Sommaire
Présidence de M. Philippe Dallier
Secrétaires :
Mmes Jacky Deromedi, Françoise Gatel.
2. Candidature à une mission d’information
3. Reconnaissance des proches aidants. – Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Texte élaboré par la commission
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
4. Amélioration de la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Texte élaboré par la commission
Mme Nathalie Delattre, rapporteure de la commission des lois
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
5. Juste mesure du bénévolat dans la société française. – Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste
Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Nomination d’un membre d’une mission d’information
compte rendu intégral
Présidence de M. Philippe Dallier
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
Mme Françoise Gatel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à une mission d’information
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la mission d’information sur le thème : « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? » (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.) a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Reconnaissance des proches aidants
Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants (proposition n° 184, texte de la commission n° 362, rapport n° 361).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
La commission des affaires sociales, saisie au fond, s’est réunie le 6 mars 2019 pour l’examen des articles et l’établissement du texte. Le rapport a été publié le même jour.
proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants
TITRE Ier
Favoriser le recours au congé de proche aidant
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Articles 2 et 2 bis
(Suppression maintenue)
TITRE II
Sécuriser les droits sociaux de l’aidant
Articles 3 et 4
(Suppression maintenue)
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Article 5 bis
Le V de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après la référence : « 4° », est insérée la référence : « , 5° » ;
2° Au a, les mots : « mêmes 1°, 2°, 4° et 6° » sont remplacés par les références : « 1°, 2°, 4°, 5° et 6° de l’article L. 233-1 ».
Article 6
I. – L’article L. 1111-15 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la fin du troisième alinéa, les mots : « et à la personne de confiance mentionnée à l’article L. 1111-6 » sont remplacés par les mots : « , à la personne de confiance mentionnée à l’article L. 1111-6 du présent code et à la personne de confiance mentionnée à l’article L. 311-5-1 du code de l’action sociale et des familles » ;
2° Après le même troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le dossier médical partagé comporte aussi un volet relatif aux personnes qui remplissent auprès du titulaire du dossier la qualité de proches aidants ou de proches aidés, en ce qu’elles aident le titulaire du dossier ou reçoivent une aide du titulaire du dossier, au sens de l’article L. 113-1-3 du même code soit en raison de l’âge, d’une situation de handicap ou d’une maladie.
« Les informations mentionnées au quatrième alinéa du présent article sont renseignées dans le dossier médical partagé par son titulaire ou par le médecin traitant mentionné à l’article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale du titulaire à la demande du titulaire ou d’un proche aidant. Lorsque les personnes désignées possèdent un dossier médical partagé, ces informations sont ajoutées dans leur dossier médical partagé. Elles peuvent être modifiées à tout moment à la demande de l’une d’entre elles. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur six mois après la publication de la présente loi.
Article 7
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pour sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui est soumise à votre vote la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants que Mme Jocelyne Guidez a déposée en juin 2018.
Avant d’évoquer le fond de cette proposition de loi, permettez-moi de rappeler le destin quelque peu particulier qui a été le sien depuis que votre Haute Assemblée l’a votée le 25 octobre dernier. À cette date, vous le savez, il apparaissait prématuré au Gouvernement de soutenir le texte sans réserve, alors même que nous lancions en parallèle la concertation « Grand âge et autonomie », chargée de réfléchir aussi à la question des proches aidants.
Un atelier coprésidé par une parlementaire, Mme Annie Vidal, et réunissant les associations d’aidants et d’aidés, les départements, les communes et les agences régionales de santé s’était lancé dans un travail ambitieux sur le sujet.
Il avait notamment prévu d’auditionner des personnes d’horizons très divers : de la présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées aux professionnels des services à domicile, en passant par un professeur d’éthique et par des représentants des caisses de sécurité sociale, des centres communaux d’action sociale, des mutuelles, de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises ou encore d’initiatives innovantes variées.
Par cohérence avec nos engagements et par respect envers tous les participants de cet atelier, nous avons donc souhaité qu’un temps préalable d’écoute et de réflexion commune soit observé. Aujourd’hui, après plus de cinq mois, la concertation nationale prend fin et l’atelier « aidants » a livré ses propositions. Elles seront présentées officiellement au Gouvernement par Dominique Libault le 28 mars prochain.
En tout état de cause, je voudrais dire que ce temps et votre travail n’ont pas été vains. Il a permis de débattre, de mûrir des solutions qui peuvent désormais être soutenues collectivement : certaines pistes que vous avez proposées ont été confirmées par l’atelier « aidants ». C’est le cas notamment des mesures portées par les quatre articles soumis à votre vote aujourd’hui. Certains ont pu indiquer que ces quatre articles, donc le texte ainsi rédigé, manquaient d’ambition. Ni Agnès Buzyn ni moi ne pouvons laisser dire cela. Il ne s’agit pas de mesures symboliques ou négligeables.
Tout d’abord, ces mesures ont une portée universelle : elles s’adressent à tous les aidants, soit quelques millions de personnes, sans distinction entre les champs du handicap, de l’âge ou de la maladie. Le texte introduit dès aujourd’hui des avancées majeures, en amont de mesures qui interviendront demain, dans le cadre plus global du projet de loi Autonomie, que nous vous présenterons d’ici à la fin de l’année.
Ainsi, l’article 1er s’adresse à tous les aidants salariés sans condition, soit près de quatre millions de personnes. La négociation collective obligatoire sur la situation des salariés aidants apportera, enfin, la visibilité et la reconnaissance au sein des entreprises que ces salariés attendent. Cet article favorisera l’émergence de mesures efficaces au plus près des besoins des aidants sur leur lieu de travail, quel que soit le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise. C’est une grande avancée, qui ne doit pas être minimisée et que nous soutenions déjà dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
L’article 5 permettra d’élargir l’offre de répit aux aidants. À titre expérimental d’abord, il permettra aux structures publiques de garantir la présence de professionnels au domicile de la personne dépendante, pour que l’aidant puisse souffler plusieurs jours consécutifs.
L’expérimentation engagée depuis 2019 ne pouvait concerner que le secteur privé. Elle pourra désormais s’appliquer au secteur public qui, comme vous le savez, est un acteur important de l’offre d’accompagnement des personnes aidées. C’est une mesure très attendue sur le terrain, dont l’impact ne doit pas non plus être minimisé.
L’article 5 bis permettra de soutenir le financement par les conférences des financeurs d’actions concrètes et pratiques proposées par des acteurs locaux au plus près des besoins des aidants.
Certains ont atténué en commission la portée de cette disposition, au motif que les conférences des financeurs de certains départements finançaient déjà ces actions, mais c’est méconnaître la réalité concrète de certains territoires. Dans certains départements, le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, aux conférences des financeurs n’est pas utilisé dans sa totalité et les mesures au profit des aidants représentent une part minime des dépenses des conférences des financeurs. En ouvrant la possibilité de financer de nouvelles actions par la CNSA, nous ouvrons la possibilité d’augmenter réellement la dépense et d’avoir un vrai impact sur les aidants.
Enfin, l’article 6 est une avancée conceptuelle significative. Il entérine le fait que l’existence d’un aidant doit se traduire en matière de suivi de la santé, d’une part, par une attention particulière à cet aidant et, d’autre part, par une appréhension spécifique de la situation de l’aidé.
Cet article prévoit l’inscription du couple aidant-aidé sur le dossier médical partagé de l’un et de l’autre. Il permettra la reconnaissance et l’identification de tous les proches aidants par les professionnels de santé, afin de mieux repérer et prévenir leurs fragilités.
Grâce à cette simple inscription, une attention et des réponses particulières pourront être apportées aux aidants, mais aussi aux personnes aidées en cas de problème de l’aidant. L’article initial soulevait de nombreuses réserves. Le temps de la concertation sur la dépendance et des débats parlementaires ont permis d’en améliorer la rédaction, avec le rapporteur et l’auteur du texte, que je remercie.
Ces mesures en témoignent, le Gouvernement et le Parlement partagent le même objectif : répondre aux besoins des 8 à 11 millions d’aidants de personnes âgées, de personnes handicapées, de malades chroniques mais aussi d’enfants. Sans compter leur temps, sans jamais ménager leur peine, ils œuvrent quotidiennement à aider, à soulager, à accompagner des proches fragiles et dans le besoin.
Pour répondre à leurs besoins et à leurs préoccupations, nous ne saurions nous arrêter là. Je l’ai dit, les résultats de la concertation sur le grand âge et l’autonomie seront présentés le 28 mars prochain. Quelques semaines plus tard, le Gouvernement passera à l’action pour apporter des solutions immédiates et à long terme.
Ainsi, c’est dans le cadre global de la réforme du grand âge et de l’autonomie que sera notamment portée, avant 2019, l’indemnisation du congé pour les aidants par la solidarité nationale. Elle le sera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans le projet de loi sur l’autonomie. Le Gouvernement s’y est engagé à plusieurs reprises par la voix d’Agnès Buzyn et par la mienne.
Si nous faisons le choix d’inscrire cette mesure dans un ensemble plus large, c’est bien entendu par souci de cohérence, mais aussi parce que la question de son financement ne peut être traitée en dehors de celle, plus globale, du financement de notre futur système de prise en charge de l’autonomie.
Madame Guidez, vous avez dit en commission la semaine dernière que ce texte appartenait aux aidants, et je vous rejoins sur ce point. Assurément, ces mesures et celles qui pourront être prises ultérieurement favoriseront la reconnaissance que des millions de personnes attendent. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je vous présente les excuses de notre rapporteur Olivier Henno, en déplacement à l’étranger, que je remplace à la tribune au nom de la commission des affaires sociales.
Le texte sur lequel nous allons nous prononcer aujourd’hui, examiné dans les formes de la législation en commission, n’a pas connu un parcours parlementaire ordinaire. Sans en rappeler les principaux jalons, pour ne pas répéter ce que nous nous sommes déjà dit en commission, je veux insister sur les résultats atteints lorsque le Gouvernement et le Parlement agissent de concert et écartent un temps leurs oppositions pour faire place au dialogue.
La rédaction initiale de ce texte, qui ouvrait un large panel de droits sociaux aux proches aidants, était ambitieuse. Elle prenait ses racines dans un rapport que notre collègue Jocelyne Guidez avait rendu sur une proposition de loi relative au don de jours de congé non pris en faveur d’un collègue aidant. De grandes lacunes dans la protection sociale des aidants avaient alors été repérées, et Jocelyne Guidez avait décidé de s’emparer du sujet et de proposer un texte exhaustif et innovant.
Nos débats ont été longs, techniques et parfois houleux. Ils ont contribué à rappeler l’importance de l’initiative parlementaire et la force qu’une impulsion politique, venue du Sénat, pouvait produire. Le résultat des travaux que nous vous présentons aujourd’hui - un texte finalement composé de quatre articles et fortement modifié par rapport à sa version originelle – n’a pas amoindri le rôle de notre institution, me semble-t-il.
Dans notre République, aucune institution ne peut efficacement agir seule. Le Gouvernement et le Parlement travaillent toujours mieux pour le service de l’intérêt commun lorsque l’opposition fait place au partenariat et à la réciprocité. Ce texte nous en fournit un exemple particulièrement parlant.
Nous avons été déçus de voir l’Assemblée nationale dépouiller cette proposition de loi de l’essentiel de sa substance, à savoir l’indemnisation du congé de proche aidant et l’harmonisation des conditions d’affiliation à un régime de retraite de l’aidant. Néanmoins ces retraits, quoique légitimement désagréables pour le Sénat, ont été accompagnés d’engagements réitérés du Gouvernement de satisfaire nos intentions, sous des formes prochaines et plus appropriées.
Nous avons pu exprimer notre mécontentement à l’idée que le Gouvernement entravait nos initiatives pour des motifs essentiellement calendaires voire de récupération politique. Nous reconnaissons aujourd’hui que nous avons été entendus, au moins en partie, notamment avec la réintégration de deux articles, dont l’article 6 sous une forme sans doute plus adaptée.
Nous exerçons notre mandat dans l’esprit prévu par notre Constitution : si l’idée nous appartient, à nous représentants des territoires et parfaitement au fait des réalités du terrain, il est au fond logique que sa mise en œuvre, son exécution, revienne au Gouvernement.
J’ajoute que nous avons obtenu au cours de cette navette parlementaire l’engagement du Gouvernement d’indemniser le congé de proche aidant, en réponse à l’article 2 de notre texte initial. Cette mesure est donc à mettre au crédit de notre institution.
En conclusion, je veux profiter de cette tribune pour adresser les remerciements de la commission à Mme la secrétaire d’État, qui a souhaité lui trouver un débouché à l’Assemblée nationale. C’est essentiel afin de ne pas renouveler le désagrément que nous avons connu.
Mes remerciements vont également à Olivier Henno, notre rapporteur, pour le travail minutieux qu’il a effectué durant les deux lectures de ce texte, afin de parvenir à un équilibre capable de satisfaire l’ensemble des parties.
Enfin, je salue notre collègue Jocelyne Guidez, dont l’énergie et l’engagement ont soutenu cette initiative jusqu’à son terme et qui a su trouver les mots justes afin que nous nous mettions tous d’accord sur l’objectif. Comme elle l’a d’ailleurs fort bien exprimé, et comme vous le rappeliez, madame la secrétaire d’État, ce texte n’est au fond ni celui du Parlement ni celui du Gouvernement, mais celui des aidants. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je souhaite saluer l’excellent travail réalisé à la fois par Olivier Henno, en sa qualité de rapporteur de la commission, et par Jocelyne Guidez, auteur de cette proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants.
Les proches aidants représentent en France plus de huit millions de personnes. Ils réalisent un travail considérable, en accompagnant au quotidien une personne âgée en perte d’autonomie ou une personne en situation de handicap.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la Drees, huit personnes âgées sur dix sont aidées par leur entourage, notamment pour des tâches de la vie quotidienne. Nous savons que, en 2060, un tiers de la population française aura plus de 60 ans. Aussi, le rôle des aidants est amené à prendre de plus en plus d’ampleur, avec toutes les difficultés que cela entraîne pour les personnes qui cumulent bien souvent ce temps de soutien avec une activité professionnelle et une vie familiale.
En effet, neuf aidants sur dix se disent fatigués, quelquefois déprimés. Certains laissent même leur propre santé de côté. Il est urgent d’apporter une réponse efficace aux réelles difficultés auxquelles sont confrontés les aidants.
Si la loi du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement, offre une première reconnaissance juridique aux proches aidants, les dispositifs de soutien existants restent largement insuffisants. Le texte initial de cette proposition de loi, tel que nous l’avons examiné en première lecture au Sénat, en octobre dernier, proposait plusieurs avancées substantielles en renforçant les droits sociaux des aidants et en favorisant leur recours.
L’indemnisation du congé de proche aidant, qui figurait à l’article 2, venait donner toute son ampleur au dispositif de droit au congé. Notre groupe avait déposé un amendement en commission, afin de réintroduire cette disposition essentielle, première étape vers une valorisation effective des aidants.
L’ouverture de ce droit au congé indemnisé à l’ensemble des travailleurs, en incluant les indépendants et les fonctionnaires, constitue la deuxième étape clé du dispositif qu’il reste à franchir. En l’état, les proches aidants continueront de délaisser leur droit au congé de proche aidant, souvent au profit du système des arrêts maladie.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Jocelyne Guidez avait mené un travail remarquable et pragmatique, mais cinq articles sur les sept présents dans la proposition de loi initiale ont été supprimés à l’Assemblée nationale.
Nous avions l’occasion de franchir une étape essentielle dans la reconnaissance des proches aidants salariés, au travers de l’indemnisation du congé des aidants. Cette étape-là, nous ne l’avons pas franchie. Elle était pourtant la pierre angulaire du dispositif.
Nous comptons donc sur le Gouvernement pour que la réforme prochaine de la dépendance soit à la hauteur des besoins des aidants et de leurs attentes légitimes en matière de reconnaissance et de valorisation, en incluant les dispositifs qui existaient dans l’article 2, mais aussi dans les articles 3 et 4 concernant la prise en compte des dispositions sur les retraites des aidants.
Néanmoins, nous reconnaissons que le texte proposé aujourd’hui reste positif. L’article 1er vise à intégrer à la négociation collective le thème de la conciliation entre l’activité d’aidant et la vie professionnelle d’un salarié. Les articles 5 bis et 6 ont été réintroduits par le rapporteur en commission.
L’article 5 bis concerne la possibilité de financer des actions de soutien aux proches aidants par la conférence départementale des financeurs de la perte d’autonomie des personnes âgées dépendantes et des personnes porteuses de handicap. Cela existe effectivement dans de nombreux départements, mais Mme la secrétaire d’État a annoncé une augmentation des financements. L’article 6, quant à lui, vise à identifier le proche aidant au sein du dossier médical partagé de la personne aidée.
Aussi, malgré les réserves exposées précédemment, notamment sur les articles 2, 3 et 4 qui ont été supprimés, mais que nous espérons revoir dans la loi sur l’autonomie, notre groupe soutient cette proposition de loi. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour explication de vote. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi déposée au mois de juin 2018 par notre collègue Jocelyne Guidez visait à mieux reconnaître et mieux prendre en compte le travail exceptionnel effectué par les proches aidants, et à prévoir tant les modes d’indemnisation de leurs congés, la sécurisation de leurs droits sociaux que leur accompagnement dans l’inévitable isolement auquel ils se trouvent souvent confrontés.
Cette proposition de loi s’inscrivait dans la droite ligne des conclusions du rapport de notre collègue lors de l’examen de la proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap. J’utilise volontairement le passé, car cette ambitieuse proposition de loi se retrouve devant notre assemblée presque vidée de sa substance, ses principales mesures ayant été supprimées lors de la lecture à l’Assemblée nationale, malgré son adoption à l’unanimité au Sénat en première lecture.
L’objectif était pourtant d’envoyer un message concret aux proches aidants, alors que la situation est dramatique pour accueillir les personnes nécessitant un accueil spécifique : absence ou nombre insuffisant de professionnels de santé, manque cruel de places dans des établissements d’accueil qualifiés, coût des éventuelles institutions impossible à assumer pour les familles, comme je le constate tous les jours en Haute-Garonne.
Les familles qui se retrouvent confrontées à ces situations sont désespérées. Ce sont les proches aidants qui répondent alors « présents ». Nous leur rendons hommage et leur faisons part de toute notre admiration pour la mission remarquable qu’ils accomplissent dans une généreuse abnégation, véritables relais de la solidarité nationale.
Je salue le travail de notre rapporteur qui, dans le contexte tendu du rejet par les députés des avancées proposées par les sénateurs, a privilégié l’engagement d’un dialogue, afin de permettre d’apporter les premières réponses concrètes aux aidants. Ses deux amendements visant à garantir le financement par la conférence des financeurs d’actions en direction des proches aidants et à prévoir leur inscription au sein du dossier médical partagé de la personne aidée ont été adoptés en commission, avec un avis favorable du Gouvernement.
Après la suppression des articles 2 et 2 bis, 3 et 4, 5 bis et 6, il est néanmoins regrettable que des questions déterminantes pour les proches aidants n’avancent pas. Nous comptons donc sur le respect des engagements pris tant par la ministre de la solidarité et de la santé – indemniser le congé de proche aidant – que par vous-même, madame la secrétaire d’État – tenir compte des propositions initiales du Sénat à l’issue des concertations en cours sur les retraites et le grand âge –, dans l’attente du vote d’une loi sur l’autonomie.
Cette proposition de loi doit être considérée comme une première étape. Le groupe Les Républicains souhaite témoigner toute sa reconnaissance aux proches aidants, maillon devenu indispensable dans l’accompagnement de nombreuses personnes dépendantes. Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera pour cette proposition de loi réécrite, afin d’envoyer un signal positif aux proches aidants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’issue de l’examen et du vote intervenus en commission des affaires sociales, je tiens à saluer le texte de compromis qui s’est dégagé de nos travaux et, bien sûr, le rapporteur qui est l’artisan de ce compromis avec le Gouvernement.
Il convenait en effet de concilier la volonté légitime d’agir vite et concrètement pour les proches aidants et la nécessité tout aussi légitime de ne pas trop fractionner ni cloisonner les mesures législatives en leur faveur, alors que de grandes concertations nationales sont en cours sur la réforme de la prise en charge de la dépendance et sur l’avenir de notre système de retraites.
Comme je l’appelais de mes vœux en première lecture, nous devons collectivement, en tant que législateurs, concevoir un plan global et surtout structuré de soutien aux aidants. Il devra concerner tous les profils d’aidants – jeunes, salariés, non-salariés – et répondre à tous leurs besoins d’information sur leurs droits, de solutions de répit et de conciliation entre vie professionnelle et aide apportée.
