Mme Laurence Cohen. C’est déjà le cas !
Mme Christine Lavarde. Les règles du TSCG sont là pour protéger la zone euro et non pas pour la livrer aux marchés, voire au FMI.
Les partis extrêmes, de droite comme de gauche (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.),…
Mme Laurence Cohen. Ça, c’est nul !
Mme Christine Lavarde. … tels des adolescents en quête de sens, parlent beaucoup d’autonomie, de souplesse, de liberté.
Mme Éliane Assassi. Cela n’a pas l’air de vous toucher, vous…
Mme Christine Lavarde. À mon tour de vous poser une question : quelle serait la liberté d’un pays asphyxié par la dette ou soumis à l’hyperinflation ? Les exemples contemporains nous montrent qu’un mauvais TSCG vaut mieux qu’un défaut de paiement sur la dette.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Christine Lavarde. La Grèce n’a pas sombré ; le Venezuela ne peut pas en dire autant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Laurence Cohen. Vous aurez une mauvaise note !
Mme Éliane Assassi. Recalée à l’oral !
M. Éric Bocquet. Et pas de rattrapage !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je rends hommage à la leçon de droit qui vient de nous être délivrée par Mme Lavarde. N’étant pas juriste, je n’avais pas d’opinion très arrêtée sur la caducité ou la non-caducité du TSCG. Je me suis surtout dit que, derrière le problème de l’éventuelle caducité, il y avait une vraie question : quelle est notre attitude à l’égard de l’Europe, de l’intégration européenne, de l’union économique et financière ?
C’est de cette question que nous voulions parler, et je vous remercie d’ailleurs d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de ce débat, sur lequel nos positions divergent sans doute.
À l’approche des élections européennes, qui auront lieu dans moins de trois semaines, il est intéressant d’avoir ce débat, auquel le pays participera le moment venu, en exprimant son opinion par son vote.
M. Pierre Laurent. Ce n’est pas la question !
M. Richard Yung. Les conditions économiques de 2019 me paraissent très différentes de celles que nous connaissions en 2012. Il nous faut donc réfléchir aux éventuelles propositions de modifications du TSCG ou du dispositif général en fonction de cette nouvelle scène économique.
Pour ma part, je ne pense pas que le TSCG ait privé les États de leur autonomie budgétaire. Nous avions eu ce débat en 2012, au moment de la transposition du traité. Je vous le rappelle, le Conseil constitutionnel a considéré que celui-ci « n’a procédé à aucun transfert de compétences en matière de politique économique et budgétaire. » Voilà une décision qui est claire !
Le traité a-t-il ouvert la voie à l’austérité budgétaire ? Je ne le pense pas non plus. Selon moi, nos dépenses publiques, dont la maîtrise passe non par des coupes brutales, mais par le ralentissement de leur croissance en volume, évoluent conformément aux engagements que nous avions pris. On voit d’ailleurs que nous ne sommes pas dans une période d’austérité budgétaire.
Les résultats sont, en revanche, plutôt positifs. En effet, nous avons créé 600 000 emplois en deux ans, et les investissements productifs sont en forte hausse, comme le patronat l’a indiqué la semaine dernière. De plus, notre déficit est ramené sous la barre de ces fameux 3 %, même si nous ne faisons pas preuve de fétichisme à cet égard. Nous avons été au-dessus de ce pourcentage ; nous sommes aujourd’hui au-dessous. Il existe un « objectif à moyen terme », et c’est ce chemin qu’il faut suivre.
En revanche, l’ensemble du dispositif est devenu tellement compliqué que plus personne n’y comprend rien. Nous avons, en sus du TSCG, le pacte de stabilité, auquel s’ajoutent le six pack et le two pack… Absolument plus personne ne s’y retrouve ! Je pense donc que l’une des premières choses à faire est de réécrire l’ensemble de ces dispositions de façon claire. En effet, la démocratie ne se porte pas bien lorsque ni les parlementaires, ni les économistes, ni l’opinion publique ne comprennent ce que l’on fait.
De plus, la mise en œuvre de ces dispositions est sujette à erreur. Nous l’avons vu notamment à propos du calcul du solde structurel : elle a donné lieu à une longue discussion, qui n’est pas encore close.
