M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 596, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention et celle du Gouvernement sur la situation de la communauté de communes des Vals d’Aix et Isable, dans la Loire, à l’issue d’un contrôle non conforme de la cuisine centrale.
Ce contrôle, effectué en novembre 2018, par la direction départementale de la protection des populations, a relevé la présence de matières premières provenant d’un établissement non agréé.
Ce service de cuisine centrale, né de la volonté des élus de mutualiser un outil, constitue une réponse de proximité aux besoins en restauration des communes pour les écoles et les accueils de loisirs. Il permet de proposer des menus variés, goûteux, équilibrés et de qualité aux enfants scolarisés et accueillis sur le territoire de l’EPCI.
L’objectif des élus est de maîtriser le plus possible la fourniture des repas en sécurisant l’approvisionnement et en améliorant la qualité du service. En outre, les fournisseurs locaux ont été accompagnés par des fonds publics afin de faciliter leur maintien sur ce territoire rural et de privilégier un approvisionnement en circuit court.
Les résultats étaient très satisfaisants puisque l’activité de la cuisine centrale intercommunale était en progression ces dernières années. Aujourd’hui, elle est un outil de proximité pertinent pour répondre efficacement aux besoins exprimés sur le territoire.
Pour toutes ces raisons, les élus considèrent que le relevé de non-conformité et l’application des mesures de police administrative, dans ce cas spécifique, vont à l’encontre du discours de l’État sur l’adaptation des règles au contexte local. Une telle décision nuit particulièrement au développement des activités économiques et, donc, au maintien des emplois en zones rurales. Aussi les élus attendent-ils une réponse adaptée à cette situation.
Madame la secrétaire d’État, j’aimerais connaître votre analyse sur ce cas extrêmement concret, ainsi que la ligne politique du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Fournier, vous m’interrogez sur la situation de la communauté de communes des Vals d’Aix et Isable, dans la Loire, à la suite d’un contrôle non conforme de sa cuisine centrale.
Lors de l’inspection du 8 novembre 2018, il a été constaté que la cuisine centrale de Souternon s’approvisionnait en steaks hachés auprès d’une boucherie dérogataire à l’agrément européen. Malgré ce constat et quelques autres non-conformités mineures, un niveau global d’hygiène « satisfaisant » a été accordé à cette cuisine dans l’application Alim’confiance. Toutefois, compte tenu des modalités d’achat de la viande hachée, le rapport d’inspection a été accompagné d’un courrier d’avertissement.
Sur le fond, le règlement (CE) n° 853/2004 du 29 avril 2004 pose le principe d’une obligation générale d’agrément pour les autorités de chaque État membre des établissements du secteur alimentaire qui fournissent des professionnels.
Ce texte permet également aux commerces de détail, une boucherie par exemple, de déroger à l’obligation d’agrément, sous réserve de n’approvisionner que d’autres commerces de détail, un restaurant scolaire par exemple, et de façon « marginale, localisée et restreinte ». L’arrêté du 8 juin 2006 définit les critères de cette dérogation, mais il exclut de son champ d’application la vente de viande hachée.
L’arrêté du 21 décembre 2009 impose en effet que, dans un commerce de détail, « les viandes hachées [soient] préparées à la demande et à la vue de l’acheteur », ce qui exclut leur préparation à l’avance, pour d’évidentes obligations de sécurité sanitaire.
Cette dérogation à l’agrément sanitaire est accordée automatiquement aux commerces de détail qui en font la demande au préfet. Il s’agit donc d’une procédure très simple, qui ouvre aux producteurs locaux un complément à la vente directe grâce à la possibilité de vendre leurs produits à des clients professionnels dans un rayon de 80 kilomètres. Cette distance peut même être portée à 200 kilomètres par le préfet « dans des zones soumises à des contraintes géographiques particulières ».
Dans ce contexte, le cadre juridique actuel paraît donc tout à fait adapté au développement des territoires ruraux et des circuits courts, comme vous l’appelez de vos vœux, tout comme nous d’ailleurs. Pour des raisons de sécurité sanitaire, il y a simplement quelques aliments plus sensibles qui en sont exclus, telle la viande hachée. Nous devons tous veiller à concilier qualité et proximité, mais pas au détriment de la sécurité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.
