Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission, je me permets de commencer cette intervention par une exclamation de surprise : déjà !
Cette fusion, au sein d’un même office, des acteurs de la biodiversité et de la chasse semblait en effet encore totalement inaccessible il y a moins de trois ans, au moment de la discussion de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Nous étions pourtant déjà un certain nombre à considérer que ce regroupement des acteurs de la nature, et notamment des agents exerçant une fonction de police de l’environnement, était nécessaire à une véritable politique de protection de la nature, qu’elle allait dans le sens de l’histoire. On nous répondait que les choses n’étaient pas mûres, que les différences, les méfiances ataviques, le fossé culturel entre les acteurs étaient bien trop importants pour permettre ce rassemblement, et qu’il fallait donc laisser du temps au temps.
Nous ne pouvons donc que féliciter le Gouvernement et le Président de la République d’avoir réussi cette prouesse : avoir trouvé les arguments pour amener les uns et les autres à cette fusion.
La création de l’office, avec dorénavant 2 700 agents publics équivalents temps plein travaillés, dote les politiques de biodiversité d’un outil important. Je salue le travail du rapporteur Jean-Claude Luche sur le renforcement des missions de police de ces agents, avec un équilibre subtil, qu’il fallait préciser, entre attributions des services dédiés, comme l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’Oclaesp, dont nous avions renforcé les moyens d’investigation dans de précédentes lois, et les nouvelles prérogatives données aux inspecteurs de l’environnement.
Toutefois, cette rapidité de la fusion entre l’AFB et l’ONCFS suscite, vous le savez, beaucoup de questions et d’inquiétudes des deux côtés. « Quelle est la véritable nature du deal entre l’État et les chasseurs ? », s’alarment les associations de protection de la nature. « La chasse ne sera-t-elle pas la perdante à terme de cette intégration, synonyme de perte d’influence ? », s’inquiètent les fédérations.
Nous n’avons pas à ce stade, disons-le, la totalité de la réponse à ces questions. Mais il y a un pari, que j’assume avec beaucoup d’autres ici : celui que les intérêts communs des chasseurs et des non-chasseurs, unis dans la défense de notre patrimoine naturel et du fonctionnement des écosystèmes, sans lesquels il n’y a ni gibier ni espèces protégées, deviennent plus importants que les seuls débats sur les dates d’ouverture et le niveau des prélèvements autorisés.
Il y aura encore des confrontations, évidemment, mais espérons que cette culture commune s’imposera progressivement. Le Sénat en a d’ailleurs souvent donné l’exemple, et, sans vouloir mettre Jean-Noël Cardoux en difficulté, tant ces interventions seront scrutées par ses camarades, je voulais rappeler que, lors du débat sur la loi relative à la biodiversité, il nous est arrivé, à lui et à moi, de défendre les mêmes amendements – le rapporteur de l’époque, Jérôme Bignon, que je salue tout particulièrement pour son investissement sur ces enjeux, pourra en témoigner.
Je soutiens donc le rapporteur dans sa volonté d’élargir la gouvernance de l’office, car il faut que tout le monde échange et discute, et je ne doute pas de la capacité de l’État à équilibrer soigneusement les représentations.
Cette méfiance se cristallise notamment autour de la question de la gestion adaptative des espèces, concept qui peut recouvrir tout et son contraire ; certains chasseurs n’aident pas à la résolution du problème, il faut le reconnaître, quand ils envisagent, y compris à haute voix, d’inscrire le goéland dans les espèces chassables…
Il ne serait pas raisonnable de sortir la liste des espèces chassables issue de la directive Oiseaux de 2009 ; surtout, il va falloir arrêter de chasser les espèces en forte régression, comme le courlis cendré ou la tourterelle des bois – j’ai d’ailleurs bien noté la préoccupation de M. Patriat à propos de cette seconde espèce.
Néanmoins, quel plaisir partagé, vous l’imaginez déjà, quand ces chasses seront de nouveau autorisées, grâce à une politique ambitieuse, portée ensemble par les chasseurs et par les écologistes, pour la préservation des biotopes et la lutte contre les pollutions, notamment chimiques ! Tel est le sens, semble-t-il, d’une gestion adaptative des espèces et d’une chasse durable. Cela rejoint aussi les propos du ministre d’État François de Rugy : « Si une espèce voit son effectif augmenter, elle peut être chassée, et inversement. » Tout est dans le « et inversement »…
À propos de gestion adaptative des espèces, notre souci commun est quand même la démographie des chasseurs eux-mêmes. Plus de 2,2 millions de chasseurs en 1975, moins de 1,2 million en 2018, dont un tiers a plus de soixante-cinq ans et seulement 2,2 % sont des femmes. Il s’agit d’un effondrement de l’espèce (Sourires.), qui ne joue plus totalement son rôle de régulation des écosystèmes, par exemple pour le sanglier.
