M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Pierre Médevielle, la décision du tribunal administratif de Lyon n’a pas vocation à être commentée, pas plus par moi que par le Gouvernement dans son ensemble.
Il ne faut pas opposer décisions de justice et décisions scientifiques, principe de précaution et rationalité. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est qu’en tout état de cause le Gouvernement tout entier, sous la houlette du Premier ministre, est mobilisé à la fois pour faire muter l’agriculture et pour donner aux agriculteurs les moyens de participer à cette transition agroécologique, qui est absolument indispensable.
Le chef de l’État a demandé l’interdiction en France du glyphosate avant le 1er janvier 2021, alors que celle-ci interviendra beaucoup plus tard en Europe.
Mme Buzyn, M. de Rugy et moi-même avons demandé à l’ANSES de revoir toutes les mises sur le marché pour savoir ce qu’il en est réellement.
Je ne crois pas qu’il faille opposer les uns et les autres. D’ores et déjà, le Roundup est interdit depuis le 1er janvier dernier pour les particuliers ; toute dispersion avant les récoltes le sera dès le 1er février prochain, afin de protéger d’éventuels risques, le principe de précaution étant ainsi appliqué.
Je le répète, aujourd’hui, il ne faut pas opposer le principe de précaution et les analyses scientifiques. Les scientifiques doivent faire leur travail. Nous connaissons parfaitement la demande de la société pour que s’applique le principe de précaution quand est en jeu la santé de nos concitoyens. Mon rôle, celui du Gouvernement, c’est de protéger nos concitoyens et, dans le même temps, de donner à l’agriculture les moyens non seulement de muter, mais de continuer à être compétitive, à gagner des parts de marché à l’extérieur, à se développer à l’échelon local grâce aux circuits courts.
Comme l’a très bien dit le Président de la République – c’est la position du Gouvernement –, aucune filière, aucun paysan ne sera laissé sans solution. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre, protéger la population, d’accord, mais il faut aussi protéger les agriculteurs. Notre agriculture doit redevenir l’un des fers de lance de notre économie. Or elle occupe aujourd’hui un cinquième rang totalement indigne de son potentiel. S’abriter derrière le principe de précaution, c’est l’obscurantisme scientifique, c’est le recroquevillement sur soi-même.
Comment peut-on nourrir l’ambition d’une agriculture productive et compétitive à l’échelon européen et mondial et faire subir à celle-ci les états d’âme de juges archaïques et incompétents, ainsi que les phobies et les élucubrations de tous les prédicateurs de la lampe à huile ? Il va falloir faire des choix. Il faut retrouver l’ambition, l’audace et faire confiance à nos chercheurs, à nos experts, à nos agences. C’est ainsi que nous retrouverons le chemin du progrès et de la sécurité.
Vive la République, vive l’agriculture et vive la science ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe La République En Marche.
M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, huit maisons de naissance ont été ouvertes à la suite de la loi du 6 décembre 2013 autorisant leur expérimentation et du décret paru, deux ans plus tard, en 2015, précisant les conditions. Ces maisons offrent un accompagnement des naissances plus personnalisé et plus naturel, permettant aux parents d’être suivis depuis le début de la grossesse jusqu’à la surveillance postnatale par les mêmes sages-femmes, dans un cadre intime.
Afin de partager leurs observations, ces structures sont entrées en réseau et ont échangé sur leurs expériences. Elles ont ainsi conclu, collectivement, que le niveau de satisfaction des parents et des sages-femmes y travaillant était élevé et ont constaté une demande plus importante que prévu.
Malgré ces conclusions positives, les maisons de naissance connaissent certaines difficultés, qui sont notamment liées à un manque de visibilité sur les suites qui seront données à leur expérimentation, laquelle doit prendre fin au mois de novembre 2020.
Comme les textes législatifs le prévoient, les rapports d’évaluation ont été adressés par toutes les maisons de naissance le 31 mars 2017 aux agences régionales de santé et au ministère des solidarités et de la santé, après deux ans d’exercice. Toutefois, ils n’ont pas encore été exploités, ce qui laisse les sages-femmes et les parents dans l’expectative.
Afin d’éviter une rupture dans la prise en charge des parents le moment venu et de laisser aux sages-femmes le temps de se réorienter professionnellement en cas d’arrêt de l’expérimentation, il s’agirait d’étudier rapidement ces évaluations.
