M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président Bas, je vous prie d’excuser l’absence de Mme la garde des sceaux, qui s’est rendue à Tarascon, auprès des personnels pénitentiaires, à la suite de l’évasion intervenue en début de semaine.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Encore une !
M. Marc Fesneau, ministre. Vous interrogez le Gouvernement sur la réforme de la justice en cours. La navette parlementaire est aujourd’hui parvenue à un stade avancé. Vous avez organisé hier une table ronde avec plusieurs organisations représentatives du monde de la justice et Mme la garde des sceaux s’est exprimée le même jour, à votre invitation, devant la commission des lois du Sénat.
Au cours des débats parlementaires qui se sont tenus depuis le mois d’octobre dernier, on a pu observer des points de convergence réelle autour d’un objectif commun : donner enfin à la justice les moyens auxquels elle peut prétendre et la réformer pour prendre en compte les besoins des justiciables.
Monsieur le président Bas, vous soulignez à juste titre l’existence d’une véritable urgence pour la justice. Dès lors, je comprends mal pourquoi vous demandez une pause : vous l’avez dit vous-même, la justice doit être profondément réformée pour répondre aux besoins des justiciables, qui veulent une justice de proximité efficace et moderne, plus rapide, protégeant les Français tout en garantissant leurs droits.
Sur les moyens d’atteindre ces objectifs, le Sénat et l’Assemblée nationale ont divergé. Votre assemblée est partie d’une position qu’elle avait élaborée dès le printemps 2017 et qui ne correspondait pas aux choix opérés par le Gouvernement après la consultation organisée dans le cadre des chantiers de la justice.
Au cours de son examen par l’Assemblée nationale, le texte a évolué, ce qui démontre l’ouverture du Gouvernement et de la majorité sur ce sujet. Alors que le projet de loi initial prévoyait une répartition des juridictions selon la carte administrative, il a été décidé par le Gouvernement, après écoute des élus et des professions judiciaires, de maintenir le maillage territorial de justice.
Cela témoigne de notre souci constant d’écouter les professionnels de la justice et de donner à celle-ci les moyens nécessaires. La navette en arrive à un stade où le texte semble se dessiner définitivement.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Marc Fesneau, ministre. Je ne doute pas que le travail du Sénat permettra encore d’améliorer un certain nombre de ses dispositions. C’est dans cet esprit que nous aborderons la dernière lecture au Sénat.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je regrette de devoir vous dire que cet esprit est un esprit de fermeture. On ne peut pas avoir raison seul contre tout le monde ; on ne peut pas réformer la société par voie d’autorité. Il est très rare que les greffiers, les magistrats, les avocats soient tous d’accord ; il est très rare que les positions d’une assemblée comme le Sénat convergent avec les attentes manifestées par les professions de justice.
Le Gouvernement serait bien inspiré, après les troubles des derniers mois, de commencer à comprendre qu’adopter une autre méthode est préférable si l’on veut réformer la société en profondeur. Il faut d’abord rechercher, par le dialogue, davantage de consensus : c’est ce que nous vous offrons de faire en essayant de dégager nous-mêmes des points d’accord avec les professions de justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
réorganisation des services de la dgfip
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste.
Mme Dominique Vérien. Monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, chargé de la fonction publique, vous avez prévu de réduire encore les services de la direction générale des finances publiques pour faire des économies. On ne peut vous en vouloir, mais ces économies porteront, une fois de plus, sur les territoires plutôt que sur Bercy.
Cependant, dans une note préparatoire de décembre 2018, vos services prônaient la concertation locale, la recherche d’un équilibre territorial ou encore l’utilisation de nouveaux outils, comme la téléconférence. Alors chiche, monsieur le secrétaire d’État : osez la concertation, la vraie, car un courrier d’information envoyé à un élu un mois avant l’arrêt d’un service public, ce n’est pas une concertation !
Je vous suggère en outre d’intégrer parmi vos nouveaux outils les maisons de services au public. Elles sont, en effet, les derniers relais de l’administration en milieu rural. Toutefois, pour cela, il faudrait que les administrations acceptent de collaborer avec ces maisons, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas aujourd’hui.
Monsieur le secrétaire d’État, vous qui avez défendu une loi prônant la confiance, comment pensez-vous instaurer confiance et partenariat entre les services publics de l’État et ceux des collectivités locales, afin que tous nos concitoyens aient le même accès au droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Vérien, vous posez la question de la permanence sur le territoire du réseau de la DGFiP, dont vous avez raison de souligner l’importance.