M. Bernard Fournier. Madame la secrétaire d’État, votre réponse n’est pas totalement adaptée. Je dois dire que je suis quelque peu déçu par la frilosité du Gouvernement.
centre national d’études spatiales et guyane
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, auteur de la question n° 598, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
M. Antoine Karam. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis son installation en Guyane, le Centre national d’études spatiales, le CNES, a toujours participé au développement économique et social du territoire. C’est dans cet esprit qu’il a participé en 1966 à la création du Centre médico-chirurgical de Kourou, le CMCK, pour répondre aux besoins du Centre spatial guyanais, ou CSG, ainsi que de l’ensemble de la population.
Lorsque ce même CMCK a été placé en 2004 sous la responsabilité de la Croix-Rouge, le CNES a poursuivi son accompagnement en versant une contribution annuelle de 500 000 euros destinée aux investissements. Ce soutien financier précieux a été porté de manière exceptionnelle à 1 million d’euros en 2017 pour aider l’hôpital.
Cependant, face à la transformation récente du centre médical en établissement hospitalier public, le CNES a annoncé son désengagement du nouvel actionnariat. Cette décision largement contestée par le mouvement social qui a immobilisé l’établissement plus d’un mois en décembre dernier est d’autant plus regrettable qu’elle réduira fortement le potentiel d’investissement de l’établissement, la direction se retrouvant face à un véritable casse-tête pour équilibrer son budget.
Vous le savez, ce désengagement fait suite à celui qui a été opéré, quelques mois plus tôt, dans le capital de la Société immobilière de Kourou, la SIMKO, également créée en son temps pour répondre aux besoins en logements du Centre spatial guyanais.
Enfin, je rappelle qu’il avait été annoncé dans un rapport d’octobre 2017 sur les retombées financières du Centre spatial guyanais pour les collectivités territoriales que les contributions financières du CNES en Guyane devaient augmenter de 10 millions d’euros supplémentaires entre 2018 et 2020.
Dans ce contexte, vous comprendrez que ces deux décisions, prises certes dans des contextes différents, suscitent des interrogations chez les Guyanais et les élus sur la stratégie de l’État concernant la mission d’accompagnement au développement économique et social remplie par le CNES depuis des décennies en Guyane.
Si un protocole d’accord a été signé au centre hospitalier de Kourou, personnels et élus restent particulièrement attachés à l’engagement du CNES.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais connaître précisément le rôle que le Gouvernement entend donner au CNES dans la société guyanaise. Compte tenu des enjeux en matière de santé publique pour l’ensemble de la population, le Gouvernement entend-il reconsidérer l’engagement du CNES au sein du centre hospitalier de Kourou ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Antoine Karam, vous l’avez rappelé, le Centre médico-chirurgical de Kourou, qui a en effet été créé par le CNES avec l’appui de la Croix-Rouge dans les premières années de la base spatiale, a bénéficié annuellement d’une contribution du centre spatial aux dépenses d’investissement pour 500 000 euros par an. Cette subvention a été portée à 1 million d’euros en 2016 et à 1,5 million d’euros en 2017 pour soutenir le fonctionnement de l’établissement, alors dans une situation économique structurellement déficitaire. Ses pertes, qui atteignaient plusieurs millions d’euros par an, étaient supportées par la Croix-Rouge.
Cette situation, qui n’était plus viable ni pour la Croix-Rouge, ni pour le CNES, ni pour nos concitoyens de Guyane et les employés du centre spatial, a conduit au rattachement du centre de Kourou au service public hospitalier de droit commun. Ce rattachement a été acté dans les accords de Guyane, et le CMCK, devenu CHK, est aujourd’hui un établissement public de santé qui s’inscrit dans la stratégie territoriale pilotée par l’agence régionale de santé. Ce rattachement au service public hospitalier a vocation à pérenniser cet établissement tout en permettant au CNES de recentrer ses actions au profit de la Guyane autour de ses domaines de compétences.