L’économiste Jean Pisani-Ferry déplore que l’objectif d’un déficit structurel à zéro empêche les gouvernements de profiter des taux d’intérêt durablement bas, qui sont ceux d’aujourd’hui, pour financer les investissements économiquement rationnels et utiles aux générations futures. Aujourd’hui, c’est le moment d’acheter une maison, puisque les taux d’intérêt sont à 1 %. Il en va de même pour le Gouvernement, qui devrait donc aller dans cette voie.
Un certain nombre d’économistes allemands et français ont proposé de substituer aux règles actuelles une règle unique fondée sur le taux de croissance des dépenses publiques. Autrement dit, on oublierait le fétichisme des 3 %, auquel succéderait un taux de croissance du PIB, par rapport auquel les dépenses publiques devraient se cadrer. Ce sujet mérite, à mon sens, d’être débattu, ce qui nous conduirait à nous interroger sur une modification du TSCG.
Les mêmes économistes proposent que les États en déficit par rapport à l’objectif à moyen terme émettent, dans un certain nombre de cas, ce qu’on appelle des « obligations juniors », c’est-à-dire dont le degré d’appel est moins important que les autres éléments de l’actif.
Enfin, le vrai débat porte sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Nous avons proposé la mise en place d’une union budgétaire reposant non seulement sur la surveillance des politiques budgétaires nationales, mais aussi sur la solidarité.
Le ministre passe beaucoup de temps à essayer de convaincre ses partenaires. L’Allemagne semble avoir évolué de façon positive, acceptant le principe de la création d’un budget pour la zone euro, qui permettrait aux États membres de financer les investissements d’avenir et de mieux résister aux chocs macroéconomiques. Cependant, cette proposition n’est pas approuvée par tous les Européens. Elle se heurte à l’hostilité d’un certain nombre de pays, notamment scandinaves, qui sont favorables à la réduction des dépenses et des risques.
La campagne des élections européennes me paraît le moment propice pour mener ces débats et observer quelles réponses le pays apportera à ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a maintenant plus de sept ans, le 2 mars 2012, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union européenne a été signé. Par ce traité, vingt-cinq des vingt-huit États membres de l’Union européenne se sont engagés, et engagés librement, de manière souveraine, à respecter des règles de discipline budgétaire.
Il est tout particulièrement important de s’attarder sur l’essence même de ce traité, car je note avec regret que certains confondent encore, sans doute délibérément, austérité et discipline. Je reviendrai sur ces deux concepts un peu plus tard, car il convient, avant tout, de rappeler quels ont été les germes de ce traité et quelles en sont les ambitions.
Le TSCG entend astreindre les États de la zone euro qui en sont signataires à financer leurs dépenses par leurs recettes, afin de limiter le recours à l’emprunt. Ce traité est la contrepartie logique des interventions de la Banque centrale européenne, la BCE, qui ont permis d’éviter l’éclatement de la zone euro.
Dans le contexte de la crise économique que nous avons connue et que nous connaissons, les États membres ne sont pas parvenus à respecter les règles strictes prévues par le pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997 en vue de la création de l’euro, le 1er janvier 1999. Ils se sont livrés à des excès d’endettement et de déficits préjudiciables à l’ensemble de la zone euro, outrepassant, somme toute, la limite des 3 % de déficit autorisé et ce, plusieurs années durant.
Aussi, en 2011, ce nouveau traité est venu proposer des règles communes de gouvernance économique et budgétaire, afin de veiller à ce que les pays soient contraints de s’astreindre à une certaine discipline budgétaire. Le TSCG prévoit également une coordination et une convergence des politiques économiques. Les États concernés sont tenus de communiquer leurs plans nationaux d’émissions de dette publique et de s’assurer que les grandes réformes économiques qu’ils entendent réaliser sont débattues au préalable et, au besoin, coordonnées.
Par conséquent, en son article 1er, le TSCG prévoit logiquement que les parties contractantes « conviennent, en tant qu’États membres de l’Union européenne, de renforcer le pilier économique de l’Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire au moyen d’un pacte budgétaire, à renforcer la coordination de leurs politiques économiques et à améliorer la gouvernance de la zone euro, en soutenant ainsi la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de croissance durable, d’emploi, de compétitivité et de cohésion sociale ».
En contrepartie d’une solidarité financière, le pacte budgétaire européen introduit une règle d’or, qui engage les États signataires à ce que la situation budgétaire de leurs administrations publiques soit « en équilibre ou en excédent ».