De ce fait, madame la ministre, mes questions sont les suivantes. L’exploitation de ces rapports d’évaluation aura-t-elle lieu sous peu ? Compte tenu de son succès et sans attendre la fin de l’expérimentation, le dispositif des maisons de naissance ne pourrait-il pas être élargi à l’ensemble du territoire et mis en place de manière pérenne à l’occasion du projet de loi relatif à la santé prévu pour cette année ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Dominique Théophile, neuf maisons de santé ont été autorisées au mois de novembre 2015, dont deux en Guadeloupe et à La Réunion, sur la base de l’expérimentation prévue par la loi du 6 décembre 2013 et d’un cahier des charges proposé par la Haute Autorité de santé.
Ces maisons de naissance sont des structures autonomes, dirigées par des sages-femmes, ayant pour mission d’accueillir les femmes enceintes du début de leur grossesse jusqu’à leur accouchement, dès lors qu’il n’y a aucun facteur de risque connu. Elles sont attenantes à une maternité partenaire pour permettre le transfert de la mère ou de l’enfant en cas d’urgence.
Après deux ans de fonctionnement effectif, on constate que l’activité globale des maisons de naissance est restée modeste. Sur le plan quantitatif, chaque structure a assuré entre 35 et 125 naissances en cumul depuis 2015. Sur le plan qualitatif, il n’a pas été signalé auprès des agences régionales de santé d’événements indésirables graves, notamment grâce à l’efficacité des procédures d’orientation des femmes enceintes et des parturientes vers les maternités attenantes en cas de complication ou de facteurs de risque au moment de la grossesse.
Par ailleurs, vous avez raison, monsieur le sénateur, les données remontées par des rapports d’évaluation font état d’une bonne satisfaction des parturientes et des équipes. Aujourd’hui, la réflexion sur l’avenir de ces maisons de naissance est donc en cours. Nous l’intégrons à la réforme des autorisations des activités de soins, réforme lancée en 2018. Plus précisément, des travaux particuliers sur les autorisations relatives aux activités de soins en périnatalité ont commencé au mois de juillet 2018 et se poursuivent.
suppressions d’emplois chez arianegroup
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la métropole bordelaise est un pôle européen majeur du spatial civil et militaire. On y produit notamment les boosters d’Ariane, on y fabrique le missile de dissuasion M51 et on y développe l’activité de microgravité, en particulier les vols zéro-g.
En 2020, Bordeaux sera capitale européenne de l’espace et présidente de la communauté des villes Ariane. On assistera cette année-là à une première spatiale mondiale : le tir inaugural d’Ariane 6.
Cette présidence intervient toutefois dans un contexte international incertain, compte tenu de l’émergence d’acteurs industriels très concurrentiels.
Voilà quelques semaines, ArianeGroup annonçait la suppression de 2 300 postes, dont un grand nombre dans la métropole bordelaise. Si l’on peut y voir une volonté d’adaptation au contexte international, on comprend aussi que l’entreprise peine dans un environnement agressif.
Le rapport que doit remettre la ministre des armées au Président de la République sur la stratégie spatiale militaire comprendra, j’imagine, un volet industriel. Nous espérons qu’il intégrera pleinement l’avenir du cluster aquitain.
Parmi l’aide que l’État peut apporter au groupe figure la commande publique. Force est de constater que la préférence européenne n’est pas systématique, malgré l’enjeu. Ainsi, le satellite de renseignement CSO vient d’être lancé par une fusée Soyouz. Il est difficile d’expliquer à nos concitoyens que le lancement de nos satellites de renseignement est confié à des fusées russes !
La politique de concurrence européenne, érigée en dogme, fait payer un bien cher tribut à nos entreprises. Les Américains ne se posent pas autant de questions. Ils conçoivent américain, produisent américain, et lancent américain.
Quelle perspective souhaite donner à ArianeGroup Mme la ministre des armées, à part celle de décrocher la Lune ? Quel carnet de commandes, quel nombre de lancements envisage-t-elle pour la future fusée Ariane 6, mais aussi pour le lanceur Vega, alternative au lanceur Soyouz ?
En cette année d’élections européennes, la France doit faire campagne pour un Buy European Act. Je rappelle que cette mesure figurait dans le programme du candidat Macron.
Je vous en conjure, faites-le, madame la ministre, avant qu’il ne soit trop tard ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Madame la sénatrice Delattre, vous l’avez rappelé, la France est une grande nation spatiale, un pays moteur pour le développement de l’Europe du spatial.
