M. Jean-Louis Tourenne. La persévérance est une qualité, sauf quand il s’agit de persévérer dans l’erreur, mais tel n’est pas le cas en l’occurrence.
Avec cet amendement, nous revenons sur la question de la transparence des rémunérations. La mesure de l’écart des salaires par rapport au salaire moyen ou au salaire médian n’est pas suffisante et ne permettra pas de lutter contre les inégalités salariales. Cet écart doit également s’apprécier au regard du salaire le plus bas. En 2016, d’après les chiffres de l’ONG Oxfam, les PDG du CAC 40 ont gagné en moyenne 119 fois plus que la moyenne de leurs salariés, mais 250 fois le SMIC, ce qui est beaucoup plus parlant pour tout le monde.
Il faut également pouvoir disposer d’une répartition par quartiles. Quand on partage les salaires en quatre parts égales, on peut voir où se situe la rémunération de 75 % des salariés, avec le premier quartile, ainsi que le seuil auquel est supérieure celle des 25 % de salariés les mieux payés, avec le troisième quartile. C’est autrement plus parlant que le salaire médian, qui divise l’effectif de l’entreprise en deux parties égales, sans permettre d’appréhender la distribution des salaires au sein de l’entreprise et leur évolution.
Cet amendement est une reprise de celui qu’avait présenté le député Matthieu Orphelin, qui avait été contraint à reculer en séance et a, depuis lors, annoncé son départ du groupe majoritaire de l’Assemblée nationale. Je n’irais pas jusqu’à y voir une relation de cause à effet…
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. L’avis est défavorable : j’ai déjà indiqué que la commission spéciale était opposée à toute sur-transposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 461 rectifié ter, présenté par MM. Sueur, Tourenne, Daudigny, Durain et M. Bourquin, Mme Ghali, M. Fichet, Mmes Lepage et Bonnefoy, M. Mazuir, Mme Blondin, M. Courteau, Mme G. Jourda, MM. Vaugrenard, Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 225-177 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « Les actions acquises au titre de la levée de l’option, ainsi que les actions gratuites, ne pourront être cédées par les dirigeants de sociétés cotées que sur une période de douze mois, soit un douzième chaque mois ou 50 % par semestre. » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil d’administration détermine les droits des mandataires sociaux attachés aux options et actions gratuites, en proportion du temps passé au sein de la société par lesdits mandataires, ainsi que les conditions de perte de ces droits dans le cas de départ de l’entreprise. En tout état de cause, la durée pendant laquelle peut être exercé le droit de levée d’options, ou de réalisation d’actions, ne peut dépasser quatre ans. Chaque levée d’option, ou cession d’actions, doit être préalablement annoncée au conseil d’administration lors de l’exercice précédent. » ;
c) Après la première phrase du quatrième alinéa, sont insérées trois phrases ainsi rédigées : « Le prix minimum et le prix maximum auxquels peut être effectuée la levée d’options, ou ceux des actions gratuites, sont fixés à chaque début d’exercice. À chaque exercice, le conseil d’administration prend connaissance du nombre d’actions déclarées par les dirigeants, et de leur choix quant au calendrier de leur réalisation pour l’exercice suivant. Le nombre d’options et d’actions détenues, ainsi que le calendrier de leur réalisation ou de leur vente, seront portés à la connaissance des actionnaires et des salariés de l’entreprise. » ;
2° Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 225-185, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il ne peut être consenti au président du conseil d’administration et au directeur général des options donnant droit à la souscription ou à l’achat d’actions représentant, au jour de leur attribution, un montant supérieur à la rémunération fixe du président du conseil d’administration et du directeur général. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit d’un amendement anti-spéculation.
Afin de réduire la part spéculative de la rémunération du dirigeant de société, le I tend à limiter la part variable de la rémunération de chaque mandataire social à moins de 100 % de la part fixe de ladite rémunération.
Par ailleurs, afin de prévenir les effets d’aubaine, voire les délits d’initié, le II vise à obliger les dirigeants de société à établir un calendrier régulier de cession ou de réalisation de leur rémunération en capital et à prévoir, pour chaque exercice, les modalités de fixation du nombre, du montant et du calendrier de réalisation des actions, de même que l’information des actionnaires et des salariés de la société en la matière. Enfin, il tend à conditionner les droits des mandataires sociaux attachés à leurs rémunérations en capital à des critères déterminés par le conseil d’administration et explicite les critères de perte de ces mêmes droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Les articles L. 225-177 et suivants du code de commerce encadrent suffisamment les modalités de consentement d’options donnant droit à la souscription d’actions.