Ce rappel historique me semble nécessaire pour notre discussion. En effet, il est important de le rappeler, le TSCG est avant tout venu en réponse à la crise de la zone euro. Cela permet de garder à l’esprit que le volet « responsabilité » dont il est porteur revêt une importance primordiale.
Cette responsabilité est indispensable, car chacun sait que l’un des risques majeurs de la zone euro est de voir poindre des politiques budgétaires tout à fait insoutenables.
La discipline est indispensable au fonctionnement de l’Union européenne. A contrario, vouloir s’extraire du TSCG, c’est avant tout prendre le risque d’ouvrir la porte à des politiques budgétaires insoutenables et, à terme, à l’implosion des banques, à une nouvelle crise économique et à l’explosion de la zone euro. Voilà le véritable risque et l’enjeu qui nous occupe !
En outre, ces règles économiques ne tombent pas du ciel. Il ne s’agit pas d’un artefact créé de toutes pièces. Au-delà des notions de discipline et de sérieux économique, indépendamment du contexte dans lequel elles sont apparues, ces règles ont une raison d’être en elles-mêmes, à savoir l’interdépendance entre les États membres. Nous sommes liés les uns aux autres, que nous le voulions ou non ; et, en l’espèce, nous le voulons.
En effet, quand bien même les règles du TSCG seraient caduques, les marchés financiers viendraient nous rappeler, sans doute douloureusement, à cette réalité de l’interdépendance entre les États.
Enfin, présenter le TSCG comme un carcan ou un instrument de servitude obligeant les États à s’appliquer une austérité permanente et généralisée n’est pas conforme à la réalité de ce traité. En effet, d’aucuns ne pourront nier que le TSCG a eu pour résultat non de renforcer, mais d’assouplir, de facto, le pacte de stabilité. Bien qu’il ne l’ait pas modifié, le TSCG a introduit des règles qui sont plus souples et, surtout, qui sont définies en termes de solde structurel.
Permettez-moi, à ce titre, de souligner que les notions de TSCG et de politique budgétaire expansionniste ne sont pas incompatibles. Le TSCG oblige à l’équilibre ; il ne condamne pas à l’austérité.
Aussi, mes chers collègues, l’argument d’une certaine frange de la gauche – force est de lui reconnaître une certaine constance, fût-ce dans l’erreur –, qui consiste en l’équation « Europe égale austérité », ne prend pas avec le TSCG. À ceux qui nous opposent ce qu’ils considèrent comme le dogme de l’austérité, je rappelle que les dérives budgétaires nationales créent des crises, et qu’il nous incombe à tous de faire preuve d’intelligence budgétaire et de responsabilité.
C’est à cette responsabilité que nous rappelle le TSCG. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier tous les orateurs qui sont intervenus dans ce débat de la qualité de leurs interventions : M. Leconte, du rappel historique des différents engagements pris par la France sur la scène européenne avec ses partenaires ; M. Yung, de son illustration de l’autonomie et de la souveraineté des politiques nationales en matière budgétaire ; Mme Lavarde, d’avoir développé un certain nombre d’arguments juridiques sur la question de la caducité.
Au début de cette intervention, permettez-moi peut-être d’exprimer ma réserve sur l’intitulé du débat.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que nous avions demandé !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je vais y venir, madame la présidente ! Je voulais, disais-je, exprimer ma réserve sur l’intitulé du débat, car il sous-entend que la signature du traité de stabilité en 2012 aurait de facto privé les États signataires de leur autonomie, voire de leur souveraineté budgétaire.
J’exprime cette réserve, justement en écho, madame la présidente, aux propos de M. Laurent. Celui-ci a souligné tout à l’heure, dans une intervention dont je veux saluer la qualité, qu’un certain nombre de dispositions du traité n’ont pas été inscrites dans la loi organique, me laissant penser que lui-même répondait par la négative à la question de la souveraineté liée à la signature ou non du TSCG.
Nous estimons que les États parties au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ont choisi, en mars 2012, et en pleine indépendance, au-delà des avis exprimés alors par telle ou telle force politique de leurs pays respectifs, de signer ce traité, car il leur a semblé que cela répondait à leurs intérêts.