Aujourd’hui, la DGFiP compte 3 800 points de contact, soit un millier de moins qu’il y a dix ans, ce qui témoigne des réorganisations successives. Ces réorganisations, qui se sont traduites par des fermetures, ont un défaut principal : au-delà de la justification de certaines du fait des évolutions technologiques, elles s’inscrivent dans des plans annuels sans visibilité ni pour les agents ni pour les élus locaux.
Nous avons demandé, avec Gérald Darmanin, à l’ensemble des services du ministère de l’action et des comptes publics de changer de méthode. Ce changement va d’abord se traduire, au cours de l’année 2019, par l’engagement d’une concertation, conformément à vos vœux.
Nous avons fixé trois objectifs aux directeurs départementaux des finances publiques, en lien avec les préfets.
En premier lieu, nous leur demandons d’avoir une vision pluriannuelle de la réorganisation des services de la DGFiP, de manière à donner de la lisibilité aux territoires, aux élus locaux, aux agents et aux contribuables.
En deuxième lieu, nous leur demandons de réfléchir à l’échelle des bassins de vie et des bassins d’emplois, en s’extrayant des logiques purement administratives et en travaillant plutôt à l’échelle d’une région, sans tenir compte des frontières administratives du département, bien souvent artificielles au regard du quotidien de nos concitoyens.
En troisième lieu, nous leur demandons de veiller à augmenter le nombre de points de contact sur le territoire par tous les moyens possibles : le maintien de perceptions, mais aussi le développement de maisons de services au public. Ma collègue Jacqueline Gourault travaille à harmoniser l’offre de services dans les maisons de services au public en veillant à ce que l’ensemble des services de l’État puissent y participer.
J’ajoute, madame la sénatrice, que nous veillons à garantir un très bon niveau de conseil aux élus locaux, soit par les trésoriers eux-mêmes, soit par la constitution d’équipes de référence polyvalentes et organisées en brigades. Par ailleurs, nous étudions comment des services installés aujourd’hui à Paris ou dans les métropoles pourraient, à terme, être implantés dans les territoires ruraux ou périurbains, dans une entreprise de déconcentration de proximité.
Les orientations données au ministère de l’action et des comptes publics sont parfaitement conformes aux instructions adressées par le Premier ministre à l’ensemble des ministres pour ce qui concerne la réorganisation des services de l’État sur le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour la réplique.
Mme Dominique Vérien. Cette phase de concertation est prévue entre les 15 février et 15 mars prochains. J’espère que vous la conduirez après le grand débat. J’entends bien votre réponse : nous jugerons d’après les faits.
négociations sur l’assurance-chômage
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. Martin Lévrier. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
En 2018, 691 000 nouvelles sociétés ont vu le jour ; le chômage a reculé de 1,5 % en un an (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Les Républicains.) ; le nombre de procédures prudhommales a chuté de 17,61 % : trois résultats encourageants directement liés à la mise en œuvre des ordonnances réformant le code du travail et aux actions menées durant ces dix-huit derniers mois. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ces mesures ont permis aux entreprises de se stabiliser, de reconstituer leurs marges et de redevenir compétitives. Leur capacité de sauvegarder, de créer des emplois et de réinvestir s’est renforcée. Nous le savons tous, c’est l’entreprise qui génère la richesse, qui crée de l’emploi et permet à tous de mieux vivre.
Dans un contexte économique instable, le Gouvernement a maintenu ce cap. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Ainsi, le projet de loi de finances pour 2019 entérine notamment la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en un allégement de cotisations patronales, pour un coût de 21 milliards d’euros.
Madame la ministre, vous avez lancé, en novembre, la négociation entre partenaires sociaux sur l’assurance chômage. L’un des objectifs est de lutter contre la précarité, d’inciter les chômeurs à retourner plus vite sur le marché du travail. Or, lundi, les organisations patronales ont décidé de se retirer des négociations, à la suite des déclarations du Président de la République sur le bonus-malus, dispositif consistant à moduler les cotisations chômage de l’employeur en fonction du taux de ruptures de contrats de travail. Cette promesse présidentielle a trouvé le soutien des syndicats, et pour cause : en vingt ans, le nombre de CDD de moins d’un mois a été multiplié par 2,5 !
Madame la ministre, nous devons continuer à libérer l’économie française tout en protégeant le salarié, et cela ne peut se faire qu’avec la collaboration du Medef, de la Confédération des petites et moyennes entreprises, la CPME, et de l’Union des entreprises de proximité, l’U2P. Que comptez-vous faire pour que les organisations patronales reviennent à la table des négociations ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Martin Lévrier. Dans l’éventualité d’une absence d’accord, quelles seraient les alternatives à la taxation des contrats courts ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Martin Lévrier, vous avez souligné le début de la baisse du chômage, dont le taux est passé de 9,7 % à 9,1 %, avec 250 000 créations nettes d’emplois. C’est encourageant. Je pense que nous serons tous d’accord ici pour dire qu’il faut encore accentuer nos efforts. C’est le sens des ordonnances réformant le code du travail, de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et du plan d’investissement dans les compétences, prévu sur quatre ans, pour lequel onze régions sur treize, ainsi que tous les outre-mer, m’ont déjà confirmé leur accord.
Au-delà, la révision des règles de l’assurance chômage est également un levier d’action. Dans le document de cadrage envoyé par le Premier ministre le 25 septembre dernier aux partenaires sociaux, trois sujets principaux sont évoqués.
Le premier concerne les règles d’indemnisation des chômeurs, puisque, dans 20 % des cas, sans que cela ait été voulu par les partenaires sociaux, le cumul de plusieurs règles a pour conséquence le versement au demandeur d’emploi d’une indemnité supérieure au salaire qu’il percevait chaque mois lorsqu’il travaillait, ce qui n’est pas incitatif.
Le deuxième sujet, très important, est la multiplication, pour ne pas dire l’explosion, des contrats courts dans notre pays. C’est malheureusement une spécificité française, qui concourt beaucoup à la précarité, problème auquel la population est à juste titre très sensible.
Que s’est-il passé ? Aujourd’hui, neuf embauches sur dix se font en contrat à durée déterminée ou en intérim. Plus encore, ce sont les CDD extrêmement courts qui se développent, puisque 80 % d’entre eux sont d’une durée de trois mois ou moins. Le nombre des contrats de moins d’un mois a explosé, en particulier dans douze secteurs professionnels, où il a été multiplié par 2,5, ce qui a conduit à la précarisation de tout un pan du monde du travail.
Il est donc aussi de la responsabilité des employeurs de travailler sur ce thème. Avec le Premier ministre, nous faisons confiance à la négociation sociale pour trouver des solutions sur les deux sujets que j’ai évoqués,…
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. … ainsi que sur celui du désendettement de l’Unedic, dont 35 milliards d’euros de dettes sont garantis par l’État. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
aéroport de toulouse-blagnac
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Françoise Laborde. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
L’aéroport régional de Toulouse-Blagnac vit un énième rebondissement, avec l’annonce par le consortium chinois Casil Europe de la revente des 49,9 % de parts qu’il détient depuis 2015. Les acteurs locaux sont las de ce mauvais scénario, sur lequel je me suis maintes fois exprimée ici.
Nous parlons du cinquième aéroport régional et premier aéroport régional de fret, outil de développement essentiel pour le territoire, infrastructure hautement stratégique, notamment pour Airbus, qui en est un utilisateur privilégié.
Depuis l’arrivée de Casil Europe, un bras de fer s’est engagé concernant la redistribution des dividendes, l’investisseur privé réclamant « un retour sur investissement raisonnable ». Les collectivités locales n’ont cessé de s’opposer à une politique de redistribution croissante, laquelle a atteint, fin 2018, 100 % des bénéfices ! Elles n’ont pas été aidées par l’Agence des participations de l’État, qui a systématiquement validé les demandes de l’investisseur privé.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me garantir que les derniers 10,1 % des parts appartenant encore à l’État seront bien désolidarisés de la vente par Casil Europe de ses parts à tout nouvel acteur privé ? Je propose d’étudier une vente des parts de l’État aux collectivités locales, qui détiennent déjà ensemble 40 % du capital, afin d’assurer une majorité stable et sereine dans la gouvernance de cet équipement. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Laborde, en avril 2015, nous avons vendu 49,9 % des parts de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Nous avons mené cette opération dans le respect des règles de droit, en organisant un appel à concurrence et un système d’enchères. Nous avons ainsi vendu, comme dans n’importe quelle économie de marché, à l’acheteur le plus offrant qui répondait au cahier des charges. Je rappelle que l’offre de Casil Europe était de 17 % supérieure à celle du deuxième meilleur enchérisseur.
