PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Synergies entre les conseils municipaux et communautaires
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires, présentée par M. Alain Marc et plusieurs de ses collègues (proposition n° 285, texte de la commission n° 471, rapport n° 470).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Marc, auteur de la proposition de loi.
M. Alain Marc, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons tous, au sein de cet hémicycle, le souci d’une bonne administration locale.
Si le nouveau mode de désignation des conseillers communautaires, dessiné par la réforme de 2013, est dans l’ensemble satisfaisant, certaines difficultés demeurent toutefois pour ce qui est de la représentation.
En effet, les conseils municipaux ont perdu la faculté de remplacer leurs délégués au sein des conseils communautaires en cours de mandat : les conseillers communautaires sont élus pour la même durée que les conseillers municipaux et renouvelés intégralement à la même date que ceux-ci.
Avant la réforme de 2013, un conseil municipal pouvait, à tout moment, remplacer les délégués qu’il avait désignés. La perte de cette possibilité peut provoquer des dysfonctionnements en cas de dissensions entre le conseil municipal et les représentants de la commune au conseil communautaire.
Je pense, par exemple, aux difficultés qui peuvent survenir à la suite d’un changement de la majorité municipale, mais aussi lorsqu’un nouveau maire prend ses fonctions en cours de mandat – en cas de décès ou de démission de son prédécesseur – alors qu’il n’est pas membre du conseil communautaire.
Ces difficultés se posent aussi bien dans les communes de moins de 1 000 habitants que dans les communes plus peuplées, puisqu’une modification de l’ordre du tableau municipal en cours de mandature n’a pas pour effet de mettre fin au mandat des conseillers communautaires en exercice.
Il peut également arriver que le maire, même s’il le souhaite, ne siège pas au conseil communautaire. En effet, dans les communes de 1 000 habitants et plus, rien n’oblige le conseil municipal à élire le maire parmi les conseillers municipaux qui ont également été élus au conseil communautaire, ni même parmi ceux qui y ont été candidats ; nous en avons des exemples. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, si le maire élu au début de la mandature devient nécessairement conseiller communautaire, sauf s’il ne le souhaite pas ou s’il démissionne de ce mandat, il n’en va pas de même de ses éventuels successeurs.
Afin de renforcer l’indispensable coordination entre les communes et leurs groupements à fiscalité propre, il est apparu nécessaire d’apporter des ajustements au mode de désignation des conseillers communautaires issu de la loi du 17 mai 2013, qui a privé les conseils municipaux de la prérogative consistant à élire les représentants de leur commune auprès de l’EPCI à fiscalité propre auquel celle-ci appartient.
La proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires, que je suis heureux de vous présenter, a précisément pour objectif de résoudre les difficultés issues de la réforme du mode de désignation des conseillers communautaires adoptée en 2013.
Pour ce qui est des communes de 1 000 habitants et plus, leur représentation au sein des conseils communautaires serait désormais assurée, d’une part, par le maire, sauf si, à la demande de celui-ci, le conseil municipal décidait de désigner un autre de ses membres et, d’autre part, par des conseillers communautaires élus en même temps que les conseillers municipaux au suffrage universel direct, selon le système de fléchage aujourd’hui en vigueur.
Plus précisément, les électeurs d’une commune seraient appelés à élire un nombre de conseillers communautaires correspondant au nombre total de ceux qui sont impartis à la commune, mais le maire, s’il n’avait pas été élu conseiller communautaire au suffrage universel direct, prendrait la place du dernier candidat de même sexe élu conseiller communautaire sur la même liste que lui ou, le cas échéant, du seul candidat élu sur cette liste. À la demande du maire, le conseil municipal pourrait cependant désigner un autre de ses membres pour siéger au conseil communautaire à sa place.
Le sujet est très technique, je l’avoue, mais il est très important, puisque nous avons relevé, hélas, au cours de la mandature qui s’achève, de nombreuses situations qui ont suscité du désarroi au sein des conseils municipaux, notamment parce qu’un nouveau maire n’a pas la possibilité de siéger au conseil communautaire.
