compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

Secrétaires :

Mme Agnès Canayer,

M. Victorin Lurel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation  du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie portant application de l'accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l'Union européenne et la République d'Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier
Article unique (début)

Accord avec l’Arménie

Adoption en procédure d’examen simplifié et en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen d’un projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, tendant à autoriser l’approbation d’une convention internationale.

Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

projet de loi autorisant l’approbation du protocole entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république d’arménie portant application de l’accord signé à bruxelles le 19 avril 2013 entre l’union européenne et la république d’arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation  du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie portant application de l'accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l'Union européenne et la République d'Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Arménie portant application de l’accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l’Union européenne et la République d’Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (ensemble une annexe), signé à Paris le 27 octobre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Arménie portant application de l’accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l’Union européenne et la République d’Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (projet n° 523, texte de la commission n° 565, rapport n° 564).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation  du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie portant application de l'accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l'Union européenne et la République d'Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier
 

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Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière
Discussion générale (suite)

Accords avec la Suisse et le Luxembourg

Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière (projet n° 526, texte de la commission n° 567, rapport n° 566).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères. Les zones frontalières – certains parmi vous en sont des élus, mesdames, messieurs les sénateurs – constituent des espaces privilégiés pour le développement de la coopération entre États voisins et répondre de la manière la plus adéquate aux besoins de nos populations sur le terrain.

En favorisant la mobilité des patients et des professionnels de santé dans les régions frontalières, les coopérations développées en matière de santé visent à apporter un bénéfice concret et direct au citoyen, en lui permettant de profiter de soins de qualité au plus près de son lieu de résidence, que cela soit dans un contexte de secours d’urgence, de soins programmés ou encore de pathologies chroniques.

Dans la mesure où les soins médicaux sont une compétence nationale des États membres de l’Union européenne, des accords bilatéraux dans le domaine de la santé demeurent nécessaires, parallèlement aux dispositions européennes existantes, pour éliminer des obstacles à la circulation des patients et des professionnels.

De même, le développement des expériences de coopération entre établissements de santé, de part et d’autre de nos frontières, s’est accompagné de difficultés multiples : à titre d’exemple, on peut évoquer les barrières administratives liées aux différences d’organisation sanitaire de chaque État, ou encore les problèmes de prise en charge des patients. C’est donc pour remédier à un certain nombre de ces difficultés et mieux développer les synergies à la frontière, dans un souci d’optimisation de l’offre de soins, que la négociation d’accords-cadres de coopération sanitaire transfrontalière est nécessaire.

La coopération renforcée avec la Suisse et le Luxembourg, évoquée de longue date dans le cadre des instances de dialogue existantes – je citerai notamment le dialogue sur la coopération transfrontalière franco-suisse et la Commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière –, a abouti à la négociation de ces deux accords-cadres de coopération sanitaire transfrontalière dès 2014.

S’appuyant sur l’expérience acquise aux frontières belge, allemande et espagnole, et dans un souci de répondre à la demande des acteurs locaux, ces deux accords-cadres signés avec la Suisse et le Luxembourg ont été étudiés dans un objectif de complémentarité de l’offre de soins française, en tenant compte des besoins exprimés dans le cadre de la planification hospitalière et, en aucun cas, de concurrence.

L’accord-cadre avec la Suisse a été signé en septembre 2016, celui avec le Luxembourg en novembre 2016. Ces accords concernent les zones géographiques suivantes : pour l’accord-cadre signé avec la Suisse, la région Grand Est, la région Bourgogne-Franche-Comté, chère à mon cœur, la région Auvergne-Rhône-Alpes, les cantons frontaliers de Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Berne, Genève, Jura, Neuchâtel, Soleure, Valais et Vaud ; pour l’accord-cadre signé avec le Luxembourg, la zone frontalière entre la région Grand Est et le Grand-Duché de Luxembourg.

Ces deux accords ont trois objectifs principaux.

Il s’agit, premièrement, de permettre l’accès à des soins de qualité, tant en matière de soins d’urgence que de soins programmés ou liés à une pathologie chronique, tout comme la continuité de ces soins aux populations des bassins de vie concernés, qu’ils résident habituellement ou séjournent temporairement dans les régions frontalières visées par les accords-cadres.

Il s’agit, deuxièmement, d’organiser le remboursement des soins reçus sans autorisation préalable dans la région transfrontalière concernée, les soins hospitaliers étant déterminés en fonction des déficits et des besoins constatés de part et d’autre en matière d’offre de soins.

Il s’agit enfin, troisièmement, d’optimiser et d’organiser l’offre de soins en encourageant le partage des capacités telles que les ressources matérielles et humaines et en encourageant la mutualisation des connaissances et des pratiques entre les personnels de santé des deux pays.

Ces accords sont accompagnés de protocoles d’application qui en fixent les modalités de mise en œuvre, notamment les modalités d’intervention des professionnels de santé et des structures de soins, les modalités de prise en charge par un régime de sécurité sociale, la facturation et le paiement.

Les autorités compétentes concluent en outre des conventions locales de coopération entre les structures et les ressources sanitaires dans la zone frontalière, dans un souci de complémentarité, en fonction des déficits et des besoins constatés en matière d’offre de soins. Ces conventions cadrent les conditions et modalités d’intervention des structures de soins et des professionnels de santé. Elles pourront ainsi, par exemple, organiser l’intervention transfrontalière des secours d’urgence ou la coopération hospitalière sur certaines spécialités médicales en fonction des besoins et des déficits constatés sur la zone géographique concernée.

Enfin, pour assurer le suivi de ces accords-cadres et garantir leur bon fonctionnement, des commissions mixtes sont constituées. Elles se réunissent au minimum tous les deux ans et, en tant que de besoin, à la demande des parties. Les autorités compétentes sont chargées de produire tous les quatre ans un bilan ou rapport d’évaluation sur le fonctionnement du dispositif de coopération.

Telles sont les grandes lignes de ce projet de loi, que je tenais à vous présenter au nom du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Bernard Buis applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Danesi, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, entre 2005 et 2008, la France a conclu trois accords-cadres de coopération sanitaire transfrontalière avec l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne. Les deux accords-cadres que nous examinons aujourd’hui, signés avec la Suisse et le Luxembourg, sont de même nature et de facture similaire. Ils compléteront ainsi le tissu conventionnel en ce domaine avec deux autres pays frontaliers et définiront le cadre juridique de nos relations avec ces États voisins.

Les parlements suisse et luxembourgeois ont chacun adopté l’accord-cadre qui les concerne, respectivement en décembre 2017 et en juin 2018. À noter qu’aucun des neuf cantons suisses concernés n’a demandé une approbation par votation.

L’Assemblée nationale a, quant à elle, adopté ce projet de loi, à l’unanimité, le 23 mai dernier. Son examen au Sénat constitue donc la dernière étape avant la ratification des accords et leur entrée en vigueur.

Dans le domaine sanitaire, notre pays est déjà lié à la Suisse et au Luxembourg par des conventions de sécurité sociale, signées respectivement en 1975 et en 2005. S’agissant de la prise en charge des soins, les modalités applicables sont définies par les règlements européens relatifs à la coordination des régimes de sécurité sociale, qui s’appliquent également à la Suisse. Toutefois, les deux accords-cadres dont nous discutons ce matin vont beaucoup plus loin. Ils ont pour objectif de permettre aux assurés sociaux qui résident dans les régions frontalières d’être soignés au plus près de leur lieu de résidence, aussi bien dans leur pays que sur le territoire d’un État voisin. Ces accords concernent aussi toutes les personnes qui nécessitent des soins urgents et qui relèvent du règlement de coordination de l’Union européenne. Pour ce faire, les accords-cadres veulent favoriser la mobilité des professionnels de santé et des patients dans les régions frontalières et développer des coopérations qui leur sont directement profitables, tant en matière de secours d’urgence que de soins programmés. Il convient de souligner à ce titre que l’accord-cadre franco-suisse règle la question du franchissement de la frontière pour faciliter la circulation des services de secours.

Ces deux accords visent donc à définir le cadre juridique de la coopération sanitaire entre deux États voisins, ouvrant la voie à davantage de mutualisation des savoir-faire, des moyens matériels et, surtout, des moyens humains. Leur champ d’application territorial se limitera aux deux départements limitrophes du Luxembourg, à savoir la Moselle et la Meurthe-et-Moselle, et aux six départements limitrophes de la Suisse que sont le Haut-Rhin, le Territoire de Belfort, le Doubs, le Jura, l’Ain et la Haute-Savoie.

L’esprit de ces accords-cadres constitue une réelle avancée pour nos concitoyens frontaliers. Toutefois, ils ne dressent qu’un cadre général qui appelle l’adoption ultérieure d’accords d’application pour fixer les modalités de leur mise en œuvre. La conclusion de conventions locales de coopération entre les autorités sanitaires compétentes sera donc nécessaire pour assurer une complémentarité des offres de soins de part et autre de la frontière, suivant les besoins et les insuffisances préalablement identifiés.

M. Bruno Fuchs, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale et député de mon département du Haut-Rhin, a conduit un travail très approfondi sur la question, que je tiens à saluer, même si cela a retardé l’adoption du texte de plus d’un an… La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a en effet constitué un groupe de travail, qui a conduit deux déplacements en Suisse, à Bâle et à Genève, et a procédé à une vingtaine d’auditions – directeurs d’administration, directeurs d’hôpital, élus locaux et, bien entendu, associations de travailleurs frontaliers. En effet, 175 000 travailleurs frontaliers vont en Suisse et 95 000 au Luxembourg.

Le rapport de M. Fuchs, très complet sur le sujet, identifie les lacunes de ces textes trop généraux et établit une liste de recommandations destinées à assurer leur bonne application. Cette application bénéficiera en premier lieu aux travailleurs frontaliers qui sont déjà familiarisés avec le système sanitaire du pays voisin. Plusieurs de ces recommandations méritent d’être soulignées.

Premièrement, l’accord-cadre conclu avec la Suisse désigne la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Savoie comme seul « référent » des différentes caisses de sécurité sociale suisses. Or le département du Haut-Rhin bénéficie d’un régime de droit local alsacien-mosellan en matière de sécurité sociale dont les spécificités peuvent échapper à la CPAM de Haute-Savoie. Il serait donc préférable de désigner trois CPAM au titre de la partie française, c’est-à-dire une caisse, évidemment proche de la frontière, par région concernée – Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est.

Deuxièmement, un effort de communication doit être entrepris au bénéfice de l’ensemble des habitants des départements frontaliers, qu’ils travaillent ou non de l’autre côté de la frontière, pour les informer de leurs droits en matière d’accès aux soins transfrontaliers et d’affiliation. Je précise à cet égard que les litiges relatifs à l’affiliation des travailleurs français en Suisse sont résolus à la suite de l’arrêt du 15 mars 2018 de la Cour de cassation. En effet, les intéressés ont officiellement obtenu leur radiation du système de sécurité sociale français, ainsi que la restitution des cotisations sociales indûment versées.

Troisièmement, sur le plan administratif, les trois agences régionales de santé devront intégrer un volet transfrontalier à leur projet, ainsi que le prévoit déjà la loi. Cependant, il apparaît que ce n’est pas dans leur priorité. En effet, la mobilisation des acteurs institutionnels régionaux est indispensable pour proposer des réponses adaptées aux situations rencontrées par nos concitoyens des zones frontalières.

Quatrièmement, il faudra veiller à la participation de chacune des parties dans la construction d’une offre transfrontalière de soins, afin d’éviter toute concurrence entre établissements de soins ou professionnels de santé. À cet effet, l’analyse des ressources et des besoins de chaque bassin de vie devra intégrer la dimension transfrontalière pour aboutir à des diagnostics partagés, qui permettront à chaque État d’optimiser ses infrastructures, ses équipements et son personnel médical et paramédical. C’est là tout l’intérêt de ces accords-cadres ! Chaque résident frontalier aura alors accès à l’offre de soins la plus adaptée, au plus près de son domicile.

Enfin, cinquièmement, les accords-cadres prévoient la mise en place de commissions mixtes chargées de suivre leur application, composées uniquement de représentants des autorités sanitaires de chaque partie. Il m’apparaît toutefois indispensable d’élargir leur composition aux personnes directement confrontées aux enjeux sanitaires transfrontaliers, à savoir les usagers, les professionnels de santé et les élus locaux. Il s’agit d’éviter l’entre-soi entre administrations et caisses d’assurance maladie.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. René Danesi, rapporteur. Pour conclure, je dirais que ces deux accords-cadres devraient, à terme, apporter une réponse aux besoins des populations frontalières en matière d’offre de soins. L’adoption de dispositions complémentaires sera cependant nécessaire pour en fixer précisément les modalités et les contours, en tenant compte des recommandations que je viens d’évoquer.

À la lumière de ces observations, je préconise un vote favorable sur ce projet de loi, adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères et de la défense. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Bernard Cazeau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces accords-cadres ont déjà fait l’objet de nombreux débats au sein de notre chambre et de l’Assemblée nationale. Signés à la fin de 2016, ils avaient été discutés au Palais-Bourbon, une première fois, au début de 2018, mais avaient l’objet d’un renvoi, sur demande du rapporteur. En effet, ces accords étaient trop faibles et inapplicables sur le terrain, et il apparaissait essentiel que le législateur retravaille le document, ce qui exigeait une mission de six mois.

Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Les accords-cadres revus et adoptés par l’Assemblée nationale nous semblent, une nouvelle fois, trop faibles. En effet, on peut déjà regretter qu’une partie des recommandations de la mission d’information de la commission des affaires étrangères du Palais-Bourbon n’ait pas été reprise, notamment en ce qui concerne l’adaptation par la Suisse de l’accord régissant la désignation des caisses primaires d’assurance maladie de référence. Nous savons qu’un accord-cadre n’est pas exhaustif ; il ne fait qu’ouvrir un champ des possibles. Toutefois, la méthode interroge, car elle risque de renvoyer aux calendes grecques les deux défis de la coopération sanitaire transfrontalière.

La première épreuve, c’est celle de la carte de l’offre de soins. La France paie aujourd’hui sa politique d’austérité en matière de soins, et elle le fait encore plus fortement dans les zones frontalières. Car il ne faut pas minimiser le phénomène d’exode des personnels de santé vers la Suisse, où les conditions de travail et de rémunération sont bien supérieures à ce qu’ils trouvent en France. Ainsi, on se retrouve dans la situation où 35 % des personnels diplômés des hôpitaux universitaires de Genève ont fait leurs études en France, quand les centres hospitaliers d’Annecy-Genevois et Alpes-Léman ont un taux de vacance de poste élevé et un turnover des effectifs aux alentours de 23 %.

M. Guillaume Gontard. Ce taux monte même à 103 % pour la spécialité technique « bloc opératoire » d’Annecy-Genevois !

Dans le privé, la situation n’est pas meilleure, puisque 75 % des infirmiers libéraux dans le canton de Genève sont français.

M. Guillaume Gontard. Ces chiffres ne sont guère étonnants quand on voit les conditions d’exercice aujourd’hui dans notre pays.

Par ailleurs, le « panorama de la santé 2017 » de l’OCDE a de nouveau pointé du doigt le fait que la France soit le quatrième pays proposant les salaires les plus faibles à ses personnels paramédicaux, juste derrière la Lettonie, la Hongrie et la Finlande. Pour donner un ordre d’idée, le rapport est du simple au double entre les rémunérations perçues au Luxembourg et en France, avec des conditions d’emplois bien meilleures dans le Grand-Duché.

Au final, ce sont les patients qui pâtissent le plus de cette situation, et c’est ici la deuxième épreuve. Car il ne faut pas omettre non plus le fait que, si de nombreux Luxembourgeois et Suisses viennent se soigner en France, c’est bien parce que les soins médicaux sont plus abordables financièrement. Pour donner un ordre d’idées, il faut compter 60 euros au Luxembourg pour une consultation chez un médecin généraliste, remboursée par la Caisse nationale de santé au Luxembourg à hauteur de 70 %. Considérer que le maintien d’une offre côté français du territoire n’est pas essentiel au vu de la proximité des établissements suisses ou luxembourgeois revient donc à omettre qu’une partie des patients n’est pas mobile, ou qu’elle n’a tout simplement pas les moyens financiers.

Au regard des coûts médicaux induits, il est d’autant plus regrettable que le Gouvernement, sauf erreur de ma part, n’ait pas pris un engagement ferme sur les nombreux litiges concernant les doubles affiliations. Pourtant, la Cour de cassation a été très claire dans son arrêt du 5 mars 2018 : la liberté d’affiliation offerte aux transfrontaliers oblige la sécurité sociale à accepter la radiation d’un résident français travaillant en Suisse et affilié d’office au régime suisse. Notre rapporteur a annoncé que les personnes concernées par une action en justice ont pu voir leur radiation effective et leurs cotisations sociales restituées. Toutefois, de nombreuses personnes continuent de cotiser doublement, faute d’informations suffisantes. À ce titre, les associations de travailleurs frontaliers sont des ressources précieuses, mais elles ne peuvent pas éternellement prendre le relais du ministère, même avec l’implication des élus locaux.

Je l’ai dit en préambule, ces accords-cadres nous semblent une nouvelle fois trop faibles au regard des enjeux. Toutefois, il faut leur reconnaître le mérite de poser la première pierre à l’édifice. C’est pour cela que notre groupe les votera. En effet, si ces accords-cadres ne répondent pas directement à ces deux défis, ils ont le mérite de permettre le développement de conventions locales, par ailleurs déjà existantes dans d’autres domaines au niveau des établissements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste a souhaité qu’un débat en procédure normale ait lieu sur ces accords-cadres de coopération sanitaire transfrontalière.

Ces derniers ont fait l’objet d’une étude approfondie de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, car un accord-cadre, s’il fixe les grands principes, nécessite la conclusion de conventions locales pouvant répondre au mieux aux besoins des personnes résidant dans les régions frontalières avec la Suisse et le Luxembourg.

C’est bien parce que des directives ne font pas de mesures concrètes que le Parlement est en droit d’obtenir des éclaircissements sur leurs conséquences. Le rapport de l’Assemblée nationale est exhaustif sur ces accords, et les recommandations formulées de bon sens. Beaucoup a été dit sur l’intérêt de développer les coopérations transfrontalières. Je me contenterai ici d’insister sur quelques points.

Le premier va dans le sens de l’intérêt de la conclusion de tels accords. Il se trouve que nous avons déjà une expérience de longue date en Moselle, plus particulièrement en Lorraine, de ces conventions locales conclues sur la base d’accords-cadres passés dès 2005, notamment avec la Belgique.

À cela s’ajoute la convention sanitaire Mosar, signée mercredi dernier à Forbach par les partenaires franco-allemands.

Elle va permettre de développer un peu plus la coopération entre les établissements de Sarre et de Moselle-Est.

Cependant, c’est bien le travail au plus près des difficultés et des situations concrètes qui a permis de résoudre des cas complexes, par la mise en place de systèmes ad hoc de coopération entre établissements médicaux frontaliers au plus près des besoins des patients, qui fonctionnent aujourd’hui très bien.

À l’échelon des zones frontalières lorraine – Meurthe-et-Moselle – et belge – province de Luxembourg –, une coopération renforcée a été mise en œuvre entre deux établissements par le biais de conventions et d’une zone organisée d’accès aux soins transfrontaliers, une ZOAST. Les ZOAST sont des zones géographiques au sein desquelles les populations ont librement accès aux soins des deux côtés de la frontière.

L’originalité de cette ZOAST repose sur les modalités de facturation de la prise en charge. Les procédures administratives sont ainsi simplifiées pour les patients français grâce à l’utilisation de la carte Vitale française via des bornes installées dans l’établissement belge, avec transmission des éléments à la CPAM française. Pour les patients belges, une procédure identique est appliquée sur présentation de la vignette de mutuelle.

Autre exemple, la ZOAST dite d’Arlon-Longwy, créée en 2008, permet aux patients de la zone frontalière de recevoir des soins au sein des deux établissements hospitaliers sans démarche préalable. Lorsque l’établissement français a connu des difficultés financières et structurelles en raison de la désertification médicale du bassin de Longwy, l’établissement belge est venu renforcer l’équipe médicale française dans nombre de spécialités.

On peut également citer la création d’un groupement d’intérêt économique dit des « trois frontières », qui permet aux radiologues des établissements belges de bénéficier des infrastructures d’imagerie médicale de l’établissement français situé à proximité.

Notre inquiétude, dans un contexte de rationalisation et de régionalisation plus poussées, est donc plutôt aujourd’hui que la mise en œuvre de ces accords ne soit pas en phase avec des problématiques très locales.

La construction d’une offre transfrontalière de soins paraît, dans le principe, un objectif louable, si cela permet aux frontaliers d’avoir accès à des soins à dix kilomètres de chez eux de l’autre côté de la frontière plutôt qu’à soixante-dix kilomètres dans leur propre pays.

Ce qui peut poser une difficulté, c’est ce que l’on met derrière l’objectif d’éviter toute concurrence entre les établissements de soins ou entre professionnels de santé, ou l’organisation de diagnostics qui permettrait à chaque État d’optimiser l’utilisation de ses infrastructures, de ses équipements et de son personnel médical et paramédical. En effet, ces diagnostics pourraient entraîner la disparition de certains établissements de soins. Cette inquiétude n’est pas sans lien avec les débats qui ont eu lieu dans le cadre de l’examen du projet de loi Santé. Les hôpitaux seront organisés en trois grades, selon les offres qu’ils pourront proposer. Dans le cas des régions transfrontalières, la labellisation interviendra-t-elle avant ou après la définition de l’offre de soins transfrontalière ? Est-ce en fonction de cette offre que certains hôpitaux en France seront classés de grade 3 ou de grade 1 ? Un hôpital français pourra-t-il perdre un grade parce qu’un hôpital situé de l’autre côté de la frontière sera considéré comme de grade 3 et ne pourra fournir qu’une offre de soins limitée ? Quelle garantie sera donnée en matière de continuité des soins et de prise en charge des urgences vitales ? Comment cette démarche vient-elle s’insérer, alors que nos territoires se vident de leurs médecins ?

En réalité, je crains que l’optimisation des infrastructures ne conduise inévitablement à la disparition de certaines d’entre elles. Elle ne doit pas non plus conduire à ce que les territoires se vident de leurs personnels les plus compétents, qui pourraient être attirés, notamment, par des salaires beaucoup plus élevés de l’autre côté de la frontière.

Les commissions mixtes chargées du suivi de la mise en œuvre de ces deux accords, tout comme les agences régionales de santé, devront être particulièrement vigilantes sur ce point, d’autant que, nous le savons tous, comme dans le cas de tous les services publics et régaliens, c’est la dynamique d’un territoire qui peut être touchée par une réorganisation des offres de soins. Il faudra également s’interroger sur les bons niveaux de décision.

Je souhaiterais enfin revenir sur la problématique de l’affiliation au régime de sécurité sociale dans le cas de l’accord passé avec la Suisse, pays non membre de l’Union européenne qui ne peut souscrire aux règles européennes sur les prestations de santé transfrontalières. Cette question mérite une clarification rapide, notamment dans le cadre d’un accord qui valorise la notion de résident. Il faut savoir que 270 000 travailleurs frontaliers pourraient être concernés.

Le principe de primauté de l’affiliation dans le pays d’emploi, finalement fixé par la Cour de cassation le 15 mars 2018, pourrait causer en réalité d’autres difficultés si les travailleurs français cotisent au régime suisse, mais se font soigner en France. Cet arrêt risque-t-il de contraindre le cadre de négociation ? Si ce principe prévaut, je pense que la mise en œuvre de l’accord franco-suisse risque de connaître quelques difficultés. Le développement d’une coopération qui devra concilier des systèmes, une répartition des compétences et des coûts en matière de santé très différents pourrait même être freiné.

Nous devrons ainsi être particulièrement vigilants lors de la mise en œuvre de ces accords de coopération. Il serait souhaitable que des rapports d’étape puissent être transmis aux commissions compétentes des deux assemblées afin de suivre au plus près la conclusion des conventions locales et les difficultés qui pourraient être rencontrées.

Quoi qu’il en soit, le groupe socialiste et républicain est favorable au renforcement de la coopération transfrontalière, indispensable au développement de nos territoires, et votera en faveur de l’approbation de ces accords-cadres.