Le CNES, au travers du Centre spatial de Kourou, est un contributeur majeur de l’économie de la Guyane. Selon l’enquête récente de l’INSEE, le spatial contribue pour 15 % au PIB du territoire. Il emploie 1 700 salariés, dont 75 % sont recrutés sur le bassin d’emploi guyanais.
L’activité globale du centre crée 4 600 emplois, directs, indirects et induits, ce qui représente un sixième de l’emploi salarié privé en Guyane. L’activité du CSG produit 58 millions d’euros de recettes fiscales, dont 31 millions d’octroi de mer, soit 22 % de l’octroi de mer de la Guyane.
Au-delà de ces éléments directement liés à son activité spatiale, le CNES contribue au développement de la Guyane dans le cadre de conventions avec les acteurs locaux de l’État et les collectivités, pour un montant de 40 millions d’euros sur la période 2014-2020.
Le CNES finance ainsi pour 27 millions d’euros sur cette période une convention entre le CNES, l’État et la région, qui contribue au financement des programmes européens – le Fonds européen de développement régional, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, etc. – et à des projets de développement local.
Le CNES alloue chaque année 13 millions d’euros aux communes de Guyane pour soutenir des actions de développement décidées par les municipalités. À la suite des événements de mars et d’avril 2017, le CNES a augmenté sa contribution de 10 millions d’euros sur la période 2018-2020 dans le cadre du plan Phèdre II décidé par la ministre des outre-mer et la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ce programme est principalement consacré aux domaines de l’éducation, de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Dès la rentrée 2018, le CNES a triplé le nombre de bourses d’enseignement supérieur, lequel est passé de dix à trente chaque année, et contribué au développement des établissements supérieurs de Guyane. Il a ainsi permis l’extension de l’institut universitaire de technologie, la rénovation des infrastructures de l’université et le passage au numérique.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Pour conclure, il n’y a donc pas de désengagement du CNES en Guyane. Au contraire, le Centre accroît son soutien financier, qui passe de 40 millions d’euros à 50 millions d’euros.
M. le président. Madame la secrétaire d’État, on ne peut pas exagérément dépasser son temps de parole, même pour répondre à une question sur les outre-mer ! (Sourires.)
pêche au bar et 48e parallèle
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, auteur de la question n° 362, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, la Bretagne, singulièrement le Finistère, est un territoire tourné vers les activités maritimes, en particulier la pêche, qu’elle soit professionnelle ou plaisancière.
Plusieurs parlementaires se sont mobilisés l’année dernière contre une situation injuste : au nord du 48e parallèle, qui traverse le cap Sizun à la pointe de la Bretagne, il est interdit de pêcher le bar à titre de plaisance alors que les plaisanciers peuvent en pêcher trois par jour en Bretagne sud, au-dessous du 48e parallèle. Le bar navigue pourtant dans l’ensemble des eaux de l’Atlantique vers la Manche.
Cette situation particulièrement injuste nous a conduits à solliciter le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Une solution avait pu être trouvée pour le dernier trimestre 2018. Les pêcheurs plaisanciers au nord avaient été autorisés à pêcher un bar par jour.
Pour l’année 2019, la période de pêche d’un bar a été limitée du 1er avril au 31 octobre au nord du 48e parallèle, quand il est toujours possible de pêcher trois bars par jour au sud.
Ma question est simple, monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation : pourrait-on faire en sorte, puisque les stocks sont dans une meilleure situation, que les plaisanciers puissent pêcher jusqu’à trois bars par jour sur l’ensemble du territoire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, cher Michel Canevet, merci d’avoir posé cette question. Vous êtes un fin connaisseur de la pêche des bars – de la pêche en général – en Bretagne. Pour le bar, comme pour tous les autres stocks, le Gouvernement défend des modalités de gestion durable, dans le strict respect des avis scientifiques. La durabilité de la pêche dans notre pays est absolument essentielle.
Votre question porte sur la différence de traitement entre les pêcheurs plaisanciers au nord et au sud du 48e parallèle en termes de possibilités de captures et de périodes de pêche.
