M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de la tenue de ce débat, qui nous permet d’aborder la question de la coopération transfrontalière dans le domaine de la santé.
Voilà deux semaines à peine, nous débattions ici de la question des inégalités territoriales d’accès aux soins, et bon nombre d’entre nous se sont alors inquiétés de l’état d’urgence sanitaire et social que connaissent nos territoires. Ces difficultés concernent notamment nos compatriotes qui vivent dans une zone frontalière française et travaillent dans un pays limitrophe. La coopération transfrontalière dans le domaine de la santé est, pour cette raison, une impérieuse nécessité. Elle répond à une attente forte de nos concitoyens et de l’ensemble des acteurs concernés.
Les deux accords-cadres que nous examinons ce matin – l’un avec la Confédération suisse, l’autre avec le Grand-Duché de Luxembourg – viennent compléter ceux qui ont été passés avec l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne voilà plusieurs années déjà. Ils devraient renforcer la continuité et la complémentarité de l’offre de soins entre pays et permettre ainsi d’assurer un meilleur accès aux soins des populations vivant dans les bassins de vie frontaliers : 175 000 Français traversent quotidiennement la frontière pour aller travailler en Suisse et 100 000 se rendent chaque jour au Luxembourg.
Pour autant, l’accord-cadre ne fait pas la coopération transfrontalière ; celle-ci se tisse sur le terrain avec les élus et les acteurs locaux et elle relève d’une volonté politique forte. Ainsi, les accords avec l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique ont permis de développer des coopérations qui avaient souvent pour origine des initiatives locales prises entre hôpitaux.
C’est pourquoi la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a décidé, il y a plus d’un an, de retarder l’examen de ce projet de loi portant approbation des deux accords-cadres pour constituer un groupe de travail sur la coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse et le Luxembourg. Son rapport a mis en évidence le faible développement de celle-ci, en raison, notamment, de différences importantes de niveaux de vie, de salaires, mais aussi de coûts de santé entre ces deux pays et la France. Les écarts de rémunération incitent fortement les professionnels de santé français à aller exercer de l’autre côté de la frontière. Notre collègue Véronique Guillotin, particulièrement sensibilisée à ce problème en tant que médecin, rappelait par exemple qu’une infirmière en début de carrière touche environ 1 700 euros par mois en France, contre 3 200 euros au Luxembourg.
Le groupe de travail a par ailleurs élaboré plusieurs recommandations en vue d’assurer un développement réel des coopérations locales. J’en citerai quelques-unes : chaque agence régionale de santé frontalière devra intégrer un volet transfrontalier à son projet régional de santé et désigner un cadre de haut niveau référent pour les coopérations transfrontalières ; afin d’améliorer l’information des assurés, des patients et des professionnels, les élus devront être associés aux commissions mixtes de suivi instituées par les deux accords-cadres.
Le groupe de travail a également dégagé les thématiques prioritaires dont devront traiter les conventions locales de coopération pour assurer la qualité et la continuité des soins aux patients et répondre aux besoins exprimés dans les bassins de vie.
Monsieur le secrétaire d’État, ces accords-cadres doivent nous permettre de dépasser les barrières géographiques, comme nous avons su le faire avec l’Allemagne, l’Espagne ou encore la Belgique, pays avec lesquels la coopération sanitaire est particulièrement fructueuse.
S’agissant tout particulièrement de la Belgique, je pense à la création des zones organisées d’accès aux soins transfrontaliers, qui permettent à la population frontalière de se rendre sans autorisation médicale préalable dans un établissement hospitalier situé de l’autre côté de la frontière et d’y recevoir des soins hospitaliers ou ambulatoires. Il s’agit essentiellement d’améliorer l’accès aux soins des personnes éloignées des hôpitaux de leur pays de résidence.
Comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État aux affaires européennes devant les députés, ces accords-cadres « sont à l’image du projet européen, qui vise à construire une communauté de vie collective et apaisée autour de projets concrets ». Parce que l’un des principaux objectifs de l’Union européenne est de promouvoir le développement harmonieux de l’ensemble de son territoire, le groupe du RDSE apportera son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est à la demande du groupe Union Centriste qu’une discussion générale digne de ce nom a lieu dans l’hémicycle ce matin sur le projet de loi autorisant l’approbation des accords-cadres sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française, d’une part, et le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, d’autre part.
M. Loïc Hervé. Je remercie le président Hervé Marseille d’avoir entendu le besoin des sénateurs frontaliers de s’exprimer. J’associe à mes propos nos collègues Sylvie Vermeillet, du Jura, Jean-François Longeot, du Doubs, Jean-Marie Bockel et Claude Kern, d’Alsace, Jean-Marie Mizzon, de la Moselle.
Je veux tout d’abord me réjouir que l’approbation de ces accords-cadres, signés en 2016, au terme de négociations menées depuis 2014, puisse connaître une nouvelle étape devant le Parlement. Il s’agit d’une préoccupation majeure pour nos concitoyens, comme pour les élus de nos territoires, à laquelle il est urgent de répondre.
Ce texte jette les bases d’une nouvelle échelle de coopération. Bien que de portée générale, il constitue un signal politique fort qui, je le souhaite, permettra ensuite, grâce à des volontés politiques locales, de dépasser tous les obstacles et toutes les réticences administratives, de part et d’autre de nos frontières.
Nos concitoyens doivent pouvoir accéder plus facilement et plus rapidement à des soins de qualité au plus près de leur lieu de résidence, qu’il s’agisse de secours d’urgence, de soins programmés ou du traitement de pathologies chroniques. La logique des bassins de vie doit primer. C’est une réalité qui ne se traduit pas encore assez dans les faits en matière de santé.
Vous comprendrez que, sénateur de la Haute-Savoie, élu d’un territoire frontalier, je centre mes propos sur ce territoire.
Il faut savoir que 175 000 Français traversent chaque jour la frontière pour se rendre à leur travail en Suisse, 74 % d’entre eux étant domiciliés en Haute-Savoie.
Nos territoires doivent donc pouvoir relever ce défi de la coopération transfrontalière, pour juguler le risque sanitaire lié aux carences de l’offre de soins.
En effet, la Haute-Savoie doit faire face à de grandes difficultés en la matière. La première est d’ordre démographique, puisque nous connaissons une pénurie massive de professionnels de la santé, nos voisins suisses leur offrant des conditions de travail beaucoup plus avantageuses. Ainsi, 817 médecins français travaillent en Suisse – ce nombre a doublé entre 2008 et 2014 –, et comment ne pas évoquer la situation des autres professionnels de santé, à commencer par les infirmières et infirmiers ?
Le coût de la vie dans nos régions frontalières amplifie largement cette situation qui, en contribuant à un turnover important du personnel, rend complexe la gestion des établissements de santé. Sans prise en compte de la cherté de la vie dans la rémunération du côté français, nous n’apporterons pas de réponse véritablement adéquate et pérenne à cette problématique.
À cela s’ajoute le coût exorbitant des actes de soins pratiqués en Suisse, qui ne facilite pas l’accès de nos concitoyens à leur offre de soins et à un remboursement de la caisse française. Je ne peux passer sous silence ici les nombreux actes médicaux pratiqués en France pour le compte de citoyens suisses qui viennent profiter à la fois de la qualité de notre système de santé et des prix qui y sont pratiqués.