Si celle-ci a connu autant de succès, c’est parce que l’Europe a toujours soutenu le développement de ses lanceurs, Ariane 5 et Vega – Ariane 6 et Vega C à l’avenir. Cela continuera, bien sûr. Ce succès européen est dû à l’excellence et au professionnalisme du Centre national d’études spatiales, le CNES, d’ArianeGroup, d’Arianespace et, bien sûr, de l’Agence spatiale européenne.
Vous l’avez également rappelé, dans le contexte actuel, d’autres acteurs du secteur spatial – je pense évidemment à SpaceX, mais aussi à d’autres, notamment en Asie – viennent bouleverser le marché. C’est pourquoi nous devons avoir une politique volontariste de soutien aux lanceurs et à la recherche et au développement. Il s’agit de rendre Ariane 6 plus compétitive et de permettre les développements nécessaires à son adaptation aux évolutions du marché.
Nous devons également nous investir dans ce que l’on appelle le « new space », les nouveaux usages du spatial. À cet effet, 200 millions d’euros supplémentaires ont été prévus pour soutenir le CNES dans le budget pour 2019.
Il nous faut aussi aider ArianeGroup et Arianespace à se réorganiser de façon à gagner en compétitivité, ce qu’ils font déjà, comme l’ensemble de leurs partenaires et de leurs sous-traitants. Il est très important de rappeler la confiance que nous avons dans les lanceurs européens. La commissaire européenne a d’ailleurs signé avec Ariane 6 les premiers contrats pour le lancement des satellites européens.
grand débat national
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Nous assistons, depuis deux semaines, au grand show médiatique du Président de la République : premier épisode, en Normandie, second épisode, en Occitanie, soit à chaque fois six à sept heures de débats bien orchestrés, bien mis en scène. Bref, le Président est en campagne, et probablement plus en campagne qu’à l’écoute des problèmes fondamentaux des Français.
Dans la droite ligne de cette mise en scène, nous apprenions, hier, que la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations coanimerait l’émission Balance ton post ! de Cyril Hanouna pour « ramener des gens vers le débat public ». (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les Français sont-ils si peu subtils ou si peu intelligents qu’ils ont besoin de ce type d’émission pour réfléchir, comprendre et faire des propositions ? Monsieur le Premier ministre, est-ce avec votre accord que Mme Schiappa participera à ce talk-show pour le moins surprenant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question pleine de bienveillance et de nuances. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vais essayer de vous répondre sur le même ton.
Je dois dire que je trouve assez surprenante la mise en abîme dans laquelle vous nous plongez. Alors que vous déplorez que l’on parle à Cyril Hanouna, vous consacrez votre temps de parole au Sénat à parler de lui ! C’est assez étonnant. Vous auriez pu parler de sujets dits « sérieux »… (Très vives protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Poursuivez, madame la secrétaire d’État, mais faites preuve de modération, pour une fois ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, des centaines de milliers de personnes regardent, toutes les semaines, l’émission de Cyril Hanouna. Ces centaines de milliers de personnes sont-elles des citoyens comme vous et moi, comme les gens qui écoutent France Culture, comme ceux qui regardent Arte ?
Le grand débat national voulu par le Président de la République, sous l’autorité du Premier ministre et sous la surveillance des garants, vise à parler à tous les citoyens. Je tiens d’ailleurs à saluer la mobilisation exceptionnelle, en un temps record, de mes collègues Emmanuelle Wargon et Sébastien Lecornu, à qui l’organisation de ce débat a été confiée. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il n’y a pas de citoyens de seconde zone, madame la sénatrice. (Protestations sur les mêmes travées.) C’est le mépris de classe (Mêmes mouvements.) d’une intelligentsia et d’une forme d’élite politique, qui voudraient être seules responsables du débat politique et s’arroger le droit d’accéder au débat public, qui a nourri en partie le mouvement des « gilets jaunes », lequel en veut non seulement au Gouvernement, mais aussi à l’ensemble de la classe politique.
Ne vous en déplaise, on ne répond pas à des problèmes politiques de 2019 avec des solutions de 1999 ! (Huées sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos explications, mais depuis quelque temps, chaque jour, l’image des hommes et des femmes politiques est dévalorisée. Ne soyons donc pas surpris qu’avec ce type de mélange des genres les Français soient de plus en plus critiques à l’égard de leurs élus. Vous participez ainsi à l’éloignement et au rejet de la classe politique dans son ensemble.