L’enjeu est de ne pas se perdre dans des considérations de communication, d’antériorité ou de paternité de tel ou tel dispositif ; il faut que le Parlement et le Gouvernement travaillent de façon constructive, en conjuguant et en synchronisant efficacement l’avancement des travaux dans et hors du Sénat.
Le compromis atteint est à ce titre satisfaisant, car la proposition de loi conserve, outre les articles 1er et 5 sur la négociation collective obligatoire et le relayage, les articles 5 bis et 6 relatifs aux financements publics des actions à l’appui des aidants ainsi qu’à leur identification auprès des professionnels de santé. Ces dispositions s’inscrivent utilement dans l’approche globale et la concertation en cours avec et pour les aidants, en amont du projet de loi annoncé d’ici à la fin de l’année 2019.
Notre groupe votera le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe est investi depuis longtemps dans la question des proches aidants.
Cette question a fait l’objet, en janvier 2018, d’une « mission flash » pilotée par Pierre Dharréville, suivie d’une proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ou GDR. Le groupe CRCE avait également déposé une proposition de loi sur le sujet en octobre dernier. Chacune de ces initiatives a permis de cibler les difficultés rencontrées par les proches aidants et de proposer des solutions.
Le constat qui avait été fait à l’époque est que les proches aidants assument le poids de la dépendance, dont la responsabilité devrait pourtant relever de la solidarité nationale. Parce qu’ils assument ce si grand rôle, il est nécessaire de leur assurer des conditions d’existence dignes, pour le présent, mais aussi pour l’avenir.
Aussi, trois axes de travail ont été relayés par notre proposition de loi d’octobre dernier. Ces objectifs portent sur le temps du proche aidant et son droit au répit, sur ses ressources, celles dont il dispose pendant son congé et ses droits à retraite, et son encadrement, à savoir sa reconnaissance auprès des professionnels de santé et sa réinsertion dans le monde du travail une fois sa tâche accomplie.
Lors de la première lecture de cette proposition de loi – j’en profite pour saluer le travail de Mme Guidez –, nous nous étions réjouis qu’elle tienne compte de ces axes de réflexion et qu’elle expose des solutions visant à améliorer le quotidien et le futur des proches aidants. Ce texte reprenait en effet certaines propositions emblématiques de la mission flash pilotée par Pierre Dharréville. Les associations que nous avions rencontrées en France et dans mon département considéraient qu’il s’agissait d’une première avancée.
Nous regrettions toutefois qu’elle ait laissé de côté certaines solutions avancées dans la mission flash.
C’est le cas de l’assouplissement des conditions de mise en œuvre du congé, qui faciliterait son articulation avec le temps de travail, mais aussi de la prise en charge à 100 % des frais relatifs à la santé physique et mentale des aidants, qui permettrait d’éviter que leur investissement auprès de leurs proches ne les fragilise, ou encore de la reconnaissance réelle de la lourde tâche assumée par les proches aidants.
La majoration de leurs droits à retraite ne nous semble en effet pas suffisante, et il paraît essentiel de garantir qu’ils ne soient pas marginalisés du monde du travail. Cela passe, entre autres, par la mise en place de dispositifs de réinsertion professionnelle après un arrêt prolongé ou de reconnaissance des compétences acquises au cours de cette expérience.
Lors des débats d’octobre dernier, nous nous étions positionnés en faveur de cette proposition de loi. Elle nous paraissait incomplète, mais nous semblait constituer tout de même une avancée incontestable pour les droits des proches aidants.
Après son passage à l’Assemblée nationale, ce texte a été complètement vidé de sa substance. Les dispositions emblématiques qu’il contenait ont été supprimées, notamment l’assouplissement des conditions de recours au congé de proche aidant, la création d’une indemnité spécifique, la majoration des droits à retraite de l’aidant, ou encore l’amélioration de l’identification et de l’information de ce dernier.
En l’état, cette proposition de loi ne permet plus de répondre aux attentes des proches aidants. Elle devrait pourtant constituer une priorité, car ces aidants prennent sur leur temps et leur énergie personnelle afin de pallier les carences des professionnels de santé et des institutions. Ce faisant, ils allègent les charges de la dépendance, dont la responsabilité incombe pourtant à l’État.
Nous ne pouvons nous satisfaire des mesures superficielles contenues dans ce texte. C’est pourquoi le groupe CRCE s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour explication de vote.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour expliquer nos votes sur cette proposition de loi, totalement vidée de sa substance par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, sur demande du Gouvernement.
Cet entêtement gouvernemental nous rappelle la passe d’armes que nous avions eue sur la proposition d’augmentation des petites retraites agricoles. Notre assemblée avait alors voté cette mesure, car elle était juste et attendue par les Français.
De la même façon, mais cette fois à l’unanimité, nous avons tous soutenu en première lecture, le 25 octobre dernier, cette proposition de loi, déposée initialement par Pierre Dharréville, puis reprise par notre collègue Jocelyne Guidez, dont je tiens à saluer le travail remarquable.
C’est en effet tout l’honneur de notre assemblée que de produire des lois comme celle-ci, qui permet de répondre à la problématique sociale de premier ordre de la reconnaissance des proches aidants.
Le texte que nous avons voté voilà quelques mois présentait de très grandes avancées, telles que l’indemnisation du congé de proche aidant, la majoration de la durée d’assurance pour le calcul des droits à pension, une affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse pour les aidants ayant interrompu leur activité professionnelle, ou encore l’ouverture du droit à la reconversion professionnelle aux aidants, que j’ai eu l’honneur de faire adopter en première lecture dans cet hémicycle.
Malgré leur pertinence et le soutien de plus de 8 millions d’aidants, toutes ces mesures ont été supprimées par la seule volonté du Gouvernement, alors même que les différentes concertations en cours sur la dépendance et les retraites identifient les mêmes solutions.
Les premiers échos de la consultation « grand âge et autonomie » indiquent en effet nettement la nécessité d’indemniser le congé de proche aidant. Mais il nous faut attendre la parution du rapport du conseiller d’État Dominique Libault, prévue pour la mi-mars, et une loi pour la fin de 2019.
Dans un récent entretien, le président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées, l’AD-PA, résume bien l’amertume que nous éprouvons aujourd’hui : « Nous craignons que la réponse à la concertation sur le grand âge ne soit une loi dans un an, qui donnera ses effets dans deux ou trois ans. Si c’est le cas, on se sera moqué de nous… »
Devant l’urgence d’un phénomène social qui n’est pas près de s’amoindrir, en raison de la tendance démographique, le Gouvernement préfère attendre et, au mépris du travail parlementaire, refuse les solutions clefs en main que nous lui proposons.
Pour des raisons de calendrier gouvernemental, le Parlement se voit ainsi privé de son initiative jusqu’à ce que le Gouvernement daigne de nouveau le soumettre dans un projet de loi. Quelle occasion manquée, madame la secrétaire d’État, de surcroît sur une question particulièrement sensible qui concerne tous les Français !
La semaine dernière, en réunion de commission des affaires sociales, j’ai déposé, au nom du groupe socialiste, des amendements de rétablissement du texte que nous avions voté, afin de rester cohérents avec notre premier vote.
Nous regrettons profondément que ces amendements n’aient pas été adoptés pour des raisons de barguignage et de négociation. La majorité sénatoriale s’est ainsi déjugée de son vote, dans l’espoir d’un vote conforme de l’Assemblée nationale sur les quelques mesures que le Gouvernement, dans sa grande bonté, a bien voulu concéder au Sénat.
Quelle cohérence pour nos concitoyens dans l’attente de mesures concrètes et rapides ? Quelle cohérence pour nous-mêmes, mes chers collègues ?
Le Parlement sera bientôt hors-jeu dans l’élaboration de la loi, si nous n’y prenons garde. Le pragmatisme revendiqué par certains aura-t-il raison du pouvoir législatif du Parlement ? Ce cas devrait aussi interroger nos collègues députés de la majorité, dont la pusillanimité n’étonne plus. À force de loyalisme à l’égard du Gouvernement, ils en viennent à nier les causes justes, comme celle des aidants.
Que reste-t-il, au bout du compte, de cette loi ? Malgré les efforts de négociations du rapporteur, Olivier Henno, très peu d’avancées ont pu être conservées en seconde lecture.
Seuls demeurent l’article 1er, qui inscrit la conciliation de la vie personnelle et professionnelle des aidants dans le champ des négociations collectives d’entreprise, l’article 5 bis, qui entérine les pratiques existantes, en permettant à la conférence départementale des financeurs de financer des actions de soutien aux proches aidants, enfin l’article 6, réécrit, qui prévoit que l’identification du proche aidant figure au sein du dossier médical partagé de la personne aidée.
Bien qu’il soit maigre, ce texte est tout de même mieux-disant par rapport à celui qui a été transmis par l’Assemblée nationale. Et puisque nous avons l’assurance du Gouvernement qu’il convaincra les députés de la majorité de voter conforme, il nous faut obtempérer et voter ce qui peut l’être pour favoriser au plus tôt la reconnaissance des proches aidants.
Vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que l’avis favorable que nous apportons à cette proposition de loi amputée de ces mesures phares est entaché d’un ressentiment vivace.
En refusant l’indemnisation du congé de proche aidant, le Gouvernement reporte sciemment, et pour au moins deux ans, une mesure que le Parlement, conscient des enjeux de l’aidance, vous proposait sur un plateau.
Vous préférez la lenteur des petits pas pour les plus humbles et les plus en souffrance. Dont acte… Le combat continue donc pour une reconnaissance pleine et entière des proches aidants. Ils pourront compter sur le soutien indéfectible du groupe socialiste et républicain pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, Guillaume Arnell a salué, en première lecture, l’exemple donné par notre assemblée, qui votait sans aucune voix contre, au-delà des sensibilités politiques, un texte offrant des avancées concrètes et majeures pour le quotidien des proches aidants, leur permettant d’assumer leur rôle tout en conservant une vie sociale.
C’était un texte ambitieux, qui proposait notamment d’indemniser le congé de proche aidant et d’harmoniser le régime de retraite sur celui des personnes ayant interrompu leur activité professionnelle pour soutenir un proche en fin de vie.
Le 6 décembre, après avoir rejeté de justesse une motion de renvoi en commission, l’Assemblée nationale a supprimé la quasi-totalité des articles, n’en conservant que deux sur neuf au motif que le sujet serait traité ultérieurement, à l’issue des deux concertations nationales sur la prise en charge de la dépendance et sur l’avenir de notre système de retraite.
En réunion de commission la semaine dernière, je me suis interrogée sur la pertinence de voter en faveur d’un texte vidé d’une grande partie de sa substance.
Toutefois, cette proposition de loi présente des avancées intéressantes, comme l’intégration du thème des proches aidants à la négociation collective, l’extension de l’expérimentation du relayage aux agents publics, l’identification du proche aidant dans le dossier médical partagé de la personne aidée, ou encore le financement d’actions en direction des proches aidants par la conférence des financeurs – nous avons entendu, à ce sujet, la bonne nouvelle de l’augmentation du financement.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, des proches aidants, nous en connaissons tous, et nous savons ce qu’ils apportent à leur entourage et à la société tout entière. La prise en charge des personnes en perte d’autonomie repose fortement sur ces millions de non-professionnels. À la fois coordinateurs auprès des intervenants professionnels et du corps médical et véritable soutien pour la personne aidée, leur rôle est primordial. Mais les sacrifices qu’ils doivent faire pour pouvoir accompagner quotidiennement leurs proches – aide-ménagère, repas, toilette, habillage… – affectent leur vie familiale, sociale et professionnelle.
Si, pour les aidants, il est naturel de prendre soin de sa famille, ce quotidien est épuisant, tant physiquement que psychiquement, et certains délaissent leur propre santé. Selon le baromètre 2016 de l’Ocirp, l’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance, quelque 48 % des aidants déclarent avoir une maladie chronique, 60 % des aidants sont exposés à un risque de surmortalité dans les trois ans qui suivent le début de la maladie de leur poche, et un aidant sur trois décède avant la personne aidée.
Si, finalement, ce texte apporte des améliorations que je ne minimise pas, il faut reconnaître que la méthode choisie par le Gouvernement laisse un goût amer et interroge sur la place du Parlement, et plus particulièrement celle du Sénat, à un moment où le rôle et l’utilité des parlementaires sont souvent questionnés.
Madame la secrétaire d’État, vous déclariez, le 25 octobre dernier : « Je ne puis laisser dire que le travail des parlementaires est limité ». Pourtant, sur ce texte et d’autres, c’est bien la réalité ! Vous nous aviez également assuré que le Gouvernement n’était pas opposé à cette proposition de loi, mais qu’il y avait, autour de la question des proches aidants, « un enjeu social et sociétal réel, majeur, appelant une méthode de travail et des solutions qui soient globales, mais surtout d’envergure ».
Le législateur ne peut se contenter d’attendre les initiatives du Gouvernement. Comme l’a très justement rappelé Guillaume Arnell en première lecture, il se doit aussi d’être force de proposition. C’est ce qu’a fait notre collègue Jocelyne Guidez quand elle a conduit l’élaboration du texte, et nous saluons ici son excellent travail.
Nous avons entendu son appel, ainsi que celui du rapporteur Olivier Henno, et nous sommes convaincus qu’un retour à la rédaction initiale de ce texte empêcherait toute nouvelle inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Aussi, même si les avancées contenues dans ce texte sont en deçà des attentes et des besoins réels des proches aidants, elles constituent un véritable premier pas vers une reconnaissance plus appuyée de l’État vis-à-vis de leur engagement au quotidien.
Ces remarques exposées, le groupe du RDSE votera en faveur du texte, mais restera attentif aux mesures proposées sur le sujet dans le cadre des futures lois sur la perte d’autonomie et la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Thani Mohamed Soilihi et Philippe Mouiller applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, à l’occasion de la séance de législation en commission, vous avez soutenu les dispositions du texte soumis à notre vote aujourd’hui. Par ailleurs, j’ai bien entendu vos remarques.
Moi-même, je me suis trouvée devant un cas de conscience : réintroduire toutes les dispositions que nous avions adoptées à l’unanimité ou voter conforme un texte trop peu satisfaisant.
Toutefois, une voie de sortie a été trouvée par le biais d’un compromis opportun. Mes chers collègues, la Ve République est ainsi faite : le Sénat n’a pas le dernier mot, et l’élection législative, qui suit celle du chef de l’État, donne à ce dernier une majorité absolue.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Jocelyne Guidez. Or, si nous ne devons pas oublier nos convictions, nous ne pouvons ignorer les règles du parlementarisme et de la navette, dont l’objet est de faire naître un texte consensuel entre les deux chambres.
C’est pourquoi, lorsque nous décidons de rectifier une proposition de loi transmise par l’Assemblée nationale, fût-elle d’initiative sénatoriale et adoptée à l’unanimité, il nous est impossible de camper sur nos positions.
Nous ne pouvons accepter ce choix dogmatique, ce texte répondant à des réalités familiales parfois dramatiques. Certaines personnes attendent des réponses urgentes, et le principe de réalité nous oblige. Il convient donc de trouver un texte de consensus, un équilibre entre les assemblées, si possible en accord avec le Gouvernement.
L’intérêt général doit guider notre plume. En l’occurrence, il commande d’offrir aux proches aidants des avancées majeures. J’ajoute que les mesures non reprises dans la navette font l’objet d’engagements publics du Gouvernement. J’ose croire que notre action y a participé. C’est une victoire pour le Sénat.
Dès lors, nos propositions trouveront une réalité concrète pour 8 à 11 millions de personnes, à très court terme pour celles que nous allons adopter, à moyen terme pour celles que nous avons soutenues en première lecture. On sait que les proches aidants manquent de temps pour leur propre vie. Ils prennent parfois même sur leur temps de travail pour se consacrer à la personne qu’ils accompagnent.
Non, ce texte n’est pas vide ! Je m’en explique.
L’article 1er oblige les branches à négocier sur la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle de l’aidant, une invitation pour les entreprises à mieux considérer et organiser le temps de travail des proches aidants. Cet article permet également de les rendre prioritaires au compte personnel de formation.
L’article 5 étend le relayage aux agents publics. Cela favorisera le déploiement de l’expérimentation et redonnera du temps de répit aux aidants.
L’article 5 bis permet à la conférence des financeurs d’utiliser une partie des ressources qui lui sont allouées par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, pour financer « des actions en faveur des proches aidants ».
L’article 6 ouvre un volet « aidant » sur le dossier médical partagé de l’aidé, et réciproquement. C’est ici la première fois qu’un document officiel de l’État reconnaîtra le lien existant entre aidant et aidé. Les conséquences de cette reconnaissance seront nombreuses, et les aidants auront enfin une place légitime à faire valoir face aux interlocuteurs administratifs ou de santé. On vise ici l’ensemble des aidants, salariés ou non, accompagnant des personnes malades, dépendantes ou handicapées.
Mes chers collègues, nombre d’entre vous sont revenus sur l’absence d’indemnisation du congé de proche aidant, qui visait 267 000 personnes – ce n’est pas rien ! Malgré tout, les mesures que nous allons adopter, principalement l’article 6, concerneront près de 11 millions d’aidants. C’est une reconnaissance, et tel est bien l’objet de ce texte.
Pour revenir sur les mesures manquantes, certes, l’indemnisation était remarquable. Mais, et c’est encore plus remarquable, nos initiatives seront satisfaites par les projets de loi à venir : le Gouvernement s’y est engagé, je veux y croire, et nous resterons attentifs.
Mes chers collègues, nous n’allons pas, comme ce fut le cas à de multiples reprises ces derniers mois, adopter un texte conforme transmis par l’Assemblée nationale. Nous allons voir l’Assemblée nationale adopter un texte conforme provenant du Sénat. C’est une réussite, et il faut en avoir conscience.
De cette navette parlementaire, les aidants sortent donc gagnants : ils bénéficieront de mesures immédiates et pourront se prévaloir d’engagements du Gouvernement aux effets prochains. L’intérêt général prédomine, et l’Assemblée nationale y souscrira, je n’en doute pas. Tel a toujours été le moteur de mon engagement politique. En l’occurrence, le dogme ne pourrait servir notre cause, mais l’annulerait.
C’est pourquoi, en ma qualité d’auteur de ce texte, je le voterai, comme l’ensemble de mon groupe politique, sans la moindre réserve. Je remercie également le Gouvernement de sa main tendue en seconde lecture, même si l’on peut toujours considérer qu’il ne va pas assez loin, et de son soutien en faveur d’une adoption définitive du texte à l’Assemblée nationale avant l’été prochain.