C’est dire l’intérêt pour nous de renforcer la coopération sanitaire entre les deux pays. Développer des synergies dans la médecine de pointe et la recherche pour améliorer les pratiques médicales ; faciliter l’échange d’informations sur les risques sanitaires ; élaborer des réponses aux problèmes d’une démographie médicale et paramédicale insatisfaisante ; favoriser l’échange de bonnes pratiques ; réduire les coûts sociaux en diminuant les distances à parcourir, les déplacements, les interruptions de travail, les durées de séjour hospitalier ; réaliser et mutualiser des diagnostics sur des besoins du territoire pour optimiser les infrastructures médicales et paramédicales des deux versants frontaliers : ce sont là autant d’atouts à déployer.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que le Gouvernement veille maintenant à la mise en œuvre rapide de coopérations locales, en adaptant au besoin l’organisation hospitalière sanitaire française aux exigences nouvelles de la coopération entre la France et la Suisse. Comment, par exemple, développer vraiment les partenariats entre les hôpitaux universitaires de Genève et l’ensemble des hôpitaux des deux groupements hospitaliers de territoire de la Haute-Savoie, ainsi d’ailleurs que la coopération entre ces deux GHT ?
Nous avons maintenant la possibilité de faire de nos frontières un outil de solidarité, une ressource pour renforcer les potentialités des territoires et leur attractivité de part et d’autre. C’est au niveau local de viser la complémentarité et non la concurrence, en associant l’ensemble des acteurs. Le travail qui reste à accomplir est immense. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les zones frontalières sont des zones d’échanges privilégiées. Vivre près d’une frontière, c’est vivre près de personnes d’une autre nationalité dont on se sent proche non seulement physiquement, mais souvent aussi culturellement.
Au quotidien, il est possible de finir par oublier cette frontière. Elle se rappelle cependant aux citoyens quand des questions administratives se posent, notamment lorsqu’il s’agit de se faire soigner.
Nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l’approbation de deux accords-cadres sur la coopération sanitaire transfrontalière entre la France et la Suisse, d’une part, et entre la France et le Luxembourg, d’autre part. Cette coopération concerne près de 270 000 Français.
Ces accords visent à permettre aux citoyens vivant près d’une frontière d’être soignés de part et d’autre de celle-ci. Les parlements suisse et luxembourgeois ont chacun adopté l’accord-cadre qui les concerne, les 15 décembre 2017 et 28 juin 2018. Il revient aujourd’hui au Sénat de se prononcer sur le projet de loi d’approbation, après que l’Assemblée nationale l’a adopté à l’unanimité le mois dernier.
De tels accords sont fréquents. La France en a ainsi déjà conclu avec d’autres de ses voisins, dont la Belgique, l’Allemagne ou l’Espagne. Ils traitent de la mobilité des professionnels de santé et des patients dans les régions frontalières. Ils abordent aussi la question de la responsabilité médicale et ont vocation à s’appliquer aussi bien aux soins d’urgence qu’aux soins programmés.
Le cadre juridique de cette coopération permettra à nos citoyens et à ceux des deux pays voisins de bénéficier d’une mutualisation des savoir-faire, des moyens matériels et humains.
Le groupe Les Indépendants considère que ces accords constituent une avancée concrète et directe pour nos concitoyens frontaliers, mais ils ne suffiront pas. Ils établissent un cadre qui devra bien sûr être complété par des conventions locales.
Tous les territoires n’ont pas les mêmes ressources ni les mêmes besoins. Nous devons nous appuyer sur l’échelon local et lui faire confiance pour compléter ces accords et les adapter aux particularités du terrain.
Il faudra également porter une attention particulière à la bonne application de cette coopération. Nous devons veiller à ce qu’une concurrence entre les services de santé ne vienne pas parasiter ces avancées. Ainsi, il sera nécessaire de vérifier qu’un État ne cherche pas à faire assurer par son voisin les soins de ses citoyens résidant en zone frontalière. Équité et équilibre doivent être les maîtres mots pour l’application de ces accords.
La création de commissions mixtes chargées de suivre l’application des accords nous apparaît à cet égard utile. Nous pensons toutefois que la représentation des usagers, des professionnels et des élus au sein de ces commissions améliorerait sensiblement leur efficacité.
Lors des dernières élections européennes, les populistes ont rappelé leur souhait de rétablir des frontières sur le continent. Quel meilleur exemple que la coopération sanitaire pour convaincre de l’intérêt d’avoir des frontières ouvertes au sein de l’Union ?