Par ailleurs, le conseil municipal pourrait à tout moment procéder au remplacement d’un conseiller communautaire par un autre conseiller municipal du même sexe et ayant figuré sur la même liste de candidats au conseil communautaire, sous réserve qu’au moins un conseiller municipal ayant figuré sur cette liste le demande. Cette condition a pour objet de prévenir d’éventuelles pressions de la majorité sur des conseillers communautaires : la demande devrait être faite par un colistier du conseiller à remplacer.
Afin de faciliter le remplacement de conseillers communautaires en cours de mandature, il est également proposé d’augmenter le nombre de candidats sur les listes. Aujourd’hui, les listes pour le conseil communautaire doivent comporter un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir, augmenté d’une unité, si ce nombre est inférieur à cinq, et de deux, dans le cas contraire.
L’article 5 de la proposition de loi initiale prévoyait que le nombre de candidats supplémentaires puisse être porté à deux ou trois, selon le cas ; cela reste facultatif.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers communautaires continueraient à être désignés dans l’ordre du tableau du conseil municipal, mais celui-ci pourrait à tout moment, par délibération motivée, remplacer un conseiller communautaire par un autre de ses membres pour la durée de son mandat restant à courir.
Enfin, l’article 6 procédait à diverses coordinations dans le code électoral et le code général des collectivités territoriales.
Je me félicite de ce que M. le rapporteur, Dany Wattebled, ait partagé les objectifs de cette proposition de loi, tout en affinant son dispositif, avec l’aide des membres de la commission et de mes chers collègues.
La commission a ainsi approuvé le relèvement facultatif du nombre de candidats supplémentaires sur les listes de candidats au conseil communautaire dans les communes de 1 000 habitants et plus, prévu à l’article 5, en portant leur nombre maximal à quatre dans les communes élisant au moins cinq conseillers.
Plusieurs autres modifications ont été apportées au régime électoral des conseillers communautaires, dont la suppression de l’incompatibilité entre le mandat de conseiller communautaire et l’exercice d’un emploi salarié auprès d’une commune membre.
Par ailleurs, dans le même objectif de renforcement des synergies entre conseils municipaux et communautaires, la commission a prévu l’institution d’une conférence consultative des maires dans les communautés de communes et d’agglomération, ainsi que dans les communautés urbaines, à titre obligatoire dès lors que 30 % des maires des communes membres en feraient la demande.
Elle a également entendu renforcer les attributions consultatives de la conférence métropolitaine des maires de la métropole de Lyon, chère à François-Noël Buffet.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que représentants des collectivités territoriales, nous avons tous constaté que lorsque les maires démissionnaient en cours de mandat ou, hélas, décédaient, les nouveaux maires n’étaient pas forcément conseillers communautaires.
Il est même arrivé que des maires ayant démissionné de leurs fonctions, mais étant restés conseillers communautaires, pour des raisons qui nous échappent, travaillent contre les intérêts de la commune dont ils sont pourtant les délégués. De tels faits ne devraient pas se produire !
Consolider la place des maires dans la gouvernance de l’intercommunalité apparaît primordial, puisque cet échelon a de plus en plus d’importance.
Par ailleurs, je souscris pleinement aux modifications ponctuelles apportées en commission, qui viennent compléter un texte qui se veut pragmatique.
C’est pourquoi je vous propose d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dany Wattebled, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous sommes appelés à examiner aujourd’hui porte la marque de l’esprit du Sénat.
C’est un texte inspiré par l’expérience de terrain, celle des élus locaux que nous sommes ou que nous avons été.
C’est le fruit d’un travail d’évaluation patient et méthodique de la législation. Nous savons en effet, au Sénat, qu’il ne suffit pas de voter des textes, mais qu’il faut se soucier de leur mise en œuvre et des effets qu’ils produisent. La fonction de contrôle et d’évaluation fait partie intégrante des missions constitutionnelles du Parlement.