Enfin, je reprendrai ces mots poignants d’un proche aidant rencontré hier à un colloque : « Nous sommes des aimants avant d’être des aidants ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) - (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
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Amélioration de la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes (proposition n° 8, texte de la commission n° 366, rapport n° 365).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
La commission des lois, saisie au fond, s’est réunie le 6 mars 2019 pour l’examen de l’article unique articles et l’établissement du texte. Le rapport a été publié le même jour.
proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes
Article 1er
Sont et demeurent abrogés sur tout le territoire de la République :
1° La loi du 14 juillet 1819 relative à l’abolition du droit d’aubaine et de détraction ;
2° La loi du 29 janvier 1831 portant règlement du budget définitif de l’exercice 1828 et des dispositions sur la déchéance des créanciers de l’État, sur la division du budget des dépenses, sur le sceau des titres, et sur la révision des pensions extraordinaires ;
2° bis (nouveau) La loi du 3 août 1844 relative au droit de propriété des veuves et des enfants des auteurs d’ouvrages dramatiques ;
3° La loi du 15 mai 1850 portant fixation du budget des dépenses de l’exercice 1850 ;
4° La loi du 15 juillet 1850 sur les sociétés de secours mutuels ;
5° L’article 5 de la loi du 31 mai 1854 portant abolition de la mort civile ;
6° La loi du 19 juin 1857 concernant les avances sur dépôts d’obligations foncières faites par la société du Crédit foncier de France ;
7° La loi du 28 mai 1858 relative à la substitution du crédit foncier de France à l’État pour les prêts à faire en vertu de la loi du 17 juillet 1856 ;
8° La loi du 16 septembre 1871 portant fixation du budget rectificatif de 1871 ;
9° La loi du 25 avril 1872 qui interdit toutes fonctions publiques salariées aux membres de l’Assemblée nationale ;
10° La loi du 21 mai 1873 relative aux commissions administratives des établissements de bienfaisance ;
11° La loi du 27 février 1880 relative à l’aliénation des valeurs mobilières appartenant aux mineurs ou aux majeurs en tutelle et à la conversion de ces mêmes valeurs en titres au porteur ;
12° La loi du 28 décembre 1880 relative au Journal officiel ;
12° bis (nouveau) La loi du 7 juillet 1881 qui rend exclusivement obligatoire l’alcoomètre centésimal de Gay-Lussac et le soumet à une vérification officielle ;
13° (Supprimé)
14° La loi du 28 mars 1885 sur les marchés à terme ;
15° La loi du 14 août 1885 sur les moyens de prévenir la récidive (libération conditionnelle, patronage, réhabilitation) ;
16° (Supprimé)
16° bis (nouveau) La loi du 6 juin 1889 qui rend obligatoires la vérification et le poinçonnage par l’État des densimètres employés dans les fabriques de sucre pour contrôler la richesse de la betterave ;
17° (Supprimé)
18° La loi du 25 juillet 1891 autorisant le Mont-de-Piété de Paris à faire des avances sur valeurs mobilières au porteur ;
18° bis (nouveau) La loi du 10 juillet 1894 relative à l’assainissement de Paris et de la Seine ;
18° ter (nouveau) La loi du 22 juillet 1895 relative à l’application de l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881, sur la presse ;
19° La loi du 19 avril 1898 sur l’exercice de la pharmacie ayant pour objet l’unification du diplôme de pharmacien ;
20° La loi du 12 mars 1900 ayant pour objet de réprimer les abus commis en matière de vente à crédit des valeurs de Bourse ;
21° La loi du 30 décembre 1903 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1904 ;
22° La loi du 21 mars 1905 attribuant aux tribunaux ordinaires l’appréciation des difficultés qui peuvent s’élever entre l’administration des chemins de fer de l’État et ses employés à l’occasion du contrat de travail ;
23° La loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services ;
24° La loi du 23 juillet 1907 portant modification de certaines dispositions de la loi du 16 avril 1897 concernant la répression de la fraude dans le commerce du beurre et la fabrication de la margarine ;
25° La loi du 12 février 1916 tendant à réprimer le trafic des monnaies et espèces nationales ;
26° La loi du 13 mars 1917 ayant pour objet l’organisation du crédit au petit et au moyen commerce, à la petite et à la moyenne industrie ;
26° bis (nouveau) La loi du 14 août 1918 rendant obligatoire la vérification et le contrôle des thermomètres médicaux ;
27° La loi du 2 avril 1919 sur les unités de mesure ;
28° L’article 111 de la loi du 25 juin 1920 portant création de nouvelles ressources fiscales ;
29° L’article 100 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l’exercice 1920 ;
30° L’article 13 de la loi du 30 juin 1923 portant : 1° ouverture et annulation de crédits sur l’exercice 1922 au titre du budget général ; 2° ouverture de crédits sur l’exercice 1922 au titre du budget spécial des dépenses recouvrables en exécution des traités de paix ;
31° La loi du 31 décembre 1925 portant : 1° ouverture, sur l’exercice 1926, de crédits provisoires applicables au mois de janvier 1926 ; 2° autorisation de percevoir pendant le même mois les impôts et revenus publics ;
31° bis (nouveau) La loi du 13 août 1926 complétant la loi du 10 juillet 1894 relative à l’assainissement de Paris et de la Seine par le « tout à l’égout » ;
32° La loi du 3 décembre 1926 modifiant les articles 419, 420 et 421 du Code pénal ;
33° La loi du 9 décembre 1927 portant ouverture et annulation de crédit sur l’exercice 1927 au titre du budget général et des budgets annexes ;
34° La loi du 13 mars 1928 ayant pour objet d’habiliter les agents municipaux à constater par procès-verbal les infractions en matière d’extraction de matériaux sur les rivages de la mer ;
35° La loi du 10 juillet 1928 autorisant les banques populaires à faire apporter à leurs statuts, par une assemblée générale ayant pouvoir d’approuver les comptes, les modifications nécessaires pour effectuer des avances aux artisans dans les termes de la loi du 27 décembre 1923 ;
36° La loi du 4 août 1929 appropriant les titres de mouvement délivrés pour les eaux-de-vie naturelles à la garantie des appellations d’origine ;
37° La loi du 26 avril 1930 portant dégrèvements d’impôts ;
38° La loi du 29 avril 1930 autorisant les communes à bénéficier de la loi du 21 mai 1836 sur les loteries pour l’acquisition de matériel d’incendie ou pour l’organisation de concours ou de manœuvres cantonales d’extinction d’incendie ;
39° La loi du 8 juillet 1932 assurant le chauffage gratuit des mineurs retraités pour vieillesse et invalidité ;
40° La loi du 4 juillet 1934 tendant à assurer la protection des appellations d’origine « Cognac » et « Armagnac » ;
41° La loi du 8 avril 1938 tendant à la nomination de délégués ouvriers à la sécurité des ouvriers des poudreries et annexes, des pyrotechnies, ateliers de chargement, cartoucheries dépendant de l’administration de la défense nationale ;
42° (Supprimé)
43° La loi du 8 octobre 1940 substituant la carte d’identité de commerçant étranger à la carte d’identité d’artisan étranger ;
44° La loi du 22 octobre 1940 relative aux règlements par chèques et virements.
Article 2 (nouveau)
I. – La loi du 8 juin 1864 fixant le budget pour 1865 et relative aux cautionnements des conservateurs des hypothèques est abrogée.
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2024.
Article 3 (nouveau)
I. – La loi du 29 juillet 1881 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1882 est abrogée.
II. – Après l’article 7 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 7 ter ainsi rédigé :
« Art. 7 ter. – À la demande de la bibliothèque de l’une ou l’autre des assemblées parlementaires, les administrations mentionnées à l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et l’administration lui transmettent gratuitement un exemplaire des documents qu’elles publient. »
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, pour sept minutes, puis au Gouvernement et, enfin, à un représentant par groupe pour cinq minutes.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 6 mars dernier, la commission des lois a adopté à l’unanimité la proposition de loi de Vincent Delahaye et de cent cinquante-trois de nos collègues, dont je faisais partie. Ce texte vise à abroger des lois adoptées entre 1819 et 1940 et tombées en désuétude depuis lors.
Au sein de la commission, tous les intervenants ont regretté la complexité de notre droit. Certains ont cité Montesquieu, d’autres les trois rapports du Conseil d’État sur la sécurité juridique. Pour ma part, je vous rappellerai les mots de Montaigne : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Épicure ». Cinq siècles plus tard, ce constat n’est pas démenti.
Pis, l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » paraît de moins en moins réaliste : au 25 janvier 2018, notre ordre juridique comptait plus de 80 000 articles de valeur législative, 240 000 articles de valeur réglementaire, pour un total de 320 000 articles répertoriés par Légifrance. Pour la seule année 2018, le Journal officiel comprend 71 521 pages, 45 lois, 1 267 décrets et 8 327 arrêtés réglementaires.
Or la complexité du droit égare les administrés et bride les initiatives des acteurs économiques et des collectivités territoriales. Pour ne prendre qu’un exemple, les 308 articles de la loi Macron de 2015 ont entraîné 848 modifications législatives, affectant 30 codes et 55 lois ou ordonnances !
Notre droit conduit également à empiler des dispositions anciennes et des règles plus récentes, au détriment de l’objectif de clarté des normes.
Depuis les années quatre-vingt-dix, de nombreuses actions ont été menées pour lutter contre la complexité du droit. Parmi les réussites, nous pouvons citer le site Légifrance et les efforts de codification, qui ont permis d’améliorer l’accessibilité et la lisibilité des normes.
L’objectif de simplification du droit semble plus difficile à atteindre. Nous gardons tous en mémoire les lois de simplification qui sont devenues des textes « fourre-tout » regroupant des mesures ponctuelles et éparses.
De même, les Gouvernements successifs ont publié plusieurs circulaires de simplification. La dernière en date fixe le principe du « deux pour un » : la publication de certains décrets doit être compensée par la suppression ou la simplification d’au moins deux normes existantes. Séduisant, ce dispositif reste toutefois marginal : il n’a concerné que 32 décrets depuis juillet 2017, sur plus de 1 500 décrets publiés…
Au sein de la commission, nombre de collègues ont rappelé l’importance du Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, présidé par Alain Lambert.
En 2017, le CNEN a étudié plus de 350 projets de texte, dont beaucoup représentaient une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales. Il a également signé une charte de partenariat avec notre délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, pour mieux identifier les difficultés des élus locaux. Nous attirons toutefois votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les conditions de travail et les moyens du CNEN, qui doit être en mesure d’émettre un avis éclairé sur les textes qui lui sont soumis.
Créée par le bureau du Sénat en janvier 2018, la mission Balai, ou Bureau d’annulation des lois anciennes et inutiles, vise à améliorer la lisibilité du droit en abrogeant les « fossiles législatifs ». Il s’agit d’un chantier de plusieurs années engagé par notre collègue méritant Vincent Delahaye. D’autres propositions de loi sont en préparation, notamment pour abroger des dispositions inconventionnelles ou issues de malfaçons législatives.
La proposition de loi qui nous est soumise traduit les premiers résultats de la mission Balai. Je salue d’ailleurs l’implication des ministères, qui ont échangé avec nous pour s’assurer de la pertinence des abrogations proposées.
L’éventail des lois abrogées est particulièrement large. À titre d’exemple, une loi de 1885 régissait encore les sociétés de patronage des détenus libérés, qui ont fermé leurs portes au milieu du XXe siècle. Une loi de 1898 réglementait la formation des pharmaciens, en contradiction avec l’actuel code de la santé publique et le droit de l’Union européenne…
Comme l’a souligné le Conseil d’État, la proposition de loi sera sans incidence sur le droit applicable, car elle abroge des lois qui ne sont plus mises en œuvre depuis plusieurs dizaines d’années. Certains collègues se sont d’ailleurs interrogés pour savoir si cette proposition de loi devait constituer une priorité pour le Sénat. Trois arguments m’incitent à répondre par l’affirmative.
Premièrement, nous devons réduire le stock de normes, pour éviter tout risque de confusion avec des lois ultérieures et améliorer la lisibilité de notre droit.
Deuxièmement, cette proposition de loi revêt un caractère pédagogique pour nous rappeler à tous, parlementaires ou membres du Gouvernement, les méfaits de l’empilement des lois et des décrets.
Troisièmement, ce texte annonce d’autres propositions de loi pour abroger des lois plus récentes. Il s’agit ainsi d’un galop d’essai, avant des propositions de loi qui s’attaqueront à des textes plus récents, qui pourraient soulever davantage de questions politiques et de débats.
Lors de ses travaux, la commission a adopté 15 amendements pour préciser le cadre général de la proposition de loi et s’assurer de la pertinence des abrogations suggérées. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur l’avis du Conseil d’État, saisi par le président Gérard Larcher conformément à l’article 39 de la Constitution.
Nous avons maintenu les dispositions législatives qui n’étaient ni inutiles ni obsolètes. Tel est le cas de l’article 82 de la loi du 31 juillet 1920, qui interdit d’ouvrir un casino à moins de cent kilomètres de Paris, à l’exception de celui d’Enghien-les-Bains. En effet, il ne faudrait pas déstabiliser l’offre de jeux à Paris, alors même que le Gouvernement expérimente des clubs de jeux dans la capitale.
Dans la même logique, nous avons conservé l’article 1er de la loi du 31 mai 1854, qui a permis d’abolir la mort civile. Nous n’avons pas codifié cette loi, car nous pensons que certains textes, comme la loi portant abolition de la peine de mort de 1981, doivent subsister pour leur intérêt historique et symbolique.
Nous avons également maintenu le droit de communication des documents administratifs au bénéfice des bibliothèques des assemblées parlementaires.
Par ailleurs, la commission a adopté trois amendements du Gouvernement pour maintenir des lois du début du XXe siècle qui constitueraient le fondement législatif du code général des impôts, codifié par décret en 1950.
Comme Alain Richard, je regrette cette complexité : pour trouver les fondements du consentement à l’impôt, il faut consulter des lois absentes de Légifrance et un code général des impôts de papier, seulement accessible au ministère de l’économie et des finances ! Nous vous invitons, monsieur le secrétaire d’État, à prendre l’attache de la Commission supérieure de codification pour remédier à cette situation quelque peu ubuesque.
Enfin, la commission a abrogé huit lois obsolètes supplémentaires dans le prolongement des travaux de la mission Balai.
Au total, le texte de la commission abroge intégralement ou partiellement 49 lois adoptées entre 1819 et 1940. Ce chiffre correspond à environ une année d’activité législative. Il peut paraître modeste, mais ce n’est qu’un début, la mission Balai poursuivant inlassablement ses travaux.
Mes chers collègues, au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose d’adopter la proposition de loi ainsi amendée.
De nouveau, je tiens à remercier Vincent Delahaye de son engagement constant contre la complexité du droit, ainsi que le président Gérard Larcher des moyens mis à la disposition de la mission Balai. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui, en séance publique, pour les explications de vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes, initiative de la mission Balai, déjà mentionnée, et plus particulièrement des sénateurs Vincent Delahaye et Valérie Létard.
À l’occasion de l’examen de ce texte en commission, le Gouvernement a déjà dit qu’il était favorable à son adoption, et je souhaite vous faire part, à ce stade, de deux observations.
Tout d’abord, je tiens à féliciter les auteurs de cette proposition de loi, les membres de la mission Balai et la rapporteure pour la méthode qu’ils ont utilisée. Elle a permis d’associer les ministères dans le travail d’identification des lois antérieures à 1940, dont le champ était devenu obsolète et qui méritaient, de ce fait, d’être abrogées. Elle a aussi permis, en vertu de l’article 39 de la Constitution, la consultation du Conseil d’État, de manière à garantir, comme l’a souligné il y a un instant Mme la rapporteure, l’application pleine et entière de la loi, sans que des difficultés apparaissent pour l’application du droit en vigueur.
Ensuite, ce texte a fait l’objet d’un examen selon la procédure de législation en commission. Cette procédure me semble utile et opportune. Une quinzaine d’amendements ont ainsi été adoptés, soit sur l’initiative de Mme la rapporteure, soit sur celle du Gouvernement.
Au total, cette méthode nous a permis d’aboutir à un consensus sur les différentes dispositions qu’il était nécessaire d’inscrire dans ce texte.
Sur le fond, je souhaite rappeler à mon tour les chiffres, vertigineux, que Mme la rapporteure a évoqués à l’instant : pour la seule année 2018, le Journal officiel comprend plus de 71 000 pages, 45 lois, 1 267 décrets et 8 327 circulaires. Ces chiffres vertigineux, je le répète, invitent à aller plus loin dans le travail de simplification. D’ailleurs, je sais que le Sénat souhaite aller au-delà de cette première étape, en travaillant sur des textes plus contemporains, ce qui constituera aussi, à n’en pas douter, une entreprise plus complexe…
Aller plus loin dans le travail de simplification rejoint l’action engagée par le Gouvernement. En effet, le Premier ministre a signé, en 2017, une circulaire qui vise à conditionner la création d’une norme réglementaire à la suppression de deux normes existantes. Le champ de cette circulaire concerne l’intégralité des textes réglementaires, à l’exception de ceux qui ont été pris en application des lois votées par le Parlement – rappelons que de nombreux articles de loi renvoient à des mesures réglementaires pour leur application.
Le secrétariat général du Gouvernement veille scrupuleusement à l’application de cette circulaire et je puis vous assurer, madame la rapporteure, qu’un travail constant est mené pour encourager l’ensemble des ministères à être aussi sobre que possible dans la production de normes nouvelles.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d’insérer, dans chaque projet de loi, un volet dédié à la simplification. Nous avons la conviction que le travail est plus efficace lorsque de telles simplifications sont prévues dans chaque texte thématique, plutôt que dans le cadre de projets de loi uniquement destinés à simplifier. Certes, bien des lois de simplification ont été utiles – je pense notamment aux textes portés par le député Jean-Luc Warsmann lors de la législature 2007-2012 –, mais procéder de manière thématique dans chaque texte nous paraît plus efficace en termes de lisibilité et d’intelligibilité du droit.
Cette volonté de simplifier constitue aussi l’essence même de la loi pour un État au service d’une société de confiance, promulguée il y a quelques mois. Nous voulions clairement modifier le rapport de l’administration avec la production des règles et celui des usagers avec leur application. Il faut faire évoluer la culture administrative en la matière.
Du travail reste à faire en matière de simplification. Il nous faudra ainsi abroger davantage de textes réglementaires – décrets ou arrêtés devenus obsolètes – ou « presque » réglementaires – par cette expression, je pense à des circulaires qui ont pris, au fil du temps et par la force de l’habitude, une nature prescriptive. Le Gouvernement a déjà supprimé plusieurs milliers de circulaires, afin de faciliter la lisibilité du droit et des règles.
Comme je le disais à l’instant, le Sénat a aussi l’intention, dans le cadre de la mission Balai, de proposer l’abrogation d’autres lois devenues obsolètes. Ce sera à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, d’en décider.
Il reste aussi du travail pour mieux évaluer l’application des normes. Madame la rapporteure, vous avez évoqué le Conseil national d’évaluation des normes. De nombreux sénateurs ont rappelé, lors des débats en commission, la qualité de ses travaux, mais aussi la difficulté qu’il rencontre pour instruire les textes, nombreux, qui lui sont soumis. Il est donc nécessaire de dresser un bilan de son activité depuis quatre ans pour améliorer encore ses conditions de fonctionnement. Nous le savons par l’expérience, plus le Conseil dispose de temps pour travailler, meilleurs sont ses résultats.
Je puis vous dire, en ce qui concerne mon champ ministériel, que je suis particulièrement attentif à ce sujet. Il y a quelques jours, le Conseil national d’évaluation des normes a examiné l’avant-projet de loi pour la transformation de la fonction publique ; il a disposé de temps pour les phases de concertation et de consultation et a finalement donné un avis favorable au texte, ce qui démontre aussi que nous pouvons co-construire.
Je voudrais terminer par deux points. Tout d’abord, j’entends l’appel du Sénat et de sa rapporteure pour engager de nouveaux travaux de codification ou pour donner plus d’intelligibilité à certains codes, par exemple le code général des impôts. Ensuite, je tiens une dernière fois à souligner l’intérêt de cette proposition de loi, qui permet d’abroger quarante-neuf textes.
En conclusion, je rappelle que le Gouvernement est favorable à l’adoption de ce texte et je remercie l’ensemble des sénateurs qui ont contribué à sa préparation, à son écriture et à son examen, tant en commission qu’en séance publique aujourd’hui. C’est une œuvre de simplification utile. Le Sénat doit en être remercié ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi qu’il nous est donné d’examiner aujourd’hui tend à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes. Elle traduit les premiers résultats de la mission Balai – bien nommée… –, qui a été créée en janvier 2018 par le bureau du Sénat pour faire la chasse aux « fossiles législatifs ».
Ce texte apparaît à la fois nécessaire et bienvenu, tant les citoyens sont désarçonnés face à la marée normative que constituent les lois, les règlements, les circulaires, les directives européennes. Pour la seule année 2018, le Journal officiel comprenait plus de 71 000 pages, 45 lois et pas moins de 1 200 décrets et 8 300 arrêtés. La France est bien la patrie de l’inflation législative !
On peut observer ce phénomène à Paris, non loin du Sénat, rue Soufflot, où se trouvent les principales librairies de droit : partout, on y aperçoit de gros codes rouges empilés : codes du travail, de la construction, de l’assurance, du transport…
Évidemment, bien des lois sont rendues nécessaires par la multiplication des sources du droit, tant externes qu’internes.
Cette prolifération normative s’explique également par l’émergence de nouveaux domaines. Ainsi la libéralisation de certains secteurs, comme les transports, les télécommunications ou l’énergie, requiert l’instauration de règles nouvelles. De même, l’essor des technologies de l’information et de la communication suscite la mise en place d’un cadre juridique adapté au développement de l’économie numérique et une nouvelle approche de la propriété intellectuelle.
Le nombre de lois semble ainsi connaître une croissance exponentielle, et la complexité de notre corpus juridique peut apparaître comme un véritable handicap, notamment économique. En effet, un ordonnancement juridique illisible devient rapidement inapplicable et effrayant. Je pense en particulier aux entrepreneurs français qui, pour développer leur activité dans notre pays, ont besoin de sécurité et de simplicité juridiques.
Autres victimes d’un droit trop complexe : les collectivités territoriales. D’après l’Association des maires de France, ces dernières doivent appliquer plus de 400 000 normes.