Je considère en outre que cet amendement porte à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre une atteinte qui ne semble justifiée par aucun motif d’intérêt général.
M. Roger Karoutchi. Eh oui.
M. Michel Canevet, rapporteur. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Affirmer que réduire les rémunérations à caractère spéculatif – j’y insiste, car il ne s’agit pas d’autre chose – constituerait une atteinte à la liberté d’entreprise est un argument sur lequel chacun et chacune pourra méditer !
M. Roger Karoutchi. Nous méditerons.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 461 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 691 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Avant le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
« Encadrement des écarts de rémunération au sein d’une même entreprise
« Art. L. 3230-1. – Le présent chapitre est applicable aux rémunérations des personnels, des mandataires sociaux et des autres dirigeants, régis ou non par le présent code, des entreprises, constituées sous forme de société, groupement, personne morale ou établissement public à caractère industriel et commercial, quel que soit leur statut juridique.
« Art. L. 3230-2. – Le montant annuel de la rémunération individuelle la plus élevée attribuée dans une entreprise mentionnée à l’article L. 3230-1, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature dus ou susceptibles d’être dus à titre de rémunération ou d’indemnisation au cours de l’exercice comptable, ne peut être supérieur à dix fois le salaire annuel minimal appliqué en France pour un emploi à temps plein dans la même entreprise ou dans une entreprise qu’elle contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.
« Art. L. 3230-3. – Pour chaque exercice comptable, lorsque l’application d’une décision ou d’une convention a pour effet de porter le montant annuel de la rémunération annuelle la plus élevée à un niveau supérieur à dix fois celui du salaire minimal annuel, définis à l’article L. 3230-2, l’ensemble des décisions ou conventions relatives à la détermination de cette rémunération sont nulles de plein droit, sauf si le salaire minimal annuel pratiqué est relevé à un niveau assurant le respect des dispositions du même article. »
II. – Au 1° du II de l’article L. 2312-26 du code du travail, après le mot : « salaires, », sont insérés les mots : « sur les écarts de rémunération des salariés et mandataires sociaux au sein de l’entreprise et des entreprises qui la contrôlent au sens de l’article L. 233-3 du code du commerce, ».
III. – Les entreprises mentionnées à l’article L. 3230-1 du code du travail dans lesquelles l’écart des rémunérations est supérieur à celui prévu à l’article L. 3230-2 du même code disposent d’un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se conformer aux dispositions du même article L. 3230-2.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement a le même objet que les amendements nos 692 rectifié et 693 rectifié : l’encadrement des salaires. Avec votre permission, monsieur le président, je les présenterai simultanément.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Fabien Gay. Les amendements nos 691 rectifié, 692 rectifié et 693 rectifié visent à encadrer les écarts de rémunération au sein d’une même entreprise selon un rapport, respectivement, de 1 à 10, de 1 à 20 et de 1 à 50. Il y en a pour tous les goûts : le premier est résolument communiste, le deuxième plutôt socialiste, et, avec le troisième, il me semble que même M. Karoutchi pourra s’y retrouver ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Je dois encore réfléchir…
M. Fabien Gay. Dans quelle société souhaitons-nous vivre ? Depuis 2009, la rémunération des PDG du CAC 40 a augmenté en moyenne de 46 %. Dans le même temps, l’augmentation des salaires a été deux fois moindre, celle du SMIC quatre fois moindre. Quant aux dividendes, ils ont progressé de 60 % depuis 2009. Où est la justice ?
Un sondage de 2011 – je n’en ai pas trouvé de plus récent – nous apprend que deux Français sur trois sont favorables à ce que les rémunérations des dirigeants soient plafonnées à 10 000 euros mensuels, soit l’équivalent de sept fois le salaire minimum : le peuple est plus révolutionnaire que notre groupe ! (M. Roger Karoutchi rit.)
