M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer.
M. Jean-Marc Boyer. Tout d’abord, je tiens à remercier mes collègues de cet excellent rapport, qui traite d’une problématique essentielle : « Mettre les nouvelles mobilités au service de tous les territoires ».
L’enjeu est capital pour l’avenir de nos territoires : il s’agit d’éviter une déconnexion de notre ruralité et une aggravation de la fracture territoriale.
Nos concitoyens ruraux souffrent d’être laissés au bord de la route, et, sur de nombreux points, ils ont raison.
Je l’ai déjà affirmé en déposant la proposition de loi visant à reconnaître la ruralité comme grande cause nationale 2019 : nos territoires doivent être traités comme un atout, et non comme un fardeau. Ainsi, faisons en sorte que les nouvelles mobilités soient aussi une avancée pour eux et non un énième instrument de relégation, de frustration, et donc de colère.
Les 80 kilomètres à l’heure ont pénalisé les territoires. Il est vécu comme punitif. Il a été et il est l’un des détonateurs du mouvement des « gilets jaunes ». Or de nombreux territoires ont besoin de moyens et de considération afin que les nouvelles mobilités soient aussi une chance pour eux.
Je citerai l’exemple du département du Puy-de-Dôme, qui subit malheureusement plusieurs des points négatifs décrits par le présent rapport.
Tout d’abord, ses liaisons ferroviaires sont réduites, avec la relégation récente du TGV aux calendes grecques et une amélioration a minima de l’Intercités Paris-Clermont-Ferrand : pour ce qui concerne ce train, le temps de trajet ne passera pas sous les trois heures, qui constituent pourtant un véritable cap pour promouvoir ce moyen de transport. Notre mobilité quotidienne reste donc très dépendante de la voiture individuelle, tant critiquée aujourd’hui : nous n’avons pas d’autre choix.
Ensuite, dans de nombreuses zones rurales, la couverture numérique se révèle défaillante. Cette situation empêche les territoires concernés d’envisager de nouvelles solutions de mobilité, et pour cause : ces dernières ne peuvent fonctionner qu’avec des réseaux mobiles efficaces, présentant un débit suffisant.
Madame la ministre, voilà précisément un an que l’État, l’ARCEP – Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – et les opérateurs ont signé l’accord destiné à améliorer la couverture numérique. Où en sont les résultats ? Sont-ils à la hauteur des promesses, c’est-à-dire 600 à 800 sites nouveaux déjà couverts ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je tiens à vous redire toute l’attention que porte le Gouvernement aux territoires ruraux en général, et à ceux du Puy-de-Dôme en particulier.
Vous avez évoqué la ligne Paris–Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon, ou POCL. J’ai tenu à ce que, dans son volet programmation, le projet de loi d’orientation des mobilités ne limite pas aux lignes nouvelles la catégorie des grands projets : le chantier de la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, qui implique des investissements de régénération et de modernisation très importants, doit faire partie de ces grands projets, de même que celui du POCL. Dans les deux cas, il s’agit également d’assurer le renouvellement du matériel roulant, c’est-à-dire des trains.
Nous évoquions la nécessité de revoir nos logiciels : à cet égard, savoir travailler sur l’existant, le moderniser, me semble l’une des voies essentielles. Voilà pourquoi nous portons la plus grande attention à la liaison ferroviaire entre Paris et Clermont-Ferrand.
Évidemment, la voiture joue un rôle important, mais les ménages doivent pouvoir se passer de la seconde voiture, en se saisissant de tous les dispositifs mentionnés dans le rapport. De leur côté, les collectivités territoriales doivent, elles aussi, se saisir des solutions proposées pour offrir des réponses à nos concitoyens.
Comme vous le soulignez, cela suppose que l’on accélère le travail de couverture numérique de notre territoire : c’est tout l’enjeu du plan que le Gouvernement consacre à la résorption de la fracture numérique. L’objectif, c’est non seulement le déploiement des haut et très haut débits d’ici à 2022, mais aussi la couverture en téléphonie mobile. À ce titre, chaque opérateur doit construire de nouveaux sites 4G, pour améliorer la réception, et les sites actuellement équipés en 2G ou en 3G doivent passer à la 4G. Dans le même temps, il faut accélérer la couverture des réseaux de transport.
L’ensemble de ces mesures commencent à produire leurs effets. Je vous invite notamment à vous reporter aux données publiées récemment par l’ARCEP : ce plan de couverture numérique est bien en train de se déployer.
M. le président. Pour conclure le débat, la parole est à M. le rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective.
M. Olivier Jacquin, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur l’éminent président de la délégation sénatoriale à la prospective, mes chers collègues, mes collègues rapporteurs – et je les en remercie – m’ont confié le soin de conclure ce débat sur les mobilités du futur.
La délégation tenait à prolonger les intéressants travaux organisés, à la fin de 2017, dans le cadre des Assises nationales de la mobilité, et à éclairer nos discussions à travers une réflexion globale et de long terme.
Ce débat n’est pas celui du projet de loi d’orientation des mobilités, qui viendra prochainement, mais plusieurs interventions l’annoncent. Je pense à certains questionnements très ancrés dans l’actualité : ont ainsi été évoqués le Charles-de-Gaulle Express et, plus largement, l’organisation des transports en Île-de-France, ainsi que le Brexit. Le mouvement des « gilets jaunes » a, quant à lui, transparu.