La politique vaut mieux que cela. La politique, ce n’est pas la téléréalité. L’exemplarité des élus contribue à leur respect. Notre rôle est de tracer un chemin, de créer l’envie et de donner espoir, avec passion, à chaque citoyen, en particulier aux jeunes générations, qui seront les adultes de demain.
Réduire le débat public à une émission de spectacle ne peut que poursuivre le travail de dévalorisation de la politique. Ce faisant, vous y contribuez. Mais peut-être est-ce volontaire ?
Comment aurions-nous pu imaginer – mais, c’est vrai, c’était un autre temps – Françoise Giroud coanimer une émission avec Guy Lux ou Léon Zitrone ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
administration numérique et illectronisme
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, à qui je tiens de nouveau à témoigner ma solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Yves Roux. Merci, monsieur le président.
Il y a maintenant un an et demi, le Gouvernement fixait comme objectif la dématérialisation de la totalité des services publics d’ici à 2022. Si l’objectif de dématérialisation – ce terme barbare signifie que toutes les procédures administratives devront s’effectuer en ligne – peut paraître enthousiasmant, il ne semble à ce jour ni réaliste ni souhaitable d’envisager sa généralisation uniforme d’ici à trois ans.
La dématérialisation inquiète, d’autant qu’elle est perçue comme un cheval de Troie de la réduction des services publics dans les territoires ruraux et, à terme, comme une centralisation renforcée des services. Or nos concitoyens ont plus que jamais besoin de services publics de proximité, identifiables physiquement, simples et humains.
À cet égard, le Défenseur des droits vient de publier un rapport dans lequel il alerte sur le fait que cette dématérialisation risque de créer de nouvelles inégalités d’accès aux services publics.
L’inégalité est tout d’abord territoriale. De nombreuses communes n’ont pas du tout accès à internet. En outre, les points d’accès libre et confidentiel à internet ne sont pas disponibles partout. Enfin, ces derniers se situent à des distances variables.
L’inégalité est ensuite économique : des artisans locaux ne peuvent déjà pas accéder à des marchés publics qui sont entièrement dématérialisés depuis le 1er octobre 2018 pour des seuils supérieurs à 25 000 euros. Le télétravail est, quant à lui, presque impossible.
L’inégalité est aussi financière : acheter une tablette, un smartphone et souscrire un abonnement, tout cela coûte très cher pour ceux qui ont de petits revenus.
L’inégalité est enfin culturelle. Selon le CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, 36 % des Français ne sont pas familiarisés au numérique. Et ce taux est sans doute sous-estimé.
Or un progrès ne vaut que s’il est partagé par tous. Nous, élus de la République, nous bataillons au quotidien pour réduire des fractures territoriales et sociales ancrées, mais aussi pour les prévenir. Aujourd’hui, nous avons encore la possibilité d’agir.
Monsieur le ministre, qu’entendez-vous faire pour ne pas pénaliser celles et ceux qui ne peuvent accéder à ces nouveaux services publics ? Comptez-vous proposer un accompagnement de grande envergure à nos concitoyens ? Comment comptez-vous consolider l’égalité d’accès aux services publics dans tous les territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Roux, permettez-moi, tout d’abord, comme M. le président du Sénat, de vous faire part de la solidarité du Gouvernement à la suite de la vandalisation de votre permanence. À travers vous, je m’adresse à tous les élus, quelle que soit la famille politique à laquelle ils appartiennent, qui voient leur permanence, c’est-à-dire des coins de démocratie, être vandalisée. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, applaudit également.)
Vous me posez une question que le Sénat connaît bien, celle de la nécessaire modernisation de l’administration française. Cette modernisation passe, notamment, par le défi de la dématérialisation, laquelle rend de grands services à nos concitoyens ou aux élus locaux. Il est vrai toutefois qu’il y a parfois une France à deux vitesses : certains de nos concitoyens n’ont pas accès au numérique ou sont atteints de ce qu’on appelle l’« illectronisme », c’est-à-dire la difficulté – et ce n’est pas simplement une question d’âge – à effectuer des démarches administratives sur internet.
Le Gouvernement s’est en effet donné comme objectif de rendre possibles 100 % des démarches administratives de manière dématérialisée d’ici à 2022, mais cela ne signifie pas pour autant la disparition du papier.
