M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La première précision que comporte l’amendement présenté par M. Jomier ne me paraît pas utile, dans la mesure où le Gouvernement a déjà largement annoncé son intention de travailler dans cette direction – Mme la ministre pourra cependant nous le confirmer.
Je partage la préoccupation exprimée par le biais du second point de l’amendement. Il importe en effet de poser des garde-fous au développement de l’exercice mixte des praticiens hospitaliers. C’est d’ailleurs dans cet esprit que j’ai travaillé à la rédaction de l’article 6 bis A, en étroite collaboration avec le Gouvernement qui a également fait part de sa préoccupation sur ce point.
Afin de prévenir les situations problématiques au titre de l’exercice mixte, vous visez, mon cher collègue, l’article 25 septies de la loi de 1983, applicable aux fonctionnaires de l’État. Je me demande si cette précision est bien opérante. Cet article comporte en effet de très nombreuses exceptions au principe de non-cumul qui rendent son contournement relativement aisé.
Puisque je sais que le Gouvernement travaille également dans cette direction, je lui demande de nous éclairer sur les outils qui permettront demain de prévenir les conflits d’intérêts et les conflits professionnels des futurs praticiens hospitaliers.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Cet amendement soulève la question du cumul d’activités dans le cas d’une activité mixte, en pointant du doigt les risques liés à la soutenabilité de la charge globale de travail d’un praticien.
Le statut général des fonctionnaires prévoit que le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il pose donc l’interdiction du cumul d’activités ; c’est l’objet de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 que vous souhaitez voir appliquer aux praticiens hospitaliers. Or l’article L. 6152-4 du code de la santé publique prévoit déjà que cet article de la loi précitée est applicable aux personnels médicaux des établissements publics de santé. De ce point de vue, cet amendement est satisfait.
La création d’un statut unique de praticien hospitalier n’est pas de nature à remettre en cause ce principe d’interdiction de cumul d’activités de tous les praticiens exerçant dans des établissements publics de santé pour ce qui concerne ceux dont l’exercice est à temps plein. Ces professionnels conserveront par ailleurs la possibilité d’exercer une activité libérale, dont les conditions devront être adaptées pour tenir compte de la création du statut unique de praticien hospitalier et de l’évolution du contexte territorial, notamment pour permettre que cette activité puisse se déployer sur le territoire, éventuellement hors les murs de l’établissement.
Il ne sera donc pas possible, pour ces praticiens exerçant à temps plein, de développer une activité mixte hôpital et ville au-delà de leurs obligations de service dans le cadre que je viens de rappeler.
Les praticiens qui feront le choix d’exercer à temps partiel pourront, pour leur part, développer un exercice mixte hôpital et ville. C’est précisément ce que nous souhaitons faire pour apporter de nouvelles réponses aux besoins de l’offre de soins et aux attentes de ces praticiens.
Je suis sensible à la préoccupation exprimée dans l’exposé des motifs de cet amendement, à savoir que le développement de l’exercice mixte ne doit pas aboutir à des situations individuelles de temps de travail excessif qui seraient de nature à compromettre la sécurité des soins.
Les dispositions qui seront arrêtées devront effectivement prendre en compte ce risque, mais je vous confirme que cet amendement est déjà satisfait. C’est pourquoi j’en demande le retrait.
M. le président. Monsieur Jomier, l’amendement n° 760 est-il maintenu ?
M. Bernard Jomier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 760 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 657 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, au début
Ajouter les mots :
Valoriser les carrières hospitalières, encadrer les écarts de rémunération et
II. – Alinéa 3
1° Supprimer le mot :
notamment
2° Après le mot :
spécialités
insérer les mots :
et les territoires
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Le recours massif aux intérimaires dans le secteur hospitalier est un sujet préoccupant. Je vous y sais sensible, madame la ministre, puisque je vous ai déjà interrogée à ce propos lors d’une séance de questions au Gouvernement. D’une part, il plombe le budget des hôpitaux par des rémunérations excessives, et, d’autre part, il déstabilise le fonctionnement des services, dont la responsabilité incombe de fait, en priorité, aux praticiens non contractuels.
Un décret visant à limiter le salaire journalier des intérimaires a été publié. Pour l’instant, il n’y a pas lieu de se réjouir, puisque, de votre aveu même, madame la ministre, il n’a pas encore porté ses fruits. Il est en effet largement contourné par les directeurs d’établissement hospitalier.