Ce constat n’est – hélas ! – pas nouveau. Déjà, il y a trois décennies, Jean Carbonnier, éminent juriste et professeur de droit, disait à ce propos : « À peine apercevons-nous le mal que nous exigeons le remède, et la loi est, en apparence, le remède instantané. Qu’un scandale éclate, qu’un accident survienne, qu’un inconvénient se découvre, la faute en est aux lacunes de la législation. Il n’y a qu’à faire une loi de plus. Et on la fait ! »
Ce constat n’a rien perdu de sa pertinence. Aussi, je me félicite que cette proposition de loi vise les objectifs constitutionnels de clarté et d’accessibilité de la loi.
Je me réjouis également que la commission des lois ait souhaité abroger huit lois obsolètes supplémentaires. Au total, le texte de la commission abroge intégralement ou partiellement quarante-neuf lois adoptées entre 1819 et 1940. À cet égard, je tiens à saluer, à cette tribune, la qualité des travaux de notre rapporteure, Nathalie Delattre.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la volonté de simplification et de lisibilité du droit dépasse les clivages, et l’examen de ce texte consensuel se prête parfaitement à la procédure de législation en commission.
Aussi, sans réserve, le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, fort de plus de 80 000 articles législatifs et de plus de 240 000 articles réglementaires, notre corpus législatif frise la léthargie, voire la pachydermie ! À elle seule, l’année 2018 a donné le jour à quarante-cinq lois, 1 200 décrets et 8 300 arrêtés : ainsi, pour cette seule année, le Journal officiel ne comptait pas moins de 75 000 pages…
La mise en garde de Montesquieu – « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » – n’a donc jamais été aussi opportune. Cette accumulation de textes, cet empilement législatif, ce « trop-plein », comme il est d’usage de le qualifier, nuit incontestablement à l’objectif premier de la loi : la clarté, l’intelligibilité et l’accessibilité. Nous aurions tout à gagner à nous affranchir de cette exception française, malheureuse et malvenue, que Montaigne pointait déjà dans ses Essais.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui abroge intégralement ou partiellement quarante-neuf lois adoptées entre 1819 et 1940 et désormais obsolètes.
En tant que représentant de la chambre des territoires, je ne puis que saluer les objectifs poursuivis par cette proposition de loi, eu égard à ses conséquences réelles et concrètes pour les collectivités territoriales. Celles-ci sont en effet les premières victimes d’un droit trop complexe et parfois abscons.
La complexité législative et normative actuelle freine assurément les collectivités et restreint par conséquent la performance de l’action publique territoriale. En témoignent les quelque 400 000 normes, avec lesquelles nos collectivités se débattent et sont contraintes de composer. Aussi nécessaires soient-elles, les normes ont en effet une incidence qu’on ne mesure pas toujours en termes de coût pour les collectivités. C’est notamment le cas pour les installations sportives ou en ce qui concerne l’accessibilité pour les personnes handicapées.
Notre ancien collègue Éric Doligé regrettait ainsi, à juste titre, « l’excès de zèle d’un État prescripteur, ignorant la réalité quotidienne du terrain et marquant la fracture entre l’échelon central et les territoires ».
Face à l’inflation législative ambiante, il incombe aujourd’hui à chacun dans cet hémicycle de se remémorer son expérience d’élu local. Aussi, plus qu’un autre texte peut-être, cette proposition de loi doit nous amener à partir des territoires et de cette réalité incontournable.
Ce texte constitue la première pierre du « bureau d’annulation des lois anciennes et inutiles », dit « Balai », chargé de faire la chasse aux « fossiles législatifs » et d’identifier les textes qui ont fait leur temps. Je rappelle que l’un des objectifs de cette salutaire initiative était de permettre à la Haute Assemblée de contribuer à un exercice essentiel : l’archéologie législative et l’abrogation des « fossiles législatifs » devenus caducs.
L’abrogation de ces lois caduques est d’autant plus nécessaire que le Conseil d’État a, depuis longtemps, confirmé que « lorsque la raison d’être d’une loi disparaît, la loi ne s’applique plus ».
En outre, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement d’autres travaux menés par le Sénat.
Je pense notamment à ceux de la délégation aux collectivités territoriales, chargée, entre autres, d’évaluer l’impact pour les collectivités des textes récents en matière de simplification des normes. Je rappelle que cette délégation a conclu une charte de partenariat avec le Conseil national d’évaluation des normes, afin de mieux identifier les attentes des collectivités territoriales en matière de simplification du droit.
Avec mes collègues de la délégation, nous nous sommes par ailleurs attachés à formuler des propositions concrètes pour simplifier le droit applicable, notamment en matière d’équipement sportif ou d’urbanisme. Monsieur le secrétaire d’État, je forme le souhait que ces propositions se transforment de manière concrète et effective dans les prochains mois !
« La multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices, en sorte qu’un État est bien mieux réglé lorsque n’en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées » écrivait Descartes. Soyons cartésiens ! Notre État en sortira allégé et plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, en application de la réforme du règlement du Sénat adoptée le 14 décembre 2017, et pour la quinzième fois depuis cette date, la conférence des présidents a décidé de mettre en œuvre la procédure de législation en commission pour la discussion de la proposition de loi de notre collègue Vincent Delahaye, devant lequel je m’incline. (Sourires.)
L’objectif, simple, de la présente proposition de loi est contenu dans son intitulé : améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes.
En effet, face à l’inflation législative que nous connaissons, il apparaît difficile pour les citoyens de ne pas ignorer la loi. Celle-ci est souvent trop longue, trop complexe, trop instable pour être maîtrisée par tous. Et lorsque la loi applicable hier ne l’est plus aujourd’hui, mais reste en vigueur, ce devoir citoyen relève tout bonnement du défi ! Il revient au législateur de veiller à ce que la loi soit applicable.
Cette proposition de loi est la traduction des premiers travaux du « bureau d’abrogation des lois anciennes inutiles », dont l’acronyme – Balai – fait délibérément sourire. Créé par le Sénat en janvier 2018, ce bureau s’est donné comme mission de faire la chasse aux « fossiles législatifs » et d’abroger les dispositions devenues sans objet compte tenu des évolutions législatives ultérieures.
Des « fossiles » de ce type, il en existe encore beaucoup dans notre pays. Nous avons tous en tête la loi datant du 7 novembre 1800 interdisant le travestissement des femmes, selon laquelle « toute femme désirant s’habiller en homme devait se présenter à la préfecture de police pour en obtenir l’autorisation » et qui a été – heureusement – abrogée en 2013. (M. Yves Détraigne sourit.) Mais il en existe d’autres, qui, bien qu’elles ne soient plus appliquées, sont toujours en vigueur.
Cette proposition de loi ne prétend pas à l’exhaustivité et vous nous avez indiqué que cette initiative conduirait ultérieurement au dépôt de nouveaux textes – le dépôt du prochain est d’ailleurs prévu pour la rentrée.
Il était initialement proposé d’abroger quarante-quatre lois. À l’issue des travaux de la commission et du remarquable travail de Mme la rapporteure, que je salue, ce sont quarante-neuf lois adoptées entre 1819 et 1940 qui seront totalement ou partiellement abrogées.
Ce travail d’élagage de notre législation est nécessaire, mais, pour une réelle simplification des normes, il faut avant tout une véritable volonté politique. Le Président de la République a pris position en faveur de la maîtrise de la production législative lors de son discours devant le Congrès le 3 juillet 2017.
C’est dans ce sens que, par la suite, le Gouvernement a adopté, sur la base d’une communication du Premier ministre, deux mesures importantes : la suppression ou, en cas d’impossibilité avérée, la simplification de deux normes existantes pour toute nouvelle norme réglementaire et l’obligation, pour chaque projet de loi, d’inclure un titre comportant des mesures de simplification législative.
Enfin, sur l’initiative du Conseil d’État, le secrétariat général du Gouvernement a élaboré un tableau de bord des indicateurs de suivi de l’activité normative, qui a été mis en ligne le 7 mars 2018 – c’est un préalable indispensable à la lutte contre l’inflation normative.
Nous-mêmes, en tant que législateurs, nous devons également montrer l’exemple. J’ai moi-même été rapporteur de plusieurs projets de loi de simplification dans le domaine de la justice et des affaires intérieures ou de la vie des entreprises et j’ai commis une proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés qui devrait être examinée par l’Assemblée nationale dans le courant de ce mois.
C’est parce que nous partageons tous cette citation de Montesquieu, rappelée par François Bonhomme et extraite du traité de théorie politique De l’esprit des lois, publié en 1748, selon laquelle « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », que le groupe La République En Marche votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai la faiblesse de penser que, s’il y avait plus de lois utiles, elles vieilliraient mieux… (Sourires.)
M. François Bonhomme. Comme les sénateurs !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais c’est un autre débat. Pour l’heure, je me contenterai de quelques remarques, l’essentiel ayant été dit par notre rapporteure et les précédents intervenants.
Il s’agit d’une proposition consensuelle, qui se prête parfaitement à la procédure de législation en commission, d’autant que les amendements déposés et votés n’appellent pas de commentaires particuliers, ce qui n’a pas toujours été le cas – je pense notamment à l’examen récent de la proposition de loi tendant à améliorer le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France, dont la mouture initiale a été substantiellement transformée, par les amendements, ce qui aurait dû entraîner un examen en séance publique selon la procédure classique.
Le groupe CRCE votera donc cette proposition de loi sans difficulté.
Une question ne s’en pose pas moins : même si l’on peut se féliciter de l’initiative de nos collègues et du fait que ce travail de simplification se fasse sur l’initiative de parlementaires, n’est-ce pas plutôt la mission du Conseil d’État, dont une partie des membres a choisi, il est vrai, de remplir d’autres fonctions que celles pour lesquelles ils ont été formés et recrutés ? Je ne pense pas que Vincent Delahaye me contredira sur ce point… (Sourires.) Pour autant, le travail est fait !
Une remarque pour conclure. L’une des origines du problème traité par cette proposition de loi est la dispersion du droit relatif à un domaine dans des lois spécifiques et des fragments d’autres lois, ce qui rend le tout illisible, donc incompréhensible pour le commun des mortels, qui est pourtant censé ne pas ignorer la loi. Cela n’empêche d’ailleurs pas le Conseil constitutionnel de censurer, au cas par cas et selon son bon plaisir, les textes qu’il juge incompréhensibles. Il fait certainement une sélection…
J’ai toujours été frappé par notre étrange façon de légiférer, en supprimant des mots, des bouts de phrases, des alinéas, tant et si bien que, à la fin, on ne sait plus où on en est, sauf à pouvoir consulter avec son ordinateur en temps réel Légifrance. Si l’on s’épargnait ces facilités, les textes seraient plus intelligibles et le travail auquel nous nous livrons aujourd’hui serait moins nécessaire.
Comme je l’ai dit, le groupe CRCE votera cette utile proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Union Centriste. – MM. Thani Mohamed Soilihi et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’objectif de cette proposition de loi, qui résulte de la mission dite « Balai », est de procéder à l’abrogation de textes considérés comme manifestement inutiles.
Dans cette première étape ont été retenus d’abord quarante-quatre, puis quarante-neuf textes adoptés entre 1819 et 1940 et n’ayant fait l’objet d’aucune exécution par le pouvoir réglementaire ou d’application par un juge. C’est donc bien une chasse aux « fossiles », avec même quelques bijoux, comme cette loi du 12 février 1916 sur le trafic des monnaies nationales. Nous pourrions nous demander, si nous ne retirons pas un peu de travail, et quelques bons moments, aux futurs archéologues du droit ! (Sourires.)
De fait, on peut tout à fait suivre les attendus d’un tel texte sur la nécessité de nettoyer l’arsenal juridique, et par là le simplifier, au nom de la crédibilité du droit et de sa lisibilité – c’est bien l’intitulé de cette proposition. Voilà pourquoi plusieurs collègues ont cité Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».
Sans suspense, le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi : de manière évidente, l’abrogation de ces textes, à quelques exceptions près, qui ont fait l’objet d’amendements de notre rapporteure auxquels nous avons souscrit, ne risque en rien de déstabiliser notre arsenal juridique.
Cela dit, tout en votant cette proposition de loi, nous nous permettons de nous interroger sur l’utilité réelle et la nécessité juridique d’un tel train d’abrogation, car il n’y a pas véritablement d’insécurité juridique.
En effet, ces textes ont fait l’objet, pour à peu près la moitié d’entre eux, d’une abrogation tacite, et, pour d’autres, d’une abrogation que l’on pourrait qualifier d’expresse, dans la mesure où il y a eu, par coordination avec d’autres textes, une abrogation de fait. Les derniers de ces textes présentent un caractère désuet, puisque l’adoption de dispositions ultérieures leur a ôté toute portée. Mais, comme le disait notre collègue Collombat, le travail a été fait…
Prenons acte qu’il convient de sortir de cet exercice assez vite pour nous concentrer sur des simplifications plus contemporaines et plus nécessaires ! Nous pensons, en effet, que l’essence même du Parlement, ce n’est pas de supprimer des « fossiles législatifs », mais de répondre aux enjeux de la société contemporaine. Ce que nous n’aimerions pas, c’est que l’opération Balai ne se transforme en un camion du même nom… Le Parlement doit plutôt être un instigateur de lois utiles.
Quant à la méthode, monsieur le secrétaire d’État, je vous rejoins tout à fait : c’est un exemple positif en termes de concertation. J’espère qu’elle sera aussi utilisée non pas pour supprimer des « fossiles » de notre arsenal juridique, mais pour construire des lois qui répondent effectivement aux problèmes contemporains. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier tous ceux qui m’ont remercié. (Sourires.)
Je suis heureux que tant de nos collègues aient accepté de cosigner cette proposition de loi et je dois excuser l’absence de Valérie Létard, qui ne peut malheureusement être présente aujourd’hui et qui m’a accompagné dans ce travail. Je remercie aussi le président Gérard Larcher de son soutien, car il a accepté que nous mettions en place cette mission, dite « bureau d’abrogation des lois anciennes inutiles » ou « Balai ».
Notre collègue Laurence Harribey s’est interrogée : cette mission est-elle véritablement utile ? J’aurais tendance à répondre : le ménage est-il utile ? Chacun en fait chez soi et, si je ne suis pas un spécialiste du balai, j’aime tout de même que certains coups soient donnés… (Sourires.)
Par rapport au nombre de textes adoptés depuis que Montaigne, dans ses Essais, avait parlé du nombre de lois en France par rapport au reste du monde, notre législation n’a, c’est vrai, cessé de s’alourdir, de se complexifier, voire de s’obscurcir.
Notre démarche a commencé par ce constat : notre arsenal législatif est aujourd’hui un tel mastodonte que l’affirmation selon laquelle nous serions progressivement passés d’un État de droit à un État de paralysie par le droit ne serait pas excessive !
En effet, l’ampleur de notre législation est telle qu’il est impossible de dénombrer avec exactitude le nombre de lois en vigueur dans notre pays. Pour preuve, le Conseil d’État estime à 10 500 ce nombre quand Légifrance comptabilise 2 707 textes législatifs. Quant à l’exécutif, monsieur le secrétaire d’État, il n’a jamais été en mesure d’indiquer clairement ce nombre, si ce n’est a minima et par des voies détournées, en décomptant le nombre de pages du Journal officiel.
Cette situation résulte de notre histoire politique et juridique. Elle n’a véritablement connu que la nuit du 4 août 1789 comme moment d’abrogation de normes devenues désuètes et injustifiées !
Depuis cette nuit glorieuse, la République est retombée dans une certaine logique corporatiste, visant à normer toutes les activités, à légiférer sur tout et tout le temps ! Si bien que si les régimes passent, les lois, elles, demeurent !
Par exemple, parmi les lois que cette proposition de loi a dénombrées, il en est certaines dont l’origine peut en effet remonter jusqu’à 1819. C’est dire si la longévité de lois inutiles est, en France, inversement proportionnelle à la lisibilité de notre bloc législatif !
Ces dernières années, le législateur n’a pas été avare de lois dites de simplification. Depuis 2004, plus de dix lois de simplification du droit ont vu le jour. Si celles-ci étaient, bien évidemment, profitables, il n’en demeure pas moins que leurs auteurs ont souvent omis de réaliser le travail préalable d’allégement de la loi avant de la simplifier. Or ce travail préliminaire est indispensable afin de permettre au citoyen d’appréhender la réalité de la loi qu’il n’est pas censé ignorer.
Un stock trop élevé de lois est de nature à rendre leur accès plus ardu et leur compréhension plus épineuse en ne permettant pas de séparer les lois réellement effectives de celles qui n’ont plus qu’un intérêt quasi archéologique.
Certes, la présente proposition de loi ne vise que la suppression de quarante-neuf lois quand d’innombrables normes s’ajoutent chaque année à notre arsenal législatif. Certains diront qu’il s’agit d’une goutte de simplification dans un océan de normes. Néanmoins, elle doit être la goutte qui fera déborder le vase de l’allégement législatif.
Nous abrogeons aujourd’hui des lois aussi désuètes que celle qui organisait la chasse au sanglier en 1904, celles qui étaient relatives au Mont-de-piété, devenu depuis bien longtemps le Crédit municipal de Paris, aux bureaux de bienfaisance, devenus CCAS, les centres communaux d’action sociale, aux sociétés de patronage, devenues les SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, ou encore celle qui réprimait le trafic des monnaies nationales, alors que nous sommes passés à l’euro depuis près de vingt ans !
En votant pour cette première proposition de loi, qui est notre point de départ, nous confirmons un travail qui associe le Parlement, le monde du droit, ainsi que le Conseil d’État et, bientôt la Cour de cassation. Un cap est fixé. La prochaine étape sera d’abroger les lois manifestement obsolètes, postérieures à 1940. Ensuite, nous nous emploierons à identifier les dispositions législatives inconventionnelles. Il nous restera, enfin, à débusquer les malfaçons législatives, à savoir les textes contradictoires insuffisamment précis.
Par ailleurs, je propose que le Gouvernement se fixe comme règle de bonne conduite de supprimer deux anciennes lois dès lors qu’une nouvelle est adoptée. Ainsi, nous combattrons durablement l’excès de normes.
Vous l’aurez compris, la tâche que nous commençons aujourd’hui, en votant cette proposition de loi, sera longue, mais exaltante. Ensemble, rédacteurs, protecteurs, techniciens de la loi, nous comptons bien redonner à celle-ci sa pleine force par davantage de lisibilité. N’oublions que si une société a besoin de normes, il en va des normes comme du poivre et du sel : leur absence comme leur excès rend le tout inconsommable ! Il nous faut retrouver, là comme ailleurs, le juste sens des proportions ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.
Mme Josiane Costes. « Les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. […] il faut être sobre de nouveautés en matière de législation ». Tels furent les mots prononcés par Portalis en 1801, lors de la présentation du code Napoléon, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues.
Il n’est pas difficile de s’apercevoir combien nous nous sommes affranchis, au fil des années, de ces principes pleins de bon sens.
Le législateur français a surtout, ces dernières années, été très, voire trop prolixe. Il a malheureusement aussi, très souvent, succombé à la tentation de légiférer dans l’immédiateté, en réponse à l’immédiateté et aux faits divers.
Cette prolifération législative et réglementaire aboutit à des aberrations. Elle est aggravée par le quinquennat et les alternances tous les cinq ans. On en arrive à légiférer de nouveau, alors que les décrets d’application de la précédente loi promulguée ne sont pas encore sortis ! Il est, hélas, logique que dans ces conditions, la loi soit pour nos concitoyens non plus un repère, mais beaucoup trop une contrainte, mal comprise dans leur vie quotidienne.
Au fil du temps, notre droit a accumulé, codifié, stocké des paquets de normes conduisant logiquement à des contradictions et à un manque de cohérence néfaste.
Néfaste pour le citoyen, d’abord, car si nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il que cette loi soit compréhensible et accessible pour tout un chacun. Si des efforts ont été faits avec la création des dispositifs d’accueil des justiciables, parmi lesquels on peut citer les conseils départementaux de l’accès au droit, les antennes locales du Défenseur des droits, ou encore les bureaux d’aide juridictionnelle pour les justiciables les plus démunis dans notre pays, il reste que l’inflation législative réduit considérablement leurs effets.
Néfaste également, et en conséquence, pour notre démocratie, car à force de légiférer sur tout, c’est en premier le principe fondamental de liberté qu’on oublie et qu’on bafoue. La multiplication des normes restreignant de fait la liberté individuelle est en effet, à notre sens, un phénomène très préoccupant.
C’est la raison pour laquelle le groupe du RDSE a accueilli très favorablement la création de cette mission Balai, chargée de faire la chasse aux fossiles législatifs et aux lois obsolètes.
La proposition de loi qui en découle est également très bienvenue. Je veux d’ailleurs saluer et remercier la rapporteure, Nathalie Delattre, de son travail remarquable et de la pertinence de ses amendements.