Il ne s’agissait en aucun cas de renoncer à notre souveraineté budgétaire – laquelle est pleinement exercée par le Parlement –, mais bien de coordonner nos décisions au sein de la zone euro. Au sein de celle-ci, la coordination des politiques budgétaires nous paraît essentielle. La politique budgétaire d’un pays a des conséquences sur tous les autres membres de l’union monétaire. Un pays qui a sa propre monnaie ne peut pas faire ce qu’il veut sur le plan budgétaire, car il est très vite rattrapé par l’évolution de sa monnaie, laquelle agit comme une corde de rappel très forte.
Nous avons connu cela à de nombreux moments, avec le franc au début des années 1980 et encore en 1992 et 1993. Désormais, l’union monétaire nous en protège, avec comme contrepartie la nécessité d’éviter des comportements désordonnés ou non coopératifs.
La convergence des taux d’intérêt au sein de la zone euro nous permet de nous endetter à bas coût. C’est évidemment un autre avantage souligné par beaucoup d’entre vous. Sous la réserve que nous savons, c’est-à-dire que si un pays abuse de cette possibilité, il peut provoquer une crise globale de la zone euro, laquelle peut se déclencher brutalement, en suscitant une instabilité financière dans toute la zone monétaire, comme ce fut le cas lors de la crise grecque. Les règles budgétaires communes représentent, de ce point de vue et selon nous, une protection pour tous les États.
Ce cadre commun dont nous nous sommes dotés est aussi utile sur le plan strictement national. En effet, peut-être l’aurions-nous fait indépendamment de notre engagement, mais force est de constater que ce traité nous a conduits à renforcer notre Haut Conseil des finances publiques, le HCFP, et notre programmation pluriannuelle des finances publiques.
Cela donne ainsi plus de crédibilité et de vision à moyen terme sur nos comptes publics. Cela participe pleinement du bon fonctionnement de notre démocratie, car le Parlement peut se prononcer en connaissance de cause sur la base d’informations solides et transparentes.
De plus, la logique du traité, qui consiste à maîtriser la dette publique, mais en tenant compte de la situation économique, est efficace. Nous devons faire plus d’efforts quand la croissance est bonne, mais aussi pouvoir relâcher la contrainte en cas de ralentissement marqué de la conjoncture économique. C’est précisément ce que vise le TSCG, qui repose sur des objectifs calculés en « structurel ».
La question qui se pose à travers votre débat demandé par le groupe CRCE, et que j’ai entendue dans certaines de vos interventions, est la suivante : quelle politique budgétaire devrait être menée pour la France si le TSCG n’existait pas, si l’on retenait les arguments de MM. Laurent et Wauquiez sur la caducité du TSCG ou si l’on considérait sa disparition ?
Au risque de décevoir les auteurs du débat, ma réponse est la suivante : la politique budgétaire resterait la même que celle que nous menons actuellement. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Pierre Laurent. Donc, on ne change rien !
Mme Esther Benbassa. Tout va très bien, madame la marquise !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’application du traité ne nous conduit aucunement à une politique budgétaire qui serait inadaptée ou contrainte.
Les mesures que le Gouvernement a prises récemment en sont l’exemple ou la démonstration. Nous conservons une large capacité d’action au niveau national pour tenir compte des circonstances propres à notre situation. Ainsi, la politique que nous conduisons montre que nous pouvons nous adapter, tout en visant notre objectif de réduction de la dette.
Notre stratégie budgétaire de tenue des comptes publics et de baisse de la dette a été définie d’abord parce qu’elle est, à nos yeux, bonne pour notre pays, et non pas eu égard au traité qui nous engage. Nous considérons – je sais que beaucoup ici partagent cette idée – qu’une dette trop élevée est néfaste pour nos concitoyens, et cela pour au moins trois raisons.
Tout d’abord, les dépenses afférant au service de la dette sont autant d’argent public qui pourrait servir au financement des services publics ou à des investissements favorables à la croissance de long terme.
Ensuite, une dette trop élevée peut conduire à une perte de souveraineté si la confiance des marchés n’est plus là. Grâce à notre sérieux budgétaire, nous avons la confiance des marchés. Si tel n’était plus le cas, nous devrions payer beaucoup plus cher notre dette. Cela signifierait moins de crédits budgétaires dévolus aux services publics pour nos concitoyens, car il nous faudrait lever des financements rendus nécessaires sur les marchés. Nous serions dans la main des investisseurs, ce que nous ne souhaitons pas.