Le groupe Les Indépendants soutient ce projet de loi. Nous croyons à la coopération et à l’ouverture. Nous savons bien que ces accords-cadres ne règlent pas toutes les difficultés pratiques relatives à cette coopération. Nous sommes toutefois convaincus qu’ils constituent un progrès pour les habitants des zones frontalières, ainsi que le gage d’une meilleure gestion des moyens sanitaires. C’est pourquoi notre groupe votera ce texte à l’unanimité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l’approbation de deux accords-cadres sur la coopération sanitaire transfrontalière, l’un avec la Confédération suisse, l’autre avec le Grand-Duché de Luxembourg.
Nos trois nations ont une longue tradition de coopération transfrontalière. Depuis des décennies, elles œuvrent pour que les démarcations du Grand Est ne soient pas seulement la marque d’une frontière entre des territoires francophones ; elles coopèrent pour faire en sorte que ce « carrefour de civilisations entre deux cultures latine et germanique », comme le disait si bien Fernand Braudel, devienne le trait d’union entre plusieurs bassins de vie, une zone d’interface et d’échanges.
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler l’esprit et le contenu de ces accords-cadres, qui reprennent les dispositions d’accords antérieurs signés par la France avec l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, Andorre et Monaco, portant sur deux objectifs essentiels.
Le premier objectif concerne les professionnels de santé : il s’agit de leur permettre d’exercer de part et d’autre de nos frontières.
Le second a trait aux patients : il s’agit de leur garantir d’être pris en charge, quel que soit le lieu de soins.
Les accords-cadres dont il est question aujourd’hui renvoient à des conventions locales le soin de définir les modalités et la mise en œuvre d’actions de coopération sanitaire permettant un accès transfrontalier aux soins pour la population.
Sur ce point, le groupe de travail de l’Assemblée nationale a émis de précieuses recommandations, toutes dictées par la volonté d’appliquer le plus efficacement possible l’accord-cadre avec la Suisse.
Depuis trop longtemps, des faits divers mettent en évidence la méconnaissance réciproque des organisations de soins existant de part et d’autre des frontières. Des difficultés administratives persistent, en dépit de l’intégration de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
D’autres objectifs sont aussi visés au travers de la conclusion de telles conventions, par exemple la mise en place d’un cadre légal en matière de secours d’urgence.
L’amélioration de l’accès aux soins et la garantie de leur continuité pour les populations des zones frontalières seront également acquises, de même qu’un recours facilité aux services mobiles d’urgence, une simplification des procédures administratives et financières, une optimisation de l’offre de soins, avec un partage facilité des moyens humains et matériels, ou la mutualisation des connaissances et des pratiques.
Au-delà des soins ambulatoires, ces accords permettront aux patients des zones concernées de recevoir des soins programmés sans avoir recours à une autorisation préalable dès lors qu’ils rentreront dans le champ d’une convention locale de coopération sanitaire. Il s’agira ainsi de garantir leur prise en charge financière par l’assurance maladie.
De même, ces accords-cadres simplifient le circuit de validation des conventions locales de coopération en autorisant les acteurs de terrain responsables de leur signature, sous la responsabilité des ARS du Grand-Est, de Bourgogne-Franche-Comté et d’Auvergne-Rhône-Alpes, à les conclure et à les mettre en œuvre sans autorisation ministérielle préalable.
En plus des CHU de Lyon et de Metz, qui pourraient entreprendre des coopérations spécifiques en fonction de leurs spécialités, une dizaine d’hôpitaux se sont dits intéressés. Ces optimisations réduiront les dépenses de santé, tandis que la prise en charge au plus près du domicile permettra de limiter les déplacements des patients.
In fine, le vote de ce texte apportera des réponses à un certain nombre d’interrogations des professionnels de santé actuellement pendantes.