Se pose aussi la question des écarts de salaire entre praticiens du secteur public et du secteur privé, que nous ne pouvons pas ignorer. Il apparaît primordial de préserver l’hôpital public et son attractivité pour les médecins.
L’objet de cet amendement est donc de préciser que la future ordonnance relative aux statuts des personnels hospitaliers s’attachera, notamment, à valoriser les carrières hospitalières et à encadrer les écarts de rémunération.
Il s’agit ici d’envoyer un signal fort aux praticiens hospitaliers, en rappelant que leur statut prévaut sur celui des contractuels, et en réaffirmant la volonté des pouvoirs publics de rendre ces métiers plus attractifs.
Je tiens à préciser, toutefois, madame la ministre, que ce nivellement ne doit pas, dans mon esprit, s’effectuer par le bas. Si l’on veut redonner à l’hôpital public ses lettres de noblesse, il faudra très certainement y mettre le prix.
M. le président. L’amendement n° 300, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. À l’alinéa 3, l’habilitation prévoit de « simplifier et adapter les conditions et les motifs de recrutement par contrat pour mieux répondre aux besoins des établissements […] et pour faciliter l’intervention des professionnels libéraux à l’hôpital. »
Cette rédaction nous fait craindre une fragilisation du statut de la fonction publique hospitalière en multipliant les recrutements sous des conditions dérogatoires.
L’article 6 s’inscrit dans la continuité de la réforme de la fonction publique que nous examinerons dans quelques jours : plus de contractuels et moins de fonctionnaires.
Nous militons, au contraire, pour la titularisation des contractuels, déjà trop nombreux dans la fonction publique hospitalière, car l’hôpital fonctionne aujourd’hui en se reposant sur des personnels au statut dérogatoire – internes, externes, contractuels et intérimaires.
Même si votre argumentaire se veut rassurant concernant vos intentions, qui seraient en réalité non pas de généraliser le recours aux contractuels, mais seulement de le rendre moins complexe, nous sommes particulièrement sceptiques.
Certes, les formes de contrat pour praticiens hospitaliers sont multiples, avec les statuts de praticien contractuel, de praticien attaché et de praticien attaché associé, de clinicien hospitalier ou de praticien adjoint contractuel. Nous pensons que l’attractivité des établissements est liée non pas au type de contrat, mais à la possibilité de titularisation, aux matériels à disposition, aux effectifs et aux conditions de travail.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet alinéa 3.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 657 rectifié, comme l’amendement présenté par Mme Imbert, est irrecevable au titre de l’article 38 de la Constitution. Je le répète pour ceux qui n’étaient pas là au moment où je l’ai dit à Mme Imbert, le Parlement ne peut pas étendre le champ d’une ordonnance en se dessaisissant de sa propre compétence. Je vous demande donc, monsieur Arnell, de retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
L’amendement n° 300 a, lui, pour objet de réduire le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance. En l’adoptant, nous étendrions les compétences du Parlement, en particulier du Sénat, mais, pour les raisons que nous avons évoquées lors de la discussion des amendements de suppression de l’article 6, l’avis est défavorable, car nous souhaitons continuer à travailler sur le sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur Arnell, le 1° de l’habilitation mentionne déjà, parmi les objectifs visés, le renforcement de l’attractivité des carrières hospitalières et l’encadrement des écarts de rémunération. La rédaction de l’amendement n° 657 rectifié risque de complexifier la compréhension du périmètre de l’habilitation. Le fait d’ajouter la référence aux territoires n’apporte rien à l’habilitation, puisque l’idée est de rendre les carrières les plus attractives possible, quelle que soit la raison – spécialité ou spécificité territoriale – des difficultés rencontrées par les établissements pour recruter. Votre amendement me semble donc couvert par l’habilitation.
Concernant l’amendement n° 300, il faut savoir que nous prévoyons bien que le pourcentage de praticiens contractuels sera encadré, et que les praticiens hospitaliers resteront majoritaires dans les établissements de santé.
Je suis défavorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Bien entendu, nous retirons notre amendement, mais nous ne pouvions pas passer sous silence, lors d’un débat législatif sur la santé, une question aussi importante, sur laquelle nous vous avions déjà alertée, madame la ministre. Vous avez apporté quelques réponses partielles, mais nous attendons d’en juger l’effectivité. C’est un sujet essentiel, et, à un moment ou à un autre, que ce soit lors de la discussion du PLFSS ou à l’occasion d’autres débats relatifs à la santé, il reviendra tout naturellement.