Cette proposition de loi contribuera très certainement, si elle est adoptée, à améliorer la lisibilité et la compréhension de notre droit, un objectif à valeur constitutionnelle qu’il est très urgent de prendre au sérieux.
D’ailleurs, dans le cadre de la préparation de la réforme institutionnelle à venir, le groupe de travail rassemblé autour du président du Sénat a proposé d’inscrire cet objectif de lisibilité dans le texte constitutionnel et nous ne pouvons que nous en réjouir. Il s’agirait d’y inscrire que « la loi et le règlement répondent aux exigences d’accessibilité, de clarté et de nécessité des normes ».
Toutefois, nous considérons qu’il faut également aller plus loin en modifiant nos comportements et nos méthodes de travail. Il est important et de notre responsabilité de légiférer d’une main tremblante.
Nous devons refuser de céder aux sirènes de l’instantanéité et du court terme. Le Président de la République, lui-même, a déclaré devant le Congrès à Versailles que la loi ne devait pas « accompagner servilement les petits pas de la vie de notre pays ». À cet égard, la décision du Gouvernement, au début du quinquennat, de supprimer un décret à chaque nouveau décret pris va dans le bon sens.
Je veux également saluer ici le travail du Conseil national d’évaluation des normes. Dans une société en perpétuel mouvement, le droit doit être le garant des repères. Il ne s’agit pas de revendiquer un conservatisme mauvais teint, à rebours des évolutions sociales et sociétales. Non, il s’agit de réfléchir à une meilleure cohérence et à une meilleure clarté de notre droit. Il s’agit de moins légiférer, mais de mieux légiférer. C’est en adoptant cette démarche que nous garantirons la liberté de nos concitoyens, ainsi que la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
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Juste mesure du bénévolat dans la société française
Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Union Centriste, sur la juste mesure du bénévolat dans la société française.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe auteur de la demande.
Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je dois tout d’abord remercier M. le président, qui a accédé à ma demande d’organiser un débat sur le sujet, non pas du bénévolat, mais de la juste mesure du bénévolat en France.
J’en rêvais, lorsque j’étais bénévole dans la Nièvre. Je rêvais de pouvoir un jour porter cette voix-là, ces mots-là, à la tribune du Parlement !
Lorsque l’on évoque le bénévolat, selon que l’on soit en région parisienne, en métropole, dans une grande ville, une ville de taille médiane ou en milieu rural, la perception n’est pas la même de ce maillage discret, subtil, et pourtant omniprésent et indispensable. Et la perception est également bien différente selon que l’on soit, ou que l’on ait été un jour soi-même bénévole ou non.
Face à cette réalité à plusieurs vitesses, j’ai décidé de ne vous donner aucun chiffre. Comme l’amour qui ne se quantifie pas, comme la générosité qui n’a ni prix ni limite, le bénévolat ne se chiffre pas ! Je pense sincèrement que tout décompte serait forcément incomplet et inexact.
Le bénévolat est partout, le bénévolat est discret. Il est si facile de ne pas le voir, il est très dangereux de ne pas le voir. Pour l’estimer justement, il faudrait pouvoir recenser toute la part du temps et de l’énergie qui sont donnés sans contrepartie, en dehors et au-delà d’une activité indemnisée.
Je souhaite aujourd’hui vous proposer une méthode inversée : demandons-nous ensemble, pour connaître sa juste mesure, sa vraie place, ce qui se passerait dans notre société si le bénévolat en disparaissait du jour au lendemain.
Comme beaucoup d’entre vous, je pense, en tout premier lieu, au bénévolat associatif. Le tissu associatif, avec ses multiples facettes, est totalement structurant.
Les récents débats sur le texte en faveur de l’engagement associatif furent l’occasion d’évoquer cette forme de bénévolat.
Craignant de faire des oublis, je vais essayer de lister ce qui me vient en tête.
Que deviendrait notre paysage quotidien sans associations culturelles, artistiques, touristiques, sportives, humanitaires, sociales ou environnementales ? Quelle serait la vie dans nos collectivités sans nos comités des fêtes, nos clubs de loisirs, nos rencontres sportives, nos concerts, nos expositions ? Que resterait-il de notre patrimoine sans les milliers de bénévoles qui œuvrent à sa préservation et sa mise en valeur ? Sans le bénévolat, qu’adviendrait-il de l’aide alimentaire, de l’aide à l’intégration sociale, à la lutte contre les addictions, de la solidarité face aux difficultés de la maladie et du handicap ?
Il ne resterait plus grand-chose de la pratique du sport, de la vie sociale ! Il ne subsisterait guère d’animations, de fêtes, de soutien, de fleurissement, de lieux d’accueil !
Du jour au lendemain, si tous ceux qui donnent de leur temps, de leur plein gré et sans contrepartie financière, cessent leur engagement, alors, c’est également la fin des commémorations, des cérémonies mémorielles ! J’attire votre attention sur ce que cela signifie.
Voici une question à laquelle vous n’aviez peut-être pas pensé, mes chers collègues : qui développe le devoir de mémoire sur l’ensemble du territoire national ? Les associations d’anciens combattants principalement ! Et que dire de la représentation professionnelle dans tous les corps intermédiaires ? C’est un autre aspect du bénévolat, également indispensable.
Plus de Croix-Rouge, de Secours populaire, de Restos du Cœur ! C’en serait fini de l’Ordre de Malte, d’Emmaüs et de la Fondation Abbé Pierre, avec le risque d’avoir des affamés dans la rue ! Il n’y aurait plus de visiteurs dans les hôpitaux ni dans les Ehpad, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Il faudrait oublier, dans tant d’endroits, l’aide aux devoirs, à l’alphabétisation ou à la formation ! Est-ce anecdotique ?
Il faudrait aussi renoncer au jumelage entre pays et entre villes, là où on essaye de prévenir la guerre par l’amitié entre les peuples.
Dans beaucoup d’endroits, il n’y aurait plus de bibliothèques. À ce sujet, je vous livre un témoignage que j’ai reçu d’une bibliothécaire communale : « Je tiens seule dans mon village une petite bibliothèque associée à la bibliothèque départementale. Grâce à mes efforts, 500 livres par an sont empruntés dans une commune de 602 habitants. Le partenariat avec la bibliothèque départementale a dû être formalisé en 2017 et depuis, il a fallu créer une adresse informatique professionnelle et saisir sur un logiciel les données de 2018 : 2 heures de travail, 225 réponses à apporter. Tout cela pour obtenir en retour les informations suivantes : le pourcentage d’emprunteurs actifs par rapport à la population, soit 2,990, le nombre de mètres carrés de la bibliothèque par rapport au nombre d’habitants et les crédits d’acquisition par habitant. C’est effarant, j’aimerais comprendre à quoi ça sert … » J’avoue que moi aussi, j’aimerais comprendre !
Un point lecture de proximité est indispensable. Mais les politiques publiques sont-elles cohérentes si, d’une part, elles établissent des programmes de subventions et si, d’autre part, elles découragent les bénévoles ? Et je ne parle pas de la complexité des dossiers de subvention ni des normes !
J’ai dressé, dans le champ de l’associatif, un rapide tour d’horizon, incomplet. Et j’ai lancé un premier signal d’alarme !
On peut aller encore plus loin et toucher du doigt une autre réalité. Il ne faut en aucun cas opposer la France des villes à la France des campagnes, mais, il faut le dire, en milieu rural, la plupart des élus sont également bénévoles. C’est une réalité dont il faut aussi prendre la pleine mesure.
Avez-vous bien conscience, mes chers collègues, que sans bénévolat, il n’y a plus d’élections, car ce sont des élus, dans leur majorité bénévoles, qui tiennent les bureaux de vote ? Tous ceux-là ont donné, en 2017, quatre dimanches pour l’organisation des scrutins nationaux.
L’entretien de nos communes repose, pour une très grande part, sur un investissement bénévole. Et heureusement ! Car les étrangers, vous le savez, sont très sensibles au charme et au pittoresque de nos 36 000 communes. Ils sont nombreux à venir en France trouver précisément cela.
Les élus ruraux entretiennent, parfois avec leur propre matériel et toujours sur leur temps personnel, beaucoup de voiries secondaires. Ils accomplissent toutes les tâches pour lesquelles leur commune n’a pas de budget.
Il faut aussi évoquer et approfondir tout le champ de la sécurité civile, du premier secours aux habitants, du maintien de l’ordre. Je ne sais pas si, au banc des ministres, on a bien idée de la réalité dont je parle.
Je vais vous donner un autre exemple. J’ai rencontré il y a peu Bernadette, maire depuis vingt ans d’une petite commune rurale de quelques dizaines d’habitants. Depuis des années, son adjoint et elle-même ne perçoivent aucune indemnité, ce qui constitue la seule marge d’investissement de cette commune. Ce qui leur fait dire avec un petit sourire : « Comme ça, on a pu changer les fenêtres de la mairie. »
Bernadette achète de sa poche les timbres et offre les vins d’honneur. Son époux vient régulièrement, avec son tracteur et en utilisant son propre carburant, tondre la pelouse de la mairie. Le mari de l’adjointe effectue gracieusement tous les petits travaux d’entretien et les petites réparations. Auparavant, Bernadette a été, pendant seize ans, présidente d’une communauté de communes. Pendant seize ans, ni elle ni aucun des vice-présidents n’a touché un seul euro d’indemnités. Son cas n’est pas unique, bien au contraire. Et il s’agit bien de bénévolat, d’un bénévolat invisible depuis Paris.
Ces bénévoles entretiennent les bâtiments, offrent du matériel scolaire, font l’animation, l’encadrement, le nettoyage, le suivi, la prévention, assurent le soutien des personnes fragiles ou en difficulté, font les courses et le maintien de l’ordre. Ils débouchent les canalisations, gèrent les animaux errants, comme les dépôts d’ordures, et j’en passe !
Monsieur le secrétaire d’État, prendre la juste mesure du bénévolat en France, c’est comprendre que les bénévoles, les élus ruraux en première ligne, portent notre pays à bout de bras !
Le président Larcher lui-même, le 17 janvier dernier, a dit : « Dans les petites communes, beaucoup d’actions pour la collectivité reposent sur le bénévolat. Les communes sont les seules à participer à la réduction des dépenses publiques. » Ce ne sont pas de vains mots !
Sous-estimer le bénévolat, considérer, comme beaucoup, qu’il n’y a là qu’activités de loisirs plaisantes et marginales serait prendre un risque de paralysie générale.
Renvoyer chez eux nos bénévoles au motif qu’il vaut mieux désormais se restructurer et se professionnaliser est une hérésie gravissime.
Proposer les réorganisations territoriales comme solution aux difficultés du monde rural est une fausse bonne solution.
Tout d’abord, ce n’est pas en additionnant plusieurs pauvres qu’on fait un riche.
Ensuite, en procédant ainsi, on renvoie chez eux des milliers de bénévoles au lieu de les préserver et de les soutenir.
Croyez-vous que le mari de Bernadette viendra tondre la pelouse de la commune d’à côté ? Non ! Il faudra embaucher un agent communal, puis un autre, pour remplacer le premier quand celui-ci sera malade. Il faudra acheter un tracteur, le faire réviser, acheter du carburant. Il n’y aura pas d’économies, car, à chaque fois que l’on perd un bénévole, il faut payer pour le remplacer.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite véritablement, sans sourire et parce que ce que je vous dis est grave, que tout le monde prenne la juste mesure du bénévolat dans notre pays. Il y a encore des hommes et des femmes capables de dire comme ce président d’association : « Se sentir utile et faire quelque chose pour les autres est notre moteur ». Les élus ruraux savent de quoi ils parlent, mais cette réalité échappe à beaucoup.
Le bénévolat en France est un trésor inestimable, qu’il faut traiter comme tel. S’il venait à s’épuiser ou à disparaître, compromis en particulier par des restructurations maladroites, on ne pourrait pas le reconstituer.
Avant de décourager définitivement les bénévoles français, l’État doit faire ses comptes et se demander s’il dispose des sommes colossales qui lui permettraient de les remplacer. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif. L’examen de ce texte peu ambitieux a au moins permis de débattre de mesures visant à favoriser l’engagement bénévole. J’espère que cette proposition de loi sera rapidement inscrite à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale et agira comme un nouvel élan donné au mouvement associatif et au bénévolat.
Cela étant, la France est riche de son dynamisme associatif, que nous devons soutenir.
De manière plus générale, si, aujourd’hui, nous pouvons constater plusieurs difficultés importantes dans la mobilisation bénévole, je souhaite revenir sur deux d’entre elles qui me paraissent importantes : la difficulté à fidéliser les bénévoles, malgré leur nombre croissant, d’une part ; la difficulté à recruter et à renouveler les dirigeants, d’autre part. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)
L’atténuation de la responsabilité pour faute de gestion des dirigeants bénévoles d’association qui a été adoptée dans le cadre de la proposition de loi de la semaine dernière apporte d’ores et déjà certaines réponses aux lourdes responsabilités qui peuvent être un frein pour l’engagement.
Je m’attarderai sur la spécificité du bénévolat sportif. Celui-ci a de particulier que nombre des citoyens engagés ont des fonctions d’encadrement d’activités, sans aucune revalorisation possible de cette activité, comme peut l’être celle des dirigeants bénévoles via le compte engagement citoyen. Il faudrait, monsieur le secrétaire d’État, rapidement travailler sur ce point.
Dans les prochaines années, la France accueillera de nombreux événements sportifs d’envergure internationale, que ce soit la Coupe du monde de football féminine dans quelques semaines, l’Euro de volley-ball à l’automne prochain, les championnats d’Europe d’athlétisme de 2020, la coupe du monde de rugby de 2023 ou les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Tous ces événements ne pourraient se dérouler sans l’implication des bénévoles et du monde associatif. Leur très grosse force est de reposer sur l’implication de ces bénévoles : plus de 70 000 seront mobilisés pour les JO de 2024.
Force est de constater que les chiffres sont éloquents. Cependant, nous devons nous assurer que les personnes engagées puissent être pleinement considérées et, surtout, puissent valoriser cet engagement.
Une problématique a émergé lors de l’Euro 2016. Des fonctionnaires de l’Urssaf ont déclenché un contrôle sur le statut des bénévoles chargés d’accompagner arbitres, compétiteurs et officiels : ils s’interrogeaient sur le statut de ces volontaires, leur activité étant susceptible d’être assimilée à du travail dissimulé. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Dans cet esprit de soutien au bénévolat, de nombreux collègues et moi-même avons notamment proposé et adopté un nouveau dispositif de crédit d’impôt, qui doit permettre de soutenir les responsables bénévoles de nos associations. Alors que les élus ou les responsables syndicaux disposent de jours de congé rémunérés supplémentaires, en particulier dans le cadre de leur formation, il nous semble normal et souhaitable que les dirigeants bénévoles associatifs qui occupent des postes à responsabilité comme président, trésorier ou secrétaire bénéficient également de jours de congé rémunérés, à hauteur d’un nombre annuel à définir – on a évoqué le nombre d’un à trois lors de l’examen de cette proposition de loi –, pour se former et exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions. Il s’agit aujourd’hui de postes à haute responsabilité avec des engagements importants qui peuvent avoir une incidence sur la vie même de ces dirigeants.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles suites comptez-vous donner à cette mesure ? Quelles solutions préconisez-vous ?
Il me semble plus que jamais nécessaire que le Gouvernement se penche sur la question de la formation des bénévoles. C’est un élément essentiel, alors que les contraintes sont toujours plus lourdes et les responsabilités toujours plus importantes.
Nous devons permettre à ces bénévoles de se former, pour que leurs missions soient accomplies dans les meilleures conditions.
Les amendements que nous avons déposés vont dans ce sens, mais je suis certain que d’autres pistes peuvent être explorées, comme un recours plus fort au mécénat de compétences, qui pourrait venir appuyer ce soutien nécessaire aux bénévoles dans de nombreuses associations. À ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont vos propositions ?
En conclusion, je formule le souhait que le Gouvernement saura écouter la représentation nationale et prendre en compte les propositions que nous avons formulées, pour que le bénévolat ne disparaisse pas dans notre pays, mais, surtout, pour lui garantir un avenir encourageant et concret. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Annick Billon applaudit également. )
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en guise d’introduction, permettez-moi de citer celui qui fit entrer le mot « solidarité » dans le langage courant, Léon Bourgeois : « L’association, c’est l’apprentissage de la vie sociale, c’est faire sur un petit espace, dans un petit domaine, l’image réduite, visible pour quelques-uns, de ce que doit être la grande société humaine. »
Le débat qui nous est proposé aujourd’hui par le groupe Union Centriste porte sur cette manière de participer aux activités de la cité. L’association a l’intérêt collectif pour matière et le civisme pour manière.
Réjouissons-nous alors de ce que notre pays compte des centaines de milliers d’associations : 1,3 million d’entre elles proposent une autre raison de se rassembler et d’agir et 25 % de Français participent à ces associations, ce qui est nettement supérieur à la moyenne européenne.
Exprimons notre bienveillance à ces millions de bénévoles qui s’associent pour ce qu’ils aiment. Ces bénévoles se retrouvent dans ce que Léon Bourgeois appelait « ce petit espace », « ce petit domaine », où les formes de rassemblement ne sont ni contraintes ni fortuites, mais reposent sur des collectifs de volontés.
Cette belle communauté de manière ne doit pas masquer la grande diversité des forces qui la composent : il existe autant de bénévoles que de raisons de s’engager. Qu’il s’agisse de la Croix-Rouge française, d’une association de judo ou d’une fédération de parents d’élèves, on ne s’engage certainement pas de la même manière ni pour les mêmes raisons.
Toutefois, alors que nombre de nos concitoyens se détournent des sphères syndicales et politiques, soupçonnées d’immobilisme, le secteur associatif apparaît comme l’ultime garant des valeurs de générosité et d’altruisme.
Cette image de noblesse dont jouit ce secteur, si elle ne peut être parfaitement exacte, dit quelque chose des modes d’action publique que nos concitoyens plébiscitent.
On n’a généralement jamais de mots assez durs pour condamner l’individualisme de l’époque que nous vivons. Pourtant, le regard vers l’autre, les valeurs de gratuité, de don de soi et de désintéressement sont massivement affirmés par l’activité des bénévoles.
Le projet de la majorité présidentielle se retrouve pleinement dans ces forces vives qui participent d’une société de la confiance, de l’engagement et de l’entraide.
Notre mission, en tant que parlementaires, consiste non à répéter à l’identique cette représentation du secteur associatif, mais à observer les valeurs que nos concitoyens affirment en même temps qu’ils s’engagent.
Par conséquent, notre regard de parlementaires sur le phénomène bénévole et associatif doit être celui d’un observateur attentif. Il s’agit non d’être les acteurs de ce dynamisme, mais de se montrer bienveillants à son égard, d’accompagner la place des bénévoles dans notre société et de s’interroger à ce sujet.
C’est la logique qui structure la feuille de route sur la vie associative du Gouvernement : favoriser le financement des associations, réduire le poids de leurs coûts et faciliter l’engagement des bénévoles.
Ce dernier point est fondamental, puisque le recrutement est une difficulté récurrente pour le secteur. Les associations sont très nombreuses, les raisons de s’engager ne manquent donc pas, au point qu’il peut parfois être difficile de recruter ou de pérenniser ces effectifs.
C’était ce à quoi répondait la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif que nous avons examinée et c’est pour cela que nous l’avons soutenue.
Mes chers collègues, vous l’avez compris : le bénévolat fait l’objet d’un enthousiasme certain – et à raison. Le monde associatif participe pleinement au maillage territorial : que ce soit en métropole ou dans les territoires les plus ruraux, il y aura toujours une association prête à accueillir cet enthousiasme citoyen.
Notre sagesse consiste à nous réjouir de cet enthousiasme, tout en restant lucides sur la bonne place qui est la nôtre. Notre engouement ne doit pas nous conduire à dénaturer ce qu’est le bénévolat : un engagement libre et désintéressé.
Dans la mesure où l’État est le garant institutionnel de l’intérêt général, sa place ne peut être écartée de la réflexion autour du bénévolat, qui bien souvent concourt à la poursuite du même intérêt général. Le législateur est à sa place lorsqu’il met en œuvre la protection que peut offrir la loi, mais seulement lorsque c’est utile. Il ne peut y avoir d’autre philosophie à l’endroit du secteur associatif, car un engagement bénévole est nécessairement libre, gratuit et désintéressé.
Aux associations, toute la liberté qui peut leur être laissée pour s’emparer des sujets au cœur des préoccupations citoyennes ; à l’État, les devoirs et missions d’intérêt général qui lui incombent.