Il faut savoir que, respectivement, 175 000 et 100 000 de nos compatriotes se rendent quotidiennement, pour y travailler, en Suisse et au Luxembourg. Avec leurs familles, leurs proches et tous ceux qui vivent à proximité des frontières, même s’ils ne les traversent pas chaque jour, cela fait plus de 14 millions de personnes. La coopération transfrontalière est, pour cette raison, une nécessité. De même que nous avons supprimé les postes-frontière, il nous faut maintenant réduire les frontières bureaucratiques qui compliquent la vie quotidienne dans les zones frontalières. C’est pourquoi nous voterons en faveur de l’adoption de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylviane Noël. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis de l’examen de ce projet de loi autorisant l’approbation de deux accords-cadres de coopération sanitaire transfrontalière. La France a déjà conclu des accords de ce type avec d’autres pays, tels que l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique.
À l’ère de l’ultramobilité et de la dématérialisation des frontières, ces accords permettent des coopérations sanitaires transfrontalières aussi nécessaires qu’attendues, tant par les citoyens français que par les élus.
Je rappelle que, en 2018, l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale avait été repoussé au motif de mettre en place un groupe de travail au sein de la commission des affaires étrangères. Le sujet est important, mais il n’est pas nouveau. Il a donné lieu à des mobilisations sérieuses eu égard à des situations juridiques très complexes pour les ressortissants français.
Ce sont pas moins de 270 000 résidents français qui sont concernés par ces accords. Parmi eux, 93 000 Hauts-Savoyards franchissent la frontière chaque jour. Vous comprendrez ma pleine et entière implication sur ce sujet en tant que sénatrice de la Haute-Savoie.
Nonobstant le caractère international de ce texte, la prise en compte de la dimension territoriale de la problématique est indispensable. Je tiens à saluer le travail réalisé par notre collègue rapporteur René Danesi, issu lui aussi d’un territoire frontalier. Il a parfaitement abordé les enjeux et l’ancrage territorial de la coopération sanitaire transfrontalière. Le Sénat assume pleinement son rôle de défenseur des territoires, et je m’en félicite.
Cependant, ce matin, il ne s’agit pas de nous livrer à une analyse comparée des systèmes de santé et des moyens alloués par la France et ses voisins. Nous savons les différences de conditions d’exercice de la médecine de part et d’autre des frontières ; nous savons les problèmes d’attractivité et de fidélisation des personnes soignants liés à la cherté de la vie dans nos territoires ; nous savons qu’une offre de soins adaptée doit être développée. Nous n’avons pas manqué d’aborder ces sujets récemment, lors de l’examen du projet de loi Santé.
Par ailleurs, nous n’ignorons pas la réalité de la situation en Haute-Savoie. Je sais combien la démographie médicale représente un défi quotidien et une source de préoccupation majeure pour nos concitoyens.
La Haute-Savoie ne fait, hélas, pas exception en matière de pénurie de médecins généralistes et de personnels soignants. Aux contraintes montagnardes s’ajoutent les besoins inhérents au fort dynamisme touristique de ce département. La Haute-Savoie, ce sont en effet 650 000 lits touristiques et deux saisons pendant lesquelles il faut assurer la gestion, l’acheminement, l’accueil et les soins de malades et d’accidentés supplémentaires.
Je profite de cette occasion pour rendre un hommage appuyé à tous les professionnels engagés dans notre département : personnels soignants, sauveteurs, sapeurs-pompiers, gendarmes et policiers. Leur professionnalisme fait notre fierté !
Affichant le taux de croissance démographique le plus élevé de France – c’est une chance autant qu’un défi permanent –, la Haute-Savoie doit répondre aux besoins sanitaires de la population locale, qui gagne chaque année plus de 11 000 habitants, tout en étant capable de gérer les pics d’affluence touristique, été comme hiver, qui nécessitent la mise en œuvre de moyens spécifiques, cela, ne l’oublions pas, dans un contexte budgétaire des plus contraint pour les collectivités territoriales.
Cette situation nous oblige à la plus grande vigilance, à la prévision et à l’anticipation, ici et avec nos collègues députés. Notre responsabilité est d’instaurer le cadre juridique d’une coopération sanitaire permettant tant l’accès aux soins de qualité que la garantie du respect des droits des patients.
Notre responsabilité, ce matin, est de permettre l’adoption d’un cadre législatif cohérent et juste, évitant les écueils susceptibles d’être sources de contentieux judiciaires pour nos compatriotes.
Monsieur le rapporteur, en commission, vous avez annoncé le très prochain règlement des litiges à la suite de l’arrêt du 15 mars 2018 de la Cour de cassation. Les frontaliers français travaillant en Suisse devraient obtenir la restitution des cotisations sociales versées indûment. Cela va dans le sens de l’apaisement.
C’est dans cet esprit que je salue la négociation et l’adoption d’accords-cadres qui constitueront une réelle avancée et permettront une simplification des démarches.
Concrètement, l’accord-cadre avec la Suisse réglera la question du franchissement de la frontière, en vue de la facilitation de la circulation des services de secours. Tant pour les urgences que pour les soins programmés, c’est une excellente chose.
Sur le plan administratif, l’accord-cadre définit la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Savoie comme le seul référent pour les caisses de sécurité sociale suisses. Cet effort de rationalisation est notable, mais il faudra que des moyens d’information suffisants soient déployés pour que les spécificités relatives au droit local puissent être prises en compte.
Cet effort devra également s’accompagner d’une mobilisation et d’une intégration, à terme, des acteurs régionaux.
Enfin, cet accord-cadre a pour objectif ambitieux la mutualisation des savoir-faire, des moyens matériels et humains au bénéfice des patients.
Certes, des efforts resteront à accomplir, et je salue la mise en place de commissions mixtes de suivi prévue par cet accord. Je tiens d’ailleurs à préciser que je partage l’avis du rapporteur : ces commissions ne pourront rester composées uniquement de représentants d’autorités sanitaires. Elles devront être élargies à des acteurs locaux et à des professionnels directement intéressés par cette coopération transfrontalière particulière, dont la réussite reposera sur la proximité et le pragmatisme – deux impératifs pour répondre aux besoins de nos concitoyens. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Proximité et pragmatisme sont effectivement les mots d’ordre. Les différents orateurs ont évoqué, entre autres problématiques, l’attractivité, la double affiliation, la pénurie. Les zones frontalières n’échappent naturellement pas à un certain nombre de difficultés touchant nos territoires ruraux, périurbains ou même urbains et dont vous avez débattu il y a quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.
J’aurais souhaité pouvoir vous apporter des réponses très précises et complètes. Hélas, je ne le peux pas, parce que les directions concernées du ministère des solidarités et de la santé n’ont pas daigné venir ici ce matin. Je tenais à le dire publiquement pour que les choses soient bien claires : lorsque le Sénat délibère d’un projet de loi qui concerne la santé, il est de bon aloi que le ministère des solidarités et de la santé soit représenté !
M. Loïc Hervé. J’espère qu’ils ont les oreilles qui sifflent !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je vous incite ardemment, monsieur le rapporteur, à assurer le suivi de la mise en œuvre de la loi pour que le Parlement puisse vérifier qu’elle se déroule conformément aux attentes de nos concitoyens.
M. Loïc Hervé. Très bonne idée !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je ne verrais que des avantages à ce que vous convoquiez les personnes concernées afin qu’elles vous rendent des comptes. Cela me paraît de bonne politique.
Quoi qu’il en soit, j’ai entendu, à travers vos interventions, la voix du terrain. Sachez que je relaierai vos préoccupations auprès d’Agnès Buzyn. Je vous remercie de l’approbation unanime de ce texte qui semble se dessiner. Nous partageons une même ambition : que sa mise en œuvre soit exemplaire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à l’examen du texte de la commission.
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le gouvernement de la république française et le conseil fédéral suisse et de l’accord-cadre entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du grand-duché de luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière
Article 1er
Est autorisée l’approbation de l’accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse, signé à Paris le 27 septembre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.