M. le président. L’amendement n° 657 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 300.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l’article 6.
M. Yves Daudigny. Le sujet est d’importance pour l’avenir de l’hôpital public. Dans tous les contacts que nous avons pu avoir avec eux, les directeurs d’établissement ont mis en avant cette faible attractivité de la profession de praticien hospitalier et leurs difficultés à recruter. Avec les jeunes praticiens, c’est la loi de l’offre et de la demande qui s’applique le plus souvent, le salaire offert à l’hôpital étant inférieur de moitié à celui qui peut être proposé par un autre organisme pour les mêmes fonctions.
Je pourrais presque dire que le sujet touche à l’absurde, lorsque des chefs d’établissement sont obligés de mettre en place des combinaisons entre leurs établissements pour se prêter, en quelque sorte, des praticiens spécialisés, afin de permettre à ceux-ci de bénéficier de statuts particuliers à durée limitée et d’augmenter leurs salaires.
Nous touchons également à la question des diplômes étrangers, mais nous en reparlerons ultérieurement au cours de l’examen de ce texte. À ce stade, je rappelle seulement que, dans de nombreuses régions, beaucoup d’établissements hospitaliers ne peuvent aujourd’hui fonctionner que grâce à l’apport décisif de médecins ayant obtenu leur diplôme hors de l’Union européenne.
Cependant, mon groupe votera contre cet article, car nous ne pouvons pas accepter ce recours à une ordonnance sans les précisions supplémentaires qui ont été demandées.
M. le président. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 6
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 106 rectifié bis est présenté par Mmes Lassarade et Micouleau, MM. Vogel et Morisset, Mme Gruny, M. Panunzi, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Bruguière, MM. Genest et Mouiller, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Pellevat et Piednoir, Mmes Chain-Larché et Thomas, M. Rapin, Mmes Imbert et Deroche, MM. Pointereau et Bouloux, Mme L. Darcos et MM. Laménie et Gremillet.
L’amendement n° 130 rectifié bis est présenté par M. Sol, Mme Eustache-Brinio, MM. Calvet et Guerriau, Mme Berthet, MM. Decool et Moga, Mme Kauffmann, M. Détraigne, Mmes Raimond-Pavero et Garriaud-Maylam, M. B. Fournier, Mme Chauvin, MM. Mandelli, Bonne et Charon et Mme Lamure.
L’amendement n° 304 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 11° de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° La définition pluriannuelle d’un plan national de santé et qualité de vie au travail des professionnels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. »
La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l’amendement n° 106 rectifié bis.
Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à inscrire dans la loi le principe d’un plan national de santé au travail et de qualité de vie au travail des professionnels hospitaliers.
La santé des soignants est un enjeu majeur. Or la qualité de vie au travail des professionnels de santé s’est considérablement dégradée ces dernières années.
Ce plan devra traduire l’ambition partagée par le ministère des solidarités et de la santé, la sécurité sociale, les établissements listés à l’article 2 de la loi de 1986, les partenaires sociaux et les grands organismes de prévention de constituer un socle commun pour la promotion de la santé et de la qualité de vie au travail.
Cette démarche devra faire l’objet d’un accompagnement méthodologique et financier fort au profit des établissements, et promouvoir les démarches fondées sur l’analyse de l’organisation du travail.
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour présenter l’amendement n° 130 rectifié bis.
M. Jean Sol. Je veux simplement ajouter que cet amendement vise à promouvoir la santé et la qualité de vie au travail, dont nos personnels ont plus que jamais besoin aujourd’hui pour prendre en charge nos patients, dans le contexte difficile que nous connaissons.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 304.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ces dernières années, les projets de loi de financement de la sécurité sociale ont malheureusement mis en œuvre des politiques de réduction des dépenses de santé.
Ces réductions, que nous avons dénoncées à l’époque, ont eu des conséquences désastreuses sur les conditions de travail des professionnels hospitaliers. Les chiffres le montrent, le mal-être au travail a entraîné de nombreux suicides de personnels. Des rythmes de travail élevés, un manque de moyens matériels, des démissions face à la souffrance au travail : les personnels soignants ont le sentiment de ne plus pouvoir proposer aux patients des soins de qualité.
Ainsi, selon le rapport de recherche sur la santé des soignants, publié en 2018 par le professeur Didier Truchot de l’université de Bourgogne-Franche-Comté, 23 % des soignants ont des difficultés à dormir tous les jours ou presque. Les professions les plus touchées sont les infirmières, 28,8 %, et les aides-soignantes, 36,4 %.
Globalement, celles et ceux qui exercent uniquement à l’hôpital ressentent plus particulièrement ces difficultés. Les jours d’arrêt de travail sont aussi plus nombreux chez celles et ceux qui exercent à l’hôpital, comparativement à celles et ceux qui exercent en libéral.
Les infirmières et les aides-soignantes représentent, de loin, les groupes professionnels les plus frappés par les problèmes de santé.
Les professionnels hospitaliers ne peuvent plus travailler dans de telles conditions. Cela n’est plus possible !
Écoutez la chanson des infirmières de Valence ; écoutez les appels de détresse. Il est urgent d’agir !
Aussi, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, nous proposons de reprendre une proposition émanant de la Fédération hospitalière de France, la FHF, visant à élaborer un plan national de santé et qualité de vie au travail des professionnels de santé.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 656 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 11° de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° La définition pluriannuelle d’un plan national de santé et qualité de vie au travail des professionnels des établissements hospitaliers. »
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Avec cet amendement, nous proposons d’inscrire dans la loi le principe d’un plan national de santé au travail pour les professionnels de santé du secteur hospitalier. Les conditions de travail et l’assurance d’un suivi médical des professionnels hospitaliers conditionnent en partie l’attractivité de ces métiers. Pour ne donner qu’un exemple, les métiers d’infirmier et d’aide-soignant connaissent aujourd’hui une crise des vocations inédite. Les hôpitaux peinent à pourvoir leurs postes, et les formations sur les territoires ont du mal à se remplir.
Si la dégradation des conditions de travail n’en est pas la seule raison, elle y contribue fortement.
Par ailleurs, la qualité de vie des praticiens a des conséquences évidentes sur la qualité des soins pour les patients.
Il s’agit ici de proposer de recréer un cercle vertueux, des conditions de travail sereines pour les professionnels entraînant des conditions de prise en charge optimales pour les patients.
Promouvoir les démarches de qualité au travail nécessite une analyse de l’organisation du travail, afin de s’inscrire dans une logique de prévention et non plus de réparation. Sur le modèle du plan national quadriennal de santé au travail élaboré par le ministère du travail en concertation avec les acteurs de la prévention, le présent amendement vise à inscrire dans la loi le principe d’un plan national. Ce plan est, pour beaucoup de professionnels, une étape indispensable pour renforcer la dynamique de notre système de santé. C’est également un signal fort que nous pouvons envoyer dès aujourd’hui aux professionnels de soins pour leur assurer que leurs conditions de travail sont notre priorité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Étant donné le nombre de cosignataires de tous ces amendements, je pense que je vais décevoir beaucoup de collègues, mais je ne crois pas que la précision souhaitée ait sa place dans l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, lequel définit la politique de santé de la Nation dans sa globalité, et pas dans ses détails.
En outre, votre préoccupation, qui est aussi la mienne, mes chers collègues, me semble satisfaite en pratique pour deux raisons. D’une part, le Gouvernement a annoncé la mise en place de plusieurs outils visant à améliorer la qualité de vie au travail des professionnels hospitaliers – nous verrons ce que cela donne lorsqu’ils nous seront présentés. D’autre part, et surtout, l’article 10 bis A du présent projet de loi prévoit que le projet social de chaque établissement doit intégrer un volet spécifiquement consacré à la qualité de vie au travail des personnels hospitaliers.
J’attends l’avis du Gouvernement, mais la commission est défavorable à ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je ne vais pas revenir sur tout ce qu’a dit M. le rapporteur, mais je souhaite apporter des précisions sur le plan Qualité de vie au travail qui a été élaboré en 2016. Pour les personnels de santé, il s’agit de la stratégie Prendre soin de ceux qui soignent. Sont concernés tous les professionnels de santé, tous les modes d’exercice, y compris à l’hôpital. C’est un plan d’action pluriannuel, qui s’est d’ores et déjà traduit dans l’installation par mes soins, l’été dernier, d’un observatoire de la qualité de vie au travail, ainsi que de quatre groupes de travail, qui associent notamment les partenaires sociaux.
Il est en particulier proposé un dispositif de médiation pour les personnels des établissements de santé.
Cet observatoire et les groupes de travail ont par ailleurs vocation à produire des recommandations qui permettront de procéder à l’actualisation de cette stratégie.
J’ajoute que, dans la nouvelle version de la certification HAS des établissements de santé, qui sortira en 2020, des critères de qualité des établissements reposent sur la qualité de vie au travail des professionnels de santé. Tous les établissements seront évalués à l’aune de leur politique en la matière. Des actions de nature à répondre à vos préoccupations sont donc bien engagées, et il ne me semble pas nécessaire de mettre dans la loi la précision que vous voulez introduire, a fortiori à cet endroit du code de la santé publique. L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Madame la ministre, est-ce qu’un projet de loi sur la santé au travail est toujours d’actualité ? Je n’irai pas jusqu’à vous en demander le calendrier exact, mais je souhaiterais savoir si un travail préparatoire est bien toujours en cours sur cette question.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur Jomier, Muriel Pénicaud et moi-même avions confié aux partenaires sociaux le soin de négocier sur la question de la santé au travail. À ma connaissance, cette négociation n’a pas encore abouti. Je ne peux pas m’avancer plus sur un calendrier précis, mais nous espérons bien traduire dans un texte, sur la base de cette concertation, des éléments du rapport qui nous a été remis au mois d’août.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 106 rectifié bis, 130 rectifié bis et 304.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 302, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les derniers alinéas de l’article L. 6151-1 du code de la santé publique et de l’article L. 952-21 du code de l’éducation sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Cette décision prend en compte la dimension nationale des affectations et l’évolution des disciplines. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. La suppression du numerus clausus nécessite d’augmenter les capacités d’accueil des universités et d’assurer une répartition plus équilibrée des personnels hospitalo-universitaires qui vont les encadrer. Nous avons déjà discuté de ce problème au début de l’examen de ce projet de loi.
Les fortes inégalités territoriales dans l’accès aux études de médecine se retrouvent dans le taux d’encadrement des étudiants en médecine par les enseignants.
Le rapport de la Cour des comptes de 2017 sur le rôle des CHU dans l’enseignement supérieur et la recherche médicale a mis en lumière les grandes disparités qui existent dans la répartition des personnels hospitalo-universitaires entre les CHU.
Ainsi, en 2015-2016, un poste d’enseignant titulaire ou non titulaire correspondait à 5,29 étudiants à l’université de Paris 5, contre 15 à l’université de Lille 2.
Madame la ministre, vous avez répondu à nos collègues députés que la répartition des postes hospitalo-universitaires dépendait du nombre d’étudiants à former. C’est tout à fait exact. J’ajoute qu’il faut aussi prendre en considération la capacité des établissements de santé à faire de la recherche et à enseigner les disciplines pratiquées dans le CHU.
Actuellement, de nombreuses universités en région ne disposent pas de postes hospitalo-universitaires titulaires dans toutes les spécialités. Au total, notre système est morcelé et caractérisé par de fortes inégalités de moyens, ce qui compromet l’homogénéité des formations.
Notre amendement vise donc à essayer de corriger ces disparités en favorisant une répartition plus équilibrée des personnels titulaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit de prendre en compte la dimension nationale des affectations et l’évolution des disciplines pour la nomination des PU-PH, professeurs des universités-praticiens hospitaliers. Ne connaissant pas la méthodologie de gestion de ces postes, nous attendons des précisions du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Frédérique Vidal et moi-même sommes très attentives à ce rééquilibrage nécessaire, mais il nous faut du temps pour créer des postes, notamment dans les disciplines qui manquent de postes hospitalo-universitaires. C’est ce que nous faisons en pédopsychiatrie, par exemple, domaine dans lequel certaines régions n’ont aucun universitaire. Nous avons créé des postes de chefs de clinique assistants, puis des postes de maîtres de conférences des universités, et, maintenant, nous créons des postes de PU-PH.
L’idée, c’est qu’au moment de la concertation sur les nominations de tous les postes hospitalo-universitaires, laquelle a lieu avec les doyens, les directeurs généraux et les présidents de commissions médicales d’établissement, CME, des CHU, les directeurs généraux des ARS, les présidents d’université, nous veillons progressivement à rééquilibrer l’ensemble des disciplines. L’affectation des postes doit tenir compte de cet équilibre nécessaire entre les missions d’enseignement, la capacité de recherche et la qualité des candidats proposés. Cet équilibre dépend de nombreux facteurs, et pas seulement du nombre d’étudiants à former, même si celui-ci est évidemment très important dans la décision.
Ce travail s’améliore d’année en année. Je ne souhaite donc pas que cette disposition soit inscrite dans la loi, même si je comprends votre objectif. L’avis du Gouvernement est défavorable.