Si l’on s’accorde sur ce constat préalable, l’association peut être un mode de gouvernance utile pour l’État, dès lors que son échelle et son regard sont plus adaptés. C’est notamment pour cela que les secteurs « Égalité des territoires et logement », « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Travail et emploi » sont les plus subventionnés par l’État.
Ainsi, lorsque c’est utile, l’État stimule cette forme d’action publique, par exemple en augmentant les crédits alloués au secteur associatif en 2018. De même, le Gouvernement continue de faciliter la vie des associations en allégeant les coûts qu’elles doivent supporter, notamment par le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires qui a été maintenu en 2019.
Si l’association peut donc être un mode d’action publique utile pour l’État, en aucun cas elle ne peut assumer à elle seule des prérogatives de l’État. En effet, elle ne peut assurer la continuité et l’égalité devant les services publics que seul l’État peut offrir.
Les situations de « bénévolat contraint », où des proches sont contraints de s’occuper d’un membre de leur famille, au détriment de leur vie personnelle, nous rappellent l’importance de cette répartition des rôles. Voir que, faute d’alternative, certains de nos concitoyens peuvent être astreints à ce rôle nous préoccupe.
Voilà une drôle de forme de bénévolat que ce bénévolat contraint. Faire en sorte que ce sombre oxymore ne désigne plus la réalité des proches aidants, tel peut être le rôle du législateur et du Gouvernement. Ainsi, nous espérons que l’effort déployé par Agnès Buzyn en faveur des Ehpad, qui recevront 360 millions d’euros supplémentaires de 2019 à 2021 pour recruter des personnels soignants, permettra de répondre à cette préoccupation.
La juste place du bénévolat dans notre société, c’est l’État qui la lui donne. L’association peut compter sur les forces vives de la Nation, dès lors que l’on protège ce petit domaine où les citoyens se grandissent. La juste place du bénévolat, c’est la liberté. Le bénévolat est libre lorsque l’État assume l’entièreté de ses responsabilités et poursuit sa mission émancipatrice avec toute sa ferveur.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie les membres du groupe Union Centriste d’avoir souhaité mettre le sujet de la place du bénévolat dans notre société au cœur de nos débats. Nous partageons bien évidemment le constat que, dans de nombreux secteurs, des missions fondamentales sont assumées par des bénévoles et qu’il faut leur prêter la plus grande attention.
De l’entraîneur du club sportif au bénévole du soutien scolaire en passant par les sapeurs-pompiers volontaires, dans tous les aspects de nos vies quotidiennes, nous devons beaucoup à ceux qui donnent de leur temps. La vie de la cité elle-même est concernée, avec ses élus locaux qui, notamment dans les communes les plus petites, exercent leur mandat de façon quasi bénévole. Je pourrai évoquer aussi la solidarité internationale, la santé, la démocratie, la culture : tous ces domaines tiennent grâce aux 15 millions de bénévoles de notre pays qui finissent parfois par remplacer la puissance publique. Pensons par exemple aux recettes du Téléthon qui servent à financer la recherche, aux 130 millions de repas distribués par les 76 000 bénévoles des Restos du Cœur, à la Journée des oubliés des vacances organisée par le Secours populaire, qui offre le dépaysement à des milliers d’enfants le temps d’un jour. J’ai bien conscience que ma liste est bien moins exhaustive que celle qu’a dressée mon collègue dont le groupe est à l’origine de ce débat.
Oui, à côté du travail rémunéré, il y a une sphère particulière, trop souvent oubliée, qui permet à notre société de tenir et qui donne une réalité à la cohésion sociale. Ce fait doit être tout particulièrement salué lorsque certains ont pour seul modèle un monde mercantile, où tout s’achète, tout se vend, se monétise, au mépris de nos valeurs et de nos biens communs. En cela, l’originalité française, avec ses associations loi de 1901 à but non lucratif, demeure un modèle fécond à préserver et à vivifier.
Il revient, me semble-t-il, à la représentation nationale la responsabilité de soutenir et d’encourager cet engagement bénévole si essentiel, de susciter de nouvelles vocations en créant des conditions plus favorables à l’engagement, source d’épanouissement, tout en protégeant cette logique de possibles dévoiements.
Nous nous trouvons, en effet, sur ce sujet devant une double nécessité : encourager et encadrer.
La loi permet déjà une certaine valorisation de l’engagement bénévole. C’est notamment le cas avec le compte engagement citoyen, qui permet au bénévole de voir son engagement traduit dans des droits à la formation et à des congés supplémentaires. Il en va de même pour la validation des acquis de l’expérience ou la possibilité de présenter les concours de la fonction publique en troisième voie. Pour les étudiants aussi, la loi Égalité et citoyenneté a rendu possible la validation du bénévolat en crédits ECTS. Récemment, lors de l’examen de la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif, nous avons adopté dans cette enceinte même la rémunération du congé engagement citoyen sur trois jours.
Toutes ces avancées sont à saluer, mais sans doute conviendrait-il de mieux les faire connaître, car beaucoup de ceux qui pourraient y avoir droit méconnaissent la plupart de ces dispositifs. Sans doute faudrait-il également aller plus loin pour concilier réellement engagement bénévole et vie professionnelle, par exemple en permettant la mise en place d’horaires personnalisés ou en élargissant les possibilités de congés spécifiques aux bénévoles réguliers. Il serait aussi pertinent de progresser dans la reconnaissance des acquis liés au bénévolat dans le milieu professionnel pour s’assurer que toutes les compétences développées dans ce cadre soient reconnues à leur juste valeur. De même, il y a aujourd’hui un réel besoin de formation du côté des bénévoles, lesquels devraient pouvoir compter sur la puissance publique pour être mieux accompagnés dans leurs responsabilités associatives. Autant de chantiers sur lesquels il est urgent d’avancer.
Nous devons aussi nous interroger sur le modèle de société que nous ambitionnons dans sa globalité. On constate par exemple un tassement du bénévolat parmi les seniors, alors qu’il s’accroît plutôt pour l’ensemble de la population, même si l’on aimerait qu’il augmente davantage encore. France bénévolat a émis plusieurs hypothèses pour expliquer ce phénomène, parmi lesquelles le durcissement des conditions de départ à la retraite, donc le besoin de souffler une fois l’heure de la retraite venue, ou encore la nécessité pour de plus en plus de retraités de travailler, au moins un peu, pour continuer, non pas à mettre du beurre dans les épinards, si je peux m’exprimer ainsi, mais à pouvoir manger des épinards !
Encourager l’engagement bénévole ne doit pas non plus se faire à n’importe quel prix. Les formes qui se développent à la lisière du salariat et du bénévolat doivent à ce titre susciter notre interrogation, non pour les condamner, mais pour les appréhender avec la prudence qu’elles exigent.
Je pense aux missions de service civique, qui constituent une voie intermédiaire entre bénévolat et travail salarié, pour lesquelles nous devons traquer les éventuels abus. Plus encore, je pense aux contreparties aux aides sociales récemment et très malheureusement évoquées par le Premier ministre.
Je conclus en précisant que chaque logique doit avoir sa place : le bénévolat ne peut ni ne doit remplacer le travail rémunéré ou les services publics et la solidarité que l’État doit garantir. Encourager l’engagement bénévole est une nécessité, mais lui faire porter des responsabilités qui ne lui incombent pas serait trahir son sens. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe Union Centriste de sa nécessaire et heureuse initiative. Près de 65 000 associations naissent chaque année en France. On en dénombre plus d’un million en activité qui emploient 1,8 million de salariés et auxquelles adhèrent environ 16 millions de personnes de plus de 16 ans. En prenant en considération les adhésions multiples, on compte plus de 21 millions d’adhésions. Ces chiffres démontrent, loin des clichés grossiers, que les Françaises et les Français ont à cœur d’être utiles à autrui et à la société. N’oublions pas que les valeurs essentielles sur lesquelles repose l’engagement associatif sont la fraternité et la solidarité.
En outre-mer, l’engagement associatif constitue un levier essentiel d’épanouissement pour la population. Les très nombreuses difficultés rencontrées par nos territoires dans des domaines sensibles – emploi, vie chère, précarité, pauvreté, etc. – participent sûrement à l’engouement général pour les associations œuvrant dans les secteurs de l’éducation, de la culture, du social, de la santé, de l’environnement, de la défense des droits, des loisirs… À titre informatif, en Martinique, le rythme des créations d’associations est plus soutenu qu’à l’échelon national et l’on compte entre 7 000 et 8 000 associations de toutes tailles animées par 68 000 à 76 000 bénévoles, auxquels s’ajoutent 10 000 salariés.
Cela ne doit pas pour autant occulter le fait que, si le secteur associatif est dynamique, il rencontre au quotidien de graves difficultés non seulement financières, mais aussi législatives et réglementaires.
Au fil du temps, les associations ont vu leur objet évoluer. Elles répondent aux attentes et aux besoins des habitants, elles leur offrent des réponses à la crise sociale, économique et même politique, en grande partie du fait du désengagement de l’État dans un certain nombre de domaines. C’est pourquoi nous avons besoin des associations et de leurs bénévoles, afin de faire vivre nos quartiers et territoires ruraux. Les bénévoles sont une force avec laquelle il faut compter : ils font preuve d’un engagement quotidien certain au service d’une cause et sont essentiels à la vie locale partout en France !
Pourtant, le monde associatif et le bénévolat sont en danger. Les politiques publiques mises en œuvre aggravent la dépendance des associations aux cotisations et aux dons devenus de plus en plus rares. C’est ainsi que l’État a supprimé la réserve parlementaire, soit 45 millions d’euros versés directement aux associations, tout en n’alimentant le Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA, qu’à hauteur de 25 millions d’euros. Le nombre des emplois aidés, pourtant indispensables au fonctionnement de structures telles que les banques alimentaires, est passé de 460 000 en 2016 à 200 000 en 2018. Cette réduction devrait se poursuivre, soit une baisse de 2,8 milliards d’euros de crédits dédiés.
L’État a également diminué, pour la deuxième année consécutive, les crédits budgétaires de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
Pour une complète information, il faut savoir que 90 % des associations ont un budget annuel de moins de 50 000 euros et que 50 % d’entre elles n’ont même pas un budget de 10 000 euros par an.
Cet état de fait, insoutenable pour les associations et les membres qui les composent – salariés et bénévoles –, doit nous conduire à nous interroger. Nous devons réfléchir à de nouvelles sources de financement pour soutenir le monde associatif. Nous devons également tous ensemble – parlementaires, élus politiques, monde associatif, bénévoles eux-mêmes – nous réunir et formuler des propositions cohérentes, justes, proches des réalités du terrain, afin de créer un véritable statut du bénévole, avec toutes les particularités qui y sont afférentes. Il convient également de réfléchir à la reconnaissance des compétences acquises par les bénévoles, que ce soit par le biais de diplômes universitaires ou d’équivalences liées à leurs expériences de terrain.
C’est à ce prix et à l’issue d’une concertation urgente sur ce sujet que nous redonnerons confiance à la société civile et que nous replacerons la vie citoyenne au cœur de la société et de la politique, là où est sa vraie place ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’adoption la semaine dernière de la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif, nous nous réunissons de nouveau pour débattre et rendre hommage aux 13 millions de bénévoles qui s’engagent et rendent effectif l’indispensable lien social sur nos territoires.
La mobilisation qui a émergé et qui se poursuit depuis de nombreuses semaines nous amène à nous interroger notamment sur l’accès aux services publics et sur la prise en charge des plus fragiles dans notre société. Le grossissement des structures régionales et intercommunales a accentué la fracture territoriale et le sentiment d’une perte de proximité. Bien souvent, alors que l’État se désengage de nos territoires et que les services publics viennent à manquer, ce sont les associations et leurs bénévoles qui prennent le relais et recréent du lien, y compris auprès des plus précaires.
Le secteur associatif s’est en effet, dans certains cas, substitué à l’État dans sa mission de cohésion sociale et d’animation des territoires. À cet égard, il revêt un caractère essentiel, qui doit retenir toute notre attention.
Le groupe du RDSE se félicite donc de ces deux opportunités – la proposition de loi examinée le 6 mars dernier et le débat de ce jour –, qui nous permettent d’évoquer le bénévolat sous toutes ses formes et toutes ses problématiques.
J’en reviens toutefois à l’intitulé de ce débat : la juste mesure du bénévolat dans la société française. J’y vois une référence claire à la suppression de 100 000 contrats aidés, dont un tiers bénéficiait au secteur associatif, qui a ainsi perdu l’équivalent de 1,6 milliard d’euros de subventions indirectes. Dans les associations sportives notamment, où les besoins sont immenses en termes d’accompagnement des jeunes, d’encadrement, de suivi à long terme, les conséquences se font déjà sentir. Les associations, qui n’ont pas bénéficié à « juste mesure » du report de ces crédits, font également face à une baisse de la capacité de subvention des collectivités et à une forte diminution des dons aux associations constatée à la suite de la réforme de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune.
Les associations font ainsi appel à des bénévoles et à des volontaires en service civique pour pallier la perte des emplois aidés et la baisse de leurs recettes. Or, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous défendez l’engagement au service de l’intérêt général, un volontaire en service civique n’a pas vocation à se substituer à un salarié. Le bénévole, quant à lui, est bien évidemment limité par le temps et les moyens qu’il peut consacrer à cette activité censée demeurer secondaire.
Ce manque d’encadrement salarié et stable ainsi que les complexités administratives liées à la gestion d’une association rendent l’engagement particulièrement chronophage et conduisent à des stéréotypes marqués chez les bénévoles, qui sont globalement soit très jeunes, soit retraités. Prenez l’exemple d’une petite association qui doit remplir un dossier de demande de subvention auprès de différentes collectivités pour percevoir, dans le meilleur des cas, quelques centaines d’euros. Ce temps et cette énergie dépensés sans garantie de résultat sont autant de temps et d’énergie que les bénévoles ne peuvent pas consacrer à l’activité même de leur association et à l’accompagnement de leurs adhérents. Ils s’ajoutent aux dépenses, notamment de déplacement, que certains bénévoles acceptent de faire passer en abandon de frais, lorsque l’association n’est pas en mesure de les prendre en charge. Ce remboursement, à hauteur de 66 % ou de 75 % via un crédit d’impôt sur le revenu, ne couvre pas la totalité des dépenses et ne bénéficie pas à ceux qui ne sont pas imposables.
Lors de l’examen de la proposition de loi la semaine dernière, le groupe du RDSE a déposé plusieurs amendements visant à améliorer les droits des personnes bénévoles. Si le caractère désintéressé, donc non rémunéré, de l’engagement doit bien sûr être préservé, une réflexion doit nécessairement être menée pour limiter la crise des vocations dans ce secteur.
Aujourd’hui, plus d’un quart des présidents d’association sont en poste depuis au moins dix ans. Cette situation ne peut pas perdurer. Nous invitons notamment le Gouvernement à étudier la possibilité d’élargir le compte engagement citoyen et le congé engagement citoyen, aujourd’hui limités aux bénévoles dirigeants.
L’engagement associatif est bien souvent à l’origine d’un engagement politique, nous sommes nombreux à pouvoir en attester. Cet engagement politique commence d’ailleurs généralement par un statut d’élu bénévole, qui souffre lui aussi d’une crise des vocations. Et pour cause : il s’agit d’un véritable sacerdoce ! Dans les petites communes, en zone rurale notamment, les élus sont les premiers, voire les seuls interlocuteurs des citoyens. Ils font face à des problématiques aussi nombreuses que variées, dans un contexte de baisse des dotations et de désengagement progressif de l’État dans les territoires.
Je profite donc de la tribune qui m’est offerte pour leur rendre un hommage appuyé et leur dire la volonté du Sénat de les accompagner dans cette noble mission.
J’en profite également pour réaffirmer notre soutien aux sapeurs-pompiers volontaires, qui donnent beaucoup de leur temps et font preuve d’un engagement sans limites au service des autres, dans des conditions de plus en plus difficiles.
Après 118 ans d’existence, la loi de 1901 démontre encore toute sa pertinence, comme le prouve le nombre de créations d’associations chaque année. La liberté d’association a valeur constitutionnelle ; elle est une composante incontournable de la démocratie. Tâchons de la préserver du mieux possible. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, auquel je souhaite un très bon anniversaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 32 % des Français de plus de 18 ans sont bénévoles dans une organisation, soit 16 millions de nos concitoyens. Le temps consacré au bénévolat augmente de 4 % par an.
Le secteur du sport, sur lequel je vais concentrer mon intervention, compte 3,2 millions de bénévoles, ce qui représente environ 274 000 équivalents temps plein travaillé et un poids économique certain dans le domaine du sport, et par capillarité, dans l’ensemble de l’économie. La valorisation économique est estimée entre 5,22 milliards d’euros et 10,10 milliards d’euros.
Il convient donc d’adapter la formation des bénévoles et de valoriser le bénévolat, et ce malgré la menace qui pèse sur l’attractivité du bénévolat, compte tenu de la suppression des emplois aidés et de l’explosion de la charge de travail des bénévoles.
En effet, il n’est nul besoin de vous convaincre du rôle social extrêmement important que les clubs et les associations de proximité jouent dans nos quartiers et dans nos territoires, en particulier dans les plus délaissés d’entre eux. Ils constituent des lieux de sociabilité pour les jeunes comme pour leurs familles et participent à l’éducation de nos enfants au travers de la promotion des valeurs éducatives et citoyennes. Ils ont de plus une forte incidence en matière de santé publique.
Unis vers le sport est un exemple prégnant, sur un territoire que je connais particulièrement, de structure constituée dans le but de mettre en œuvre des programmes d’éducation et d’insertion par le sport dans les quartiers dits sensibles de Strasbourg et de sa région.
À cet égard, je salue les petites associations qui n’ont ni salarié ni structure administrative, et dont le modèle économique repose à 100 % sur le bénévolat. Elles mettent en œuvre des projets concrets, vecteurs de solidarité et de lien social dans nos communes et nos villages.
Je suis donc convaincu, et vous le comprendrez aisément, qu’il faut préserver cette possibilité, voire la développer davantage, tant elle est importante dans nos sociétés.
Par ailleurs, du fait de l’accueil des jeux Olympiques et Paralympiques et des grands événements sportifs préalables à 2024, le nombre et la qualité des bénévoles devraient s’accroître.
Les bénévoles constituent ainsi le tissu associatif de notre pays, principal garant du bon fonctionnement du modèle sportif français. La fin des contrats aidés, la suppression de la réserve parlementaire et la baisse drastique des dotations aux collectivités territoriales mettent en danger la pérennisation du modèle.
On le constate, les bénévoles méritent toute notre attention. Dès lors, il n’est pas possible de faire l’économie d’un véritable statut des bénévoles dans le sport. À cet égard, la charte du bénévolat adoptée dans le cadre de la préparation de l’Euro 2016 en France fut une première étape utile, mais, on le sait, elle n’a malheureusement pas suffi à éviter les abus.
L’adoption de mesures plus contraignantes devient ainsi nécessaire, comme l’a indiqué à plusieurs reprises Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, afin d’apporter toutes les garanties nécessaires aux nombreux bénévoles qui seront sollicités.
La réflexion doit donc se poursuivre. Je rappelle que le Sénat appelle de ses vœux un véritable statut du bénévole. Nous nous devons par conséquent de vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur votre position sur ce sujet.
Le Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA, œuvre de façon importante, notamment dans la formation des bénévoles, mais qu’en sera-t-il demain ? Comment le Gouvernement envisage-t-il précisément cet aspect ? Comment faciliter l’éligibilité des bénévoles aux formations, lesquelles sanctionneraient un certain niveau d’engagement et de qualification ?
Comment comptez-vous lever les obstacles administratifs et réglementaires au développement du bénévolat dans le monde du sport ?
Enfin, que comptez-vous faire pour éventuellement engager une stratégie de pérennisation de l’emploi ?
Nous comptons sur votre volontarisme créatif sur cette problématique, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je remercie le groupe Union Centriste de cette initiative bienvenue.
L’État n’a plus le monopole de l’intérêt général. « Les grandes vocations se poursuivent en dehors du lieu de travail » disait déjà Camus. Des millions d’hommes, de femmes, de jeunes s’engagent chaque jour pour agir en faveur du bien commun.
En pleine effervescence, le secteur de la vie associative se professionnalise. Des cours sur l’engagement, sur l’économie sociale et solidaire sont désormais dispensés dans les plus prestigieuses écoles et universités. Le moteur essentiel de la vie associative reste le bénévolat. L’engagement bénévole a sa grandeur ; c’est un acte solennel dont on mesure difficilement la valeur en terme monétaire, un signe de courage et de générosité, une forme de promesse à soi et aux autres.