C’est, enfin, un texte mesuré, dont les auteurs cherchent non pas à renverser la table ou à revenir sur les réformes votées au cours des années précédentes, mais à procéder aux ajustements qui apparaissent indispensables au vu de l’expérience acquise.
Chacun le sait dans cet hémicycle : le bon fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre nécessite une parfaite coordination entre les conseils municipaux et communautaires. Non seulement les communes doivent pouvoir faire entendre leur point de vue au sein des assemblées délibérantes des communautés qui les réunissent, mais il est indispensable que les maires et les conseils municipaux soient pleinement associés aux décisions prises à l’échelon intercommunal.
C’est, d’une part, une condition de la légitimité de l’action communautaire, car un EPCI n’est que l’émanation de ses communes membres ; c’est à l’échelle de la commune que le lien démocratique entre les citoyens et les élus reste le plus fort.
C’est, d’autre part, un gage de bonne administration locale, tant les compétences communales et intercommunales sont étroitement imbriquées.
Pendant plus d’un siècle, les délégués des communes au sein des assemblées délibérantes des établissements publics de coopération intercommunale ont été désignés par leur conseil municipal.
La situation a changé depuis la loi du 17 mai 2013 et les élections de mars 2014. Il faut désormais distinguer entre les syndicats de communes, d’un côté, qui sont administrés par un comité syndical dont les membres sont élus par les conseils municipaux, et les EPCI à fiscalité propre, et de l’autre, qui sont administrés par un conseil communautaire dont les membres sont désignés selon des modalités qui diffèrent en fonction de la population de la commune.
En effet, dans les communes de 1 000 habitants ou plus, dont les conseils municipaux sont élus au scrutin de liste, les conseillers communautaires sont désormais élus au suffrage universel direct, en même temps que les conseillers municipaux et selon un système dit de fléchage qui établit une corrélation étroite entre les candidatures et les résultats aux deux élections.
En revanche, dans les communes de moins de 1 000 habitants, dont les conseils municipaux sont élus au scrutin uninominal, les conseillers communautaires sont des membres du conseil municipal, désignés dans l’ordre du tableau.
La réforme de 2013 est parvenue, dans l’ensemble, à un équilibre satisfaisant. Grâce aux apports du Sénat, le législateur a réussi à opérer une juste conciliation entre le principe, fixé en 2010, de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct dans la plupart des communes et la nécessité de maintenir un lien étroit entre les conseils municipaux et communautaires.
Certaines difficultés n’en demeurent pas moins.
En effet, en même temps que la prérogative consistant à élire leurs délégués au conseil communautaire, les conseils municipaux ont perdu la faculté de remplacer ceux-ci en cours de mandat. Cela peut provoquer des dysfonctionnements en cas de dissensions entre le conseil municipal et les représentants de la commune au sein du conseil communautaire, par exemple à la suite d’un changement de majorité municipale.
Il peut également arriver que le maire, même s’il le souhaite, ne siège pas au conseil communautaire. C’est le cas, en particulier, lorsqu’un nouveau maire est élu en cours de mandature.
La proposition de loi présentée par notre collègue Alain Marc et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires a pour ambition de résoudre ces difficultés.
La commission des lois a souscrit aux objectifs recherchés, mais elle a estimé que certaines dispositions proposées se heurtaient à des problèmes de droit ou d’opportunité et méritaient donc d’être affinées.
En ce qui concerne les communes de 1 000 habitants et plus, la proposition de loi prévoyait initialement que leur représentation au sein des conseils communautaires serait désormais assurée, d’abord, par le maire, sauf si, à la demande de celui-ci, le conseil municipal décidait de désigner un autre de ses membres et, ensuite, par des conseillers communautaires élus en même temps que les conseillers municipaux au suffrage universel direct, selon le système de fléchage en vigueur aujourd’hui.