C’est tellement vrai, monsieur le sénateur, que lors du débat sur la loi pour un État au service d’une société de confiance, la loi ESSOC, que j’ai eu l’honneur de défendre dans cette assemblée, je suis revenu, à la demande de l’une de vos collègues, Mme Gisèle Jourda, sur la dématérialisation des procédures administratives auprès de mon ministère et du paiement des impôts, car certains territoires n’ont pas accès au numérique. Les Français auront donc bien sûr la possibilité de continuer à remplir leurs documents papier et à payer leurs impôts par chèque.
Comme vous l’avez constaté, je suis revenu sur la disposition de la loi de finances pour 2016 qui rendait impossible, au-delà de 1 000 euros, le paiement de la taxe foncière, notamment, autrement que par virement bancaire. C’était une erreur de l’administration. Les administrés pourront évidemment continuer à payer par chèque.
M. le président. Il faut conclure maintenant !
M. Gérald Darmanin, ministre. Quant au rapport du Défenseur des droits, nous le lirons bien sûr avec beaucoup d’intérêt et nous l’appliquerons avec vous. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
limitation de vitesse
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous avez mis le feu au pays en vous entêtant à mettre en œuvre une mesure dont personne ne voulait, une mesure préjudiciable pour les territoires au quotidien et dont l’efficacité n’est pas reconnue. Je veux parler de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure.
Après six mois d’application, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que cette limitation de vitesse a permis de réduire le nombre de tués sur les routes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Alors que cette mesure devait être d’une efficacité immédiate, il n’en est rien !
Le groupe de travail du Sénat, sous la responsabilité de Michel Raison, …
M. Bruno Sido. Bravo !
M. Jean-Marc Boyer. … vous avait fait des propositions équilibrées, acceptables et intelligentes : cibler l’instauration de la limitation à 80 kilomètres par heure sur les tronçons accidentogènes, et ce au plus près du territoire, sur décision du président du département et du préfet, et conserver la limitation à 90 kilomètres par heure pour le reste du réseau routier départemental.
Surtout, ne nous dites pas que nous sommes irresponsables ! Nous souhaitons, bien sûr, que le nombre de morts sur les routes diminue. Nous soutenons toutes les mesures qui vont dans le sens de l’amélioration de la sécurité routière, de l’état de nos routes, de nos véhicules et du comportement des automobilistes.
Après vos anciens ministres de la cohésion des territoires et de l’intérieur, le Président de la République, lors de son tour de France, propose de revenir sur cette mesure et de trouver « une manière plus intelligente », « des solutions plus pragmatiques » et de faire quelque chose qui soit « plus acceptable ».
Monsieur le Premier ministre, envisagez-vous de reconsidérer votre décision et de trouver une solution acceptable par tous ? Envisagez-vous de suivre les propositions intelligentes du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, la limitation à 80 kilomètres par heure sur le réseau secondaire sera au cœur du grand débat qui est en cours. C’est en effet une question importante pour nos concitoyens, tant elle touche aux mobilités, aux déplacements, notamment de ceux qui vivent en zone rurale et qui parcourent les 400 000 kilomètres de notre réseau secondaire.
La thématique de la mobilité est importante, tout comme celle de la lutte contre l’insécurité routière, laquelle reste une préoccupation et un axe forts de la politique du Gouvernement.
Au cours de ce débat, il faudra avoir trois éléments en tête.
Premièrement, il faut tenir compte de l’efficacité de la mesure. Il convient bien évidemment d’être prudent, mais selon les premiers chiffres provisoires dont nous disposons, le nombre de morts sur le réseau secondaire, entre le 1er juillet et le 31 décembre 2018, a baissé de 13 % par rapport à l’année 2017. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Deuxièmement, il conviendra de bien prendre en compte les effets induits de cette mesure. Je pense notamment aux temps de déplacement, aux incidences sur la consommation de carburants ou sur la cohabitation entre les voitures particulières et les poids lourds. Pour nourrir ce débat, nous avons demandé une étude sur ce point à la Délégation à la sécurité routière, laquelle sera bien sûr rendue publique.
Troisièmement, il conviendra également de prendre en considération la question de la responsabilité des gestionnaires de voirie, car augmenter la vitesse sur un axe, si telle devait être la décision prise, en tout ou partie, c’est accepter aussi d’y voir, le cas échéant, l’accidentalité croître de nouveau. À cet égard, et je crois que c’est ce que vous souhaitez, l’avis des présidents de conseil départemental sera bien évidemment précieux. (Mêmes mouvements.)
Christophe Castaner et moi-même veillerons, je le répète, à ce que cette étude soit bien rendue publique, …