« Être homme, c’est précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. […] C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde » disait Saint-Exupéry.
Il s’agit non pas de changer le monde, mais de redresser une injustice locale, d’améliorer le quotidien de quelques personnes, de trouver des solutions à un problème concret. Les voies de l’engagement sont multiples, les lieux et les raisons de s’engager le sont tout autant. Leur dénominateur commun, c’est le lien social qui se tisse entre des personnes unissant leur volonté autour d’une cause commune : bâtir une école au milieu du Burkina Faso, apporter des repas à des gens qui ont faim, lutter contre la prolifération des algues vertes sur les plages de Bretagne.
Souvent, ces initiatives naissent d’idées un peu folles mises en forme sur un coin de table, fruits de la rencontre fertile entre les rêveries d’un visionnaire et l’esprit pratique d’un bâtisseur.
Comment mesurer l’apport inestimable de ces initiatives bénévoles, éloignées de toute considération monétaire, lorsque l’on peine déjà à mesurer objectivement la valeur du travail de chacun ? Nous estimons que le bénévolat représente entre 1 % et 2 % du PIB, soit l’équivalent du budget de la défense. Les sapeurs-pompiers volontaires représentent la plus grande part des effectifs mobilisables. La grande majorité des élus locaux sont bénévoles. Qu’ils soient ici remerciés de leur engagement.
Le secteur associatif est en quelque sorte le continent immergé de l’économie marchande. Si sa valeur économique est considérable, sa véritable valeur ne se quantifie pas en masse monétaire. Au-delà des statistiques, la générosité, l’honneur, le courage d’entreprendre ne se mesurent pas en chiffres agglomérés comme des grains de sable. Faut-il introduire une logique comptable dans le bénévolat ?
Ma vie de bénévole m’ayant apporté tant de joies, je suis convaincu que la plus grande vertu du bénévolat est de rendre heureux. Le bénévolat est source d’engagements désintéressés et de moments privilégiés, de reconnaissance mutuelle, de liberté, d’expression de soi. Il est une réponse à l’individualisme ambiant, au narcissisme d’une société qui se noie dans son propre reflet, à la recherche de sens et de liens.
Pour les besoins d’une étude sur le bonheur de l’école de médecine de Harvard, publiée en 2015, des scientifiques ont observé le quotidien de 724 personnes pendant 75 ans. Ils en sont venus à la conclusion suivante : loin devant la richesse et le succès, le principal ingrédient du bonheur et de la santé serait la qualité des relations humaines. Aussi, n’en déplaise à Jean-Paul Sartre, pour qui l’enfer serait les autres, l’isolement est sans doute la plus terrible épreuve qu’un être humain puisse traverser.
En œuvrant à rapprocher les hommes, la vie associative participe à la restauration du lien social, lutte contre l’isolement et l’exclusion, et permet à chacun de trouver sa place au sein de la société. Ce rapprochement, au-delà des âges, des origines géographiques, culturelles et sociales, ce goût pour l’altérité, porte en lui-même les conditions de la vie en société. En ce sens, la vie associative, consacrée dans la société française depuis la loi de 1901, est le creuset de la démocratie.
Grâce à l’implication d’une multitude de personnes, des projets jugés utopiques lors de leur lancement ont progressivement pu prendre corps, devenir réalité et améliorer le quotidien de toute une population.
Beaucoup de ces engagements sont en outre source d’innovation. N’oublions jamais que quantité de pratiques nouvelles ont été diffusées au sein de la société grâce à des initiatives bénévoles, dont certaines ont donné lieu à des lois. Ainsi la création des Restos du Cœur et la distribution de repas aux plus démunis par leurs bénévoles ont-elles permis d’apporter une réponse concrète à un besoin criant. Aujourd’hui, la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire produit ses effets, et dans quelques mois, nous aurons l’occasion d’examiner le projet de loi pour lutter contre le gaspillage des produits invendus, annoncé par le Gouvernement.
La France ne peut se concevoir sans l’engagement de ces citoyens qui ne comptent ni leurs heures ni leur argent et qui mettent leur temps, leurs compétences et leur générosité au service de la solidarité nationale.
Mes chers collègues, le tissu associatif est une part essentielle du ciment de la République, un des derniers remparts contre l’isolement, le populisme et la montée des égoïsmes. Si l’État ne peut être partout, il doit prendre ses responsabilités pour valoriser l’action de ceux qui agissent là où il ne peut lui-même aller, sur le terrain, au plus près des besoins, notamment de nos concitoyens en situation de grande pauvreté, et des initiatives citoyennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France, cela a été dit, compte plus de 16 millions de bénévoles, œuvrant dans des associations ou diverses structures. Ils sont le maillon essentiel de nombreux services ou politiques publics.
Près de 30 % des bénévoles s’engagent dans le secteur social ou caritatif, apportant ainsi une aide précieuse aux plus vulnérables de nos concitoyens.
C’est précisément le cas dans le secteur de l’aide alimentaire, dont mon collègue Éric Bocquet et moi avons pu analyser l’organisation et le fonctionnement lors d’un travail de contrôle budgétaire, en tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », au sein de la commission des finances.
Nous avons ainsi relevé dans notre rapport d’information que l’aide alimentaire en France repose essentiellement sur le modèle associatif fondé sur le bénévolat. Elle s’appuie en effet sur un tissu associatif extrêmement dense, qui est l’indispensable pilier de cette politique publique. Ce sont ainsi environ 9 000 structures ou associations habilitées qui contribuent à l’aide alimentaire sur l’ensemble du territoire, grâce à la distribution de colis, de chèques alimentaires, de repas chauds, dans des centres fixes ou lors de maraudes.
L’aide alimentaire repose ainsi, si l’on se fonde sur les quatre plus importantes associations nationales œuvrant dans le secteur – la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du Cœur, le Secours populaire français et la Croix-Rouge française – sur plus de 200 000 bénévoles.
Le bénévolat constitue donc la clé de voûte du système d’aide alimentaire français. Si l’on valorise financièrement le travail effectué par les bénévoles, on atteint un montant de l’ordre de 500 millions d’euros, soit près du tiers du coût total de l’aide alimentaire en France.
Le taux de salariés dans les structures d’aide alimentaire étant très faible, voire quasi inexistant dans certaines associations, les bénévoles peuvent ainsi occuper tous les postes-clés inhérents à la gestion de l’aide alimentaire : l’approvisionnement, le tri, l’hygiène et la sécurité alimentaire, l’informatique, le mécénat, etc. Les effectifs des banques alimentaires, par exemple, sont constitués à 90 % de bénévoles.
L’aide alimentaire apparaît particulièrement efficiente, car peu coûteuse pour les finances publiques au regard du service rendu, notamment grâce au travail des bénévoles. L’effet de levier, qui désigne l’effet d’entraînement des ressources publiques, est ainsi très important, notamment grâce au bénévolat.
L’exemple de l’aide alimentaire illustre l’importance du bénévolat dans la mise en œuvre de nos politiques publiques en France. Cette ressource bénévole doit être préservée, l’engagement associatif encouragé. Pour cela, il convient aussi de mieux prendre en compte la spécificité de l’action bénévole dans la mise en œuvre de ces politiques.
Dans le secteur de l’aide alimentaire, nous recommandons de trouver un équilibre entre l’exigence administrative et le travail effectué sur le terrain par des bénévoles parfois sous-équipés, notamment en moyens informatiques. L’enjeu est de faire respecter par les associations les exigences nationales et européennes en termes de contrôles et de réglementation, tout en tenant compte des spécificités de l’action bénévole.
Il s’agit d’un équilibre essentiel qui doit être trouvé, garant de la mise en œuvre de politiques et de services publics souvent indispensables pour nos concitoyens les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les Français sont de plus en plus nombreux à vouloir agir pour les autres, à « faire société » ensemble et à partager des valeurs civiques, soit dans un cadre organisé, qu’il soit politique, syndical, municipal, religieux ou dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, soit sur un mode plus informel, auprès d’une ou plusieurs personnes, en dehors du cadre familial. À cet égard, je pense à la solidarité de voisinage.
Riche de ce tissu associatif rassemblant entre 13 et 18 millions de bénévoles engagés, pour les deux tiers d’entre eux, dans les 1,3 million d’associations répertoriées, notre modèle français de l’engagement citoyen, qui participe pleinement à la construction de notre société, doit cependant faire face à de nombreuses difficultés.
Je pense à la baisse drastique des dotations de l’État aux associations, caractérisée par une chute de 10 % des crédits sur les deux derniers exercices budgétaires et par une diminution de la part des subventions dans le total des ressources des associations, d’environ 15 milliards d’euros en dix ans – cette part est passée de 34 % en 2005 à 24,7 % en 2011, et même à 16,8 % en 2014 selon l’Insee.
Je pense à la diminution des dotations aux collectivités territoriales ; à la réforme des rythmes scolaires, qui a souvent suscité des polémiques et des difficultés, en particulier dans les communes rurales. Ainsi, dans la Creuse, seule une commune applique désormais cette réforme.
Je pense à la suppression brutale et sans concertation de plus de 250 000 contrats aidés en l’espace de deux ans, lesquels contribuent pourtant à l’emploi associatif. Alors qu’on comptait 459 000 contrats aidés en 2016 pour 4,2 milliards d’euros de subventions, on n’en dénombrait plus que 200 000 en 2018 pour 1,4 milliard d’euros de subventions. Cette réduction a constitué un véritable frein pour de nombreuses associations, qui pratiquaient souvent une mutualisation de leurs moyens humains et financiers. Il en a résulté un nouveau transfert de tâches sur les bénévoles. Ainsi avons-nous assisté dans mon département à la disparition pure et simple de l’escrime, laquelle était enseignée par un cadre technique qui bénéficiait d’un contrat aidé.
Je pense à l’absence de véritable statut encadrant cette activité bénévole, fondée sur l’engagement volontaire et la gratuité, à la baisse structurelle du nombre de bénévoles par rapport à l’augmentation du nombre d’heures données chaque semaine, ou bien encore à la suppression de la réserve parlementaire, qui permettait aux associations de bénéficier d’environ 60 millions d’euros par an.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Jacques Lozach. Ces différentes mesures menacent directement l’existence de milliers d’associations, risquent de priver d’emplois un nombre important de salariés et d’empêcher les collectivités territoriales d’assurer la continuité du service public de proximité. Elles ont également un effet sur le moral et l’engagement des bénévoles, qui attendent et espèrent une reconnaissance accrue de la part des pouvoirs publics.
Si elle permet de sécuriser juridiquement l’action de nos dirigeants bénévoles, de sensibiliser nos jeunes collégiens et lycéens à la vie associative, et si elle constitue une première étape nécessaire, la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif, adoptée mercredi dernier par notre assemblée, ne consolidera pas à elle seule un modèle fragilisé.
Le bénévolat demeure le premier point d’achoppement pour les associations et arrive en tête de leurs préoccupations, devant la situation financière. En effet, 40 % des responsables associatifs interrogés dans les enquêtes de Recherches et solidarités se disent inquiets des difficultés de renouvellement des dirigeants. Cette crise de responsabilités trouve en partie son explication dans la judiciarisation accrue de l’acte bénévole, la responsabilité pénale, fiscale et sociale des dirigeants étant susceptible d’être engagée.
Rappelons, par ailleurs, que 42 % des 1,3 million associations répertoriées ont pour activité principale le sport ou la culture, soit 545 000 d’entre elles. Parmi celles-ci, seuls 12 % sont des associations employeuses : 36 000 dans le domaine du sport et 34 000 dans le secteur culturel. Le modèle le plus efficient me semble être celui qui combine professionnalisme et bénévolat.
Une récente étude d’août 2018 du Centre de droit et d’économie du sport valorise, par la méthode dite « du coût de remplacement », le poids économique du bénévolat sportif entre 5,2 milliards d’euros, pour une valorisation au SMIC, et 10,1 milliards d’euros, pour une valorisation au salaire moyen de la branche. Sur les mêmes bases, le bénévolat peut être valorisé entre 3,6 milliards d’euros et 8,22 milliards d’euros dans le secteur culturel.
Alors que la vie associative se professionnalise, des individus aux parcours et aux compétences différents se côtoient dans l’encadrement des associations sportives. L’équilibre entre ces individus est un garant de la pérennité d’un club et de son développement. Le mouvement sportif ne saurait exister sans toutes ces petites mains qui s’activent aux côtés des professionnels. Je pense par exemple aux conseillers techniques sportifs.
Face à une montée des exigences en matière de compétences et de performance qui rapprochent l’association sportive, dans sa gestion, d’une entreprise, le public et les licenciés poussent les clubs et leurs bénévoles à s’adapter, à se former, afin de gagner en efficacité et en technicité dans la finance, la gestion humaine, la planification ou l’organisation des déplacements. Il est de notre responsabilité d’encourager et de faciliter leur engagement.
Enfin, je formule le souhait que le futur service national universel, dont l’un des objectifs est l’intégration républicaine, suscite des vocations d’implication bénévole. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le bénévolat est avant tout un don de soi, libre, consenti et gratuit. Il tient une place aussi spécifique qu’essentielle dans la société civile. C’est notamment la grande souplesse du statut de bénévole qui en fait sa valeur et son succès.
Son spectre est beaucoup plus large que ce que l’on peut imaginer spontanément. Les missions sont diverses et variées : elles vont de l’accompagnement éducatif ou sportif et de l’écoute aux travaux manuels, à la visite en établissements, à la gestion administrative, en passant par l’expertise juridique ou l’ingénierie… Chacun peut trouver la mission qui lui correspond.
Le bénévolat et les associations tiennent une place importante dans le monde rural. Je dirais même qu’ils sont une des clés de voûte du fonctionnement des communes, notamment des plus petites d’entre elles. Dans un contexte de baisses des dotations aux collectivités locales, les communes rurales ont bien souvent du mal à boucler leur budget. Au lieu d’augmenter la fiscalité ou de rogner toujours davantage sur les dépenses de fonctionnement, elles s’appuient sur le bénévolat, qui constitue une aide précieuse, une sorte de troisième voie qui leur est indispensable aujourd’hui.
Je pense d’abord aux citoyens qui mettent la main à la pâte bénévolement pour réaliser des travaux de bâtiment, de décoration ou d’organisation d’événements communaux, mais également aux maires, aux adjoints ou aux conseillers municipaux qui perçoivent des indemnités modestes, lesquelles n’atteignent pas, le plus souvent, le maximum légal, par choix personnel. Compte tenu du temps qu’ils consacrent à leurs diverses activités et du fait que leurs indemnités ne sont pas à la hauteur de leur investissement, ces élus peuvent être d’autant plus considérés comme des bénévoles.
Ces personnes se rendent disponibles, s’engagent et mettent à disposition des citoyens leurs compétences techniques ou professionnelles, et sont bien souvent multitâches. C’est un réel gage de réactivité et la garantie d’un service à la population. Il n’est pas rare d’ailleurs de voir des élus avoir quotidiennement plusieurs casquettes : ingénieur des travaux, juriste, assistant social et même psychologue !
À cette occasion, je salue le travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation visant à faciliter l’exercice des mandats locaux. Les propositions qu’elle a formulées ont en effet pour but de préserver le bénévolat républicain tout en renforçant le statut de l’élu.
Les attentes des élus locaux sont fortes. Il y a aujourd’hui un véritable souhait de faire évoluer les conditions d’exercice des mandats, les responsabilités et les compétences des collectivités locales s’étant considérablement accrues et complexifiées.
Il convient de rappeler également que le phénomène de regroupement dans des intercommunalités de taille XXL a donné un sentiment de perte d’autonomie aux communes. Nous faisons face à une démobilisation des élus, dont l’engagement reposait avant tout sur la proximité et l’entité communale.
Même si le bénévolat des élus locaux et des citoyens continue d’exister, il a reculé considérablement, ce qui représente un coût qu’il conviendrait d’analyser à l’échelle de chaque fusion ou regroupement.
Enfin, entre bénévolat et salariat, j’évoquerai brièvement l’engagement volontaire des sapeurs-pompiers, qui constitue le socle du modèle français de secours et de gestion des crises.
Une directive européenne portant sur le temps de travail menace actuellement notre modèle de sécurité civile.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Olivier Cigolotti. Sa transposition en droit français remettrait en cause le volontariat comme engagement altruiste et généreux.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Olivier Cigolotti. Le Sénat tout entier s’est mobilisé en faisant parvenir une motion au président de la Commission européenne le 26 septembre dernier.
Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons du Gouvernement une action forte sur la question du volontariat. Bénévolat et volontariat tiennent une place centrale face aux enjeux majeurs de notre pays. Ils permettent le maintien indispensable de la proximité, mais aussi le développement d’une société de l’engagement, inclusive et plus fraternelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’engagement du monde associatif est au cœur de l’exigence de cohésion sociale, à laquelle le groupe Les Républicains est particulièrement attaché. Je tiens par conséquent à saluer l’initiative du groupe Union Centriste et de son président, Hervé Marseille, qui est à l’origine de ce débat.
Le bénévolat est un don de soi librement consenti et gratuit. Normalement, il occupe une place spécifique dans la société civile, complémentaire du travail, et non concurrentielle, mais aujourd’hui, plus que le bénévolat, c’est la vie associative dans son ensemble qui est en crise, parce qu’elle est devenue une contrainte et parce que les bénévoles ne veulent plus s’engager autant. Cette contrainte et ces responsabilités grandissantes font qu’il est plus difficile de trouver des dirigeants.
Parallèlement, les responsabilités administratives et financières constituent un frein à l’engagement, d’autant plus que les dotations de l’État sont en constante diminution.
Si le projet fondateur des associations n’est plus reconnu en tant que tel, à savoir la libre organisation de citoyens réunis pour proposer une action au service de tout ou partie de la collectivité, les associations sont financées non plus pour ce qu’elles sont ou font, mais pour la mise en œuvre de politiques publiques. Seule leur capacité technique est alors reconnue, au détriment de leur capacité politique, au sens noble du terme, bien entendu.
Elles sont donc contraintes, je le répète, à des spécialisations techniques et sectorielles, au montage de dossiers multiples et complexes, dont on raffole dans ce pays, là où elles étaient autrefois en contact direct avec la population.
Dans ce contexte, les bénévoles, en cogérant l’association, se retrouvent en situation professionnelle non salariée, ce qui contribue à la fois à l’essoufflement du bénévolat et à la baisse du coût du travail sur le marché de l’emploi associatif, voire à sa disparition. Je pense aux emplois aidés.
On constate ainsi sur les territoires une mise en concurrence des associations entre elles, la conséquence principale étant qu’elles adoptent peu à peu l’attitude d’entreprises marchandes. Dès lors, il n’est nullement étonnant que les bénévoles disparaissent puisqu’ils ont vocation non pas à gérer, mais à animer la vie locale.
Retrouver un véritable militantisme bénévole, fondé sur l’imagination et la créativité des personnes, tel est à mon sens le véritable enjeu. Cela suppose que soient financés les projets imaginés par les associations, non ceux qui sont pensés par les pouvoirs publics.
Si le bénévole devient un professionnel non salarié auquel on demande une grande technicité, il est compréhensible qu’il aspire à des formes de reconnaissance : la prise en compte de son activité bénévole par les agences de Pôle emploi, la reconnaissance universitaire, des points de retraite, et j’en passe. D’où cette question extrêmement paradoxale, mes chers collègues, et de plus en plus souvent entendue : quelle contrepartie à l’engagement bénévole ? Nous y voilà, la boucle est bouclée !
Pour ma part, je pense très sincèrement que, en l’absence d’une réelle fonction politique citoyenne reconnue aux associations, sur des critères définis par l’État, les mesures techniques visant à enrayer l’hémorragie des responsables associatifs sont parfaitement illusoires. En effet, on ne devient pas bénévole pour gérer des politiques sectorielles à la place des pouvoirs publics ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, noble valeur à la fois pour la société et pour les personnes elles-mêmes, le bénévolat demeure en hausse en France, où l’on compte 25 % de bénévoles actifs dans des associations. Un français sur quatre s’engage bénévolement.
Traditionnellement plus pratiqué par les retraités, le bénévolat touche de plus en plus les jeunes, l’engouement se faisant sentir parmi les 15-35 ans.
Dans les communes, et particulièrement dans les zones rurales, le bénévolat permet de faire vivre le territoire. Activités sociales caritatives, culturelles, sportives pour la jeunesse : le bénévolat fait vivre les associations, il est l’essence du mouvement associatif. Or le tissu associatif est particulièrement fondamental pour la qualité de vie des ruraux.
Issu du monde associatif, je suis régulièrement en contact avec des associations, et je tiens à saluer tous ces bénévoles et à les remercier de leur engagement. Nous devons être conscients de l’importance d’encourager et de soutenir ce mode d’action dans sa diversité.
