posée par mon collègue Philippe Dominati.
À mon sens, madame la ministre, le vrai problème est que les autorités sont nombreuses à s’occuper de transport, sans une organisation efficace de la problématique. Ne croyez-vous pas que la région, qui devrait être région métropole, devrait gérer pour l’ensemble de ce périmètre la problématique transport ? La région a déjà fait d’énormes efforts pour régler un certain nombre de problèmes, surtout depuis l’arrivée de la nouvelle présidente de région. Selon moi, cette problématique ne devrait plus être gérée par l’État, qui veut tout faire et fait tout mal.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je vous remercie au nom des services de l’État !
Évidemment, vous comprendrez que je ne partage pas votre vision. De façon générale, quand on parle de mobilités, nous sommes sur des compétences décentralisées, et il ne s’agit donc en aucun cas, de la part de l’État, de vouloir faire à la place des collectivités.
L’État porte des infrastructures de transport non seulement sur le réseau ferré, mais aussi sur le réseau routier. Il le fait exceptionnellement en Île-de-France, et si vous proposez que l’État ne s’en mêle plus, je pense que les autres régions seront très satisfaites. Nous pourrons ainsi redéployer l’argent important que nous consacrons aux transports publics en Île-de-France. Si l’État intervient en effet dans le financement des infrastructures, il ne se mêle pas d’organiser des services de mobilité, car ce n’est pas son rôle.
L’organisation qui est en place depuis la loi NOTRe – loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – et la loi MAPTAM – loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – prévoit que cette compétence s’exerce à deux niveaux, celui du bloc communal et au niveau régional. Cette architecture me semble la bonne sur l’ensemble de notre territoire. C’est pourquoi nous allons œuvrer, au travers de la loi d’orientation des mobilités, pour que, justement, cette compétence soit exercée par l’ensemble des intercommunalités, le cas échéant regroupées en bassins de mobilité dans le cadre de syndicats. Cela permettra, le cas échéant, une mutualisation des ressources, avec la région en chef de file.
Je suis convaincue que, concernant cette logique de la mobilité de proximité exercée par les intercommunalités de la région à la fois sur les déplacements d’intérêt régional et sur la cohérence, la coordination est la bonne. S’agissant de la situation en Île-de-France, l’État ne s’en mêle pas davantage : c’est Île-de-France mobilité, le syndicat des transports d’Île-de-France, qui est chargé d’organiser l’ensemble des mobilités, avec un rôle éminent de la région, qui a la majorité et organise donc comme elle l’entend les mobilités en Île-de-France.
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour la réplique. Mon cher collègue, il vous reste une minute et quarante et une secondes, la plus longue réplique possible de cette fin d’après-midi.
M. Philippe Pemezec. Je n’abuserai pas de mon temps de parole. Je retiens l’idée que vous étiez assez favorable, madame la ministre, à ce que la région soit chef de file concernant les transports. Il est vrai qu’aujourd’hui Paris est totalement congestionnée et que les habitants des banlieues rencontrent de vraies difficultés à y entrer ; sans doute préféreraient-ils emprunter des moyens de transport en commun moins polluants et pouvoir se déplacer facilement d’un point à un autre de la région d’Île-de-France, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. À mes yeux, le niveau pertinent de gestion de ces problématiques, c’est la région. J’espère que vos suggestions en ce domaine seront respectées.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, mes chers collègues, je tiens au préalable à féliciter la délégation sénatoriale à la prospective pour la qualité de son travail. Ce débat est une opportunité qui me permet d’évoquer la problématique du transport dans les territoires d’outre-mer.
En effet, en matière économique, environnementale, mais aussi en termes d’équité territoriale et sociale, il est urgent pour nos territoires et plus singulièrement pour la Guadeloupe, qui est un archipel, d’organiser un service public des mobilités afin d’assurer la continuité territoriale de façon optimale et satisfaisante pour l’ensemble de la population.
Ainsi, une autorité de régulation unique, dont la gouvernance serait collégiale entre l’État, les collectivités locales et les prestataires privés, pourrait gérer de façon mutualisée tous les modes de déplacements individuels ou collectifs, de passagers ou de marchandises, maritime, routier et aérien, à l’échelle de l’ensemble de l’archipel.
L’objectif est, grâce à une péréquation horizontale des dessertes les plus efficientes vers les zones les plus enclavées, de permettre un égal accès à tous à un service public intégré, multimodal, régulier et de qualité. Cela aurait pour conséquence de décongestionner les axes routiers déjà saturés, dont l’impact nocif sur la qualité de l’air est avéré, tout en permettant de rationaliser le financement des investissements structurants, la maintenance des infrastructures, ainsi que la formation des personnels et la sécurité des usagers.
Une telle entité serait particulièrement utile, car, à l’heure où je vous parle, avec le retour des algues sargasses, les îles du sud de la Guadeloupe, plus précisément la Désirade subit un isolement sans précédent depuis que le seul bateau qui assurait la desserte vers l’île a cassé son moteur. Seuls les marins-pêcheurs acceptent d’assurer les déplacements des usagers, ce qui reste une alternative précaire en attendant une solution palliative sécurisée et respectueuse de la législation en vigueur.
Il s’agit également d’inciter à un aménagement du territoire concerté, en privilégiant davantage des modes de déplacement doux dans les centres-bourgs, afin d’éviter le recours systématique à la voiture.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Victoire Jasmin. En 2018, en Guadeloupe, sur les 33 victimes de la route, 11 étaient des piétons. Il est donc urgent…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Victoire Jasmin. Oui, monsieur le président.
Il est donc urgent, disais-je, de mettre en œuvre des transports électriques, maritimes, solaires pour toutes les îles, en particulier pour La Désirade, où quinze minutes de transport…
M. le président. Merci !
Mme Victoire Jasmin. … coûtent 140 à 150 euros – il était important de le souligner.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame Jasmin, il y a beaucoup à évoquer en matière de mobilité sur votre territoire. On n’a pas parlé des enjeux de connectivité aérienne, qui figurent eux aussi au cœur de mes préoccupations.
Je suis convaincue que, à la Guadeloupe comme dans les autres régions, il est effectivement très important d’assurer une prise de compétence, et que, sur l’ensemble du territoire, les collectivités s’organisent pour proposer des solutions alternatives à la voiture individuelle qui permettent de lutter contre la congestion et la pollution. Il convient d’agir au plus près des territoires à l’échelle intercommunale, mais aussi de façon coordonnée en mutualisant ce qui peut l’être : c’est le rôle de chef de file.
Peut-être serait-il intéressant de creuser aussi l’hypothèse, émise dans certaines régions, d’un syndicat, ce qui permettrait de regrouper à la fois le niveau intercommunal, les différentes autorités organisatrices et la région, pour concevoir de façon plus coordonnée l’ensemble des réponses en termes de mobilité. C’est ce qui a été étudié à La Réunion, et il serait sans doute intéressant de voir si un tel dispositif peut être envisagé pour la Guadeloupe. En tout cas, je suis certaine que l’on peut, et que l’on doit progresser pour offrir des solutions alternatives, y compris en prenant en compte les enjeux de sécurité routière que vous avez mentionnés, les piétons et les vélos devant pouvoir circuler en toute sécurité.
Quant à la desserte de l’île de la Désirade que vous avez évoquée, madame la sénatrice, ce sujet relève, là encore, des compétences des collectivités locales. Mais je peux vous assurer que le préfet a mobilisé les services de l’État pour regarder comment on peut appuyer techniquement l’émergence de solutions, sans attendre la réparation du navire actuellement indisponible.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Monsieur le Président, madame la ministre, mes chers collègues, cet après-midi, le Président de la République était dans l’Eure ; il a de nouveau fait le constat d’une fracture entre les territoires de notre pays. De nombreux maires ont parlé de cette fracture en matière non seulement d’enclavement, qu’il soit numérique, ferroviaire ou routier, mais également de mobilité, puisque, vous le savez, dans les territoires les plus ruraux, il est plutôt difficile de mettre en place des transports en commun.
Madame la ministre, ma question va être simple. L’heure n’est plus au constat, et les mouvements qui ont eu lieu à la fin de l’année 2018 et au début de l’année 2019 – ils ne vous auront pas échappé – en découlent. Comment envisagez-vous de bouleverser le logiciel français d’abandon des territoires, en particulier en matière d’enclavement, puisque c’est certainement l’un des principaux abandons de ces territoires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Voilà maintenant plus de dix-huit mois – cela rend modeste – que je porte l’idée selon laquelle il faut revoir totalement nos priorités en termes d’investissement. En effet, certains de nos territoires sont à la fois victimes du « tout-TGV », avec, pour conséquence, la dégradation de leur réseau, et du « tout-voiture ».
Tout l’objet de la loi d’orientation des mobilités est non seulement de partir de ce diagnostic, que le mouvement a porté avec beaucoup de force, mais d’y apporter des réponses, en modifiant notre vision des priorités en termes d’investissement. La priorité doit être donnée à l’entretien et à la modernisation des réseaux. Elle doit également être donnée au désenclavement des territoires, en accélérant et en rendant enfin possible ces projets promis depuis des années. La priorité doit aussi être donnée à la désaturation ferroviaire. Aujourd’hui, il serait nécessaire d’augmenter l’offre ferroviaire autour des territoires qui sont engorgés par la congestion automobile.
Il faut également mettre l’innovation, comme le montre bien le rapport, au service de tous nos territoires, et de proposer à tous nos concitoyens des solutions alternatives à l’usage individuel de la voiture. L’ambition n’est évidemment pas d’empêcher nos concitoyens de se passer de voiture dans les territoires peu denses, mais de les inciter à se passer d’une deuxième, voire d’une troisième voiture.
C’est vraiment tout le sens de la loi d’orientation des mobilités de permettre aux collectivités de se saisir de cet enjeu, de les accompagner, de déployer les solutions innovantes, précisément pour répondre à ces territoires et à nos concitoyens qui se sentent abandonnés.
M. Roger Karoutchi, président de la délégation sénatoriale à la prospective. Que du bonheur !
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour la réplique. Vous disposez d’une minute et vingt et une secondes, mon cher collègue.
M. Michel Raison. Merci, madame la ministre ! Je connais vos compétences, et je ne les mets aucunement en doute.
M. Michel Raison. Vous évoquez les projets anciens qui n’ont toujours pas été menés à bien. Je pourrais vous en citer plusieurs, aux quatre coins de la France, et je vous prends tout simplement au mot : faisons-les ! Il s’agit, de votre part, d’une véritable annonce.
Ce sera, en outre, une bonne occasion d’écouter le Sénat.
M. Roger Karoutchi, président de la délégation sénatoriale à la prospective. Mais ça, c’est vrai en permanence ! (Sourires.)
M. Michel Raison. À travers le rapport remis par nos cinq collègues, le Sénat vient de faire des propositions en la matière. Il avait également adressé ses recommandations au Premier ministre, pour éviter qu’une étincelle ne vienne allumer la mèche sous la marmite qui bouillonnait dans les campagnes.
M. Christophe Priou. Exact !
M. Michel Raison. Je pense, par exemple, aux 80 kilomètres à l’heure, ou encore à la non-surtaxation des carburants pour 2019.
Si vous nous aviez suivis plus tôt, nous n’aurions peut-être pas connu tous ces mouvements. Il est temps d’écouter beaucoup plus la sagesse du Sénat. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Madame le ministre, le dioxyde de carbone produit par l’activité humaine, pour se loger ou se déplacer, représente près de trois quarts des émissions de gaz à effet de serre.