En outre, le conseil municipal aurait pu, à tout moment, procéder au remplacement d’un conseiller communautaire par un autre conseiller municipal du même sexe ayant figuré sur la même liste de candidats, à condition que l’un de ses colistiers le demande.
Nous avons constaté que ce dispositif aboutissait à faire coexister quatre catégories de représentants des communes de 1 000 habitants et plus dans les conseils communautaires, les uns désignés ès qualités, les autres élus au suffrage universel direct ou indirect. Il ne nous a pas paru souhaitable que les conseillers communautaires d’une même commune puisent ainsi leur légitimité à des sources différentes.
Par ailleurs, la commission a estimé qu’il était juridiquement impossible d’accorder au conseil municipal la faculté de mettre fin, à tout moment et pour tout motif, au mandat d’un conseiller communautaire élu au suffrage universel direct. Une telle disposition aurait mis à mal l’effectivité du droit de suffrage garanti par l’article 3 de la Constitution. C’est pourquoi la commission a jugé préférable de s’en tenir sur ce point au statu quo.
En revanche, pour faciliter les remplacements en cours de mandat, elle a accepté l’allongement des listes de candidats, qui pourraient ainsi comporter entre deux et quatre candidats supplémentaires en fonction du nombre de sièges à pourvoir.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, dont les conseillers communautaires sont désignés dans l’ordre du tableau, aucun principe constitutionnel n’interdit qu’il soit mis fin par anticipation au mandat de ces conseillers.
Là encore, la proposition de loi prévoyait que le conseil municipal puisse remplacer à tout moment un conseiller communautaire par un autre conseiller municipal de son choix.
La commission a estimé préférable de ne pas faire coexister deux catégories de délégués de ces communes, les uns désignés dans l’ordre du tableau, les autres élus par le conseil municipal.
C’est pourquoi elle a prévu qu’en cas d’élection d’un nouveau maire, pour quelque cause que ce soit, il sera procédé à une nouvelle désignation des conseillers communautaires de la commune dans l’ordre du tableau. De cette façon, le nouveau maire pourra siéger au conseil communautaire s’il le souhaite, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
Au-delà de la composition des conseils, la commission des lois s’est attachée à trouver d’autres moyens pour renforcer les synergies entre les communes et l’intercommunalité.
Suivant une proposition faite par notre collègue Mathieu Darnaud au nom de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, la commission des lois a souhaité qu’une conférence des maires soit instituée dans l’ensemble des EPCI à fiscalité propre, dès lors que 30 % des maires en feraient la demande au cours des six mois suivant le renouvellement des conseils. Cette instance de concertation et de coordination entre les exécutifs locaux, qui n’est aujourd’hui obligatoire que dans les métropoles, a fait la preuve de son utilité.
Le cas de la métropole de Lyon mérite un examen particulier. En effet, comme vous le savez, cette métropole est non pas un EPCI, mais une collectivité territoriale à statut particulier. À compter de 2020, son conseil sera élu au suffrage universel direct lors d’une élection distincte des élections municipales. Les communes ne seront donc plus représentées en tant que telles au conseil métropolitain et certaines communes n’y enverront même aucun de leurs habitants.
Cette situation est paradoxale, car la métropole de Lyon exerce un grand nombre de compétences en lieu et place des communes et l’exercice de ces compétences exige une coordination étroite avec celles-ci.
C’est pourquoi, sur proposition de notre collègue François-Noël Buffet, la commission a prévu que seraient désormais soumis pour avis à la conférence métropolitaine des maires les actes les plus importants de la métropole et ceux qui se rapportent le plus étroitement aux compétences communales.
Enfin, la commission a adopté plusieurs amendements visant à clarifier le droit électoral ou à abroger des dispositions obsolètes, parmi lesquelles l’article 54 de la loi Maptam, que vous connaissez bien, ainsi qu’un amendement de notre collègue Jean-Pierre Grand tendant à supprimer l’incompatibilité entre l’exercice d’un mandat de conseiller communautaire et celui d’un emploi salarié auprès d’une commune membre, incompatibilité qui n’a pas de justification évidente.