Le CIEM, le Conseil international pour l’exploration de la mer, qui émet des avis scientifiques, distingue deux stocks de bars de part et d’autre du 48e parallèle nord. Il a émis des avis scientifiques différents sur la situation de chacun de ces deux stocks, l’état biologique de la ressource du stock du sud étant jugé meilleur que celui du nord. C’est la raison pour laquelle le conseil des ministres de la pêche a décidé d’adopter des mesures pour le bar plus restrictives dans la zone nord que dans la zone sud. Cette différence vaut tant pour la pêche professionnelle que pour la pêche de loisir.
Pour autant, les études scientifiques sur ces stocks et sur les liens éventuels entre eux se poursuivent. En fonction des résultats, la vision du CIEM sur les stocks pourrait évoluer au cours des prochaines années. Dans ce cas, le conseil pourra en tenir compte pour la définition des mesures de gestion.
Vous avez posé une question sous-jacente sur la possibilité pour la France d’harmoniser pour les pêcheurs plaisanciers les captures de bars entre le nord et le sud du 48e parallèle. La France n’a pas le droit de prendre des mesures plus souples que celles qui sont prises à l’échelon européen. Si harmonisation il y avait, elle ne pourrait se faire que sur la règle plus stricte, c’est-à-dire celle qui est en vigueur pour le stock du nord.
Comme vous l’avez rappelé, j’ai obtenu, lors du conseil des ministres de la pêche en décembre dernier, un assouplissement du cadre réglementaire de la pêche de loisir du bar du stock du nord pour 2019. Ces nouvelles règles permettent de capturer un bar par jour et par personne sur les sept mois les plus fréquentés par les pêcheurs plaisanciers, soit du 1er avril au 31 octobre.
C’est un progrès important, mais, si les scientifiques constatent à l’avenir une amélioration de l’état biologique des stocks de bars, les mesures de gestion pourront évoluer.
Parallèlement, j’ai décidé de confier une mission à un parlementaire sur ce sujet, en particulier sur la définition d’un cadre régulé et apaisé de cohabitation entre les pêcheurs professionnels et les pêcheurs plaisanciers.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Je suis très satisfait d’apprendre, monsieur le ministre, que vous avez décidé de désigner un parlementaire en mission. J’espère qu’il viendra jusque dans le Finistère pour rencontrer l’ensemble des acteurs. Je vous invite également, monsieur le ministre, à venir visiter les principaux ports de pêche artisanale en France, notamment le quartier maritime du Guilvinec. J’espère que vous pourrez le faire assez rapidement afin de prendre la mesure des préoccupations de l’ensemble de ce secteur d’activité, essentiel pour l’économie de la Bretagne occidentale.
Enfin, nous souhaitons bien entendu qu’une concertation sur le bar ait lieu le plus rapidement possible.
conséquences de l’arrêté sur les retournements de prairies
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 615, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le département de la Seine-Maritime est un territoire formé de plaines constituées de dépôts marins lagunaires, qui ont donné les calcaires, la marne, l’argile et, sur son littoral, des vallées crayeuses.
La complexité du réseau hydrographique et les nombreuses fissures favorisent l’infiltration des eaux de surface. De plus, la nature des exploitations agricoles du département, dont l’équilibre économique repose sur la polyculture et l’élevage, a aussi modifié le paysage et les sols.
La lutte contre le ruissellement et l’érosion étant deux défis majeurs, le syndicat mixte des bassins versants de la pointe de Caux s’est doté de compétences afin de prévenir ces phénomènes.
Des liens étroits ont été noués avec les agriculteurs pour favoriser des mesures de prévention afin de faire évoluer les pratiques en matière de culture et de réaliser des aménagements d’hydraulique douce adaptés aux besoins agricoles.
Cependant, la question du retournement des prairies reste sensible. L’arrêté préfectoral du 31 décembre 2014 a institué l’avis préalable du syndicat des bassins versants pour le retournement des prairies permanentes. Cet avis, uniquement consultatif, avait favorisé le dialogue entre les professionnels et avait permis au syndicat de bassins versants de faire des recommandations.
L’arrêté ministériel du 13 novembre dernier a supprimé ce régime d’autorisation préalable pour la Seine-Maritime, au motif que les retournements de prairies permanentes étaient inférieurs au seuil d’alerte du ratio national.