À la suite des travaux du Grenelle de l’environnement, en juillet 2010, a été inscrit dans la loi l’objectif d’une division par quatre des émissions sur le territoire national.
Les véhicules électriques présentent un énorme avantage pour atteindre cet objectif : quelles que soient la source et la nature de l’électricité qui alimentent leur batterie, ils n’émettent pas là où ils circulent.
Notre parc automobile connaît une croissance fulgurante : en France, les nouvelles immatriculations ont augmenté de 25 % entre 2017 et 2018. Comme en matière d’énergie solaire, il me semble important de considérer le cycle de vie de ces véhicules, et en particulier de leur batterie, dont la durée de vie est estimée à dix ans.
La directive-cadre de 2008 relative aux déchets impose le recyclage de 50 % du poids moyen des « autres piles et accumulateurs ». Mais, selon le président de la société nouvelle d’affinage des métaux, la SNAM, laquelle assure le recyclage des batteries, le recyclage est vu comme une contrainte imposée par la loi. Les constructeurs ne cherchent pas à recycler plus, mais à recycler ces 50 % au meilleur prix, alors que l’on pourrait réutiliser jusqu’à 80 % des composants.
À l’heure actuelle, mieux vaut recycler le cobalt, minerai dont la présence est rare, plutôt que le lithium, lequel est encore trop abondant pour être précieux. Or le lithium métallique réagit avec l’azote, l’oxygène et la vapeur d’eau dans l’air. De plus, l’hydroxyde de lithium présente un risque potentiel significatif, car il s’agit d’un composé extrêmement corrosif qui peut s’avérer nocif, notamment pour les organismes aquatiques.
Madame le ministre, le recyclage des batteries est une condition indispensable au succès écologique des véhicules électriques. Aujourd’hui, des efforts sont faits, en particulier au travers des investissements d’avenir, dans le domaine de la recherche et du développement. Mais la filière du recyclage sera-t-elle prête lorsque les premiers volumes de batteries arriveront en fin de vie ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme Nadia Sollogoub. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, je suis convaincue que la mobilité électrique aura un rôle majeur pour diminuer la pollution de l’air produite par le secteur des transports, notamment en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
Vous le savez, nous nous sommes fixé pour objectif de multiplier par cinq le nombre de véhicules électriques vendus en France d’ici à la fin du quinquennat. Nous avons également plaidé en faveur d’objectifs ambitieux à l’échelle européenne, pour ce qui concerne les véhicules neufs vendus à échéance 2030. En outre, je rappelle que le plan Climat prévoit l’arrêt des ventes de véhicules thermiques à horizon 2040.
Dans ce contexte, les batteries représentent effectivement un enjeu crucial ; la question que vous posez est d’ailleurs au cœur de la feuille de route fixée par le Gouvernement, et intitulée « la batterie en France », laquelle comporte différents volets.
Premièrement, notre pays doit se positionner dans le domaine de la production de batteries : il convient d’assurer l’attractivité de notre territoire pour les fabricants afin non seulement de créer des emplois, mais aussi de tirer parti de notre mix décarboné.
Deuxièmement, nous devons nouer des partenariats encore plus étroits avec les industriels pour ce qui concerne le travail de recyclage. Lorsqu’elles sont utilisées pour la mobilité, les batteries peuvent souvent avoir une deuxième vie, en tant qu’installations fixes. C’est précisément pour cela qu’il faut travailler avec les producteurs, afin de créer une filière de récupération des batteries usagées.
Troisièmement et enfin, nous souhaitons assurer la prise en compte des performances environnementales des batteries : le but est de discriminer ces dernières selon leur contenu carbone, leur contenu en produits chimiques, bref, selon le respect de l’environnement. (Marques d’approbation au banc de la délégation.) C’est tout le sens de la feuille de route qu’a proposée le Gouvernement.