M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. À titre personnel, et en tant que sénateur francilien, je ferai partie de ceux qui seront d’une extrême vigilance quant à l’évolution du texte sur les thématiques vitales touchant la région d’Île-de-France. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. La loi sur les mobilités fait l’objet d’une attente forte de la part de nos concitoyens. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui est le fruit d’un long travail, puisqu’il a été élaboré à la suite des Assises nationales de la mobilité, lancées il y a déjà un an.
La question des mobilités sur l’ensemble de notre territoire est essentielle et déterminante pour la cohésion sociale, comme le montre le fait que le mouvement des « gilets jaunes » a été déclenché par une hausse de la fiscalité sur le gazole. Elle doit donc retenir notre plus grande attention.
Ce texte n’est pas encore satisfaisant : nous pensons qu’il ne va pas assez loin sur certains points et nous regrettons qu’il ait été fortement réduit par rapport à ce qu’il était initialement. Nous regrettons notamment, comme cela a déjà été souligné, qu’il ne règle pas la question des financements.
En revanche, nous saluons le travail du rapporteur, Didier Mandelli, qui a permis l’adoption à l’unanimité de nombreux amendements, permettant ainsi des évolutions remarquables du texte lors de son examen en commission. Le débat en séance nous offre une occasion d’en voter d’autres.
Si le groupe socialiste est encore réservé sur ce texte, il est convaincu que le débat doit avoir lieu. Après un long travail approfondi, des avancées obtenues en commission et d’autres peut-être à venir, il serait regrettable de le différer.
Adopter cette motion reviendrait à renoncer à convaincre et peut-être à réduire notre propre parole. Or nous avons des propositions constructives à faire, sur lesquelles nous espérons être entendus.
Nous souhaitons que ce débat puisse se tenir dans un esprit apaisé, sans céder à la provocation politique, comme la remise en cause des droits acquis, ce qui pourrait permettre, dans un esprit de conciliation, d’aboutir à des positions de consensus comme nous y sommes déjà parvenus en commission. Nous serons donc particulièrement vigilants sur tout recul du droit des salariés.
Le groupe socialiste votera contre cette motion. Si nous comprenons, à certains égards, les arguments qui ont été développés à la fois sur le fond et la forme par nos collègues du groupe communiste, il nous semble nécessaire de débattre, avec même l’espoir, en fonction d’éventuelles avancées du texte et de notre vigilance sur certains points, de parvenir à une issue favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour explication de vote.
Mme Michèle Vullien. Inutile de dire que le groupe Union Centriste votera contre cette motion. Il est absolument indispensable de traiter ces problèmes de mobilité.
La participation très large aux Assises nationales de la mobilité a montré combien nos concitoyens étaient attentifs à cette question, comme l’attestent également les demandes qui émergent des mouvements sociaux actuels. Récemment, j’ai pris part à une réunion en présence du nouveau préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui m’a confirmé que, partout où il allait, il entendait : « Mobilité ! Mobilité ! Mobilité ! »
Permettez-moi un petit clin d’œil : la première mobilité, c’est le spermatozoïde ; la dernière mobilité, c’est la dispersion des cendres. (Exclamations amusées sur plusieurs travées.) Entre les deux, c’est la vie ! Parlons de la vie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Ce texte a le mérite d’exister et contient de bonnes propositions. Les territoires les attendent depuis des années. Ce n’est donc pas le moment de reculer. Par conséquent, le groupe Les Indépendants votera contre cette motion. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Tout le monde prenant la parole, je me dois d’intervenir au nom du groupe du RDSE. (Sourires.)
Compte tenu de notre tradition d’écoute, de dialogue et d’échange, nous sommes par principe contre les motions tendant à opposer la question préalable. Par conséquent, nous voterons contre celle-ci. En outre, comme nous avons déposé près de cent amendements, nous pensons que nous allons contribuer à un bon débat ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 106, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion de la loi d’orientation des mobilités est un moment important de notre calendrier parlementaire. L’ouverture des travaux législatifs ici, au Sénat, traduit la reconnaissance de l’importance de cet enjeu de la mobilité pour les territoires et les collectivités.