D’autres interventions relevaient véritablement de la prospective. Elles portaient sur la question des énergies, notamment sur l’hydrogène, le recyclage des batteries, les polluants nouveaux qui pourraient apparaître ou la cohabitation des différents modes de transport. On a également fait état des questions technologiques, par exemple avec le péage inversé.
L’une de ces questions a révélé un creux demeurant dans nos débats depuis 2017. Il s’agit des petites lignes de chemin de fer. En effet, ce sujet a été écarté des discussions consacrées à la réforme ferroviaire, mais il reviendra certainement dans le débat, et pour cause, il constitue un véritable totem.
Notre délégation à la prospective est donc bien à sa place en inscrivant précisément ses travaux dans cette temporalité. Nous devons avoir une vision claire de la manière de déployer les nouvelles mobilités dans tous les territoires. Nous devons également comprendre les grands enjeux et les objectifs liés aux mobilités, en ayant bien en tête que les dynamiques peuvent être contraires entre les espaces denses et les espaces peu denses.
Mes chers collègues, il s’agit là d’une ligne qui segmente clairement vos interventions : ainsi, les questions relatives à l’Île-de-France n’ont rien à voir avec les interrogations portant sur la ruralité.
À cet égard, je tiens à formuler quelques remarques.
Premièrement, l’on ne peut qu’approuver l’objectif de développement de transports plus propres : ce sujet fait consensus. Les constructeurs automobiles ont compris le problème et adaptent leur offre, mais cette évolution n’est pas sans poser des questions connexes. Je pense notamment à l’hydrogène. La bascule du transport individuel vers des modes collectifs, lorsque c’est possible, constitue également une perspective prometteuse.
Deuxièmement, dans les villes comme dans les campagnes, nos concitoyens veulent disposer de transports plus souples, plus adaptables et plus réactifs. Au travers de la localisation en temps réel des utilisateurs et des moyens de transport disponibles, les smartphones sont, à ce titre, des outils fort utiles, d’autant plus qu’ils peuvent être employés partout.
Mme Michèle Vullien, rapporteur. Enfin, tout dépend du réseau…
M. Olivier Jacquin, rapporteur. Néanmoins, des efforts importants restent à faire pour l’intégration de données, la billettique et l’information des voyageurs, afin que ces outils fonctionnent correctement et que les usagers disposent d’une information fiable et neutre, non guidée par des intérêts commerciaux.
Troisièmement, il convient de poser la question délicate du financement des transports.
Cette problématique ne disparaîtra pas par enchantement dans le futur, tant s’en faut, d’autant que les différents modes de transport ont des clefs de financement très différentes. Les grandes infrastructures resteront à la charge de la collectivité publique et auront toujours besoin de financements substantiels.
Le modèle économique de la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI, n’est pas en question à court terme, et l’originalité du système français, fondé sur le versement transport, qui est un financement solidaire, n’est pas remise en cause à ce jour. Mais un nouveau débat sur la fiscalité écologique et la taxation ou mise à contribution des externalités négatives doit être rapidement rouvert.
Quatrièmement, je formulerai non pas une remarque, mais une série d’interrogations. La pratique du partage et le paiement à l’usage vont-ils se généraliser ? La location de la trottinette, du vélo ou de la voiture va-t-elle supplanter le modèle d’achat et de propriété qui est le nôtre aujourd’hui ? Les expériences de mutualisation fonctionnent bien, parce qu’elles permettent aux usagers de faire des économies en optimisant leurs coûts ; et, grâce à des plateformes numériques très accessibles, les différents acteurs peuvent se mettre en relation de manière simple. D’ailleurs, avec les véhicules autonomes, nous pourrions aller vers des logiques similaires de transport à la demande, moins coûteux et partagés.
Cinquièmement et enfin – nous abordons, avec cette remarque, le cœur de notre sujet –, je tiens à revenir sur la question des territoires. Le rapporteur du projet de loi d’orientation des mobilités, Didier Mandelli, l’a évoqué clairement dans son propos : les nouvelles mobilités doivent permettre de réduire les fractures de notre société et, particulièrement, les fractures territoriales.
Nous ne pensons pas que les zones peu denses soient condamnées à être les grandes oubliées des mobilités du futur. En la matière, les obstacles sont largement surmontables, et nos propositions vont précisément dans ce sens.
C’est forts de cette conviction que nous affirmons que les mobilités du futur peuvent être inclusives en s’adressant à tous. Les nouvelles technologies peuvent même nous aider à favoriser ce caractère inclusif. L’ensemble de ces remarques et questionnements seront au cœur de nos réflexions relatives au projet de loi d’orientation des mobilités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc de la délégation.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les mobilités du futur.
8
Communication d’avis sur deux projets de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article 13 et à celles de l’article 65 de la Constitution, la commission des lois a fait connaître qu’elle a émis, lors de sa réunion du mardi 15 janvier 2019, un vote favorable, d’une part, à la nomination de M. Jean Cabannes – 27 voix pour, 2 voix contre – et, d’autre part, à celle de Mme Natalie Fricero – 29 voix pour, aucune voix contre – aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 16 janvier 2019, à quatorze heures trente :
Nomination des vingt-sept membres de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation.
Débat sur le thème : « Quelle politique d’attractivité de la France à l’égard des étudiants internationaux ? »
Débat sur le thème : « Après un an d’application, bilan et évaluation de Parcoursup ».
Débat sur la solidarité intergénérationnelle.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
nomination d’un membre d’une commission
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Françoise Ramond est membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER