M. Julien Bargeton. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Depuis plus de cinq mois, les citoyennes et les citoyens de ce pays se mobilisent contre une mesure fiscale injuste. Nos compatriotes nous disent que l’impôt doit être juste et progressif. Ils nous interpellent notamment sur l’ISF et sur la TVA, sujets qui ont été totalement absents de votre intervention devant nous, monsieur le Premier ministre. Les Françaises et les Français veulent le retour de l’ISF ; ils ont raison !
Mme Élisabeth Lamure. Non !
M. Pascal Savoldelli. Vous faites un cadeau aux plus riches et vous privez le budget de l’État de 3,2 milliards d’euros. Surtout, ne nous dites pas que l’IFI que vous proposez fera œuvre de justice sociale ! En effet, 80 % du patrimoine des ménages les plus aisés est composé de capital mobilier. Les richesses d’aujourd’hui, ce ne sont plus l’usine à papa et les grands domaines ; ce sont des sommes immenses, des actions, des obligations volatiles qui s’accumulent dans les poches de quelques-uns, particulièrement à l’heure du numérique. Monsieur le Premier ministre, allez-vous écouter les Français et enfin rétablir l’ISF ?
Alors qu’il n’était que candidat, votre ami Emmanuel Macron déclarait : « La TVA, c’est injuste. » Pour ma part, je pense à Corinne, ma concitoyenne d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Elle me demande de vous interpeller, parce que des produits aussi importants que le savon, le dentifrice ou les pâtes sont trop chers. C’est aussi le cas des protections hygiéniques, taxées à 5,5 %. Les femmes sont contraintes à un nombre de dépenses considérablement plus élevé et vivent avec 20 % de salaire en moins !
Monsieur le Premier ministre, fixer à 0 % le taux de la TVA sur les produits de première nécessité n’est pas seulement, pour reprendre votre propos, intellectuellement possible ; c’est urgent ! Que répondez-vous à Corinne et, à travers elle, à l’ensemble des citoyens de ce pays ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Pascal Savoldelli. Comptez-vous donner un calendrier pour la réalisation de cette mesure, demande incessante de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. La première mesure de justice fiscale, quand on voit le niveau d’imposition dans notre pays, consiste à baisser les impôts. C’est ce que Gérald Darmanin et moi-même avons commencé à faire, avec le Premier ministre et le Président de la République.
Mme Éliane Assassi. Pour les riches !
M. Bruno Le Maire, ministre. Depuis dix ans, en France, les impôts ont augmenté en moyenne de 10 milliards d’euros par an. Ils n’ont cessé d’augmenter, pour les ménages, de manière continue, de 2009 à 2017. Pour les entreprises, c’est un peu différent : à partir de 2014, le CICE les a fait diminuer.
Notre politique, c’est de récompenser le travail. Nous avons donc voulu baisser les impôts, en particulier pour les personnes qui travaillent : suppression des cotisations d’assurance maladie et d’assurance chômage, défiscalisation des heures supplémentaires, tout ce qui permet de dire aux Français qui travaillent qu’ils vivront mieux de leur travail.
Mme Éliane Assassi. L’ISF n’a rien à voir avec le travail !
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est ce que j’ai engagé avec Gérald Darmanin.
Le Premier ministre l’a indiqué : nous souhaitons baisser davantage les impôts et, pour cela, baisser davantage la dépense publique.
M. Pascal Savoldelli. Il faut répondre à la question !
M. Bruno Le Maire, ministre. S’agissant de la TVA, je vous répondrai avec beaucoup de simplicité : aujourd’hui, l’intégralité des produits de première nécessité est taxée au taux le plus bas, soit 5,5 %. Faut-il aller plus loin ? (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
J’ai parfaitement entendu les demandes qui ont pu s’exprimer au cours du débat. Reste que baisser la TVA coûte très cher aux finances publiques et ne représente que quelques centimes d’euro de plus dans le porte-monnaie des Français.
M. Pascal Savoldelli. Oui ou non ?
Mme Sophie Primas. Ça ne sert à rien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne suis pas certain que ce soit le meilleur moyen de redonner du pouvoir d’achat aux Français…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre : vous faites de la TVA sur le temps ! (Sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre. … et de mieux rémunérer le travail en espèces sonnantes et trébuchantes.
Mme Laurence Cohen. Et rien sur l’ISF ?
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Ce que nos concitoyens demandent, c’est d’être en mesure de vivre décemment de leur travail, c’est de ne pas avoir à compter chaque euro lorsqu’ils remplissent leur caddie, c’est de ne pas être tous les mois systématiquement à découvert, c’est de ne pas s’endetter pour payer des factures liées au logement et à l’électricité, c’est de ne pas avoir à renoncer aux loisirs.
Les inégalités sociales se creusent et sont le reflet d’un partage des richesses profondément injuste. Les mobilisations citoyennes que nous connaissons depuis plusieurs mois parlent d’elles-mêmes. La réponse que le Gouvernement doit apporter à ces mouvements sociaux inédits consiste à résoudre l’équation de l’impératif de justice sociale et du défi de la transition énergétique.
Aujourd’hui, 8,8 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec 1 026 euros par mois. Dès lors, comment vivre dignement et comment exiger de ces Français une participation aux défis qui s’imposent aux décideurs, alors qu’ils sont écrasés par les dépenses liées au logement ?
Les locataires modestes sont les premières victimes des coupes budgétaires sur les allocations logement et de la hausse du prix de l’électricité qui s’annonce. Ils subissent une double peine : l’impossibilité de s’acquitter des dépenses courantes et une assignation à des logements moins-disants et plus énergivores. Ainsi, 7,4 millions de foyers vivent dans des logements mal isolés, ils subissent les conséquences d’un marché insuffisamment réglementé et supportent des dépenses qui devraient être à la charge du bailleur.
La justice consiste à anticiper les problèmes et non pas à panser les plaies d’une société encore trop inégalitaire. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages et venir en aide aux familles les plus en difficulté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Le logement en France est un problème essentiel : il peut représenter jusqu’à 40 % à 50 % des dépenses mensuelles d’un ménage.
Mme Angèle Préville. Oui !
M. Julien Denormandie, ministre. Il faut donc agir sur deux plans.
D’une part, il faut absolument ancrer notre politique vers plus de logements abordables en en construisant plus et en faisant en sorte que l’accent soit mis sur les logements accessibles. Je pense aux logements intermédiaires, aux logements sociaux et, au sein de cette dernière catégorie, aux logements très sociaux plutôt qu’à ceux de la tranche la plus haute, problématique que vous connaissez très bien, madame la sénatrice.
D’autre part, il faut faire baisser le niveau des charges liées aux logements. L’efficacité énergétique est l’un de ces éléments. Aujourd’hui, des aides existent pour accompagner les ménages et leur permettre d’adapter leur logement, mais elles sont si nombreuses que l’on s’y perd. J’ai demandé à mes services d’en dresser la liste sur une page : ils sont revenus, quarante-huit heures après, avec un document de quatre pages ; or ces aides étaient toutes plus nécessaires les unes que les autres.
En fait, on demande à nos concitoyens de s’adapter à la complexité des aides que l’on a inventées année après année. Cela n’est plus possible : c’est aussi ce message que nous envoient aujourd’hui les Français. C’est pourquoi le ministre d’État, François de Rugy, et moi-même avons pris en compte cette contrainte et décidé que ce serait à l’État, aux entreprises et aux agences de simplifier ces aides.
M. le président. Il faut conclure !
M. Julien Denormandie, ministre. Nous avons donc lancé la plateforme www.faire.fr, accessible aussi au 0 808 800 700, qui aide nos concitoyens à se retrouver dans la complexité des aides. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Depuis la royauté, la France s’enorgueillit d’accorder l’asile à tous les persécutés. Depuis la République, elle conduit une politique d’assimilation, puis d’intégration, pour que les nouveaux arrivants participent à l’unité de la Nation et s’approprient les principes de la République. Or ces deux modèles sont à bout de souffle. Le droit d’asile est détourné par des filières d’immigration économique ou sanitaire et l’intégration des nouveaux arrivants se heurte au problème du nombre et du communautarisme, qui s’oppose aux principes républicains.
Le Sénat a adressé plusieurs propositions au Gouvernement, pour réformer le droit d’asile, mieux maîtriser l’immigration, mieux intégrer par une politique de quotas, une politique européenne plus affirmée, une politique de contrôle des frontières et un ensemble de mesures garantissant que les étrangers qui arrivent en France respectent les droits et devoirs de la République. En contrepartie, nous mettrions les moyens de les intégrer, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Monsieur le Premier ministre, défendre la République, c’est aussi défendre l’unité de la Nation et cette vision de la société française. Allez-vous oui ou non mettre en place une politique ferme, mais juste, qui intègre sans faire courir de risques à la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Karoutchi, l’asile, que vous avez replacé dans sa dimension historique, fait la singularité de la France, au-delà des clivages politiques, et protège ceux qui ont besoin de l’être.