Les collectivités territoriales aident leurs associations par des financements, en mettant à leur disposition des locaux, ou encore en organisant différentes initiatives, comme les forums d’associations, en leur offrant des relais d’information au travers des supports institutionnels. D’autres voies doivent s’y ajouter.
Alors que 38 % de nos concitoyens déclarent vouloir faire du bénévolat, ils n’ont pas encore franchi le pas, d’après une étude réalisée en 2018 par l’association Recherches et solidarités, qui permet de suivre les grandes tendances de l’engagement bénévole en France.
À mon sens, il serait intéressant de valoriser le bénévolat et de faire connaître la diversité des formes d’engagement dans les lycées et dans les universités. Des informations en entreprise seraient aussi envisageables, pour que les salariés comprennent qu’il est possible de trouver un équilibre entre vie professionnelle, vie familiale et activités bénévoles.
Ces derniers mois, j’ai mené des tables rondes avec de nombreux bénévoles, et les pistes de travail sont multiples.
J’aimerais connaître votre opinion, monsieur le secrétaire d’État, sur les points suivants qui seraient en faveur du bénévolat.
D’une part, que pensez-vous de l’institution d’une réduction d’impôt sur le revenu des personnes physiques au profit des activités bénévoles ? Certaines personnes préfèrent en effet donner de l’argent déductible des impôts plutôt que du temps. J’ai conscience, bien sûr, des inconvénients de cette mesure, qui serait difficile à contrôler et pourrait favoriser les fraudes. Elle créerait en outre une inégalité parmi les personnes soumises à l’impôt sur le revenu entre celles qui seraient éligibles et celles qui ne le seraient pas. Mon intention est cependant de récompenser l’engagement associatif. Quelle est votre position à ce sujet ? Comment envisager la mise en œuvre d’une telle mesure ?
D’autre part, le droit positif prévoit qu’un grand nombre d’heures de bénévolat donne droit à des heures de formation cumulées au sein du compte personnel de formation. Ces heures ont été converties en euros depuis le décret du 28 décembre 2018. Je propose d’assouplir les conditions dans lesquelles les activités de bénévolat associatif peuvent être incluses dans ce compte personnel de formation, notamment de diminuer le nombre d’heures nécessaires, afin d’inciter les citoyens à faire du bénévolat. Y seriez-vous favorable ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie à mon tour le groupe Union Centriste d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat, ainsi que Mme Sollogoub, qui s’est exprimée en son nom. Le bénévolat est un très beau sujet, dont on ne parle pas suffisamment et que l’on ne mettra jamais assez en lumière.
L’intitulé de ce débat nous invite, à mon sens, à nous demander si la société et les responsables politiques prennent la juste mesure de ce qu’est le bénévolat en France aujourd’hui. Vous m’avez d’ailleurs interpellé à ce sujet, madame la sénatrice, en me posant directement cette question à propos du Gouvernement. La réponse est évidemment oui, parce que nous savons ce que représente le bénévolat actuellement dans notre pays. Des chiffres ont été avancés, je vais en donner quelques autres : il y a 22 millions de bénévoles en France, qui réalisent 31,272 millions d’actions ; 1,425 million d’équivalents temps plein seraient nécessaires pour compenser leur absence.
Ces chiffres ne suffisent toutefois pas. Lorsque l’on est un responsable politique et, comme certains d’entre vous le sont et comme je l’ai été avant d’être député et secrétaire d’État, un élu local, on mesure sur le terrain ce que font les associations et les bénévoles, en organisant des forums des associations tous les ans au mois de septembre et en étant à leur contact au quotidien.
Les bénévoles me semblent pouvoir être résumés en une phrase : ce sont des gens qui ne comptent jamais. Ils ne comptent jamais leur temps, leur énergie, voire les moyens personnels, parfois financiers, qu’ils mobilisent, ainsi que cela a été dit. Ce sont des personnes qui, parfois, prennent en charge des frais au service de leur engagement bénévole.
Au-delà des chiffres, la France n’aurait pas le même visage sans ces bénévoles. La solidarité, le lien, la culture, le sport, l’aide alimentaire, la mémoire et le souvenir, la vie, en réalité, disparaîtraient de certains territoires, si les bénévoles n’étaient pas là pour les animer, nous ne le dirons jamais assez.
Une question se pose : les pouvoirs publics peuvent-ils décréter à eux seuls le bénévolat ? Non, évidemment, cela a été dit. Le bénévolat procède d’abord d’une envie et d’un engagement individuel ; il doit être consenti et libre et ne saurait être imposé. Le choix de s’engager est une démarche individuelle, même si elle se traduit souvent dans un collectif.
Si la puissance publique ne peut décréter le bénévolat, elle peut le soutenir et elle a, selon moi, pour mission de le faire, à trois niveaux. Elle peut susciter le bénévolat, tout d’abord, permettre, ensuite, à ceux qui s’engagent de continuer à le faire en restant bénévoles, et enfin, valoriser l’engagement des bénévoles, par exemple dans le cadre de la poursuite d’études pour les jeunes ou de l’insertion professionnelle pour les moins jeunes. Vient ensuite la question de la retraite, qui a été abordée ; c’est un débat intéressant, sur lequel nous pourrons revenir.
Susciter le bénévolat, tout d’abord, cela passe avant tout, selon moi, par l’éducation. Nous avons eu un beau débat à ce sujet la semaine dernière, lors de l’examen de la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif.
C’est à l’école que l’on doit apprendre ce qu’est que l’engagement, ce qu’est le fait associatif, ce qu’est le fait de donner de son temps pour les autres, sans compter. Sans doute existe-t-il des marges de progression, notamment au travers de l’enseignement moral et civique, qui me semble devoir être le cadre par lequel se fait le contact avec les associations, par lequel on découvre le sens de l’engagement bénévole. Des travaux ont été engagés en ce sens avec Jean-Michel Blanquer, des décisions ont été prises et des évolutions ont eu lieu, s’agissant de l’école primaire.
À mon sens, cependant, il faut un continuum d’engagement tout au long de la scolarité, pour faire en sorte que l’école devienne un pivot d’engagement pour les élèves, qui leur donne les voies et les moyens pour s’engager. Nous y travaillons.
Susciter le bénévolat passe ensuite, beaucoup d’interventions ont abordé ce point, par le soutien au tissu associatif. Des chiffres ont été donnés, je vais en rappeler un qui est important et qu’a cité le sénateur Bernard Buis : 1,4 milliard d’euros ont été rendus par l’État en trésorerie aux associations en cette année 2019, parce que nous avons transformé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en baisse de charges. Le CICE ne profitait qu’aux entreprises, et non aux associations ; aujourd’hui, celles-ci bénéficient en net d’une réduction de cotisations salariales qui vient alléger la pression fiscale qui pesait sur elles.
Évidemment, cela concerne les associations qui salarient et non celles qui sont composées exclusivement de bénévoles. Pour soutenir ces dernières, nous avons fait le choix du fameux FDVA, qui a remplacé la réserve parlementaire. J’ai eu l’occasion de le dire la semaine dernière, j’étais député à l’époque de cette transformation, et j’avais alors regretté que l’on n’atteigne pas le même montant que dans le dispositif précédent. Il serait un peu hypocrite de prétendre le contraire maintenant que je suis membre du Gouvernement, et je m’en garderai.
En revanche, la vraie différence entre le FDVA et la réserve parlementaire, c’est que le premier ne cible que de petites associations de bénévoles, alors qu’un certain volume de la seconde, que l’on pourrait d’ailleurs chercher à connaître, venait au soutien de gros réseaux associatifs, ceux qui bénéficient aujourd’hui de la réduction des cotisations salariales. Il faudrait donc calculer la part de la réserve parlementaire qui allait à des associations composées exclusivement de bénévoles. Voyez, on parvient toujours à trouver des raisons à ce que l’on fait ! Nous allons continuer à travailler sur ce point, mais il fallait le dire.
Je souhaite rappeler certains chiffres : on a beaucoup parlé de désengagement de l’État, mais les subventions aux associations atteignent aujourd’hui 4,5 milliards d’euros. C’est massif ! Cela représente un ordre de grandeur très différent de ce qui est avancé à propos de l’impact d’une mesure fiscale.
En outre, les interventions politiques ne mettent malheureusement que trop rarement en avant ce que l’on appelle la dépense fiscale. On accuse souvent l’État de se dégager des subventions au profit de la générosité et des dons des particuliers ou des entreprises. Derrière ces dons, pourtant, il y a le plus souvent un don de l’État au travers d’une défiscalisation. Cette dépense fiscale augmente et s’établit aujourd’hui à 2,8 milliards d’euros. Ces chiffres macroéconomiques ne sont jamais entièrement incarnés, ne parlent pas toujours aux personnes qui s’engagent concrètement dans les territoires chaque jour, mais il me semblait important de les rappeler.
Susciter le bénévolat, enfin, cela passe par la mise en relation des associations et des futurs bénévoles. Ce point a été évoqué, notamment par le sénateur Pellevat à l’instant. Beaucoup de Français se disent prêts à s’engager et à donner de leur temps, mais ne savent pas toujours où le faire.
Pour reprendre les propos du sénateur Lozach, le service national universel peut, et doit, constituer un moyen de mettre en relation notre jeunesse avec les associations. Il comprendra en effet une mission d’intérêt général de quinze jours, qui pourra être réalisée dans une association, dans une collectivité locale ou auprès d’un corps en uniforme. Ce sera un moyen, d’abord, de montrer à des jeunes les associations qui agissent sur leur territoire, ce qui est très important, et, ensuite, de leur prouver qu’ils peuvent être utiles. On évoque parfois une crise de l’engagement des jeunes, qui reste selon moi à démontrer ; pourtant, si certains d’entre eux ne s’engagent pas, ce n’est pas parce qu’ils n’en ont pas envie ou parce qu’ils ne sont pas tournés vers les autres, c’est parce qu’ils ont le sentiment qu’ils n’ont rien à apporter. Notre pays a encore du mal à démontrer à ces jeunes leur utilité sociale. Avec le service national universel, nous allons pouvoir prouver à tous les jeunes de France qu’ils peuvent apporter leur pierre à des associations sur le terrain, et nous souhaitons que cet engagement se concrétise ensuite dans la durée.
D’autres projets sont également concernés, comme la réserve civique, sur laquelle le Haut-Commissariat à l’engagement civique travaille depuis plusieurs années. Une plateforme numérique permet à tout Français de se géolocaliser et de découvrir les associations qui ont besoin, autour de lui, d’un appui bénévole.
La nature du bénévolat lui-même a évolué et l’on constate qu’il y a moins de volontaires sur la durée, non parce que les contraintes seraient trop importantes, mais parce que les formes d’engagement ont changé : on s’engage plus facilement pour des causes de manière épisodique, que dans des structures à plus long terme.
Il faut prendre ce fait en considération et donner aux Français la possibilité de s’impliquer dans une cause puis dans une autre, dans une association puis dans une autre. À cette fin, nous devons leur indiquer les besoins des associations qui agissent autour d’eux. Cela fait partie des projets importants que nous soutiendrons dans les mois qui viennent.
J’en viens maintenant au deuxième niveau de soutien de la puissance publique au bénévolat. Il s’agit de donner aux bénévoles les moyens de le rester. Beaucoup de choses ont été dites sur ce sujet et je ne reviens pas sur le constat.
Les bénévoles ont besoin de temps, notamment quand ils travaillent, pour accomplir leur action. Nous avons débattu la semaine dernière de la question des congés d’engagement. De beaux dispositifs existent depuis la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, qui sont insuffisamment connus des salariés, des bénévoles et sans doute aussi des employeurs. Nous devons donc nous efforcer de les rendre plus lisibles et plus accessibles aux salariés. Ce travail est engagé et je lancerai prochainement une mission parlementaire en ce sens.
Il a été fait mention de l’amendement adopté au Sénat la semaine dernière, qui vise à rémunérer trois jours de congé pour engagement. J’indique de nouveau que je suis défavorable à cette mesure. Lorsque l’on est rémunéré, comme si l’on travaillait, peut-on encore être considéré comme bénévole ? Non, d’après la définition du terme, ainsi que selon les débats qui ont conduit à l’adoption de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. Cette question avait alors été posée et les sénateurs eux-mêmes avaient refusé que le congé pour engagement soit rémunéré, car cela aurait transformé cet engagement en autre chose que du bénévolat, peut-être du mécénat de compétences, qui existe par ailleurs et qu’il faut continuer à valoriser.
Il faut encore travailler sur ce dispositif. Les sénateurs Bazin et Savin m’ont demandé si d’autres pistes étaient possibles. Je suis ouvert à toutes les idées et je travaille avec les associations ; dans le cadre du grand débat national, j’ai beaucoup discuté avec celles des Bouches-du-Rhône. Certaines idées qui viennent du terrain sont extrêmement intéressantes ; je les étudie et je les proposerai au Président de la République.
Faut-il aller plus loin ? Faut-il autoriser, en le plafonnant, le don de RTT, à l’instar de ce qui existe maintenant pour les parents d’enfants malades, en faveur des salariés responsables associatifs, afin que leurs collègues puissent les aider à s’engager davantage ? Cela fait partie des pistes que l’on peut envisager. Je suis tout à fait favorable à ce que nous les expertisions, nous sommes d’ailleurs en train de le faire.
Outre le temps, les bénévoles ont besoin de formation pour poursuivre leur action, cela a été dit également. Qui connaît la vie des associations sait qu’il s’agit là d’un point absolument central, qui ne fait pourtant pas les titres de la presse grand public. Être un responsable associatif bénévole impose d’être formé, d’être armé pour exercer cette activité qui emporte un certain nombre de responsabilités.
La formation des bénévoles est aujourd’hui financée par le FDVA 1, antérieur à la création du FDVA 2 en remplacement de la réserve parlementaire ; 170 000 bénévoles sont formés chaque année, pour un budget de 8 millions d’euros. Ce n’est évidemment pas suffisant. C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé à la fin de l’année dernière que nous allions augmenter ce budget de 25 % dès cette année. Le FDVA formation passe donc de 8 à 10 millions d’euros, afin de former plus de bénévoles. Dans le contexte contraint que nous connaissons, cet investissement est important et nous cherchons à développer encore les perspectives financières de ce fonds.
Une autre proposition de loi sur la vie associative sera prochainement soumise au Sénat, puisqu’elle sera examinée par l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines. Elle vise à permettre l’identification des comptes bancaires inactifs liés à des associations, pour capter ces fonds et les flécher vers le financement de la vie associative plutôt que de les laisser tomber dans le budget général de l’État, ce qui semble être justice.
Le troisième niveau d’intervention consiste à permettre aux bénévoles de valoriser leur action. Beaucoup de choses ont été dites sur cette question, dont l’incidence s’étend à toutes les autres : démontrer que l’action d’un bénévole peut-être valorisée permet de susciter de nouvelles vocations et pousse également d’autres bénévoles à le rester.
J’assume l’idée selon laquelle, lorsque l’on s’engage, c’est pour les autres, pour l’intérêt général, mais c’est aussi pour soi, parce que l’on découvre des choses, parce que l’on rencontre de nouvelles personnes, parce que l’on s’épanouit, parce que l’on développe certaines compétences.
Cette dimension a été prise en compte dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, ainsi que dans la création du compte d’engagement citoyen, que plusieurs d’entre vous ont évoqué. Il s’agit, à mon sens, d’un dispositif qu’il faut saluer, car il permet aux dirigeants associatifs de valoriser leur engagement bénévole en obtenant des points, qui peuvent ensuite être consacrés à la formation.
Le sénateur Pellevat me demandait, à propos de ce compte, dans quelle mesure il nous semblait possible d’aller plus loin, notamment sur la question des barèmes ; nous pouvons étudier ses propositions.
J’ai, quant à moi, annoncé à la fin de l’année dernière que nous allions élargir les publics qui peuvent en bénéficier. Aujourd’hui, un certain nombre de bénévoles réguliers en sont exclus, notamment ceux qui, sans être dirigeants, sont encadrants associatifs. Cela concerne majoritairement les encadrants sportifs et les chefs et les cheftaines scouts. J’ai pris la décision de permettre à ces 70 000 personnes supplémentaires de disposer d’un compte d’engagement citoyen, ce qui représente un investissement important, qu’il faut saluer.
La valorisation de l’engagement, c’est aussi la valorisation des compétences acquises à l’occasion de l’activité associative. La question de la validation des acquis de l’expérience, la VAE, a été abordée ; j’y suis évidemment favorable et je souhaite qu’elle puisse se développer.
Il s’agit, toutefois, d’un processus long, qui se déroule dans le cadre universitaire, dans une perspective diplômante. On peut développer la VAE, tout en permettant de certifier non pas l’obtention d’un diplôme, mais l’acquisition de compétences par des bénévoles à l’occasion de leur engagement. Beaucoup d’entre eux développent une aptitude en gestion de projet, en communication, en recherche de subventions et ces compétences doivent pouvoir être mises en valeur dans une logique d’insertion professionnelle.
Cela requiert deux éléments : tout d’abord, je l’ai annoncée, la mise en place par l’État de certifications gratuites pour les bénévoles, au travers des modules, notamment numériques, basés sur des questionnaires en ligne, puis, la reconnaissance de ses compétences par la suite. La clé est là, nous le savons : si ces compétences sont certifiées, mais qu’elles ne sont pas converties dans la poursuite de l’insertion, le processus n’aura pas de sens.
C’est pourquoi j’ai lancé un travail avec des associations qui se sont consacrées à la valorisation des compétences : France Bénévolat, évidemment, mais aussi la Jeune Chambre économique française, qui a développé le CV citoyen, un formidable outil qui permet, sur le modèle d’un CV classique, de mettre en valeur les engagements associatifs dans une logique d’insertion professionnelle, ou Article 1, une association que je rencontrerai prochainement.
Beaucoup d’acteurs ont développé ces idées, et je souhaite que nous convergions vers une forme de référentiel commun, dont l’effet serait plus important. Reste à travailler avec les employeurs, avec les directeurs des ressources humaines, avec le patronat, afin que ces acteurs le reconnaissent également.
Sur ce dernier point, je suis très optimiste, parce que l’engagement bénévole permet de mettre en œuvre ce que l’on appelle les « savoir-être », les compétences sociales, la capacité à évoluer dans un collectif ou à prendre des initiatives, qui sont très recherchées par les employeurs et qui se développent dans le contexte associatif plus encore que lors de formations professionnelles.
J’ai reçu les représentants du patronat – le président et la vice-présidente du Medef – et j’ai perçu chez eux un écho très favorable. Dans leur discours, une phrase m’a beaucoup marqué : « le bas du CV est en train de devenir le haut du CV. » Les employeurs prêtent de plus en plus attention aux engagements des candidats avant de faire leur choix. Il faudra assumer cela et le mettre en avant, parce que c’est un élément susceptible de convaincre un certain nombre de jeunes de s’engager, dans la mesure où cela représente un plus pour leur insertion et pour la suite de leur carrière.
En conclusion, le bénévolat est un très beau sujet, un sujet de rassemblement, un sujet fédérateur. On peut critiquer telle ou telle mesure, telle ou telle décision politique, telle ou telle réforme, et cela a été fait ; nous pouvons avoir des désaccords politiques quant à l’effet de certaines dispositions, qu’il faut d’ailleurs mesurer en permanence. J’ai à l’esprit ce qui a été dit sur l’ISF, notamment, et nous nous pencherons sur ce problème avec beaucoup d’attention. Les premiers chiffres sur le niveau des dons nous seront communiqués par Bercy à la fin du mois.
Ce thème est fédérateur, et je suis ouvert et disponible pour travailler avec toutes celles et tous ceux d’entre vous qui souhaitent nous accompagner pour renforcer la vie associative dans notre pays, parce que cela permet de développer la solidarité, le lien social, une économie plus humaine. Le bénévolat est une école de la citoyenneté et de la démocratie pour tous les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Jean-Jacques Lozach applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur la juste mesure du bénévolat dans la société française.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 14 mars 2019 :
À dix heures trente : débat sur le thème : « Le bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles. »
À quatorze heures trente :
Débat sur la précarité énergétique des ménages.
Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, pour soutenir la lutte contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines présentée par Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Marta de Cidrac et plusieurs de leurs collègues. (texte n° 302, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures cinquante.)
nomination d’un membre d’une mission d’information
Le groupe Les Indépendants - République et Territoires a présenté une candidature pour la mission d’information sur le thème « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? ».
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Dany Wattebled est membre de la mission d’information sur le thème « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? », en remplacement de M. Alain Fouché.
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER