M. le président. L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par Mme N. Goulet, MM. Delahaye, Henno, Reichardt, Guerriau et Détraigne, Mme Kauffmann, MM. Danesi, Bazin et Rapin, Mme Garriaud-Maylam, M. Decool, Mmes Billon et Perrot et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La conservation s’entend des travaux de sécurisation, de stabilisation et de consolidation et non de l’entretien courant et des charges de fonctionnement qui relèvent des compétences de l’État, y compris celles de l’établissement public mentionné à l’article 8.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Le titre même du projet de loi contient les termes conservation et restauration. Vous comprendrez que nous ayons besoin d’explications et de sécurité. J’ai donc déposé, avec plusieurs collègues, cet amendement pour préciser que, par conservation, on entend « les travaux de sécurisation, de stabilisation et de consolidation », et non, comme l’a fait remarquer Mme Vérien, l’entretien courant et les charges de fonctionnement, lesquels relèvent des compétences de l’État.
Comme l’on dit en Normandie, une grande confiance n’excluant pas une petite méfiance, et compte tenu du désengagement général très remarqué de l’État, cet amendement de précision tient du bon sens. Il importe de préciser le sens du terme « conservation », de façon à ce qu’il soit exactement lié avec l’objet dont nous sommes en train de débattre. Son adoption apporterait de la sécurité et éviterait d’autres débats.
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié bis, présenté par M. Retailleau, Mmes Bonfanti-Dossat et Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mmes Bruguière et L. Darcos, M. Dufaut, Mmes Dumas et Duranton, MM. Grosperrin, Hugonet et Kennel, Mme Lopez et MM. Nachbar, Piednoir, Regnard et Savin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les fonds recueillis au titre de la souscription nationale ne peuvent pas contribuer au financement du fonctionnement de l’établissement public.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je vais être rapide, car le dispositif est assez clair. Le ministère dispose de plusieurs maîtres d’ouvrage. Vous en ajoutez un en créant un nouvel établissement public, lequel va recueillir des fonds, au titre de la souscription nationale, pour servir à la restauration. Le Gouvernement a fait le choix d’une nouvelle structure, mais je ne vois pas au nom de quoi des fonds seraient affectés à ses dépenses de fonctionnement. Il faut préserver la volonté initiale des donateurs : les travaux de restauration de Notre-Dame. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Ces amendements visent à exclure du champ du financement par le biais de la souscription nationale un certain nombre de dépenses. Il s’agit de précisions qui me semblent fort utiles et de nature à rassurer les donateurs sur la manière dont seront utilisées les sommes qu’ils ont versées.
Le produit de la souscription doit évidemment permettre de réparer les dommages causés par le sinistre du 15 avril, et non de financer des dépenses qui incombent à l’État, en tant que propriétaire du monument. Je doute d’ailleurs que les donateurs aient jamais eu à l’esprit que leurs dons puissent servir à financer les salaires, loyers ou dépenses d’entretien et de fournitures d’un nouvel établissement public, quand bien même serait-il chargé de la maîtrise d’ouvrage de Notre-Dame.
Le champ de l’amendement de Mme Goulet m’apparaît plus large, puisqu’il vise non seulement les charges de fonctionnement, mais également l’entretien. Aussi, la commission a-t-elle émis un avis favorable sur cet amendement. Peut-être les auteurs des deux autres amendements pourraient-ils les retirer à son profit, puisqu’il les satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Avis défavorable.
Monsieur Retailleau, vous avez une connaissance très fine de la volonté de chaque donateur de Notre-Dame de Paris. Bravo ! Vous avez dû les consulter les uns après les autres pour savoir exactement quelle était leur volonté individuelle…
Mme Catherine Procaccia. Et vous ?
M. Franck Riester, ministre. Je vais être beaucoup plus humble, parce que je sais que c’est un problème difficile, complexe, que nous résolvons, en partie, avec l’article 2 : « Les fonds recueillis au titre de la souscription nationale sont destinés au financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier, dont l’État est propriétaire, ainsi qu’à la formation initiale et continue de professionnels disposant des compétences particulières qui sont requises pour ces travaux. » C’est aussi pour cela que nous souhaitions que la réduction d’impôt commence à partir du 16 avril, date de lancement de la souscription nationale.
Il est clair, et nous avons échangé sur ce point avec le Conseil d’État, que sont concernées la conservation, dans sa double dimension de sauvegarde consécutive à l’incendie et d’entretien sur le temps long, ainsi que la restauration, c’est-à-dire la reconstruction de la charpente, de la flèche et de l’ensemble de l’édifice. Voilà pourquoi ces éléments sont précisés dans l’objet de la souscription nationale.
Vous pouvez ne pas être d’accord, monsieur Retailleau, mais vous ne pouvez pas dire que l’intention des donateurs est exclusivement circonscrite à ce que vous avez décrit. Pardonnez-moi de le dire, c’est un peu présomptueux. Croyez-moi, je connais des donateurs qui sont complètement sur la ligne que je viens d’exposer.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Je retire mon amendement au bénéfice de la précision normande contenue dans l’amendement n° 11 rectifié quater. (Exclamations amusées.)
M. le président. L’amendement n° 25 est retiré.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Notre groupe votera bien sûr dans le sens de ces amendements. Je pense que la clarté est indispensable.
J’aimerais profiter de cette explication de vote pour aborder un problème qui me tient à cœur, un de mes amendements portant sur ce sujet étant tombé sous le coup de l’article 40 de la Constitution.
Je vais vous surprendre, mes chers collègues, mais Notre-Dame est un bâtiment qui reste malheureusement mal appréhendé par l’archéologie. Il faut savoir qu’entre le relevé intégral de la charpente réalisé par Viollet-le-Duc et aujourd’hui, très peu d’observations archéologiques ont été réalisées sur cette charpente. Mes collègues ont fait à plusieurs reprises des demandes, et, malheureusement, il a fallu que la charpente brûle pour qu’ils puissent l’étudier. Ils en sont évidemment tristes.
Il reste donc beaucoup à faire sur ce bâtiment. Monsieur le ministre, vous avez très justement déclaré que le chantier devait être exemplaire. Je crois que nous avons aussi besoin de l’exemplarité des ministères de la culture et de la recherche, qui doivent accompagner ce chantier de restauration d’un chantier d’étude programmé sur fonds d’État.
Je pèche, pardon, je plaide pour ma paroisse – excusez-moi pour ce jeu de mots ! (Exclamations amusées sur différentes travées.) –, mais il serait bienvenu d’effectuer quelques sondages archéologiques, qui n’ont pu être faits jusque-là, de nature à appréhender le sous-sol et à préciser un certain nombre d’états antérieurs à cathédrale. En effet, quand l’édifice sera rendu au culte, cela sera rigoureusement impossible. Le dernier gros chantier de fouilles reste celui de Viollet-le-Duc. Or un certain nombre d’hypothèses ont été émises depuis et n’ont jamais été testées ; elles devraient l’être aujourd’hui sur les fonds du ministère de la culture, car on ne peut pas tout demander à la souscription.
Si le monument est exceptionnel, monsieur le ministre, il faut aussi que l’investissement programmatique de recherche sur ce monument soit exceptionnel. Sur ce point, nous aimerions avoir des engagements de votre part.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. C’est un débat difficile, et des contradictions vont apparaître quand on va poursuivre les débats sur le périmètre.
M. le ministre a dénié à M. Retailleau la faculté de connaître les intentions exactes des donateurs.
Je connais pour ma part des donateurs qui ont donné pour la reconstruction avec tout ce qui va se passer autour. On en reparlera tout à l’heure, mais certains ne savent pas que le parvis est dissocié de Notre-Dame. Or l’aménagement du parvis va permettre au public d’attendre de nombreuses années avant de voir l’œuvre complètement reconstruite. Il y aura probablement un musée en plein air, avec les compagnons expliquant l’histoire de l’édifice et la nature des travaux, etc. Peut-on dire que tout cela, qui a un coût, échapperait à l’intention des donateurs ? Je ne sais pas. Peut-être faut-il le leur demander ?
Avec ces amendements, qui partent d’une bonne intention, vous envoyez un message au ministère pour lui signifier qu’il ne peut pas se décharger complètement de ce qui lui revient. On va, certes, privatiser progressivement, et sans le dire, quelque chose qui est du domaine public, mais je ne pense pas qu’il faille pour autant surinterpréter la volonté des donateurs.
Avec ce raisonnement, je crains que l’on empêche tout à l’heure la restauration des abords avec les dons, car telle ne serait pas l’intention supposée des donateurs, qui voudraient uniquement la reconstruction de l’immeuble.
Nous allons nous abstenir, bien que nous comprenions le souhait des auteurs des amendements. L’État ne peut pas se désengager, mais je ne crois pas que les amendements soient susceptibles de régler le problème.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Cette discussion est étonnante, pour ne pas dire surréaliste. On ne connaît pas le périmètre exact de l’établissement public ni les objectifs qu’il doit atteindre. Doit-il s’occuper des abords de Notre-Dame ? Doit-il s’employer à restaurer à l’identique ou peut-il accepter un « geste architectural » ?
On ne connaît pas ses membres ni comment il va être constitué…
M. Pierre Ouzoulias. On connaît son président !
Mme Sonia de la Provôté. On ne connaît pas non plus le montant des indemnisations, les agents qui vont y travailler, son directeur, pas plus que son budget.
On est généreux avec l’argent des autres en oubliant les principes de la rigueur budgétaire, sous prétexte que l’on disposerait d’une grosse enveloppe, fruit de la générosité d’un certain nombre de gros donateurs, mais aussi de tous ceux qui se sont sentis concernés par le destin de Notre-Dame à travers le monde.
On a besoin de limites. Les donateurs ont d’abord imaginé la restauration de Notre-Dame. Si l’on doit élargir le cadre de l’utilisation de ces dons, il faut être très clair, notamment en identifiant un budget avant de décider d’un autre destin pour cet argent.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. Nous devons vraiment être irréprochables dans l’utilisation des fonds recueillis. Il y a eu trop d’affaires qui ont révélé que de l’argent provenant de dons avait été utilisé pour du fonctionnement. Nous nous en souvenons tous. Faisons preuve de vigilance, ce que permettent ces amendements.
Je note aussi que l’on ignore la durée de vie de cet établissement public. Il peut vivre très longtemps, peut-être plus de cinq ans. En tout cas, je le répète, il ne doit pas fonctionner avec les moyens fournis par les donateurs. Ces derniers ne vont pas payer les frais de personnel et les frais de bureau. Telle n’est pas la vocation de ces dons. À mon sens, les donateurs ont souhaité contribuer seulement pour la restauration de l’édifice.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, au travers de ces amendements, nous cherchons à vous faire passer un message. Il faudrait peut-être l’entendre. Vous-même, à la tribune, avez parlé de confiance. Les donateurs doivent pouvoir nous faire confiance.
Quel est le message ? Nous souhaitons simplement que les fonds ne soient pas affectés à des frais de fonctionnement. C’est vous qui avez fait le choix de créer un établissement public spécifique. Vous auriez parfaitement pu utiliser d’autres véhicules existants. En tout cas, nous ne voulons pas que le Gouvernement compte sur des deniers privés pour financer une décision qui lui appartient. Je le répète, si vous aviez utilisé les établissements qui existent déjà, nous n’aurions pas eu ce type de problème.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, il s’agit non pas de prétention, mais de méfiance à l’égard des ruses budgétaires de Bercy.
D’abord, nous voulons réaffirmer que le ministère de la culture ne saurait s’exonérer de ses missions traditionnelles, qu’il doit assumer. Ce n’est ni aux donateurs ni aux souscripteurs de se substituer à lui.
Ensuite, nous ne voulons pas que l’argent des donateurs se perde dans une tuyauterie administrative. C’est tout !
Il n’est pas question, j’y insiste, de prétention. Nous voulons juste installer des garde-fous et des digues. Cela étant dit, je retire mon amendement au profit de celui de Nathalie Goulet, si elle le veut bien, car il me semble mieux formulé que le mien. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
mentionnée au premier alinéa
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
visent à préserver l’intérêt historique, artistique et architectural du monument.
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Il s’agit de rétablir la rédaction initiale de l’alinéa 2 de cet article, qui est de nature à rassurer et à susciter de la confiance.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes S. Robert et Monier, MM. Éblé, Raynal, Kanner et Antiste, Mme Blondin, MM. Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Ghali, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner et Manable, Mmes Taillé-Polian, Conway-Mouret et de la Gontrie, MM. Sueur, Tissot, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Nous voulons supprimer une précision introduite lors de l’examen en commission. L’expression « dernier état visuel connu avant le sinistre » nous apparaît à la fois floue et libre d’interprétation. Elle peut être de nature à bloquer toute évolution future de la cathédrale. Outre le fait qu’un état visuel peut être différent selon l’angle où l’on se place, selon la vision que l’on a, cette notion, interprétée stricto sensu, impliquerait l’installation ad vitam aeternam d’échafaudages sur la cathédrale ou le retrait définitif des statues d’apôtres qui ornaient la base de la flèche et qui avaient été déposées quelques jours avant le sinistre. J’exagère peut-être un peu…
Par ailleurs, et surtout, cette formulation laisse entendre que la cathédrale ne peut subir un iota de modification et ne peut être restaurée avec une once d’imagination.
Nous n’aurions jamais eu la flèche de Viollet-le-Duc si une telle disposition avait été prévue dans un cahier des charges antérieur au démontage, pendant la Révolution, de la première flèche de 1250.
Si une telle disposition s’était appliquée au Louvre, François Mitterrand n’aurait jamais pu faire aménager le Grand Louvre et son entrée par la pyramide de l’architecte Ming Pei, tout récemment disparu.
Nous sommes tous soucieux de ne pas voir la cathédrale défigurée par des projets farfelus lors de sa restauration, mais il ne faut surtout pas être trop rigide en figeant pour l’avenir l’état de la cathédrale. Laissons les architectes faire leur travail.
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié bis, présenté par M. Leleux, Mmes Chain-Larché et Thomas, M. Houpert, Mme Bruguière, M. Revet, Mme Micouleau, MM. de Nicolaÿ, Brisson, Sol, Piednoir, Grosperrin et Lefèvre, Mmes Morhet-Richaud, Deseyne et Deromedi, MM. Savin, Chevrollier, Chaize, Danesi, Dufaut et Vaspart, Mme Ramond et MM. B. Fournier, Pierre, Charon, Mayet et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer le mot :
visuel
Monsieur Leleux, pouvez-vous présenter en même temps l’amendement suivant, puisque vous en êtes également signataire ?
M. Jean-Pierre Leleux. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Leleux et Houpert, Mme Bruguière, M. Revet, Mme Micouleau, MM. de Nicolaÿ, Brisson, Sol, Piednoir, Grosperrin et Lefèvre, Mmes Morhet-Richaud, Deseyne et Deromedi, MM. Savin, Chevrollier, Chaize, Danesi et Vaspart, Mme Ramond et MM. B. Fournier, Pierre, Charon et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque le maître d’ouvrage envisage d’employer des matériaux différents de ceux en place avant le sinistre pour les travaux de conservation et de restauration du monument, il rend publique une étude présentant les motifs de ces modifications.
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Le texte de la commission de la culture prévoit expressément que le monument doit être restitué dans « le dernier état visuel connu avant le sinistre ».
Ne vous méprenez pas, je ne suis pas personnellement opposé à ce que l’on appelle des « gestes architecturaux » sur notre patrimoine, quand on décide de mettre du contemporain à côté ou dans les édifices classés. Cela étant, Notre-Dame de Paris, c’est Notre-Dame de Paris. À mes yeux, elle mérite un statut dérogatoire la mettant à l’abri de cette possibilité.
Dans mon intervention liminaire, j’ai émis le souhait que l’édifice soit restitué le plus possible à l’identique, de manière à respecter l’équilibre entre les flèches de la Sainte-Chapelle et de Notre-Dame.
C’est la raison pour laquelle je suggère la suppression de l’adjectif « visuel ». Je reviendrai ultérieurement sur les matériaux.
J’en profite pour dire qu’il y a, à mon sens, une différence entre vouloir s’immiscer dans le choix d’un « geste architectural » ou du lauréat d’un concours, ce qui n’est pas le rôle du Parlement, et dire que l’on souhaite une restitution à l’identique, ce qui me paraît être tout à fait dans notre rôle. C’est un choix très précis qui n’interfère pas dans le déroulement d’un concours, qui pourrait nous amener des surprises.
L’amendement n° 42 rectifié vise à préciser que les matériaux utilisés dans la restitution sont ceux d’avant le sinistre. Aussi, le maître d’ouvrage devra démontrer ou prouver, avant de les abandonner éventuellement, que des matériaux tels que la pierre, le plomb et le bois sont incompatibles avec des prescriptions de sécurité ou des exigences contemporaines.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. L’amendement n° 62 du Gouvernement tend à revenir sur l’ensemble des modifications apportées par votre commission à l’article 2 lors de l’élaboration de son texte. Nous ne pouvons pas ignorer que la présence de la cathédrale Notre-Dame a été déterminante dans le classement du site « Paris, rives de la Seine », comme l’a rappelé Mme la présidente de la commission. Or la France, en ratifiant la convention du patrimoine mondial, s’est engagée à respecter un certain nombre de principes. Aussi, il nous semble indispensable de veiller à ce que les travaux menés sur la cathédrale respectent l’authenticité et l’intégrité du monument. C’est tout le débat que nous avons eu à la suite des auditions. M. le ministre ne sera pas étonné que la commission ait émis un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 15 rectifié de M. Assouline, présenté par Mme Monier. Je le rappelle, Notre-Dame a été classée au titre du patrimoine mondial avec la flèche de Viollet-le-Duc. C’est l’une des raisons pour lesquelles, sans imposer une restauration à l’identique qui aurait pu poser problème, la question a en effet été soulevée, nous avons cherché une autre appellation de façon à ne pas choquer – et je rejoins tout à fait Mme Monier et M. Assouline – pour laisser un maximum de liberté au « geste architectural », ce qui me semble important.
Beaucoup des donateurs, quand ils se sont exprimés – il est vrai que tous ne l’ont pas fait –, ont joint à leur chèque des mots manuscrits dans lesquels ils exprimaient le vœu que « Notre-Dame redevienne Notre-Dame », c’est-à-dire tout simplement telle qu’ils l’ont connue, sans se poser plus de questions.
Je préfère revenir au texte de la commission et j’émets donc un avis défavorable.
Les amendements nos 41 rectifié bis et 42 rectifié, présentés par notre collègue Jean-Pierre Leleux, vont plus loin que la rédaction que j’avais proposée en commission. Nous ne pouvons pas, à ce stade, présumer des conclusions du diagnostic en cours de réalisation, qui sera d’ailleurs long et pourrait nous contraindre à certains travaux, je pense notamment à la nature des voûtes et des murs.
De plus, comme l’usage des matériaux dépend de leur disponibilité, il me semble préférable de nous en tenir à la nécessité de préserver le monument dans son dernier état visuel – M. Ouzoulias a d’ailleurs évoqué la production de pierres dans les carrières. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 41 rectifié bis.
J’émets en revanche, un avis favorable sur l’amendement n° 42 rectifié, car il me paraît de nature à éclairer les choix retenus pour la restauration de Notre-Dame. Il permettra de comprendre les raisons techniques ou sécuritaires qui justifient, dans le cadre de ce projet de restauration, le recours à des matériaux différents de ceux qui ont été utilisés à l’époque de la construction de la cathédrale ou de l’édification de la flèche par Viollet-le-Duc.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Je comprends que la confiance n’exclut pas le contrôle. Je suis quand même assez étonné de percevoir dans vos interventions l’idée que le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de la culture auraient la volonté absolue de faire quelque chose d’horrible, qui ne respecterait rien et qui gâcherait tout ! Certes, vous êtes dans l’opposition au niveau national, certains d’entre vous siègent dans la majorité sénatoriale, d’autres font partie de l’opposition sénatoriale (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), mais pourquoi faut-il forcément exprimer cette espèce de défiance, de méfiance permanente vis-à-vis de l’État et de ses serviteurs ?
Franchement, le chef de l’État est un homme responsable ! Le Premier ministre est un homme responsable. J’essaie d’être à la hauteur de ma fonction. Et nous avons la chance d’avoir, au ministère de la culture, de grands serviteurs de l’État. Je vous le dis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous avons la volonté de faire une restauration exemplaire et nous serons jugés par les Français sur notre capacité à réaliser cette restauration exemplaire, à la hauteur de ce qu’est Notre-Dame de Paris dans l’imaginaire de nos concitoyens.
Vous voulez faire croire que nous sommes des irresponsables sur le point de commettre quelque chose d’horrible. Eh bien, non, je vous le dis une fois de plus, nous allons nous employer à faire une restauration à la hauteur de ce que nous demandent nos compatriotes !
Sur l’opportunité de mentionner le dernier état visuel, je reprendrai l’argumentaire de M. le rapporteur, qui a souligné la nécessité de se laisser quelques marges de manœuvre dans l’hypothèse où nous ferions une restauration à l’identique, notamment en matière de matériaux, pour prendre en compte les remarques, les avis et les décisions des experts.
J’en arrive au dernier point. Monsieur Leleux, vous voulez ajouter un échelon supérieur à la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture. Faites plutôt confiance à cette instance, que vous présidez ! La loi lui confère des prérogatives. Je m’y engage devant vous, elle sera consultée régulièrement sur la totalité du processus. Nous irons même au-delà des consultations obligatoires mentionnées par la loi. Ne la dépossédez pas des attributions qui lui sont dévolues ! Vous aurez, comme l’ensemble des membres de cette commission, tout loisir et tout pouvoir pour exprimer vos avis.
Nous allons créer, au sein de l’établissement public mentionné à l’Assemblée nationale, un conseil scientifique qui sera composé de personnalités venues de tous les horizons. Leur mission sera de veiller à ce que les décisions prises par cet établissement public soient bien conformes à toutes les prescriptions législatives en matière de préservation du patrimoine, d’archéologie, etc. nécessaires pour la restauration de Notre-Dame de Paris.
Vous le voyez bien, il y aura de la transparence, les commissions compétentes seront saisies et nous prévoyons même des dispositifs supplémentaires pour garantir l’exemplarité de cette restauration de Notre-Dame de Paris.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 15 rectifié, 41 rectifié bis et 42 rectifié. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, comprenez bien nos préventions ! Vous nous présentez une loi d’exception sans dire ce que vous souhaiteriez respecter des dispositions législatives en vigueur. Notre seule solution pour nous assurer qu’un certain nombre de principes de fond seront respectés, c’est donc de les introduire dans ce texte d’exception. Si vous aviez voulu respecter littéralement les règles en vigueur, vous ne seriez pas venu soumettre au Parlement une loi d’exception !
Monsieur Gattolin, la charte de Venise n’a bien évidemment pas de valeur législative, mais, cher collègue, elle pose un principe éthique. Et il est bon d’inscrire dans une loi d’exception des principes éthiques qui nous donneront une garantie pour les futurs travaux.
Puisque j’évoque la charte de Venise, je voudrais revenir sur le document de Nara, qui me semble fondamental et dont je vais vous relire une phrase : « Les couches d’histoire acquises au fil du temps par un bien culturel sont considérées comme des attributs authentiques de ce bien culturel. » Cela veut dire que la flèche de Viollet-le-Duc est constitutive de ce monument dont l’histoire va de la fondation de la cité au premier siècle après Jésus-Christ jusqu’à l’incendie du mois dernier. Dans ce cas-là, il me semble fondamental, comme nous l’impose le principe de la charte de Venise, de revenir au bâtiment tel qu’il était avant d’être détruit par l’incendie.
Bien évidemment, le Parlement ne doit pas dire ce qu’est le beau et le vrai. Les essais d’art officiel n’ont jamais été très concluants ! Ce qui est essentiel, c’est que le Parlement fasse respecter des principes d’éthique que nous défendons avec force à l’échelle internationale.
La discussion sur la flèche de Viollet-le-Duc doit entrer dans ce débat éthique sur des valeurs que nous portons dans le monde.
Je voterai moi aussi les amendements de notre collègue Leleux, parce qu’ils sont conformes aux engagements internationaux de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)