Vous avez établi une distinction entre les migrants économiques et les réfugiés. C’est essentiel, car cela nous permet d’avoir une politique ferme envers celles et ceux qui n’ont pas vocation à venir ou à rester en France et généreuse aux fins d’intégrer les autres.
Je partage votre opinion sur celles et ceux qui ont besoin d’être protégés. Pendant trop longtemps, nous nous sommes opposés, selon les clans politiques, sur la question du nombre sans jamais nous préoccuper de savoir si cette intégration était réussie. Avons-nous réussi l’intégration ces trente dernières années ? La réponse est clairement non.
L’année dernière, près de 36 000 personnes se sont vu accorder le statut de réfugié par la France. Il nous faut nous donner les moyens de garantir cette intégration. Cela passe d’abord par l’apprentissage et la maîtrise de la langue française, essentiels pour éviter le repli sur soi et le communautarisme, que vous avez dénoncé et que je dénonce bien volontiers avec vous.
Depuis le 1er mars dernier, nous avons doublé le nombre d’heures de français financées pour que, dans certains cas, jusqu’à 600 heures puissent être dispensées.
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, ministre. Cela représente une augmentation du budget, qui a été votée, de 37 % pour l’intégration, soit une hausse de 137 millions d’euros pour atteindre les objectifs fixés.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Depuis le mois de novembre dernier, le mouvement des « gilets jaunes » a rendu visible la défiance que nos concitoyens nourrissent à l’égard de nos mécanismes démocratiques. Animés par le sentiment d’être déconnectés de l’élaboration des politiques publiques, ils s’insurgent aux fins d’être plus régulièrement consultés et intégrés dans le process des décisions.
Dans le grand débat national, le Gouvernement a confié à près de 700 médiateurs, facilitateurs de parole, la lourde tâche de transformer une contestation violente en une concertation constructive, la responsabilité d’animer et de réguler au plus près du terrain ces participations de citoyens aspirant à devenir bien plus que de simples administrés.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Nous disposons d’outils originaux qui ne demandent qu’à être développés, notamment les médiateurs territoriaux, qui constituent souvent le maillon manquant entre les administrations locales et leurs résidents. C’est pour cette raison que, avec des collègues du RDSE et au nom de 57 sénateurs de différentes sensibilités politiques de la Haute Assemblée, j’ai déposé une proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales. Ce texte sera prochainement examiné dans le cadre d’une niche parlementaire.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à engager votre gouvernement et votre majorité en soutenant cette démarche et en émettant un avis favorable sur cette proposition de loi, qui a pour seule ambition de renforcer nos outils locaux de proximité ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Delattre, vous posez la question de l’importance de la citoyenneté dans notre démocratie et de la façon d’en accentuer la vitalité de l’exercice. La question de la citoyenneté est essentielle depuis 1789, et notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen l’instaure pour la première fois pleinement. Depuis, elle s’est exercée diversement, mais de manière toujours manifeste dans notre démocratie.
Ce qui vient de se passer ces derniers mois dans notre pays témoigne de la volonté de revivifier l’expression de la citoyenneté. Cela peut se faire de mille et une manières, par exemple en associant des citoyens au principe de l’élaboration de la loi ou de l’évaluation des textes ; cela peut se faire à l’échelon national ou local, ainsi que vous nous le suggérez avec votre proposition de loi.
Il nous faut engager un travail pour instiller des éléments de démocratie participative dans notre vie politique et dans notre vie démocratique. Cela peut prendre différentes formes. Celle que vous proposez en est une, même si je ne sais pas si cela doit être imposé par la loi – en tout cas, cette pratique mérite d’être développée.
L’important, me semble-t-il, est que, comme le précise la dernière phrase du préambule de la déclaration de 1789, « les réclamations des citoyens, […], tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous ».
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Maurey. La crise dite des « gilets jaunes » a été déclenchée par une hausse de la fiscalité écologique : la taxe carbone. Cette hausse forte, trop forte, n’a été ni expliquée à nos concitoyens ni accompagnée socialement ou territorialement. Elle était destinée non pas à assurer la transition écologique ou à aider les collectivités en la matière, mais uniquement à remplir les caisses de l’État.
Très tôt, nous avons appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que cette approche n’était pas bonne. Très vite, nous avons rappelé que la fiscalité écologique devait être incitative et non punitive et demandé que cette mesure soit suspendue. Malheureusement, on ne nous a pas écoutés, et il a finalement fallu renoncer purement et simplement à cette hausse. Ce n’était plus suffisant pour calmer la colère populaire : on le sait très bien, en cas d’incendie, plus on tarde à intervenir, plus il est difficile d’être efficace.
Ma question est très simple : à la lumière de cet épisode et des propos de M. le Premier ministre et face à l’exaspération fiscale, dans la mesure où certains pays ont réussi à mettre en place une fiscalité écologique acceptée et efficace, quelle est la vision du Gouvernement sur l’avenir de la fiscalité écologique, sans laquelle il ne peut y avoir de véritable transition écologique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je répondrai à votre question en tirant les leçons non seulement de ce grand débat, mais aussi de la crise qui l’a précédé.
Je ne partage pas votre analyse. La crise a été déclenchée non par la fiscalité écologique, mais par les prix du pétrole à la pompe. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Alors, on n’a rien compris !
M. François de Rugy, ministre d’État. Je vous rappelle que la crise a démarré au mois d’octobre, alors que la fiscalité n’avait pas encore augmenté. Vous le savez bien, la fiscalité augmente toujours au 1er janvier. D’ailleurs, vous l’avez vous-même souligné, la suspension de la hausse de la taxe carbone n’a pas suffi : les revendications des « gilets jaunes » et pas seulement d’eux portaient sur le pouvoir d’achat, les revenus et la fiscalité dans son ensemble.
La taxe carbone, qui a été créée en 2013, a été mise en œuvre en 2014 et a augmenté un peu tous les ans. Le problème, c’est qu’elle est venue s’ajouter à d’autres impôts que les Français trouvent légitimement trop élevés.
Nous avons interrompu cette trajectoire. Si nous devions la reprendre un jour, considérant qu’il s’agit d’une réponse efficace, il faudrait revoir complètement la transparence,…
M. le président. Il faut conclure !
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. « Marche du siècle », grève scolaire pour le climat : il est temps de passer du débat aux actes. L’inscription dans les programmes scolaires dès le primaire de cours de sensibilisation à la transition énergétique serait un début.
Alors que l’urgence climatique et environnementale nous commande de revoir entièrement notre modèle énergétique, toute l’attention est focalisée sur la production. Or un problème majeur semble avoir été sous-estimé, celui de la refonte énergétique du parc de logements français, notamment du parc ancien.
L’un des moyens les plus efficaces est de diminuer les consommations énergétiques à la source, c’est-à-dire au sein même des foyers. Environ 4 milliards d’euros sont mobilisés chaque année pour l’habitat sous des formes multiples. Ces fonds publics et privés sont censés aider à la rénovation de 550 000 logements privés et autour de 100 000 maisons et appartements. Ces chiffres figuraient dans la loi de 2015, avec l’ambition de rendre le parc immobilier vertueux d’ici à 2050, avec une éradication des passoires thermiques d’ici à 2025. Malheureusement, du retard a été pris, et il faudrait presque aller deux fois plus vite.
Et que dire des ménages qui se sentent perdus entre les soutiens des collectivités locales et les aides de l’État ? Parfois, ce sont des avances, d’autres fois des remboursements sur devis ou sur factures…
Au-delà du site www.faire.fr, quelles actions concrètes le Gouvernement compte-t-il engager pour simplifier et rendre plus lisibles les outils et aides actuels en matière de rénovation énergétique dans le logement et ainsi les rendre réellement incitatifs et attractifs pour tous les ménages ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, nous partageons totalement votre analyse : l’énergie la moins chère et la moins polluante, c’est celle que nous ne consommons pas.
Il y a concrètement des gains de pouvoir d’achat possibles par la transformation écologique, notamment celle de nos logements, qui permet notamment de réduire les factures de chauffage. Cela suppose de mobiliser des moyens et d’accompagner les Français.
Quand on conduit une transformation, on obtient des résultats : il n’est qu’à prendre l’exemple de l’éclairage. Voilà vingt ans, nous utilisions des ampoules à incandescence, nous nous sommes ensuite tournés vers les ampoules basse consommation et, aujourd’hui, vers les LED. En quinze ans, la consommation d’électricité pour l’éclairage a baissé de 25 % à l’échelle nationale. On le voit, l’effet peut être massif.
Julien Denormandie l’a souligné à l’occasion d’une autre question : il va falloir clarifier et simplifier les différents dispositifs. Nous avons commencé ce travail. Au 1er janvier dernier, nous avons lancé l’opération « la chaudière à 1 euro ». Évidemment, tous les Français n’auront pas une chaudière neuve contre 1 euro, mais les ménages qui ont les plus faibles revenus pourront bénéficier de cette aide. Il s’agit d’un test grandeur nature pour voir si nous pourrons étendre ce type de procédure à l’ensemble de la rénovation,…
M. le président. Il faut conclure !
M. François de Rugy, ministre d’État. … en permettant aux opérateurs d’aller au-devant des Français, avec les aides et l’ensemble des démarches à accomplir.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
La santé s’est imposée dans le débat, alors que, de l’aveu même de M. le Premier ministre, le Gouvernement ne l’avait pas prévu.
Nous partageons tous le même constat : l’hôpital connaît une crise existentielle, notamment liée à des coupes budgétaires qui n’ont fait qu’empirer, couplées à une désorganisation due aux 35 heures ; les soins de ville, quant à eux, souffrent d’une désertification médicale, le secteur libéral ayant été affaibli sans alternative durable.
Nous partageons également tous l’objectif que les patients puissent tous avoir un médecin traitant, accéder à un médecin spécialiste dans des délais raisonnables et être accueillis dans des hôpitaux mieux organisés avec des personnels plus sereins.
Or force est de constater que le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé ne va pas dans ce sens. Le projet territorial de santé, mesure phare du texte, aggrave le millefeuille administratif et est sans doute inopérant, probablement inutile.
Quant aux communautés professionnelles territoriales de santé, elles sont un modèle d’organisation uniforme. C’est un modèle centralisateur, qui ne correspond en rien à la diversité de nos territoires.
Madame la ministre, pourquoi le Gouvernement s’obstine-t-il à poursuivre des mesures qui augmentent le temps administratif des médecins et ne libèrent pas de temps médical ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président de la commission des affaires sociales Alain Milon, nous aurons l’occasion d’en débattre, mais vous savez bien que ce projet de loi a pour objectif de rendre du temps médical aux médecins, de mailler le territoire national d’une médecine de proximité, qui ne soit pas constituée que de médecins. Nous savons aujourd’hui que de nombreuses pathologies nécessitent des soins de proximité, qui peuvent être dispensés par d’autres professionnels que les médecins. Il s’agit donc d’une juste répartition des tâches entre les professionnels sur le territoire. Les communautés professionnelles territoriales de santé visent justement à ce que ces professionnels se coordonnent pour une meilleure prise en charge des patients.
Contrairement à votre lecture du projet de loi, tout vient des initiatives locales. Nous sommes là au cœur de la différenciation, prônée par M. Retailleau. Ainsi, chaque territoire dresse son diagnostic en matière de besoins de santé : le projet territorial de santé est à l’initiative des territoires et des professionnels, qui s’organisent pour répondre aux besoins de la population.
Ce projet de loi n’est en rien un texte normatif ou administratif. C’est au contraire de la confiance redonnée aux territoires et aux professionnels pour qu’ils répondent aux besoins de santé des Français.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. La question du millefeuille administratif est souvent revenue dans les réunions du grand débat national, associée à la volonté de supprimer un échelon. Nous avons aussi senti un fort attachement aux communes et aux départements et un ressentiment à l’égard des grandes régions ou des très grandes intercommunalités.
Parmi les pistes étudiées, la création du conseiller territorial, qui partage ses fonctions entre les départements et la région, est l’une des plus intéressantes. Dans un récent entretien à La Tribune, le ministre Sébastien Lecornu a mis en avant cette proposition, qui permettrait notamment de réaliser des économies, en diminuant le nombre d’élus sans remettre en cause l’existence du conseil régional et du conseil départemental, à la différence de ce qui a été imaginé en son temps par le gouvernement Fillon.
Je partage cette proposition. Chacun sait bien que le conseiller régional n’a jamais connu la même légitimité que le conseiller départemental, qui est beaucoup plus reconnu par les acteurs locaux et plus engagé localement sur un territoire bien identifié. Cependant, je m’interroge sur le mode d’élection de ce futur conseiller territorial. Faut-il l’élire en s’appuyant sur le périmètre des cantons actuels ? On imagine ce que cela pourrait donner dans certaines régions : par exemple, une assemblée de 346 membres dans la région Auvergne-Rhône-Alpes ! Faut-il que l’assemblée départementale désigne ses représentants à la région, avec un risque de dilution de cette dernière ?
Par ailleurs, la nouvelle fonction de conseiller territorial serait très exigeante : cela reviendrait à exercer l’équivalent de deux mandats locaux.
M. le président. Il faut conclure !
M. Didier Rambaud. Dans le cadre de la loi organique sur le non-cumul des mandats, la fonction de conseiller territorial sera-t-elle compatible avec un mandat municipal ou intercommunal ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)