Pour finir, je tiens à remercier Alain Marc d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi très bienvenue, que la commission des lois vous invite à adopter, mes chers collègues, dans la rédaction issue de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le sénateur Alain Marc, auteur de la proposition de loi que nous examinons cet après-midi, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la première fois que je me retrouve devant vous depuis la fin du grand débat national et de la grande tournée des maires lancée par le Président de la République.
C’est le 15 janvier dernier, dans le beau département de l’Eure, à Bourgtheroulde, que cette démarche a commencé. Comme vous le savez, les maires ont joué un rôle déterminant dans l’organisation du grand débat : 16 132 communes ont ouvert un cahier citoyen, et la moitié des réunions ont été organisées par des élus de la République, des élus locaux.
C’est important de le rappeler, car nombreux sont ceux qui, parfois dans cet hémicycle même, mais plus souvent à l’extérieur de cette enceinte, doutaient en décembre dernier de l’implication des maires dans l’organisation de ce grand débat. Or, bien évidemment, ceux-ci ont répondu présents !
Pendant ces trois mois, nous avons pu entendre des messages simples et clairs exprimés par plus de 5 000 élus que nous avons rencontrés. On pourrait les résumer ainsi : « Nous voulons plus de liberté, nous voulons moins de contraintes, faites-nous confiance et arrêtez de nous imposer un modèle toujours plus uniforme ! »
Lors de l’annonce des conclusions du grand débat, le Président de la République a montré qu’il avait entendu les préoccupations et les propositions formulées lors de ses différents déplacements.
À l’occasion de sa conférence de presse, il a clairement rappelé la légitimité que donne l’élection aux maires, confortant ainsi la place de la démocratie représentative.
Le Président de la République s’est aussi engagé à renforcer le rôle des maires, notamment en leur donnant un statut « digne de ce nom ». Nous aurons l’occasion d’y travailler dans les jours prochains, en lien, bien sûr, avec les nombreux travaux déjà menés par le Sénat.
M. François Bonhomme. Nous sommes impatients !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Président de la République a également annoncé plusieurs chantiers de réformes, dont une nouvelle étape de décentralisation qui se veut plus adaptée à chaque territoire, selon trois principes clairs : responsabilité, lisibilité des compétences et cohérence du financement. Certes, il faut donner davantage d’autonomie aux élus locaux, mais il faut pour cela clarifier les compétences et les responsabilités de chacun : qui paie décide, mais qui décide assume.
Le Premier ministre a annoncé, il y a quelques jours, la méthode de travail qui serait suivie. Les associations d’élus et les parlementaires vont évidemment être consultés pour travailler sur l’ensemble des mesures détaillées par le chef de l’État.
D’ores et déjà, nous pouvons avancer sur certains chantiers, notamment, sur celui des irritants de la loi NOTRe, loi que j’ai combattue en tant que maire et président de conseil départemental, et, plus généralement, sur tous les irritants qui concernent le couple communes-intercommunalité ; ces irritants ont souvent été, il faut le reconnaître, au cœur des débats.
Monsieur le sénateur Alain Marc, votre proposition de loi est intéressante, car elle nourrit les réflexions actuellement menées. En effet, les sujets qui concernent les communes et les EPCI devront être discutés et des dispositions proposées et adoptées au plus vite, avant les élections municipales de l’année prochaine. Les élus de 2014 font partie d’une génération convalescente qui a connu des bouleversements majeurs dans l’organisation territoriale. À cela s’ajoutait, bien sûr, la baisse des dotations de l’État. Nous ne voulons pas reproduire cela. Il faut, au contraire, donner plus de visibilité aux élus en leur simplifiant le quotidien. Ce texte répond en très grande partie à cet objectif.
Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur de son écoute ; avec l’ensemble des membres de la commission des lois, il a considérablement fait évoluer la proposition de loi, et toujours en lien avec l’esprit du texte initial de M. Alain Marc.