La précédente loi-cadre sur le sujet, la LOTI, date de 1982 – il y a plus de trente-cinq ans ! Nous parlions alors de « transports intérieurs ». En parlant aujourd’hui de mobilités, nous montrons que notre approche a changé. Nous parlons même, cela reviendra dans le débat, de « droit à la mobilité », et je voudrais tout d’abord m’arrêter sur ce terme.
Depuis 1982, nous avons beaucoup investi : en TGV, en autoroutes, en aéroports… Nous avons changé la France et ses dynamiques de développement, grâce en particulier au TGV, les métropoles se sont affirmées, nous sommes sortis de la logique du Paris et le désert français, le célèbre livre de Jean-François Gravier paru en 1947. Mais, et il faut s’arrêter sur ce paradoxe, ce rééquilibrage permis par les infrastructures n’est pas ainsi perçu par tous nos concitoyens. Assèchement économique des territoires non métropolitains, étalement urbain et congestion des entrées de ville au petit matin, coût de la mobilité thermique disent une France en difficulté de mobilité, et la crise des « gilets jaunes » est dans toutes les têtes.
Cette France à deux ou trois vitesses nous interpelle. Aussi, il est essentiel de souligner en introduction que, sans une politique de meilleure répartition des emplois, d’aménagement économique volontariste du territoire, les politiques de mobilité resteront en partie inefficientes, tentant de résoudre des problèmes dont elles ne sont pas à l’origine.
Vous connaissez la vigilance et l’engagement du groupe du RDSE en faveur de cette exigence d’aménagement du territoire. En ce sens, nous regrettons que ce texte ne nous permette pas de discuter de tous les aspects de mobilité ayant un rôle clé d’aménagement du territoire, comme la gouvernance portuaire ou les aéroports de proximité, dont le rôle est précieux pour maintenir des entreprises dans des secteurs par ailleurs mal desservis – vous aurez noté que je peux même défendre des aéroports !
Cela étant dit, nous saluons, madame la ministre, le changement de discours que vous impulsez, cette priorité donnée aux mobilités du quotidien. C’est ainsi l’ouverture d’un nouveau cycle stratégique, qui doit participer de la cohésion nationale et, par ces financements, à la redistribution des richesses.
Sur le financement, justement, le texte n’est pas sans lacunes, et nous savons tous les centaines de millions d’euros qui manquent au budget de l’Afitf. Nous avons déjà, en commission, sur proposition de notre rapporteur, tenté de sécuriser une partie de ces financements en les dégageant de recettes aléatoires, mais nous ne pouvons que regretter que l’application du fameux article 40, qui mériterait d’être remise à plat – c’est une discussion entre nous –, nous prive d’importants débats sur d’autres recettes possibles, en particulier la participation des camions internationaux en transit, pour le financement des routes.
Plus largement, si nous soutenons évidemment la décentralisation des approches stratégiques, cela ne peut se faire sans un maintien d’une forte péréquation, d’une solidarité nationale forte, qui mériterait d’être mieux explicitée.
Ce texte veut donner aux territoires plus de responsabilités au travers de la généralisation du rôle d’autorité organisatrice des mobilités. Nous ne pouvons que souscrire à cette approche décentralisatrice, au renforcement du couple région-intercommunalité. Je ne peux que m’en féliciter, et le parallèle est évident avec la loi de transition énergétique et pour la croissance verte, votée sous le précédent quinquennat, qui avait aussi renforcé ce même couple pour l’action climatique.
En tant que président du groupe de travail « gouvernance » du débat national sur la transition énergétique, nous avions justement porté cette même proposition du tandem région-intercommunalité. De ce fait, le rapprochement entre les plans Climat et les plans de mobilité est assez évident, et je remercie le rapporteur Didier Mandelli d’avoir accepté les amendements tendant à renforcer cette articulation. Je crois d’ailleurs que nous sommes nombreux, sur ces travées, à le remercier, lui qui a fait preuve d’une grande ouverture pour intégrer au texte des amendements venant de tous les groupes. (M. Jean-François Husson applaudit.)
M. Mathieu Darnaud. Bravo !
M. Ronan Dantec. À propos de l’action contre le dérèglement climatique, ce texte reste encore très timide sur plusieurs points clés : les moyens de ramener le transport de fret vers le rail et la perspective d’interdiction de vente à l’horizon de 2040 des véhicules thermiques neufs.
Sur ce dernier point, le recul de l’État par rapport au plan Climat, puisque cet horizon est cité non plus dans la loi, mais simplement dans son préambule, ne peut que nous inquiéter. Cela ne donne pas aux constructeurs automobiles une perspective claire pour s’engager résolument dans cette mutation, ce qui détonne par rapport aux autres pays européens. Cette fin de la commercialisation des véhicules thermiques est prévue pour 2030 au Danemark, en Suède, aux Pays-Bas et en Irlande – et même en Inde – et pour 2040 au Royaume-Uni et en Espagne. Notre industrie automobile doit être engagée résolument dans cette mutation pour ne pas être marginalisée demain. Elle a donc besoin de signaux très clairs de la part de l’État.
Cette réduction hautement nécessaire de nos émissions de gaz à effet de serre passe aussi par les nouvelles mobilités, même si elles ne répondent pas à tout : un bouchon de véhicules autonomes reste un bouchon, avec des véhicules à l’arrêt ! Aussi, nous devons rester volontaristes dans les signaux donnés aux modes de transport doux, notamment le vélo, en étant néanmoins conscients que leur développement et leur présence massive dans l’espace public appellent de nouvelles régulations. Le Sénat a fait œuvre utile en développant quelques facilités pour les cyclistes dans les trains ou les parkings ; il serait dommage, madame la ministre, que le Gouvernement revienne en arrière sur certaines de ces modestes avancées.
Nous serons donc vigilants. Les deux semaines qui s’ouvrent doivent nous permettre d’améliorer encore ce texte, qui nous semble néanmoins aller dans le bon sens. Le groupe du RDSE devrait donc très largement le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons cet après-midi vient moderniser le cadre des transports, qui deviennent « mobilités ». Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait choisi le Sénat pour présenter en premier ce texte ambitieux.
Le but visé par le Gouvernement – proposer aux Français une solution de substitution face au « tout-voiture » – va dans le bon sens. Nous pensons aussi qu’il faut faire confiance aux territoires et aux collectivités qui les administrent pour développer des solutions adaptées à leurs réalités. Ces collectivités sont les plus à même de prendre des dispositions permettant d’établir une mobilité vraiment durable et crédible.
C’est donc une très bonne idée de décentraliser davantage ; les territoires de ce pays peuvent faire beaucoup, mais pas sans moyens. Ces derniers sont à la fois juridiques – c’est l’objet, pour partie, du présent texte – et financiers : il faut le garder à l’esprit, et cette réalité n’a pas été totalement oubliée.
Je tiens à saluer certaines avancées de ce projet de loi en matière environnementale. Il existe en effet bon nombre de moyens de faire de l’écologie positive.
Nous nous félicitons, à cet égard, de la place qui a été accordée au vélo. La France devait se doter des moyens nécessaires au développement de l’usage de la bicyclette. Nous avons beaucoup de retard sur nos proches voisins européens ; je penche aux Belges, aux Hollandais ou encore aux Allemands. Les Français seront davantage incités à devenir cyclistes : la création de stationnements sécurisés pour vélos et de parcours cyclables d’envergure au travers du schéma national des véloroutes sera un élément décisif.
Le territoire où je vis est une ruralité mixte, à la fois agricole et industrielle, faite d’usines et de fermes réparties entre de nombreux villages. Le covoiturage y a toute sa place. Il fait intervenir les entreprises, avec le « forfait mobilités durables », les collectivités, avec la création de voies de circulation réservées, et les autorités organisatrices de la mobilité, qui auront désormais la possibilité d’apporter une aide financière aux covoitureurs. C’est le cas pour la communauté de communes où je vis : elle a pris cette compétence depuis longtemps. Par les initiatives qu’elle déploie en la matière, elle démontre tout l’intérêt qu’il y a à donner les moyens d’agir à des intercommunalités regroupant une centaine de communes : cette manière de faire est non seulement extrêmement moderne, mais extrêmement efficace.
De nombreux points complémentaires pourraient être relevés. Je pense, par exemple, à la place de l’hydrogène dans la mobilité. Il n’y a pas de raison pour que le train à hydrogène ne circule pas encore sur nos lignes, alors qu’il est déjà en service en Allemagne. L’hydrogène est une énergie qui a de l’avenir ; j’en suis profondément convaincu. Je pense, évidemment – madame la ministre, vous ne m’en voudrez pas –, à l’avenir du canal Seine-Nord-Europe. Est-il vraiment nécessaire de changer, par la loi, le statut de l’établissement public ? J’ai vu que le Conseil d’État en doutait. Je rappelle que ce canal n’est pas simplement une voie de transport fluvial ; c’est aussi et surtout un outil d’aménagement du territoire. Les élus de la région Hauts-de-France, qui sont nombreux dans cet hémicycle, sont donc impatients de voir l’État y apporter sa contribution.
Les élus du groupe Les Indépendants soutiennent les grandes orientations de ce projet de loi. Ils saluent, eux aussi, le travail formidable accompli par Didier Mandelli, la qualité du résultat obtenu et l’ouverture dont il a fait preuve.
M. Charles Revet. Bravo ! C’est mérité !
M. Jérôme Bignon. Nous croyons beaucoup à l’intermodalité dans le domaine de la mobilité, notamment collective. La diversité des réalités de notre pays appelle une pluralité de solutions. (MM. Alain Fouché et François Patriat applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « à en croire certains esprits bornés – c’est le qualificatif qui leur convient –, l’humanité serait renfermée dans un cercle de Popilius qu’elle ne saurait franchir, et condamnée à végéter sur ce globe sans jamais pouvoir s’élancer dans les espaces planétaires ! Il n’en est rien ! On va aller à la lune, on ira aux planètes, on ira aux étoiles, comme on va aujourd’hui de Liverpool à New York, facilement, rapidement, sûrement, et l’océan atmosphérique sera bientôt traversé comme les océans de la lune ! » Voilà ce qu’écrivait Jules Verne au XIXe siècle.
En 2019, dans notre pays, nous nous interrogeons encore, certes, sur la réalité des voyages planétaires, mais bien davantage sur les trajets, les déplacements et les mobilités du quotidien. Cette question, je l’évoquais il y a encore quelques jours à Anor. Outre que cette charmante commune de l’Avesnois a la particularité d’être le point culminant du département du Nord, ses 3 300 habitants rencontrent aujourd’hui bien des difficultés dans leurs mobilités du quotidien, qu’il s’agisse de l’emploi, de la santé, des loisirs ou encore de la vie familiale. Anor n’est, hélas ! pas un cas isolé dans notre pays et témoigne bien des difficultés auxquelles se heurtent nos concitoyens, par trop souvent « assignés à résidence ».
« Mobilité, mobilités », nous disent depuis plusieurs semaines nos concitoyens ; il n’est pas une seule rencontre qui se soit tenue dans le cadre du grand débat national dans laquelle ce thème ait été abordé, que l’on soit en ville ou à la campagne. En effet, le besoin de mobilité est réel : le besoin de mobilité partagée, de mobilité fiscalement et socialement juste, mais aussi et surtout le besoin d’une mobilité pensée à l’aune des enjeux climatiques. Nos concitoyens veulent pouvoir vivre la mobilité, mais une mobilité qui soit pensée, organisée, accessible, pratique et aussi de plus en plus propre.
Dès lors, oui, un projet de loi d’orientation des mobilités prend sens dans la France de 2019 ! Nous commençons l’examen d’un texte qui – nous l’espérons tous, quelles que soient nos convictions respectives – doit faire date et ouvrir des perspectives positives pour nos concitoyens. Le Sénat a œuvré dans ce sens. Qu’il me soit permis de féliciter notre rapporteur, Didier Mandelli, pour la qualité du travail mené dans un souci permanent d’associer tous les commissaires à ce texte.
La physionomie de ce projet de loi a évolué depuis son passage en commission. Ainsi, priorité est désormais donnée à l’épineuse question des infrastructures et de la trajectoire financière que notre pays entend donner à nos infrastructures. Il s’agit là d’un préalable nécessaire à toute mobilité et à la réduction des fractures territoriales et sociales.
On doit évidemment évoquer les nouvelles infrastructures, mais aussi et surtout l’entretien et la remise à niveau du patrimoine existant, alpha et oméga de toute mobilité réussie, qu’elle soit pédestre, cyclable ou automobile. Ne nous trompons pas de combat en pointant du doigt l’automobile, cette bagnole devenue le mal du siècle, mais appelée demain à un nouvel avenir dans le cadre de ce que nous sommes nombreux ici à appeler de nos vœux : la fin du moteur thermique et le recours aux énergies décarbonées.
La question des infrastructures est essentielle, tout comme la question de la gouvernance et l’assurance qu’il n’y ait plus, demain, de « zones blanches » de mobilités.
Permettre aux collectivités territoriales de se saisir pleinement de la compétence mobilité, c’est la garantie pour nos concitoyens de pouvoir se déplacer d’un point A à un point B, et là est l’essentiel. Encore faut-il, pour ce faire, que les collectivités en aient les moyens et que ces chantiers soient menés dans des délais que nous qualifierons de raisonnables, au regard des renouvellements qui interviendront notamment en 2020.
En matière de mobilités, il nous faut aller vers l’idéal et comprendre le réel ; je sais, madame la ministre, que ce point de vue est aussi le vôtre. Nous aurons l’occasion d’évoquer ce sujet à l’occasion de nos débats, mais nous partageons tous ici la même envie : donner aux collectivités les moyens de réussir la révolution, les révolutions des mobilités. N’ayons pas peur des mots : nous parlons d’une véritable révolution des usages et de révolution climatique en tentant de lutter efficacement contre la pollution de l’air.
Avec la loi d’orientation des mobilités, nous disposerons demain d’une boîte à outils qui doit permettre, avant toute modélisation, d’expérimenter des modes de transport dont on a parfois tendance à penser, à tort, qu’ils ne sont pas faits pour nous, qu’ils ne sont pas adaptés aux contraintes du monde moderne.
Mes chers collègues, à ce titre, permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur le vélo, comme l’ont fait les orateurs qui m’ont précédé. Il nous faut mettre le paquet pour faire vivre l’ambitieux plan Vélo et affirmer sans ambages qu’il s’agit là d’un vrai moyen de transport. En effet, contrairement à des idées trop souvent reçues, le vélo du quotidien n’est pas réservé aux habitants de plats pays ou aux citadins. La pratique du vélo, et notamment du vélo à assistance électrique, doit être encouragée au travers de diverses mesures. Je pense non seulement à certaines dispositions de ce texte, mais aussi à plusieurs amendements déposés, ou encore à des initiatives comme celle que je vais proposer ici et maintenant.
Monsieur le président du Sénat, équipons notre maison, le Sénat, d’une flotte de vélos à assistance électrique. Ils pourront être utilisés par les collaborateurs et par nous, sénateurs, qui avons à nous rendre, par exemple, dans différents ministères, notamment le vôtre, madame la ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
Madame la présidente, je vous remets donc cette proposition, à l’attention de M. le président du Sénat. Le Sénat est au cœur des mobilités et des mobilités douces : nous devons en faire la démonstration.
Garantir le droit à la mobilité du quotidien, c’est permettre à toutes et à tous de se déplacer librement, sans contrainte aucune, en encourageant toutes les formes de mobilité et en incitant nos concitoyens à tendre vers une mobilité partagée. Nous défendrons ainsi un certain nombre de mesures au sujet du covoiturage ou encore, sur le volet financier, à propos du « forfait mobilités ». À notre sens, celui-ci doit prendre en compte toutes les formes de mobilité, dans leur complexité et avec leurs diverses complémentarités.
Le sujet des mobilités est décidément passionnant, car, en définitive, il structure notre société. Avec ce texte, il peut préfigurer ce nouveau contrat social auquel bon nombre de nos concitoyens aspirent et dont la nécessité est plus qu’avérée dans un monde en permanente évolution.
Notre responsabilité est immense, pour aujourd’hui, mais aussi et surtout pour demain et après-demain, dans tout le champ des mobilités, sans oublier – cela a été dit – le ferroviaire ou encore le secteur fluvial, que nous ne voulons plus voir comme un chef-d’œuvre en péril.
Notre responsabilité est immense, et le Sénat doit être au rendez-vous. Il l’est d’ailleurs, à en juger par le nombre d’amendements déposés sur ce texte, témoignant d’une appétence féroce pour le sujet.
Le temps du débat est désormais devant nous, et il convient de procéder, en séance publique, avec le même esprit qu’en commission ; ainsi, il a été possible d’écouter tous les acteurs de la mobilité, d’échanger avec eux. D’ailleurs, madame la ministre, ils saluent la méthode employée dans le cadre des Assises nationales de la mobilité. Elle a permis de faire vivre le débat, un vrai débat.
Est maintenant venu le temps de l’action et des solutions. Ces dernières s’inscrivent dans le cadre d’une volonté dont nous ne doutons pas. Bien sûr, il reste encore quelques forteresses à prendre, mais c’est ensemble que nous y parviendrons.
Nous ne pouvons plus attendre, car nos concitoyens ne comprendraient ni ne pardonneraient.
Nous ne pouvons plus attendre, car l’urgence climatique est là, et l’affirmation, dans la loi, de la fin de la vente des véhicules thermiques pour 2040 est un marqueur fort qu’il nous faut confirmer.
L’urgence climatique, nous devons y répondre avec ce texte de loi, et les outils ne manquent pas : les zones à faibles émissions, les énergies propres, le déploiement du vélo sont autant de points saillants sur lesquels nous ne pouvons pas transiger et qui appellent une prise de conscience collective ; autant d’enjeux que nous examinerons dans les prochains jours et qui rendent ce texte indispensable.
Ce projet de loi doit permettre d’encourager les collectivités à agir encore et toujours. C’est le cas à Anor, que j’évoquais précédemment, avec la belle initiative My Anor, My Mobility, qui s’inscrit dans le cadre plus global d’une opération menée à l’échelle de l’Avesnois.
Oui, madame la ministre, à Anor, on attend beaucoup de la loi d’orientation des mobilités ! Mais cette attente est à l’échelle de tous nos territoires, inventifs pour les mobilités de demain, qui n’ont qu’une seule envie : aller plus loin ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Gérard Larcher. Mon cher collègue, je transmettrai votre proposition aux questeurs !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après une bonne année de péripéties, voici enfin le projet de loi d’orientation des mobilités, texte tant attendu. Nous aurions préféré l’examiner au printemps dernier, en même temps que la réforme ferroviaire : ce choix aurait été plus cohérent. Nous aurions préféré l’examiner dans sa version initiale, à 220 articles, avant que les réunions interministérielles ne le vident de sa substance et particulièrement de ses financements…
Entre-temps, le mouvement des « gilets jaunes » est venu rappeler l’enjeu primordial que constitue la mobilité pour nos concitoyens. Dans notre pays, l’urbanisme a été façonné par la voiture, qui relie de plus en plus des zones-dortoirs délaissées et des métropoles encombrées. André Gorz nous avait pourtant prévenus dès 1973, dans son visionnaire petit essai, L’Idéologie sociale de la bagnole. Nous n’en avons rien fait, nous avons continué à développer les zones périurbaines seulement accessibles en voiture tout en laissant disparaître les lignes ferroviaires et, plus largement, les transports collectifs.
Madame la ministre, votre politique n’est que la continuité de ce mouvement, à une exception près : la prise en compte du fait qu’il est indispensable de sortir de l’ère du « tout-voiture individuelle ». Oui, mais comment ? Votre projet de loi ne répond que très partiellement à la question. La raison en est simple, et Gorz nous la donnait dès 1973 : « […] l’alternative à la bagnole ne peut être que globale. Car pour que les gens puissent renoncer à leur bagnole, il ne suffit point de leur offrir des moyens de transports collectifs plus commodes : il faut qu’ils puissent ne pas se faire transporter du tout parce qu’ils se sentiront chez eux dans leur quartier, leur commune, leur ville à l’échelle humaine, et qu’ils prendront plaisir à aller à pied de leur travail à leur domicile – à pied ou, à la rigueur, à bicyclette. »
Nous en sommes très loin. Je ne reprendrai pas l’excellente démonstration de ma collègue Éliane Assassi pour rappeler que presque rien dans ce texte ne concerne les transports collectifs – ces derniers demeurent pourtant la colonne vertébrale des mobilités –, si ce n’est l’ouverture à la concurrence de la RATP, qui fragilisera un peu plus nos capacités à entretenir et développer le réseau ferré francilien. Rien pour le rail – la question des lignes régionales est renvoyée à un énième rapport ! Rien pour le fluvial, ou presque ! Ce texte renonce d’emblée à l’ambition qui devrait être la sienne : restructurer notre réseau de transport, alors que pèse sur nous l’épée de Damoclès du changement climatique. Il s’agit, en somme, d’une boîte à outils dans laquelle manqueraient les outils essentiels.
Ce projet de loi n’est pas dénué d’intérêt pour autant, particulièrement dans la version que nous propose la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, qui l’a sérieusement musclé. Je salue à ce titre le travail de notre rapporteur, Didier Mandelli, qui n’a pas ménagé son effort et qui a pris soin d’associer l’ensemble des forces politiques à la rédaction de ce texte. Le projet de loi contient ainsi quelques dispositions intéressantes pour développer la pratique du vélo et des mobilités actives. Elles méritent toutefois d’être complétées, et plusieurs groupes le proposeront durant les débats.
Aucun maire ne se plaindra de pouvoir réguler et mettre à contribution les entreprises de free floating, qui inondent les trottoirs de vélos et de trottinettes électriques. Sur ce point également, il convient de conserver la rédaction du Sénat.
S’ils ne sauraient remplacer les transports en commun en zone urbaine, le covoiturage et l’autopartage peuvent, en zone rurale, représenter des solutions de déplacement intéressantes pour limiter l’usage de la voiture personnelle. Ils sont également le seul débouché viable de la voiture électrique, qui ne peut qu’être partagée pour remplir son ambition écologique. Là aussi, nous invitons le Gouvernement à aller plus loin à l’occasion du débat parlementaire.
En effet, pour lutter efficacement contre la pollution, dont on vient d’apprendre qu’elle tue en fait plus que le tabac – elle cause 67 000 décès par an dans notre pays –, il faut, sans mauvais jeu de mots, passer la seconde. Pour être efficace, le dispositif des zones à faibles émissions doit être renforcé et élargi à toutes les communes de plus de 50 000 habitants. Il faut également réintroduire dans le texte la fin des véhicules thermiques d’ici à 2040. Il faut aider les communes à développer leurs axes cyclables et des solutions non polluantes pour les livraisons dans le dernier kilomètre.
Cet effort passe également par le nouveau « forfait mobilités », dont nous saluons la création, mais qui, pour atteindre son but, doit être cumulable avec un abonnement de transports en commun et rendu obligatoire, afin que chaque salarié puisse en bénéficier. Voilà un moyen efficace pour développer l’intermodalité que nous appelons tous de nos vœux ! Voilà un moyen efficace pour diminuer quelque peu le coût de la mobilité et apporter un début de réponse aux revendications des « gilets jaunes » !
Mes chers collègues, sans doute aurait-il fallu, pour ce faire, attendre les conclusions du grand débat. Nous avons tenté de les anticiper en vous proposant non seulement cette solution, mais également une prise en charge accrue des abonnements de transports en commun pour les salariés au SMIC. Nous vous proposerons aussi de renforcer la démocratie dans la gouvernance des AOM, en y associant les syndicats de personnels et les associations d’usagers : ce que nous rappelle le mouvement social en cours, c’est que, pour gouverner, il faut partir des besoins de la population dans tous les territoires. Les gouvernements successifs ont eu tendance à l’oublier…
L’adoption de nos amendements ne comblera pas toutes les lacunes de ce texte, mais elle permettra de lui donner une densité supplémentaire et d’apporter davantage de réponses aux défis de la mobilité du XXIe siècle. C’est le minimum que nos concitoyens sont en droit d’exiger de la première grande loi relative aux transports depuis près de quarante ans.
Madame la ministre, nous comptons sur vous pour entendre la voix des territoires, dont le Sénat se fera, comme toujours, l’écho. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Martine Filleul applaudit également.)