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 290 rectifié ter est présenté par MM. Tourenne, Durain, Jacquin, M. Bourquin, J. Bigot, Assouline, Cabanel et Courteau, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny, Duran et Féraud, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lozach, Mmes Lubin, Rossignol et Taillé-Polian, M. Todeschini, Mmes Tocqueville, Van Heghe et Préville, MM. Marie, Mazuir et Madrelle, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Lepage, MM. Botrel, Jomier, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 692 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Avant le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
« Encadrement des écarts de rémunération au sein d’une même entreprise
« Art. L. 3230-1. – Le présent chapitre est applicable aux rémunérations des personnels, des mandataires sociaux et des autres dirigeants, régis ou non par le présent code, des entreprises, constituées sous forme de société, groupement, personne morale ou établissement public à caractère industriel et commercial, quel que soit leur statut juridique.
« Art. L. 3230-2. – Le montant annuel de la rémunération individuelle la plus élevée attribuée dans une entreprise mentionnée à l’article L. 3230-1, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature dus ou susceptibles d’être dus à titre de rémunération ou d’indemnisation au cours de l’exercice comptable, ne peut être supérieur à vingt fois le salaire annuel minimal appliqué en France pour un emploi à temps plein dans la même entreprise ou dans une entreprise qu’elle contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.
« Art. L. 3230-3. – Pour chaque exercice comptable, lorsque l’application d’une décision ou d’une convention a pour effet de porter le montant annuel de la rémunération annuelle la plus élevée à un niveau supérieur à vingt fois celui du salaire minimal annuel, définis à l’article L. 3230-2, l’ensemble des décisions ou conventions relatives à la détermination de cette rémunération sont nulles de plein droit, sauf si le salaire minimal annuel pratiqué est relevé à un niveau assurant le respect des dispositions du même article. »
II. – Au 1° du II de l’article L. 2312-26 du code du travail, après le mot : « salaires, », sont insérés les mots : « sur les écarts de rémunération des salariés et mandataires sociaux au sein de l’entreprise et des entreprises qui la contrôlent au sens de l’article L. 233-3 du code du commerce, ».
III. – Les entreprises mentionnées à l’article L. 3230-1 du code du travail dans lesquelles l’écart des rémunérations est supérieur à celui prévu à l’article L. 3230-2 du même code disposent d’un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se conformer aux dispositions du même article L. 3230-2.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne pour présenter l’amendement n° 290 rectifié ter.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à vous aider, monsieur le ministre, à tenir la promesse de l’intitulé de la section précédente : « Mieux partager la valeur ». Pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Il s’inscrit dans le dispositif global proposé par notre groupe concernant la démocratie et la justice sociale en entreprise. Cette dernière passe assurément par l’encadrement des rémunérations des hauts dirigeants et la limitation des écarts de salaire.
On nous objectera que, dans une économie mondialisée, le marché des hauts dirigeants est également mondialisé. Il faudrait ainsi que nous restions parmi les champions des inégalités salariales, comme nous sommes les champions en matière de versement de dividendes.
Mais la perception des écarts de richesse est, quant à elle, restée d’ordre national, et nos concitoyens, on le voit actuellement, y sont particulièrement sensibles.
En outre, certains pays pratiquent une modération salariale qui ne les empêche nullement d’attirer les talents internationaux. Ainsi, le Japon est, avec le Danemark, le pays où l’écart est le plus faible entre le salaire de l’employé en bas de l’échelle et celui du PDG. La rémunération totalement indécente de Carlos Ghosn, qui est aujourd’hui accusé de dissimulation de revenus,…
M. Martial Bourquin. Et d’exil fiscal !
M. Jean-Louis Tourenne. … y a toujours choqué.
Je rappelle que, en 2016, l’assemblée générale des actionnaires de Renault avait rejeté à 54 % des voix le package de rémunération, d’un montant de 7,25 millions d’euros, de ce dirigeant, mais son avis n’était alors que consultatif. Il est devenu contraignant depuis la loi Sapin II et nous proposons que de telles rémunérations soient soumises également à un avis conforme du comité social et économique, qui a remplacé le comité d’entreprise.
Au Danemark, l’écart entre les plus hauts salaires et le salaire moyen est de 1 à 20, quand, en France, il est de 1 à 77. Nous proposons qu’une limitation identique s’applique dans notre pays, qui doit être à l’initiative sur ces sujets, y compris à l’échelle européenne : l’actualité récente nous l’a montré, il y va de notre cohésion nationale.
M. le président. L’amendement n° 692 rectifié a déjà été défendu.
L’amendement n° 693 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Avant le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
« Encadrement des écarts de rémunération au sein d’une même entreprise
« Art. L. 3230-1. – Le présent chapitre est applicable aux rémunérations des personnels, des mandataires sociaux et des autres dirigeants, régis ou non par le présent code, des entreprises, constituées sous forme de société, groupement, personne morale ou établissement public à caractère industriel et commercial, quel que soit leur statut juridique.
« Art. L. 3230-2. – Le montant annuel de la rémunération individuelle la plus élevée attribuée dans une entreprise mentionnée à l’article L. 3230-1, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature dus ou susceptibles d’être dus à titre de rémunération ou d’indemnisation au cours de l’exercice comptable, ne peut être supérieur à cinquante fois le salaire annuel minimal appliqué en France pour un emploi à temps plein dans la même entreprise ou dans une entreprise qu’elle contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.
« Art. L. 3230-3. – Pour chaque exercice comptable, lorsque l’application d’une décision ou d’une convention a pour effet de porter le montant annuel de la rémunération annuelle la plus élevée à un niveau supérieur à cinquante fois celui du salaire minimal annuel, définis à l’article L. 3230-2, l’ensemble des décisions ou conventions relatives à la détermination de cette rémunération sont nulles de plein droit, sauf si le salaire minimal annuel pratiqué est relevé à un niveau assurant le respect des dispositions du même article. »
II. – Au 1° du II de l’article L. 2312-26 du code du travail, après le mot : « salaires, », sont insérés les mots : « sur les écarts de rémunération des salariés et mandataires sociaux au sein de l’entreprise et des entreprises qui la contrôlent au sens de l’article L. 233-3 du code du commerce, ».
III. – Les entreprises mentionnées à l’article L. 3230-1 du code du travail dans lesquelles l’écart des rémunérations est supérieur à celui prévu à l’article L. 3230-2 du même code disposent d’un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se conformer aux dispositions du même article L. 3230-2.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Ces quatre amendements répondent au même objectif, qui relève, selon moi, d’une économie administrée.
Comme vous avez pu le constater, nous n’aimons pas beaucoup les seuils, car ceux-ci entraînent des effets néfastes. On peut instaurer des règles extrêmement contraignantes, mais elles seront contournées d’une façon ou d’une autre. Nous en appelons plutôt à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, des salariés et des dirigeants pour atteindre des résultats conformes aux objectifs sociétaux (M. Martial Bourquin manifeste son scepticisme.).
Mais si, monsieur Bourquin, il faut faire confiance aux entreprises, susciter l’esprit d’entreprise dans notre pays ! Ce n’est pas en imposant des contraintes supplémentaires que l’on y parviendra, bien au contraire.
M. Rachid Temal. Le Gosplan !
M. Michel Canevet, rapporteur. L’objectif, au travers de ce projet de loi, est de simplifier les choses pour donner l’envie d’entreprendre ; la France en a bien besoin ! À force de tout corseter en instaurant des règles draconiennes, on décourage les gens d’entreprendre dans notre pays et on les pousse à partir à l’étranger pour le faire.
La commission spéciale est défavorable aux quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je peux comprendre que l’on s’oppose à une limitation des écarts de rémunération selon un rapport de 1 à 10 ou de 1 à 20, mais j’ai du mal à admettre que l’on balaie d’un revers de main notre proposition de restreindre cet écart selon un rapport de 1 à 50.
Que dit ma bible, le rapport d’Oxfam ? Je ne citerai qu’en passant les cas de Carrefour, où les rémunérations varient de 1 à 300, ou de LVMH, où elles varient de 1 à 270 ; vous avez vous-même fustigé, monsieur le ministre, de tels écarts de rémunération. Je relève que la rémunération du PDG de Pernod Ricard, deuxième groupe de vins et spiritueux au monde, est cinquante fois supérieure au salaire le plus faible de l’entreprise. Dans d’autres groupes, tels que Bouygues, Orange ou le Crédit agricole, les écarts sont encore moindres. Respecter la fourchette de 1 à 50 est donc faisable !
Par ailleurs, je n’accepte pas que l’on nous accuse d’être des nostalgiques du Gosplan ou de l’économie administrée. Avec ces amendements, nous ne prônons pas l’égalitarisme : ce serait voué à l’échec ; nous défendons l’égalité républicaine, qui est le pendant de la justice sociale et fiscale. Quelle est notre vision de la société ?
M. Emmanuel Capus. Une vision rétrograde !
M. Fabien Gay. Absolument pas ! Notre démarche correspond pleinement à la devise républicaine, monsieur Capus : pas d’égalité sans liberté, mais pas de fraternité sans égalité. Sans égalité, la cohésion de la société est mise à mal. C’est ce que révèle aujourd’hui la crise des « gilets jaunes » : en l’absence d’égalité, il ne peut y avoir de fraternité.
Vous refusez toutes nos propositions : quelle est donc votre vision de la société, de l’égalité ? Je vous ai entendu dire, monsieur le ministre, que vous trouviez indécent un écart de rémunération de 1 à 300. J’aimerais savoir quel écart est acceptable pour vous : où placez-vous la barre ? (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Mon allusion de ce matin au Gosplan aura prospéré toute la journée ; j’ai bien fait de passer !
Le problème tient non pas aux chiffres, mais au principe d’un encadrement. Monsieur le ministre, à une certaine époque, le MEDEF avait proposé un cadre salarial de référence, en réponse à une demande faite aux entreprises. Il s’agissait de définir au sein du monde de l’entreprise, sans passer par la loi, quel écart de rémunération pouvait être considéré comme humainement supportable par l’ensemble de la société. Le MEDEF l’avait assez bien fait, mais l’expérience n’a guère duré et n’a pas été renouvelée, pour une raison que j’ignore.
Plutôt que de prétendre tout régler par la loi, la réglementation contraignante, l’encadrement, ne pourrait-on pas rechercher une solution par la voie de la concertation, y compris avec le MEDEF ?
Monsieur le ministre, je suis globalement plutôt en accord avec l’esprit de ce projet de loi, mais on ne peut pas prétendre qu’un texte a vocation à libérer la croissance et les énergies si, d’article en article, on ajoute systématiquement des éléments d’encadrement et de réglementation supplémentaires.
M. Michel Canevet, rapporteur. Absolument.
M. Roger Karoutchi. Ce pays est tout de même étonnant : chaque fois que l’on entend faire un geste pour accroître la liberté des entreprises, celles-ci se retrouvent encore plus encadrées qu’auparavant !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Voilà un curieux raisonnement : vous laissez entendre, monsieur Karoutchi, que l’on a compté dans le passé sur la bonne volonté du MEDEF et des patrons, puis vous dites vous-même que l’expérience n’a pas fonctionné au-delà d’un an ou deux.
M. Roger Karoutchi. Elle a cessé de fonctionner après que M. Hollande a été élu.
M. Jean-Louis Tourenne. En outre, il est peut-être un peu contradictoire de reprocher à des législateurs de faire trop de lois.
L’encadrement par la loi est aussi un moyen de permettre la liberté en évitant l’insécurité. Ainsi, les plus forts ne sont pas les seuls à pouvoir s’en sortir.
On dénonce urbi et orbi l’existence de salaires d’un niveau insupportable et l’on tient des propos vertueux sur la nécessité de les réduire, mais quand vient le moment de passer à l’action et de mettre en place un système le permettant, on y renonce et on nous sert un discours sur la liberté des entreprises…
Lorsqu’un salarié rémunéré au SMIC considère le salaire de son patron, croyez-vous qu’il est enclin à se sentir concerné par le développement de son entreprise et qu’il a la motivation nécessaire pour y participer ? Il voit bien que celui qui profite le plus de ce développement, et parfois même, d’ailleurs, de la faillite de l’entreprise, c’est encore le dirigeant.
Si j’ai bien compris, l’ambition qui sous-tend ce projet de loi est pourtant de favoriser une conjugaison des efforts des salariés et des actionnaires pour la réussite de l’économie française.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, les montants stratosphériques de certaines rémunérations posent un grave problème en termes de cohésion sociale. Il faut distinguer entre les grands patrons et les autres, et ne pas parler des « patrons » en général, comme on le fait trop souvent. J’ai participé à une réunion organisée par la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME. Les participants se disaient profondément choqués par les rémunérations en question et demandaient : « Mais que font-ils de leur pognon ? Comment peut-on en accumuler autant ? »