Cette décision suscite de vives interrogations de la part des éleveurs et des responsables des syndicats de bassins versants de la Seine-Maritime.
D’une part, les fluctuations permanentes des modes de calcul du ratio pour la Normandie génèrent une instabilité néfaste pour la mise en œuvre des procédures de régulation. Deux questions se posent : comment est calculé le ratio pour la Seine-Maritime ? comment sont prises en compte les spécificités géographiques et agricoles de notre département ?
D’autre part, les agriculteurs et les syndicats des bassins versants souhaitent plus de stabilité sur le régime des autorisations de retournement de prairies. Comment assurer, sur cette base, un dialogue plus serein pour garantir une gestion concertée des espaces agricoles ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, vous posez une question importante sur les retournements de prairies, un sujet crucial pour l’agronomie, l’avenir de notre agriculture et le captage du carbone.
Votre interrogation porte plus spécifiquement sur le régime des autorisations pour le retournement des prairies, lequel a été supprimé pour la Normandie.
En 2018, les retournements de prairies étaient soumis à autorisation individuelle dans votre région, et ce n’est en effet plus le cas en 2019. La raison en est d’abord réglementaire : lorsque la part des prairies permanentes se dégrade de plus de 2,5 % dans une région, la France a prévu la mise en place d’un système d’autorisation individuelle préalable à la conversion de prairies en d’autres usages.
C’est ce régime qui s’appliquait en 2018 en Normandie. Il a permis d’augmenter la part des prairies dans la région et, au regard de ses bons résultats, il n’a pas été reconduit en 2019.
Cette décision est une mesure de simplification destinée à ne pas surcharger inutilement nos agriculteurs de contraintes administratives lorsqu’elles ne sont pas nécessaires. Les bénéfices environnementaux des prairies permanentes sont avérés. Celles-ci sont donc essentielles et doivent être préservées.
Le Gouvernement a choisi de faire confiance à nos agriculteurs pour préserver ces prairies. La transition agro-écologique est une ambition partagée par chacun, les agriculteurs comme le Gouvernement.
Si les agriculteurs normands ne géraient pas durablement leurs prairies en 2019, le régime d’autorisation serait rétabli en 2020, assorti de potentielles obligations de reconversion.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour répondre à M. le ministre.
Mme Agnès Canayer. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
J’entends vos arguments, mais c’est précisément cette fluctuation permanente du régime des autorisations préalables qui rend aujourd’hui la gestion difficile – une année il faut solliciter une autorisation ; l’année suivante, ce n’est plus nécessaire…
Certes, on ne peut qu’adhérer à la volonté de simplifier la vie de nos agriculteurs, mais ces autorisations permettaient aussi d’instituer un dialogue. Il faut, me semble-t-il, trouver d’autres voies pour maintenir ce dialogue essentiel pour une gestion prévisible et durable des espaces communs.
fonds d’accompagnement à la succession et à la transmission
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, auteur de la question n° 629, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Martine Berthet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les jeunes agriculteurs des Alpes du Nord ont imaginé un fonds d’accompagnement à la succession et à la transmission, appelé « FAST », qui permettrait aux agriculteurs désirant céder leur exploitation à un jeune de bénéficier d’un accompagnement personnalisé, incitatif et encadré, durant les cinq années qui précèdent leur cessation d’activité effective.
Ce système, mis en place avec le concours de la mutualité sociale agricole, la MSA, des Alpes du Nord, des chambres d’agriculture et des fédérations départementales des syndicats d’exploitants agricoles, les FDSEA, repose sur des exonérations de charges MSA, pouvant aller de 15 % à l’entrée du dispositif jusqu’à 75 % lors de la cessation d’activité. Il a été expérimenté dans les deux Savoie et pourrait être étendu à la région Auvergne-Rhône-Alpes, voire au niveau national.
Si quelques dispositifs existent déjà, il est nécessaire de proposer cet accompagnement renforcé pour une étape très importante de la vie professionnelle et personnelle des agriculteurs cédants. En parallèle, un travail doit aussi être mené sur les leviers à mettre en place afin d’encourager de jeunes agriculteurs à acquérir une exploitation, particulièrement via des dispositifs d’acquisition progressive du capital.