Alors, quelle est la philosophie de cette proposition de loi ? Je dirais qu’elle a pour premier objet de mieux associer la commune et l’intercommunalité. Elle vise, dans cet esprit, à créer des synergies entre communes et intercommunalités ; elle constitue donc une première pierre de cet édifice.
En effet, comme vous l’avez très justement souligné, monsieur le rapporteur, le succès des EPCI réside avant tout dans la bonne coordination entre les conseils municipaux et les conseils communautaires. Nous avons tort de trop souvent opposer l’une à l’autre : en réalité, nous avons autant besoin de la commune que de l’intercommunalité. Mais leur relation doit véritablement fonctionner ; il faut avouer que ce n’est pas toujours le cas.
Tout d’abord, la commune : l’EPCI doit être à son service, et non pas l’inverse. Le maire doit être pleinement associé à la décision et être informé de l’ensemble des décisions qui sont prises.
Ensuite, l’EPCI : il est parfaitement légitime, car toutes les compétences n’ont pas vocation à être assumées à l’échelon de la commune. Comment imaginer que les 1 258 EPCI de France soient organisés, gouvernés et gérés de la même manière ? Ce serait absurde !
J’ai déjà eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, présentée par Mme Françoise Gatel, qui sera d’ailleurs examinée au mois de juillet par l’Assemblée nationale, comme nous nous y étions engagés. (Exclamations d’impatience sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Nous l’attendons !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Soyez patients, mesdames, messieurs les sénateurs : les choses avancent !
Faisons confiance aux élus locaux pour imaginer des solutions intelligentes à l’échelle de leur territoire. Certains veulent des EPCI très intégrés, d’autres moins. C’est un choix local, et il me semble, en particulier au Palais du Luxembourg, que nous devons le respecter ; sinon, nos paroles sur la liberté locale et la décentralisation seraient duplices.
Au cours des dernières années, le mode de désignation des conseillers communautaires a fortement évolué. Les lois du 16 décembre 2010 et du 13 mai 2013 ont institué l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, dans les communes de plus de 1 000 habitants, alors qu’ils étaient auparavant désignés par les conseils municipaux. Vous n’ignorez pas non plus que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers communautaires sont désignés dans l’ordre du tableau.
Ces évolutions sont positives du point de vue de la démocratie ; le Gouvernement n’entend pas revenir dessus. En revanche, on ne peut nier les excès de la loi NOTRe. Je le redis, j’ai largement combattu ce texte, en mon temps, comme élu local…
M. François Bonhomme. Nous n’en doutons pas !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je présidais alors le département de l’Eure ; j’avais dit aux trois sénateurs de ce département que je ne comprenais pas que l’on puisse adopter ce texte, y compris sur la base d’un mauvais compromis en commission mixte paritaire. Je remercie ici publiquement MM. les sénateurs Hervé Maurey et Ladislas Poniatowski d’avoir voté contre la loi NOTRe plutôt que de l’avoir soutenue, même au prix d’un mauvais compromis.
Mme Cécile Cukierman. Ils ne sont pas les seuls !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous renvoie donc, concernant cette loi, à l’histoire politique, y compris à la mienne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La loi NOTRe, dans son excès, a permis la création d’EPCI XXL, qui ne respectaient pas toujours la géographie des bassins de vie – on peut le reconnaître, monsieur Sueur –, ni même, parfois, l’identité communale. C’est un fait ! J’estime qu’on peut aujourd’hui s’accorder sur les effets de cette loi ; à mes yeux, des ajustements sont désormais nécessaires.
M. Jean-Pierre Sueur. Sans la droite, cette loi n’aurait pas été adoptée…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je dis simplement, monsieur Sueur, que quelques élus ruraux, dont j’étais, avaient alors déjà affirmé que le gigantisme ne faisait pas partie de notre identité politique française.
M. André Reichardt. Il faut changer alors !