Considérez ainsi le cri d’alarme de la Fédération des chasseurs de l’Aveyron, qui organise le covoiturage, pratique écolo s’il en est, pour amener les chasseurs restants d’un point à l’autre du département, afin de faire nombre lors des battues au sanglier. Si je puis me permettre ce modeste conseil, le monde de la chasse, plutôt que de nourrir et d’élever quelques lobbyistes à l’action discutable,…
M. François Bonhomme. Cela ne vous arrive pas, à vous ?
M. Ronan Dantec. … doit investir dans une communication nouvelle, sans s’engluer dans la défense de pratiques anciennes, condamnées à disparaître.
Je voudrais vraiment vous convaincre que ces images d’oiseaux aux plumes collées (M. Michel Raison s’exclame.) et autres scènes contribuent à détourner les jeunes de cette activité, considérée comme d’un autre temps – pour ne pas employer de termes plus polémiques. Pour assurer son avenir, la chasse doit montrer son action bénéfique et souligner, avec l’appui de scientifiques et de données fiables, son impact positif sur l’évolution des espèces. Elle susciterait ainsi de nouvelles adhésions, tant il est illusoire de penser que les loups suffiront demain à réguler suidés et cervidés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité s’inscrit dans un contexte de menaces et de pressions sans précédent pour la biodiversité. Ces pressions se traduisent dans tous les espaces naturels, agricoles et forestiers. Elles sont le fait de multiples phénomènes qui se conjuguent : changements climatiques, facteurs humains liés à la fréquentation grandissante, mais aussi fiscalité française sur le foncier défavorable aux espaces naturels et prolifération de gibiers.
La Fédération nationale des chasseurs a pris une part importante dans les débats préalables à ce projet de loi. De ce fait, les chasseurs constituent la pierre d’angle du dispositif prévu dans le cadre de ce nouvel office. Si ceux-ci sont bel et bien essentiels à la régulation des populations de gibiers, et donc au maintien d’un équilibre agro-sylvo-cynégétique, il convient que, dans un souci de légitimité et d’efficacité de l’institution, le projet de loi dont nous allons débattre appréhende le sujet de la biodiversité dans sa globalité, en posant les fondements d’une responsabilisation de l’ensemble des acteurs et d’une gestion partagée et équilibrée des espaces naturels, où chasseurs, agriculteurs, forestiers et usagers prendront en compte les réalités des uns et des autres.
C’est aujourd’hui indéniable, l’agriculture comme la sylviculture sont les victimes des dégâts de gibier, devenus insoutenables. Pour la saison de 2017, les chasseurs français ont versé plus de 37 millions d’euros aux agriculteurs, et le coût global atteindrait près de 60 millions d’euros en 2018. C’est dire le poids financier supporté par les chasseurs, mais aussi l’évolution et l’impact négatif des déséquilibres cynégétiques sur des exploitations agricoles parfois en survie.
Pour ce qui concerne la forêt, il n’existe pas de chiffres, car, puisqu’il n’y a pas d’indemnisation, il n’y a pas d’inventaire. Néanmoins, sur le terrain, les dégâts de gibier intégralement assumés par les forestiers sont considérables et augmentent. Ils fragilisent une forêt déjà assaillie par les attaques de parasites, déstabilisée par les changements climatiques et par les déficits hydriques récurrents, et vulnérable aux incendies. Ils attaquent une forêt dont les services écosystémiques en matière de biodiversité et de captation de carbone sont insuffisamment reconnus et soutenus, alors même que l’État et l’Europe envisagent zéro émission nette de carbone d’ici à trente ans.
Comme l’agriculture, cette forêt, gérée jusqu’à présent dans une logique multifonctionnelle, préservant la biodiversité et créatrice d’emplois, doit pouvoir s’appuyer sur des politiques publiques cohérentes.
Pour cela, il est essentiel que ce projet de loi accorde une place légitime à l’ensemble des acteurs de ces espaces naturels, et prenne en considération, à trois échelons, les réalités de la filière forêt et bois : dans la gouvernance – en accordant une meilleure représentativité aux forestiers et en assurant la cohérence entre plan de chasse et plan d’aménagement forestier, qu’il soit public ou privé –, dans le cadrage juridique – en réaffirmant la pertinence du code forestier, de la procédure pénale forestière, et en confiant des prérogatives ajustées aux inspecteurs de l’environnement, notamment pour lutter contre les dépôts sauvages en forêt –, et, enfin, dans les orientations politiques – en se fondant sur le cadrage national décliné notamment dans les plans régionaux de la forêt et du bois et dans les commissions sylvo-cynégétiques, et en préservant le droit d’arbitrage du préfet. Autant d’éléments d’équilibres essentiels, qui figurent, pour la plupart, dans l’excellent rapport de notre collègue Jean-Noël Cardoux, et que je vous proposerai d’intégrer au texte présenté aujourd’hui.
Nous souhaitons tous, mes chers collègues, parvenir à un compromis qui fera sens sur le terrain et qui permettra ainsi aux acteurs de la ruralité – chasseurs, agriculteurs, forestiers, mais aussi associations et élus – d’agir ensemble de manière vertueuse en faveur de la préservation de la biodiversité de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce nouvel organisme, l’Office français de la biodiversité, sera-t-il une chance ou une menace pour la chasse ? C’est la grande interrogation à laquelle je vais essayer de répondre au travers d’une succession de questions. Je résumerai les principales interrogations.
La première interrogation a trait à la dénomination ; le mot « chasse » ne semble pas bienvenu dans la dénomination de l’office. J’y vois, plutôt qu’une tentative de marginalisation, la reconnaissance explicite que la chasse est un élément incontournable de la biodiversité, ce que nous avions déjà affirmé lors de la discussion de la loi de 2016.
Deuxième interrogation, le nouveau conseil d’administration, après la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’ONCFS, sera pléthorique et organisé en collèges ; l’État, principal financeur, y sera majoritaire, mais la place des chasseurs et des pêcheurs de loisir sera réduite à la portion congrue, alors que le monde de la chasse apportera à lui seul 45 millions d’euros au budget général de l’organisme.
Troisième interrogation, la technicité et l’excellence de l’ONCFS, en matière d’études et de contribution à la biodiversité, seront-elles sauvegardées ?
Quatrième interrogation, la création d’une police de l’environnement à direction unique avec ses inspecteurs spécialisés – nous avions beaucoup combattu pour cette direction unique lors de la discussion de la loi sur la biodiversité – permettra-t-elle de réprimer le grand braconnage et l’exploitation mercantile des espèces animales et végétales ?
La cinquième interrogation porte sur la gestion adaptative des espèces. Cette méthode révolutionnaire, mais encore inaboutie en France, provoquera-t-elle enfin un débat apaisé entre chasseurs et protecteurs ? M. Dantec le souhaite, moi aussi, mais ce n’est pas gagné, et cela me semble même mal parti, après la procédure engagée devant le Conseil d’État par trois associations de protection de l’environnement pour s’opposer au prélèvement, pourtant validé par la Commission européenne, de 4 000 oies en février dernier.
Le comité des experts, qui est en place depuis quelque temps et qui va devoir statuer sur le contenu des espèces soumises à la gestion adaptative, sera-t-il suffisamment impartial et, surtout, utilisera-t-il le relais des associations spécialisées de chasse – les chasseurs de gibier d’eau, de bécasses, de bécassines, ceux qui se consacrent journellement aux études, aux comptages, aux prélèvements d’ailes – afin de déterminer des sexe-ratios et des âge-ratios crédibles ? C’est la technique de pointe de gestion adaptative appliquée aux États-Unis et au Canada, et nous y souscrivons totalement, mais nous en sommes encore bien loin et il faudra beaucoup d’efforts et de discussions pour y parvenir dans un climat apaisé.
Sixième interrogation, le permis national à 200 euros permettra-t-il d’attirer de nouveaux chasseurs – c’est son objectif –, qui pourront ainsi découvrir de nouveaux modes de chasse sur l’ensemble du territoire ? Cela constituerait une réponse à la réduction du nombre de chasseurs observée depuis quelques années, et cela favoriserait une sorte de nomadisme cynégétique. Ce permis suscite beaucoup de problèmes, nous en avons encore eu la preuve précédemment, et il faudra trouver un équilibre financier pour répondre aux inquiétudes de certaines fédérations – j’y reviendrai dans quelques minutes.
Au sujet des dégâts de grand gibier – c’est ma septième interrogation –, un dialogue apaisé pourra-t-il s’établir entre les acteurs du monde rural que sont les agriculteurs, les chasseurs et les forestiers, avec comme toile de fond la menace de la peste porcine africaine ?
Vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, mon collègue député Alain Perea et moi-même avons établi, en quatre mois, un rapport préconisant des méthodes ou faisant des propositions – certaines sont un peu décapantes – pour répondre à ce problème. Notre constat est que, depuis quelques années, chacun des blocs en présence a ses certitudes, ses récriminations ; ils ne se parlent pas, ne se rencontrent pas, ne dialoguent pas, ce qui serait nécessaire pour sortir de cette spirale infernale. Un dialogue implique des concessions mutuelles, ce que nous préconisons. Si l’on n’y arrive pas, je crains que le coup de sifflet final ne soit donné par la peste porcine africaine, qui pourrait envahir l’ensemble du territoire français, avec les catastrophes économiques que cela pourrait engendrer.
Huitième interrogation, la taxe à l’hectare, qui est au cœur du problème, y compris sur les territoires non chassés, sera-t-elle suffisante pour faire face à cette charge ? Sera-t-elle supportable pour les petites fédérations ? J’ai introduit dans mon amendement à ce sujet un élément amortisseur pour établir un rapport entre la surface des territoires chassables et le nombre de chasseurs. Nous sommes là au cœur du débat, je suis encore en contact avec la Fédération nationale des chasseurs pour tenter d’apporter des solutions susceptibles d’apaiser les petites fédérations, qui craignent le déséquilibre financier.
Enfin, neuvième interrogation, cette réforme permettra-t-elle d’enrayer l’idéologie végane et antispéciste, ultra-minoritaire et irréaliste, ayant l’oreille complaisante des médias ? Le groupe Les Républicains a publié un opuscule, qui se veut humoristique, sous le titre Adieu, veau, vache, cochon, couvée –, mais le problème est là. Voilà pourquoi nous avons déposé un amendement, que la commission a, me semble-t-il, accepté, visant à réprimer le délit d’entrave à une action de chasse.
Évidemment, tout le monde pense à la vénerie, problème principal dans les forêts franciliennes, mais il n’y a pas que cela, j’y reviendrai lors de la discussion de l’amendement. Il faut le savoir, dans certaines régions, en particulier dans les régions de tradition de chasse de grand gibier, comme l’est de la France, les installations fixes – miradors ou échelles de chasse – qu’utilisent les chasseurs sont régulièrement sabotées ou détériorées, au risque de provoquer des accidents quand on grimpe sans savoir que le matériel est saboté, par pure opposition à une activité pourtant légale. Autre exemple : les installations des chasseurs de gibier d’eau, qui pratiquent la chasse à la hutte sur le domaine maritime, sont régulièrement brûlées ou vandalisées. Ces actes ne sont pas acceptables. Nous sommes dans un État de droit, on ne doit pas pouvoir empêcher ce qui est autorisé.
Voilà les quelques interrogations, parmi beaucoup d’autres, que ce texte peut poser. Avec Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission du développement durable et Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, nous avons travaillé pour essayer d’apporter des solutions. Le groupe Les Républicains votera, dans sa grande majorité – il peut y avoir des oppositions –, pour le texte modifié par la commission.
Je veux conclure en insistant de nouveau sur l’enjeu de ce texte. Pour le Sénat, défenseur de la ruralité, de la vie à la campagne, l’enjeu est, ici encore, la survie du monde rural face à la métropolisation. Je ne reviendrai pas sur les sujets dont le Sénat a déjà beaucoup débattu – fermeture des commerces, mobilité, désertification médicale, absence de supports de communication –, vous les connaissez tous aussi bien que moi. Néanmoins, nombre de nos compatriotes acceptent de subir ces inconvénients pour vivre leur passion à la campagne, à savoir, la plupart du temps, la chasse et la pêche – et, pour beaucoup, la chasse traditionnelle, monsieur Dantec. Laissons donc ces gens, qui ont choisi de faire des sacrifices dans leur mode de vie pour assouvir leur passion, vivre librement, sans leur imposer des contraintes inacceptables. La survie de la ruralité que nous aimons en dépend. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’Office français de la biodiversité n’a pas vu le jour dès 2016, au moment de la création de l’Agence française pour la biodiversité, c’est que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et la Fédération nationale de la chasse n’avaient alors pas assez de visibilité sur l’avenir de ce nouvel établissement.
Aujourd’hui, il semble que tout soit réuni pour réussir cette union. La lutte pour la sauvegarde de la biodiversité sur notre territoire métropolitain et ultramarin est au cœur des missions des deux organismes. La mise en commun de leurs compétences et leurs sensibilités complémentaires seront des atouts essentiels.
Avec la création de cet office, la répartition des équipes sur le terrain sera plus homogène, l’ONCFS ayant des effectifs plus importants déployés dans les départements. Les pouvoirs de police judiciaire des inspecteurs de l’environnement seront renforcés. Cette compétence, qui répond aux nécessités constatées sur le terrain, permettra de rendre la police de l’environnement plus efficace et plus rapide.
Concernant les fédérations de chasseurs, le financement de 5 euros par permis de chasse pour la protection de la biodiversité me paraît justifié, mais inscrivons dans la loi que l’État apporte une contribution équivalant au double de cette somme ; le dire, c’est bien, mais l’écrire, c’est mieux !
C’est une bonne décision de confier au responsable de la chasse le soin de fixer les plans de chasse de chaque territoire, avec, évidemment, la tutelle générale du préfet.
Je veux maintenant soulever le problème de l’engrillagement, très présent dans des régions forestières telles que la Sologne. Depuis quelques années, nous assistons à une prolifération des clôtures de deux mètres de haut autour de vastes propriétés de plus de mille hectares. Ces grillages sont non seulement une catastrophe visuelle, mais encore une aberration pour la mobilité des grands animaux et pour la préservation de la biodiversité.
En complément de l’article L. 424-3 du code de l’environnement, les communes et les intercommunalités ont la possibilité d’interdire, dans le règlement de, respectivement, leur plan local d’urbanisme ou leur plan local d’urbanisme intercommunal, la construction de clôtures supérieures à un mètre vingt, mais il sera toujours possible de clore une parcelle pour sa régénération ou pour une nouvelle plantation.
La gestion adaptative, fondée sur la communication des prélèvements de certaines espèces, en lien étroit entre les scientifiques et la Fédération nationale des chasseurs, permettra une meilleure gestion de la biodiversité. Le décret listant les espèces ouvertes à la chasse pourrait également être revu, à terme, pour y intégrer certains spécimens qui, par leur nombre, causent des nuisances et sont susceptibles de perturber les écosystèmes. Je pense en particulier aux cormorans ; on en compte des milliers sur la Loire, qui vont piller les étangs de Sologne, au grand désarroi des pisciculteurs.
Ce nouvel office de la biodiversité n’a pour l’instant pas de financement bien lisible. En l’état actuel, il semblerait qu’il manque encore environ 40 millions d’euros dans le budget, et ce ne sont pas les agences de l’eau, grandes contributrices au financement de l’ONCFS, qui devront supporter cette différence. Une réponse claire et précise de votre part serait la bienvenue, madame la secrétaire d’État.
Pour terminer, nous serons attentifs au devenir des agents des deux organismes, au changement de catégorie de certains d’entre eux – passage de la catégorie C à la catégorie B, et possibilité de bénéficier d’un accès à la catégorie A pour les encadrants. Ce rapprochement devrait également permettre une mutualisation des compétences.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Paul Prince. Pour conclure mon propos, je réaffirme, en tant qu’élu de Sologne, l’importance que nous attachons, nous, les élus des territoires, à la préservation de la biodiversité. J’ajoute qu’il est positif que la chasse et la pêche soient intégrées à cette politique et qu’elles participent à la régulation et à la préservation des écosystèmes dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la logique de rationalisation qui préside au projet de création de l’Office français de la biodiversité ne doit pas conduire à sacrifier l’attention particulière que méritent les outre-mer en cette matière, et que l’organisation de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, a reflétée jusqu’ici de manière remarquable.
Le législateur de 2016, sans doute soucieux de sanctuariser cette place, avait inscrit dans la loi la création d’un « comité d’orientation réunissant des représentants des différentes parties concernées par la biodiversité ultramarine et de tous les départements et collectivités d’outre-mer ».
Je le concède volontiers, un tel comité aurait pu relever, toujours dans cette logique de rationalisation, de mesures d’organisation interne ; c’est pourquoi, dans le silence du projet de loi que nous examinons, il me semble impérieux de formuler une recommandation en ce sens, avec la plus grande insistance.
Madame la rapporteure, chère collègue, permettez que je m’associe à l’expression de vos regrets pour déplorer à mon tour que le Gouvernement n’ait pas concédé aux outre-mer leur juste place dans l’architecture du nouvel établissement, eu égard à la richesse, à l’ampleur et à la complexité de la biodiversité ultramarine.
Le rappel de quelques chiffres me semble opportun, même si nous finissons tous par les connaître : 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, qui placent la France au deuxième rang des puissances maritimes – c’est à l’outre-mer que la France le doit, est-il besoin de le rappeler ? –, 55 000 kilomètres carrés de récifs et de lagons – la barrière récifale néocalédonienne est la deuxième au monde et celle de Mayotte est un exemple unique de double barrière –, et 8 millions d’hectares de forêt guyanaise, une des dernières forêts primaires au monde.
Ces chiffres ne constituent pourtant qu’une énumération brève, bien qu’emblématique, de l’extrême richesse patrimoniale française située outre-mer, où il est traditionnel de considérer que se trouve plus de 80 % de la biodiversité nationale.
Cette immense richesse est aussi source de complexité et d’opportunités, tout en étant d’une grande vulnérabilité, ne l’oublions jamais.
Elle est source de complexité en raison du foisonnement tant de la faune que de la flore, avec un endémisme exceptionnel. La délégation aux outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, est très attentive à ces deux aspects, qui font l’objet d’une association avec l’Agence française pour la biodiversité, sous la forme d’un cycle triennal de colloques, avec une déclinaison par grand bassin océanique, contribuant ainsi à accroître la vigilance et à assurer la visibilité du patrimoine écologique ultramarin.
À ce titre, nous sommes les témoins, et les associés privilégiés, de l’immense travail accompli, du dynamisme et de l’implication de l’AFB pour la préservation et la valorisation de la biodiversité ultramarine. Comme le soulignait Christophe Aubel, directeur de cette agence, « “préservation” rime avec “valorisation” et “biodiversité” avec “développement soutenable” », ce qui fait des outre-mer des terres d’innovation et d’expériences, donnant l’impulsion à une dynamique particulière en matière écologique, et un objet d’étude très dense, comme en témoignent les actes du premier colloque organisé.
En outre, si la délégation aux outre-mer saisit chaque occasion de rappeler la place de sentinelle des outre-mer, elle n’oublie pas que ces territoires sont aussi les premières victimes du dérèglement climatique, conférant ainsi à la France une responsabilité particulière. Je sais que ces éléments constituent pour vous, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un rappel, mais ils me semblent toutefois étayer utilement, s’il en était besoin, mon propos. Celui-ci vise, vous l’aurez compris, à démontrer l’absolue nécessité d’une structure gardienne de la politique de préservation et de valorisation de la biodiversité ultramarine au sein du futur Office français de la biodiversité.
J’espère pouvoir obtenir vos assurances et votre extrême vigilance sur ce point, madame la secrétaire d’État, au moment de la déclinaison concrète du texte que nous examinons. Un des objets de ce dernier est d’ailleurs de conforter la place des chasseurs dans la biodiversité.
L’exemple de la chasse en Guyane, qui sera probablement évoqué dans nos débats, est une nouvelle illustration de la complexité ultramarine que j’évoquais. Cette pratique doit être appréhendée de manière à trouver l’équilibre entre l’encadrement et la préservation d’une activité de subsistance aux règles ancestrales. Dans cette optique, la réforme de la chasse guyanaise devra être conduite en concertation étroite avec les chasseurs, en gardant en mémoire qu’elle revêt une dimension de protection patrimoniale et de préservation de pratiques de subsistance pour les populations amérindiennes.
J’en terminerai par quelques mots sur le renforcement des pouvoirs des inspecteurs de l’environnement ; la collectivité de Saint-Barthélemy, compétente en matière d’environnement, sera certainement amenée à solliciter une extension, adaptée à ses particularités, de certaines dispositions du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc des commissions.)