Ainsi, les jeunes agriculteurs souhaitent lancer une dizaine d’expérimentations FAST dans chacun des départements des Alpes du Nord – Savoie, Haute-Savoie, Isère –, un secteur où la transmission est particulièrement difficile. La MSA a débloqué une enveloppe suffisante pour les mettre en place. Il ne leur manque que l’accord du Gouvernement, votre accord, monsieur le ministre, pour mettre en œuvre ce projet de façon pérenne.
Plus que le monde agricole, c’est toute l’économie rurale qui s’en trouvera dynamisée, l’arrivée de jeunes agriculteurs, par le renouvellement des activités, ayant un réel impact sur le commerce local, les entreprises et, plus globalement, les emplois.
Sachant que 50 % des agriculteurs aujourd’hui en exercice seront à la retraite dans dix ans, il est urgent de les inciter à transmettre leur exploitation à des plus jeunes.
Aussi, j’aimerais savoir, monsieur le ministre, comment vous entendez soutenir ce projet indispensable pour l’agriculture des Alpes du Nord et, plus largement, pour l’ensemble de l’agriculture française.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame Berthet, la transmission et l’installation, c’est l’avenir de notre agriculture. Il faut former des jeunes, transmettre, éviter l’artificialisation des terres et l’augmentation de la taille des exploitations.
Le projet FAST, imaginé par les jeunes agriculteurs d’Auvergne-Rhône-Alpes, permettrait aux agriculteurs cédant leur exploitation à un jeune de bénéficier d’une exonération partielle de cotisations sociales pendant cinq ans, pouvant aller de 15 % à 75 % des cotisations sociales dues par le cédant. Cette exonération s’effectuerait par un prélèvement de cotisations sociales sur le fonds d’action sanitaire et sociale de la caisse de MSA de rattachement.
À ce stade, ce projet intéressant pose deux difficultés aux services du ministère. D’une part, les crédits d’action sanitaire et sociale des caisses sont destinés par la loi aux agriculteurs en difficulté, et une caisse locale ne peut pas, de sa propre initiative, les affecter à un autre usage. D’autre part, nous avons une difficulté d’ordre communautaire, puisque l’aide ainsi allouée prendrait le caractère d’une aide d’État et entrerait sous le plafond des aides de minimis – avec un taux de 75 %, les sommes peuvent être importantes.
Je vous rejoins néanmoins sur l’intérêt du projet au fond et sur l’enjeu crucial du renouvellement des générations en agriculture, au centre des politiques publiques en faveur de l’installation et de la transmission.
Ainsi, le soutien à la transmission des exploitations constitue l’un des objectifs du programme d’accompagnement à l’installation-transmission en agriculture, ou AITA, rénové en 2016 et décliné dans les régions. Les actions de formation, de conseil, de communication et d’information à destination des cédants et des nouveaux agriculteurs constituent des axes d’intervention privilégiés de ce programme.
L’intervention financière de l’État au profit de ce programme repose sur un budget annuel d’environ 13,5 milliards d’euros, issu principalement de la taxe sur les cessions de terres rendues constructibles, dite « taxe JA ».
Outre les programmes régionaux, le programme AITA prévoit des actions à l’échelon national dédiées à l’animation et à la communication.
Trois appels à projets nationaux ont ainsi été lancés, dont l’un traitait spécifiquement des actions en faveur de la transmission des exploitations. Portés, respectivement, par l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, l’APCA, le syndicat Jeunes agriculteurs – JA –, la plateforme associative Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale, ou INPACT, et par le réseau national des espaces-test agricoles, ou RENETA, ils rendront leurs conclusions à la fin de cette année.
Ces conclusions seront ensuite partagées avec le Comité national de l’installation et de la transmission, le CNIT, dans le souci de toujours mieux relever collectivement le défi du renouvellement des générations. Nous verrons alors, madame la sénatrice, quelle place peuvent prendre les différents dispositifs imaginés par les régions, tout en veillant à ne pas, au final, pénaliser les agriculteurs par les minimis.