Je rappelle également que la Cour des comptes a validé cette enchère et reconnu qu’elle était parfaitement conforme aux règles de droit. (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.) Je le dis pour ceux qui pourraient contester la légalité de cette opération.
Depuis 2015, les investissements sur lesquels Casil Europe s’était engagé ont été réalisés. Le trafic a augmenté de 28 %, de même que les résultats financiers de l’entreprise. (Mme Frédérique Espagnac le conteste.) Nous sommes dans une économie de marché et devrions donc nous réjouir que l’aéroport de Toulouse bénéficie de nouveaux investissements, de financements solides, et accueille des passagers plus nombreux : le développement économique, c’est bien ce que nous recherchons.
Quant au devenir des 10,1 % de parts qui appartiennent à l’État, je vous fais une proposition honnête, madame la sénatrice, celle de venir me voir (Exclamations amusées.) avec les autres élus de la métropole, avec les responsables de la chambre de commerce et d’industrie, afin que nous prenions ensemble la décision, en ayant pour seul objectif le développement de votre aéroport. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.
Mme Françoise Laborde. Merci, monsieur le ministre, j’avoue que votre réponse me convient. (Exclamations amusées.) Je me rendrai à votre invitation, car il est important que nous puissions discuter de cet aéroport, qui ne peut être traité comme n’importe quel équipement. J’espère que les collectivités pourront conserver les 10,1 % des parts restants. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
taxation des gafam
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le ministre, les géants du numérique, les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft -, paient des impôts dérisoires dans notre pays. Depuis plusieurs années, lors des débats budgétaires, notre groupe dépose des amendements visant à mettre un terme à cette injustice et à ce manque à gagner. Le Sénat, par-delà la diversité de ses sensibilités politiques, les a à plusieurs reprises votés, récemment encore lors de l’élaboration de la dernière loi de finances.
Le Gouvernement les a rejetés, au motif que l’on ne pourrait agir qu’au niveau européen, voire à celui de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE. Certes, mener une action à l’échelon international est indispensable, mais cela n’empêche pas la France d’agir en précurseur, de façon unilatérale.
Sous la pression de l’opinion, vous en convenez désormais et promettez de taxer les GAFAM. Que de temps et d’argent perdus ! Cependant, cette taxation ne doit pas être symbolique.
D’abord, le cadre doit être durable. Ces entreprises doivent être taxées comme toutes celles qui sont installées sur notre territoire. Proposerez-vous, comme le Sénat, que les géants du numérique soient considérés comme des établissements implantés de manière stable en France dès lors que leur chiffre d’affaires dans notre pays dépasse un certain seuil ? Vous ferez-vous le relais de cette exigence à l’OCDE ?
Ensuite, les discussions européennes portent sur la création d’une taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires. Cependant, sous la pression de l’Allemagne, la base prise en compte pour la détermination du chiffre d’affaires a fondu comme neige au soleil. Initialement, la France pouvait escompter 1 milliard d’euros de recettes en rythme de croisière. Avec l’accord franco-allemand que vous avez approuvé, ces recettes ne seraient plus que de 400 millions d’euros, ce qui, vous en conviendrez, est assez dérisoire au regard des profits réalisés par ces entreprises. Proposerez-vous de retenir une base large de taxation, permettant de dégager une recette d’environ 1 milliard d’euros pour notre pays ? Nous sommes inquiets, car les informations diffusées par la presse n’ont pas l’air d’aller dans ce sens. Il y va de la justice fiscale entre citoyens et entreprises, entre PME qui payent beaucoup et multinationales qui payent peu ; il y va des moyens dont la France a besoin.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est urgent que les GAFAM payent leur dû ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Lienemann, pour une fois, je suis d’accord avec vous. (Exclamations amusées.) Il est indispensable de taxer sans délai les géants du numérique. C’est une question de justice : personne ne peut accepter que ces multinationales, qui font les profits les plus élevés, payent quatorze points d’impôt de moins que n’importe quelle PME de France ou d’Europe.
M. Bruno Sido. C’est exact !
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est aussi une question d’efficacité : si nous voulons, demain, pouvoir financer nos services publics, nos crèches, nos hôpitaux, nos écoles, il faut aller chercher l’argent là où il se trouve ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) C’est ce que nous allons faire !
À la demande du Premier ministre, nous déposerons dans les prochains jours un projet de loi sur la taxation des géants du numérique. Cette taxation nationale des géants du numérique touchera toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires numérique est supérieur à 750 millions d’euros et le chiffre d’affaires national supérieur à 25 millions d’euros. La taxation sera progressive, pour que les petits payent moins que les gros ! Le rapport de cette taxe sera d’environ 500 millions d’euros chaque année.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas assez !
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour autant, je ne renonce pas à obtenir l’accord des 27 États membres de l’Union européenne pour instaurer une taxation européenne des géants du numérique. Il serait tout de même préférable, plutôt que d’avoir des taxes française, italienne, espagnole et britannique, que l’Europe ait enfin le courage d’assumer ses positions,…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. … de défendre ses intérêts économiques et de taxer de manière souveraine les géants du numérique dans le monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous nous battrons jusqu’au bout, et j’espère qu’avec votre soutien, madame Lienemann, y compris au niveau européen, nous aurons gain de cause, pour la justice et l’efficacité du système fiscal du XXIe siècle. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
plan de protection de l’enfance
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Xavier Iacovelli. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Deux morts par semaine, un viol toutes les heures, 40 % d’anciens enfants placés parmi les sans-domiciles fixes de moins de 25 ans, 70 % des jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, sans diplôme…
Monsieur le secrétaire d’État, il s’est levé dans notre pays un vent d’indignation quant au sort réservé par la République à ces enfants. Il aura fallu la diffusion d’un documentaire-choc sur France 3, la mobilisation des députés et des sénateurs de tous les bords politiques et l’émotion des Français pour que le Gouvernement se décide enfin à réagir. Cette indignation a conduit à votre nomination, le 25 janvier dernier.
En dix-huit mois, le Gouvernement a perdu la confiance de l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance, en faisant de celle-ci l’angle mort de sa politique.
M. François Patriat. Mais non…
M. Xavier Iacovelli. Cette confiance, il est de votre devoir de la retrouver.
Cette situation dramatique ne date pas d’hier. Les départements, confrontés à la baisse des dotations, à l’augmentation du nombre des placements et des suivis, ne peuvent plus gérer seuls la prise en charge de ces enfants.
Comment accepter que l’aide sociale à l’enfance devienne le lieu de reproduction des violences dont elle est censée protéger les enfants ? Comment accepter que perdurent de telles inégalités de prise en charge d’un territoire à l’autre ?
Sorties sèches de l’ASE à 18 ans, vieillissement des familles d’accueil, absence de fichier national pour l’agrément : notre système de protection de l’enfance est aujourd’hui à bout de souffle.
M. Bruno Sido. Mais non !
M. Xavier Iacovelli. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, préciser quel est le périmètre de vos attributions et quels seront les moyens attribués à la protection de l’enfance, sachant que rien n’était prévu dans le budget pour 2019 ? En tant que député, vous avez signé la proposition de loi visant à éviter les sorties sèches des jeunes majeurs. En tant que secrétaire d’État, allez-vous soutenir les initiatives parlementaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie de votre accueil, monsieur le président.
Monsieur le sénateur Iacovelli, je vous remercie de votre question, qui me permet de saluer ce département des Hauts-de-Seine qui nous est cher à tous deux. (Exclamations ironiques.)
Je salue votre engagement en faveur de la protection de l’enfance, ainsi que l’initiative que vous avez prise, avec la commission des affaires sociales, sur ce sujet trop important pour être le monopole d’une sensibilité politique.
Soyez-en convaincu, je ne serai pas le ministre qui opposera les parents à leurs enfants, les juges aux avocats, les travailleurs sociaux à leurs employeurs, les départements à l’État, un côté de cet hémicycle à l’autre.
Je serai le ministre de la concertation et du dialogue franc et sincère (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.), où l’on se dit les choses dans les yeux et où chacun assume ses responsabilités, un dialogue qui associera votre assemblée, les départements et les communes, ces territoires que vous représentez, les associations, les professionnels de santé et du monde éducatif, les enfants et les parents.