Enfin, au risque d’énoncer une évidence, une dette trop élevée est un fardeau pour les générations futures. Nous ne voulons pas laisser à nos enfants la charge des dépenses que nous faisons aujourd’hui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis, comme nombre d’entre vous, un élu local. J’ai été maire de ma commune pendant près de dix ans et, comme tous les élus locaux, je sais – et nous savons tous – que si nous ne maîtrisons pas nos comptes publics, nous nous privons de toute marge de manœuvre en cas de crise ou tout simplement en cas de besoin.
Je l’ai fait dans ma propre commune, en réduisant les dépenses de fonctionnement sans remettre en cause la qualité des services rendus – ceux-ci ont même été renforcés. Je l’ai fait aussi en réduisant de moitié la dette, tout en augmentant très fortement les investissements. Cette expérience n’est pas isolée, je le sais, et je crois que, traité ou non, nous sommes nombreux à former le vœu d’une situation identique pour les comptes nationaux.
En conclusion, pour revenir à notre débat national et européen d’aujourd’hui, le Gouvernement que je représente devant vous porte la conviction qu’une stratégie de réduction de l’endettement public est une stratégie de protection de l’autonomie budgétaire du pays. J’ai en tête des exemples récents, tel celui de l’Italie, dont la charge d’intérêt est si élevée que le poids de sa dette croît mécaniquement, en dépit d’excédents budgétaires primaires hors charge d’intérêt, et qui, sous la pression d’une montée des taux d’intérêt, a dû amender substantiellement sa stratégie budgétaire.
Par ailleurs, nous considérons que la stratégie de réduction du déficit et de la dette choisie par le Gouvernement nous permet d’endiguer la hausse constante de la dette grâce aux efforts budgétaires que nous déployons quotidiennement. Notre cap reste celui d’une réduction de l’endettement et du déficit d’ici à la fin du quinquennat. Cet objectif est partagé par nombre d’entre vous – je l’ai entendu dans les interventions de M. Yung, de Mme Mélot, de M. Bonhomme et de M. Gabouty qui nous ont appelés à cette vigilance.
Cette réduction de la dette et du déficit passe par un effort sur la dépense publique en ciblant les endroits où des économies sont possibles, notamment grâce aux nouveaux outils digitaux, mais pas seulement.
Ces efforts ne doivent pas se faire au détriment des investissements publics qui sont essentiels à la croissance de long terme et donc à la soutenabilité des finances publiques – c’est là le rôle du grand plan d’investissement. Ils ne doivent pas se faire non plus au détriment de la qualité des services publics. Tel est le sens des engagements pris par le Président de la République pendant sa campagne de 2017, comme il y a encore quelques jours, lorsqu’il a tiré les conclusions du grand débat.
Il nous faut appliquer un nouveau modèle budgétaire : moins de dépenses publiques et de dette, moins de prélèvements obligatoires, mais plus de soutien à l’investissement et à l’innovation. Notre objectif reste de réduire le poids des dépenses publiques de près de 3 points en équivalent PIB sur le quinquennat et de réduire de plus de 1 point celui des prélèvements obligatoires.
Au-delà des efforts de consolidation budgétaire, une stratégie de renforcement des finances publiques doit aussi s’appuyer sur des leviers de renforcement de la croissance et de l’efficacité de l’action publique.
La baisse des dépenses publiques doit donc aller de pair avec des réformes structurelles. Il faut attaquer les problèmes sociaux à la racine, plutôt que de traiter systématiquement leurs symptômes. C’est tout le sens du travail que le Gouvernement mène actuellement, en proposant des réformes dans différents domaines, l’éducation et la formation, l’emploi, l’action et la fonction publique. J’aurai l’honneur de vous présenter dans quelques semaines un texte sur ce sujet.
Vous le voyez, et c’est peut-être là le point de divergence majeur avec le groupe CRCE, notre trajectoire de finances publiques est d’abord dictée par les impératifs propres à notre économie.
De ce point de vue, je le répète, le traité de 2012 ne nous empêche nullement de conduire la politique budgétaire qui nous semble la plus adaptée pour la France. Au contraire, il nous a permis de renforcer notre cadre budgétaire pour plus de transparence et, finalement, de donner plus de crédibilité à nos comptes publics. Il nous permet aussi, et peut-être surtout, de mieux coordonner les politiques budgétaires de la zone euro, ce qui est absolument nécessaire au bon fonctionnement d’une union monétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème « La caducité du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union européenne rendra-t-elle une autonomie budgétaire aux États membres ? »
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)